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Le droit fondamental de rejoindre son lieu de résidence face aux motifs impérieux de déplacement

Le droit fondamental de rejoindre son lieu de résidence face aux motifs impérieux de déplacement

M. B… et l’Union de français de l’étranger ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des articles 57-2 du décret n° 2021-1262 du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tous deux issus du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021, en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire hexagonal d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l’Union européenne, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse.

La Société antillaise de location de véhicules automobiles et plusieurs autres sociétés et syndicats patronaux antillais ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des mêmes dispositions, en ce qu’elles interdisent tout déplacement en provenance ou à destination des Outre-mer, sauf motifs impérieux.

Après avoir abordé la question de l’urgence, nous traiterons successivement de la question de la liberté en cause, du contrôle opéré en l’espèce par le juge des référés du Palais-Royal et enfin de l’apport de ces décisions quant à l’appréciation des motifs et documents exigés.

Le contrôle de l’urgence

Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi respectivement sur des dispositions identiques par les requérants sur deux fondements différents. En effet, dans la décision Union des français de l’étranger, la requête est déposée sur le fondement du référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce dispositif permet à tout requérant quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, de saisir le juge des référés aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision contestée dans la requête au fond. Elle est soumise à deux conditions : d’une part, l’urgence et d’autre part, à la démonstration d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision querellée devant le juge du fond. Pour la décision Société antillaise de location de véhicules et autres, la requête a été introduite sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence est donc commune aux deux typologies de référé. Cependant, le juge ne la mentionne expressément que dans le cadre du référé-liberté, fondant celle-ci sur le fait que « l’arrêt de l’arrivée de touristes en provenance du territoire métropolitain, interdite depuis le 31 janvier dernier, a un impact négatif très important sur le chiffre d’affaires des sociétés requérantes et est susceptible d’avoir à brève échéance des conséquences significatives sur l’ensemble de la situation économique de ces îles qui vivent pour une grande part du tourisme. » L’urgence qui est d’ordre économique ici ne fait aucun doute au regard de l’économie fragile guadeloupéenne, caractéristique des économies des sociétés ultramarines. Sur ce point, il convient de préciser que si la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dit état d’urgence « sécuritaire » a institué expressément une présomption d’urgence à son article 14-1, deuxième alinéa, s’agissant particulièrement assignations à résidence, la loi du n° 2020-290 du 23 mars 2020 n’a rien mentionné à ce niveau. Cependant, le Conseil d’État a intégré dès le départ de son contrôle cette présomption d’urgence pour toutes les décisions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui lui ont été déférées au titre tant du référé-liberté que celui du référé-suspension. Ainsi, la condition d’urgence est regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes Médecins, Lebon image ; Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 655 image ; ibid. 851 image, note C. Vallar image ; D. 2020. 687 image, note P. Parinet-Hodimont image ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard image ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier image ; ibid. 291, Pratique A. Lami et F. Lombard image ; 3 mars 2021, n° 449764, Ordre des avocats du barreau de Montpellier, AJDA 2021. 480 image).

Sur la liberté en cause : le droit fondamental de tout français de rejoindre son pays d’appartenance

S’agissant tout d’abord de la santé, le Conseil d’État a précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sect., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. image ; AJDA 2011. 2207 image ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois image ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau image ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi image ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano image ). Il a indiqué que ce droit incluait « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 13 déc. 2017, M. Pica-Picard, n° 228928, Lebon T.). L’autre aspect que mettent en exergue en arrière-fond les ordonnances rapportées porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, AJDA 2010. 4 image ; ibid. 277 image, note W. Mastor image ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay image ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier image ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari image ; ibid. 281, obs. A. Barilari image ; ibid. 283, obs. A. Barilari image ). Le juge du Palais-Royal a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon image ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle image ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux image ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten image).

Concernant la liberté d’aller et de venir, elle se rattache au principe général de liberté défini par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que l’a indiqué le Tribunal des conflits (T. confl. 9 juin 1986, n° 2434, Commissaire de la République de la région Alsace c/ Eucat, Lebon image : « Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ») Elle constitue un principe à valeur constitutionnelle (Cons. const. 12 juill. 1979, n° 79-107 DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales). Cette liberté d’aller et venir est consacrée par ailleurs par l’article 2-2° du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales signé à Strasbourg en 1963 et par l’article 12-2° du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur le 4 févr. 1981 suite à la publication du décr. n° 81-76 du 29 janv. 1981).

Sur le contrôle opéré entre protection de la santé publique et liberté de voyager

Selon le III de l’article L. 3131-15 du code la santé publique, toutes les mesures prescrites au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent être strictement proportionnées aux risque encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Le contrôle effectué par le juge administratif relève du contrôle dit de la proportionnalité, ce dernier devant être par principe plus strict lorsque les libertés publiques sont en cause (CE 15 nov. 2017, n° 403275, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, Lebon image ; AJDA 2018. 62 image, concl. L. Marion image ; ibid. 2017. 2222 image ; AJCT 2018. 222, obs. P. Jacquemoire image). Il a été institué à la suite de la célèbre décision Benjamin (CE 19 mai 1933, n° 17413, Benjamin et syndicat d’initiative de Nevers, Lebon image), rappelant au passage la formule prononcée par le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions dans l’affaire Baldy « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception » (CE 10 août 1917, n° 59855, Baldy). La nature de cette vérification a été explicitée dans un arrêt rendu le 26 décembre 2011 (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les concl. image ; AJDA 2012. 35 image, chron. M. Guyomar et X. Domino image ; ibid. 2011. 2036 image ; D. 2011. 2602, et les obs. image ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier image). La mesure de police sanitaire contestée est soumise ainsi aux trois critères suivants : adaptation, nécessité et proportionnalité stricto sensu. Il s’agit donc de savoir si, dans les deux cas soumis, les restrictions à voyager ne sont pas disproportionnées au regard des objectifs et risques de santé publique. Pour rappel, dans ses différentes décisions rendues sous l’épidémie du covid-19, le juge du Palais-Royal précise le postulat suivant lequel il revient aux autorités publiques, face à une épidémie, telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre toute mesure de nature à, prévenir ou limiter les effets de cette épidémie, cela afin de protéger et sauvegarder la population. C’est donc un impératif sanitaire assigné aux pouvoirs publics sur lesquels pèse ainsi une obligation de moyens renforcée. Le juge administratif se trouve en première ligne en devenant le gardien des libertés contre les excès de l’administration.

Dans l’ordonnance M. B… et Union des français de l’étranger, le juge des référés rappelle que le droit des citoyens français d’entrer en France est un droit fondamental dont il ne peut être porté une atteinte qu’en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. L’État a un devoir, même en cas d’état d’urgence sanitaire, de mettre en place des mesures permettant le retour des français vivant en dehors du territoire national de pouvoir retourner dans leur patrie. En l’espèce, il a jugé disproportionné le fait d’exiger des motifs impérieux pour les français qui souhaitent rentrer en France car il ressort qu’au regard des données connues que de tels déplacements présentent un risque mineur dans la propagation de l’épidémie liée à la covid-19 et à ses variants, vu en l’espèce le nombre limité de déplacements en cause. Les choses auraient certainement été différentes avec un autre tableau épidémique ou encore si un nombre considérable de français vivant à l’étranger décidaient de rejoindre en masse le territoire national.

Par contre, dans son ordonnance Société antillaise de location de véhicules automobiles et autres, il juge que l’obligation d’un motif impérieux pour des déplacements depuis ou vers les Antilles françaises est fondée car proportionnée au risque liée en l’état à la propagation de l’épidémie de la covid-19. Trois éléments sont retenus pour légitimer cette proportionnalité. Le premier tient au fait que la réouverture du flux des touristes en direction des Antilles risque d’accélérer la diffusion des variants présent aujourd’hui largement sur le territoire hexagonal. Il est scientifiquement établi que ces variants sont plus contagieux et donc plus dangereux que la souche originelle de la covid-19. Le deuxième vient du constat que l’engagement pris par les passagers à l’embarquement de respecter un isolement prophylactique de sept jours après l’arrivée sur le territoire antillais puis de réaliser un examen biologique de dépistage virologique est inefficient car il n’est pas respecté par les touristes. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a aucun contrôle effectif de l’engagement pris, lequel se trouve donc dépourvu de toute sanction en cas de non-respect. Une telle carence serait de nature à poser la question d’une responsabilité éventuelle des autorités sanitaires en cas de crise épidémique, dont l’origine serait importée et liée à des passagers dont l’état infectant et contaminant n’aurait pu être identifié en amont, faute d’un suivi médical de l’isolement après leur arrivée sur le territoire concerné. Enfin, le troisième élément est contextuel : si la situation de la Guadeloupe est actuellement meilleure que l’hexagone, la situation se dégrade au point d’avoir justifié l’instauration d’un couvre-feu. Nous savons que l’un des indicateurs importants dans la gestion de l’épidémie de la covid-19 est le taux d’incidence (celui-ci correspond au nombre de personnes testées positives pour la première fois depuis plus de 60 jours exprimé pour 100 000 habitants), son augmentation risquant d’entraîner mécaniquement un niveau de saturation élevé des lits de réanimation. Dès lors, le Conseil d’État juge, au regard de la balance des risques de santé réels et de la nécessité de protéger les populations, parfaitement fondé l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire hexagonal et les Antilles ainsi qu’entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’objectif principal recherché étant d’interdire l’arrivée de touristes sur ces territoires. Cette approche peut être transposée aux autres territoires d’outre-mer qui sont dans la même situation guadeloupéenne pour deux raisons : d’une part, ils sont situés dans des bassins de vie qui n’épousent absolument pas les critères et normes européens (par rapport à l’environnement de la France hexagonale) et d’autre part, les structures de santé sont manifestement insuffisantes et inadaptées pour faire face à une pandémie qui frapperait les populations qui vivent dans ces territoires, avec les risques des variants dits sud-africain et brésilien. Cette fragilité des structures hospitalières a été mise en exergue d’ailleurs dès le début de la pandémie dans un avis fléché « Outre-mer » rendu le mercredi 8 avril 2020 par le Conseil scientifique qui préconisait « de mettre en œuvre dans chaque territoire d’outre-mer des mesures spécifiques qui doivent être différenciées et adaptées à la phase épidémique et aux capacités de chaque territoire ». 

Sur la valeur juridique des motifs de déplacement et des documents exigés pour voyager

L’article 10 du décret du 29 octobre 2020 précité soumet les déplacements de personnes par voie aérienne à trois types de motif impérieux : soit personnel ou familial, soit de santé relevant de l’urgence ou soit pour raison professionnelle ne pouvant être différée. Il impose également à tout passager, avant son embarquement, de remplir une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19, de n’avoir pas été en contact avec un cas confirmé de covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol, d’accepter qu’un test ou un examen biologique de dépistage virologique de détection du SARS-CoV-2 puisse être réalisé à son arrivée sur le territoire national (pour les personnes âgées de 11 ans ou plus) et enfin de s’engager à respecter un isolement prophylactique de sept jours après son arrivée et, s’il est âgé de onze ans et plus, à réaliser, au terme de cette période, un examen biologique de dépistage virologique permettant la détection du SARS-CoV-2.

Cependant, dans sa décision Société antillaise de location de véhicules et autres, le juge des référés apporte une précision très intéressante à ce niveau en indiquant que les motifs justifiant les déplacements des personnes ainsi que les pièces justificatives exigées ne sont qu’indicatifs, aucune disposition ne pouvant faire obstacle à ce qu’une personne se prévale des motifs autres que ceux énumérés par le ministre. En effet, les contraintes de déplacement sont édictées pour empêcher des déplacements de nature touristique qui présentent un risque certain sur le plan sanitaire en l’état actuel.

Par contre, c’est là que cette décision rejoint celle rendue dans l’affaire M. B… et Union des français de l’étranger. Le juge des référés du Palais-Royal estime en tout état de cause que de telles dispositions « ne peuvent (…) en aucune circonstance empêcher une personne de rejoindre son lieu de résidence », cela où que celui-ci se trouve sur le territoire de la République (hexagone et outre-mer).

Voilà deux décisions qui apportent un éclairage juridique intéressant sur la liberté d’aller et de venir vu sous le prisme du transport aérien avec les contraintes de police liées à ce dernier, en cette période bien compliquée pour voyager en toute sérénité. 

Auteur d'origine: pastor
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Invité
jeudi 28 mars 2024

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