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La directive actions représentatives : un nouvel élan pour les actions de groupe ?

La directive actions représentatives : un nouvel élan pour les actions de groupe ?

Cette nouvelle réglementation s’inscrit dans un long processus de discussion. Selon le rapporteur Geoffroy Didier : « Avec ce recours collectif à l’échelle européenne, c’est un changement d’ambition et un changement de dimension que nous proposons à l’ensemble des citoyens de l’Union européenne. »

Une réglementation longuement mûrie et très attendue

Une volonté affirmée de parvenir à un mécanisme européen harmonisé

La mise en place d’un mécanisme européen harmonisé de recours collectifs afin de protéger les intérêts collectifs des consommateurs a été mentionnée pour la première fois en décembre 1984 (Mémorandum sur l’accès des consommateurs à la justice de la Commission européenne COM(84)692) avant que la Commission n’annonce en mai 1987 son intention de mettre à l’étude une directive-cadre sur ce sujet. En 2008, la Commission publiait un livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs avant d’organiser en 2011 une consultation publique (« Renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectifs »).

Dès sa résolution « Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectifs » du 2 février 2012 (PE, réso., 2 févr. 2012, 2011/2089[INI]), le Parlement européen plaidait en faveur d’un cadre « horizontal » comprenant un ensemble de principes communs garantissant un accès uniforme à la justice au sein de l’Union européenne par la voie du recours collectif et traitant des infractions aux droits des consommateurs, tout en tenant compte des traditions du droit et des ordres juridiques des différents États membres et en prévoyant des garanties afin d’éviter les demandes non fondées ainsi que les abus en matière de recours collectif. Le 11 juin 2013, la Commission publiait une communication (« Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs »), qu’elle accompagnait d’une recommandation (Comm. UE, recomm., 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union : JOUE n° L 201, 26 juill. 2013, p. 60), invitant les États membres à se doter de mécanismes nationaux de recours collectifs s’inspirant de plusieurs principes communs horizontaux (la qualité pour agir en représentation d’entités représentatives susceptibles d’engager des actions en représentation sur la base de conditions d’admission clairement définies, la recevabilité des recours collectifs, la diffusion effective d’informations auprès des demandeurs potentiels, le remboursement des frais de justice à la partie gagnante, le financement de l’action en justice, le traitement des litiges transnationaux) et de principes propres aux recours collectifs en cessation et en réparation. Le suivi de cette recommandation s’est avéré toutefois plutôt limité (Rapport de la Commission concernant la mise en œuvre de la recommandation de la Commission du 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectifs en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation des droits conférés par le droit de l’Union).

Une nette accélération du processus législatif emportée par la nouvelle donne pour les consommateurs

Plus de trente ans après avoir appelé de ses vœux l’instauration d’un mécanisme européen harmonisé de recours collectifs, la Commission faisait le constat amer que des « pratiques abusives de grande ampleur qui ont récemment touché des consommateurs dans l’ensemble de l’Union européenne ont ébranlé la confiance des consommateurs dans le marché unique (Rapport de la Commission concernant la mise en œuvre de la recommandation de la Commission du 11 juin 2013 relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectifs en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation des droits conférés par le droit de l’Union) et son projet prenait alors un nouvel essor.

Le 11 avril 2018, elle lançait la « nouvelle donne pour les consommateurs » (Comm. UE, 11 avr. 2018, COM (2018) 183 final) et annonçait un « train de mesures législatives » dont la proposition de directive relative aux actions représentatives pour la protection des intérêts collectifs des consommateurs afin de faciliter les recours pour les consommateurs victimes de la même infraction dans une situation dite de préjudice de masse. La proposition législative ainsi publiée exigeait que l’ensemble des États membres se dotent d’un mécanisme d’action collective en indemnisation se rapprochant de celui de l’action de groupe, « à tout le moins dans le champ du droit européen de la consommation » (L. Usunier, Nouvelle donne européenne pour les consommateurs, RTD civ. 2018. 854 image). La récente publication au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) de la directive ouvre un délai de vingt jours à l’issue duquel la directive entrera en vigueur. Les États membres auront alors vingt-quatre mois pour la transposer dans leur droit national et six mois supplémentaires pour l’appliquer. Une fois entrée en vigueur, la nouvelle réglementation s’appliquera aux actions représentatives en cours et à venir.

La directive : un changement de paradigme au niveau européen ?

Les principales caractéristiques de l’action représentative issue de la directive

Le champ d’application de la directive est particulièrement vaste puisqu’il couvre les actions en cessation et en réparation à l’encontre des infractions aux droits des consommateurs dans des domaines variés visés dans son annexe 1, tels que le droit de la consommation, la protection des données, les services financiers, le transport aérien et ferroviaire, le tourisme, l’énergie, les télécommunications, l’environnement ou encore la santé (consid. 13, art. 2). La directive propose aux consommateurs un recours supplémentaire à l’encontre des professionnels en cas de violation du droit de l’Union européenne sans préjudice des droits qu’ils détiennent par ailleurs en application du droit européen. Il est précisé que l’exercice de ce nouveau mécanisme s’applique sans préjudice des règles de l’Union consacrées en droit international privé, notamment celles relatives à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu’à la loi applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles (consid. 21, art. 2).

Chaque État membre devra désigner à l’avance une ou plusieurs « entités qualifiées » – qui pourront en particulier être des organisations de consommateurs ou des organismes publics (consid. 24) et établir une liste à jour des entités qui sera mise à disposition du grand public (consid. 32, art. 5, § 1er). Les critères d’habilitation des entités diffèrent selon le caractère transfrontalier ou national de l’action envisagée (consid. 23, art. 3). Les entités devront satisfaire, en ce qui concerne les actions transfrontières, à des critères de désignation stricts qui seront les mêmes dans l’ensemble de l’Union européenne – tenant à leurs sources de financement, leur structure organisationnelle, de gestion et d’affiliation, leur objet statutaire, leur solvabilité et leurs activités (consid. 25, art. 4). Elles seront évaluées au moins tous les cinq ans et les États membres pourront, le cas échéant, révoquer leur désignation (consid. 29, art. 5, § 3). En ce qui concerne les actions nationales, les États membres sont libres d’établir les critères de désignation des entités conformément à leur droit national (consid. 26, art. 4, § 5). La possibilité de recourir à des entités ad hoc spécialement constituées aux fins d’une action spécifique est rendue possible pour les actions nationales (art. 4, § 6) mais est exclue pour les actions transfrontières (consid. 28). Cette distinction entre actions nationales et actions transfrontières pourrait donner lieu à un forum shopping en faveur d’actions nationales dans les États membres dont les critères de désignation seraient plus souples (sous réserve que les juridictions de ces États membres soient compétentes pour connaître de telles actions).

Le financement des actions en réparation fait l’objet de développements particuliers (art. 10). La directive entend ainsi réglementer le financement par des tiers (third-party funding) afin de garantir une meilleure transparence et l’absence de conflit d’intérêts (consid. 25 et 52). Les États membres devront faciliter l’accès des entités à la justice (aide juridictionnelle) et veiller à ce que les coûts de la procédure ne soient pas dissuasifs en limitant les frais applicables ou encore en prévoyant un financement public (art. 20).

La directive milite en faveur d’une publicité accrue quant aux actions intentées ou envisagées par les entités (informations concernant l’état d’avancement des actions engagées sur le site internet des entités, mise en place de bases de données électroniques nationales – art. 13 et 14, consid. 61 et 63). Afin d’intenter une action représentative, l’entité qualifiée devra fournir des « informations suffisantes sur les consommateurs concernés par l’action représentative » (description du groupe de consommateurs, questions de fait et de droit à traiter, lieu où le fait dommageable s’est produit, consid. 34 et 49) afin de permettre à la juridiction saisie de s’assurer de sa compétence et de déterminer la loi applicable (art. 7, § 2). Cette rédaction, pour le moins « large », pourrait conduire à des interprétations divergentes des juridictions saisies.

Ces nouveaux mécanismes procéduraux visent ainsi à permettre à une entité qualifiée d’obtenir à la fois la cessation d’une pratique illégale (par le biais de mesures préventives dites « provisoires », de mesures « définitives » et de mesures de publication mises en œuvre après « consultation préalable » du professionnel en infraction afin de lui permettre de mettre fin à la pratique illégale dans les deux mois qui suivent la demande de consultation) et, le cas échéant, de demander réparation contre des professionnels qui enfreignent les dispositions du droit de l’Union européenne (consid. 8). Les États membres seront libres de décider si l’action représentative sera intentée dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou les deux selon le domaine de droit concerné ou le secteur économique concerné (consid. 19).

La directive laisse aux États membres le choix entre un mécanisme de participation (opt in) ou d’un mécanisme de non-participation (opt out) pour les actions représentatives. L’opt in est exclu en ce qui concerne les actions en cessation (art. 8) et la directive n’autorise que des mécanismes opt out qui n’incluent que les consommateurs qui ont leur résidence habituelle dans l’État membre où se trouve la juridiction devant laquelle l’action représentative a été intentée (consid. 45, art. 9). Là encore, on peut craindre une application asymétrique au regard de la diversité des mécanismes nationaux existants dans les États membres.

La directive introduit le principe dit du « perdant payeur » (loser pays principle) en vertu duquel la partie perdante rembourse les frais de procédure nécessaires exposés par la partie gagnante à l’exception des frais qui ont été exposés par le consommateur en raison de son comportement intentionnel ou négligent (consid. 36 et 38, art. 12). Les juridictions saisies d’une action représentative pourront rejeter les affaires « manifestement non fondées » au stade le plus précoce possible de la procédure conformément au droit national (consid. 49, art. 7, § 7). Cette procédure n’est pas sans rappeler la procédure américaine de motion to dismiss (Federal Rules of Civil Procedure [FRCP], art. 12) permettant au défendeur de mettre fin à l’instance de façon anticipée en faisant valoir que l’action initiée à son encontre est manifestement mal fondée (M. Gizardin et L. Moirignot, 3 Questions : Vers une motion du dismiss à la française pour endiguer l’engorgement des tribunaux provoqués par la crise sanitaire, JCP E 2020. 475). La nouvelle réglementation introduit une procédure de discovery pour les actions représentatives en invitant les États membres à donner aux entités qualifiées la possibilité de demander la production d’éléments de preuves (sur injonction des juridictions saisies) en possession du défendeur à l’action ou d’un tiers (consid. 68, art. 18).

Enfin, la Commission devra évaluer l’opportunité de créer une fonction de médiateur européen pour les actions représentatives. Elle présentera un rapport à ce sujet au plus tard le 26 juin 2028 (consid. 73, art. 23).

Vers une intensification des actions de groupe dans l’Union européenne et en France ?

Le rapporteur Geoffroy Didier a déclaré : « Avec cette nouvelle directive, nous avons trouvé un équilibre entre une protection renforcée pour les consommateurs et la garantie pour les entreprises de la sécurité juridique dont elles ont besoin. »

Depuis son introduction en droit français par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (loi Hamon), l’action de groupe a été étendue progressivement à la santé (L. n° 2016-41, 26 janv. 2016, art. 184), la discrimination et les relations de travail, les dommages environnementaux et les données personnelles (L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, art. 60 s. ; L. n° 2018-493, 20 juin 2018, art. 25 ; L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 38).

Un rapport d’information, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur le bilan et les perspectives de l’action de groupe, a été présenté à la commission des lois le 10 juin 2020 et publié le 11 juin 2020. La mission d’information y fait le constat d’un bilan décevant des class actions à la française (M.-J. Azar-Baud, En attendant un registre d’actions de groupe et autres actions collectives, JCP E 2018. 1637) alors qu’est observée une recrudescence des contentieux sériels, et que des solutions alternatives (médiation de groupe, mise en œuvre d’actions collectives conjointes) émergent (P. Métais et E. Valette, Class action à la française : une promesse séduisante, une application décevante, JCP 2018. 558 ; A. Biard, Sale temps pour l’action de groupe… La nécessaire recherche d’outils alternatifs pour résoudre les litiges de masse, RLDC n° 157, mars 2018, p. 21). Sont ainsi préconisés la création d’un cadre commun pour toutes les actions de groupe, un élargissement des conditions de la qualité à agir (extension de la qualité à agir aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, aux associations composées d’au moins cinquante personnes physiques, aux associations composées d’au moins dix entreprises constituées sous la forme de personnes morales ayant au moins deux ans d’existence et aux associations composées d’au moins cinq collectivités territoriales), une meilleure indemnisation des victimes, un meilleur financement des actions de groupe (une refonte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, la création d’une sanction civile) et la mise en œuvre de réformes procédurales pour réduire les délais de jugement en matière d’action de groupe (suppression de l’obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe concernées, une compétence exclusive de certaines juridictions, une communication obligatoire au ministère public pour lui permettre d’intervenir comme partie jointe). Ces principaux axes de réforme sont repris dans une proposition de loi « pour un nouveau régime de l’action de groupe », qui a été déposée le 15 septembre 2020.

Reste à savoir comment la législation française en matière d’action de groupe prendra en considération les orientations de la directive. Alors que la mission d’information regrettait que « l’action de groupe [n’ait] pas été à l’origine d’avancées significatives dans la défense des consommateurs », la directive pourrait lui donner un nouvel élan. La réforme du mécanisme de l’article 700 du code de procédure civile proposée par les parlementaires français afin que les juges prennent en considération les sommes réellement engagées par la partie gagnante, qu’il s’agisse notamment des honoraires d’avocat ou des coûts internes afférents à la procédure s’inscrit dans la logique du « perdant payeur » prônée par la directive. Alors que la mission d’information proposait une réflexion sur l’introduction en France pour la recherche de la preuve dans les actions de groupe de la procédure de discovery présente dans des pays de common law afin de permettre la production de certaines pièces dont la liste serait strictement limitée (comme l’identité des consommateurs lésés), par une décision motivée du juge, ce mécanisme est introduit par la directive. En revanche, la mission d’information propose la condamnation du professionnel au paiement d’une amende civile affectée au Trésor public pour renforcer les sanctions à l’égard des entreprises fautives alors que la directive interdit le recours à des dommages et intérêts à caractère punitif.

Incontestablement, la transposition de la directive va donner une impulsion aux actions de groupe sur le territoire des États membres de l’Union européenne. Certains regretteront que l’initiative de l’action de groupe soit réservée à une « entité représentative » en observant qu’il s’agit précisément d’un frein au développement des actions de groupe qui a été constaté, notamment en France. Mais chaque État membre conserve la possibilité d’élargir les conditions prévues par la directive, sur ce point comme sur d’autres, d’ailleurs. La directive a seulement pour vocation de consacrer un cadre minimal et harmonisé pour les États membres, étant rappelé que les règles de l’Union européenne resteront applicables, notamment pour déterminer la compétence du juge et la loi applicable au litige.

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Invité
jeudi 28 mars 2024

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