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L’obligation de sécurité comme limite à la liberté de la négociation collective

Dans un droit du travail marqué par l’importance croissante de la norme conventionnelle et la multiplication des dispositions légales dérogeables ou supplétives, les règles « qui revêtent un caractère d’ordre public » apparaissent comme les dernières limites à liberté de négociation des partenaires sociaux (C. trav., art. L. 2251-1). Celles qui enjoignent à l’employeur d’« assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1 s.), en participant de l’effectivité pour ces derniers du droit fondamental à la santé (Préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 31, § 1), en font assurément partie. Aucun accord collectif, fût-il négocié avec les représentants des salariés, ne saurait donc dispenser l’employeur de mettre en œuvre certaines mesures de prévention des risques.

En l’espèce, un avenant à un accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans le secteur du transport sanitaire avait été conclu le 16 juin 2016. Une organisation syndicale ayant participé aux négociations sans signer cet avenant avait saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de certaines de ses dispositions, notamment celles relatives aux temps d’habillage et de déshabillage (art. 6). Le syndicat contestait plus précisément la possibilité laissée à l’employeur de ne pas assurer l’entretien de la tenue de travail des ambulanciers moyennant le versement d’une indemnité d’entretien.

Ces dispositions étaient en apparence conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation imposant à l’employeur d’assurer l’entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié, soit en organisant lui-même cet entretien, soit en versant une indemnité aux salariés concernés (Soc. 19 sept. 2013, n° 12-15.137 ; 14 févr. 2018, n° 16-25.563). Le contentieux était cependant né de ce que les salariés astreints au port d’une tenue de travail dans le secteur du transport sanitaire étaient exposés à des risques particuliers, notamment celui de contamination de leur tenue par des agents biologiques pathogènes.

Le 5 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a confirmé l’annulation par le tribunal de grande instance saisi du paragraphe litigieux de l’article 6 de l’avenant précité, au motif qu’il était contraire à l’obligation de sécurité incombant à l’employeur, laquelle induisait une obligation d’assurer l’entretien des tenues des salariés. Les organisations patronales signataires de l’accord ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Selon ces dernières, l’article en cause ne déchargeait pas l’employeur de son obligation mais prévoyait seulement une compensation financière pour le salarié dans l’hypothèse où il aurait effectivement assuré l’entretien de sa tenue. Elles arguaient en outre que l’obligation de sécurité de l’employeur n’était pas assurée par la fourniture d’une tenue de travail et de son entretien, mais par la fourniture d’un équipement obligatoire correspondant aux dispositions d’un arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectées aux transports sanitaires. Les juges ne pouvaient donc pas, selon le moyen, déduire un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de la seule possibilité de compenser l’absence d’entretien effectif de la tenue de travail par l’employeur par une indemnité d’entretien.

Par un arrêt du 23 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les organisations patronales et confirme donc la décision d’annulation rendue par les juges du fond, en rappelant « qu’une convention ou un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public » (C. trav., art. L. 2251-1).

L’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité, doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », en mettant en œuvre certains « principes généraux de prévention » : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, etc. (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2 ; Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 image ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier image ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta image ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei image). Si cette obligation suppose la mise en place d’un plan de prévention de l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, des dispositions réglementaires du code du travail guident l’employeur dans la prévention de risques spécifiques.

Il lui appartient notamment de prendre « des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques » pathogènes (C. trav., art. R. 4422-1 ; art. R. 4424-1 s.). Il doit, à cette fin, fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, et faire en sorte, lorsque ces équipements sont réutilisables, qu’ils soient « rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s’il y a lieu, réparés ou remplacés » (C. trav., art. R. 4424-5). En l’espèce, si la tenue de travail n’était pas, au sens strict, un équipement de protection des salariés, la cour d’appel a relevé « qu’il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes vinssent contaminer les tenues de travail des ambulanciers ». Ce risque de contamination devait faire l’objet de mesures de prévention et supposait notamment l’entretien de cette tenue fût assuré par l’employeur lui-même.

Ne pourrait-on pas cependant attendre du salarié, lui aussi débiteur d’une obligation de sécurité lui imposant de prendre soin de sa santé et de celles de ses collègues (C. trav., art. L. 4122-1), qu’il assure l’entretien de sa tenue de travail si la consigne lui est donnée par l’employeur ? Le versement d’une indemnité serait en outre conforme avec les dispositions légales aux termes desquelles « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (C. trav., art. L. 4122-2). L’obligation de sécurité du salarié est toutefois sans incidence sur le principe de responsabilité de l’employeur face aux risques professionnels (C. trav., art. L. 4122-1 ; Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115, RJS 10/1209, n° 552) ; elle permet tout au plus à l’employeur de sanctionner un salarié ne respectant pas les consignes de sécurité (Soc. 30 sept. 2005, n° 04-40.625, D. 2006. 973 image, note H. K. Gaba image ; Dr. soc. 2006. 102, obs. J. Savatier image) mais ne le dispense pas de prendre les mesures de prévention les plus adaptées aux risques auxquels sont exposés les salariés. Or, octroyer au salarié une indemnité venant compenser les frais engagés pour réaliser lui-même l’entretien de sa tenue, c’est courir le risque que le nettoyage ne soit pas effectivement réalisé. L’entretien par l’employeur apparaît alors comme la seule mesure de prévention efficace.

Que les partenaires sociaux soient associés à la réflexion sur les mesures de prévention à mettre en œuvre dans une entreprise ou une branche est une – bonne – chose. Qu’ils puissent, par la signature d’un accord collectif, décharger l’employeur d’une partie de ses obligations en matière de santé au travail en est une autre. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle logiquement que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ne se négocie pas.

Auteur d'origine: Dechriste
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jeudi 25 avril 2024

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