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Grève des avocats : les propositions de la Chancellerie, entre audace et réchauffé

Grève des avocats : les propositions de la Chancellerie, entre audace et réchauffé

Il y a parfois des annonces désarçonnantes. Vendredi, la garde des Sceaux, après trois heures de réunion avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris, a rappelé que les avocats n’auraient pas gain de cause dans leur bataille contre la réforme des retraites et a énoncé son plan d’attaque pour favoriser l’équilibre économique des cabinets d’avocat : la nomination de Dominique Perben qui devra remettre un rapport – encore un ! – d’ici la fin du mois avril. Les sujets prioritaires : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes. Dominique Perben pourra, s’il le souhaite, proposer d’autres pistes « pour améliorer les conditions d’exercice de la profession ».

Alors voilà ce qui désarçonne. La ministre de la justice jure que, cette fois-ci, la revalorisation sera vraiment significative. Faut-il un rapport pour annoncer des chiffres dont dispose la profession depuis des dizaines d’années ? Pour de nombreux avocats, le minimum serait de doubler les unités de valeur (32 € actuellement). Faut-il d’ailleurs rappeler que le futur « rapport Perben » s’ajoutera à la dizaine de rapports rendus pour sauver l’aide juridictionnelle. Le plus souvent cité est celui de l’ancien sénateur Roland du Luart (2007), qui avait évoqué un « système à bout de souffle » et « proche de l’implosion » (à l’époque, le budget de l’aide juridictionnelle était de 300 millions d’euros, contre 500 pour 2019). Mais il n’est pas inutile d’en citer quelques autres tant leur nombre est symptomatique d’un malaise à traiter le sujet : rapport Bouchet (2001), Cour des comptes (2008), Darrois (2009), Bocquillon (2009) Belaval (2010), Gosselin (2011), Haut Conseil des professions du droit (2013), Carré-Pierrat (2014), Le Bouillonnec (2014), Mézard-Joissains (2014), Moutchou-Gosselin (2019), etc., sans oublier plusieurs propositions de loi abandonnées dans un tiroir et les nombreux rapports du Conseil national des barreaux, dont celui de Myriam Picot de 2013. Ou encore le rapport plus global sur l’avenir de la profession, remis à Jean-Jacques Urvoas en 2017 par les avocats Kami Haeri, Sophie Challan-Belval, Éléonore Hannezo et Bernard Lamon.

« Conférer ensuite la force exécutoire à l’acte d’avocat, voilà une bravade qui pourrait réveiller l’endormie dissension entre avocats et notaires. » A-t-on oublié les mois de tension en 2010 qu’avait dû gérer la ministre de l’époque, Michèle Alliot-Marie, les notaires refusant net que « l’acte contresigné par avocat » – une idée de l’avocat Jean-Michel Darrois issue de son rapport de 2009 – ait la moindre force exécutoire ? La loi du 28 mars 2011 avait finalement créé un acte a minima, fort peu utilisé par la profession (134 actes d’avocat avaient été archivés via le site AvosActes, créé par le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers, en 2015). En 2014, nouveau « coup de chaud » : les notaires s’offrent deux pleines pages dans Le Monde et Les Échos pour mettre un coup d’arrêt aux propositions contenues dans le Livre blanc de la profession d’avocat, diffusé à l’occasion des débats sur la justice du 21e siècle.

Des propositions à l’intérêt « très catégoriel »

Interrogé à l’époque, Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat, avait été très clair : « Les avocats demandent, entre autres, à ce que l’acte d’avocat ait la force de l’acte authentique, ils réclament l’accès aux fichiers immobiliers et sollicitent de pouvoir faire des partages successoraux. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Déjà en 1967, dans un Livre bleu, ils réclamaient une profession unique ! La commission Darrois a repris cette idée. Les représentants des avocats sont dans l’empiétement permanent des prérogatives d’autres professions, deviennent agents sportifs, mandataires en transactions immobilières, etc. Ils ont la volonté permanente de faire le métier des autres. C’est pourquoi la profession de notaire, d’habitude discrète, est sortie de sa réserve car les propositions des avocats sont inacceptables. » Avec une entrée dans le code civil en 2016, et une utilisation imposée dans le cadre du divorce par consentement mutuel, l’acte d’avocat n’est peut-être pas tout à fait mort. Reste à savoir de quelle manière Dominique Perben va convaincre les notaires.

Troisième chantier à risque : l’application du taux de TVA réduit de 10 % aux honoraires d’avocats. C’est encore un vieux combat de la profession qui s’est systématiquement vu opposer par Bercy la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle « les services rendus par les avocats à leurs clients, y compris les particuliers et ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle, n’étaient pas des prestations susceptibles de se voir appliquer un taux de TVA réduit ». Sauf que, comme l’a rappelé une motion votée en novembre 2019 par le conseil de l’ordre de Paris, une proposition de directive modifiant la directive du 28 novembre, examinée par le Parlement européen, a été soumise au sein du Conseil européen en vue de son adoption : « cette proposition prévoit que seuls les biens et services énumérés dans une liste dite “négative” ne pourraient pas bénéficier de la part des États membres d’un taux réduit de TVA. Le projet actuel de cette liste ne mentionne pas les prestations d’avocats aux particuliers (B2C). En cas d’adoption de la nouvelle directive, les États membres pourront donc appliquer un taux réduit aux prestations des avocats ».

Dominique Perben a donc un mois pour résoudre ce qui a été, jusqu’à présent, insurmontable. Sa désignation a par ailleurs provoqué quelques interrogations. L’ancien garde des Sceaux, de 2002 à 2005 sous le gouvernement Raffarin, avait rassemblé contre lui une partie de la profession lors des votes de la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (dite loi Perben I) et de la loi portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dite loi Perben II) de 2004. À propos des robes noires qui avaient protesté devant le ministère, il avait ironisé : « il y a 17 000 avocats à Paris. Ils étaient 100, rue de la Paix ». Aujourd’hui avocat au sein du cabinet Betto Perben Pradel Filhol, certains confrères grincent des dents : il a bénéficié du décrié « décret passerelle » de 2010, pour être inscrit au tableau sans que son parcours le justifie. Le décret avait finalement été supprimé en 2013. Enfin, il est le beau-père du député Raphaël Gauvain (LRM), auteur du rapport de 2019 sur la protection des entreprises contre les lois et mesures à portée extraterritoriale, qui avait ressorti un sujet terriblement explosif, celui de l’avocat en entreprise. « L’avocat en entreprise, c’est un vrai casus belli pour une très large majorité de la profession qui craint que Perben ne s’en inspire », commente un avocat.

Un élu du Conseil national des barreaux estime que ces sujets annexes – hors retraite – « ne présentent en réalité qu’un intérêt très catégoriel. Pour faire simple : les avocats qui interviennent à l’aide juridictionnelle se fichent totalement de la force exécutoire de l’acte d’avocat, qu’ils ne pratiquent pas. Et ceux qui n’interviennent pas l’AJ considèrent à juste titre que l’augmentation des U.V. ne compensera pas l’augmentation de leurs cotisations retraite. L’idée de créer un comité Théodule sur ces sujets, alors que nos demandes sont définies et chiffrées depuis bien longtemps, passe très mal. Nous avons des tonnes de rapports démontrant que le budget de l’AJ doit être a minima doublé pour permettre au système de fonctionner. Nous n’avons pas besoin de nous réunir en commission pour en discuter ».

La présidente du Conseil national des barreaux a, sur Twitter, reconnu que la Chancellerie « avait fait un pas » et avait « envoyé un petit signal aux avocats », tout en regrettant, par exemple, qu’aucune donnée chiffrée n’ait été donnée concernant la revalorisation de l’aide juridictionnelle. « Mais cela ne change rien à notre mobilisation contre la réforme des retraites. Ni à ma détermination », a-t-elle conclu. Le mouvement de grève continue. L’examen et le vote prochain du projet de loi de réforme des retraites également.

Auteur d'origine: babonneau
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Invité
mardi 23 avril 2024

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