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La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l’ancien article 1146 du code civil n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité.

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Auteur d'origine: jdpellier

La remise de fonds entre époux pour l’acquisition d’un bien peut s’analyser en une donation rémunératoire si celui qui reçoit les fonds avait déployé une activité professionnelle et/ou domestique excédant sa contribution aux charges du mariage. Il appartient donc à l’époux qui soutient que l’opération est une donation révocable d’établir que les paiements n’ont pas eu d’autre cause que son intention libérale.

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Auteur d'origine: qguiguet

Publié au Journal officiel du 31 janvier 2021 et entré en vigueur le 1er février 2021, le décret n° 2021-95 du 29 janvier 2021 apporte des modifications au régime de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage.

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Auteur d'origine: Dargent

Par un arrêt du 27 janvier 2021, la première chambre civile précise les conditions de mise en œuvre de l’article 145 du code de procédure civile au regard du régime des mesures provisoires ou conservatoires instauré par le règlement Bruxelles I bis.

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Auteur d'origine: fmelin

Par l’expression « parties intéressées », l’article 1960 du code civil entend aussi bien les parties au contrat de séquestre que toute personne ayant intérêt sur la chose séquestrée.

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Auteur d'origine: chelaine

La demande de retrait d’un décret de libération des liens d’allégeance avec la France peut être présentée à tout moment si la décision n’a pas été prise à la demande de l’intéressé ou si elle est entachée d’un vice du consentement.

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Auteur d'origine: pastor

La Cour de cassation définit les obligations de la partie soulevant l’incompétence du juge français au regard des dispositions de l’article 75 du code de procédure civile.

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Auteur d'origine: fmelin

La Cour de cassation a cassé un arrêt d’appel au motif que les juges n’avaient pas recherché si, en l’espèce, l’application des textes qui avait empêché le père biologique d’un enfant « né sous X » de faire valoir ses droits sur l’enfant n’avait pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de cet homme.

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Auteur d'origine: lgareil

Un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles.

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Auteur d'origine: CAYOL

Contrairement au terme – événement futur et certain retardant l’exigibilité de l’obligation –, la condition affecte son existence même (C. civ., art. 1304, al. 1). La réalisation d’une condition résolutoire entraîne ainsi l’anéantissement de l’obligation, quand celle d’une condition suspensive déclenche ses pleins effets (C. civ., art. 1304, al. 2 et 3). « S’agissant de la condition suspensive, sa définition trahit l’adhésion à la conception répandue, mais non nécessaire, suivant laquelle l’obligation qu’elle affecte existe, au moins à l’état de “germe”, pendente conditione » (O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit général des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Commentaire article par article, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 645 ; pour une critique de cette conception, v. G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, n° 760). L’article 1304-6, alinéa 1, du code civil précise ainsi que « l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive » (et non pas qu’elle commence alors à exister). De même, son alinéa 3 dispose qu’« en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé ». Une telle rétroactivité aurait été inutile si l’obligation avait été dépourvue de toute existence avant la réalisation de la condition : la défaillance de cette dernière ne ferait en effet que fixer définitivement l’inexistence de l’obligation et ne conduirait pas à revenir sur le passé (J.-J. Taisne, La notion de condition dans les actes juridiques, contribution à l’étude de l’obligation conditionnelle, thèse, Lille, 1977, nos 302 et 316).

Très utilisée en pratique, la condition suspensive a même été imposée par le législateur dans certains contrats afin de protéger les consommateurs. Ainsi, en cas d’achat immobilier à crédit, la vente est nécessairement conclue sous la condition suspensive d’obtention du prêt (C. consom., art. L. 313-41). Un contentieux abondant s’est développé quant au point de savoir si une telle condition s’est, ou non, réalisée. Dans un arrêt rendu le 14 janvier 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation précise qu’un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu doit être considéré comme conforme aux stipulations contractuelles, et ce même s’il ne permet pas de couvrir l’intégralité du paiement...

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Cet arrêt illustre une nouvelle fois la fragilité dans laquelle se trouve le juge de l’exécution pour déterminer les limites de son office.

Récemment, la deuxième chambre lui a rappelé qu’il n’entrait pas dans son office de prononcer une condamnation en paiement hors les cas prévus par la loi (Civ. 2e, 19 nov. 2020, n° 19-20.700, Dalloz actualité, 5 janv. 2021, obs. F. Kieffer ; D. 2020. 2352 ) et depuis 2009, il entre dans son office celui de se prononcer sur la nullité d’un engagement résultant d’un acte notarié exécutoire (Civ. 2e, 18 juin 2009, n° 08-10.843, Dalloz actualité, 24 juin 2009, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2009. 2525, obs. V. Avena-Robardet , note J.-J. Ansault ; ibid. 2069, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis ; ibid. 2010. 1307, obs. A. Leborgne ; Just. & cass. 2010. 466, rapp. F. Bardy ; RTD civ. 2009. 577, obs. R. Perrot  ; Gaz. Pal. 6 oct. 2009, p. 17, obs. Brenner). Mais dans ces situations, le créancier agissait en vertu d’un titre exécutoire et le juge de l’exécution avait été saisi de contestations portant sur des procédures civiles d’exécution.

En présence d’une mesure conservatoire comme dans l’arrêt sous commentaire, les contours de son office semblent plus flous puisqu’il doit s’assurer de l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et de la présence de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement (C. pr. exéc., art. L. 511-1), alors que la rédaction de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire semble lui ouvrir un champ d’intervention plus large que la simple constatation de ces deux conditions : « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre ».

Alors quel est le champ d’intervention du juge de l’exécution à l’occasion d’une mesure conservatoire ? Doit-il trancher les contestations portant sur le fond du droit alors que la créance présente une apparence de fondement et que son recouvrement semble menacé ? Où est la frontière ?

Une réponse a été apportée il y a quelques mois, la deuxième chambre considérant qu’il entrait bien dans les pouvoirs du juge de l’exécution – saisi d’une demande d’inscription hypothèque judiciaire provisoire portant sur des biens immobiliers n’appartenant pas au débiteur mais à certaines de ses sociétés – celui d’examiner si ces sociétés pouvaient être considérées comme fictives (Civ. 2e,...

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Sous la direction de Valérie Boussard, professeure de sociologie à l’université Paris Nanterre, l’équipe de recherche s’est penchée sur la tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO), à travers des aspects quantitatifs (1 336 dossiers du tribunal judiciaire de Pontoise) et qualitatifs (40 entretiens avec des professionnels et des justiciables). Le rapport de recherche vient d’être publié par la Mission de recherche droit et justice.

Seules 10 % des tentatives de médiation aboutissent à un accord

La tentative de médiation préalable avant de pouvoir déposer le recours est devenue obligatoire dans un certain nombre de contentieux familiaux (modifications des décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la CEEE ou convention homologuée, v. Dalloz actualité, 21 févr. 2018, obs. M.-C. de Montecler). Mais, finalement, selon l’équipe de recherche, seul un dossier de TMFPO sur trois donne lieu à une médiation. En effet, si elle est obligatoire pour le demandeur, les défendeurs s’y soustraient dans la moitié des cas. Finalement, seules 30 % des médiations aboutissent à un accord (soit 10 % des TMFPO).

Pour les juges, la médiation est vue comme un moyen de se recentrer sur le « cœur de leur travail », qui est de trancher les litiges. Car, pour l’équipe de recherche, les juges souhaitent déléguer la dimension émotionnelle des dossiers : « les juges veulent traiter des affaires familiales dans lesquelles l’histoire du couple a été évacuée, comme si celle-ci était inutile et qu’il fallait s’en débarrasser. La médiation permet alors de faire ce travail “psychanalytique” qui amène les justiciables à redevenir rationnels ».

Malgré les faibles résultats de la TMFPO, de nombreux juges continuent de l’estimer utile car, d’après eux, « elle aide à communiquer et crée un effet d’apaisement, de pacification des relations ». A contrario, l’équipe de recherche note que les médiations intensifient le travail « en rendant les dossiers pour l’audience plus difficiles, car seuls restent à traiter des points de désaccord, particulièrement marqués ».

Des justiciables moins enthousiastes que les magistrats

Pour les justiciables, la médiation n’est pas vue aussi positivement. D’abord, parce qu’elle repose sur le demandeur : la moitié des défendeurs ne se rendent pas au premier rendez-vous d’information. Par ailleurs, « comme, dans presque 70 % des cas, la TMFPO débouche sur une poursuite de la démarche judiciaire, ils se plaignent d’une perte de temps supplémentaire, sur un processus déjà très lent ».

Les ex-conjoints interrogés ont souvent un rapport ambivalent envers leur médiateur (qui sont souvent des médiatrices) à qui il est souvent reproché de ne pas être impartial, ou, paradoxalement, de ne pas être assez en sa faveur. Les justiciables voient le médiateur comme quelqu’un qui, même s’il ne peut pas trancher le conflit, doit faire entendre raison à l’autre conjoint.

Par ailleurs, contrairement aux espoirs des magistrats, peu de justiciables font état d’un apaisement des relations. Il semblerait que « l’expérience majoritaire soit plutôt celle de l’affrontement stérile (et douloureux) avec la parole de l’autre, sans que cet affrontement, pour cause de confidentialité, puisse ensuite servir à la prise de décision du juge ». D’autant que la libération de la parole peut parfois être reçue violemment par l’autre conjoint.

Tous les ex-couples ne sont pas disposés de la même façon à la médiation. Pour certains qui peuvent envisager une communication avec leur ex-conjoint, l’engagement dans la médiation est facilité, surtout quand ils disposent de capitaux culturels importants. Pour l’équipe de recherche, il est notable que les structures libérales, plus chères que les structures conventionnées, aient un taux de réussite plus important. Mais, même dans ces cas, « la médiation s’arrête là où l’économique commence ». Le plus souvent, les questions financières restent tranchées par le juge.

La TMFPO, obstacle au recours au droit ?

La médiation est impossible quand les relations sont conflictuelles ou absentes. La TMFPO peut même être une redoutable perte de temps quand l’ex-conjoint n’assume pas les obligations du premier jugement, alors que ces situations nécessitent d’aller vite. Elle peut aussi être pour certaines femmes « un face-à-face douloureux et redouté avec un ex-conjoint, souvent mis sur le compte de phénomènes d’emprise ou de violences ».

Pour l’équipe de recherche, lorsque les ex-conjoints « arrivent à un accord, c’est moins parce qu’ils ont trouvé un terrain d’entente que parce que l’un des deux parents a décidé de faire un compromis ». Surtout, « là où il y a déjudiciarisation, c’est plutôt par un effet de non-recours au droit : plus de 30 % des dossiers de TMFPO ne donnent lieu ni à accord ni à saisine ». Un chiffre élevé de non-recours au droit.

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La règle interpretatio cessat in claris occupe une place centrale dans le droit des actes juridiques (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 456, nos 510 s.). Elle permet d’éviter une dénaturation, laquelle reste toujours possible quand un juge est confronté à un acte. Parce que le langage du droit s’applique à des circonstances réelles (A. Sériaux, Le droit comme langage, LexisNexis, n° 32, p. 51), l’interprétation reste indispensable pour donner à l’acte ambiguë sa véritable utilité. C’est dans la situation où le texte est clair pour un lecteur type que le juge n’a alors aucune marge de manœuvre. Dans cette optique, la Cour de cassation possède un pouvoir de contrôle de la dénaturation des actes juridiques par les juges du fond (Rép. civ., v° Contrat : effets, par G. Chantepie, n° 37). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 janvier 2021 vient utilement rappeler l’utilité de ce contrôle dans le contentieux de la mise à disposition de locaux par une commune. Le thème de l’arrêt ne pouvait pas échapper à un croisement entre les règles du code général des collectivités territoriales (CGCT) et celles du code civil. Rappelons les faits avant d’en étudier la solution. Une commune met à disposition d’un syndicat des bureaux dans un immeuble appartenant à son domaine privé. La mise à disposition a eu lieu sans contrat écrit. Un congé délivré par le maire est notifié le 4 octobre 2016 afin que la commune reprenne l’intégralité des locaux occupés par le syndicat. Le printemps venu, le syndicat se maintient dans les locaux de la commune. Le 10 juillet 2017, la collectivité l’assigne en expulsion. La cour d’appel de Toulouse juge que l’article L. 2144-3 du CGCT justifie le congé délivré par le maire à l’union locale. Le syndicat se pourvoit en cassation en arguant, d’une part, que le local considéré n’est pas un local communal au sens de l’article précédemment cité. D’autre part, il soutient une dénaturation par les juges du fond de la délibération utilisée pour justifier l’expulsion. La Cour de cassation opère deux précisions d’égale importance, sur lesquelles nous reviendrons respectivement.

Sur la domanialité des locaux cités dans l’article L. 2144-3 du CGCT

Cet article dispose que « le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public ». La distinction du domaine public et du domaine privé est régie par les articles L. 2111-1 et L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques (sur ce point, v. D. Georges-Lavroff, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz, v° Domaine des collectivités locales). Mais l’article L. 2144-3 du CGCT n’opère pas de distinction entre ces deux domaines dans sa lettre (Civ. 1re, 13 mai 2014, n° 12-16.784, Dalloz actualité, 23 mai 2014, obs. R. Grand). La jurisprudence administrative et la jurisprudence civile ont alors opéré des précisions que la Cour de cassation rappelle dans une motivation particulièrement riche qu’il faut noter. La jurisprudence administrative avait notamment fait évoluer sa jurisprudence entre 2011 et 2019 à ce sujet. En 2011, le Conseil d’État n’avait pas précisé la nature de la domanialité en question dans ce texte du CGCT (CE, ass., 19 juill. 2011, Commune de Montpellier, n° 313518, Dalloz actualité, 20 juill. 2011, obs. M.-C. de Montecler ;). Mais en 2019, il a pu préciser que les locaux communisés visés par l’article L. 2144-3 doivent être regardés comme les locaux affectés aux services publics communaux (CE 7 mars 2019, Commune de Valbonne, n° 417629, Dalloz actualité, 15 mars 2019, obs. M.-C. de Montecler ; ).

Ainsi, la Cour de cassation précise, dans l’arrêt soumis à l’analyse, « il y a lieu en conséquence d’harmoniser l’interprétation de ce texte et d’en déduire que le fait qu’un local mis à disposition appartienne au domaine privé de la commune ne permet pas de le regarder comme un local communal au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2144-3 de sorte que sont applicables à la mise à disposition d’un tel local les dispositions des articles L. 2122-21 et suivants relatives aux attributions du maire exercées au nom de la commune ».

Voici ainsi une harmonisation de l’interprétation fortement utile aux questions croisant droit public et droit privé, ici pour la gestion des collectivités territoriales. La violation de la loi est alors consommée pour la Cour de cassation qui casse l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse qui avait fait application de l’article L. 2144-3 au cas d’espèce. Une telle harmonisation entre jurisprudence administrative et jurisprudence civile est extrêmement bénéfique. En l’espèce, il fallait donc faire application des dispositions de l’article L. 2122-21 lequel prévoit les attributions exercées au nom de la commune. L’appartenance au domaine privé justifie une telle distinction dans les domaines respectifs des articles L. 2144-3 (lequel traite des locaux communaux) et L. 2122-21 du CGCT. Le critère de l’affectation du local permet ainsi de savoir s’il faut le qualifier de local communal au sens du premier texte. Le régime applicable au domaine privé s’en retrouve précisé, bien que la question soit encore sujette à discussion à travers les arcanes du droit administratif des biens (C. Malverti et C. Beaufils, Le domaine (privé) des dieux, AJDA 2019. 980 ). 

Restait donc à traiter la question plus conventionnelle et néanmoins délicate de la dénaturation de l’écrit devant les juges du fond.

Sur l’absence de dénaturation de l’écrit

Une fois cette question de croisement entre droit public et droit privé réglée, il restait pour la Cour de cassation à se pencher sur la dénaturation ou non d’un écrit ; à savoir une délibération du 28 mars 2014 du conseil municipal de Foix. Dans cette délibération, il était indiqué que le maire pouvait « intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle et, en particulier, le contentieux en matière de baux, mises à disposition de meubles ou immeubles ». La cour d’appel de Toulouse avait interprété cette délibération pour valider le pouvoir du maire de donner congé à l’union syndicale pour les locaux relevant du domaine privé de la commune. Là encore, la violation de la loi est consommée, une seconde fois dans cet arrêt.

La Cour de cassation utilise son pouvoir de contrôle de la dénaturation par un visa récent mais désormais célèbre « Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». On notera que l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a codifié cette règle dans l’article 1192 nouveau du code civil, lequel dispose qu’« on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ». Dans le futur, nous retrouverons donc le visa de cet article pour les actes juridiques conclus après le 1er octobre 2016.

En somme, le pouvoir du maire était très limité pour ce bien dans le cas d’espèce. La limitation de la délégation provenait de l’acte juridique lui-même lequel était suffisamment clair pour éviter toute incertitude selon la Cour de cassation. On peut toutefois se demander comment considérer un texte suffisamment clair tant on sait que le langage reste, comme le disait H.L.A. Hart, une « texture ouverte » (open texture) ; les mots n’étant pas sujets à une signification fixe et gravée dans le marbre. Ce débat mêlant la théorie générale du droit avec la philosophie du droit a une incidence toute particulière puisque les juges du fond sont fréquemment confrontés à l’interprétation des écrits qui leur sont soumis. M. Chantepie note que « la clarté n’est pas une qualité intrinsèque de l’acte » (Rép. civ., v° Contrat : effets, préc., n° 39). En réalité, il faut que l’interprète détecte immédiatement la clarté pour que le juge ne cède pas aux sirènes de l’interprétation. Dans le contentieux analysé, on peut effectivement se rendre compte de la limitation du pouvoir du maire qui ne laissait donc aucune marge de manœuvre au juge saisi de la question. Voici donc une bien délicate mission qui explique que la dénaturation soit parfois difficile à contrôler.

Le pouvoir du juge dans l’interprétation des écrits reste donc très limité. Sur ce point, nihil novi sub sole, certes, mais la précision est toujours utile et efficace pour les praticiens. L’acte clair ne s’interprète pas. Reste à savoir ce qu’est un acte clair. C’est une autre question pour laquelle la doctrine reste encore divisée.

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Le droit des majeurs protégés implique, par nature, une limitation de l’accès au juge des tutelles afin d’assurer l’efficacité de la mesure mise en place et la protection effective de la personne concernée. La question soulevée par l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 janvier 2021 implique une vérification de la conformité de cette restriction à l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. La question s’est déjà posée dans d’autres procédures par le passé notamment devant la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 24 sept. 2015, n° 13-28.017 P, Dalloz actualité, 8 oct. 2015, obs. M. Kebir ; D. 2016. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati  ; 22 mars 2018, n° 17-12.049, inédit) ou même devant la première chambre à l’instar de l’arrêt analysé aujourd’hui (Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 14-29.767, Dalloz actualité, 26 mai 2016, obs. X. Delpech ; RTD com. 2016. 698, obs. E. Loquin ). En matière de droit des majeurs vulnérables, l’appel d’une décision du juge des tutelles est réservé (outre au majeur en question) à un groupe de personnes identifiées comme le cercle proche du majeur vulnérable, c’est-à-dire « son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique » (nous soulignons). Or, en l’espèce, la difficulté reposait sur la possibilité d’interjeter appel pour un ex-concubin qui n’avait pas entretenu de liens étroits et stables postérieurement à la rupture.

Le 23 août 2010, une personne désigne comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie sa concubine et, à défaut, ses héritiers. Le 30 juin 2015, le souscripteur est placé sous une mesure de protection – une tutelle – pour une durée de cinq ans. Son fils est désigné comme tuteur. Dans une ordonnance du 25 avril 2016, le juge des tutelles autorise le tuteur à procéder au changement de la clause bénéficiaire du contrat conclu précédemment pour désigner désormais l’épouse du majeur vulnérable et ses enfants. Le majeur concerné meurt le 20 novembre 2016. Le 15 septembre 2017, l’ex-concubine forme une tierce opposition de l’ordonnance rendue par le juge des tutelles ayant autorisé la substitution du bénéficiaire. Une telle tierce opposition a été déclarée irrecevable par le juge des tutelles. L’ex-concubine interjette donc appel de cette seconde ordonnance mais également – et c’est là toute la difficulté – de l’ordonnance du 25 avril 2016 directement (la décision qui avait autorisé la modification de la clause bénéficiaire). Dans un spectaculaire contrôle de proportionnalité, la cour d’appel de Lyon a décidé que, « si les restrictions légales à l’exercice des voies de recours contre les décisions du juge des tutelles poursuivent des objectifs légitimes de continuité et de stabilité de la situation du majeur protégé, dans le cas d’espèce, la privation du droit d’appel est sans rapport raisonnable avec le but visé dès lors que Mme B… est privée de tout recours contre une décision qui porte atteinte de manière grave à ses intérêts ».

Le tuteur se pourvoit alors en cassation. Il argue qu’un tel contrôle de proportionnalité est inopportun en la matière. L’arrêt est cassé pour violation de la loi. Si on sait que l’une des composantes de l’article 6, § 1, est le droit d’accès à un tribunal, ce droit n’est cependant pas absolu. Les limitations n’existent que si elles poursuivent d’une part un but légitime et d’autre part un rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé. On comprend ainsi aisément que ces deux conditions cumulatives ont été analysées successivement par la Cour de cassation.

Le but légitime : la protection du majeur vulnérable

Dans sa motivation, la Cour de cassation décrit le but légitime poursuivi par la législation interne ainsi : « en ouvrant ainsi le droit d’accès au juge à certaines catégories de personnes, qui, en raison de leurs liens avec le majeur protégé, ont vocation à veiller à la sauvegarde de ses intérêts, ces dispositions poursuivent les buts légitimes de protection des majeurs vulnérables et d’efficacité des mesures ».

L’explication est convaincante, quoiqu’expéditive. On sait que la saisine du juge des tutelles obéit à une limitation moins importante aujourd’hui que jadis. La loi du 5 mars 2007 a élargi, en effet, les personnes pouvant saisir le juge des tutelles en prenant acte notamment des « mutations sociales du couple » (F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil. Les personnes, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, p. 705, n° 665, note 1). Ainsi, la protection du majeur implique tout de même nécessairement de réduire les personnes pouvant agir à un cercle très proche de lui. Si le majeur est protégé, c’est qu’il faut veiller également aux personnes pouvant saisir le juge des tutelles et ainsi susceptibles de capter son patrimoine. Le but de toute l’architecture du droit des majeurs vulnérables reste de protéger ces derniers sur un plan extrapatrimonial et sur un plan patrimonial. Il s’agit donc d’une véritable restriction sans aucune hésitation mais une telle limitation vise à garantir un but précis poursuivi par le droit interne, celui de protéger les majeurs vulnérables. L’efficacité de ces mesures a déjà fait l’objet de discussions en 2007 sur le rôle de l’article 6, § 1, de la Convention européenne en supprimant, par exemple, la saisine d’office du juge des tutelles (P. Malaurie, Droit des personnes. La protection des mineurs et des majeurs, 9e éd., LGDJ, coll. « Droit civil », 2019, p. 350, n° 746).

Se forme donc autour du majeur protégé une sorte de cercle « nucléaire » qui vient garantir ses droits. Cette sorte de « cocon juridique » n’est pas sans rappeler le « parapluie judiciaire » des procédures collectives. L’égide légale permet d’éviter la captation par autrui. Voici un objectif bien légitime. La limitation de la possibilité d’interjeter appel ne doit pas conduire à y voir une ingérence sans but. Toute l’architecture du droit des majeurs vulnérables en dépend.

Reste à savoir si un rapport raisonnable de proportionnalité est préservé.

Le rapport raisonnable de proportionnalité

La Cour de cassation rappelle ensuite que ces mesures « ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre la restriction du droit d’accès au juge et le but légitime visé dès lors que les tiers à la mesure de protection disposent des voies de droit commun pour faire valoir leurs intérêts personnels ». Par quels moyens faire valoir ces droits ? En tant que tiers créanciers, ces derniers disposent de la tierce opposition de l’article 499, alinéa 3, du code civil. Ici d’ailleurs, le problème se concentrait non réellement sur l’appel de l’irrecevabilité de la tierce opposition mais sur l’appel de l’ordonnance ayant autorisé la substitution de la clause bénéficiaire. C’est une précision importante, bien que la cour d’appel Lyon eût opportunément ordonné la jonction des deux appels autour de la même affaire. On notera que le tiers peut également simplement avertir le juge des tutelles s’il pense que la gestion du tuteur peut nuire à l’intérêt du majeur vulnérable. On remarque évidemment que tout ceci reste limité, certes, mais la restriction se déduit de l’objectif du droit des majeurs vulnérables.

Sur le cas d’espèce, on comprendra assez facilement le problème puisque la bénéficiaire de l’assurance-vie initiale a, en réalité, perdu qualité à agir avec la fin du concubinage. Si le couple vivait toujours ensemble, le concubin aurait tout à fait pu interjeter appel. Ainsi, la cour d’appel de Lyon avait cru, par le contrôle de proportionnalité, permettre à l’ancienne concubine de retrouver cette qualité pour agir perdue avec la fin du concubinage. Mais, en réalité, l’ancienne partenaire de vie du majeur aurait très bien pu continuer à bénéficier d’une certaine qualité à agir en conservant « des liens étroits et stables » avec lui comme le mentionne l’article 430 du code civil. Or la limitation du droit d’agir n’est donc absolument pas disproportionnée avec le but poursuivi puisque cette catégorie de personnes entretenant de tels liens peut être très importante. Un concubin peut tout à fait conserver des « liens étroits et stables » car des liens amicaux peuvent remplacer des liens affectifs, surtout quand l’autre est en proie à la maladie ou à d’autres troubles compromettant sa santé physique ou mentale. La loi a donc écarté cette personne qui est sortie du cercle nucléaire du majeur protégé.

En somme, une telle tentative de contrôle de proportionnalité par les juges du fond était risquée, quoiqu’intéressante au fond. Il n’y avait pas matière à procéder à une telle mise en échec de la limitation des personnes ayant qualité pour agir puisque la loi ouvrait la possibilité à l’ex-concubin de conserver des liens étroits et stables, ce qu’elle n’a pas fait. En tant qu’outil de placement et d’anticipation successorale, l’assurance-vie est gérée par le tuteur et sa décision de modifier la clause bénéficiaire avait été autorisée par le juge des tutelles. Il faut considérer que la décision du tuteur – dont il répond et dont il doit rendre compte – était cohérente faute de la preuve contraire. La situation était particulière puisqu’au concubinage répondait un mariage. Le tuteur a probablement voulu avec la fin du concubinage mettre fin à cette clause bénéficiaire. Certes, on pourrait penser que ceci reste dans un but successoral puisque l’assurance-vie est hors donation indirecte ou primes manifestement exagérées hors de la succession par le jeu de l’article L. 132-13 du code des assurances. En substituant l’ex-concubin aux héritiers légaux du majeur, l’assurance-vie ne sortira pas du cercle familial. En tout état de cause, le tuteur a simplement éprouvé les conséquences de la fin du concubinage que son père entretenait avec le bénéficiaire en présumant que son père – affaibli par un Alzheimer – n’aurait pas voulu poursuivre une telle désignation après leur rupture. Les dates coïncident factuellement entre la saisine du juge des tutelles aux fins d’autorisation de la substitution de la clause bénéficiaire et la rupture antérieure du concubinage. L’ex-concubin voulait évidemment discuter de la pertinence de la substitution mais elle ne pourra pas le faire faute de qualité pour agir. La limitation procédurale de la question invite à ne pas parler de cette opportunité plus en détail.

La loi ne vient donc pas limiter inutilement la qualité pour agir dans le cadre de l’appel des décisions du juge des tutelles. Elle vient restreindre l’appel à un corps de personnes données – ce cercle nucléaire – pour garantir une protection du majeur vulnérable.

Cet arrêt de la chambre sociale doit retenir l’attention du processualiste, même si certains textes qui le fondent sont aujourd’hui abrogés. En effet l’analyse de l’articulation de la péremption avec l’organisation d’échanges entre parties en procédure orale reste d’actualité sous l’empire des textes nouveaux : l’arrêt nous indique en effet quel est le point de départ du délai de péremption de deux ans alors qu’un juge avait ainsi organisé les échanges entre parties.

Des salariés licenciés pour motif économique en 2006 saisissent la juridiction prud’homale, puis interjettent appel des jugements. La procédure d’appel, orale, se déroule sans représentation obligatoire. L’instruction est confiée à un magistrat (de la cour d’appel) chargé d’instruire l’affaire. Celui-ci convoque les parties à une audience collégiale, organise l’échange mutuel de leurs conclusions et pièces en respectant un certain délai ; il prévoit aussi la remise, à la cour d’appel, des conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, sans impartir de délai – tout ceci par des ordonnances notifiées le 4 juin 2015.
Peu après l’audience, le 13 janvier 2016, la cour d’appel prononce la radiation des affaires pour défaut de diligence. Le 2 octobre 2017, celles-ci sont réinscrites. Les appelants concluent le 19 novembre 2018. Le 12 juin 2019, la cour d’appel constate la péremption de l’instance, son extinction et le dessaisissement de la cour.
Les salariés se pourvoient. La première branche du moyen reproche à la cour d’appel une violation « des articles 446-1, 446-2, 939 et 946 du code de procédure civile, R. 1453-3 et R. 1453-4 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l’article R. 1452-8 du code du travail alors applicable et l’article 386 du code de procédure civile » : selon eux, le calendrier de procédure pour l’organisation des échanges a été fixé sans leur accord, de sorte que le délai de péremption de deux ans n’a pas commencé à courir.
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Rappelant la teneur des différents textes, elle juge que, si, en application de...

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Allongement de la trêve hivernale

Pour cette année, la ministre a entériné la prolongation de deux mois de la trêve hivernale, obligeant de surseoir aux expulsions locatives, non pas jusqu’au 31 mars, mais jusqu’au 1er juin.

On rappellera que ce dispositif a été créé par la loi n° 56-1223 du 3 décembre 1956, interdisant toute expulsion locative entre le 1er décembre et le 15 mars de l’année suivante. Cette date a été rallongée d’un mois et demi (du 1er nov. au 31 mars de l’année d’après) par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite « ALUR ». En 2020, en raison de l’épidémie sanitaire liée à la covid-19, cette trêve avait été allongée par l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 jusqu’au 31 mai, puis une prorogation similaire jusqu’au 10 juillet 2020 avait été actée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020.

Prévention des expulsions

La ministre reprend par ailleurs les principales recommandations du rapport remis en décembre 2020 au Premier ministre par le député Nicolas Démoulin intitulé « Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire (Covid-19) ».

Ainsi, en sortie de trêve, les expulsions avec concours de la force publique seront échelonnées afin de maintenir les personnes fragiles dans leur logement, avec indemnisation des bailleurs sociaux et privés.

Et lorsque l’expulsion est inévitable, une politique de relogement ou, a minima, d’hébergement, sera systématiquement proposée aux locataires expulsés.

De manière plus structurelle, une réforme de la procédure de prévention des expulsions, permettant d’agir en amont en réalisant les diagnostics sociaux au stade du commandement de payer et non plus comme aujourd’hui au stade de l’assignation en justice, a été annoncée. Le rôle de certains acteurs (huissiers de justice, gardiens d’immeuble, notamment) sera renforcé en vue de pouvoir dialoguer avec les habitants et de repérer les personnes en difficulté.

Enfin, une procédure visant à simplifier et à harmoniser l’action de l’État, avec une meilleure coordination des actions de prévention avec les collectivités territoriales porteuses des fonds de solidarité logement a été engagée.

Construction de 250 000 logements sociaux en deux ans

La ministre a, en outre, annoncé un investissement massif dans la construction de 250 000 logements sociaux en deux ans, en lien avec le mouvement HLM, Action Logement et la Caisse des Dépôts. Ella a également précisé qu’une réflexion était en cours sur le prolongement nécessaire de la loi SRU du 13 décembre 2000 .

Soutien de l’intermédiation locative

Enfin, dans le cadre du renforcement de la politique du « plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme » lancé le 11 janvier 2017 par le président de la République, proposant une réforme structurelle de l’accès au logement pour les personnes sans domicile, la ministre du Logement a décidé d’investir dans les pensions de famille et de soutenir les actions en faveur de l’intermédiation locative, permettant de louer un logement à un coût réduit, et ce dans le parc privé, ainsi que le doublement des territoires de mise en œuvre accélérée du logement d’abord qui passent de 23 à 46, grâce à un partenariat renforcé avec les collectivités territoriales.

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Ces deux arrêts – promis à une publication élargie (FS+P+B+I) – aux résultats diamétralement opposés, sont riches d’enseignement à la fois sur la territorialité des procédures civiles d’exécution mais aussi sur les possibilités de recouvrement à l’encontre d’un État étranger.

Sans entrer dans les détails des faits de chacune de ces décisions, il convient cependant d’en évoquer quelques lignes.

Dans le pourvoi n° 18-17.937, d’anciens salariés de l’ambassade des États-Unis d’Amérique ont obtenu des décisions en matières prud’homales condamnant les États-Unis d’Amérique et l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique pris en sa qualité de représentant de ceux-ci.

En vertu des décisions qu’ils ont obtenu, les créanciers ont pratiqué une saisie-attribution des loyers entre les mains d’une société de droit américain dont le siège social était aux États-Unis, dans l’Ohio, qui était également locataire pour un établissement situé à Paris, dans un immeuble dont les États-Unis étaient propriétaires.

Dans le pourvoi n° 19-10.801, en vertu d’une sentence arbitrale exécutoire en France prononcée à l’encontre de la République du Panama et de l’autorité du Canal du Panama, un créancier a fait pratiquer une saisie-attribution du compte bancaire de ses débiteurs, entre les mains de la succursale parisienne d’une banque ayant son siège social à Londres.

Dans la première décision, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel qui avait ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du locataire.

Dans la seconde décision, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi qui reprochait à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la banque étrangère.

Ces deux décisions qui semblent contradictoires appliquent pourtant la même règle.

Premier obstacle, il est permis de constater que des procédures civiles d’exécution dans les deux espèces ont été poursuivies à l’encontre d’États étrangers, les États-Unis dans un cas et la République du Panama, dans l’autre.
Or, il est important de rappeler que le fait qu’il s’agisse d’un État souverain condamné n’est pas en soit un obstacle à toutes mesures d’exécutions sur le territoire national, l’article L. 111-1-1 du code des procédures civile d’exécution prévoyant seulement, dans cette hypothèse, qu’une autorisation du juge de l’exécution est requise au préalable.

Puisque, par application des règles du droit international privé, les États bénéficient d’une immunité d’exécution de principe, il est permis de penser qu’aucune procédure civile d’exécution ne peut être pratiquée à leur encontre, sauf dans les cas où ils auraient renoncé à leur immunité.

Toutefois, ce principe connaît des exceptions.

Ainsi, l’immunité d’exécution des États étrangers tombe lorsque le bien ou la créance saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé (Civ. 1re, 14 mars 1984, n° 82-12.462, Eurodif, D. 1984. Jur. 625).

Ainsi, lorsque ces conditions d’exception ne sont pas réunies, la voie d’exécution n’est pas possible (voir dans ce sens, Civ. 1re, 5 mars 2014, n° 12-22.406, Dalloz actualité, 19 mars 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 672 ; ibid. 1466, obs. A. Leborgne ; ibid. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Just. & cass. 2015. 115, étude P. Chevalier ).

En l’espèce, dans les deux décisions commentées, le créancier a pratiqué une mesure d’exécution qui entrait dans le champ des exceptions à l’immunité d’exécution.

Ce premier obstacle levé, le créancier pouvait-il valablement pratiquer une saisie-attribution des loyers entre les mains d’une société ayant son siège social aux États-Unis d’une part, ou de la succursale en France d’une banque dont le siège social était à Londres ?

Pour répondre à cette épineuse question, la Cour de cassation a appliqué avec une grande simplicité les règles relatives à la territorialité des procédures civiles d’exécution.

Dans le pourvoi n° 18-17.937, elle a considéré que la saisie-attribution pratiquée portant sur une créance saisie résultant d’un contrat de bail signé entre les États-Unis d’Amérique et une société de droit américain dont le siège était dans l’Ohio était possible s’il était démontré que le tiers saisi était établi en France soit en y ayant soit son siège social, soit en disposant d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisi à son encontre.

Dans le cas de la saisie-attribution des loyers pratiquée à l’encontre de la société américaine locataire en France, ayant observé que les loyers étaient payés sur un compte ouvert dans une agence de la Société Générale en France, elle a considéré que la saisie-attribution était régulièrement pratiquée, le tiers saisi disposant bien d’une entité en France ayant le pouvoir de s’acquitter des loyers.

En revanche, dans le pourvoi n° 19-10.801, la Cour de cassation a retenu que la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire détenu par le débiteur auprès d’une succursale d’une banque dont le siège social était à Londres, succursale dans laquelle aucun compte n’était ouvert au nom du débiteur saisi, ne répondait à ces conditions.

Elle a donc rejeté le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel qui avait ordonné la mainlevée de cette saisie-attribution.

Cette décision peut sembler surprenante car la jurisprudence française avait déjà admis qu’un créancier pouvait faire pratiquer une saisie-attribution entre les mains d’une banque française et que cette saisie s’étendait aux fonds déposés auprès de sa succursale monégasque (Civ. 2e, 14 févr. 2008, n° 05-16.167, D. 2008. 686 , obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2373, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis ; ibid. 2560, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2009. 1044, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 1168, obs. A. Leborgne ; RTD civ. 2008. 357, obs. R. Perrot ; RTD com. 2008. 601, obs. D. Legeais ; ibid. 2009. 648, obs. P. Delebecque ).

Aussi cette position est étonnante car comme l’avait souligné un auteur : « La limitation des effets d’une saisie-attribution au seul compte détenu dans une succursale ne peut qu’être source de difficulté (…) et ne semble pas en phase avec l’évolution des technologies de la communication qui permettent à chaque établissement teneur de compte d’accéder à l’ensemble des autres comptes du dépositaire » (E. de Leiris, Droit et pratiques des procédures civiles d’exécution, Dalloz Action, 2018 -2019, p. 1025, § 0922.14).

Néanmoins, dans les deux arrêts commentés, la règle posée par la Cour de cassation a au moins le mérite de la simplicité, la procédure civile d’exécution sera possible lorsque le tiers saisi est établi en France, qu’il y a son siège social ou y dispose d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisie à son encontre.

Si ces conditions sont réunies, la saisie-attribution pourra être valablement pratiquée.

Dans le cas contraire, elle sera irrégulière et pourra faire l’objet d’une mainlevée.

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Avec patience, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation semble faire sien l’adage, Repetitio est mater studiorum, généralement maladroitement traduit par « la répétition est la mère de la pédagogie », le plus souvent attribué à Saint Thomas d’Aquin.

Ainsi, inlassablement, à destination des juges du fond et des parties, elle répète ce qu’elle a parfois déjà précisé, notamment que le juge de l’exécution :
- ne peut prononcer une condamnation en paiement hors les cas prévus par la loi (Civ. 2e, 19 nov. 2020, n° 19-20.700, Dalloz actualité, 5 janv. 2021, obs. F. Kieffer) ;
- doit examiner le bien fondé de la contestation portant sur le fond du droit, même lorsqu’il est saisi d’une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire (Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-16.347, Dalloz actualité, 11 déc. 2020, obs. F. Kieffer ; Rev. prat. rec. 2020. 8, chron. C. Kieffer et Ulrik Schreiber ) ou que celle-ci est contestée (Civ. 2e, 14 janv. 2020, n° 19-18.844) ;
- ne peut plus statuer sur les contestations et demandes incidentes qui sont soumises à son examen s’il constate que le commandement est périmé (Civ. 2e, 21 mars 2019, n° 17-31.170, Dalloz actualité, 4 avr. 2019, obs. J. Couturier ; D. 2019. 1306, obs. A. Leborgne ; AJDI 2019. 807 , obs. F. Cohet ) ;
- ne peut relever d’office une contestation lorsque le projet de distribution n’a pas été contesté par le partie sauf à se rendre coupable d’un excès de pouvoir (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.366, Dalloz actualité, 24 sept. 2020, obs. F. Kieffer ; D. 2020. 1844 ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, Anne-Isabelle Gregori, Rudy Laher et A. Provansal ; RTD civ. 2020. 951, obs. N. Cayrol ) ;
- est incompétent pour connaître des contestations sur le titre exécutoire lorsque le créancier a renoncé à la procédure de saisie immobilière en faisant radier le commandement (Civ. 2e, 5 janv. 2017, n° 15-26.694).

La décision commentée est dans le droit fil de cette vertu pédagogique. 

Il est vrai que les faits s’y prêtaient, le parcours du combattant précédant l’arrêt de la Cour de cassation ayant débuté en 2011. Ce...

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L’exercice de la tierce opposition contre les jugements rendus en matière de procédure collective est un art délicat. La récurrence du contentieux en ce domaine, déjà liée aux difficultés procédurales associées à l’exercice de cette voie de recours, résulte en outre de la conciliation difficile des intérêts antagonistes du droit des entreprises en difficulté. S’il faut ménager le droit à l’accès au juge des personnes concernées par la faillite, il faut dans le même temps veiller à conserver une certaine efficacité dans le traitement de l’insolvabilité.

Naviguant entre rigueur procédurale et pragmatisme, l’arrêt rendu par la Cour de cassation réunie en chambre commerciale le 20 janvier 2021 témoigne de ces antagonismes. Il confirme en outre que la rencontre du droit des entreprises en difficulté avec les règles de la procédure civile et du droit des sociétés se fait rarement sans heurts.

En l’espèce, une banque a consenti courant 2007 deux prêts à une société civile immobilière (SCI). Quelques années plus tard, par un arrêt du 24 mars 2011, la société a été condamnée à payer à la banque diverses sommes dues au titre de ces prêts. Le 3 février 2014, la personne morale est placée en redressement judiciaire, puis le 9 février 2015, en liquidation judiciaire. La banque a régulièrement déclaré sa créance relative à l’arrêt du 24 mars 2011 et celle-ci est admise au passif de la liquidation judiciaire par une ordonnance du juge-commissaire du 2 février 2015.

Assignés en paiement par la banque, les associés de la SCI, tenus en tant que tels des dettes de la société à proportion de leur part dans le capital social, ont formé tierce opposition à l’arrêt du 24 mars 2011 et ont sollicité l’annulation des contrats de prêts et le rejet de la demande en paiement. La cour d’appel estime recevable la tierce opposition formée par les associés et fait droit à leurs demandes.

La banque se pourvoit en cassation et la haute juridiction censure l’arrêt d’appel. Pour la Cour de cassation, les associés sont dépourvus d’intérêt à former tierce opposition à l’encontre du jugement antérieur à la procédure collective condamnant la société au paiement de plusieurs sommes.

Plus précisément, la Cour reproche aux associés de la personne morale débitrice de s’être privés des canaux de la procédure collective en ne présentant pas de réclamation à l’état des créances pour contester la créance de la banque (C. com., art. R. 624-8, al. 4).

Afin de comprendre l’essence de cette décision, un retour sur les principes applicables en la matière est nécessaire.

Les décisions du juge-commissaire statuant sur l’admission des créances peuvent être contestées par les parties elles-mêmes, c’est-à-dire les parties à la vérification du passif : le débiteur, le créancier et le mandataire judiciaire (par ex., v. Com. 19 mai 2015, n° 14-14.395, Bull. civ. IV, n° 84 ; Dalloz actualité, 9 juin 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 1152 ; RTD com. 2015. 748, obs. A. Martin-Serf ).

Par ailleurs, toute personne intéressée peut présenter une réclamation auprès du juge-commissaire contre ses décisions d’admission, de rejet ou d’incompétence dans le mois du dépôt de l’état des créances au greffe (C. com., art. R. 624-8, al. 4). Ce recours est réservé aux personnes qui n’ont pas la qualité de partie à l’instance de vérification de la créance contestée. Cette caractéristique fait de la réclamation une variété de tierce opposition.

Ce recours revêt un intérêt tout particulier pour les « garants » et plus généralement, pour les personnes susceptibles d’être appelées à payer la dette du débiteur sous procédure collective. En effet, puisque l’admission d’une créance au passif est une véritable décision de justice, une fois les voies de recours épuisées, la décision acquiert force de chose jugée et les créances admises ont autorité de chose jugée quant à leur montant, leur nature et leur principe (Com. 3 mai 2011, n° 10-18.031, Bull. civ. IV, n° 63 ; Dalloz actualité, 11 mai 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 1279, obs. A. Lienhard ; ibid. 2069, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; ibid. 2012. 1573, obs. P. Crocq ; RTD com. 2011. 798, obs. A. Martin-Serf  ; 1er mars 2005, n° 03-19.539 NP). Par conséquent, une fois l’admission acquise, le tiers ne peut plus ensuite contester le principe ou le quantum de la créance (Com. 22 oct. 1996, n° 94-14.570 NP ; D. 1997. 2 ; Rev. sociétés 1997. 596, note P. Didier ).

Sur un plan théorique, cette solution peut trouver diverses explications en fonction de la qualité du tiers intéressé par l’admission de la créance.

Elle a parfois reposé sur la notion de représentation mutuelle des co-obligés, notamment pour expliquer son application à des cautions solidaires (Com. 9 janv. 2001, n° 97-22.053 NP) ou à des codébiteurs solidaires (Com. 20 sept. 2005, n° 04-14.410 NP). Dans ces cas, la solidarité entre les co-obligés implique qu’une décision ayant autorité de chose jugée entre un créancier et l’un des co-obligés s’impose aux autres obligés solidaires. Toutefois, le concept de représentation mutuelle des co-obligés ne permet pas d’expliquer l’ensemble des solutions rendues en la matière (outre les nombreuses critiques portées à la notion, v. P. Veaux-Fournerie et D. Veaux, « La représentation mutuelle », in Mélanges Weill, Dalloz, 1983, p. 547 s. ; M. Mignot, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, préf. E. Loquin, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2002, vol. 17, nos 147 s.). Par exemple, s’il est reconnu qu’une caution simple ne peut plus se prévaloir des exceptions inhérentes à la dette après l’admission au passif de la créance garantie, ce principe ne peut être fondé sur une éventuelle solidarité. Au contraire, il est admis que l’autorité de chose jugée d’une admission au passif du débiteur principal sur une caution simple s’explique sous l’angle de la règle de l’accessoire (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., Dalloz Action, 2019-2020, n° 723.241).

En l’espèce, la Cour de cassation estime que l’autorité de chose jugée attachée à l’admission au passif s’impose à l’associé de SCI et que ce dernier doit former une réclamation à l’état des créances s’il entend contester la somme due par la personne morale débitrice.

Il ne fait pas de doute que l’associé de société civile est un tiers intéressé par l’admission de la créance, mais sa situation n’est en rien comparable à celle d’une caution ou d’un codébiteur solidaire (C. Lebel, « L’obligation aux dettes sociales des associés en cas de défaillance de la société débitrice », in Mélanges D. Tricot, Dalloz/LexisNexis, 2011, spéc. p. 495, n° 15).

Le seul fait de répondre des dettes sociales ne confère pas la qualité de co-obligé (Com. 20 mars 2012, n° 10-27.340, Bull. civ. IV, n° 61 ; Dalloz actualité, 28 mars 2021, obs. A. Lienhard ; D. 2012. 874, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2012. 577, note O. Dexant - de Bailliencourt ). Dans la même veine, contrairement à la caution engagée envers le créancier à payer la dette d’autrui, il n’y a ici qu’une dette sociale avec deux degrés de poursuite pour le créancier : le premier contre la société et le second, subsidiairement, contre les associés (M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 33e éd., LexisNexis, 2020, nos 1821 et 1823). À cet égard, la doctrine qualifie les associés d’une société civile comme des débiteurs subsidiaires des dettes sociales (P. Briand, Retour sur la notion de co-obligé, BJS sept. 2012, n° 351), tandis que la Cour de cassation voit en eux des garants subsidiaires (Com. 29 mars 2011, n° 10-15.554, BJS 2011, p. 571, note F.-X. Lucas), mais refuse d’assimiler leur situation à un cautionnement (Civ. 1re, 17 janv. 2006, n° 02-16.595, Bull. civ. I, n° 15 ; D. 2006. 2660, obs. V. Avena-Robardet , note F. Bicheron ; ibid. 2007. 267, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2006. 540, note D. Legeais ; RTD com. 2006. 419, obs. C. Champaud et D. Danet ; ibid. 432, obs. M.-H. Monsèrié-Bon et L. Grosclaude ).

Quoi qu’il en soit, si l’autorité de chose jugée attachée à la décision d’admission au passif s’impose à l’associé de SCI, cette solution ne peut s’expliquer sous l’angle de la solidarité ou de la règle de l’accessoire. Dès lors, les parallèles avec la situation des garants du débiteur face aux effets de la décision d’admission au passif sont peu pertinents dans la recherche des fondements de l’arrêt sous commentaire.

En réalité, le raisonnement porté par l’arrêt fait sens au regard des conditions relatives à la poursuite des associés d’une société civile par un créancier social lorsque la société est en procédure collective.

Pour rappel, en droit commun, le créancier ne peut poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale (C. civ., art. 1858). Lorsque la société est en procédure collective, cette condition est remplie par la déclaration de la créance à la procédure collective de la société (Cass., ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-10.413, Bull. ch. mixte, n° 4 ; D. 2007. 1414 , obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2007. 620, note J.-F. Barbièri ; RTD com. 2007. 550, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; ibid. 597, obs. A. Martin-Serf ).

Par le biais de la déclaration de créance, le créancier s’ouvre la voie des poursuites contre les associés indéfiniment tenus à la dette à proportion de leur participation dans le capital social. Ceci permet d’expliquer que les associés de société civile sont recevables à former tierce opposition contre le jugement ayant fixé une créance au passif de la société (Com. 26 mai 2010, n° 09-14.241 NP, Dalloz actualité, 8 juin 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 1415, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2010. 406, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2010. 567, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ).

La déclaration de créance et, par suite, son admission vont donc déterminer l’importance des montants susceptibles d’être réclamés par le créancier à l’associé. Dans cette mesure, l’associé est tout autant concerné par l’admission au passif que ne l’est la personne morale débitrice. La poursuite de l’associé dépend de l’existence de la dette sociale, laquelle doit être reconnue par la procédure collective. En effet, ce n’est qu’à condition que la dette sociale soit admise au passif de la procédure collective que l’associé, débiteur subsidiaire, peut être poursuivi. Au contraire, si la créance est rejetée par le juge-commissaire, le créancier ne pourra poursuivre l’associé, la dette sociale ayant disparu du fait du rejet.

Dès lors, puisque l’admission au passif est une condition de l’action du créancier social contre l’associé, le seul moyen pour ce dernier de contester le bien-fondé de cette action est de se soumettre, lui aussi, aux canaux de la procédure collective. En l’espèce, il s’agissait de la réclamation à l’état des créances et seul ce recours pouvait assurer aux associés un droit à l’accès au juge conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme (Com. 12 janv. 2016, n° 15-40.036 NP, RTD com. 2016. 200, obs. A. Martin-Serf ).

Sous cet angle, la solution fournie par la Cour de cassation nous paraît tout à fait logique. Aussi, concédons qu’elle était, en outre, prévisible.

Certes, la haute juridiction a un temps reconnu que les associés d’une société civile pouvaient contester les droits du créancier – déjà admis au passif – dans le cadre d’une instance engagée contre eux en dehors de la procédure collective et tendant au support du passif social (Com. 28 sept. 2004, n° 02-15.755 NP). Toutefois, cette solution semble avoir vécu, car il a plus récemment été jugé qu’en cas d’admission d’une créance au passif et à défaut de réclamation à l’état des créances formée par l’associé d’une SCI, ce dernier ne pouvait soulever, par la suite, la prescription de la créance pour échapper à son obligation à la dette (Com. 13 oct. 2015, n° 11-20.746, Bull. civ. IV, n° 837 ; D. 2015. 2125 ; Rev. sociétés 2016. 298, note J.-F. Barbièri ).

En se détachant quelque peu de la technicité des règles, n’oublions pas que l’un des objectifs premiers du droit des entreprises en difficulté est la célérité. Aussi, que le tiers intéressé à l’admission de la créance soit une caution, un codébiteur solidaire ou un associé obligé aux dettes sociales, ces derniers ont vocation à faire valoir un certain nombre d’arguments communs à ceux susceptibles d’être opposés par le débiteur au créancier. Dans ces conditions, pour se préserver de décisions contradictoires, l’obligation d’employer les canaux de la procédure collective ne paraît pas dénuée de sens et explique qu’en l’espèce, la tierce opposition de l’associé en dehors de la procédure collective ait été jugée irrecevable.

Pour finir, à suivre l’arrêt commenté, la réclamation à l’état des créances permet de garantir à l’associé son droit effectif à l’accès au juge. Théoriquement, l’affirmation est exacte. En pratique, il est en revanche possible de se demander s’il ne s’agirait pas là d’une gageure.

Le propos est provocant. Pourtant, il nous semble pertinent, car la réclamation à l’état des créances est enfermée dans le confortable délai de… trente jours à compter du dépôt de l’état des créances au greffe. Dès lors, est-ce qu’un délai d’action aussi réduit garantit véritablement un droit effectif à l’accès au juge ?

La réponse à cette dernière question est difficile et n’était de toute façon pas abordée au sein de l’arrêt commenté et en dépasse largement le cadre. Elle confirme cependant toute la complexité liée à la conciliation du droit à l’accès au juge des personnes concernées par la faillite et le maintien d’une certaine efficacité dans le traitement des difficultés de l’entreprise.

L’ex-concubin qui n’entretient plus de relations étroites et stables avec un majeur vulnérable n’a pas qualité à agir pour faire appel d’une ordonnance du juge des tutelles. Il n’existe pas de disproportion manifeste entre cette impossibilité et le but poursuivi par cette limitation du droit d’accès au juge.

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Auteur d'origine: chelaine

La péremption d’instance prud’homale est acquise lorsque les parties ont adressé leurs conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat plus de deux ans après la notification de l’ordonnance prescriptive.

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Auteur d'origine: Dargent

Face à l’ampleur de la crise sociale intensifiée par l’épidémie de la covid-19, le 1er février 2021, la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique chargée du logement, Emmanuelle Wargon, a annoncé plusieurs mesures visant la protection des locataires en situation précaire. 

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Auteur d'origine: Rouquet

Il résulte de la règle de territorialité des procédures d’exécution, découlant du principe de l’indépendance et de la souveraineté des États, qu’une saisie-attribution ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France. Or, est établi en France le tiers saisi, personne morale, qui soit y a son siège social, soit y dispose d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisi à son encontre.

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Auteur d'origine: Dargent

En application de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, lorsqu’il a été mis fin à la procédure de saisie immobilière, le juge de l’exécution ne peut plus connaître des contestations élevées à l’occasion de celle-ci ni statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s’y rapportant.

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Auteur d'origine: Dargent

L’autorité de chose jugée attachée à la décision d’admission d’une créance au passif de la liquidation judiciaire d’une société civile s’impose à ses associés. Par conséquent, l’associé n’ayant pas formé de réclamation à l’état des créances (C. com., art. R. 624-8) est sans intérêt à former tierce opposition à la décision antérieure condamnant la société au paiement de la créance admise au passif.

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Auteur d'origine: bferrari

La question prioritaire de constitutionnalité relative à l’incapacité de recevoir à titre gratuit énoncée par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles présente un caractère sérieux car ce texte a pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens, hors tout constat d’inaptitude du disposant.

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Auteur d'origine: qguiguet

Le juge est tenu de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance. Il en découle que le tribunal de grande instance, saisi d’une exception de procédure déjà tranchée par le juge de la mise en état, est tenu de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance de ce juge. Dès lors que la cour d’appel connaît, par l’effet dévolutif de l’appel, de l’affaire soumise à la juridiction du premier degré, elle est elle-même tenue de relever d’office cette fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, après l’avoir soumise à la contradiction.

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Auteur d'origine: Dargent

La demande d’un héritier tendant à voir fixer sa créance à l’égard de la succession ne constitue pas une opération de partage. Elle est recevable même si un partage judiciaire n’a pas été ordonné. Elle peut être formée contre un seul héritier mais la décision à intervenir sera inopposable aux autres indivisaires s’ils ne sont pas mis en cause.

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Auteur d'origine: qguiguet

La requête visant à obtenir une mesure d’instruction in futurum, qui n’est pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil, n’est pas interruptive du délai d’action. L’assignation au fond bénéficie de l’effet interruptif du délai d’action par l’assignation en référé à fin de mainlevée du séquestre de documents recueillis par l’huissier de justice, en ce qu’elle est virtuellement comprise dans cette dernière et que ces deux actions tendent à un seul et même but, celui d’obtenir l’indemnisation du préjudice.

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Auteur d'origine: Bley

Un arrêt du 14 janvier 2021, destiné à une large publication, revient une fois de plus sur l’autorité de la chose jugée. Même s’il est rendu au visa, notamment, de l’article 1355 du code civil, il ne s’agit pas ici de rappeler la teneur de l’attribut, telle qu’elle est inscrite (artificiellement) dans ce texte, qui a repris mot à mot l’historique article 1351 ; il ne met pas non plus en œuvre l’obligation de concentration des moyens – liée par la Cour de cassation à l’autorité de la chose jugée (sur ces aspects, v. en dernier lieu, C. Bléry, Encore l’autorité de chose jugée !, à propos de Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-12.140, F-P+B+I, Dalloz actualité, 19 janv. 2021 et les réf.). Il est ici doublement question des pouvoirs du juge à l’égard de l’exception de chose jugée, tant en première instance qu’en appel. La deuxième chambre civile rappelle quels sont ces pouvoirs, alors que l’exception de chose jugée repose sur l’existence d’une précédente décision rendue dans la même instance et qu’un appel – avec son effet dévolutif – est ensuite interjeté.

L’arrêt est en outre une illustration de la latitude, offerte à la Cour de cassation, de statuer au fond : l’article L. 411 3 du code de l’organisation judiciaire, issu de la loi « JXXI » n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, permet à la Cour de cassation « en matière civile, [de] statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » (al. 2). Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette disposition (al. 6), à savoir le décret n° 2017-396 du 24 mars 2017 (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, n° 1398 ; J. Héron, Droit judiciaire privé, 7e éd., 2019, par T. Le Bars et K. Sahli, n° 853) : le président de la formation ou le conseiller rapporteur indique les chefs du dispositif de la décision attaquée susceptibles d’être atteints par la cassation et peut demander aux parties de communiquer toute pièce utile à la décision. Si « pour l’instant, la Cour de cassation semble faire un usage modéré du pouvoir qui lui a été accordé par l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire, à l’occasion de la réforme du 18 novembre 2016 » (J. Héron, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 853), il est indéniable qu’elle s’en empare (V. déjà, Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-15.814 F-P+B+I, Lexbase avocats n° 307 du 1er oct. 2020, N4714BYA, C. Bléry).

Une banque assigne un client emprunteur devant le tribunal de grande instance de Marseille. Celui-ci soulève l’incompétence de ce tribunal au profit de la juridiction monégasque. Le juge de la mise en état, par une ordonnance du 18 avril 2016, déclare le tribunal marseillais compétent pour statuer sur la demande en paiement de la banque. L’ordonnance ne fait l’objet d’aucun appel (alors que l’art. 776, al. 3, 2°, permettait l’appel immédiat des ordonnances du JME statuant sur une exception de procédure). Le tribunal de grande instance condamne l’emprunteur à verser à la banque diverses sommes au titre du prêt.

Le client interjette appel du jugement et décline à nouveau la compétence du tribunal.

La cour d’appel infirme le jugement déféré en toute ses dispositions. Elle déclare également le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit de la juridiction monégasque.

La banque se pourvoit en cassation et présente un moyen divisé en deux branches : la première reproche à la cour d’appel un excès de pouvoir et une violation des articles 771, 772 et 775 du code de procédure civile pour avoir statué sur une exception de procédure préalablement rejetée par une ordonnance du juge de la mise en état contre laquelle aucune voie de recours n’avait été exercée ; la seconde invoque une méconnaissance de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance, en violation des articles 480 et 775 du code de procédure civile, ensemble l’article 1355 du code civil.

La deuxième chambre civile casse, sans renvoi, pour violation de l’article 1355 du code civil et des articles 125, alinéa 1er, 561 et 775 (dans sa rédaction antérieure au décr. n° 2019-1333 du 11 déc. 2019) du code de procédure...

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La division des dettes successorales se distingue de l’indivisibilité de l’action en partage. L’héritier qui disposaient d’une créance contre le de cujus n’est donc pas tenu de diriger ses demandes contre tous les héritiers. Cette souplesse de bon sens présente le risque d’attiser les conflits entre cohéritiers, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’anciens conjoints. L’arrêt rendu ce 16 décembre 2020 en témoigne.

En l’espèce une personne était décédée en 2011 dans un accident de la circulation en laissant à sa survivance son père, sa mère et cinq demi-frères et sœurs, issus de l’union de la mère avec un autre homme. Celle-ci prétendait détenir une créance contre son fils au titre de l’aide et de l’assistance qu’elle lui avait prodiguées avant son décès et qui dépassaient semble-t-il l’obligation alimentaire d’une mère envers son fils. Indépendamment de la procédure de partage judiciaire, pendante devant le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, la mère a assigné le père en fixation d’une créance contre la succession.

La demande fut déclarée une première fois irrecevable par un arrêt rendu le 26 janvier 2016 par la cour d’appel de Lyon. Pour les juges du fond, la prétention s’analysait en une contestation née à l’occasion du règlement de la succession et la demanderesse ne justifiait pas d’une tentative de partage amiable. De plus, l’ouverture des opérations de liquidation-partage n’avait pas été ordonnée judiciairement et les droits respectifs des héritiers restaient à déterminer.

L’arrêt est cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 juillet 2017 au motif que les juges du fond n’avaient pas invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ces moyens relevés d’office (Civ....

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L’interruption du délai de prescription et du délai de forclusion par la procédure visant à voir ordonner une mesure d’instruction in futurum n’est pas systématique. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt sous commentaire.

Par requête du 22 octobre 2010, une société saisit le président d’un tribunal de commerce, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin de voir ordonner la désignation d’un huissier de justice et la réalisation d’investigations dans les locaux appartenant à d’autres sociétés, demande admise par ordonnance du même jour. Le 8 février 2011, elle assigna les mêmes sociétés en référé à fin de mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l’huissier de justice conformément à l’ordonnance d’octobre 2010, la mainlevée étant ordonnée en appel le 16 novembre 2011.

La demanderesse décida alors d’assigner au fond les sociétés défenderesses, suivant exploit d’huissier du 25 juin 2014, aux fins de les voir condamner solidairement à l’indemniser. Ces dernières, opposant la prescription de son action au fond, devaient obtenir cependant gain de cause par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 avril 2019.

Afin d’échapper à la prescription de son action au fond, la demanderesse arguait devant la Cour de cassation que l’interruption du délai de prescription était intervenue par l’effet de la requête du 22 octobre 2010 ainsi que par le jeu de l’assignation en référé du 8 février 2011.

Notion de demande en justice et exigence du contradictoire

Sur le premier moyen, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel par un attendu doté d’une portée générale : « Une requête fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, qui introduit une procédure non contradictoire, ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil. » En conséquence, la requête du 22 octobre 2010 n’avait pas interrompu le délai de prescription de l’action au fond.

Sur ce point, la Cour de cassation interprète strictement les dispositions de l’alinéa premier de l’article 2241 du code civil lequel énonce que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

La haute juridiction semble cependant ajouter une condition non prévue par le texte, celle de l’exigence d’une procédure contradictoire. À suivre le raisonnement de la Cour de cassation, les requêtes remises ou adressées au greffe de la juridiction, si elles ont pour effet d’introduire l’instance conformément à l’article 54 du code de procédure civile, ne constitueraient pas des demandes en justice interruptives du délai d’action.

L’arrêt demeure sur ce point contestable. En effet, la prescription civile a été historiquement instituée afin de sanctionner le créancier négligent qui, bien qu’informé des faits permettant l’exercice de son droit, s’abstient d’agir pendant un certain laps de temps. Dès lors, malgré son caractère non contradictoire, il n’en demeure pas moins que la requête traduit une action positive de la part du créancier et qu’elle introduit en sus une action en justice.

La solution dégagée par la Cour de cassation interroge d’autant plus qu’il est constant que la demande d’aide juridictionnelle interrompt le délai d’action, alors même qu’il ne s’agit pas d’une procédure contradictoire (v. décr. n° 91-1266, 19 déc. 1991, art. 38, devenu depuis le 1er janv. 2021, décr. n° 2020-1717, 28 déc. 2020, art. 43).

En tout état de cause, le praticien doit se montrer particulièrement vigilant quant aux suites à venir de cette jurisprudence. Dans le doute, ce dernier a tout intérêt à systématiquement requérir une mesure d’instruction fondée sur l’article 145 du code de procédure civile par la voie de l’assignation.

Extension prétorienne de l’effet interruptif du délai aux actions liées

Sur le second moyen, la Cour de cassation retient une analyse tout autre. Les juges rappellent tout d’abord la règle prétorienne selon laquelle, « si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ».

En effet, il résulte d’une jurisprudence bien établie que l’effet interruptif du délai d’action par l’introduction d’une première action s’étend à une seconde action liée à cette dernière (Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-14.736, Dalloz actualité, 29 mai 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1046 ; RTD civ. 2019. 590, obs. H. Barbier ; RTD com. 2019. 749, obs. B. Bouloc  ; Procédures 2019. Comm. 186, obs. Y. Strickler ; v. égal. Civ. 3e, 22 sept. 2004, n° 03-10.923, D. 2004. 2549, et les obs. ; RDI 2004. 569, obs. P. Malinvaud  ; RCA 2004. Comm. 340, obs. H. Groutel ; Constr.-Urb. 2004. Comm. 205, obs. M.-L. Pagès-de Varenne). Deux conditions sont alors exigées :

les actions, bien qu’ayant des causes distinctes, doivent tendre à un seul et même but ;
 la seconde action doit être « virtuellement comprise » dans la première, en d’autres termes, elle doit être son pendant.

En l’espèce, la cour d’appel avait considéré que l’assignation en référé du 8 février 2011 n’avait interrompu la prescription qu’au regard de la seule procédure sur requête et à la mainlevée des séquestres, à l’exclusion de la procédure au fond fondée sur l’exécution déloyale du contrat.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au motif qu’ en statuant ainsi, alors que la demande en référé, à fin de mainlevée du séquestre de documents recueillis par un huissier de justice en vertu d’une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qui tend, comme la demande au fond, à obtenir l’indemnisation du préjudice, interrompt le délai de prescription de l’action au fond, celle-ci étant virtuellement comprise dans l’action visant à l’obtention de la mesure in futurum, la cour d’appel a violé l’article 2241 du code civil. En d’autres termes, l’assignation en référé du 8 février 2011, laquelle constituait cette fois-ci une demande en justice, avait valablement interrompu le délai de prescription régissant l’action au fond.

La position de la haute juridiction doit ici être approuvée en ce que la mainlevée du séquestre des documents recueillis par l’huissier de justice, à l’issue des investigations réalisées dans les locaux des sociétés défenderesses, avait justement permis à la demanderesse de récolter des informations suffisantes et de poursuivre conséquemment une action en indemnisation devant les juges du fond.

En conséquence, le délai de prescription avait été interrompu le 8 février 2011 jusqu’au jour de l’arrêt d’appel du 16 novembre 2011 ayant ordonné la mainlevée. En effet, l’interruption du délai d’action par la demande en justice se prolonge jusqu’à l’extinction de l’instance, c’est-à-dire jusqu’au jour où le litige trouve définitivement sa solution (Civ. 2e, 8 avr. 2004, n° 02-15.096 P). Un nouveau délai avait commencé à courir à compter de cette date. Dès lors, l’assignation au fond introduite le 25 juin 2014 n’était pas prescrite.

Illustration schématique :

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Le procès n’est pas toujours la chose des parties !

Volontairement provocatrice, cette formule cache une réalité méritant d’être étayée. Plus précisément, nous pourrions dire que le procès n’est pas nécessairement la chose des parties ayant initié l’instance. En effet, l’intervention volontaire permet à une personne de se mêler à une instance qu’elle n’a pas introduite ou qui n’est pas dirigée contre elle. Autrement dit, le tiers se transforme en une partie. L’intervention est qualifiée par le code de procédure civile de demande incidente (C. pr. civ., art. 63). Cette dernière est définie comme « la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires » et que, « lorsque cette demande émane du tiers, l’intervention est volontaire » (C. pr. civ., art. 66). Reste que cette intervention volontaire peut être qualifiée de principale (C. pr. civ., art. 329) ou bien d’accessoire (C. pr. civ., art. 330).

Cet enjeu de qualification constitue le cœur de l’intéressant arrêt sous commentaire.

En l’espèce, une société souscrit auprès d’une autre un contrat portant sur diverses prestations de conseil. Un différend contractuel apparaît à propos du non-paiement des honoraires de la société de conseil. Une instance s’engage et, reconventionnellement, l’autre partie sollicite la nullité de la convention pour exercice illégal d’une consultation juridique en violation des dispositions des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Le Conseil national des barreaux (CNB) intervient à l’instance et invoque, à son tour, la nullité de la convention pour les mêmes motifs et demande le versement d’un euro symbolique à titre de dédommagement.

En cours de procédure, la société demanderesse à la nullité de la convention se désiste de l’instance.

Ce désistement va permettre à la cour d’appel de déclarer irrecevable l’intervention du CNB. Pour les juges du fond, l’extinction de la demande originelle résultant du désistement de la société a entraîné celle de la demande accessoire formulée par le CNB.

Ce raisonnement part du postulat selon lequel le CNB est intervenu à l’instance à titre accessoire. En effet, l’intervention accessoire est liée au sort de la demande principale car l’intervenant ne se prévaut pas, dans cette hypothèse, d’une prétention qui lui serait propre. Dès lors, l’extinction de l’instance principale entraîne logiquement l’irrecevabilité de l’intervention accessoire.

Plusieurs arrêts illustrent ce principe. Il a par exemple été jugé que l’intervenant à titre accessoire devant une cour d’appel n’était pas recevable à se pourvoir en cassation lorsque la partie principale ne s’était pas pourvue (Civ. 3e, 22 juin 2016, nos 14-25.887 et 14-24.793, Bull. civ. III, n° 80 ; Dalloz actualité, 22 juill. 2016, obs. S. Prigent ; D. 2017. 375, obs. M. Mekki ; AJDI 2016. 711  ; adde Civ. 2e, 25 juin 2015, nos 14-25.913 et 14-24.545, Bull. civ. II, n° 168 ; JCP 2015. 823, note G. Deharo). Dans la même veine, il est de jurisprudence constante que le désistement de la partie originaire entraîne l’irrecevabilité de l’action de l’intervenant accessoire (Com. 21 oct. 1975, n° 74-11.667, Bull. civ. IV, n° 237 ; Soc. 9 oct. 1986, n° 83-45.747, Bull. civ. V, n° 488).

En l’espèce, la décision de la cour d’appel semble s’inscrire dans le sillon de cette dernière série d’arrêts. Pourtant, cette argumentation n’est pas approuvée par la Cour de cassation, qui casse l’arrêt d’appel.

Pour la Cour de cassation, l’intervention du CNB était formulée à titre principal. Par conséquent, le désistement de la partie originaire n’avait aucune incidence sur la recevabilité de l’action de l’intervenant.

En effet, l’intervention à titre principal suppose que l’intervenant émette une prétention à son profit et que celle-ci soit distincte de celle de la partie originaire. Dans cette situation, l’extinction de l’instance originaire n’a aucun effet sur la recevabilité de la demande de l’intervenant principal (Civ. 3e, 21 févr. 1990, n° 88-13.188, Bull. civ. III, n° 61).

Que le lecteur ne s’y trompe pas : cette présentation met en regard deux raisonnements plus parallèles que véritablement opposés. En effet, ni le régime de l’intervention accessoire ni celui de l’intervention principale ne sont contredits par la cour d’appel ou par la Cour de cassation. En réalité, les divergences de solutions fournies par ces deux juridictions s’expliquent en amont et par une analyse de ce qui doit être qualifié d’intervention accessoire ou d’intervention principale (sur le contrôle de cette qualification par la Cour de cassation, v. Civ. 2e, 17 nov. 2005, n° 04-13.008, Bull. civ. II, n° 294 ; D. 2005. 2969 ; Procédures 2006/1, comm. 8, obs. R. Perrot).

Au demeurant, la détermination du caractère accessoire ou principal d’une intervention est chose délicate. Reste qu’au regard des textes, le critère permettant de qualifier la nature de l’intervention tient à la présence d’une prétention distincte de celle de la demande principale (C. pr. civ., art. 329 : « l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme »).

En l’espèce, il est vrai que le CNB reprenait à son compte la demande de nullité de la convention formulée par la société demanderesse et, à s’en tenir à ce seul élément, il ne pouvait qu’être qualifié d’intervenant accessoire. Toutefois, il sollicitait également des dommages-intérêts. Certes, cette demande est formulée pour un montant d’un euro symbolique, mais elle suffit à caractériser une prétention propre à l’intervenant. Ceci est d’autant plus vrai que, derrière cette prétention, se cache la défense des intérêts collectifs de la profession d’avocat dont est investi le CNB (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 21-1). D’ailleurs, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de reconnaître au CNB la qualité d’intervenant principal dans un dossier au sein duquel le Conseil national sollicitait également, outre la nullité d’une convention litigieuse, l’allocation de dommages-intérêts (Civ. 1re, 15 nov. 2010, n° 09-66.319, Bull. civ. I, n° 230 ; Dalloz actualité, 1er déc. 2010, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2010. 2780 ) pour un montant d’un euro symbolique (Civ. 1re, 17 févr. 2016, n° 14-29.686, Bull. civ. I, n° 36 ; D. 2016. 490 ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ; RTD eur. 2017. 336-5, obs. B. de Clavière ).

Si nous souscrivons volontiers à l’analyse de la Cour de cassation, certaines réserves peuvent néanmoins être formulées.

Le défendeur au pourvoi arguait du fait que la seule demande de dommages-intérêts symboliques ne pouvait suffire à constituer une prétention propre caractérisant une intervention à titre principal.

Quand bien même la demande de dommages-intérêts cache une action dans l’intérêt collectif de la profession d’avocat, force est de reconnaître qu’un tel raisonnement a pour effet pervers d’ériger toutes interventions en interventions principales. Il suffirait en toutes hypothèses d’adjoindre une demande symbolique de dédommagement à la demande initiale pour bénéficier de l’autonomie procédurale octroyée par la qualité d’intervenant principal.

En outre, cette critique repose sur le fait que l’intervention qualifiée de principale était constituée, en l’espèce, d’une prétention commune – la nullité de la convention – et d’une prétention propre – les dommages-intérêts.

Plusieurs questions viennent à l’esprit : n’aurait-il pas été possible de juger irrecevable la demande de nullité, mais recevable celle tendant à l’allocation de dommages-intérêts ? Autrement dit, en matière d’intervention, ne serait-il pas pertinent d’analyser chaque demande de façon autonome ?

La réponse à ces interrogations n’est pas chose aisée.

D’une part, en l’occurrence, il est vrai que la demande de nullité de la convention semble indissociable de celle tendant à l’allocation de dommages-intérêts. En effet, c’est parce que la convention est illicite que des dommages-intérêts peuvent être alloués en réparation du préjudice créé par le contrat. De ce point de vue, il est difficile d’accueillir la demande de dommages-intérêts, sans celle tendant à voir prononcer la nullité.

D’autre part, l’essence de l’intervention principale est d’ériger le tiers en une véritable partie à l’instance. Or, à moins de transformer l’intervenant principal en une « demi-partie », nous ne voyons pas comment ces demandes pourraient être limitées en fonction du comportement procédural de la partie originaire.

Quoi qu’il en soit et pour conclure, n’oublions pas que, si ces interrogations se posent, c’est que le procès n’est pas toujours la chose des parties initiales.

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Il est tentant de discerner, au sein de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 janvier 2021, un brutal revirement de la jurisprudence de la chambre commerciale quant au point de départ de la prescription des actions pour manquement aux devoirs d’information, de mise en garde et de conseil supportés par le banquier. Il semble pourtant que la nature profonde de cet arrêt soit plus subtile et qu’en lieu et place d’un brutal revirement, il existe un habile ajustement.

En 2007, un emprunteur avait obtenu un crédit immobilier pour lequel il avait également adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque. Placé en arrêt maladie en 2012, l’emprunteur s’est prévalu de la couverture des échéances par la police d’assurance. Cependant, la prise en charge lui a été refusée, dès lors qu’il avait atteint l’âge au-delà duquel le risque maladie n’était plus couvert. À la suite d’échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et a sollicité paiement auprès de la caution, laquelle s’est retournée contre l’emprunteur qui, pour tenter de se libérer de son prêt, à invoquer la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil. Sans s’attacher aux manquements éventuels, les juges du fond ont retenu la prescription de l’action en réparation de l’emprunteur puisqu’il s’était écoulé plus de cinq ans entre l’exercice de l’action et la conclusion du contrat.

Le pourvoi invitait dès lors à un départage quant à la détermination du point de départ du délai de prescription : doit-il être fixé à la date de la conclusion du contrat ou reporté à la date du refus de garantie opposé par l’assureur ?

Au visa des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, la Cour de cassation rappelle que les « actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Prenant appui sur le caractère glissant du point de départ de la prescription consacré par la loi, la chambre commerciale retient que lorsqu’un prêteur n’a pas suffisamment informé l’emprunteur sur les risques couverts par l’assurance souscrite, le dommage consiste alors en « la perte de la chance de bénéficier d’une […] prise en charge », lequel se réalise « au moment du refus de garantie opposé par l’assureur ». Il en découle que ce refus constitue « le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur ». Le contexte de la décision est éclairant dès lors que la solution retenue n’avait rien d’évident ; l’examen de son appréciation ainsi que de sa portée permet d’exactement en cerner la teneur.

Contexte

En matière de devoirs d’information, de mise en garde et de conseil, il est de jurisprudence classique, au moins pour la chambre commerciale et concernant le contrat de prêt, de retenir qu’en cas de manquement, le dommage réside en une perte de chance de ne pas contracter, en sorte qu’il se réalise au jour de la conclusion du contrat, lequel marque le point de départ de la prescription de l’action (en ce sens, v. not. Com. 26 janv. 2010, n° 08-18.354, Dalloz actualité, 25 févr. 2010, obs. V. Avena-Robardet, D. 2010. 934, obs. V. Avena-Robardet , note J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2010. 770, obs. D. Legeais  ; 27 mars 2012, n° 11-13.719 ; 17 mai 2017, n° 15-21.260, RTD civ. 2017. 865, obs. H. Barbier ). Cependant, cette position a été récemment malmenée à propos de l’assurance adjointe au prêt, par un arrêt de la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 18 mai 2017, n° 16-17.754, Dalloz actualité, 9 juin 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 1120  ; H. Barbier, Pour une approche unitaire du point de départ de la prescription des actions pour manquement aux devoirs d’information, mise en garde et conseil, RTD civ. 2017. 865 s. ; CCC 2017. Comm. 164, obs. L. Leveneur) ayant retenu que la manifestation du dommage ne découlait pas de la conclusion du contrat mais du refus de garantie opposé par l’assureur. Dès lors, il a été décidé que le point de départ du délai de prescription devait être reporté à la date de ce refus.

Il est vrai que les deux analyses – le maintien du point départ au jour de la conclusion du contrat ou le report à la date du refus de prise en charge – peuvent être raisonnablement soutenues à propos du devoir d’information et de conseil en cas d’assurance souscrite par l’emprunteur. La première n’est pas fantaisiste dès lors que les termes du contrat d’assurance, pour lequel il n’était pas contesté en l’espèce qu’ils avaient été transmis au prêteur par l’entremise des conditions générales et de la notice d’information, permettent de connaître les événements excluant la couverture et donc l’éventualité d’un préjudice généré par le défaut de prise en charge. En somme, et de façon générale, la perte de chance de ne pas contracter résultant du défaut d’information se réaliserait toujours au jour de la conclusion du contrat, lequel devrait invariablement constituer le point de départ de la prescription.

Cependant, la seconde analyse, tendant au report du point de départ de la prescription à la date du refus de garantie par l’assureur, présente également quelques arguments. L’absence de garantie de l’assureur peut être la résultante de subtilités qui n’apparaissent pas en pleine lumière au sein de l’instrumentum, encore qu’elles ne soient pas dissimulées. Là réside d’ailleurs l’utilité d’un devoir de conseil : attirer spécifiquement l’attention de l’emprunteur sur ce qu’induisent et recouvrent les termes de l’assurance au regard de sa situation personnelle. Par ailleurs, la réalisation du risque est en ce cas différée, qui n’apparaît que tardivement, au moment du refus de prise en charge de l’assureur. À ces égards, il est tentant de procéder à un transfert de l’objet de la perte de chance, laquelle ne serait plus de ne pas contracter mais de ne pas pouvoir bénéficier de la prise en charge, de sorte que le point de départ de la prescription ne peut alors qu’être reporté au moment du défaut de prise en charge, lors du refus de garantie opposé par l’assureur.

Confrontée à l’alternative, la chambre commerciale consacre la seconde analyse, en retenant que le dommage invoqué par le prêteur consistait « en la perte de la chance de bénéficier d’une […] prise en charge » et non en la perte d’une chance de ne pas contracter. Ce changement d’objet de la perte de chance conduit à retenir que le dommage se réalise « au moment du refus de garantie opposé par l’assureur », cette date devant constituer « le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité […] ». Ce faisant, la chambre commerciale accorde ses violons avec la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 18 mai 2017, n° 16-17.754, préc.) et procède à un ajustement net de sa jurisprudence quant au point de départ de la prescription de l’action pour manquement au devoir d’information et de conseil quant à l’adéquation des risques couverts par l’assurance à la situation personnelle de l’emprunteur. Reste à déterminer si l’ajustement est opportun.

Appréciation et portée

Le truchement employé, consistant à cerner la perte de chance non dans la possibilité de ne pas contracter mais dans celle de bénéficier d’une prise en charge par l’assureur, est particulièrement favorable à l’emprunteur. En effet, on ne peut s’empêcher de penser que le refus de garantie opposé par l’assureur manifeste bien plus un effet prévisible du contrat d’assurance que la caractérisation de la perte d’une chance, puisque de chances de prise en charge de l’événement exclu, le contrat d’assurance n’en laissait justement planer aucune… proprement parce qu’il l’excluait expressément ! La solution découle donc essentiellement de considérations d’opportunité. Il est vrai qu’à défaut de report du point de départ de la prescription, les hypothèses seraient nombreuses où les emprunteurs réaliseraient hors délai le manquement du prêteur à son obligation d’information sur la teneur des risques couverts par l’assurance souscrite. Les emprunts, en particulier pour le financement des acquisitions immobilières, sont le plus souvent remboursés sur une longue période, de sorte qu’un point de départ de la prescription fixé à la date de la conclusion du contrat dédouanerait le prêteur de son manquement chaque fois que le refus de garantie opposé par l’assureur interviendrait au-delà de cinq ans à compter de la conclusion du contrat. La position retenue par la chambre commerciale permet d’éviter ce résultat et qu’in fine, le devoir de conseil en matière de contrat d’assurance adossé à un crédit soit rendu stérile, faute de pouvoir sanctionner les manquements.

Au-delà, l’essentiel tient à la détermination de la portée de la solution rendue. À cet égard, l’analyse montre que l’arrêt procède certainement à un ajustement de la jurisprudence en matière de point de départ de la prescription en cas de manquement aux devoirs d’information, de mise en garde et de conseil dans le cadre des crédits dispensés par les professionnels, plutôt qu’à un revirement général et tonitruant. En effet, la solution de la chambre commerciale, à l’identique de celle retenue par la deuxième chambre civile en 2017 (Civ. 2e, 18 mai 2017, n° 16-17.754, préc.), est rendue à propos d’un aspect bien particulier : le défaut d’information de l’emprunteur sur l’adéquation des risques couverts par l’assurance par rapport à sa situation personnelle. Dans ce cas, la réalisation du risque se détache de la conclusion du contrat pour se fixer au jour du refus de garantie de l’assureur, c’est-à-dire au jour de l’exécution du contrat. Il semble dès lors que cet arrêt participe d’un mouvement jurisprudentiel tendant à fixer le point de départ de la prescription de l’action pour manquement aux devoirs d’information, de mise en garde et de conseil au jour de la réalisation du risque, avec une application distributive au contrat de prêt, ainsi qu’aux contrats d’assurance ou de cautionnement venant en complément (v. H. Barbier, art. préc., p. 865 s.). Suivant cette ligne, la jurisprudence récente retient le point de départ de la prescription au jour de la réalisation du cautionnement pour le contrat de cautionnement (Com. 4 mai 2017, n° 15-22.830, RTD civ. 2017. 865, obs. H. Barbier ), au jour de la conclusion du prêt pour le contrat de prêt (Com. 17 mai 2017, n° 15-21.260, préc.) et au jour du refus de garantie opposé par l’assureur, en matière de contrat d’assurance (Civ. 2e, 18 mai 2017, n° 16-17.754, préc.). Appréhendée de la sorte, la solution dégagée par cet arrêt de la chambre commerciale ne s’applique qu’au contrat d’assurance et non à l’obligation de mise en garde en matière de prêt, pour laquelle la règle de principe revient, qui commande de retenir pour point de départ de la prescription de l’action en responsabilité la date de la conclusion du contrat. Et l’exacte portée de l’arrêt se dessine : il s’agit essentiellement d’un ajustement et non véritablement d’un revirement. Il faudra néanmoins que la jurisprudence future le confirme.

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La déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel

Aux termes de l’article 625 du code de procédure, la cassation replace les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la décision cassée.

Il en résulte qu’après une cassation, les parties n’ont pas à introduire une nouvelle instance mais poursuivent l’instance ayant abouti à la décision cassée, à charge pour la partie qui y a intérêt de saisir la juridiction désignée, par une déclaration de saisine, comme le prévoit l’article 1032.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 janvier 2021, rappelle que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel.

À notre connaissance, la haute juridiction n’avait jamais eu l’occasion d’apporter cette précision dont nous ne doutions pas (C. Lhermitte, Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 1610 : « la déclaration de saisine n’est pas un acte d’appel et elle ne se substitue pas à l’acte d’appel qui demeure, dans le cadre du renvoi de cassation, l’acte introductif de l’instance d’appel »). Sauf que cela est parfois oublié.

La déclaration de saisine est un acte de procédure à part entière qui n’a pas pour objet d’introduire une instance d’appel, mais bien de poursuivre celle déjà engagée.

Cela a des conséquences sur le plan procédural.

Par exemple, en matière prud’homale, si la déclaration d’appel est antérieure au 1er août 2016, et quelle que soit la date de la déclaration de saisine, la procédure sur renvoi en appel relèvera de la procédure orale sans représentation obligatoire (C. trav., art. R. 1461-2 ; décr. n° 2016-660, 20 mai 2016, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail) et l’article 1037-1 fixant les règles de la procédure sur renvoi de cassation sera écarté au profit de l’article 1036.

Pour la même raison, le timbre fiscal de l’article 1635 bis P du code général des impôts n’est pas dû sur renvoi de cassation s’il a déjà été réglé dans le cadre de l’appel (C. Lhermitte, La taxe fiscale de 150 € est-elle due pour les procédures d’appel après renvoi de cassation ?, Gaz. Pal. 24-25 janv. 2014).

L’obligation de porter dans la déclaration de saisine les chefs de dispositif critiqués mentionnés dans l’acte d’appel

L’article 1033, qui précise les mentions devant être portées dans l’acte de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, renvoie aux « mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ».

En appel, ces mentions sont prévues à l’article 901 – qui lui-même renvoie au demeurant aux articles 57 et 54 – dont le 4° concerne les « chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».

Par application des articles 1033 et 901, la déclaration de saisine doit donc mentionner les chefs expressément critiqués.

Cette obligation procédurale, sur l’intérêt de laquelle nous pouvons nous interroger, est confirmée par l’arrêt qui souligne « l’obligation prévue au dernier de ceux-ci (C. pr. civ., art. 901 et 1033) de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, qui n’est pas une déclaration d’appel les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l’acte de l’appel ».

Mais la Cour de cassation, sans remettre en question cette obligation résultant du renvoi de l’article 1033 au 4° de l’article 901, prend soin aussi de rappeler que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel, précision qui n’est pas anodine. En effet, n’étant pas un acte d’appel, cette mention dans l’acte de saisine « ne peut avoir pour effet de limiter l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi ».

Effet dévolutif et portée de la cassation

En apportant la précision selon laquelle la mention des chefs critiqués « ne peut avoir pour effet de limiter l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi », la Cour de cassation distingue l’effet dévolutif (de l’appel) et la portée de la cassation (par l’arrêt de cassation).

Cette distinction est importante pour permettre de comprendre que l’éventuel manquement quant aux chefs critiqués ne conduit pas à la même sanction selon qu’est concerné la déclaration de saisine ou l’acte d’appel.

Pour la Cour de cassation, « la portée de la cassation [est] déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ».

C’est l’application des articles 624 et 625 du code de procédure civile au visa desquels intervient la cassation.

Rappelons que l’indication des chefs critiqués dans l’acte d’appel (C. pr. civ., art. 901, 4°) permet de déterminer la dévolution de l’appel (C. pr. civ., art. 562), c’est-à-dire la portée de l’appel (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs R. Laffly ; D. 2020. 288 ; ibid. 576, obs. N. Fricero ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry ; ibid. 458, obs. N. Cayrol  ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; Soc. 14 oct. 2020, n° 18-15.229 P, Dalloz actualité, 3 nov. 2020, obs. C. Lhermitte ; D. 2020. 2071 ).

Mais comme cela a été vu, la déclaration de saisine n’est pas un acte d’appel et, surtout, la déclaration d’appel reste l’acte de procédure qui a introduit l’instance d’appel.

La déclaration de saisine n’est pas un acte introductif d’instance et n’opère pas dévolution. C’est un acte de procédure permettant de saisir la juridiction de renvoi de manière à poursuivre une instance existante. Et, comme l’a précisé la Cour de cassation, c’est l’acte d’appel, et seulement l’acte d’appel, qui fixe la dévolution de l’appel (v. Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, préc. : « seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement »).

Dans le cadre d’un renvoi de cassation, la dévolution est opérée par la déclaration d’appel, lequel acte d’appel, selon la date à laquelle il a été régularisé, à savoir si l’appel a été formé avant ou après le 1er septembre 2017 (décr. n° 2017-891, 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile), renverra ou non à la nouvelle rédaction de l’article 562 du code de procédure civile.

La cour d’appel, sur renvoi de cassation, sera tenue par l’effet dévolutif opéré par l’acte d’appel, dans la limite toutefois du dispositif de l’arrêt de cassation, qui marque la portée de la cassation. C’est ce que nous confirme la Cour de cassation par cet arrêt.

Il en résulte que, même si l’appel portait sur tous les chefs du jugement dont appel, la cour d’appel de renvoi n’aura pas à connaître des chefs sur lesquels la cassation ne portait pas, soit parce qu’ils n’ont pas été soumis dans le cadre d’un pourvoi à la Cour de cassation, soit en raison du rejet du moyen concernant ces chefs.

Manifestement, l’indication des chefs dans la déclaration de saisine ne présente aucun intérêt particulier, que ce soit pour la cour d’appel ou pour la « partie adverse » qui sera destinataire de cet acte.

La Cour de cassation aurait pu considérer en conséquence qu’elle était sans objet.

Pour autant, la Cour de cassation fait une stricte application des textes et retient l’obligation de mentionner les chefs critiqués, mais sans que cette mention ait le moindre effet sur le plan procédural et notamment sur la dévolution.

C’est purement formel, et inutile sur le plan pratique.

Nullité de la déclaration de saisine ?

L’article 1033 ne précise pas que les mentions sont prescrites à peine de nullité. Toutefois, pour la Cour de cassation, « l’irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d’irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme » (Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-11.266 P, Dalloz actualité, 21 nov. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2157 ).

En conséquence, l’absence des chefs critiqués dans l’acte de saisine pourrait aboutir à une nullité, pour vice de forme.

En pratique, dès lors que cette mention ne répond à une aucune utilité, nous ne voyons pas que cette nullité, qui suppose de démontrer un grief, et qui ne peut pas être relevée d’office, pourrait effectivement aboutir à une nullité.

Le grief sera impossible à démontrer.

Et si l’acte est nul, reste à savoir si cette nullité permettrait à la partie de se prévaloir de l’interruption de l’article 2241 du code civil, ce dont nous pouvons douter, et ce sur quoi la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer.

Si la Cour de cassation a fait entrer la déclaration d’appel dans le champ d’application de cette disposition (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Dalloz actualité, 28 oct. 2014 obs. N. Kilgus ; D. 2015. 287, obs. Fricero ; JCP 2014. 1271, note Auché), cela peut se comprendre dès lors que l’acte d’appel introduit une instance (d’appel), ce que ne fait pas la déclaration de saisine. Nous penchons donc plutôt pour une exclusion de la déclaration de saisine du domaine de l’article 2241 (C. Lhermitte, Procédures d’appel, op. cit., nos 1613, 1618).

Quels chefs dans la déclaration de saisine ?

Avec son arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation livre des précisions quant aux chefs à faire apparaître dans l’acte de saisine, ce qui pouvait constituer un véritable casse-tête pour l’avocat auteur de la déclaration de saisine.

Nous aurions pu penser qu’il devait s’agir des chefs issus de la cassation, mais cela aurait conduit à considérer que la déclaration de saisine pouvait avoir un effet dévolutif, ce qui serait absurde, et d’ailleurs précisément écarté par la Cour de cassation.

Selon l’arrêt rendu, il suffit de porter dans la déclaration de saisine « les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l’acte d’appel ».

Il conviendrait donc de mentionner dans l’acte de saisine les chefs qui figuraient dans l’acte d’appel.

Et si l’appel est antérieur au 1er septembre 2017, date d’entrée en application du décret du 6 mai 2017 ayant modifié les articles 901 et 562, nous pourrions considérer que ces chefs n’ont pas à être mentionnées sur l’acte de saisine dès lors qu’ils n’ont pas à figurer sur l’acte d’appel, et la dévolution opérant pour le tout à défaut d’être limitée.

Il pourra être opportun, s’il y a lieu, de ne pas reprendre les chefs pour lesquels l’arrêt de la cour d’appel est irrévocable, puisque la cour de renvoi n’aura pas à les connaître.

Mais si néanmoins ils apparaissent, cela sera sans conséquence.

De même, l’auteur de la déclaration de saisine n’aura pas à s’inquiéter outre mesure s’il a omis des chefs, puisque la déclaration de saisine n’opère pas effet dévolutif, et la juridiction de renvoi étant en tout état de cause saisie dans la limite de l’arrêt de cassation.

Une solution de bon sens

Même si l’arrêt n’est pas allé jusqu’à écarter l’obligation consistant à faire mention des chefs critiqués, nous ne pouvons que saluer la solution donnée par la Cour de cassation qui permettra d’éviter des dérives déjà constatées.

En effet, il apparaît qu’il a pu être oublié que la déclaration de saisine n’est pas une déclaration d’appel et que les deux actes de procédure, même s’ils doivent contenir les mêmes mentions, ne peuvent produire les mêmes effets.

Et c’est ainsi que des cours d’appel ont pu donner un effet dévolutif à une déclaration de saisine, et ont considéré que l’absence des chefs critiqués dans l’acte de saisine permettait à la juridiction de se dire non saisie de chefs de demandes (Rennes, 3e ch. com., 25 févr. 2020, n° 19/04483 : « La saisine de la cour de renvoi en date du 4 juillet 2019 ne contient aucune critique des chefs du jugement (sic). Aucune déclaration d’appel rectificative (sic) n’a été régularisée dans le délai imparti pour conclure au fond. Il en résulte que la cour n’est saisie d’aucune demande », JS 2020, n° 208, p. 10, obs. J. Mondou  ; Paris, pôle 5, ch. 9, 9 janv. 2020, n° 19/07776).

Cet arrêt coupera court à toute discussion à cet égard et permet en outre à l’avocat de savoir précisément quelles mentions doivent figurer dans son acte de saisine et quel risque il prend en cas d’omission ou d’oubli.

Dans une procédure d’appel rigoureuse et stressante, les praticiens accueilleront favorablement un arrêt qui, tout en étant conforme aux textes, allège opportunément les obligations procédurales mises à leur charge.

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Parmi les causes d’interruption de la prescription, l’article 2240 du code civil prévoit la reconnaissance de la part du débiteur du droit de son adversaire contre qui il prescrivait. Mais cette reconnaissance doit être non équivoque pour pouvoir être interruptive et les juges du fond doivent bien relever des éléments attestant de la non-équivocité de cette reconnaissance pour estimer qu’une action en indemnisation des préjudices résultant de troubles anormaux de voisinage n’est pas prescrite. C’est ce que rappelle ici clairement la Cour dans cet arrêt de cassation pour défaut de base légale.

L’action en troubles anormaux du voisinage relève des règles de la responsabilité civile délictuelle, ce qui conduit à lui appliquer la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil. Il s’agit ainsi d’engager l’action dans les cinq ans à compter de la première manifestation du trouble ayant causé le dommage ou de son aggravation.

La Cour de cassation, mais sous l’empire du droit antérieur à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, avait d’ailleurs pu indiquer que le point de départ de l’action en indemnisation d’un préjudice résultant de troubles anormaux du voisinage était la première manifestation des troubles (Civ. 2e, 13 sept. 2018, n° 17-22.474, Civ. 2e, 13 sept. 2018, n° 17-22.474, D. 2018. 1806 ; AJDI 2019. 470 , obs. N. Le Rudulier ; RTD civ. 2018. 948, obs. W. Dross ; Constr.-Urb. nov. 2018, p. 24, obs. P. Cornille et p. 26, obs. M.-L. Pagès de Varenne ; v. aussi, Civ. 2e, 7 mars 2019, n° 18-10.074, AJDI 2019. 308 , retenant que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de la date de la connaissance des faits. Rappelons également qu’après la deuxième chambre civile, la nature extra-contractuelle de la responsabilité pour troubles anormaux a aussi été retenue par la troisième chambre civile, Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 16-24.352, D. 2020. 466 , note N. Rias ; ibid. 1761, obs. N. Reboul-Maupin et Y. Strickler ; RDI 2020. 120, étude C. Charbonneau ). Comme d’autres matières, il est donc bien évident que pour des propriétaires subissant des troubles du voisinage mais n’ayant pas réagi suffisamment tôt, il faille tenter d’invoquer un événement interrompant la prescription pour que le temps antérieurement écoulé ne puisse pas les priver de leur action.

Dans l’espèce rapportée, une propriétaire subissant une gêne certaine de la chute sur son fonds d’aiguilles et de pommes de pin des sapins de son voisin avait...

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L’arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation offre l’occasion de revenir sur les modalités de preuve du droit de propriété en cas de ventes successives d’une chose par son propriétaire à deux acheteurs différents.

En l’espèce, le propriétaire d’un terrain s’était engagé à le vendre par acte sous seing privé du 9 juin 1961. Un arrêt irrévocable du 3 juin 1980 a confirmé un jugement du 23 février 1976 ayant déclaré la vente parfaite et ordonné sa régularisation par acte authentique. Cette vente n’a, cependant, jamais donné lieu à publication. Par la suite, les ayants droit du vendeur ont vendu le même terrain à un autre acheteur par acte du 23 août 1995, publié le 13 décembre 1995. Le second acquéreur, se prévalant alors de son titre régulièrement publié, assigne le premier en expulsion le 3 octobre 2013. Celui-ci lui oppose la prescription acquisitive trentenaire. La cour d’appel accueille les demandes du second acquéreur aux motifs que ce dernier était fondé à se prévaloir de l’antériorité de la publication de son titre de propriété. Le premier acquéreur forme alors un pourvoi en cassation, invoquant une violation par les juges du fond de l’article 30.1 du décret du 4 janvier 1955 par fausse application, et des articles 712 et 2272 du code civil par refus d’application. Selon lui, en effet, il serait toujours possible de prescrire contre un titre. C’est ce que confirme, sans surprise, la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté. Cassant l’arrêt de la cour d’appel pour violation de la loi au visa des articles 712 et 2272 du code civil, elle rappelle que « la prescription trentenaire peut être opposée à un titre ».

Rappelons que la preuve de la propriété est libre et peut être rapportée par tout moyen, que la chose appropriée soit de nature mobilière (Civ. 1re, 11 janv. 2000, n° 97-15.406, Deschamps (Mme) c/ Société lyonnaise de banque, D. 2001. 890 , note A. Donnier ; RDI 2000. 145, obs. M. Bruschi ; RTD civ. 2002. 121, obs. T. Revet ) ou immobilière (Civ. 3e, 20 juill. 1988, n° 87-10.998). Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer la preuve la meilleure et la plus probable du droit de propriété. N’importe quel indice est susceptible d’être pris en compte (Civ. 3e, 26 févr. 1974, n° 73-10.126 concernant des indications cadastrales).

Très souvent, un titre de propriété est présenté par une partie au procès. Celui-ci est opposable aux tiers quel qu’en soit le titulaire (Civ. 3e, 13 mai 2015, n° 13-27.342, D. 2015. 1098 ; ibid. 1863, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJDI 2015. 858 , obs. N. Le Rudulier ; RTD civ. 2015. 902, obs. W. Dross ). En l’espèce, les deux parties se prévalaient d’un titre de propriété, seul le second acheteur ayant cependant procédé aux formalités de publicité foncière. Or, les actes translatifs de propriété ne sont, en matière immobilière, opposables aux tiers qu’à compter de leur publication. En cas de ventes successives de la même chose par son propriétaire initial, l’acquéreur qui publie le premier son titre est donc préféré (décr. du 4 janv. 1955, art. 30-1), et ce même s’il s’agit pourtant chronologiquement du second acheteur. Cette règle a été appliquée strictement par la jurisprudence à partir de 2011, l’éventuelle mauvaise foi du premier publiant n’étant pas dirimante (Civ. 3e, 12 janv. 2011, n° 10-10.667, D. 2011. 851 , note L. Aynès ; ibid. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2011. 238 ; RTD civ. 2011. 158, obs. P. Crocq ; ibid. 369, obs. T. Revet , réalisant un revirement ; v. auparavant, Civ. 3e, 30 janv. 1974, n° 72-14.197). L’ordonnance du 10 février 2016 a modifié cette solution : la bonne foi est désormais requise (C. civ., art. 1198, al. 2). En vertu de l’article 2274 du code civil, celle-ci est cependant toujours présumée : c’est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver. Rien ne laisse penser, en l’espèce, que le second acquéreur (seul à avoir publié son titre) ait été de mauvaise foi : ayant contracté avec les ayants droit du premier vendeur, il est probable qu’il n’ait pas eu connaissance de la première vente conclue trente-quatre ans plus tôt ! Appliquant dès lors les règles de la publicité foncière, la cour d’appel avait cru pouvoir en conclure que la qualité de propriétaire devait être reconnue au second acquéreur.

Elle avait toutefois omis de prendre en compte le fait que le premier acquéreur, même s’il n’avait pas publié son titre de propriété, se prévalait en revanche, en sus de ce titre, du jeu de la prescription acquisitive trentenaire. En effet, si la propriété peut être acquise de manière dérivée – notamment par la conclusion d’un contrat de vente –, tel peut également être le cas de manière originaire, comme le précise l’article 712 du code civil, lequel cite expressément l’acquisition par accession ou incorporation, et par prescription.

La prescription acquisitive est « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi » (C. civ., art. 2258). Simple pouvoir de fait sur une chose, la possession permet ainsi, lorsqu’elle est « utile », d’en devenir propriétaire de manière originaire après l’écoulement d’un certain délai. Il est nécessaire, pour être possesseur d’une chose, d’en avoir à la fois le corpus et l’animus. Le corpus, élément objectif, suppose la réalisation d’actes matériels ; l’accomplissement d’actes juridiques étant considéré comme insuffisant à caractériser un pouvoir de fait sur la chose (par ex. le paiement des impôts fonciers, Civ. 3e, 30 juin 1999, n° 97-11.388, D. 1999. 209 ; RDI 1999. 624, obs. M. Bruschi ). L’animus, élément subjectif, désigne quant à lui l’intention de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose. Il est présumé (Civ. 3e, 8 mai 1969, Bull. civ. III, n° 371).

L’article 2256 du code civil précise en effet que l’« on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre ». Il s’agit là d’une présomption simple, susceptible d’être renversée par la preuve contraire. Ainsi, les détenteurs précaires, tels que les locataires ou les dépositaires de la chose, n’ont pas l’animus car ils savent qu’ils devront un jour la restituer. La simple détention de la chose ne permet pas d’en devenir propriétaire, et ce quelle que soit sa durée (C. civ., art. 2266 et 2257). Seule une interversion de titre peut rendre le détenteur précaire possesseur (C. civ., art. 2268).

La prescription acquisitive requiert que la possession soit « utile ». L’article 2261 du code civil précise ainsi que, « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ». En réalité la continuité et l’intention de se comporter comme un propriétaire sont des conditions d’existence même de la possession. L’interruption arrête en effet le cours de la prescription : « Quand une possession est interrompue, elle n’est pas viciée ; elle n’existe tout simplement pas ! » (Y. Strickler, Droit des biens, LGDJ, 2017, n° 355). Exiger que la possession ait lieu « à titre de propriétaire » est seulement un rappel de la nécessité d’un animus. L’avant-projet de réforme du droit des biens propose ainsi de retenir, dans une formule plus claire, seulement trois qualités pour que la possession soit utile : ses caractères paisible, public et non équivoque (C. civ., art. 543). Une possession paisible est dénuée de toute forme de violence matérielle ou morale, tant au moment de l’appréhension initiale de la chose par le possesseur que pendant toute la durée de la possession (Civ. 3e, 15 févr. 1995, n° 93-14.143, RDI 1995. 284, obs. J.-L. Bergel ). Ainsi, le voleur d’une chose ne peut jamais en devenir propriétaire car il n’est pas entré en possession de manière paisible. Comme le précise l’article 2263 du code civil, « Les actes de violence ne peuvent fonder (…) une possession capable d’opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé. » L’exigence d’une possession publique exclut l’acquisition d’une chose conservée de manière secrète, clandestine (Civ. 1re, 8 mars 2005, n° 03-14.610 : don manuel dissimulé aux services de police et dont l’existence n’a été révélée qu’après une perquisition du domicile). La possession doit avoir lieu aux yeux de tous. Une possession est non équivoque lorsque, « pris en eux-mêmes, les actes du possesseur révél(ent) sans ambiguïté son intention de se comporter en propriétaire (…), et cela dans des circonstances qui (ne sont) pas de nature à faire douter de cette qualité » (Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 90-21.982, D. 1993. 306 , obs. A. Robert ; ibid. 1994. 582 , note B. Fauvarque-Cosson ). Il y a dès lors vice d’équivoque à chaque fois qu’un doute existe quant à l’existence d’une possession personnelle et exclusive. Tel est notamment le cas lorsque celui qui se prétend possesseur cohabite avec une autre personne (Civ. 1re, 7 déc. 1977, n° 76-13.044 concernant des concubins).

En principe la prescription acquisitive a lieu après écoulement d’un délai de trente ans à compter de l’entrée en possession (C. civ., art. 2272, al. 1er). Une prescription abrégée est toutefois prévue par l’article 2272, alinéa 2, du code civil en matière immobilière : « Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ». Deux conditions cumulatives sont requises : la bonne foi du possesseur et un juste titre. La bonne foi est toujours présumée (C. civ., art. 2274). Aux termes de l’article 550 du code civil, « Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices ». La mauvaise foi est caractérisée lorsqu’il est établi que le possesseur savait que l’aliénateur de la chose n’en était pas propriétaire. La bonne foi est toutefois seulement requise au moment de l’entrée en possession (C. civ., art. 2275) : peu importe que le possesseur apprenne après l’acquisition, que le vendeur n’était pas le véritable propriétaire. Le juste titre est un acte propre à conférer la propriété à la partie qui invoque la prescription (Civ. 3e, 29 fév. 1968, n° 65-13.821). Le possesseur dispose d’un titre régulier mais n’a pas acquis du véritable propriétaire : il s’agit d’un acquéreur a non domino. Le juste titre « suppose un transfert de propriété consenti par un tiers qui n’est pas le véritable propriétaire » (Civ. 1re, 7 oct. 2015, n° 14-16.946, D. 2016. 242 , note S. Zinty ; AJDI 2016. 134 , obs. F. de La Vaissière ; AJ fam. 2015. 626, obs. S. Ferré-André ; RTD civ. 2016. 146, obs. W. Dross ). Dans l’affaire commentée, le premier acquéreur ne pouvait donc pas se prévaloir d’un juste titre, la vente ayant été conclue avec le véritable propriétaire de l’immeuble. Seul le délai de droit commun, de trente ans, était dès lors applicable. Bien que long, un tel délai était bien écoulé en l’espèce, lui permettant ainsi d’être reconnu comme le véritable propriétaire de la parcelle par préférence au second acheteur, pourtant seul à pouvoir justifier d’un titre de propriété régulièrement publié.

Contrairement à ce que l’on pourrait a priori penser, un titre de propriété ne constitue, en effet, pas une preuve irréfutable de la propriété. Encore faudrait-il, pour cela, réussir à prouver que son propre auteur était lui-même véritablement propriétaire, et ainsi de suite en remontant la chaîne des actes translatifs (Civ. 3e, 26 oct. 1988, n° 87-11.833) : il s’agit là d’une preuve « diabolique » (probatio diabolica), impossible à rapporter en pratique. La possession constitue en réalité le meilleur moyen de preuve car il s’agit d’une présomption légale irréfragable de propriété lorsque les conditions de la prescription acquisitive sont réunies, et ce, même face à un titre, comme le rappelle la Cour de cassation en l’espèce.

Les incertitudes ont longtemps plané sur l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce que l’AJ famille (à moitié prix jusqu’au 3 février 2021) avait déjà présentée à ses lecteurs il y a un an (v. nos numéros de janv. et de févr. 2020, AJ fam. 2020. 11 s. et 89 s.). Cette fois, elle est bel et bien entrée en application le 1er janvier 2021. Depuis notre précédent dossier, certains points ont été éclaircis, même s’il reste encore de nombreuses interrogations auxquelles la pratique ne manquera pas d’apporter des réponses. L’avenir nous dira si la procédure est effectivement simplifiée, plus rapide et si les avocats se sont enfin emparés de la procédure participative de mise en état et s’ils s’ouvrent davantage à la médiation.

Pour l’heure, il faut vite se débarrasser des anciens réflexes pour s’approprier au plus vite cette nouvelle procédure qui débute par une assignation ou requête conjointe introductive d’une instance unique s’articulant autour d’une audience charnière : celle d’orientation et sur mesures provisoires. Pour ce faire, l’AJ famille publie un nouveau dossier en deux parties en janvier et...

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Une enfant est née en novembre 2014 en Tunisie, de père inconnu. Sa mère a établi un acte écrit d’abandon par lequel elle certifie abandonner l’enfant de sa propre volonté et de façon définitive. Par jugement tunisien du 27 mars 2015, il a été décidé du placement de l’enfant à titre définitif auprès de l’Institut national de la protection de l’enfance tunisien. L’enfant a été adoptée par un couple marié, par jugement du tribunal cantonal de Tunis du 16 avril 2015. L’institut national de protection de l’enfance tunisien a, par attestation du 21 avril 2015, certifié que l’enfant était abandonnée par ses parents, sans attache familiale et pupille de l’État, et que, suite à la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant de l’enfant, le directeur de l’institut avait donné son consentement définitif et irrévocable à l’adoption de l’enfant par les époux pour une adoption plénière de droit français.

Les époux ont saisi le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de transcription, en soutenant que le jugement tunisien produisait les effets d’une adoption plénière.

La cour d’appel de Rennes, par un arrêt en date du 1er juillet 2019, a dit que le jugement tunisien produirait les effets d’une adoption simple. Elle a estimé que le caractère révocable de l’adoption en droit tunisien, affirmé par la jurisprudence tant de la cour d’appel de Tunis du 14 février 1980 que de la Cour de cassation tunisienne du 9 novembre 2011, avait pour conséquence que le lien de filiation préexistant n’avait pas été totalement et irrévocablement rompu. Par conséquent, selon l’article 370-5 du vode civil, l’adoption ne pouvait produire en France que les effets...

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Le dommage résultant d’un défaut d’information de l’emprunteur sur l’étendue des risques couverts par l’assurance souscrite se réalise au moment du refus de garantie opposé par l’assureur. Dès lors, le point de départ de l’action en responsabilité se fixe à cette date.

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Auteur d'origine: yblandin

Si les parties ont l’obligation de mentionner les chefs de dispositif critiqués dans la déclaration de saisine après cassation, cela ne peut avoir pour effet de limiter l’étendue de la saisine de la cour d’appel de renvoi, la déclaration de saisine n’étant pas une déclaration d’appel et la portée de la cassation étant déterminée par l’arrêt de cassation.

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Auteur d'origine: Dargent

Les juges du fond ne peuvent retenir l’interruption de la prescription de l’action en indemnisation des préjudices résultant de troubles anormaux de voisinage qu’après avoir relevé le caractère non équivoque de la reconnaissance du débiteur du droit de son adversaire contre qui il prescrivait.

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Auteur d'origine: Rouquet

Viole les articles 712 et 2272 du code civil la cour d’appel qui fait prévaloir l’antériorité de la publication du titre de propriété d’une des parties alors que l’autre était fondée à invoquer la prescription acquisitive trentenaire.

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Auteur d'origine: CAYOL

Le divorce, sous toutes ses formes, est à l’honneur en ce début d’année. Divorce judiciaire, mais également divorce par consentement mutuel…

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Auteur d'origine: Robardet

La Cour de cassation confirme que le caractère révocable d’une adoption prononcée à l’étranger conduit à lui faire produire les effets d’une adoption simple et non plénière. 

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Auteur d'origine: apanet

La partie qui n’a pas soulevé l’exception de nullité de l’acte de signification du jugement, par des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, est irrecevable en son exception de nullité, même pour l’opposer dans le cadre d’un incident d’irrecevabilité de l’appel.

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Auteur d'origine: Dargent

La décision rendue par une juridiction, qui se borne à constater une créance et à en fixer le montant dans le cadre d’une procédure collective, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d’exécution forcée.

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Auteur d'origine: jdpellier

Nonobstant son application en l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne crée pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

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Auteur d'origine: jdpellier

Dès l’instant où l’obligation assortie d’une astreinte a été exécutée, fût-ce par un tiers, l’astreinte ne peut plus donner lieu à liquidation pour la période de temps postérieure à cette exécution, sauf si le créancier justifie d’un intérêt légitime à ce qu’elle soit exécutée par le débiteur lui-même.

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Auteur d'origine: gpayan
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Un jugement de divorce est prononcé le 21 juin 2017, signifié le 13 juillet 2017.

Le 18 août 2017 (et non « 2018 » comme indiqué dans l’arrêt de cassation), l’époux fait appel pour contester la prestation compensatoire mise à sa charge au profit de son épouse.

L’époux appelant conclut sur son appel le 18 novembre 2017, soit dans le délai de trois mois de l’article 908. Dans ses conclusions au fond, il soulève « in limine litis » la nullité de la signification du jugement.

Le 17 janvier 2018, l’intimé saisit le conseiller de la mise en état d’un incident d’irrecevabilité de l’appel pour tardiveté au regard de la date de signification du jugement.

Par ordonnance de mise en état du 6 septembre 2018, confirmée par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 12 février 2019, l’appel est déclaré irrecevable.

Sur pourvoi, la Cour de cassation approuve les juges d’appel d’avoir prononcé cette irrecevabilité.

Les « conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état »

Cette précision peut paraître évidente, l’article 791, et avant lui l’article 772-1, précisant que « le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions » au fond.

Toutefois, il n’en a pas toujours été ainsi, et nous devons cette disposition au décret du 6 mai 2017 dit décret Magendie 2 (décr. n° 2017-891, 6 mai 2017).

Même si cet article 791, tout comme l’ancien article 772-1, s’applique à la procédure d’appel, par renvoi de l’article 907, l’article 914 précise lui aussi, surabondamment, que le conseiller de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées.

Avant qu’il n’en soit ainsi, et en l’absence d’un texte précisant les conditions de saisine du magistrat de la mise en état, la Cour de cassation avait considéré que celui-ci, tant qu’il n’était pas dessaisi, était saisi des moyens contenus dans des conclusions au fond et qui relevaient de son pouvoir juridictionnel (Civ. 2e, 9 avr. 2015, n° 13-28.707 P, Dalloz actualité, 19 mai 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero ).

Cette jurisprudence était favorable à l’avocat qui n’avait pas à s’interroger si son moyen devait ou non être soumis au conseiller de la mise en état, à charge pour ce dernier de prendre connaissance des conclusions au fond pour y relever les moyens relevant de sa compétence.

Cette jurisprudence fera long feu, puisqu’il n’aura fallu qu’une année pour que la Cour de cassation opère un revirement et retienne que le conseiller de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par des « conclusions qui lui sont spécialement adressées » (Civ. 2e, 12 mai 2016, n° 14-25.054 et 14-28.086 P, Dalloz actualité, 30 mai 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 1290 , note C. Bléry ; ibid. 1886, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, O. Becuwe et N. Touati ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; JCP 2016. 1154, note Mas ; ibid. 1296, n° 7, obs. L. Mayer ; Gaz. Pal. 30 août 2016, p. 56, obs, Amrani Mekki).

Si, en l’espèce, l’appelant avait pris soin de soulever la nullité de la signification du jugement, il l’avait fait dans ses conclusions au fond, non dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, comme le relève la Cour de cassation.

L’antériorité de l’exception de procédure, en tout état de cause

Ce choix procédural de l’appelant peut étonner. En effet, nous savons que le magistrat de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées, et qu’en conséquence, est irrecevable l’incident soulevé dans des conclusions qui comportent en outre des moyens et demandes au fond (Civ. 2e, 12 mai 2016, n° 14-25.054, préc. ; 12 mai 2016, n° 14-28.086, préc. ; 23 juin 2016, n° 15-13.483 P, Dalloz actualité, 19 juill. 2016, obs. M. Kebir).

Par conséquent, en circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état, cela ne présentait aucun intérêt de développer cette exception dans des conclusions au fond puisque le magistrat de la mise en état ne pouvait en être saisi, et la cour n’ayant pas à connaître des exceptions de procédure qui sont de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état (C. pr. civ., art. 789, anc. 771). Il en aurait été différemment si l’affaire avait relevé du circuit court, sans désignation d’un conseiller de la mise en état.

Dans le cadre de son pourvoi, l’appelant expliquait être recevable à opposer l’irrégularité de la signification une fois que l’irrecevabilité de son appel a été soulevée par son adversaire.

La Cour de cassation n’entend pas l’argument. La nullité de la signification du jugement, qui est une exception de procédure, ayant été soulevée dans les conclusions au fond de l’appelant, et non dans des conclusions adressées au conseiller de la mise en état, la demande en nullité était irrecevable.

Peu importe que cette exception ait été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, cette précaution s’avérant inutile dès l’instant où l’exception n’est pas contenue dans les conclusions adressées au magistrat ayant compétence (exclusive) pour en connaître.

Surtout, la Cour de cassation n’est pas sensible à l’argument de l’appelant selon lequel c’est un moyen de procédure en défense à une irrecevabilité.

Et c’est là que l’arrêt devient dangereux, même si la Cour de cassation avait déjà mis en garde par un précédent arrêt publié.

Le piège du timing de l’exception de procédure

Une partie qui bénéficie d’une exception de procédure peut estimer opportun de rester discret et de ne pas invoquer une exception de procédure qui ne sert que dans l’hypothèse où ça se gâte.

C’était la thèse de l’appelant, largement répandue, selon laquelle l’exception de nullité est un moyen de défense à opposer à l’irrecevabilité de l’appel.

Ce timing ne convient pas à la Cour de cassation, qui fait une (trop ?) stricte application de l’article 74 selon lequel « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant tout défense au fond ou fin de non-recevoir ».

Il importe peu que cette exception de procédure ne profite pas directement à l’appelant, comme pourrait l’être une nullité de l’acte introductif d’instance ou des conclusions.

Même si l’irrecevabilité de l’appel n’avait pas été soulevée par l’intimé, l’appelant devait néanmoins anticiper cette irrecevabilité en saisissant préventivement le conseiller de la mise en état d’un incident aux seules fins de voir déclarer nulle la signification du jugement.

On comprend aisément qu’un appelant puisse être réticent à procéder de la sorte.

L’appelant peut considérer que si l’intimé ne dit rien, il n’a pas à appeler son attention sur une irrecevabilité qui passera peut-être inaperçue ou que l’intimé n’entend pas soulever.

Avec cette jurisprudence, l’appelant perd l’exception-joker que l’on sort en cas de difficulté.

Si l’appelant sait qu’il est hors délai pour faire appel, il doit immédiatement aller sur le terrain de la nullité de l’acte de signification, avant même de conclure au fond, et alors que l’intimé n’avait pas soulevé une irrecevabilité que la cour d’appel n’aurait pas relevé d’office.

L’avocat devra donc redoubler de vigilance et s’assurer que son client a reçu signification du jugement avant de conclure au fond. Lorsque l’irrecevabilité sera opposée, il sera bien souvent trop tard.

C’est déjà en ce sens que la Cour de cassation avait statué, considérant que l’intimé irrecevable à conclure ne pouvait espérer échapper à la sanction en arguant de la nullité de l’acte de signification des conclusions par l’appelant, alors qu’il avait déjà conclu au fond (Civ. 2e, 1er févr. 2018, n° 16-27.322 P, Dalloz actualité, 22 févr. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero ; Procédures 2018, n° 137, obs. Croze ; Gaz. Pal. 15 mai 2018, p. 69, obs. Amrani-Mekki).

L’arrêt du 10 décembre 2020 et celui du 1er février 2018 s’inscrivent donc dans cette jurisprudence qui fait une stricte application de l’article 74 et écarte la possibilité de faire de l’exception de procédure un moyen de défense.

Si une partie dispose d’une exception de procédure qui doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, elle doit saisir le magistrat de la mise en état par des conclusions spécialement adressées, avant de conclure au fond, en tout état de cause.

Il peut paraître curieux de saisir le magistrat de la mise en état d’un incident de nullité de l’acte de signification, alors que l’intimé ne soulève pas l’irrecevabilité de l’appel, et l’incident n’ayant finalement pour objectif que de voir reconnaître une recevabilité qui n’était pas discutée.

Cet arrêt est dangereux, en ce que la partie devra immédiatement dévoiler ses cartes, sauf à faire le choix irréversible de parier sur ce que sera la position de son adversaire.

Pour la Cour de cassation, si l’acte de signification du jugement, des conclusions ou de la déclaration d’appel est nul, et même si la partie n’en obtient pas un bénéfice immédiat, elle doit saisir le magistrat de la mise en état avant d’avoir conclu au fond, ou se taire à jamais et accepter la sanction.

Le « jeu de la dame »…

Toutefois, cela suppose que la partie a connaissance de l’acte prétendu nul.

En l’espèce, cette connaissance était manifeste puisque l’appelant concluait à la nullité dans ses conclusions au fond.

En revanche, il ne saurait être reproché à une partie de ne pas soulever la nullité d’un acte dont elle n’a pas connaissance. Il en irait ainsi des actes d’huissier signifiés selon procès-verbal de recherches infructueuses (C. pr. civ., art. 659).

En revanche, il sera plus difficile pour la partie de s’affranchir de l’antériorité posée à l’article 74, lorsque l’acte a été signifié à la personne ou à personne habilitée.

Pour cette raison, il pourra être opportun, pour celui qui craint que son acte soit attaqué sur le terrain de la nullité, de le porter à la connaissance de son adversaire, en le communiquant, ou en l’adressant par courrier officiel par exemple. Mais sans pour autant s’en prévaloir, de manière à laisser l’adversaire conclure au fond sans invoquer cette nullité.

Si la partie ne soulève pas l’exception de nullité en temps, l’acte potentiellement irrégulier sera ainsi consolidé et la partie aura le champ libre pour soulever l’irrecevabilité (de l’appel, des conclusions) sans craindre le retour du bâton.

La procédure consiste aussi à avancer des pions, au bon endroit, au bon moment, comme aux échecs…