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À propos de l’exclusion abusive de l’associé membre d’une société d’avocats

À propos de l’exclusion abusive de l’associé membre d’une société d’avocats

Cet arrêt de cassation a beau avoir été rendu à propos d’une société d’avocats, la solution – de principe – qu’il pose intéresse l’ensemble des sociétés, quels que soient leur domaine d’activité et leur forme. Les faits méritent d’être rappelés. Un avocat associé au sein de la société d’avocats était en arrêt maladie depuis le 6 février 2013, lorsque, le 29 août, il a informé celle-ci de son intention de quitter le cabinet. Puis lui a adressé, le 1er octobre 2013, sa démission à effet au 31 décembre suivant. Une assemblée générale extraordinaire a alors été convoquée au titre de cette démission sur laquelle elle n’a pas statué. Puis, par délibération du 25 novembre 2013, la société d’avocats a prononcé l’exclusion de son associé démissionnaire, en application de l’article 11 des statuts, au titre d’une incapacité d’exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d’une période totale de douze mois. Il faut avoir à l’esprit que la démission d’un avocat associé de la société dont il est membre ne lui retire pas la qualité d’associé. D’où le prononcé de son exclusion par l’assemblée générale.

L’avocat a d’abord saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris d’une demande d’arbitrage portant sur des rappels de rétrocession d’honoraires depuis 2008 et l’octroi de dommages-intérêts. Nous ne savons rien du sort de sa demande concernant les honoraires, en revanche, ce qui est certain est que sa demande d’indemnisation – à hauteur tout de même de 700 000 € – est rejetée, faute de preuve. La Cour de cassation, se réfugiant derrière le pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond, considère que « la réalité d’un comportement fautif des dirigeants de la société d’avocats, à l’origine du syndrome d’épuisement professionnel dont [l’avocat] avait été victime en février 2013, n’était pas démontrée ». Cela n’appelle guère de commentaire.

C’est davantage la réponse à la seconde question posée à la Cour de cassation – via le premier moyen du pourvoi – qui mérite l’attention. La cour d’appel de Paris a rejeté la demande de l’avocat en annulation de la résolution n° 1 votée par l’assemblée générale le 25 novembre 2013 ayant prononcé son exclusion de la société d’avocats. Or, pour la Cour de cassation, qui censure l’arrêt d’appel, « il résulte [de l’article 1844-10, alinéa 3, du code civil] que la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ». La cour d’appel avait pour sa part considéré que, si cette délibération était abusive, cela ne justifiait pas son annulation, tout au plus l’allocation de dommages-intérêts si le demandeur parvenait à démontrer que cette exclusion lui avait causé un préjudice. Un tel préjudice paraît au passage évident ; il s’analyse au minimum en la perte de chance de percevoir des dividendes.

Rappelons que l’article 1844-10 du code civil « constitue la pièce centrale de la théorie des nullités des sociétés » (A. Lienhard, obs. ss art. préc., C. sociétés., Dalloz 2021, p. 137). Selon le troisième alinéa de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi PACTE du 22 mai 2019 (mais la solution serait de toute façon inchangée si cette loi avait été applicable à l’époque des faits) : « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ».

La Cour de cassation considère que la cour d’appel de Paris a violé les articles 1832, 1833 et 1844-10, alinéa 3, du code civil. On a peine à comprendre le visa des deux premiers articles. Faut-il considérer qu’il y a eu abus de majorité, que l’on rattache habituellement à l’article 1833 du code civil, et qui, il est vrai, est sanctionné par la nullité de la délibération litigieuse (v. en part. Com. 6 juin 1990, n° 88-19.420 P, D. 1992. 56 image, note J.-Y. Choley-Combe image ; Rev. sociétés 1990. 606, note Y. Chartier image ; RTD com. 1990. 592, obs. Y. Reinhard image ; BJS 1990. 782, note P. Le Cannu ; Com. 1er juill. 2003, n° 99-19.328, Rev. sociétés 2004. 337, note B. Lecourt image) ? Manquement à l’affectio societatis (pour expliquer le visa de l’art. 1832) ? À l’intérêt commun des associés ? Peu importe, à la vérité : pour la Cour de cassation, il était simplement nécessaire, pour prononcer la nullité, de pouvoir rattacher le manquement à la violation d’une « disposition impérative du présent titre ».

Il est enfin permis de se demander s’il n’était pas plus pertinent, pour la Cour de cassation, de retenir le visa de l’article 1134 (devenu 1103) du code civil relatif à la force obligatoire des contrats. Appliqué au droit des sociétés, ce texte postule le droit intangible de tout associé de demeurer au sein de la société (v. en ce sens Com. 4 déc. 2019, n° 17-31.094, à propos de l’exclusion du membre d’une association, D. 2019. 2418 image ; ibid. 2020. 2033, obs. E. Lamazerolles et A. Rabreau image ; JA 2020, n° 612, p. 3, édito. B. Clavagnier image ; ibid., n° 612, p. 10, obs. X. Delpech image ; ibid., n° 615, p. 34, étude P. Viudès image ; Rev. sociétés 2020. 304, note M. Rakotovahiny image). Il veut également dire que, sauf si les statuts le prévoient et hormis le cas où la loi l’envisage (par ex. l’hypothèse du retrait obligatoire dans les sociétés cotées ; v. C. mon. fin., art. L. 433-4, II, 1, et RG AMF, art. 237-1), il n’est pas possible d’exclure un associé de la société dont il est membre. En réalité, c’est à dessein. La haute juridiction paraît même tourner le dos de manière délibérée à cette solution et concevoir que, même dans le silence de la loi ou des statuts, l’assemblée générale a la faculté d’exclure un associé, dès lors que sa décision n’est pas entachée d’abus. Reste à savoir ce qu’il faut entendre par abus dans la décision prise par une assemblée générale. Cela est d’autant plus difficile que les faits de l’espèce ne nous fournissent aucune indication. Cela pourrait être, par exemple, on l’imagine, le défaut de respect du contradictoire ou encore le bref délai entre la date de la convocation et celle de la tenue de l’assemblée générale qui s’est prononcée sur l’exclusion de l’associé.

Auteur d'origine: Delpech
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Invité
mardi 23 avril 2024

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