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En s’abstenant de solliciter en application de l’article 342 du code de procédure civile la récusation du magistrat, alors que la composition collégiale de la juridiction était connue à l’avance, la partie a renoncé à s’en prévaloir.

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Auteur d'origine: abolze

En matière de concubinage, la date du fait juridique ayant entraîné l’enrichissement injustifié permet de connaître la loi applicable au litige pour les conditions d’existence du quasi-contrat. La loi nouvelle est toutefois applicable immédiatement pour le calcul de l’indemnité en résultant. Une fois cette question réglée, la Cour de cassation rappelle l’importance de la plus-value en la matière.

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Auteur d'origine: chelaine

Le manquement d’un cotisant à son obligation de déclarer son changement d’adresse à la caisse de sécurité sociale ne décharge pas l’huissier de son obligation de procéder aux diligences qui lui incombent. Il ne peut se contenter, pour s’assurer de la réalité d’un domicile, de constater l’indication du nom du destinataire sur la boîte aux lettres.

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Auteur d'origine: Dargent

Dalloz actualité publie l’avant-projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire », tel qu’il a été transmis au Conseil d’État.

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Auteur d'origine: Bley

Les dispositions du contrat d’assurance qui prennent en compte la « fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance effective des événements suivants : (…) de maladie contagieuse et d’épidémie » supposent à l’évidence l’indemnisation des pertes d’exploitation générées par les confinements ainsi que celles générées par la fermeture administrative des restaurants.

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Auteur d'origine: rbigot

La Cour de cassation confirme sa position, classique, en matière d’immunité de juridiction des Etats étrangers et envisage, de manière plus originale, au regard du droit d’accès au juge, la situation du justiciable auquel cette immunité est opposée.

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Auteur d'origine: fmelin

Selon les articles 1103 et 2052 du code civil, la réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue, celle-ci faisant obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. En procédant à une nouvelle évaluation des besoins de la victime sans tenir compte de la transaction, la cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée y étant attachée.

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Auteur d'origine: Dargent

Il résulte des articles 117 et 121 du code de procédure civile qu’une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est entachée d’une irrégularité de fond qui ne peut être couverte.

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Auteur d'origine: gmaugain

La Cour de cassation confirme que les juges du fond doivent effectuer un contrôle de proportionnalité rigoureux et concret lorsque le droit au respect de la vie privée entre en conflit avec le droit à l’information. 

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Auteur d'origine: apanet

Le juge des référés du TJ de Paris a décidé, le 11 mars, qu’en publiant un avis considérant qu’un article de l’hebdomadaire Valeurs actuelles sur la députée LFI était « contraire (…) à la déontologie journalistique », le Conseil de déontologie journalistique et de médiation n’a pas porté atteinte à la présomption d’innocence du magazine.

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Auteur d'origine: Dargent

La distinction entre le défaut de qualité (C. pr. civ., art. 31) et le défaut de capacité (C. pr. civ., art. 117) à ester en justice n’est pas toujours aisée à saisir d’autant plus que la sanction de l’un a un régime similaire à celui de la sanction de l’autre. Tous deux peuvent être soulevés en tout état de cause (respectivement, C. pr. civ., art. 123 et 118) et tous deux peuvent être régularisés avant que le juge ne statue (respectivement, C. pr. civ., art. 126 et 121). Mais c’est sans compter les précisions jurisprudentielles de la Cour de cassation que l’arrêt de la deuxième chambre civile du 4 mars 2021 rappelle (Civ. 2e, 4 mars 2021, n° 19-22.829). En l’espèce, dans le cadre d’une liquidation judiciaire d’une SCI, le juge-commissaire du tribunal de grande instance en charge de la procédure avait autorisé l’échange et la cession de parcelles de terre et de construction. Un appel de cette ordonnance avait alors été relevé par une société en formation. La cour d’appel ayant déclaré l’appel principal irrecevable, la société en formation s’est pourvue en cassation. Elle reproche aux juges du fond d’avoir considéré que la déclaration d’appel était entachée, du fait de son inexistence, d’une irrégularité de fond qui ne peut être couverte, alors que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir est susceptible de régularisation jusqu’au moment où le juge statue, ce qui était le cas en l’espèce, l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés étant...

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M. S., représentant légal d’une société spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle, a été déclaré coupable des faits d’exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, infraction à la réglementation de la publicité des médicaments en mars 2009. En 2011, il a été déclaré coupable de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, mais cette condamnation a été annulée par décision du 11 avril 2019 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

Le 20 juillet 2016, constatant qu’une page internet lui était consacré, laquelle faisait état de ses condamnations pénales et invitait à consulter l’avis de décès de son père publié sur un autre site, M. S. a assigné Mme G., auteure de la page litigieuse, sur le fondement de l’article 9 du code civil pour obtenir la suppression de cette page et une indemnisation de son préjudice lié à l’atteinte à sa vie privée.

La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 25 septembre 2016, a rejeté les demandes de M. S., en estimant que le site internet litigieux se présentait comme ayant vocation à parler de « croyances irrationnelles » et traitait de sujets tels que la théorie du complot, l’homéopathie, l’ésotérisme, la guérison spirituelle ou encore l’électromagnétisme. La cour d’appel a écarté l’atteinte à la vie privée et rejeté les demandes de M. S. en retenant que les condamnations pénales ont été rendues publiquement et concernent son activité professionnelle, celui-ci ne pouvait alléger l’ancienneté des faits et un droit à l’oubli alors qu’à la date de leur publication sur le site internet litigieux, ces condamnations n’avaient pas été amnistiées.

En ce qui concerne le faire-part de décès de son père, la cour d’appel ne retient pas non plus d’atteinte à la vie privée, puisque le faire-part a été publié par la famille sur un site internet accessible à tout internaute, y compris plusieurs années après le décès.

M. S. forme un pourvoi en cassation. Il reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché un équilibre entre le droit au respect dû à la vie privée et la liberté d’expression. Les juges auraient dû mettre en balance ces deux droits, en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat...

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L’enjeu était d’importance pour le jeune Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). L’organisme indépendant, créé en décembre 2019, ne fait pas consensus dans le paysage médiatique français. Une condamnation aurait pu sonner le glas de cette instance de médiation entre les journalistes, médias et le public qui se veut l’une « des réponses à la crise de confiance du public envers les médias et aux tentatives de manipulation de l’information ».

Pour fonder ses décisions, le CDJM s’appuie sur les trois textes de référence. La Charte d’éthique professionnelle des journalistes de 1918, remaniée en 1938 et 2011. La Déclaration des droits et devoirs des journalistes, dite « Déclaration de Munich » de 1971. La Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes, adoptée en 2019 à Tunis.

À l’été 2020, Valeurs actuelles publie une série estivale, Les couloirs du temps, roman-fiction, qui plonge une personnalité contemporaine dans une période passée, selon l’hebdomadaire. Le septième épisode est consacré à la députée de La France insoumise, Danielle Obono, femme noire, intitulé Obono l’Africaine. L’auteur anonyme du récit dépeint la députée en esclave qui « expérimente la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage ». Article agrémenté d’illustrations représentant Mme Obono dans différentes situations.

Ce texte suscite un tollé tel que le magazine, peu suspect de repentance, présente à Mme Obono ses excuses tout en réfutant les accusations de racisme dont le texte serait porteur. Toutefois, le parquet de Paris ouvre une enquête pour injures à caractère raciste et la députée dépose plainte.

Le 10 novembre, le CDJM, saisi par un particulier pour atteinte à la dignité à la suite de la publication de cet article, rend un avis le 10 novembre 2020 (Dalloz actualité, 3 févr. 2021, art. J. Mucchielli) dans lequel il considère qu’évoquer « une élue de la République française, en faisant référence à sa “négritude” dans une situation d’esclave (…) conduisent à placer Mme Danièle Obono dans de multiples situations dégradantes et attentatoires à sa dignité. Un tel acte journalistique est contraire en de nombreuses occurrences à la déontologie journalistique au sens de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes et de l’article 8 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes ».

Un tel avis porte-t-il atteinte à la présomption d’innocence comme l’a soutenu Erik Monjalous, le directeur de publication de l’hebdomadaire ultraconservateur rejoint par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM). Pour la défense de l’hebdomadaire, en publiant cet avis, le CDJM considère comme acquis sa culpabilité dans l’enquête en cours ouverte par le parquet. Le magazine conteste en outre à l’instance déontologique une quelconque légitimité à donner un avis en se prévalant d’une immunité ou d’un commandement légitime.

Dans son ordonnance, le juge des référés, rappelle que « le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Cette mise en balance doit être effectuée en considération, notamment, de la teneur de l’expression litigieuse, sa contribution à un débat d’intérêt général, l’influence qu’elle peut avoir sur la conduite de la procédure pénale et la proportionnalité de la mesure demandée ».

L’avis incriminé comporte-t-il une imputation publique sur la culpabilité d’Érik Monjalous pour injures publiques à caractère raciste, s’interroge le juge des référés ? Il prend soin de relever que cet avis « mentionne expressément la distinction à opérer entre, d’une part les éventuelles infractions à la loi, d’autre part les entorses à la déontologie du journalisme » et « se prononce de manière claire et non équivoque au regard des règles déontologiques qu’il cite expressément ».

« La seule affirmation, en soi, de la violation de la déontologie ne saurait, dans ces circonstances, et au vu des précautions prises, valoir conclusions définitive de culpabilité du chef d’injures à caractère raciste », considère le juge des référés.

La référence à l’atteinte à la dignité humaine, invoqué dans l’avis sur lequel se fonde la saisine, porterait-il une atteinte à la présomption d’innocence du demandeur, comme celui-ci le soutient ? Non, estime le juge.

« Si la notion de dignité de la personne humaine peut être convoquée par le juge amené à se prononcer sur l’existence de ce délit (NDLR : injures à caractère raciste), au moment où il réalise la balance des intérêts en présence, afin de n’envisager de restriction à la liberté d’expression qu’à condition qu’elle soit strictement nécessaire, dans le respect des exigences de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le concept de dignité de la personne humaine, qui est de l’essence même de cette Convention, ne constitue ni l’un des éléments de définition de l’incrimination d’injure ni un fondement autonome des restrictions à la liberté d’expression », écrit le juge.

Dès lors, « le fait que l’avis du CDJM procède à une analyse de la publication de l’article visant Danièle Obono dans Valeurs actuelles au regard du respect de la dignité et des préjugés qui auraient été dégagés à cette occasion, en référence aux obligations déontologiques des journalistes, ne peut être assimilé à une déclaration péremptoire de culpabilité d’Érik Monjalous pour les faits d’injures à caractère raciste pour lesquels une procédure pénale est en cours ».

Le juge des référés déboute donc le directeur de publication de l’hebdomadaire et le condamne à payer au CDJM la somme de 2 000 € au titre de l’article 700. Valeurs actuelles réclamait 5 000 € ainsi que le SEPM.

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La procédure sur requête se caractérise par la dérogation – exceptionnelle – au contradictoire qu’elle permet afin, notamment, de sauvegarder l’effet de surprise nécessaire à l’efficacité de certaines mesures. Cette même procédure prévoit néanmoins des formalités censées préserver les droits des intéressés, notamment de celui qui subit la mesure. En particulier, l’en la matière, copie de cette requête comportant l’indication précise des pièces invoquées et de ladite ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. Le plus souvent, on justifie cette formalité par la nécessité d’informer la personne qui subit la mesure, pour la mettre en mesure de préserver ses intérêts. Il s’agirait de « porter à la connaissance de celui qui devra subir la mesure toutes les indications nécessaires sur les raisons invoquées par le requérant, afin qu’il soit mieux à même d’organiser sa défense, dans le cadre d’un recours en rétractation, en lui permettant de cibler correctement la critique des pièces qui ont pu dicter la décision du juge » (R. Perrot, obs. ss Civ. 2e, 18 nov. 2004, RTD civ. 2005. 185 ). Il faudrait donc voir dans cette communication, le corollaire nécessaire de la dérogation au principe de la contradiction qu’implique la procédure sur requête (v. à cet égard, Civ. 2e, 4 sept. 2014, n° 13-22.971, D. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; Procédures 2014, n° 291, note Croze ; Dr. et proc. 2015. 201, note Dorol). Il est ainsi indiqué, de façon très classique, que cette formalité a pour finalité de rétablir le principe de la contradiction au moment de l’exécution de la mesure (v. par ex., Civ. 2e, 18 nov. 2004, n° 02-20.713, Bull. civ. II, n° 499 ; D. 2004. 3195, et les obs. ; RTD civ. 2005. 185, obs. R. Perrot ). L’affaire est sérieuse : à défaut d’une telle diligence, le juge ne pourrait se fonder sur la preuve obtenue au moyen de la mesure ordonnée (Civ. 2e, 6 déc. 2001, n° 99-19.894, Bull. civ. II, n° 184 ; D. 2002. 258, et les obs. ; RTD civ. 2002. 362, obs. R. Perrot ; JCP 2002. IV. 1112).

Mais alors, une question se pose : faut-il également transmettre la copie des pièces visées par la requête pour permettre un strict respect du contradictoire ? La Cour de cassation nous fournit une réponse très claire dans cet arrêt qui confirme s’il en...

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Dans la procédure de saisie immobilière, la rigueur des dispositions de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution est telle que la Cour de cassation a même jugé que c’était sans méconnaître les dispositions de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme qu’une cour d’appel avait décidé que les débiteurs saisis, qui n’avaient pas comparu à l’audience d’orientation alors qu’ils avaient été régulièrement assignés, n’étaient plus recevables à former de contestations portant sur la procédure antérieure à l’audience d’orientation (Civ. 2e, 17 nov. 2011, n° 10-26.784, Dalloz actualité, 25 nov. 2011, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2012. 644, chron. H. Adida-Canac, O.-L. Bouvier et L. Leroy-Gissinger ; ibid. 1509, obs. A. Leborgne ).

Face à cette rigueur, la seule possibilité pour la partie saisie qui a fait défaut en première instance et n’a donc soulevé aucune contestation, ni aucune demande incidente, consiste, soit à élever des contestations portant sur des actes ou événements qui sont nés postérieurement à l’audience d’orientation (à la condition que cette contestation soit élevée dans le délai de 15 jours), soit, de démontrer qu’elle n’a pas été régulièrement assignée.

Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif opèrera-t-il pour le tout ? C’est à cette question à laquelle répond l’arrêt commenté, ce qui n’est pas en soit une nouveauté, mais davantage une simple mise au point.

Devant la cour d’appel (Lyon, 4 juill. 2019, n° 19/01460), la partie saisie, appelante du jugement d’orientation ayant ordonné la vente par adjudication, se prévalant de la nullité de l’assignation à l’audience d’orientation, sollicitait de la cour notamment qu’elle :

juge son appel recevable et bien-fondé ;prononce la nullité et la mainlevée du commandement...

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Le ministre de la Justice relève en effet que « Le rapport de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat présidée par Dominique Perben, déposé en juillet 2020, relève que la plupart des décisions rendues sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ne couvrent pas...

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Au visa des articles R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution et 562 du code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle que l’appel est dépourvu d’effet dévolutif sur le fond lorsque le jugement est déclaré nul en raison d’une irrégularité qui affecte l’acte introductif d’instance et que le défendeur n’a pas comparu.

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Auteur d'origine: Dargent

Interrogé sur la rédaction de l’article 700 du code de procédure civile afin que le dédommagement total cesse d’être perçu comme un enrichissement de la partie gagnante, le garde des Sceaux a indiqué qu’un « travail de réécriture de ces dispositions est en cours ».

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Auteur d'origine: Dargent

L’assureur doit indemniser le restaurateur de ses pertes d’exploitation suite à une fermeture administrative pour cause de covid-19. La clause d’exclusion de garantie, qui ne remplit pas la condition de limitation (C. assur., art. L. 113-1) et qui prive l’obligation essentielle de garantie de sa substance, est réputée non écrite. 

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Auteur d'origine: sandjechairi
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Le domaine des assurances n’est pas épargné par la crise sanitaire mondiale. Cette pandémie a eu un impact économique considérable sur certaines activités qui relèvent du secteur tertiaire telle que la restauration. Afin de ralentir la propagation du coronavirus, les restaurants et débits de boissons ne pouvaient plus accueillir de public jusqu’au 15 avril 2020 (art. 1er de l’arrêté du ministère de la Santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et art. 8 du décr. n° 2020-293 du 23 mars 2020). L’interdiction a été prorogée jusqu’au 2 juin.

L’arrêté ministériel autorisait toutefois, durant le premier confinement, ces établissements à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison afin de limiter la baisse des recettes. Autrement dit, une activité partielle semblait être possible pour les établissements pour lesquels une activité de vente à emporter était à l’origine autorisée par la clause de destination du bail commercial (C. civ., art. 1719) et déclarée au K-bis. Les établissements qui n’ont pu exercer la vente à emporter ont connu un arrêt total de leur activité engendrant de grandes difficultés financières.

Aujourd’hui encore la viabilité de certaines entreprises est menacée par l’interdiction d’accueil du public qui se poursuit (V. Décr. n° 2020-1310 du 29 oct. 2020, qui en son art. 40 interdit l’accueil du public aux restaurants et débits de boissons – ERP N –, établissements flottants pour leurs activités de restauration et débit de boissons – ERP EF –, restaurants d’altitude – ERP OA –, et aux hôtels pour les espaces dédiés aux activités de restauration et débit de boisson) ; même si par dérogation ces établissements sont autorisés à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.

Cependant, si la restauration rapide (vente à emporter, livraison) a accru ses parts de marché avec la crise sanitaire par une augmentation de sa fréquentation (selon le bilan 2020 dressé par The NPD Group, spécialiste des études de marché, la restauration rapide concentre aujourd’hui 43 % des visites, contre 36 % il y a un an), tel n’est pas le cas de la restauration à table et débits de boissons (« la restauration à table a perdu la moitié de sa fréquentation et de son chiffre d’affaires en 2020 », The NPD, op. cit.), du fait que la plupart des restaurateurs n’étaient pas préparés, ni équipés pour exercer la vente à emporter et la livraison (absence du dispositif du « click and connect », d’emballages spécifiques adaptés au transport et à l’hygiène alimentaire, etc.). En conséquence, ils ne sont pas parvenus à limiter leurs pertes d’exploitation.

Néanmoins, chaque restaurateur est conscient de connaître un jour une potentielle baisse de son niveau d’activité pouvant résulter d’une fermeture partielle ou totale de son établissement. C’est pour ces raisons que, même si le risque « perte d’exploitation » n’est pas soumis à l’obligation d’assurance, certains restaurateurs souscrivent une « assurance pertes d’exploitation » qui, la plupart du temps, fait partie d’un contrat d’assurance multirisques, comme c’est le cas dans l’arrêt d’appel à commenter : la police garantit les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative. En raison de l’épidémie de covid-19 qui a causé la fermeture de grands nombres d’établissements de restauration, les professionnels, assurés pour le sinistre, se sont tournés vers leur assureur pour être indemnisés de leurs pertes d’exploitation. Or, certaines compagnies d’assurance se sont retrouvées sous le feu des projecteurs en refusant d’indemniser leurs assurés au motif que le risque pandémique était inassurable (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020, obs. R. Bigot) ou qu’il existait une exclusion de garantie.

Plusieurs tribunaux de commerce ont été saisis et ont condamné à de nombreuses reprises, tant en référé qu’au fond, les compagnies d’assurances à indemniser les commerçants de leurs pertes d’exploitation à la suite de l’épidémie de covid-19 (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, préc. ; T. com. Annecy, 22 déc. 2020 n° 2020R00066 ; T. com. Marseille, 23 juill. 2020, n° 2020R00131). Néanmoins, d’autres tribunaux de commerce (T. com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 ; T. com. Lyon, 4 nov. 2020, n° 2020J00525), ainsi que la cour d’appel d’Aix-en-Provence se sont prononcés en faveur de l’assureur (Aix-en-Provence, 3 déc. 2020, n° 20/07308).

Par l’arrêt rapporté, cette même cour d’appel a cependant condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser un de ses assurés.

Cet arrêt d’appel, qui a été le premier rendu au fond sur la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation, était très attendu par les professionnels de la restauration.

Si la position des juges tend majoritairement en faveur des assurés, la divergence des décisions s’explique par les difficultés qui concernent l’étendue de la garantie pertes d’exploitation et la validité des clauses d’exclusion présentes dans différents contrats d’assurance (L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP févr. 2021. 239). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).

En l’espèce, l’application de la clause d’exclusion est au cœur du débat.

Un restaurateur marseillais a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la compagnie d’assurance AXA France qui garantit les pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative consécutive notamment à une épidémie. Cependant, le contrat comporte une clause d’exclusion de garantie pertes d’exploitation qui stipule que ces pertes sont exclues « lorsque au moins un autre établissement, quelle que soit la nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Le 14 mars 2020, le ministère des Solidarités et de la santé a prononcé, par un arrêté, l’interdiction des restaurants et débits de boisson à recevoir du public. Cette interdiction a été prorogée par décret du 14 avril 2020 jusqu’au 2 juin 2020. Puis du 28 septembre jusqu’au 4 octobre 2020.

À la suite de cette interdiction pour épidémie de coronavirus, le restaurateur a effectué auprès de la compagnie d’assurance AXA une déclaration de sinistre pour perte financière, laquelle a opposé un refus de garantie en vertu de la clause d’exclusion.

Le restaurateur marseillais a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille son assureur selon la procédure à jour fixe afin d’obtenir l’indemnisation de ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de covid-19.

Le 15 octobre 2020, le tribunal de commerce a, au visa des articles L. 113-1 du code des assurances, 1170 et 1190 du code civil, déclaré la clause d’exclusion de garantie réputée non écrite et a condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser le restaurateur pour ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de Covid-19. Le montant des pertes d’exploitation devra être évalué par une expertise que l’assureur devra mettre en œuvre dans les deux mois de la signification du jugement sous astreinte de 500 € par jour de retard.

L’assureur a interjeté appel. Il invoque l’application de la clause d’exclusion de garantie et demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement rendu.

Mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans l’arrêt du 25 février 2021 rapporté, a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce. Selon les juges d’appel, la garantie « perte d’exploitation suite à la fermeture administrative » trouve à s’appliquer. En effet, les juges du fond relèvent que le contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit garantit les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative consécutive à une épidémie et ils constatent que c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant les établissements de restauration à recevoir du public en raison de l’épidémie de covid-19 que l’assuré a subi des pertes d’exploitation.

Ainsi pour les juges, l’interdiction d’accueillir du public est une fermeture administrative de l’établissement de restauration (R. Bigot, op. cit.). L’assureur doit par conséquent prendre en charge les pertes d’exploitation, a fortiori dès lors que la cour d’appel d’Aix-en-Provence estime que la clause d’exclusion présente dans la police ne peut recevoir application en raison de son imprécision et de son absence de limitation.

En effet, pour écarter l’application de la clause d’exclusion, les juges  se fondent sur les dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances aux termes duquel « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». À cet égard, il est de principe que le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie au sens de l’article L. 113-1 n’est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 99-10.849, D. 2001. 2778 , note B. Beignier ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard ; RDI 2001. 488, obs. G. Durry ).

Dans l’arrêt sous étude, si la clause d’exclusion vise « la fermeture administrative pour une cause identique », – dans les faits, l’épidémie de coronavirus – les juges d’appel relèvent l’absence de définition dans la police du terme « épidémie ». Reprenant pour partie la définition du dictionnaire Larousse selon laquelle l’épidémie doit s’entendre comme « le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population » (rappr. : T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc., Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29, obs. D. Houtcieff), les juges précisent la notion de « population » qui peut être celle « d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville d’une région, d’un ou de plusieurs pays ». Ils relèvent également à juste titre que le terme de « maladie contagieuse » présent tant dans la définition de l’épidémie que dans le contrat d’assurance n’est pas non plus définie dans la police. Dès lors, doit-on considérer que la notion de « maladie contagieuse » est similaire à celle d’ «épidémie » notamment lorsqu’il a été énoncé « qu’une épidémie ne se situe pas forcément à un niveau territorialement étendu » et peut « naître au sein d’un endroit source précis et toucher un nombre de personnes plus restreint, formant ainsi un foyer limité dans l’espace » ? (T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc.). Il faut alors constater que le terme « épidémie » est soumis à interprétation, excluant de la sorte le caractère limité de l’exclusion de garantie.

Le caractère limité de la clause est également exclu lorsqu’elle vise un « autre établissement » devant faire l’objet d’une fermeture administrative pour cause identique. En effet, il ressort distinctement de la clause que la nature de l’établissement ainsi que son activité importent peu. Il en est de même du « territoire départemental » mentionné, lequel dépasse le simple cadre d’un village ou d’une ville, ce qui laisse entendre que d’autres établissements sur le même territoire seront vraisemblablement touchés. La clause d’exclusion de garantie ne se réfère aucunement « à des critères précis, ni à des hypothèses limitativement énumérées » (L. Vogel et J. Vogel, op. cit.). En raison de son imprécision, la clause litigieuse est source d’interprétation et doit être réputée non-écrite.

Les juges d’appel écartent également l’application de la clause d’exclusion sur le fondement des articles 1170 et 1190 du code civil. Le fait qu’aucune distinction quant à la population visée n’ait été opérée dans la police, ni que le contrat ne mette en exergue les différences entre une « épidémie » et une « maladie contagieuse » signifient que l’assureur s’est engagé à garantir les pertes d’exploitation résultant d’une décision de fermeture à la suite d’une épidémie au sens général du terme. En effet, lorsqu’il a rédigé le contrat, il est évident que l’assureur avait conscience que l’épidémie ne puisse se cantonner à un seul établissement sur le même territoire et que dans une forte probabilité elle puisse être nationale. Il s’ensuit que selon les juges, l’assureur ne pouvait, sans que l’application de la clause d’exclusion prive de sa substance l’obligation essentielle de garantie, d’un côté indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite d’une fermeture administrative liée à une épidémie, « et de l’autre côté, exclure les cas où l’épidémie toucherait un autre établissement dans le même département, quelle que soit son activité » (V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Hebdo éd. privée, 15 oct. 2020, N4918BYS). La clause d’exclusion qui vide de son contenu la garantie accordée doit être réputée non écrite. Conscient de cette problématique, l’assureur avait proposé le 28 octobre 2020 à son assuré un avenant définissant avec précision les termes « épidémie et pandémie » afin d’exclure de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie.

La cour d’appel a ainsi condamné l’assureur à allouer à son assuré une indemnité provisoire pour la période du premier confinement ainsi que pour les périodes de fermeture administrative postérieures. Le montant des pertes d’exploitation devra être évaluer par une expertise devant être mise en œuvre par l’assureur.

Les litiges similaires pendants devant plusieurs juridictions de premier degré et d’appel expliquent l’attente de cette décision par les restaurateurs. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’une telle solution ne saurait constituer un principe dans la mesure où toutes les polices ne sont pas identiques.

L'intensité de la responsabilité de l'entrepreneur varie au cours du temps lors de la réalisation d'un ouvrage. Le moment charnière se situe au moment de la réception de l'ouvrage. Avant la réception de l'ouvrage, l'entrepreneur conserve la garde de son ouvrage et supporte les risques en cas de détérioration de ce dernier. L'article 1788 du Co...
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Un créancier admis au passif dans une procédure de sauvegarde est dispensé d’avoir à déclarer à nouveau sa créance, et les sûretés qui la garantit, après la résolution du plan et l’ouverture subséquente d’une liquidation judiciaire. Toutefois, cette dispense n’exempte pas le créancier d’avoir à renouveler l’inscription de ses sûretés, car l’autorité de chose jugée attachée à l’admission de la créance à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés.

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Auteur d'origine: bferrari

Selon le Conseil constitutionnel, les mots « non négligeables » tirés de l’article 1247 du code civil et relatifs à la réparation du préjudice écologique pur sont bien conformes à la Constitution française.

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Auteur d'origine: hconte

Dans les instances introduites postérieurement au 1er janvier 2020 devant le juge de l’exécution, l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, même lorsque la demande n’est pas relative à l’expulsion ou a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme excédant 10 000 €.

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Auteur d'origine: Dargent

C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve produits qu’une cour d’appel, qui n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que le débiteur s’est heurté à des difficultés d’exécution, tenant au comportement du créancier, constituant une cause étrangère au sens de l’article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d’exécution.

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Auteur d'origine: gpayan

La Cour de cassation vient apporter des précisions sur l’autonomie de deux mesures d’hospitalisation sans consentement consécutives l’une à l’autre. La seconde peut prospérer en dépit de la mainlevée de la première en raison de cette indépendance. La haute juridiction rappelle l’exigence de démonstration d’une atteinte aux droits de l’intéressé pour obtenir la mainlevée à la suite d’une irrégularité dans la procédure.

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Auteur d'origine: chelaine

Si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office dès lors qu’une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur.

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Auteur d'origine: Rouquet

En l’espèce, une société a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde au passif de laquelle ont été admises des créances déclarées par une autre société. L’admission de ces créances a été prononcée, pour partie, à titre privilégié, sur le fondement de deux warrants agricoles.

Le plan de sauvegarde arrêté au profit de la personne morale débitrice a été résolu par un jugement prononçant, en outre, la liquidation judiciaire. La société créancière a indiqué au liquidateur que subsistait un solde de sa créance et a demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure.

Par lettre de contestation, le liquidateur s’est opposé à cette demande en arguant notamment du défaut de renouvellement de l’inscription des warrants, ce qui remettait en cause, pour le mandataire, le caractère privilégié de la créance. Cette lettre de contestation est demeurée sans réponse de la part du créancier, ce qui lui interdit, en principe, toute contestation ultérieure de la proposition du liquidateur (C. com., art. L. 622-27).

Par une ordonnance du 8 juillet 2016, le juge-commissaire prononce l’admission de la créance à titre chirographaire. La société créancière interjette appel de l’ordonnance d’admission, mais les juges du fond la déclarent irrecevable à défaut de réponse à la lettre de contestation du liquidateur.

La créancière forme alors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation indique d’abord que c’est à tort que la cour d’appel a opposé au créancier son absence de réponse à la contestation du liquidateur. En effet, puisque sa créance avait été admise au passif de la première procédure, elle devait, en l’absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire subséquente (C. com., art. L. 626-27, III, dans sa rédaction antérieure à l’ord. du 12 mars 2014). Dès lors, la créance n’était pas soumise à une nouvelle procédure de vérification, et donc, à la sanction précitée du défaut de réponse à la lettre de contestation.

Malgré ce rappel, le pourvoi est néanmoins rejeté. En effet, pour la Haute juridiction l’admission au passif de la première procédure collective ne dispensait pas le créancier de procéder au renouvellement de l’inscription des warrants. À défaut, et puisque l’autorité de la chose jugée attachée à l’admission à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, le créancier en perd le bénéfice.

Autrement dit si la portée de la dispense de déclaration de créance émancipe le créancier...

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, par des associations de défense de l’environnement, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité de l’article 1247 du code civil aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les principaux griefs concernaient la formulation de cet article qui dispose qu’« est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Plus exactement, ce sont les mots « non négligeable » qui posaient problème. Selon les associations, en ne prenant pas en compte les atteintes « négligeables », le législateur aurait méconnu les quatre premiers articles de la Charte de l’environnement de 2004 ainsi que le principe de responsabilité résultant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elles reprochaient, par ailleurs, le caractère amphigourique du standard juridique « non négligeable ».

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel se contente, tout d’abord, d’affirmer que le législateur n’a pas méconnu le principe posé par l’article 4 de la Charte de l’environnement (« Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi »). Les juges expliquent ensuite que l’article 1247 du code civil n’a pas pour objet de limiter la réparation qui peut être accordée aux personnes qui subissent un préjudice du fait d’une atteinte à l’environnement.

Il faut d’emblée préciser qu’à la suite d’une décision de 2010 du Conseil constitutionnel (décis. n° 2010-4/17 QPC, Dalloz actualité, 28 juill. 2010, obs. E. Royer ; AJDA 2010. 1508 ; ibid. 2262 , note M. Chauchat ; RDSS 2010. 1061, étude L. Gay ), l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 n’est pas invocable en QPC. Privées de ce moyen, les prétentions des parties avaient peu de chance d’aboutir. Cependant, il faut ajouter que le recours à un standard juridique n’est pas forcément une mauvaise chose pour les défenseurs de l’environnement. Puisqu’elle est, par nature, une notion floue et malléable, l’expression « atteinte non négligeable » pourra être utilisée dans la jurisprudence judiciaire pour permettre des réparations qui peuvent dès aujourd’hui nous paraître (ou même apparaître à ces associations) négligeables. C’est justement la flexibilité de la notion et son caractère malléable qui permettra de la faire évoluer pour l’adapter aux enjeux sociologiques et écologiques de son temps. Il ne paraît pas non plus insensé de limiter le champ de la réparation à des atteintes importantes aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. Il faut imaginer des atteintes très mineures à des fonctions d’un écosystème qui justifieraient l’application de l’adage de minimis non curat praetor. Un rapport d’information déposé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire parle volontiers d’« encadrement » pour justifier que tous dommages écologiques purs ne puissent ouvrir droit à réparation : « Compte tenu de son caractère récent et de son encadrement (nécessité d’une atteinte non négligeable), il n’apparaîtrait pas surprenant que le préjudice écologique n’ait pas encore donné lieu à des procédures à ce stade » (N. Bassire et F. Tuffnell, Rapport d’information, n° 1096).

Le Conseil constitutionnel refuse, par ailleurs, de considérer que l’article 1247 du code civil aurait pour objet ou pour effet de limiter la réparation qui peut être accordée aux personnes qui subissent un préjudice du fait d’une atteinte à l’environnement (§ 9). Il faudrait comprendre, aux termes de ce paragraphe, que l’article 1247 du code civil ne portant que sur les atteintes portées à l’environnement, il ne contreviendrait pas à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme duquel on tire le principe de responsabilité général pour faute et qui concerne autrui (C. civ., art. 1240). Dit autrement, l’environnement et autrui sont deux choses différentes et invoquer l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’aurait pas de sens puisque ce dernier vise les préjudices personnels causés à autrui et non les préjudices collectifs causés à l’environnement.

La consécration du préjudice collectif avait pour principal objectif de permettre de réparer efficacement les atteintes portées à l’environnement. Cependant, voilà que c’est son caractère justement collectif qui est utilisé ici comme argument, par les Sages, pour considérer que la disposition visée du code civil ne contrevient pas au principe de responsabilité découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Comme l’a écrit très justement le professeur Dubois, « finalement, en étant le préjudice de tous, il n’est le préjudice de personne » (C. Dubois, La responsabilité civile pourrait-elle voler au secours de la culture ?, RTD civ. 2020. 275 ).

Le raisonnement opéré est juste et implacable même si on oublie souvent de regarder dans nos forêts ou nos cours d’eau un peu d’autrui, rappelant ainsi que « nous sommes une partie de la terre », selon les mots prononcés en 1854 par le chef indien Seathl.

L’article 5 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit que, « sous réserve des dispositions particulières, l’État, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration ».

En application de cette disposition, l’administration bénéficie d’une dispense particulière, puisque, même dans les matières où la représentation par avocat est en principe obligatoire, elle peut être représentée par un fonctionnaire ou un agent.

Cependant, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, édictant comme principe la représentation par avocat devant le tribunal judiciaire (C. pr. civ., art. 760), sauf quelques exceptions édictées à l’article 761 du code de procédure civile, a pu semer le trouble.

C’est donc en toute logique que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris s’est interrogé sur la compatibilité entre l’article 5 de la loi n° 2019-222 et les nouvelles dispositions régissant la représentation des parties devant le juge de l’exécution, l’article L. 121-4 du code des...

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L’astreinte est une mesure comminatoire de nature judiciaire qui permet d’exercer une pression financière sur le débiteur afin qu’il procède à l’exécution de la décision de justice exécutoire prononcée à son encontre. Sauf à demeurer une simple menace, l’astreinte ainsi prononcée doit être liquidée par un juge, dans le respect des dispositions du code des procédures civiles d’exécution (art. L. 131-3 s. ; R. 131-2 s.).

Les conditions et modalités de liquidation de l’astreinte font l’objet d’une jurisprudence abondante (v. encore dernièrement, au sujet de l’exécution par un tiers de l’obligation assortie d’une astreinte, Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-16.312, Dalloz actualité, 26 janv. 2021, obs. G. Payan ; D. 2021. 25 ). L’une des difficultés récurrentes porte assurément sur la définition de l’office et des prérogatives du juge sollicité pour procéder à cette liquidation, ainsi qu’en témoigne le présent arrêt (pour une autre illustration récente, où il a été jugé qu’il appartient à ce juge de s’assurer, au besoin d’office, que l’astreinte a commencé à courir et de déterminer son point de départ, v. Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.311, Dalloz actualité, 4 juill. 2019, obs. G. Payan ; D. 2019. 1236 ; ibid. 2020. 1380, obs. A. Leborgne ; RD banc. fin. 2009. Comm. 171, obs. S. Piédelièvre).

Avant d’aller plus loin, en guise d’observations liminaires, il apparaît utile de rappeler que l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution énonce, dans son troisième alinéa, que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou...

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par Cédric Hélainele 8 mars 2021

Civ. 1re, 10 févr. 2021, FS-P, n° 19-25.224

La fin de l’année 2020 a été l’occasion pour le législateur d’assurer un contrôle inédit du juge des libertés et de la détention (JLD) pour les mesures d’isolement et de contention consécutives à des soins psychiatriques sans consentement. Nous avons eu l’occasion d’évoquer cette question dans ces colonnes, il y a quelques semaines, par l’étude de la loi du 14 décembre 2020. Dans un arrêt du 10 février 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation continue son travail d’harmonisation de l’interprétation des textes applicables au contentieux plus classique de l’hospitalisation sans consentement. Pour une fois, les faits demandent une attention particulière car deux mesures s’étaient enchaînées dans le temps et tout un imbroglio a ainsi pu naître.

Tout commence évidemment par une personne placée sous une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Précision toutefois faite que la mesure a été prononcée à la demande du père de l’intéressé par décision du directeur d’un hôpital parisien. Après être sortie de l’unité de soins psychiatriques, la voici réintégrée sur demande du directeur de l’établissement hospitalier environ six mois plus tard. Son père avait alors demandé la mainlevée de la mesure. Le JLD avait ordonné celle-ci puisqu’il n’y avait pas de certificat médical datant de moins de vingt-quatre heures, document indispensable pour la continuation de l’hospitalisation dans ce contexte. Le procureur avait alors interjeté appel avec demande d’effet suspensif. Mais la demande de suspension de l’exécution a été rejetée.

Une seconde...

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Les praticiens du droit, spécialement les juges et les avocats, tireront de précieux enseignements de l’arrêt rapporté. Le premier porte sur l’étendue des pouvoirs du juge, qui ne peut, à la suite de l’anéantissement du contrat, prononcer d’office la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente. Le second porte sur l’étendue du devoir des avocats, qui doivent, en conséquence de la demande d’anéantissement du contrat, former dans le dispositif de leurs conclusions une demande explicite de restitution des fruits générés par le bien depuis la vente.

Office du juge en matière de restitution des fruits

Après la vente d’un immeuble à usage d’habitation par une société, l’acheteur l’avait assigné en résolution pour vices cachés. La cour d’appel prononça la résolution de la vente et, en conséquence, ordonna la restitution du prix par la société venderesse et la restitution de l’immeuble par l’acheteur. Elle refusa cependant d’ordonner la restitution des loyers perçus par l’acquéreur avant le prononcé de la résolution à la société venderesse. Pour justifier ce dernier point, les juges relevaient que la société venderesse « n’avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre ».

La société venderesse forma un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir violé les articles 1641 et 1644 du code civil. Selon le pourvoi, la résolution de la vente d’immeuble entraîne comme conséquence légale la restitution de l’immeuble, mais aussi des loyers générés par cet immeuble. Le juge qui prononce cette résolution est dès lors tenu de prononcer la restitution aussi bien de l’immeuble que de ses fruits, c’est-à-dire des loyers générés entre la date de conclusion du contrat et sa résolution. Dès lors, en excluant les loyers du champ des restitutions consécutives à la résolution simplement parce qu’aucune demande n’avait été faite à ce titre dans le dispositif des conclusions de la société venderesse, la cour d’appel aurait violé les articles ci-dessus.

La Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : le juge qui prononce la résolution de la vente d’un immeuble est-il tenu de prononcer la restitution des loyers générés par le bien entre la date de la conclusion de la vente et la date de la résolution ? La question portait donc sur l’office du juge en ce qui concerne la restitution des fruits consécutive à la résolution du contrat.

La réponse de la Cour de cassation peut être divisée en trois propositions : la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue, certes, une conséquence légale de l’anéantissement du contrat ; cette restitution est cependant subordonnée à la bonne foi du possesseur ; le juge ne peut par conséquent pas la prononcer d’office.

La première proposition, selon laquelle « la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat », n’est pas nouvelle.

En effet, le principe de la restitution des fruits en conséquence de la nullité ou de la résolution du contrat est admis de très longue date par la Cour de cassation (v. not. Civ. 21 déc. 1903, DP 1908. 1. 377) et a été réaffirmé à plusieurs reprises (Civ. 3e, 22 juill. 1992, n° 90-18.667, Bull. civ. III, n° 263 ; 27 nov. 2002, n° 01-12.444, Bull. civ. III, n° 244 ; D. 2003. 40 ; RDI 2003. 171, obs. M. Bruschi ; 1er oct. 2020, n° 19-20.737, D. 2020. 1952 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Cependant, en utilisant l’expression « anéantissement du contrat » alors que le litige ne concernait que la résolution, la Cour donne à la solution une portée générale et englobe ainsi toute cause d’anéantissement du contrat dès lors qu’elle entraîne des restitutions. La solution va nettement dans le sens de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (non applicable à l’espèce), qui reformule clairement le principe (C. civ., art. 1353-3, al. 1er) et qui prévoit un régime général des restitutions, quelle qu’en soit la cause (v. C. civ., art. 1178, al. 3, sur la nullité, art. 1187 pour la caducité, art. 1229, al. 3 pour la résolution, qui renvoient aux art. 1352 à 1352-9 sur les restitutions).

Si la seconde proposition (« en application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil, une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur ») n’est pas nouvelle en soi, c’est l’utilisation qui en est faite, pour justifier l’office du juge en ce qui concerne les fruits, qui est novatrice.

En effet, traditionnellement, en cas d’anéantissement du contrat de vente, l’acheteur est considéré comme ayant été possesseur (Civ. 21 déc. 1903, préc.). Dès lors, en application des articles 549 et 550 du code civil, il ne doit restituer les fruits que s’il est de mauvaise foi (Civ. 8 janv. 1936, DH 1936. 97 ; Civ. 3e, 28 juin 1983, n° 81-14.889, Bull. civ. III, n° 148 ; 27 nov. 2002, n° 01-12.444, préc.), et il peut faire siens les fruits s’il est de bonne foi (Com. 2 févr. 2016, n° 14-19.278, D. 2017. 375, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016. 347, obs. H. Barbier ). La Cour de cassation ne fait donc ici que rappeler cette solution ancienne selon laquelle le possesseur de bonne foi est dispensé de restituer les fruits en cas d’anéantissement du contrat.

Or c’est justement parce que la restitution des fruits dépend de la bonne ou de la mauvaise foi du possesseur que l’office du juge se trouve affecté. Puisque l’anéantissement du contrat ne conduit pas « nécessairement » à la restitution des fruits, la Cour en déduit ici que le juge ne peut la prononcer d’office, et c’est en cela que cette proposition prend une nouvelle signification.

La troisième proposition, aux termes de laquelle « le juge ne peut […] prononcer d’office [la restitution des fruits] », constitue alors l’apport de l’arrêt.

La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’office du juge en matière de restitution consécutive à l’anéantissement du contrat. Cependant, la solution portait sur la restitution de la chose ou du prix, que le juge peut prononcer d’office (Civ. 3e, 29 janv. 2003, n° 01-03.185, RTD civ. 2003. 501, obs. J. Mestre et B. Fages  ; JCP 2003. II. 10116, note Y.-M. Sérinet). Le juge n’a que le pouvoir de le faire ; il n’en a pas l’obligation. En bref, le juge n’a que la « faculté » d’ordonner d’office la restitution de la chose ou du prix, en conséquence de l’anéantissement de la vente, si aucune demande explicite n’a été faite à ce titre (Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 15-17.317, Bull. civ. I, n° 123 ; Dalloz actualité, 16 juin 2016, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2016. 1199 ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016. 854, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016. 836, obs. B. Bouloc ; Civ. 3e, 6 févr. 2019, n° 17-25.859, D. 2019. 310 ).

On pouvait alors se demander si le juge a cette même « faculté » lorsqu’il s’agit de prononcer la restitution des fruits de la chose. La Cour de cassation répond résolument par la négative : le juge ne peut pas prononcer d’office la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente en cas d’anéantissement du contrat. La partie qui réclame la restitution doit donc formuler une demande explicite en ce sens dans le dispositif de ses conclusions.

Cette solution demande cependant à être précisée : pourquoi est-ce que l’application des articles 549 et 550 du code civil fait obstacle au pouvoir du juge de prononcer d’office la restitution des fruits ? La bonne foi justifie, certes, que le possesseur soit dispensé de la restitution des fruits ; du moins jusqu’au moment de la demande de résolution ou de nullité (Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-20.737, Dalloz actualité, 22 oct. 2020, obs. Y. Strickler ; D. 2020. 1952 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Il faut cependant préciser pourquoi cette bonne foi s’oppose à ce que le juge prononce d’office la restitution des fruits, alors même qu’il a ce pouvoir lorsqu’il s’agit de la chose ou du prix.

On pourrait expliquer la solution en considérant que la restitution de la chose ou du prix en cas d’anéantissement de la vente est un des effets « principaux » de la rétroactivité, qui implique la remise des choses dans le même état qu’avant la vente. La demande en nullité ou en résolution de la vente contiendrait alors « virtuellement » la demande de restitution de la chose ou du prix ; plus exactement, la demande de restitution de la chose ou du prix serait « l’accessoire, le complément ou la conséquence nécessaire » (C. pr. civ., art. 566) de la demande en nullité ou en résolution. C’est l’effet quelque peu « naturel » de l’anéantissement de la vente qui pourrait justifier que le juge ait une certaine liberté de « suppléer à la carence des plaideurs » (M.-E. Pancrazi, Droit du contrat [ss la dir. de B. Fages], Lamy expert, 2020, n° 1561) qui n’ont pas formulé une demande explicite en ce sens.

Tel n’est pas le cas de la restitution des fruits, qui serait plus un effet « accidentel » ou « secondaire » de la demande en anéantissement, car elle « est subordonnée à la bonne foi du possesseur » selon l’expression de la Cour. Il n’est dès lors pas possible d’y voir une demande accessoire, complémentaire ou une conséquence nécessaire de la demande principale d’anéantissement du contrat. Le créancier de la restitution doit par conséquent faire une demande explicite à ce titre et le juge ne peut la prononcer d’office.

Quelle que soit l’explication qu’on puisse retenir, il est certain que le juge ne peut prononcer d’office la restitution des fruits en conséquence de l’anéantissement du contrat. Les avocats seront par conséquent vigilants à formuler explicitement une demande en ce sens dans le dispositif des conclusions, sous peine de voir une telle demande rejetée, et même de voir leur responsabilité engagée (Civ. 1re, 15 mai 2007, n° 05-16.926, Bull. civ. I, n° 193 ; D. 2007. 1594 ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RTD com. 2008. 172, obs. B. Bouloc ).

Bien que l’arrêt soit rendu à propos de la résolution d’une vente d’immeuble et à propos loyers, la solution s’applique à l’anéantissement de tous les contrats, quelle que soit la nature du bien, dès lors qu’il implique des restitutions ; et il n’y a pas lieu de distinguer entre les fruits civils, naturels ou industriels.

Pérennité de la solution de l’arrêt

On peut se demander si cette solution n’est pas appelée à être abandonnée en raison du nouvel article 1352-7 du code civil (issu de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016). Il semble en effet ressortir de cet article que la restitution n’est pas subordonnée à la bonne foi du possesseur, mais que seule l’étendue de la restitution est subordonnée à cette bonne foi : le possesseur de bonne foi doit restituer les fruits, mais seulement à partir de la demande en justice. Le principe de la restitution des fruits posé par l’article 1352-3 du code civil semble faire abstraction de la bonne foi du possesseur, car il dispose que « la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée ».

Si une telle interprétation de l’article 1352-7 du code civil est retenue, la solution actuelle perd sa justification : puisque seule l’étendue de la restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur, et non plus le principe même de la restitution (comme cela ressort de la motivation de l’arrêt), on pourrait en déduire que le juge doit avoir le pouvoir de la prononcer d’office, comme en ce qui concerne la restitution de la chose ou du prix. Cependant, pour certains auteurs, les nouveaux articles ne changeraient rien en pratique, au regard de la jurisprudence antérieure (M.-E. Pancrazi, préc., n° 1593 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 944).

Rien n’est certain sur ce point, et la prudence commande donc aux avocats, d’une part, de formuler explicitement une demande en restitution des fruits et, d’autre part, de tirer profit des textes nouveaux en demandant également la « valeur de la jouissance » de la chose dans le dispositif des conclusions.

Il reste cependant que, si le principe de la restitution des fruits fait désormais abstraction de la bonne foi du possesseur, la solution actuelle perd sa justification et l’office du juge pourrait en être par conséquent affecté. Seul l’avenir nous le dira avec certitude.

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Poursuivant son œuvre expansionniste à propos de la recevabilité des recours contre les décisions du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), la Cour de cassation se montre une nouvelle fois compréhensive à l’égard des victimes de l’amiante et de leurs ayants droit.

Après un récent revirement de jurisprudence quant à la recevabilité des pièces produites par la victime à l’expiration des délais prévus (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 18-22.069, Dalloz actualité, 14 déc. 2020, obs. A. Hacene-Kebir ; D. 2020. 2403 ), la deuxième chambre civile se prononce aujourd’hui, pour la première fois, sur la recevabilité d’un recours contre une décision de refus implicite d’indemnisation du FIVA alors qu’est survenu, postérieurement à la saisine de la cour d’appel, un refus explicite.

En l’espèce, un homme a été affecté d’un adénocarcinome bronchique de stade IV diagnostiqué en 2015 qui n’a pas été considéré comme une maladie professionnelle par une caisse primaire d’assurance maladie. Il a saisi le FIVA d’une demande d’indemnisation de ses préjudices avant de décéder quelque temps après. Ayant repris la procédure, ses ayants droit ont notifié au FIVA le 27 mars 2017 une demande d’indemnisation de leurs préjudices et de ceux de la victime directe. Sans réponse du Fonds à l’expiration du délai dont celui-ci disposait pour proposer une offre d’indemnisation, les ayants droit ont saisi une cour d’appel le 15 novembre 2017 d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet du Fonds. En cours de procédure, le FIVA leur a toutefois notifié, par lettre recommandée du 23 mars 2018, son refus explicite d’indemnisation.

La cour d’appel saisie en novembre 2017 a déclaré le recours initial engagé par les ayants droit de la victime contre la décision de refus implicite du Fonds sans objet et les demandes d’indemnisation irrecevables. Elle a justifié sa position par le fait que le refus explicite du 23 mars 2017 s’était substitué au refus implicite qui avait justifié sa saisine. Par conséquent, ce refus explicite avait privé de tout objet le recours engagé le 15 novembre 2017. Elle a précisé, en outre, que cette décision explicite aurait dû être contestée dans le délai de deux mois, expressément mentionné dans la notification du 23 mars 2018. Elle décide que le refus du FIVA était déjà devenu définitif au moment où les ayants droit en ont pris acte et qu’ils l’ont contesté par conclusions reçues par le FIVA le 16 septembre 2019.

Les ayants droit de la victime se sont pourvus en cassation.

La deuxième chambre civile était amenée à s’interroger sur le point de savoir si le refus explicite d’indemnisation du FIVA devait se substituer au refus implicite initial et s’il rendait la saisine de la cour d’appel sans objet et les demandes en indemnisation irrecevables imposant aux victimes de faire un nouveau recours contre le nouveau refus. Autrement dit, la victime ou ses ayants droit doivent-ils saisir à nouveau la cour d’appel du second refus parce qu’il fait perdre au premier recours son objet ?

Elle répond par la négative, casse la décision des juges du fond au visa des articles 53, IV et V, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 25 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour de cassation rappelle que, selon le premier de ces textes, le FIVA doit présenter une offre d’indemnisation dans les six mois à compter de la réception de la demande qui lui est faite et le requérant ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds que si aucune offre ne lui a été présentée dans ce dernier délai, si sa demande d’indemnisation a été rejetée ou bien encore s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite. Le recours du requérant est donc conditionné.

En l’espèce, une fois le délai de six mois expiré, le FIVA n’avait manifesté ni offre ni refus, ce qui équivaut à un refus implicite d’indemnisation ouvrant droit à la saisine d’une cour d’appel pour le contester.

Selon le second de ces textes, le délai pour agir devant la cour d’appel, qui est de deux mois, court à partir de deux événements :

soit à partir de la notification, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de l’offre d’indemnisation ou du constat établi par le fonds que les conditions d’indemnisation ne sont pas réunies ;
 soit à partir du jour où intervient la décision implicite de rejet du fonds lorsque, à l’expiration du délai de six mois prévu par le premier de ces textes, le demandeur n’a pas reçu notification de la décision.

En l’espèce, à partir du 27 septembre 2017, date à laquelle le refus implicite d’indemnisation est intervenu, le requérant disposait de deux mois, soit jusqu’au 27 novembre 2017, pour saisir une cour d’appel, ce qu’il fit le 15 novembre 2017.

Selon le dernier des textes susvisés, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

La Cour de cassation reconnaît qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le recours exercé à l’encontre d’une décision implicite de rejet prise par le FIVA est recevable, la cour d’appel est régulièrement saisie de la demande d’indemnisation et le requérant n’est pas tenu de former un nouveau recours à l’encontre d’une décision expresse de refus d’indemnisation notifiée par le fonds en cours de procédure.

En l’espèce, le recours contre le premier refus implicite était recevable sans que le refus explicite postérieur ait une incidence sur la procédure en cours.

Selon la Cour de cassation, les ayants droit de la victime de l’amiante ont contesté en temps utile la décision implicite de rejet prise par le FIVA. Ils ont maintenu leur contestation après le refus d’indemnisation notifié par le FIVA en cours de procédure. Dès lors, parce que leur recours a conservé son objet, il ne peut être jugé irrecevable. En décidant du contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés.

C’est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation se prononçait sur la recevabilité d’un recours contre une décision de rejet implicite lorsque, postérieurement et en cours de procédure, le FIVA manifeste un rejet explicite de la demande en indemnisation.

Cette position est en adéquation avec celle du juge administratif qui se prononce dans le même sens lorsqu’il est saisi de recours contre des décisions implicites de rejet de la part de l’administration suivies d’un refus explicite. Il décide que le recours, dirigé initialement contre une décision implicite de rejet, doit être considéré comme dirigé également contre la décision explicite de rejet, même si elle est postérieure : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède, d’une part, que la requête de Mme B… tendant à l’annulation de la décision implicite […] doit être regardée comme dirigée contre la décision explicite du 28 janvier 2010 par laquelle la commission a confirmé ce refus et, d’autre part, que, cette décision dûment motivée s’étant substituée à la décision implicite initialement intervenue, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, en méconnaissance des dispositions de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979, ne peut qu’être écarté » (CE 8 juin 2011, req. n° 329537, Lebon ; AJDA 2011. 1174 ; D. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ).

Bien qu’inédite, la décision du 11 février 2021 n’est guère surprenante tant au regard de la politique que mène la Cour de cassation à l’égard des victimes de l’amiante que de ses solutions en matière de recevabilité du recours contre les décisions du FIVA.

La deuxième chambre civile adopte une conception extensive de l’objet du recours contre les décisions du Fonds.

Ainsi reconnaît-elle que, « lorsqu’une offre formulée par le Fonds […] n’a pas été acceptée, la victime ou ses ayants droit sont recevables à saisir la cour d’appel de toute demande d’indemnisation d’un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination de l’amiante » (Civ. 2e, 13 juill. 2005, n° 04-06.032, Bull. civ. II, n° 201 ; D. 2005. 2550  ; RCA 2005, n° 322, obs. H. Groutel ; 18 janv. 2006, nos 05-06.007 et 05-06.008, inédit).

Elle n’hésite pas non plus à censurer les juridictions du fond qui conditionnent la recevabilité de la saisine de la cour d’appel, dans le but d’indemniser un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l’amiante, à une nouvelle saisine du FIVA quand une première demande d’indemnisation, suivie d’une offre n’ayant pas été acceptée, avait déjà donné lieu à un recours devant la cour d’appel. La cour d’appel saisie était donc tenue de statuer sur les préjudices pour lesquels le FIVA n’avait pas été préalablement saisi et mis en mesure de faire une offre (Civ. 2e, 18 avr. 2013, n° 12-14.000, inédit).

Plus caractéristique encore est un arrêt de la deuxième chambre civile du 16 novembre 2006 (n° 06-10.864, RCA 2007, n° 54, note H. Groutel) qui se prononce sur la recevabilité d’un premier recours contre une décision de refus implicite suivie, en cours de procédure, d’une offre d’indemnisation de la part du FIVA.

En l’espèce, la veuve d’une victime de l’amiante, en sa qualité d’ayant droit, avait contesté devant une cour d’appel la décision de rejet d’indemnisation implicite du FIVA qui ne s’était pas manifesté dans le délai de six mois. Or, en cours d’instance, ce dernier lui avait adressé une offre d’indemnisation, qu’elle n’avait ni acceptée ni contestée.

L’arrêt d’appel avait jugé le recours de l’ayant droit recevable, de même que sa demande d’indemnisation, et ce malgré l’absence de recours contre la décision faisant une offre d’indemnisation.

Le FIVA avait alors formé un pourvoi en soutenant que la contestation dont avait été saisie la cour d’appel, qui portait sur sa décision implicite de rejet, abandonnée et remplacée par une offre d’indemnisation, avait perdu son objet en ce que les deux décisions successives avaient une nature différente. Le Fonds en tirait la conséquence qu’en l’absence de recours contre sa dernière décision en date, la demande d’indemnisation était irrecevable.

La Cour de cassation a finalement répondu que, « lorsque l’offre formulée par le fonds n’a pas été acceptée, la victime ou ses ayants droit sont recevables à saisir la cour d’appel de toute demande d’indemnisation d’un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l’amiante. Le défaut de réponse du FIVA dans les six mois de la demande, telle qu’exprimée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception […], ouvrait à [l’ayant droit] le recours prévu par l’article 24 du décret du 23 octobre 2001 ; […] le recours restant ouvert en cas de contestation de l’offre adressée par le FIVA la cour d’appel en a exactement déduit que le maintien de la contestation, postérieurement à l’offre faite par le fonds en cours d’instance, devait s’analyser en une contestation de cette offre, de telle sorte que le recours restait recevable ».

Malgré le changement de nature de la décision du FIVA en cours de procédure – un rejet puis une offre d’indemnisation –, la Cour de cassation a considéré que le maintien de la contestation par le recours formé contre la décision implicite de rejet, même après l’émission de l’offre du FIVA, était une contestation de cette offre à l’origine du maintien de la recevabilité du recours.

Au départ fondé sur le rejet de l’indemnisation, l’objet du recours intègre, en raison du maintien de la contestation malgré l’émission d’une offre d’indemnisation, la contestation de cette offre. La haute juridiction retient une conception extensive de l’objet du recours qu’on retrouve dans l’arrêt du 11 février 2021.

L’objectif de ces solutions réside très probablement dans la volonté du juge de ne pas obstruer la procédure pour la victime et d’éviter une multiplication des recours constitutifs d’une perte de temps et d’argent pour les parties. En ce sens, la solution doit être approuvée. Une position contraire pourrait laisser penser que le FIVA peut rendre une décision après le délai de six mois imposé par l’article 53, IV et V, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000. Cela aurait pour conséquence de lui octroyer un délai plus long pour se prononcer en faveur ou non d’une indemnisation, ce qui se révélerait contraire à l’objectif de la création d’un tel Fonds de faciliter la procédure d’indemnisation des victimes de l’amiante.

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Les faits de l’affaire présentée méritent d’être soulignés tant ils ne sont pas courants. Un maître d’ouvrage a conclu un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec une société de construction, sous la condition suspensive d’obtention d’une garantie de livraison dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’acte (comme l’autorise l’art. L. 231-4, I, e, CCH). Faute pour le constructeur d’avoir obtenu la couverture d’un garant dans le délai contractuellement imparti, le contrat devint caduc. Le maître d’ouvrage s’engagea alors dans un autre CCMI, avec un second constructeur. Toutefois, un an après la non-réalisation de la condition suspensive du contrat initial, il assigna le premier constructeur en vue d’engager sa responsabilité contractuelle et d’obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation de son comportement prétendument fautif ayant participé à la non-réalisation de la condition suspensive.

Raccordement de la maison aux réseaux publics

La considération sous-tendue par ce point litigieux opposant le maître d’ouvrage au premier constructeur était relative au raccordement de la maison aux réseaux publics.

Au titre des travaux dont le maître d’ouvrage se réservait l’exécution, le CCMI comportait à sa charge le branchement au domaine public pour un coût chiffré à 6 000 € ; les autres raccordements restaient à la charge du constructeur. Or, comme cela est fréquent lors de l’acquisition d’une parcelle à la suite d’une division, la situation d’enclave avait justifié la création d’une servitude établie lors de la vente définitive du terrain, soit huit mois après la signature du CCMI. C’est à cet endroit que le constructeur, suivi par la cour d’appel d’Amiens, se défendait de toute responsabilité. Faute d’avoir été informé de cette servitude, il ne pouvait lui être reproché un manquement à son devoir de conseil. À l’inverse dans son pourvoi, le maître d’ouvrage caractérisait ce manquement au regard de l’ensemble des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics et en particulier par l’absence de vérification de la situation matérielle du terrain. Il prétendait en outre que le manquement au devoir de conseil du constructeur aurait participé aux refus de garantie opposés par deux établissements.

La Cour de cassation fut alors interrogée sur le fait de savoir si le constructeur était tenu de conseiller le maître d’ouvrage au-delà du seul chiffrage du raccordement laissé à sa charge, sur la situation matérielle du terrain vendu après division nécessitant une adaptation spécifique de l’accès aux divers réseaux publics.

En ce domaine, dès le Rapport sur le projet de loi relatif au CCMI (R. Lacournet, Sénat, 25 sept. 1990), la sous-estimation du coût des travaux d’accès et de raccordement aux réseaux laissés à la charge du maître d’ouvrage était dénoncée. Le législateur en a pris la mesure en imposant que le coût des raccordements soit contractualisé, qu’il soit à la charge du constructeur ou du maître d’ouvrage. Depuis, le code de la construction et de l’habitation met diverses obligations à la charge du constructeur en ce domaine.

• En premier lieu, l’article L. 231-2, c, de ce code impose, parmi les mentions obligatoires du CCMI, celle de la consistance et des caractéristiques techniques de la construction à édifier dont « les raccordements aux réseaux divers ».

• En second lieu, ces éléments doivent être indiqués sur le plan annexé au contrat (CCH, art. R. 231-3) et détaillés dans la notice descriptive jointe au CCMI : « la notice mentionne les raccordements de l’immeuble à l’égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s’il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l’ouvrage » (CCH, art. R. 231-4, II).

Le but poursuivi par le législateur était, d’une part, d’éviter que le constructeur ne présente un prix artificiellement bas et, d’autre part, d’enrayer le risque de livrer un logement inhabitable (J.-M. Le Masson, « La sécurisation financière du maître de l’ouvrage dans le contrat de construction de maisons individuelles », in colloque La sécurisation financière des partenaires à l’opération immobilière, RDI 2005. 392  ; H. Périnet-Marquet, « Les règles spécifiques des deux contrats de construction de maisons individuelles », in colloque du 26 mai 1991, Sénat, La maison individuelle et la loi du 19 décembre 1990, RDI 1991. 153 ).

L’on aurait pu songer à engager la responsabilité du vendeur du terrain auteur de la division et, partant, de l’enclavement de la parcelle, mais ce point n’a pas été soulevé dans l’affaire reproduite.

La Cour de cassation a jugé que les obligations légales en matière de raccordement aux réseaux publics imposent au constructeur de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de l’ouvrage aux réseaux publics.

Elle fait ainsi droit à l’allocation de dommages et intérêts sollicitée par le maître d’ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ., anc. art. 1147, repris dans le visa, désormais art. 1231-1), pour manquement à son obligation de conseil à l’égard de l’ensemble des travaux indispensables à l’implantation et à l’utilisation de la maison.

Le constructeur n’a pu utilement arguer du fait que la servitude a été établie neuf mois après la conclusion du CCMI. La haute cour met à sa charge un devoir de conseil qui commandait de rechercher (puis de chiffrer) en amont de la vente de la parcelle convoitée, l’ensemble des opérations techniques rendues nécessaires par le raccordement de l’ouvrage aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz, d’assainissement et de chauffage. L’arrêt d’appel est censuré en ce qu’il n’avait pas mis à la charge du constructeur la prise en compte de l’existence de servitudes différentes de celles dont il avait été informé lors de la signature du CCMI.

La jurisprudence avait déjà établi qu’en l’absence de chiffrage du coût des travaux de branchements nécessaires à l’utilisation de l’immeuble, ils devaient être considérés à la charge du constructeur, comme « compris dans le prix forfaitaire convenu » (Civ. 3e, 11 mars 2015, n° 14-10.002 NP). Dans le même sens, l’absence de vérification de la faisabilité d’un projet de construction laissait à la charge du constructeur le coût des travaux nécessitant de définir un autre réseau d’assainissement (Civ. 3e, 16 avr. 2013, n° 12-12.112 NP).

L’apport de l’arrêt présenté s’inscrit au-delà de ce courant acquis, jugeant que le constructeur doit indemniser le maître d’ouvrage dans une situation similaire aux décisions rapportées mais alors même qu’il n’avait pas exécuté les travaux – le contrat étant caduc faute d’obtention de la garantie de livraison – et que la vente du terrain n’ayant pas été conclue, l’ensemble des servitudes n’était pas encore connu.

Le devoir de conseil du constructeur est ainsi considérablement étendu par la jurisprudence. Il lui appartient de faire une reconnaissance de terrain et d’engager toutes opérations utiles en vue de déterminer techniquement et financièrement l’ensemble des travaux nécessaires au bon fonctionnement de l’ouvrage. La nature et l’importance des travaux requis doivent être prévues, étudiées, évaluées et contractualisées. À cet égard, toujours animée du souci de protection du maître d’ouvrage, la jurisprudence a également précisé qu’en amont, l’étude de sol ne peut être mise à la charge du maître d’ouvrage (Civ. 3e, 24 oct. 2012, n° 11-18.164, Bull. civ. III, n° 150 ; Dalloz actualité, 16 nov. 2012, obs. F. Garcia ; D. 2012. 2603 ; RDI 2013. 217, obs. D. Tomasin ). En revanche, instituée plus récemment, l’étude géotechnique pourra être à la charge du maître d’ouvrage pour les terrains des zones concernées (CCH, art. L. 112-22 ; plus largement, à cet égard, v. G. Casu, Prévention des mouvements de terrain différentiel : le dispositif est [enfin] entré en vigueur !, RDI 2020. 597 ).

Par ailleurs, rappelons que le raccordement d’un ouvrage aux divers réseaux est une difficulté matérielle, pratique et juridique qui, bien au-delà du CCMI, traverse l’ensemble des contrats spéciaux de construction et de vente.

La Cour de cassation a ainsi récemment réputé non écrite la clause de renonciation à recours à l’égard d’un système d’assainissement insérée dans un contrat de vente immobilière, pour violation de l’article 1792-5 du code civil (Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 18-22.983, Bull. civ. III, à paraître ; D. 2020. 711 ; AJDI 2020. 862 , obs. F. Cohet ; RDI 2020. 540, obs. M. Poumarède  ; CCC 2020. Comm. 93, obs. L. Leveneur).

Dans une autre mesure, l’acquéreur refusant de régulariser un projet d’acte authentique mettant à sa charge – contrairement à la promesse de vente – l’obligation de procéder aux travaux relatifs au réseau d’assainissement n’est pas fautif (Civ. 3e, 27 juin 2019, n° 18-18.310, AJDI 2019. 730 ). C’est dans le souci de protection des acquéreurs que le législateur a d’ailleurs imposé, lors d’une vente immobilière, au sein du dossier de diagnostic technique, le document de contrôle des installations d’assainissement non collectif (CSP, art. L. 1331-11-1 et CCH, art. L. 271-4, I), qui conditionne la possibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés.

Enfin, au vu de l’actualité qui atteint le marché de l’immobilier, l’affaire soumise témoigne aussi des difficultés économiques auxquelles sont confrontés certains constructeurs, tenus d’être toujours plus concurrentiels. En l’espèce, le constructeur avait proposé un prix global inférieur de moitié au prix moyen des autres constructeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison affichée de manque de rentabilité de son opération qu’il n’avait pas obtenu de garantie de livraison. Or, en l’espèce, soucieux d’être concurrentiel, le constructeur se retrouve avec un contrat caduc et une condamnation à plus de 148 000 € de dommages et intérêts (au titre du surcoût occasionné par la servitude et le raccordement, des préjudices de jouissance et de loyers) – pour un CCMI initialement chiffré à 140 000 €, dont 126 500 au profit du constructeur – (pour une condamnation à des pénalités de retard jusqu’à l’établissement d’une servitude de passage nécessaire au branchement et à l’entretien du réseau d’évacuation des eaux, v. Civ. 3e, 18 févr. 2015, n° 13-24.627 NP).

La solution de l’arrêt rendu invite ainsi les constructeurs à plus de mesure dans leur pratique des prix proposés malgré le marché concurrentiel, d’autant qu’à cet égard, aucune place ne pourrait être faite à la révision du CCMI pour imprévision (C. civ., art. 1195).

« Raccordement, servitude et construction » forment le triangle des Bermudes dans lequel peuvent se perdre les constructeurs exposés à des fluctuations économiques importantes, moins aguerris à la navigation juridique (notamment lorsque le permis de construire n’est pas encore obtenu, v. H. Périnet-Marquet, « Les règles spécifiques des deux contrats de construction de maisons individuelles », art. préc.) que les notaires rédacteurs d’actes.

Où la preuve est faite, une nouvelle fois, de la nécessité devenue impérieuse de réformer le régime du CCMI afin d’en confier la rédaction aux notaires, en vue de protéger tant les maîtres d’ouvrages que les constructeurs…

Chacun sait que le droit de rétention est souvent un enjeu majeur dans le contexte d’une procédure collective. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 février 2021 nous en livre une illustration supplémentaire et nous rappelle quelques enseignements quant aux conditions d’exercice du droit de rétention à cette occasion. En l’espèce, se prévalant d’une créance de restitution d’un acompte versé, le 20 juin 2014, sur le prix d’un contrat d’entreprise conclu avec la société de services de distribution et de fabrication (la société SDF), placée en sauvegarde puis liquidation judiciaire sans avoir exécuté ses obligations, la société Centrale solaire des terres rouges, dont cette créance a été admise au passif de la société débitrice, a exercé un droit de rétention sur une foreuse hydraulique apportée sur le chantier par cette dernière, crédit-preneur de ce matériel appartenant à une autre société (la société Natixis Lease), laquelle a assigné la société créancière en restitution. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 20 novembre 2018, a rejeté cette demande de restitution et a jugé la société créancière bien fondée à exercer son droit de rétention jusqu’à complet paiement de sa créance, ce qui motiva un pourvoi en cassation de la part de la société propriétaire du matériel, arguant du fait qu’il n’existait, contrairement aux dires des magistrats montpellierains, aucun lien de connexité matérielle ou juridique entre la créance de remboursement d’un acompte d’une prestation de service non exécutée et ladite foreuse, si bien qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel aurait violé l’article 2286 du code civil.

Mais le pourvoi est rejeté par la Cour régulatrice : « Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Centrale solaire exerçait son droit de rétention sur la foreuse hydraulique pour garantir le remboursement de l’acompte versé à la société SDF en contrepartie de la réalisation de travaux non exécutés, cette créance étant certaine, liquide et exigible, et retenu que la foreuse avait été placée sur le terrain de la société Centrale solaire par la société SDF en vue de la réalisation du chantier inexécuté puis abandonnée sur les lieux après la résiliation du contrat, la cour d’appel, qui a fait ainsi ressortir que la créance impayée dont se prévalait la société Centrale solaire résultait du contrat qui l’obligeait à restituer la foreuse à son cocontractant, en a exactement déduit qu’elle était fondée à opposer son droit de rétention à la société Natixis Lease, propriétaire de cette chose ».

La solution est parfaitement...

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L’exercice de la tierce-opposition dans le contexte d’une procédure collective est source d’un important contentieux (v. Com. 20 janv. 2021, n° 19-13.539, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 3 févr. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 132 ; Rev. sociétés 2021. 201, obs. L. C. Henry ). En règle générale, les difficultés soulevées par cette voie de recours exceptionnelle portent sur ses conditions de fond (par ex., Com. 26 janv. 2016, n° 14-11.298, Bull. civ. IV, n° 16 ; D. 2016. 309, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; RTD com. 2016. 859, obs. J.-L. Vallens ; 15 nov. 2017, n° 16-14.630, Bull. civ. IV, n° 154 ; Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. M. Kebir ; D. 2017. 2366 ; RTD com. 2018. 1024, obs. H. Poujade ). Or, l’arrêt ici rapporté se démarque de cette habitude, car il s’intéresse aux conditions de forme de la tierce-opposition.

En la matière, nous savons notamment que les décisions arrêtant ou modifiant un plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution d’un de ces plans sont susceptibles de tierce-opposition de la part d’un créancier (C. com., art. L. 661-3), à condition pour ce dernier de se prévaloir d’une fraude à ses droits ou d’un moyen qui lui est propre (C. pr. civ., art. 583). En outre, sauf dispositions contraires, la tierce-opposition doit être formée par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2).

L’interprétation de la notion de « déclaration au greffe » est au cœur de l’arrêt sous commentaire.

En l’espèce, un créancier exerce une tierce-opposition à l’encontre d’un jugement arrêtant un plan de redressement judiciaire par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe. Ce recours ayant été jugé irrecevable, en ce qu’il ne répondait pas au mode de saisine de la juridiction prescrit par la loi, le créancier forme un pourvoi en cassation en arguant notamment d’un excès de formalisme nuisant à son droit à l’accès au juge.

Las pour le demandeur, la Cour de cassation ne souscrit pas à l’argumentaire. D’abord, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe exigée à l’article R. 661-2 du code de commerce. Ensuite, elle confirme la sanction de l’irrecevabilité du mode de saisine de la juridiction ne correspondant pas à celui prescrit par la loi. Enfin, la Cour de cassation rappelle que les formalités à observer pour former un recours visent à assurer la bonne administration de la justice et la garantie, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Elle concède, en revanche, que le respect des règles formelles ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible. En l’espèce, la Haute juridiction retient que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n’ont pas pour effet de priver les créanciers de l’exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d’impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire. Par conséquent, la cour d’appel, n’ayant pas fait preuve d’un formalisme excessif, n’a pas méconnu les exigences du procès équitable.

Bien qu’il ne soit pas exempt de toutes critiques, le raisonnement de la Cour de cassation est cohérent, car en retenant une interprétation stricte du formalisme requis pour l’exercice de la tierce-opposition, la Haute juridiction peut ensuite conclure à l’irrecevabilité de la déclaration ne respectant pas le mode de saisine prescrit par la loi.

L’interprétation stricte du formalisme

La solution portée par l’arrêt ici commenté ne surprendra pas les spécialistes de la matière.

En effet, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie, même portant la mention de « déclaration de tierce-opposition », ne pouvait être considéré comme valant déclaration au greffe (par ex., Com. 29 avr. 2014, n° 12-20.988 NP). Autrement dit, pour la Haute juridiction, seule la déclaration au greffe au moyen d’une comparution du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par la lettre de l’article R. 661-2 du code de commerce.

Cette interprétation restrictive de la notion de « déclaration au greffe » peut toutefois être discutée.

En l’espèce, la Cour de cassation cantonne la notion de déclaration au greffe à l’hypothèse...

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Lorsque le recours formé contre une décision implicite de rejet prise par le FIVA est recevable, la cour d’appel est régulièrement saisie de la demande d’indemnisation et le requérant n’est pas tenu de former un nouveau recours à l’encontre d’une décision expresse de refus d’indemnisation notifiée par le fonds en cours de procédure.

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Auteur d'origine: ahacene

Il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics.

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Auteur d'origine: Garcia

Est fondée à opposer son droit de rétention au propriétaire de la chose la société dont la créance (certaine liquide et exigible) impayée résulte du contrat qui l’oblige à restituer le bien à son cocontractant.

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Auteur d'origine: jdpellier

La tierce-opposition formée par un créancier au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception à un jugement arrêtant un plan de redressement ne saurait être assimilée à la « déclaration au greffe » prévue à l’article R. 661-2 du code de commerce. Dès lors, le recours, ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, est irrecevable, sans que cette irrecevabilité méconnaisse les exigences relatives au droit à l’accès au juge.

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Auteur d'origine: bferrari

La décision arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation sauf en cas d’excès de pouvoir.

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Auteur d'origine: bferrari

La Cour de cassation vient exiger une bien rigoureuse motivation des juges du fond pour exclure les causes d’exonération invoquées par une agence de voyages pour éviter la mise en jeu de sa responsabilité au titre de l’article L. 211-16 du code du tourisme.

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Auteur d'origine: chelaine

Dans des interviews au Point et à France Inter, Éric Dupond-Moretti a annoncé les premières lignes de son projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Si l’avocat en entreprise a disparu, les crédits de réduction de peine automatique seront supprimés.

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Auteur d'origine: Bley

Lorsqu’en application de l’article 526 du code de procédure civile, l’appel fait l’objet d’une radiation du rôle faute pour l’appelant de justifier avoir exécuter la décision frappée d’appel, tout acte d’exécution significative de cette décision manifeste la volonté non équivoque de l’exécuter et constitue, par conséquent une diligence interrompant le délai de péremption de l’instance d’appel.

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Auteur d'origine: MKEBIR

L’immunité des missions diplomatiques des États étrangers s’étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’État accréditaire.

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Auteur d'origine: fmelin

L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel et l’acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l’acheteur lui interdit de se prévaloir de ses défauts apparents de conformité.

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Auteur d'origine: jdpellier
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Le nombre considérable d’études consacrées à l’analyse des liens entre le droit des entreprises en difficulté et la procédure civile témoigne de l’appétence de la doctrine pour les interactions entre ces deux branches du droit. En la matière, la jurisprudence met en lumière des problématiques récurrentes d’ordre procédural au sein du contentieux des procédures collectives. À n’en pas douter, l’arrêt ici rapporté suscitera la réflexion et ne manquera pas d’attiser la flamme, déjà vive, des difficultés liées aux aspects procéduraux de la matière.

En l’espèce, par un jugement du 13 février 2018, un dirigeant et une société holding luxembourgeoise sont condamnés à supporter solidairement une partie de l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire. En outre, il a été prononcé à l’encontre du dirigeant une mesure d’interdiction de gérer. Ce dernier et la société holding ont interjeté appel et ont sollicité l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de condamnation. Las, par une première ordonnance, le premier président de la cour d’appel va rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et par une seconde ordonnance, rectifier la première, en ajoutant la mention du « curateur » de la société holding luxembourgeoise en sa qualité d’intervenant volontaire.

Le dirigeant condamné et le curateur se pourvoient en cassation contre ces deux ordonnances.

La réponse de la Cour de cassation revêt les habits d’un principe et mérite, à ce titre, d’être retranscrite au sein de ce commentaire.

Pour la Haute juridiction, l’article R. 661-1 du code de commerce « n’ouvrant pas, par une disposition spéciale, la voie du recours en cassation contre la décision d’un premier président de cour d’appel saisi d’une demande tendant à arrêter l’exécution provisoire facultative d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, il y a lieu [conformément à l’art. R. 662-1, 1°, c. com.], d’appliquer l’article 525-2 du code de procédure civile, selon lequel les décisions arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire ne peuvent, en droit commun, faire l’objet d’un pourvoi. Il en est, par conséquent, de même de celles qui rectifieraient une erreur matérielle affectant de telles décisions. Il n’est fait exception à l’interdiction du recours en cassation qu’en cas d’excès de pouvoir ».

Ainsi, en relevant que les demandeurs n’invoquent aucun excès de pouvoir, la Cour de cassation en déduit que les pourvois sont irrecevables.

Cette irrecevabilité concerne tant le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, que celui exercé sur l’ordonnance rectificative.

L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée

L’arrêt ici rapporté mérite l’approbation, bien que sa lecture ne soit pas aisée du fait du renvoi à un nombre conséquent de textes. À ce stade de l’analyse, nous nous concentrerons sur l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée.

Le premier texte visé par l’arrêt est l’article R. 661-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, c’est-à-dire celle antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 entré en vigueur le 1er janvier 2020.

Cet article prévoit que les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure collective sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Par exception, le deuxième alinéa du texte prévoit notamment que les jugements et ordonnances rendus en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com., art. L. 651-2) et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer (C. com., art. L. 653-8) ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire. Pour que ces jugements produisent un tel effet, le juge doit l’ordonner.

En l’espèce, les jugements de condamnation en responsabilité pour insuffisance d’actif et en interdiction de gérer étaient effectivement assortis de l’exécution provisoire et les demandeurs en sollicitaient l’arrêt sur le fondement du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.

Ce passage de l’article est important pour la compréhension de l’argumentation des demandeurs au pourvoi.

Ce texte prévoit que le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux (C. com., art. R. 661-1, al. 3 – par ex., Com. 5 févr. 2008, n° 07-15.011, Bull. civ. IV, n° 29 ; D. 2008. 607 , obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2008. 426, note P. Roussel Galle ). Cet article déroge expressément au droit commun de la procédure civile dans sa version applicable aux faits de l’espèce. En effet, l’article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, prévoyait que l’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement ne peut être ordonné que par le premier président de la cour d’appel et lorsque l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (Comp. : depuis le 1er janvier 2020, C. pr. civ., art. 514-3 : « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives »).

Toujours en droit commun, l’article 525-2 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019 dispose que lorsque le premier président de la cour d’appel est saisi aux fins d’arrêter ou d’ordonner l’exécution provisoire d’un jugement (C. pr. civ., art. 524, 525, et 525-1), sa décision est insusceptible de pourvoi (ce texte est devenu l’art. 514-6 depuis le 1er janv. 2020).

Bien que l’arrêt ne le précise pas, nous pouvons, à partir de ces dispositions, deviner l’argumentation des demandeurs. Pour ces derniers, la recevabilité à exercer le pourvoi était acquise dans la mesure où le principe (à l’époque) édicté à l’article 525-2 du code de procédure civile, fermant la voie du pourvoi en cassation, ne s’appliquait pas aux décisions du premier président de la cour d’appel prises sur le fondement de l’article R. 661-1 du code de commerce, mais serait limité aux décisions relevant de l’ancien article 524 du code de procédure civile.

Partant, en poussant plus loin l’analyse, la Cour de cassation devait régler la question de savoir si la dérogation prévue à l’article R. 661-1, écartant le jeu de l’article 524 du code de procédure civile, était limitée aux seules conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire ou si elle s’étendait également au recours dont peut faire l’objet cette décision.

Or, en affirmant que la décision refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi sauf en cas d’excès de pouvoir, la Cour de cassation a opté, à raison, d’une part, pour l’application du droit commun de la procédure civile, et d’autre part, pour la limitation de la dérogation de l’article R. 661-1 aux conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire.

Cette solution doit être pleinement approuvée.

D’abord, la Haute juridiction cantonne la dérogation prévue à l’article R. 661-1 du code de commerce aux seules conditions de fond de l’arrêt de l’exécution provisoire : si le code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019, exigeait la preuve des conséquences manifestement excessives, le code de commerce requiert des moyens sérieux à l’appui de l’appel. En la matière, à défaut de précisions, les règles du droit des entreprises en difficulté n’influent donc pas sur les voies de recours du droit commun.

Ensuite et à ce propos, rappelons que l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce prévoit qu’à moins qu’il n’en soit disposé autrement les règles du code de procédure civile sont applicables aux aspects procéduraux du droit des entreprises en difficulté.

Or, l’articulation de ce texte avec la lettre de l’ancien article 525-2 du code de procédure civile est décisive. Si en l’espèce les règles du droit commun ont trouvé à s’appliquer, c’est que les dispositions du droit des entreprises en difficulté ne règlent pas spécifiquement la situation du recours ouvert pour la décision prise dans le cadre du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.

Dès lors, s’agissant spécialement des voies de recours statuant sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la Cour, en constatant que le livre VI du code de commerce ne contenait aucune disposition spéciale, a appliqué les règles du code de procédure civile par le renvoi prévu à l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce afin de conclure à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation (C. pr. civ., art. 525-2).

Par conséquent, l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée est tout à fait logique et, de surcroît, en accord avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ayant déjà affirmé que le droit commun de la procédure civile s’appliquait pour des décisions qui n’étaient pas visées au sein des dispositions spéciales du livre VI du code de commerce régissant les voies de recours (Com. 5 mai 2004, n° 01-16.758, Bull. civ. IV, n° 83 ; D. 2004. 1734, et les obs. ; RTD com. 2004. 612, obs. J.-L. Vallens - C. com., art. L. 661-1 s.).

La logique mise en œuvre par l’arrêt sous commentaire permet ensuite à la haute juridiction de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative.

L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative

Comme le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également irrecevable.

Pour aboutir à une telle conclusion, la Cour de cassation mobilise, d’une part, les mêmes arguments que pour la première ordonnance en y associant, d’autre part, le régime de la rectification des décisions.

En la matière, l’article 462 du code de procédure civile prévoit que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Surtout, le dernier alinéa du texte précité prévoit que si la décision est passée en force de chose jugée, elle ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.

Pourtant, comme pour le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également jugé irrecevable.

Ici encore, cette irrecevabilité est tout à fait justifiée.

En effet, il est de jurisprudence constante que si la décision rectifiée est insusceptible de pourvoi, il doit en aller de même concernant la décision rectificative (par ex., Soc. 13 oct. 1993, n° 90-44.911, Bull. civ. V, n° 229).

Pour conclure, cet arrêt permet de contredire l’idée répandue selon laquelle le droit des entreprises en difficulté serait absolument dérogatoire au droit commun de la procédure… En l’occurrence, les règles se complètent et l’arrêt ici rapporté en témoigne !

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On sait que la responsabilité des agences de voyages a pu évoluer depuis la loi du 11 juillet 1975 qui était plutôt souple à son sujet : l’agence n’était responsable de l’inexécution des obligations prévues au contrat conclu que s’il y avait démonstration d’une faute commise (Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 63). La loi du 13 juillet 1992 puis celle du 22 juillet 2009 ont adopté des responsabilités de plein droit qui ont été codifiées postérieurement à l’article L. 211-16 du code du tourisme. Instituant donc une responsabilité objective pour les voyages à forfait, cet article a fait l’objet d’interprétations jurisprudentielles assez importantes en raison de son contentieux dynamique. Par exemple, sur les prestations supplémentaires s’ajoutant au contrat initial, la Cour de cassation a pu décider de n’inclure que les prestations incluses dans le forfait touristique principal. Si une prestation s’ajoute et est payée entre les mains d’un tiers, l’agence de tourisme n’est ainsi pas responsable (Civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 13-26.446, Dalloz actualité, 28 janv. 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 204 ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; JT 2015, n° 172, p. 15, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2015. 625, obs. P. Jourdain ; ou, plus récemment, Montpellier, 2 déc. 2020, n° 17/03886, JT 2021, n° 238, p. 13, obs. X. Delpech ). Mais des constantes existent, notamment sur la possibilité de s’exonérer de cette responsabilité de plein droit en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. Pour être exact – et la citation aura son importance –, dans sa version applicable au litige, l’article L. 211-16 du code du tourisme précisait : « Toutefois, [l’agence] peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ». Voici donc le principal axe de défense des agences de voyages attaquées sur ce fondement pour éviter une mise en jeu de leur responsabilité parfois très coûteuse. Sur la force majeure, l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010 avait pu donner lieu à quelques jurisprudences intéressantes mettant en jeu ce cas précis (v. not. Civ. 1re, 8 mars 2012, n° 10-25.913, Dalloz actualité, 16 mars 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 1304, obs. I. Gallmeister , note C. Lachièze ; JT 2012, n° 141, p. 11, obs. X.D. ; RTD civ. 2012. 533, obs. P. Jourdain ).

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 février 2021 permet cette fois-ci de se pencher sur le fait de la victime lors d’un tel voyage à forfait. Deux personnes – une mère et son fils – contractent avec une agence de voyages pour réaliser une croisière sur le Rhin. Le soir de l’embarquement, l’un des deux voyageurs se blesse pendant la nuit en tombant sur sa table de chevet. Les faits détaillent une blessure assez importante qui en résulte au niveau de l’œil. Le voyageur assigne donc en responsabilité l’agence de voyages ayant vendu la croisière. En appel, les juges du fond condamnent cette dernière à indemniser la personne blessée sur le fondement de l’article L. 211-16 du code du tourisme. L’arrêt d’appel insistait notamment sur les éléments factuels ne permettant pas de mettre en jeu l’un des cas d’exonération : « son comportement ne peut être qualifié d’imprévisible ou insurmontable, une chute étant toujours possible, d’autant que Mme W… venait de prendre possession de sa cabine, qu’elle dormait dans ce lit pour la première fois et que la table de chevet, proche du lit et à hauteur de tête, présentait des arêtes anguleuses ». La réparation s’élevait à la coquette somme de plus de 390 000 € ; ce qui a pu encourager l’agence de croisières à se pourvoir en cassation en arguant des causes d’exonération ci-dessus rappellées. 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel pour défaut de base légale. La motivation est lapidaire : « en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi une chute survenue dans de telles circonstances était prévisible et aurait pu être évitée par la société A…C…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Que retenir de cette solution ?

Il faut bien avouer que la motivation des juges du fond pouvait étonner. En excluant la faute de la victime, ces derniers avaient tout de même énoncé que son fait (sa chute pendant la nuit) n’était ni imprévisible ni insurmontable. Or, quand l’article L. 211-16 utilise ces qualificatifs, ce n’est pas pour parler du fait de la victime mais de celui du tiers. Pourquoi alors une telle recherche ? Il faut, en effet, bien distinguer la faute de la victime du fait du tiers même non fautif. Comme l’énonce M. Dagorne-Labbé, « à la différence du fait de la victime, celui du tiers n’a pas besoin d’être fautif pour produire un effet exonératoire » (Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 72). Aucun élément textuel ne vient parler d’un fait de la victime qui serait imprévisible et insurmontable au moins dans la version du texte applicable au litige. Le fait du tiers imprévisible et insurmontable recouvre, en tout état de cause, des réalités diverses. Mais les magistrats veillent à ne pas qualifier ainsi n’importe quel événement. Par exemple, dans l’affaire des otages de Jolo, une prise d’otages en Malaisie pouvait ne pas être qualifiée d’imprévisible compte tenu des circonstances locales où des attaques terroristes avaient lieu de manière régulière (Paris, 23 janv. 2009, n° 06/14472, Dalloz actualité, 18 févr. 2009, note X. Delpech ; JCP 2009. II. 10083, note C. Lachièze). Dans cet exemple, le fait du tiers est facilement identifiable et il n’a aucune espèce de rapport avec le fait de la victime.

La nouvelle formulation de l’article L. 211-16 du code du tourisme pourrait peut-être expliquer cette interprétation assimilant les qualificatifs : « Toutefois, le professionnel peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables » (nous soulignons). Dans cette nouvelle mouture, on pourrait comprendre que la faute de la victime ou le fait du tiers soient nécessairement conjugués, l’un comme l’autre, avec les caractères « imprévisible ou inévitable ». La version de 2009, seule applicable au litige, ne devrait toutefois pas interférer avec ce changement de formulation dont il ne faut peut-être pas extrapoler le sens mais qui, selon nous, explique l’hésitation interprétative dans le raisonnement des juges du fond. En somme, une utilisation du texte de 2009, mais interprété à la lumière de sa formulation de 2019. Il faut bien avouer que le système n’est pas de la plus grande des simplicités. 

Mais la réponse donnée par la Cour de cassation peut elle-même surprendre car elle ne semble pas disqualifier cette interprétation mixte entre le fait du voyageur (et donc sa faute) et le fait du tiers même non fautif mais imprévisible et insurmontable. Il faut noter que le type de cassation – un défaut de base légale – n’aide que peu à ramener de l’ordre dans ce désordre textuel. En exigeant de la part des juges du fond la démonstration du caractère prévisible de la chute et de la possibilité qu’avait la société de l’éviter, la Cour de cassation durcit les effets du texte au profit d’une mise en jeu simplifiée des causes d’exonération. Certes, l’agence de voyages avait avancé l’idée selon laquelle elle n’était pas responsable en raison de la chute de la victime. Mais les juges du fond avaient rejeté sa faute. On pourrait songer au rôle actif de la victime comme cause d’exonération prétorienne mais même sur ce terrain (v. Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 76), la motivation peut surprendre car le voyageur dormait pendant sa chute en l’espèce. Le doute perdure.

La solution reste donc – sous l’angle littéral – assez intrigante. Assimiler – comme dans la présente affaire – le fait du tiers à la fourniture des prestations et le fait de la victime semble quelque peu aventureux puisque rien dans la version du texte de 2009 ne permet d’opérer une telle assimilation. La Cour de cassation confirmera-t-elle cette analyse ? Affaire à suivre.

Dans la première interview qu’il donne au Point, sur son futur projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire », Éric Dupond-Moretti esquisse sa réforme. Le texte sera très prochainement transmis au Conseil d’État, avec une première lecture au Parlement en mai. Des annonces qu’il a complétées sur France Inter ce mercredi matin.

Crédits de réduction de peine automatiques

IIls seront supprimés. En contrepartie, les réductions de peine pour bonne conduite ou pour effort de réinsertion, qui sont décidées par les juges de l’application des peines, seront étendues et évaluées annuellement. A noter, les crédits automatiques pouvaient être retirés aux détenus en cas de mauvaise conduite. L’administration pénitentiaire perdra donc un levier de sanction. La réforme ne sera pas rétroactive. Elle aura toutefois des effets importants sur la surpopulation carcérale. C’est notamment pour cette raison que l’Assemblée l’avait rejetée en 2018.

Assises et cours criminelles

L’expérimentation des cours criminelles, dont les premiers retours sont satisfaisants, est maintenue.

Concernant les cours d’assises, comme le recommandait le rapport Getti (v. le rapport joint à cet article, déjà mentionné par le Canard enchaîné), une audience criminelle d’orientation permettra aux parties de s’entendre sur le déroulement du procès. Le rapport du président en ouverture des débats ne sera plus calqué sur l’acte d’accusation. Le nombre de jurés sera augmenté, pour qu’une majorité de citoyens soit nécessaire pour condamner l’accusé.

Encadrement des enquêtes préliminaires

Des deux options proposées par le rapport Mattéi, c’est la plus contraignante pour les enquêteurs qui a été retenue. Les enquêtes préliminaires seront limitées deux ans, avec prolongation possible d’un an après accord motivé du procureur.

Si le mis en cause fait l’objet d’une audition ou d’une perquisition, il aura accès au dossier au bout d’un an. En cas de fuite d’une partie du dossier dans les médias causant une atteinte à la présomption d’innocence, il pourra y accéder sans délai.

Secret de l’avocat

Les perquisitions de cabinet, les écoutes et les fadettes ne seront autorisées que si l’avocat concerné est suspecté d’avoir commis une infraction.

L’idée soulevée par le rapport Mattéi d’une plateforme rassemblant les coordonnées des avocats pour empêcher les écoutes va être expertisée.

Audiences filmées

Sur autorisation de la Chancellerie, des audiences pourront être filmées pour le service public de la télévision, sous certaines précautions pour les victimes et accusés (droit à l’oubli, affaires définitivement jugées, floutage, absence de rediffusion).

Déontologie des officiers publics et ministériels : le texte contiendra des dispositions sur ce sujet (v. Dalloz actualité, 18 janv. 2021, art. P. Januel).

Médiation

Les accords des parties auront force exécutoire sans passer par un juge, simplement par visa du greffe de la juridiction compétente.

Avocat en entreprise et legal privilege

Annoncée dans les travaux préparatoires, la réforme n’est pour l’instant plus évoquée.