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L’illicéité d’une convention ne fait pas obstacle aux restitutions

L’illicéité d’une convention ne fait pas obstacle aux restitutions

L’illicéité d’une convention fait-elle obstacle au jeu des restitutions consécutives à l’anéantissement de cette convention ? Telle est la question à laquelle la première chambre civile de la Cour de cassation a dû répondre dans un arrêt du 17 février 2021. En l’espèce, une société a confié à un cabinet une mission d’analyse de la tarification du risque accident du travail de l’entreprise, de suivi en temps réel des accidents du travail, d’assistance dans les relations avec l’administration, de réalisation des démarches, de rédaction de réclamations et de recherche d’éventuelles erreurs. À la suite d’un différend entre les parties, ledit cabinet a assigné la société en paiement de ses honoraires puis, invoquant la nullité du contrat, a sollicité une certaine somme au titre de la restitution en valeur des prestations réalisées. La cour d’appel de Grenoble a fait droit à cette demande et a donc condamné la société à payer la somme 25 355,95 € au cabinet, dans un arrêt du 25 juin 2019, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-22.878).

Mécontente de cette décision, la société s’est pourvue en cassation, au motif que la cour d’appel aurait violé l’ancien article 1131 du code civil, en condamnant la société à raison de ce que la règle nemo auditur faisait uniquement obstacle à la restitution de contrats annulés pour cause d’immoralité et non lorsque le contrat est simplement illicite et qu’il lui appartenait au demeurant d’évaluer la valeur réelle de la prestation. Toutefois, la Cour de cassation ne se laisse pas convaincre : d’une part, elle considère qu’« il résulte de l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que dans le cas d’un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles impératives d’exercice de la profession d’avocat, la restitution en valeur de la prestation effectuée peut être sollicitée par l’avocat [sic] » (pt 4) et qu’« après avoir constaté la nullité du contrat du 23 août 2012 en raison de son illicéité, l’arrêt énonce, à bon droit, que la répétition des prestations peut être réclamée » (pt 5). D’autre part, elle estime qu’« ayant, ensuite, retenu que la demande en paiement formée par le cabinet L… ne correspondait pas au prix des prestations fournies, la cour d’appel a souverainement estimé la valeur de celles-ci » (pt 6).

L’enseignement majeur de cet arrêt réside dans la considération selon laquelle l’illicéité d’une convention n’a pas pour effet de neutraliser les restitutions. La solution est justifiée : certes, en vertu d’un adage bien connu, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude (nemo auditur propriam turpitudinem allegans). Mais le domaine de cet adage est traditionnellement cantonné aux contrats annulés pour cause d’immoralité (v. à ce sujet F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2018, n° 580), ainsi que l’ont justement relevé les juges du fond. Or il n’était point question d’immoralité en l’occurrence, mais « simplement » d’illicéité, la convention litigieuse ayant manifestement été conclue en violation des règles relatives à la profession d’avocat, plus précisément de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Dès lors, et toujours selon les principes les mieux établis, les règles relatives aux restitutions avaient parfaitement vocation à s’appliquer. La restitution en nature d’une prestation de service étant impossible, c’est naturellement une restitution en valeur qui devait donc être effectuée, cette règle étant au demeurant codifiée depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (C. civ., art. 1352-8 : « La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie »).

Pour justifiée qu’elle soit, la solution n’en provoque pas moins un certain malaise, et ce pour deux raisons : en premier lieu, il est délicat de faire le départ entre l’immoralité et l’illicéité (rappr. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, op. cit., n° 580, p. 656 : « Force est de reconnaître, cependant, que la distinction entre l’illicite et l’immoral est contestée et n’est pas rigoureusement respectée »). N’est-il pas, d’une certaine manière, immoral de violer la loi ? En second lieu, le domaine de la moralité a été réduit à peau de chagrin, non seulement par la jurisprudence (v. par ex. Cass., ass. plén., 29 oct. 2004, n° 03-11.238, D. 2004. 3175, et les obs. image, note D. Vigneau image ; ibid. 2005. 809, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; AJ fam. 2005. 23, obs. F. Bicheron image ; RTD civ. 2005. 104, obs. J. Hauser image : « Attendu que n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère » ; Civ. 1re, 4 nov. 2011, n° 10-20.114, Dalloz actualité, 22 nov. 2011, obs. G. Rabu ; D. 2012. 59 image, note R. Libchaber image ; ibid. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; ibid. 971, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; AJ fam. 2011. 613, obs. F. Chénedé image ; RTD civ. 2012. 93, obs. J. Hauser image ; ibid. 113, obs. B. Fages image: « le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu’il est conclu par une personne mariée »), mais également par le législateur lui-même (la réforme du droit des contrats ayant supprimé la notion de bonnes mœurs, qui, aux dires du rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, « apparaît en effet désuète au regard de l’évolution de la société, et la jurisprudence l’a progressivement abandonnée au profit de la notion d’ordre public dont elle n’a eu de cesse de développer le contenu »), si bien que le célèbre article 6 du code civil semble demeurer son dernier bastion. En conséquence, le domaine du fameux adage s’en trouve mécaniquement réduit. La Cour de cassation se refusant (une fois de plus) à l’étendre aux hypothèses d’illicéité du contrat (contrairement aux préconisations d’une partie de la doctrine ; v. par ex. G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, n° 1056 : « À vrai dire, s’il fallait maintenir la règle selon laquelle nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, il serait sans doute pertinent d’en élargir la portée à des causes d’illicéité ou à la violation des droits et libertés fondamentaux »), il est donc possible de se demander s’il est encore d’actualité. On peut très sérieusement en douter, et ce d’autant plus que les nouvelles dispositions issues de la réforme du droit des contrats n’en font nullement mention, alors même qu’un chapitre entier est consacré aux restitutions au titre du régime général des obligations (C. civ., art. 1352 s.). On serait donc presque tenté d’affirmer (de manière quelque peu provocatrice) que l’on peut désormais bien souvent se prévaloir de sa propre turpitude.

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vendredi 19 avril 2024

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