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Assistance éducative : obligation d’auditionner le mineur ou de justifier son absence de discernement

Assistance éducative : obligation d’auditionner le mineur ou de justifier son absence de discernement

L’action en justice est le droit d’être entendu par le juge. Derrière la formule abstraite de l’article 30 du code de procédure civile pour définir le droit d’agir, il y a l’élément le plus concret et le plus fondamental du procès : celui de pouvoir prendre la parole et parler à un juge. C’est la dimension démocratique de la procédure, celle de permettre à chacun de saisir une autorité judiciaire pour exposer son problème et recevoir une réponse juridiquement fondée, revêtue de l’autorité, puis de la force, de chose jugée. Ces principes sont d’autant plus impérieux que le justiciable est un enfant de 8 ans qui devient l’objet d’un litige causé par des tensions familiales, alors même que sa mère est décédée. Après son placement décidé par le juge des enfants à la suite d’un signalement, la grande tante maternelle de l’enfant saisit celui-ci pour obtenir un droit de visite et d’hébergement. Manifestement, il existe un conflit, sans doute très ancien, entre les grands-parents de la branche maternelle et paternelle. Ainsi, le grand-père paternel avait indiqué qu’il se désintéresserait de l’enfant si sa grande tante obtenait un droit de visite et d’hébergement. Afin de préserver l’enfant de ces débats, le juge des enfants avait décidé qu’il n’était pas de son intérêt d’être entendu. La demande de la grande tante est donc rejetée. La décision du juge des enfants est confirmée en appel. Un pourvoi est alors formé par la grande tante pour se plaindre du fait que l’enfant n’avait pas été auditionné, ni par le juge des enfants ni par les juges d’appel. La Cour de cassation reçoit la critique et casse l’arrêt au visa des articles 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du code de procédure civile : soit l’enfant est entendu et, s’il ne l’est pas, le juge doit en motiver les raisons, à savoir son absence de discernement.

La place du mineur dans les contentieux familiaux le concernant est doublement problématique. En premier lieu, le mineur se trouve au centre du conflit né de la séparation du couple parental. Dans ce cas, l’intérêt supérieur de l’enfant impose de le tenir à l’écart de ce conflit, tout en lui permettant de s’exprimer. En second lieu, dans le conflit entre l’État et les parents qui maltraitent l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant vise à assurer sa protection. Il n’en demeure pas moins que dans les deux cas, l’incapacité juridique du mineur et le fait qu’il est l’objet direct ou indirect d’un litige soulève des questions complexes pour exprimer en règles de procédure cette défense de l’intérêt de l’enfant. Pour ce faire, l’article 388-1 du code civil pose une règle générale, assortie d’une condition, et un principe. La règle générale est le droit pour le mineur d’être entendu dans toute procédure le concernant. La condition est qu’il soit capable de discernement et le principe est que son audition ne lui confère pas la qualité de partie à l’instance. Le droit procédural permet ainsi de mettre en œuvre le droit pour l’enfant d’être entendu par le juge tout en révélant sa nature dans le cadre d’un procès. En effet, il s’agit d’une mesure d’instruction particulière pour assurer la meilleure application qu’il est possible de l’intérêt supérieur de l’enfant. N’étant pas partie, aucune demande de sa part ne peut être formulée, sauf celle d’être auditionné. Le mineur participe à la procédure qui le concerne, il a une qualité à être présent pour prendre part à la procédure, mais il n’a pas d’intérêt à agir car il reste un incapable. La parole de l’enfant reçue sous la forme de son audition se trouve ainsi enchâssée dans le déroulement de procédures déjà longues et complexes (RGDP 1999. 676, obs. A. Goutttenoire-Cornut). Il en ressort une série de difficultés dont l’arrêt commenté est une bonne illustration.

Introduite par la loi du 8 janvier 1993 et renforcée par la loi du 5 mars 2007, l’audition de l’enfant fait l’objet d’une procédure minutieusement organisée aux articles 338-1 à 338-12 du code de procédure civile. En matière d’assistance éducative où l’enfant doit être protégé contre ses parents, la procédure d’audition est fixée par les articles 1181 à 1196 du code de procédure civile. Dans les contentieux de la séparation des parents, ceux-ci se battent autour d’un droit de garde, de visite et d’hébergement. Ces demandes sont parfois perçues par le juge comme des stratégies judiciaires faisant prévaloir des intérêts égoïstes, sans parler du ralentissement de la procédure. Pourtant, le législateur a consacré dans les tous les contentieux le concernant le droit pour le mineur d’être entendu. À l’instar de l’expertise biologique, la demande d’audition par le mineur doté de discernement est une mesure d’instruction de droit. C’est ainsi qu’au cours de ces dernières années, l’audition judiciaire de l’enfant s’est banalisée. Il faut toutefois vérifier que l’enfant soit capable de discernement, notion qui reste le seul verrou permettant au juge de s’épargner l’audition du mineur, lorsque cela ne lui apparaît pas pertinent pour prendre sa décision. La dimension probatoire affleure avec l’idée de la crédibilité de la parole de l’enfant et le juge n’a pas tous les outils pour décrypter le verbe de l’enfant. C’est pourquoi les conditions dans lesquelles se déroule cette audition en font une mesure d’instruction particulière qui n’entre pas dans les catégories prévues par le code de procédure civile. En effet, il est rare que le juge entende directement l’enfant. Les sentiments de celui-ci sont en général recueillis par un avocat spécialisé. De là, il existe des pratiques variées dans la forme et le contenu du procès-verbal d’audition. De même, cette mesure d’instruction n’a pas pour objet d’éclairer le juge sur un élément de fait soumis au débat contradictoire. Sinon, ce serait faire de cette audition un enjeu entre les parties qui s’opposent et l’enfant serait aspiré dans la spirale infernale des contentieux hyperconflictuels. L’enfant ne doit pas devenir responsable de la décision qui sera prononcée par le juge. Pour autant, la Cour de cassation exige que le juge rende compte les sentiments exprimés par l’enfant dans sa décision, sachant que cette audition ne peut servir de fondement à sa décision (Civ. 2e, 10 juin 1998, n° 97-20.905). Rendre compte n’est pas prendre en compte. L’office du juge est d’une rare difficulté.

En effet, en tant que condition pour être entendu en justice, le standard juridique du discernement s’imbrique dans un autre standard, celui de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces deux notions relevant de l’appréciation souveraine du juge saisi. Ces standards figurent parmi les « notions magiques  » qui sont indispensables pour rendre justice face aux cas les plus divers (J. Carbonnier). Elle est en outre transversale puisqu’on la retrouve dans tout le droit des mineurs, y compris en matière de responsabilité pénale. Elle est en revanche exclue en matière de responsabilité civile. La souplesse de la notion l’oppose au critère tiré de l’âge que l’on trouve pour le consentement de l’enfant à son adoption ou à son changement de nom, soit le seuil de treize ans. On retrouve l’antique notion d’infans dont les Romains se servaient pour qualifier l’incapacité d’exercice de l’enfant. Aujourd’hui, son contenu est fixé par les psychologues de l’enfance, Piaget en tête. L’âge civil ne correspond pas toujours avec l’âge mental. Le raisonnement formel, logique et déductif, c’est-à-dire séparé de la vision seulement matérielle des choses, est rare avant 7 ans. À cet âge, on peut raisonnablement douter du libre arbitre de l’enfant. C’est vers 10-11 ans que l’enfant accède au raisonnement lui permettant de concevoir les conséquences de ses préférences et des rapports avec autrui. L’enfant prend alors conscience qu’il pense et peut commencer à orienter sa vie par ses choix ; il est capable de comprendre la relativité des situations dans lesquelles il se trouve. Cette volonté consciente peut alors être interrogée pour apporter au juge les éléments qui permettent de sauvegarder son intérêt supérieur. Il n’en demeure pas moins que la tâche est immense pour le juge, ce qui pourrait l’inciter à l’éviter le plus possible. C’est cette dérive que les juges du droit ne veulent pas voir se développer. En l’espèce, le mineur n’avait pas été entendu, ni par le juge des enfants ni par les juges d’appel. Or ils en ont l’obligation si le mineur le demande. Si la demande d’audition émane d’un tiers, comme en l’espèce, alors il appartient au juge de circonstancier les raisons de refuser l’audition, comme le prévoit l’article 338-4 du code de procédure civile.

Par-delà son allure disciplinaire, la décision commentée laisse quelques questions sans réponse derrière elle. Parmi ces questions, deux méritent d’être posées. La première vient de l’ambiguïté de la voie indiquée par les juges du quai de l’Horloge. Le mode d’emploi livré aux juges du fond n’est pas très clair pour les praticiens. En l’absence d’une demande émanant du mineur, l’office du juge en matière d’assistance éducative est-il d’ordre public ou bien sa mise en œuvre dépend d’une demande d’un tiers intéressé ? Un arrêt de la Cour de cassation assez ancien semble balancer vers la première solution (Civ. 1re, 25 juin 1991, n° 90-05.006). De même, la lettre du texte de l’article 1184, alinéa 2, du code de procédure civile, qui reprend la condition du discernement, milite en ce sens. C’est donc un recul de la liberté du juge d’apprécier si l’audition de l’enfant est nécessaire ou non à sa prise de décision, s’il doit ou non provoquer cette audition. Cela suppose que le juge des enfants doive d’office vérifier le discernement de l’enfant pour savoir s’il doit l’entendre. En visant l’article 1193 du code de procédure civile, la Cour de cassation indique aussi qu’en cas d’appel, cette audition doit être provoquée si elle n’a pas eu lieu devant le juge des enfants. Cela oblige les parties qui n’ont pas obtenu cette audition à faire appel, ce qui devrait mécaniquement donner lieu à l’audition, sous réserve de l’appréciation du discernement du mineur. L’autre question tient à la portée de la décision commentée. Quelle peut être son incidence sur les procédures devant le juge aux affaires familiales ? La notion de discernement varie-t-elle selon les contentieux en cause ? Autour de ces deux questions rôde la nature exacte de l’audition du mineur. Progressivement introduit en droit français sous la pression de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant (CIDE), le statut judiciaire du mineur est devenu très complexe tant les intérêts à protéger sont nombreux. L’intérêt supérieur de l’enfant, c’est avant tout une somme d’intérêts. Le discernement, c’est la conscience de l’enfant de ces intérêts. Après, que valent ces belles définitions dans des procédures où l’enfant sera plus ou moins traumatisé ? Pour lui permettre à la fois d’exercer ses droits en tant que sujet de droit et comme objet de la réalisation des droits de ses parents ou des devoirs de l’État qui décident de son avenir, le droit positif tente de tenir la corde par les deux bouts. D’un côté, il faut éviter la banalisation de l’audition de l’enfant pour les tenir éloignés des lieux de justice, ces lieux du malheur humain, pour reprendre la formule de Robert Badinter. D’un autre côté, il faut entendre les enfants dotés de discernement grâce aux procédures qui se sont petit à petit hissées au rang de principe directeur dans les contentieux qui les concernent. Entre les droits fondamentaux et les exigences concrètes, les règles de procédure impulsent un mouvement vers un véritable statut judiciaire du mineur pour préserver la plus grande richesse de notre société : l’avenir de nos enfants.

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samedi 20 avril 2024

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