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Fixation de l’indemnité d’occupation en fonction de la valeur locative

Fixation de l’indemnité d’occupation en fonction de la valeur locative

Le plafonnement du loyer du bail commercial renouvelé ou révisé vient indubitablement protéger les locataires. En effet, en vertu des articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce, le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. Le bailleur peut chercher à écarter ce plafonnement en faisant notamment valoir une modification substantielle des éléments visés à l’article L. 145-3, 1° à 4° (caractéristiques du local considéré ; destination des lieux ; obligations respectives de parties ; facteurs locaux de commercialité) ou encore en proposant un bail supérieur à neuf années. Mais il n’en demeure pas moins que le principe est que le preneur bénéficie du plafonnement de son loyer, ce qui lui permet, d’une part, la pérennisation de son activité économique qui pourrait être remise en cause par une augmentation drastique de son loyer et, d’autre part, d’être titulaire d’un droit au bail dont la valeur économique peut être très importante puisqu’il peut le céder, avec un prix plafonné, sans que le propriétaire puisse s’y opposer.

Dans ces conditions, l’intérêt du bailleur est souvent d’essayer d’écarter ce plafonnement. Mais la difficulté est qu’en cas de congé, il doit payer au preneur une indemnité d’éviction qui est susceptible d’être très importante, et même parfois supérieure à la valeur vénale du bien dont il est propriétaire. Il peut bien évidemment faire signifier un congé avec refus d’indemnité d’éviction en se fondant sur les dispositions de l’article L. 145-17 du code de commerce, c’est-à-dire en justifiant d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur ou encore en établissant que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative. Cependant, il est assez courant que les motifs invoqués par les bailleurs ne soient pas jugés suffisants par les juridictions pour justifier leur refus de paiement d’une indemnité d’éviction.

Le bailleur peut alors décider d’exercer son droit de repentir visé à l’article L. 145-58 du code de commerce et consentir au renouvellement du bail, dont le loyer est fixé conformément aux règles du plafonnement du loyer. La difficulté vient du fait que l’article L. 145-12 du code de commerce précise que le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire. Il existe donc une période, entre l’expiration du bail et le début du nouveau bail, au cours de laquelle le preneur est demeuré dans les lieux sans pour autant être titulaire d’un bail. Ce maintien dans les lieux est prévu par la loi puisque l’article L. 145-28 du code de commerce dispose qu’« aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue ». Cet article prévoit également que, « jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ». Autrement dit, sans pour autant être renouvelé, les clauses du bail commercial continuent à s’appliquer entre les parties. Le droit du bail commercial vient donc régir la période transitoire au cours de laquelle doivent être jugées les questions relatives à l’indemnité d’éviction en maintenant les effets du contrat de bail commercial sans prolonger ou renouveler le contrat lui-même.

Cette solution, d’une grande simplicité à première vue, est quelque peu complexifiée car le locataire n’est plus tenu au paiement du loyer qui est remplacé par une indemnité d’occupation déterminée « conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ». Or la section 6 intitulée « du loyer » reprend les règles de fixation du loyer du bail commercial. La loi prévoit donc qu’une indemnité d’occupation remplace le loyer, tout en demeurant soumise aux règles relatives au loyer commercial. Est-ce à dire que l’indemnité d’occupation doit être fixée en fonction de la seule valeur locative du bien visée à l’article L. 145-33, ou que la règle de plafonnement de l’article L. 145-34 doit trouver à s’appliquer ?

Par l’arrêt rapporté du 17 juin 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « la règle du plafonnement du loyer s’applique à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé, mais non à l’indemnité d’occupation due par le preneur maintenu dans les lieux à l’expiration du bail en application de l’article L. 145-28 du code de commerce » et que « par suite, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que cette indemnité devait être fixée en fonction de la valeur locative ». Ainsi, le plafonnement s’applique au seul loyer commercial et non pas à l’indemnité d’occupation.

Une telle solution était attendue mais apparaît discutable.

Une solution attendue

Conformément à sa volonté d’enrichir ses décisions en visant la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a rappelé qu’une telle solution avait déjà été dégagée dans un arrêt de principe du 14 novembre 1978 (Civ. 3e, 14 nov. 1978, n° 77-12.032, Bull. civ. III, n° 341) qui avait jugé qu’« en l’absence de renouvellement, le plafonnement prévu par ces textes est inapplicable à la détermination de l’indemnité d’occupation due, jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction à laquelle il peut prétendre, par le locataire maintenu dans les lieux ». La Cour de cassation mentionne également dans son arrêt une décision du 7 novembre 2002 (Civ. 3e, 27 nov. 2002, n° 01-10.058, Bull. civ. III, n° 243 ; D. 2003. 205 image, obs. Y. Rouquet image ; AJDI 2003. 345 image, obs. M.-P. Dumont image) qui a rejeté un moyen au motif que « la cour d’appel a, à bon droit, retenu que l’indemnité d’occupation due entre la date d’expiration du bail et l’exercice du droit de repentir était soumise à l’article 20 du décret du 30 septembre 1953, devenu l’article L. 145-28 du code de commerce, et que cette indemnité devait en conséquence être fixée à la valeur locative ».

Ainsi, la jurisprudence visée, bien que relativement ancienne, était bien établie et posait clairement que l’indemnité d’occupation devait être fixée à la valeur locative. À y regarder de plus près, la Cour de cassation avait en réalité réaffirmé sa solution à plusieurs reprises (Civ. 3e, 3 oct. 2007, n° 06-17.766, Bull. civ. III, n° 160 ; Dalloz actualité, 5 oct. 2005, obs. Y. Rouquet ; D. 2007. 2602 image, obs. Y. Rouquet image ; ibid. 2008. 1645, obs. L. Rozès image ; AJDI 2008. 285 image, obs. M.-P. Dumont-Lefrand image ; 13 déc. 2018, n° 17-28.055, AJDI 2019. 534 image, obs. P. Haas image). Si l’on comprend qu’un arrêt inédit ne soit pas cité dans l’arrêt du 17 juin 2021, l’omission de l’arrêt du 3 octobre 2007 est relativement inexplicable et interroge quant aux choix effectués par la Cour de cassation lorsqu’elle décide de viser des arrêts dans ses décisions.

Outre le fait que cette décision était attendue puisqu’il s’agit d’un arrêt confirmatif, elle s’inscrit dans une interprétation relativement littérale de la loi puisque, bien que les conditions et clauses du contrat continuent à s’appliquer après l’expiration du bail, l’article L. 145-28 du code de commerce précise que, « toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ». Or l’utilisation de l’adverbe « toutefois » semble indiquer une limite à la continuation des effets du bail initial et notamment empêche de considérer que le loyer doit continuer à être régi par le contrat de bail. Par ailleurs, le fait que l’article vise « tous éléments d’appréciation » fait référence à l’article L. 145-33, premier article de la section 6 visée à l’article L. 145-28, qui énumère les éléments à prendre en compte pour évaluer la valeur locative du bien. Autrement dit, l’article L. 145-28 apparaît bien indiquer à première vue que l’indemnité d’occupation n’est pas régie par les règles du loyer commercial tout en devant être évaluée en contemplation des mêmes éléments que pour la valeur locative des loyers renouvelés ou révisés.

Une telle solution apparaît cependant discutable.

Une solution discutable

L’article L. 145-28 du code de commerce précise que l’indemnité d’occupation est régie par les sections 6 et 7. La section 7 est relative à la résiliation et ne dit strictement rien sur l’évaluation de l’indemnité d’occupation. La section 6 comprend des règles relatives à la fixation du loyer et notamment l’article L. 145-33 reprenant les éléments pertinents pour évaluer la valeur locative mais également les articles L. 145-34 et L. 145-38 relatifs au plafonnement du loyer. Ainsi, en interprétant l’article L. 145-28 du code de commerce, la Cour de cassation aurait parfaitement pu juger que l’indemnité d’occupation devait être évaluée en appliquant les règles du plafonnement des loyers.

Une telle solution aurait permis de rendre à la notion d’indemnité d’occupation due par le locataire lorsque le bailleur a refusé de renouveler son bail sans avoir payé l’indemnité d’éviction sa véritable nature : un loyer de substitution n’ayant aucun caractère indemnitaire. Il ne s’agit pas en effet d’indemniser un bailleur pour son préjudice mais bien plutôt de payer le prix du bail – appelé désormais indemnité d’occupation et non plus loyer – car les effets du bail continuent de s’appliquer malgré l’absence de renouvellement du contrat.

Dans ces conditions, déplafonner le loyer entre l’expiration du bail et son renouvellement institue une rupture de régime s’explique difficilement. Tandis que le locataire bénéficierait d’un loyer plafonné pendant la durée du bail, son indemnité d’occupation serait déplafonnée. Mais il bénéficierait à nouveau d’un plafonnement au jour du renouvellement de son bail commercial. En pratique, le locataire est pourtant resté dans les lieux et l’indemnité d’occupation a remplacé le loyer car les parties sont entrées dans une phase contentieuse, qui se poursuit souvent sur plusieurs années, visant à déterminer s’il est intéressant pour le bailleur de payer une indemnité d’éviction ou de renouveler le bail (droit de repentir) ou pour le preneur de voir son bail renouvelé (droit d’option). Autrement dit, le locataire peut voir le prix du bail augmenté ou baissé pendant la période transitoire entre l’expiration du bail et le renouvellement ou le paiement de l’indemnité d’éviction, sans que rien ne change en pratique pour lui puisqu’il continue à jouir de l’usage des locaux.

Enfin, il convient de faire remarquer que la Cour de cassation, dans cet arrêt du 17 juin 2021 qui est publié et qui fait l’objet d’une communication sur son site Internet, aurait pu faire preuve de pédagogie et être plus précise en exposant s’il faut fixer l’indemnité d’occupation en fonction de la valeur locative de marché ou de la valeur locative judiciaire, c’est-à-dire la valeur locative servant de base à la détermination du loyer de renouvellement (v. Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 2021-2022, n° 522.41). Sans doute a-t-elle voulu laisser aux juges du fond une certaine latitude en jugeant que ce choix relève de leur pouvoir souverain d’appréciation des faits, ce qui semble être sa position (Civ. 3e, 9 avr. 2013, n° 12-13.622, Dalloz actualité, 26 avr. 2013, obs. A. Lauriette ; AJDI 2013. 828 image, obs. D. Lipman-W. Boccara image).

(Original publié par Rouquet)
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Invité
jeudi 28 mars 2024

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