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Le maire, le covid et les circonstances locales

Le maire, le covid et les circonstances locales

L’arrêté du maire de Sceaux imposant aux habitants de cette commune de Hauts-de-Seine âgés de plus de dix ans de ne sortir de leur domicile qu’en portant « un dispositif de protection buccal et nasal » (qui pouvait être un simple foulard) a été suspendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 9 avril (ord. n° 20033905, Ligue des droits de l’homme). L’arrêté en question avait fait l’objet d’une large couverture médiatique. Tout comme celui du maire de Sanarysur-Mer prétendant interdire aux habitants de s’éloigner de plus de dix mètres de leur domicile. Ce dernier n’a pas été suspendu. Visé par pas moins de trois recours en référé-liberté, dont un émanant du préfet, l’édile a préféré retirer sa mesure de police avant même que le tribunal administratif de Toulon n’en examine la légalité. Ce qui a sans doute évité à son arrêté de subir le sort des couvre-feux imposés respectivement par les maires de Lisieux et de Saint-Ouen à leurs populations, suspendus par les tribunaux administratifs de Caen (31 mars, n° 2000711, Préfet du Calvados) et de Montreuil (7 avril, n° 2003861).

Est-ce à dire que les maires ne peuvent rien faire pour protéger leur population du virus qui affole le monde entier ? Pas tout à fait. Et d’ailleurs le Conseil d’Etat dans sa première ordonnance liée à l’épidémie (22 mars, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, Dalloz Actualité 23 mars) relevait que « les représentants de l’Etat dans les départements comme les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères [que celles prévues par le gouvernement] lorsque les circonstances locales le justifient. »

Le fait qu’une police spéciale relève de l’Etat n’exclut pas forcément toujours une compétence du maire au titre de ses pouvoirs de police générale. De longue date, le Conseil d’Etat admet l’action du maire (CE, sect., 18 déc. 1959, n° 36385, Société « Les films Lutetia » et syndicat français des producteurs et Exportateurs de films, Lebon p. 693). Mais à la condition, comme le rappelle l’ordonnance du 22 mars précitée, que celui-ci démontre l’existence de « circonstances locales » justifiant voire imposant son action du fait d’un risque de troubles à l’ordre public spécifique à sa commune. Pour certaines polices, d’ailleurs, le juge est plus restrictif encore. S’agissant des antennes-relais, le maire est radicalement incompétent (CE, 26 déc. 2012, n° 352117, Commune de Saint-Pierre d’Irube).

Justifier au plan local la nécessité de la mesure

Dès sa première décision sur l’actuelle épidémie, cependant, le Conseil d’Etat a signalé qu’en ce domaine, c’est la jurisprudence Les Films Lutétia qui s’applique. Mais le maire de Sceaux, comme ceux de Lisieux et de Saint-Ouen, a échoué à démontrer l’existence de circonstances locales justifiant sa décision. Ainsi, le juge des référés du TA de Caen, saisi par le préfet, a considéré que les divers incidents invoqués par le maire de Lisieux ne sont pas suffisants « pour justifier au plan local la nécessité des restrictions supplémentaires imposées par l’arrêté contesté tant au regard du risque de propagation de l’épidémie de covid-19 que de la sécurité publique. »

Répondant au recours d’un particulier, son homologue de Montreuil admet que le pouvoir de police spéciale de l’Etat en matière d’urgence sanitaire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage de ses pouvoirs de police générale.

« Toutefois, la légalité de mesures plus restrictives est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières. » Et il juge que « la seule invocation générale du défaut de respect des règles du confinement dans la commune de Saint-Ouen-surSeine ne saurait être regardée comme une circonstance particulière de nature à justifier une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante ».

À l’appui de la nécessité de son arrêté, la commune de Sceaux évoquait un récent avis de l’Académie de médecine, préconisant le port du masque par l’ensemble de la population. Mais, pour le juge, par ces considérations générales, le maire « ne justifie pas que des risques sanitaires seraient résulté, sur le territoire de sa commune, de l’absence du port d’un masque de protection à l’occasion de sorties dérogatoires au principe d’interdiction de circulation dans l’espace public édicté par la loi du 23 mars 2020 ». La commune invoquait également la proportion élevée de personnes âgées au sein de sa population. Mais, relève le juge, la commune a mis en place un service de livraison de courses à  domicile pour ces personnes âges. Et surtout, « il n’est pas établi que le même objectif de protection des personnes âgées n’aurait pu être atteint par une mesure moins contraignante, telle celle d’imposer le port d’un dispositif de protection efficace aux seules personnes âgées ou de leur réserver l’usage des commerces à certaines heures de la journée. » Une mesure de police, qu’elle soit nationale ou locale, doit être en effet nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques qu’elle vise à prévenir (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2012.35, chron. M. Guyomar et X. Domino ; v. C. Roulhac, La mutation du contrôle des mesures de police administrative. Retour sur l’appropriation du triple test de proportionnalité par le juge administratif, RFDA 2018. 343 ; M. Canedo, Les soixante ans de l’arrêt Société Les Films Lutétia, AJDA 2019. 2506). Et, s’agissant d’un arrêté municipal, c’est à l’aune des circonstances locales que le juge opère ce « triple test de proportionnalité ».

Un conseil plutôt qu’un arrêté

Que peuvent donc faire les communes face à l’épidémie ? Beaucoup assurément. Et nombre d’entre elles agissent concrètement pour venir en aide aux personnes âgées (comme l’a d’ailleurs fait la ville de Sceaux) ou aux personnes vulnérables, pour assurer la garde des enfants des soignants, pour soutenir les commerces de la commune… L’Association des maires de France (AMF) a même ouvert une page internet spéciale pour que les communes échangent leurs bonnes idées (https://www.amf.asso.fr/m/COVID19/). En revanche, le gouvernement les a appelées à ne pas mettre en œuvre la désinfection intensive de la voirie, que certaines avaient lancée. En effet, le haut conseil de la santé publique, a estimé que cette pratique n’avait pas d’intérêt pour prévenir l’épidémie. Elle peut, en revanche, selon la ministre de la transition écologique, avoir des effets négatifs sur la santé et l’environnement, dans lequel sont dispersés des produits nocifs.

Pour le reste, certes on peut imaginer que, dans quelques cas très particuliers de communes fortement touchées par l’épidémie, le maire puisse prendre des mesures de police, en particulier si le préfet s’en abstenait (hypothèse peu probable au regard des consignes du ministre de l’intérieur). Mais les élus doivent être conscients que la jurisprudence ne leur laisse pas de marges de manœuvre très importantes. Et que les préfets, les citoyens et les associations les surveillent.

C’est ainsi la Ligue des droits de l’homme qui a obtenu la suspension de l’arrêté du maire de Sceaux. De façon plus inattendue, la Fondation 30 millions d’amis avait officiellement sollicité le retrait de l’arrêté du maire de Sanary qu’elle jugeait nuisible au bien-être animal (indubitablement, 10 mètres de promenade, c’est déjà peu pour un chihuahua, alors pour un berger allemand…). L’AMF, dont le maire de Sceaux, Philippe Laurent, est le secrétaire général a recommandé à ses membres de « conseiller à la population de porter un masque artisanal ou chirurgical sur la bouche et sur le nez durant les sorties autorisées ». Le conseil a un avantage certain sur la mesure de police : il est insusceptible de recours…Philippe Laurent, lui, a décidé de faire appel.

Auteur d'origine: pastor
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Invité
vendredi 29 mars 2024

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