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Incendie de la rue Myrha : « Je vous dis que cet homme est dangereux »

Incendie de la rue Myrha : « Je vous dis que cet homme est dangereux »

L’existence de plusieurs personnages dans la tête de Thibaud Garagnon n’a pas toujours été une évidence. Lorsque, le premier jour de son procès pour incendie volontaire ayant entraîné la mort de huit personnes au 4, rue Myrha, le 2 septembre 2015, il a dit : « Je reconnais les faits. Nous avons commis les faits dont nous n’imaginions pas les conséquences », la cour et les jurés ont pu croire qu’il allait leur falloir juger un malade mental, ou alors qu’ils avaient affaire à un grossier manipulateur, puisque ces personnalités semblaient avoir opportunément émergé au cours de l’instruction. « J’en avais honte, je n’arrivais pas à parler de mes personnalités, j’avais peur que ça fasse mauvais effet », s’est-il justifié. Ils sont donc trois dans sa tête : Light, Fox et Superbia. Ce dernier est la part sombre de l’accusé, qui a mis le feu, tandis que la première, qui est féminine, est l’interlocutrice bienveillante qui l’aide à faire les bons choix. Ces personnages sont une « création consciente, un aménagement névrotique pour l’aider à ne pas plonger dans la psychose », analyse le Dr Prosper, expert-psychiatre qui l’a examiné. L’existence de ces personnages ne constitue pas une double personnalité, ce ne sont que des amis imaginaires « dont il n’est pas dupe », mais qui peuvent parfois être envahissants, car « l’imaginaire vient toucher le réel dans une petite portion quasi confusionnelle ». Ces « amis », qu’il identifie à ses humeurs, ont un rôle de soupape. « Light l’aide à lutter contre les pulsions débordantes. Nous sommes face à un état limite, il y a effectivement une énorme pression sous-jacente », poursuit-il, une tension qui vient de son enfance et qu’il n’a jamais su évacuer.

Son père, Pierre Garagnon, s’en est ému à la barre. « La responsabilité nous ronge, celle de ne pas avoir su lui apprendre à maîtriser ses colères. Je présente toutes mes excuses pour avoir été à l’origine de ce drame », dit l’homme d’une voie ronde et émue. « Je voudrais aussi dire à Thibaud que je l’aime. »

Mais « Thibaud a toujours été en colère contre tout ce qui l’agressait ». Il fallait bien gérer ses crises, enfant, ainsi le jeune Thibaud finissait souvent à la cave, ce qui l’a traumatisé. « Il faisait des colères tellement violentes, il fallait l’isoler pour le calmer et pour qu’il revienne parmi nous. » Thibaud Garagnon a raconté avoir reçu beaucoup de gifles, parfois des coups de la part de son père, et garde des souvenirs cuisants des violences reçues. Si sa mère ne l’a pas protégé des gifles, elle l’a « surprotégé » par ailleurs, comme le consacre la formule, ce fut une mère fusionnelle, et à la barre, lundi 7 décembre, c’est une mère sur ses gardes face à l’accusation qui se présente à la barre, et qui est toujours dans cette attitude de « protection de son fils », qui la regarde désormais depuis son box vitré.

Comme son frère aîné, le jeune Thibaud Garagnon est diagnostiqué surdoué dans son enfance. « J’étais un enfant différent, dit-il. — En quoi ? — J’étais très sensible, déjà, et j’avais cette peur exacerbée, une peur irrépressible de l’école, je ne sais pas trop pourquoi, j’avais des amis mais plus de mal à m’intégrer que certains autres. » Sa mère lui fait consulter un psychologue, un psychomotricien. Il pense être atteint du syndrome d’Asperger, il cherche à poser un diagnostic sur son mal-être, mais il n’est pas Asperger, tout comme les TOC dont il se prévaut (frapper dans ses mains) n’ont pas été établis par un diagnostic médical. Il s’invente des pathologies à l’adolescence (cardiaque, par exemple), et fait de réelles crises de panique à partir de l’âge de 17 ans. Amateur de couches-culottes, qu’il porte régulièrement, il se justifie en évoquant une incontinence survenue à l’adolescence, mais là encore, pas de diagnostic.

Il n’est pas isolé socialement, mais se crée un monde à part. Il fait partie de la communauté des adeptes du dessin animé My Little Pony, fréquente les conventions qui rassemblent les mêmes adeptes que lui. Cet univers a probablement contribué à la création des personnages qui habitent en lui, et surgissent, dit-il, car on ne peut se fier qu’à son discours, sans crier gare. C’est ainsi qu’un jour, lors d’un interrogatoire par le juge d’instruction, il avertit : « Aujourd’hui, vous ne pourrez parler qu’à Fox, Thibaud Garagnon n’est pas là. »

« Il est possible que je me positionne facilement comme victime »

Les parties civiles disent de lui qu’il est autocentré. L’une d’elles pose la question à l’enquêteur de personnalité. « Il vous a parlé des incendies ? — Oui, en se présentant comme une victime. » « Il est possible que je me positionne facilement comme victime », intervient l’accusé. « Est-ce que vous êtes victime de l’incendie ? » Demande l’avocat général. « Je l’ai vécu, donc en théorie je suis victime, mais juridiquement, ce n’est pas le cas. Même en tant qu’auteur, c’est une situation qui m’a échappé. J’ai vu les flammes, les personnes se défenestrer. J’aurais pu y rester, moi aussi.

— Pensez-vous que ce soit audible ?

— Pour les parties civiles, non. J’en suis conscient. Le fait est que j’ai quand même vécu cet incendie. » À son avocate qui l’interroge ensuite, l’accusé répond : « Mon comportement social a pu contribuer à cette violence. »

Car, à partir de juin 2015, trois mois avant les faits, Thibaud Garagnon est sous tension. Il est assez seul à Paris, dans ce petit studio loin de sa famille, dans le tumulte parisien. Il ne verra pas sa mère de l’été. Il cherche querelle à son voisin du dessus, Alassane Tandian, partie civile, fait des remarques racistes sur « les Africains », laisse libre cours à ces colères par voie de messages électroniques, dont il abreuve ses amis. « Il se singularise rapidement par son intolérance à autrui, qui peut se transformer en fixation haineuse sur des proches immédiats », dit l’avocat général, mercredi 9 décembre, dans son réquisitoire. Si le mobile raciste n’est pas retenu, « dans les faits, Thibaud Garagnon ne fait pas preuve d’un humanisme ou d’une empathie caractérisée ». « La France entière connaît désormais la rue Myrha au travers de cette tragédie. » Il égrène le nom des victimes, « mortes des suites des fixations aberrantes, des manies et des excentricités multiples de Garagnon ». L’accusé admet avoir mis le feu à une poussette entreposée au rez-de-chaussée de l’immeuble, au bas de l’escalier en bois, ce qui suffit à établir sa culpabilité. « Il importe peu qu’il ait voulu incendier la poussette seule ou l’immeuble entier, ce qui compte c’est qu’il ait incendié volontairement le mobilier. »

« Je vous dis que cet homme est dangereux, il ne contrôle pas ses pulsions. Ce n’est pas parce qu’il est orignal, non conforme à certaines normes, ou parce qu’il peut être énervant qu’il présente un danger, c’est par un manque de conviction en ses torts, ses regrets sont de façades. On ne saurait admettre sa propre souffrance comme un moyen de l’affranchir de sa responsabilité. » L’avocat général demande une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté des deux tiers. Il demande également un suivi sociojudiciaire de dix ans à sa sortie de prison et, en cas de manquement, une peine de prison de sept ans.

« Le plaisir de la régression »

Les deux avocats de Thibaud Garagnon alternent leurs plaidoiries pour évoquer les différents aspects du problème. « Il faut pouvoir appréhender les déclarations qu’il peut faire à travers sa personnalité », dit son avocate. « Il va essayer de se présenter sous un meilleur jour » à travers un monde virtuel qu’il domine. Alors, « oui, il porte des couches, utilise des biberons, des tétines, met des tee-shirts My Little Pony. Mais en aucun cas il n’a essayé de manipuler qui que ce soit. Peut-être que les propos qu’il tient ne sont pas entendables par tout le monde, mais M. Garagnon s’est présenté tel qu’il était. Avec ses complexités, avec une approche qui n’est pas toujours la bienvenue, mais tel qu’il est », a-t-elle plaidé.

Son avocat a retracé les mois avant les faits. Ce conflit de voisinage qui éclate, la tension qui monte, Thibaud qui rumine et se sent seul, « tente d’exister à travers ses nombreux appels au secours, à la police », car l’homme cherche l’attention. C’est une manifestation d’immaturité. « Le plaisir de la régression », dit le Dr Prosper, « l’érotisme de la couche-culotte ». Thibaud Garagnon est un faux bambin capricieux mais un véritable adulte atteint de troubles de la personnalité, qui doit être suivi pour une possible réinsertion. Car, à 24 ans aujourd’hui, Thibaud Garagnon va sortir et devra se construire un avenir. Il voudrait être conducteur de train.

Le verdict sera rendu aujourd’hui.

 

Sur le procès de Thibaud Garagnon, Dalloz actualité a également publié :

Incendie de la rue Myrha : « Je me suis réveillé et j’ai eu cette pulsion de vouloir détruire quelque chose », par Julien Mucchielli le 4 décembre 2020

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Invité
vendredi 29 mars 2024

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