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L’appréciation de l’abus au moment où le preneur d’assurance-vie exerce la faculté de renonciation

Deux personnes mariées ont adhéré chacune au cours de l’année 1999 à un contrat collectif d’assurance sur la vie, auprès d’un assureur. Se prévalant du manquement de ce dernier à son obligation précontractuelle d’information, ils ont exercé le 5 janvier 2011 la faculté prorogée de renonciation que leur ouvrait l’article L. 132-5-1 du code des assurances. L’assureur ne leur ayant pas restitué les sommes qu’ils avaient versées, ils l’ont assigné en paiement de ces sommes.

Pour considérer que l’assureur avait respecté son obligation d’information, la cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 19 février 2015, avait énoncé que dans les bulletins d’adhésion signés par les preneurs d’assurance figurait in fine cette mention : « l’adhérent déclare avoir reçu un exemplaire du présent document et de la note d’information relative au contrat Hévéa et certifie avoir pris connaissance des dispositions contenues dans ces documents qui précisent notamment les conditions d’exercice du droit de renonciation. L’exemplaire original du présent document, destiné à Sogecap, vaut récépissé de la note d’information ». Puisqu’en outre la note d’information contenait sous le titre « La renonciation » cette information : « Vous pouvez renoncer à votre adhésion au contrat Hévéa et être remboursé intégralement si dans les 30 jours qui suivent la date de votre versement initial, vous adressez au siège social de Sogecap une lettre recommandée avec accusé de réception, rédigée par exemple selon le modèle suivant » dans ces conditions, il apparaissait, selon la cour d’appel, que les preneurs avaient reçu les informations requises, s’agissant notamment du modèle de la lettre de renonciation.

Au visa de l’article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige, la deuxième chambre civile avait censuré la décision avant de renvoyer devant la même cour d’appel, autrement composée. La Haute juridiction avait retenu qu’il résulte de ce texte que, d’une part, la proposition d’assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation, d’autre part, l’entreprise d’assurance doit remettre contre récépissé une note d’information sur les dispositions essentielles du contrat et notamment sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation, enfin, le défaut de remise des documents et informations ainsi énumérés entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la date de leur remise effective.

La Cour de cassation avait ainsi jugé que la cour d’appel a violé l’article L. 132-5-1 du code des assurances en statuant comme elle l’a fait, « alors que l’insertion d’un modèle de lettre de renonciation dans la note d’information ne répond pas aux exigences de l’article L. 132-5-1 du code des assurances et que l’entreprise d’assurance ne peut régulariser la situation que par la transmission distincte de ce document » (Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-16.693, inédit).

La cour d’appel de Versailles, sur renvoi, a condamné à nouveau l’assureur à payer respectivement aux preneurs les sommes de 5 515,97 € et de 23 694,62 € avec intérêts au taux légal majoré, au titre de leurs contrats d’assurance-vie, et le débouter de ses demandes contraires. À cet effet, les juges d’appel ont retenu non seulement que « pour rapporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré et de l’abus de droit dans l’exercice de la faculté de renonciation prorogée, l’assureur doit établir que l’assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d’information et qu’il n’aurait souscrit le contrat qu’en considération de la possibilité d’y renoncer ultérieurement », mais encore que « l’assureur ne prouve pas l’intention de lui nuire des [preneurs], et que leur renonciation trouve son fondement dans le non-respect par l’assureur de son obligation précontractuelle d’information telle que prévue par les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances, de sorte qu’ils n’ont donc pas détourné le droit de sa finalité » (Versailles, 22 févr. 2018).

Par suite d’un second pourvoi, dans cette même affaire, la deuxième chambre civile a préalablement rappelé la solution que l’on connaît – et faisant suite à la loi du 30 décembre 2014 – depuis un revirement de 2016 (Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15-12.767, D. 2016. 1797 image, note L. Perdrix image ; ibid. 2017. 1213, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre image ; RTD civ. 2016. 605, obs. H. Barbier image ; RGDA sept. 2016, n° 113s4, p. 438, note J. Kullmann ; JCP 2016. 811, note L. Mayaux ; ibid. 916, note D. Noguéro ; www.actuassurance.com avr.-mai 2016, n° 46, note M. Robineau). Ce changement jurisprudentiel n’a pas été démentie depuis (Civ. 2e, 9 juin 2016, n° 15-20.218, RGDA 2016. 438, note J. Kullmann ; 5 oct. 2017, n° 16-19.565, inédit), ce que les affaires très récentes soulignent, à savoir que « si la faculté prorogée de renonciation prévue par ce texte [C. assur., art. L. 132-5-1], en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus » (Civ. 2e, 28 mars 2019, F-P+B, n° 18-15.612, attendu liminaire du second moyen ; Civ. 2e, 7 févr. 2019, F-P+B+I, n° 17-27.223, Dalloz actualité, 27 févr. 2019, obs. R. Bigot)

La jurisprudence ancienne (Civ. 2e, 7 mars 2006 [2 arrêts], n° 05-12.338, Bull. civ. II, n° 63 ; D. 2006. 807 image ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel image ; RDI 2006. 173, obs. L. Grynbaum image ; RDC 2007. 223, note J. Rochfeld ; JCP 2006. 845, obs. L. Mayaux ; 4 févr. 2010, n° 08-21.367, Dalloz jurisprudence ; 28 juin 2012, n° 11-18.207, Dalloz jurisprudence ; 15 déc. 2011, n° 10-24.430, RGDA 2012. 766, note J. Kullmann ; V. Nicolas, Droit des contrats d’assurance, Economica, coll. « Corpus droit privé », N. Molfessis [dir.], 2012, n° 1421), qui était loin de faire l’unanimité (cf. ex multis, P. Pierre, La modification du régime de la renonciation du preneur d’assurance sur la vie, RCA 2015. Étude 4 ; A. Pélissier, Exercice du droit de renonciation prorogé : l’équilibre enfin (re)trouvé !, RGDA, oct. 2016, n° 113v9, p. 487), paraît donc enterrée.

Puis, dans l’arrêt du 28 mars 2019, la deuxième chambre civile a confirmé une précision importante. En effet, « l’abus s’apprécie au moment où le preneur d’assurance exerce cette faculté » (Civ. 2e, 28 mars 2019, F-P+B, n° 18-15.612, attendu liminaire du second moyen, in fine).

La Haute juridiction a ainsi cassé et annulé l’arrêt rendu le 22 février 2018, au motifs que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, en se déterminant ainsi, « sans rechercher, à la date d’exercice de la faculté de renonciation [soulignons], au regard de la situation concrète [des preneurs], de leur qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l’exercice de leur droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit » (Civ. 2e, 28 mars 2019, F-P+B, n° 18-15.612, in fine).

La doctrine avait déjà relevé qu’ « en évoquant l’application immédiate de la loi nouvelle, il a pu être défendu que « la nouvelle condition de bonne foi s’apprécie au moment de l’exercice de la faculté » ; on ne saurait y voir une rétroactivité (sinon celle naturelle d’une loi interprétative), « au motif que la faculté de renonciation se rattacherait au processus de conclusion du contrat ». Une loi nouvelle s’applique dès son entrée en vigueur aux conditions de validité d’une situation juridique légale ou contractuelle à venir. Pareillement, elle s’applique aux effets à venir, non encore produits, des situations légales antérieurement constituées. Par exception à l’application immédiate de la loi nouvelle, en matière contractuelle, on retient la survie de la loi ancienne, dans le sens où celle-ci s’applique aux effets futurs des situations contractuelles par souci de ne pas ruiner les prévisions des parties, partant la sécurité juridique. Le législateur peut néanmoins déroger à cette survie, de façon expresse. C’est parfois le juge qui s’accorde cette possibilité de faire application immédiate de la loi nouvelle aux effets futurs d’un contrat. Le critère n’en est pas toujours évident » (D. Noguéro, La bonne foi comme condition de la prorogation du droit de renonciation en assurance-vie. Entre l’amont et l’aval, Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, PUAM, 2015-4, p. 1425 s., spéc. p. 1446).

Dans leur construction prétorienne, les magistrats du quai de l’horloge semblent procéder par couches successives. Par un arrêt du 7 février 2019, ils avaient réaffirmé le même principe selon lequel si la faculté prorogée de renonciation applicable en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus. Ils avaient également ajouté que les juges du fond doivent rechercher à la date d’exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit (Civ. 2e, 7 févr. 2019, n° 17-27.223, Dalloz actualité, 27 févr. 2019, obs. R. Bigot).

Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la date de souscription du contrat en cause étaient les suivantes : « Toute personne physique qui a signé une proposition d’assurance ou un contrat a la faculté d’y renoncer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pendant le délai de trente jours à compter du premier versement. La proposition d’assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l’exercice de cette faculté de renonciation. Elle doit indiquer notamment, pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins. L’entreprise d’assurance […] doit, en outre, remettre, contre récépissé, une note d’information sur les dispositions essentielles du contrat, sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d’exercice de cette faculté de renonciation. Le défaut de remise des documents et informations énumérés au présent alinéa entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au premier alinéa jusqu’au trentième jour suivant la date de remise effective de ces documents. Un nouveau délai de trente jours court à compter de la date de réception du contrat, lorsque celui-ci apporte des réserves ou des modifications essentielles à l’offre originelle, ou à compter de l’acceptation écrite, par le souscripteur, de ces réserves ou modifications. La renonciation entraîne la restitution par l’entreprise d’assurance ou de capitalisation de l’intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal ».

Par ailleurs, l’article A. 132-4 du même code (dans sa rédaction applicable à la date de souscription du contrat) précisait quelles étaient les informations que devait contenir la note d’information. En l’espèce, dans les bulletins d’adhésion signés par les souscripteurs figurait in fine cette mention “l’adhérent déclare avoir reçu un exemplaire du présent document et de la note d’information relative au contrat [d’assurance-vie] et certifie avoir pris connaissance des dispositions contenues dans ces documents qui précisent notamment les conditions d’exercice du droit de renonciation […] L’exemplaire original du présent document, destiné à [l’assureur], vaut récépissé de la note d’information”. La note d’information contenait sous le titre “La renonciation” cette information : “Vous pouvez renoncer à votre adhésion au contrat [d’assurance-vie] et être remboursé intégralement si dans les 30 jours qui suivent la date de votre versement initial, vous adressez au siège social de [l’assureur] une lettre recommandée avec accusé de réception, rédigée par exemple selon le modèle suivant […]”, suivait le modèle de lettre. Cependant, l’insertion d’un modèle de lettre de renonciation dans la note d’information ne répondait pas aux exigences de l’article L. 132-5-1 du code des assurances puisque ce document devait selon la loi figurer dans le bulletin d’adhésion afin que l’adhérent puisse y accorder une attention particulière, dans la mesure où il y appose sa signature.

La loi n° 2014-1662 du 30 septembre 2014 a cependant modifié les conditions de mise en œuvre de la sanction de la prorogation du délai d’exercice du droit de renonciation posées par l’article L. 132-5-2 du Code des assurances en substituant à l’expression « de plein droit », qui figurait dans le texte applicable à l’espèce, l’expression « de bonne foi ». La Cour de cassation a par la suite estimé que si la faculté prorogée de renonciation prévue par les textes en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus, de sorte que la juridiction saisie doit, pour chaque espèce, si l’assureur soulève la mauvaise foi du souscripteur, rechercher si l’exercice de cette renonciation n’est pas étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants.

Puisque la bonne foi a été introduite par la loi du 30 décembre 2014 au stade de l’exécution du droit de renonciation, la doctrine avait déjà mis en lumière que « c’est lorsque le souscripteur ou l’adhérent souhaite exercer son droit de renonciation, en sollicitant la prorogation du délai, qu’il faut se placer pour apprécier sa bonne ou mauvaise foi » (D. Noguéro, op. cit., spéc. p. 1456).

Pour déterminer concrètement dans quels cas le souscripteur est privé de la faculté prorogée de renonciation la Cour de cassation a donc livré depuis 2016 plusieurs indicateurs (M. Chagny et L. Perdrix, Droit des assurances, 4e éd., LGDJ, Lextenso éd., 2018, n° 997, p. 494) car il est connu que les critères de l’abus de droit, en reflet de la mauvaise foi, peuvent varier, ce qui est source d’insécurité juridique (F. Grua et N. Cayrol, Méthode des études de droit, Dalloz, coll. « Méthode du droit », 4e éd., 2017, p. 15 ; R. Bigot, Cartographie de l’abus du droit d’agir à l’encontre des professionnels du chiffre et du droit, RJCom., Les Cahiers du chiffre et du droit, n° 3, 2015, p. 58-66).

La mauvaise foi réside, selon Monsieur Mayaux, « dans l’usage abusif de la prorogation du délai prévue par la loi, ce qui conduit à une appréciation à la date d’exercice de la faculté de renonciation. Est de mauvaise foi le souscripteur qui, tout en étant informé du contenu du contrat dès l’origine (car il était un épargnant averti et bien conseillé), a fait dépendre sa renonciation des résultats financiers de celui-ci. Or, le délai de prorogation n’est pas fait pour protéger du contrat (entendu comme un bien dont la valeur peut diminuer), mais pour protéger contre un consentement irréfléchi. Pour les gros épargnants, supposés bien informés, la mauvaise foi (qui, en l’occurrence, se confond avec l’abus de droit) se lira ainsi dans les cours de la Bourse ! » (L. Mayaux, Le législateur met fin au « couple diabolique », L’Argus de l’assurance, n° 7398, 27 févr. 2015, p. 40 s., spéc. p. 41 ; Renonciation et prorogation en assurance-vie : le couple diabolique, in Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, Lextensoéditions, 2011, p. 226 s.).

En d’autres termes, Monsieur Noguéro discerne que « c’est, au moins en partie, un examen du motif de la renonciation qui semble ainsi suggéré, sur fond de faute lucrative, c’est-à-dire la condamnation d’un esprit de lucre honni » (D. Noguéro, op. cit., spéc. p. 1458).

En définitive, si le législateur permet à l’assuré de bonne foi de renoncer aux polices souscrites après le 1er janvier 2015, le juge en fait tout autant pour les polices souscrites avant cette date, « l’acte réalisé de mauvaise foi étant neutralisé et l’abus de droit étant revivifié » (R. Bigot, Dalloz actualité, 27 févr. 2019 ; A. Astegiano-La Rizza, Abus de droit et assurance, RGDA nov. 2016, n° 113y2, p. 507 s., spéc nos 34 s.).

La limite ainsi apportée par la jurisprudence au droit de renonciation de l’assuré (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, Lextenso éd., 2018, n° 287, p. 295) qui ne doit pas dégénérer en abus (A. Astegiano-La Rizza, op. cit. ; R. Bigot, préc.) est mieux à même de restaurer un certain équilibre dans la relation contractuelle de l’assurance-vie, les duperies des assureurs – contournant le formalisme informatif – ne devant pas être les seules à être sanctionnées (R. Bigot, La Cour de cassation, maîtresse d’école de l’assureur-cancre en arithmétique dans la rédaction des contrats d’assurance-vie. À propos de Civ. 2e, 5 oct. 2017, n° 16-22.557, inédit, bjda.fr, n° 54, 2017, p. 5 s.).

Auteur d'origine: Dargent
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Invité
vendredi 29 mars 2024

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