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Irrecevabilité de l’action en recherche de paternité et droits fondamentaux

Irrecevabilité de l’action en recherche de paternité et droits fondamentaux

L’arrêt du 14 octobre 2020 voit revenir cinq ans plus tard la même affaire jugée par la Cour de cassation en 2015 (Civ. 1re, 7 oct. 2015, n° 14-20.144, D. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; Dr. fam. 2016. Comm. 16, note M. Farge) et constitue l’occasion de franchir un pas de plus dans la « révolution tranquille » (v. P. Jestaz et J.-P. Marguénaud, Révolution tranquille à la Cour de cassation, D. 2014. 2061 image).

Mme B… est née en 1955, de Mme S… et d’un père déclaré par celle-ci comme étant M. A…B…, lequel a été condamné en 1958 à verser des subsides à l’enfant sur le fondement de l’article 342 du code civil. Après le décès de Mme S…, Mme B… a été adoptée par les époux C… en Angleterre.

En juillet 2010, Mme B… assigne M. A…B… en recherche de paternité. Un jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 19 octobre 2010 déclare l’action en recherche de paternité irrecevable. Mme B… interjette appel et, à la suite du décès de M. A…B…, son fils, M. R…B… intervient à l’instance. Le 27 mars 2014, la cour d’appel de Versailles déclare l’action irrecevable, en raison du fait qu’il n’avait pas été prouvé que le droit anglais, applicable à la filiation, permettait la recherche de paternité au profit d’une personne adoptée. En outre, la cour d’appel soulève d’office la contrariété à l’ordre public international français du droit étranger qui permet l’établissement d’une filiation contredisant une filiation légalement établie. La Cour de cassation, le 7 octobre 2015, casse et annule l’arrêt, car la cour d’appel aurait dû préciser les règles de droit anglais applicables pour justifier qu’elle écartât le certificat de coutume fourni par une partie. En outre, la cour régulatrice rappelle que les juges du fond ne pouvaient relever d’office le moyen tiré de la contrariété à l’ordre public international sans inviter les parties à présenter leurs observations, défendant ainsi le principe du contradictoire. L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Paris.

Cette dernière, par un arrêt du 21 novembre 2017, déclare l’action en recherche de paternité biologique recevable et ordonne une expertise biologique, considérant que l’impossibilité pour une personne adoptée de faire reconnaître son lien de filiation paternelle biologique à des fins successorales constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale. Par un second arrêt du 19 mars 2019, elle déclare M. A…B… père biologique de Mme B….

M. R…B… forme alors un pourvoi en cassation à l’encontre des deux arrêts. Il estime que l’action en recherche de paternité n’est pas recevable car, à supposer l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale établie, il est encore nécessaire de vérifier si cette ingérence est prévue par la loi et poursuit un but légitime. L’article 370-5 du code civil, qui prévoit que l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets d’une adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation, interdit la recherche de paternité pour les enfants ayant fait l’objet d’une adoption et poursuit le but légitime de garantir la stabilité du lien de filiation. En outre, les juges du fond auraient dû rechercher un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et familiale et la stabilité du lien de filiation, en privilégiant, par une décision motivée, la solution protectrice de l’intérêt le plus légitime. La cour d’appel n’a pas caractérisé en quoi la reconnaissance du lien de filiation biologique avec M. A…B… était nécessaire au respect de la vie privée et familiale de Mme B…, d’autant que celle-ci tenait pour acquis qu’elle était la fille biologique de M. A…B…, dont elle portait le nom depuis la naissance. Elle avait par conséquent déjà connaissance de ces origines.

En 2020, l’affaire se présente donc devant la Cour de cassation dans cette configuration, purgée de ses difficultés quant à la loi applicable et à la contrariété à l’ordre public international. La loi anglaise, applicable à la filiation, faisait obstacle à la reconnaissance d’un lien de filiation qui viendrait contredire une adoption. Se posait alors la question de savoir si l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité portait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant. La Cour de cassation rend sa décision au seul visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et réexamine in concreto la proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux. Elle reprend minutieusement les éléments du contrôle de proportionnalité opéré par la cour d’appel. On a, d’un côté, le droit de connaître son ascendance et de voir établir légalement celle-ci et, de l’autre, le refus du prétendu père de son vivant, puis de son héritier, d’établir un lien de filiation, ainsi que l’intérêt général lié à la sécurité juridique.

Si la cour d’appel fait pencher le plateau de la balance des intérêts du côté de l’enfant, la Cour de cassation retient au contraire que l’intérêt de l’enfant, « qui connaissait ses origines personnelles, n’était pas privée d’un élément essentiel de son identité », ne fait pas le poids face à l’intérêt du prétendu père qui n’a jamais voulu établir de lien de filiation, l’intérêt de la famille adoptive et l’intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs. Elle estime que l’atteinte au droit au respect de la vie privée de l’enfant que constitue l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité ne revêt pas un caractère disproportionné. Logiquement, au visa de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour rappelle que la cassation de l’arrêt du 21 novembre 2017 (qui déclare l’action recevable) entraîne l’annulation de l’arrêt du 19 mars 2019 (qui statue sur le fond de la paternité).

La Cour de cassation casse et annule dans toutes leurs dispositions les arrêts soumis à examen et dit qu’il n’y a lieu à renvoi en confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 10 octobre 2010 ayant déclaré irrecevable l’action en recherche de paternité.

L’arrêt sous examen est dans la droite ligne des jurisprudences antérieures qui imposent, au-delà du contrôle de conventionnalité, un contrôle de proportionnalité. La problématique, initiée par l’arrêt fondateur relatif au mariage incestueux (Civ. 1re, 4 déc. 2013, n° 12-26.066, Dalloz actualité, 13 déc. 2013, obs. R. Mésa ; D. 2014. 179, obs. C. de la Cour image, note F. Chénedé image ; ibid. 153, point de vue H. Fulchiron image ; ibid. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; ibid. 2017. 123, chron. V. Vigneau image ; AJ fam. 2014. 124, obs. S. Thouret image ; ibid. 2013. 663, point de vue F. Chénedé image ; RTD civ. 2014. 88, obs. J. Hauser image ; ibid. 307, obs. J.-P. Marguénaud image), s’est introduite en matière de filiation par un arrêt remarqué du 10 juin 2015 (Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-20.790, D. 2015. 2365 image, note H. Fulchiron image ; ibid. 2016. 857, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 1966, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; RTD civ. 2015. 596, obs. J. Hauser image ; ibid. 825, obs. J.-P. Marguénaud image), qui avait ouvert la voie à un contrôle de proportionnalité au regard de l’article 8 dans le domaine de la filiation. En 2016 (Civ. 1re, 6 juill. 2016, n° 15-19.853, Dalloz actualité, 29 août 2016, obs. V. Da Silva ; D. 2016. 1980 image, note H. Fulchiron image ; ibid. 2017. 470, obs. M. Douchy-Oudot image ; ibid. 729, obs. F. Granet-Lambrechts image ; RTD civ. 2016. 831, obs. J. Hauser image), la Cour de cassation avait confirmé le principe de ce contrôle en approuvant les juges du fond d’y avoir procédé et en dégageant à grands traits la méthode de ce contrôle.

Dans l’arrêt du 14 octobre 2020, la Cour s’inscrit dans la même démarche, mais elle remet en cause l’appréciation concrète portée par les juges du fond, sur la proportionnalité de l’atteinte. Elle va donc bien plus loin que dans les précédentes affaires et plus que de « contrôler le contrôle » (selon l’expression de H. Fulchiron, D. 2016. 1980 image), elle le refait elle-même en appréciant différemment la balance des intérêts. Tout porte à croire que cet arrêt ne manquera pas de susciter un débat nourri en doctrine.

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jeudi 18 avril 2024

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