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Autorité parentale : le JAF est compétent, même en l’absence de désaccord…

Autorité parentale : le JAF est compétent, même en l’absence de désaccord…

L’avis rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 septembre 2020 (avis n° 15005, n° 20-70.002) intriguera le lecteur par le caractère inhabituel de la démarche des parents qui aboutit à une demande d’avis dont la recevabilité n’allait pas de soi… et qui sera pourtant accueillie par la Haute juridiction !

Nous avons peu d’éléments concernant les faits de cette affaire. On comprend néanmoins que, lors de sa déclaration de naissance, un enfant n’avait qu’un lien de filiation maternelle et que, par la suite, un second lien de filiation à été établi à l’égard de son père, selon toute vraisemblance, par le biais d’une reconnaissance. Il semble par ailleurs acquis que ce lien n’a été établi que plus d’un an après la naissance de l’enfant, ce qui a eu pour conséquence, conformément à l’article 372, alinéa 2, du code civil, que la mère a conservé l’exercice unilatéral de l’autorité parentale sur cet enfant. L’histoire se finissant bien, les parents se sont ensuite mariés et ont souhaité tous deux exercer en commun l’autorité parentale. C’est ici que l’affaire prend un tour particulier. En cas d’établissement tardif (c’est-à-dire au-delà d’un an après la naissance de l’enfant) du second lien de filiation, l’article 372, alinéa 3, du code civil permet aux parents de faire une déclaration conjointe d’exercice en commun de l’autorité parentale auprès du greffe du tribunal judiciaire. Or ici les parents ont manifestement préféré saisir le juge aux affaires familiales à cette fin alors même qu’ils étaient d’accord sur le principe de cet exercice en commun. Le pouvaient-ils ? Avant cela, la lecture des questions suggère même qu’ils auraient tenté d’invoquer un potentiel effet de plein droit du mariage sur l’exercice de l’autorité parentale. Un tel effet existe-t-il ?

Les questions posées par le tribunal à la Cour de cassation étaient ainsi les suivantes :

d’une part : « Le mariage des parents d’un enfant qui n’a été reconnu par l’un d’entre eux qu’après expiration du délai d’un an prévu à l’article 372 du code civil confère-t-il de plein droit à celui-ci l’exercice de l’autorité parentale, en commun avec l’autre parent qui l’exerce déjà ? ».
  d’autre part : « Dans la négative, entre-t-il dans l’office du juge aux affaires familiales, saisi conjointement par les deux parents en l’absence de tout litige entre eux, de se prononcer sur l’exercice en commun de l’autorité parentale alors que leur volonté commune peut être recueillie, en vue du même effet, par déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe du tribunal judiciaire ? ».

Dans les deux cas, la Cour de cassation a jugé les demandes d’avis recevables au motif que ces questions de droit étaient nouvelles, présentaient une difficulté sérieuse et étaient susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. On nous permettra respectueusement de douter de l’appréciation de l’ensemble de ces critères par la Cour mais la Haute juridiction ayant choisi de s’emparer de ces questions, il convient de revenir sur chacun des aspects de l’avis rendu.

Concernant l’éventuel effet automatique du mariage sur l’exercice de l’autorité parentale, la Cour de cassation répond que depuis la réforme de 2005 (Ord. n° 2005-759 du 4 juill. 2005 portant réforme de la filiation), qui a supprimé la légitimation par mariage, « aucune disposition du code civil ne prévoit que le mariage puisse avoir un effet sur la dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ». Il aurait été plus juste encore de rappeler que dès la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale), qui a supprimé les distinctions entre enfants « légitime » et « naturel », les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale étaient totalement déconnectées du « statut » du couple parental. La Cour de cassation retient d’ailleurs in fine « qu’en présence d’une filiation établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance de l’enfant alors que la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, l’exercice en commun de l’autorité parentale par les deux parents ne peut résulter que d’une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires ou d’une décision du juge aux affaires familiales » (ce qui est prévu depuis 2002 par l’art. 372 c. civ.), « sans que le mariage des parents, après la naissance de l’enfant, puisse emporter de plein droit un exercice en commun de l’autorité parentale ».

La question semble donc entendue depuis une quinzaine d’années et on peut ainsi se demander en quoi la difficulté est sérieuse, à moins de vouloir sérieusement (re)discuter de la disparition de la « famille légitime » en tant que critère d’attribution de l’exercice de l’autorité parentale… Quant au fait que la question soit susceptible de se poser dans de nombreux litiges, là encore, on s’étonne. Certes, environ 61 % des enfants nés en 2019 sont nés de parents non mariés (INSEE, Chiffres-clés, paru le 14 janv. 2020) et, certes, un certain nombre de couples se marient après avoir eu leur premier enfant (voire les suivants). Mais on sait aussi que dans l’immense majorité des cas, ces enfants sont reconnus par leur père à la naissance (84 % en 2017, selon l’INSEE ; INSEE FOCUS, N° 124, paru le 4 sept. 2018). Ainsi, il est sans doute assez rare de rencontrer un établissement tardif du second lien de filiation suivi d’un mariage, sauf peut-être en cas de reconnaissance de complaisance de l’enfant du futur conjoint. Surtout, si les parents souhaitent tous les deux exercer en commun l’autorité parentale, le Code civil, par le biais de la déclaration conjointe, leur a offert un moyen moins contraignant que le mariage pour y parvenir sans avoir à saisir le juge. Enfin, sans y être obligé du moins. C’était tout l’enjeu de la seconde question…

Concernant la possibilité de recourir au juge aux affaires familiales pour décider d’un exercice en commun de l’autorité parentale en cas d’établissement tardif d’un second lien de filiation (ou en cas d’établissement judiciaire, autre hypothèse visée par l’art. 372, al. 2, c. civ.) alors même que les parents sont d’accord sur une telle modalité, on peine là aussi à voir les « nombreux litiges » susceptibles d’être concernés. Du reste, depuis plus de quinze ans que les règles précitées existent, on ne croit pas savoir que la situation se soit beaucoup présentée ni que la question ait été particulièrement posée en ces termes. Néanmoins, nous voulons bien admettre qu’il y a un intérêt au moins théorique à répondre à la question.

La compétence de principe du juge aux affaires familiales en matière d’autorité parentale ne fait aucun doute : elle est affirmée à la fois par les articles du code civil (art. 373-2-6 s.) et par ceux du code de l’organisation judiciaire (spéc. art. L. 213-3).

En outre, le fait qu’il existe un accord entre les parents n’est pas incompatible avec l’intervention du juge dans ce domaine.

Tout d’abord, l’accord peut n’être que « partiel » : les parents sont d’accord sur le principe de l’exercice en commun de l’autorité parentale mais pas sur sa mise en œuvre – c’est le cas de nombreux parents en cours de séparation ou séparés – ce qui justifie pleinement que le juge puisse être saisi pour trancher le litige et imposer les mesures qui lui paraissent conformes à l’intérêt de l’enfant (C. civ., art. 373-2-6).

Surtout, l’article 373-2-7 du code civil prévoit que les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Le plus souvent, cette saisine pour homologation est le fait de parents séparés souhaitant voir entériner leur accord sur les modalités concrètes de l’exercice de l’autorité parentale (résidence habituelle de l’enfant et droit de visite et d’hébergement principalement) pour avoir un cadre de référence en cas de dégradation de leurs rapports et, parfois, pour avoir une preuve de leurs arrangements vis-à-vis des tiers.

En l’espèce, rien de tout cela : il semble que les parents soient toujours mariés et le tribunal judiciaire précise qu’il n’y a aucun litige entre eux. La question posée ici ne porte que sur la mise en place d’un exercice en commun de l’autorité parentale aux lieu et place de l’exercice unilatéral exercé par la mère depuis la naissance de l’enfant en raison de l’établissement tardif du lien de filiation par le père. Or, dans ce cas de figure, l’article 372, alinéa 3, du code civil prévoit spécifiquement que l’autorité parentale pourra « être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ». Il semble assez évident que le législateur a souhaité simplifier la vie des parents et valoriser leur accord afin de ne renvoyer vers les juges aux affaires familiales – débordés, faut-il le rappeler ? – que les parents en désaccord.

En affirmant que « la compétence du directeur des services de greffe judiciaires pour recevoir une telle déclaration ne fait pas obstacle à celle du juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande d’exercice en commun de l’autorité parentale, même lorsque celle-ci est formée conjointement par les parents », la Cour de cassation brouille donc les frontières entre la matière gracieuse et la matière contentieuse relativement à la compétence du juge aux affaires familiales. Nous laisserons aux processualistes le soin de décortiquer cet avis de ce point de vue. On nous permettra simplement d’observer ici que la solution retenue se situe à contre-courant de la déjudiciarisation galopante du droit de la famille. Mais pour quel impact pratique ? La saisine du juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 372, alinéa 3, du code civil expose à un refus de celui-ci de prononcer un exercice en commun de l’autorité parentale que les parents pourraient obtenir sans aucun contrôle par le biais de la déclaration conjointe. Combien s’y risqueront donc « en l’absence de tout litige » ? Très peu sans doute. Notre conclusion sera en conséquence sans appel : tout ça pour ça…

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vendredi 19 avril 2024

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