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Procès d’un notaire : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! »

Procès d’un notaire : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! »

Il n’y a pas de temps à perdre, Michel M…, prévenu, se positionne à la barre du tribunal de Nanterre pour répondre aux questions du président. « Comment expliquez-vous la différence avec le prix de vente d’autres biens dans cette même rue ? Avez-vous effectué les diligences pour faire estimer ce bien ? » Le dossier est dense, déjà renvoyé car, prévu sur une seule journée au départ, les faits sont nombreux, quatorze séries de faits imbriqués ; le prévenu est un notaire. Il faut tout évoquer, et la demande de renvoi de la défense a déjà pris du temps au tribunal. Le président l’entreprend derechef sur les premiers faits : il aurait escroqué les héritiers de Marthe P…, décédée en 2009, en sous-évaluant le bien qu’ils l’avaient chargé de vendre. Quelques jours après avoir signé la promesse de vente, l’acheteur, une société civile immobilière (SCI), en a signé une en tant que vendeur, réalisant sans délai un bénéfice de 18 %. Michel M… a réalisé les deux ventes, pour lesquelles il a perçu des émoluments, et touché de généreux honoraires de négociations, dit l’accusation, pour avoir sciemment minoré la valeur de l’appartement. « Qu’avez-vous fait pour vous assurer qu’il n’y avait pas une meilleure offre ? » Le président attend une réponse claire, et il l’attend fissa, car le tribunal doit examiner une série de quatorze faits impliquant la commission d’un impressionnant panel d’infractions de droit pénal des affaires. Inutile, dit Michel M…, le prix correspondait aux aspirations de ses clients, qui avaient besoin de vendre vite pour payer leurs droits de succession. Une aubaine pour ce notaire indélicat, pensent l’accusation et la partie civile, Anne-Marie G…, son associée (ils étaient quatre) chargée de ce dossier, mais qui lui a délégué l’évaluation du bien. Michel M… semble ne pas comprendre le problème. « Un marchand de biens, dès qu’il a signé la promesse de vente, il cherche la revente », rappelle-t-il, sans percevoir que c’est le fait qu’il ait manœuvré à cet effet qui lui est reproché. Me Emmanuel Tordjman, l’avocat de Michel M…, est très attentif et se permet de nombreuses interruptions, en défenseur vigilant, lorsqu’il estime que ce qui est dit est inexact. « Vous plaiderez, Maître », lui répète le président d’une voix de plus en plus contrariée à mesure que les débats prennent du retard sur la pendule. Me Tordjman rouspète un peu. « Je le plaiderai ! », répète-t-il, sur un ton excédé.

Le cas suivant : Mme L…, décédée à 101 ans (précision apportée par le prévenu), avait légué l’usufruit d’un appartement à ses neveux et nièces dans un testament olographe rédigé en 1989. À son décès en 2005, Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il indique à sa consœur en charge de ne pas faire figurer les volontés de la défunte, dans la mesure où les légataires visés sont depuis décédés, ce qui constituerait un faux en écriture authentique.

Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il s’occupe de nombreux actes préparatoires, et la vente est promise à l’un de ses amis. Entre la signature de la promesse et la vente, l’acquéreur personne physique se mue en une pimpante SCI, dont le nom VANO 44 laisse à penser qu’elle a été créée ad hoc, car l’appartement est situé rue Vanneau, à Paris. L’ami de Michel M… ne possède que 5 % des parts ; l’autre associée, Nadia M…, en possède 95 %. Nadia M… est mariée à Michel M… sous le régime de la communauté de biens. Elle aurait dû comparaître à ses côtés, mais son cas a été disjoint, car elle est hospitalisée. En procédure, l’ami a admis avoir été un gérant de paille. Michel M… explique : cette SCI, c’était juste pour dépanner un ami qui faisait face à de soudaines difficultés financières (entre la promesse de vente et la vente), ayant perdu l’opportunité d’un emploi qui lui était promis. Pour démêler tout cela, le président entend obtenir des réponses brèves aux questions fermées qu’il égrène. « Est-ce que, par la date de sa création, cette SCI avait pour vocation exclusive l’acquisition de ce bien ? » C’est le délit de prise illégale d’intérêt qui est visé. La réponse est ambiguë, le président fulmine, Me Tordjman l’interrompt, le président explose : « Laissez-moi terminer, Maître ! Là, je vais vraiment commencer à m’énerver sérieux, alors taisez-vous ! » Mais il est trop tard, le président ne peut plus retenir sa fureur. L’avocat ne se tait pas, mais sa voix est désormais couverte par celle du président : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! » Il cogne son bureau, se lève et décrète une suspension pour se calmer « Vous et moi ! », hurle-t-il en pointant l’avocat du doigt.

La sérénité retrouvée, le tribunal aborde les deux dossiers suivants, très semblables. Là encore, Michel M… présente aux vendeurs un seul et unique acheteur, un couple d’amis. « Vos liens d’amitié étaient-ils connus ? Oui ? Comment expliquez-vous que votre épouse acquiert 50 % des parts dans la SCI acquéreur ? Comment cela se fait-il qu’à chaque fois, une SCI se crée au moment de la vente ? » Michel M… est soupçonné d’avoir été intéressé à cette vente, par le biais de son épouse (prise illégale d’intérêts), et de n’avoir pas négocié le prix au mieux des intérêts de ses clients. Pourtant, « pour des raisons déontologiques », dit-il, Michel M… a confié la finalisation de la vente à un confrère. La procureure : « Peut-on passer des actes dans les opérations auxquelles on est directement intéressé ? — Non. — Dans les deux cas, vous présentez à des clients aux abois un seul et unique acquéreur, vos amis. Il n’y a pas un moment, avant la révélation des faits qui vous sont reprochés, où vous vous posez la question sur vos pratiques ? Non ? Tout était clean ? » Michel M… bredouille une non-réponse, son avocat explique : « Le compromis est signé par les époux B… (les amis en question), alors que la SCI existe depuis un an », preuve que sa création n’est pas idoine. « Ce n’est donc qu’après que l’idée d’acquérir le bien avec la SCI est formulée. » La procureure indique que le confrère ayant finalisé la vente a dit ignorer que Michel M… fut partie à la vente. « Je pense qu’il ne dit pas la vérité », répond le prévenu. « Le tribunal appréciera » (ritournelle).

Il faut désormais se pencher sur un abus de confiance, puisqu’il est reproché à Michel M… d’avoir payé son avocat avec les finances de son étude. Il comptait rembourser, son avocat fiscaliste lui a dit : pas de problème. « Vous n’avez pas pensé à consulter votre ordre, vu ce qu’il vous est déjà reproché ? » Nous sommes en 2011 et 2012, la procédure a été déclenchée en décembre 2010. « Une partie des honoraires a servi pour payer votre défense pénale ? » Le prévenu louvoie. « J’essaie de garder mon calme, vous savez très bien quels sont les enjeux de cette procédure », se contient le président. Me Tordjman à la rescousse : « S’il n’en a pas parlé à la chambre des notaires, c’est à cause des mauvaises relations qu’ils entretiennent, le président de cette même chambre ayant été poursuivi par Michel M… pour diffamation. » Puis viennent des frais de déménagement, payés par l’étude, pour son compte personnel. Il objecte : il s’agissait de déménager des meubles lui appartenant dans l’étude. Son associée n’a jamais vu les bibliothèques. Et ce cocktail, payé par l’étude, qui eut lieu chez lui au lendemain de son anniversaire. « C’était un cocktail professionnel », soutient-il. Le président semble se tendre à nouveau. Il n’y croit pas. Il craque. « Moi, je ne pose plus de questions, vous nous baladez, nous vous interrogeons sur des pratiques qui posent question, et vous répondez par des pirouettes ! »

Dans ce climat pesant de fin d’audience, après avoir examiné ces faits et bien d’autres, comme, par exemple, un autre faux en écriture authentique pour avoir signé une vente alors que, mis en examen la veille, il avait été suspendu dans ses fonctions, ou comme un autre faux, commis au préjudice d’Albert Uderzo, qu’il a un temps été soupçonné d’avoir escroqué (seule une facture douteuse, fausse pour l’accusation, a été retenue contre lui), les parties civiles ont plaidé, et la procureure a requis deux ans d’emprisonnement assortis d’un mandat de dépôt différé, 200 000 € d’amende, une interdiction définitive d’exercer. Alors que Me Tordjman plaidait, il fut interrompu. En effet, il faisait état à l’oral d’arguments présentés dans des conclusions (62 pages) qu’il avait communiquées le jour même aux autres parties, qui n’ont donc pas pu en prendre connaissance. Ultime esclandre et solution rigoureuse : le procès sera mis en continuation (au 19 mars), ce qui signifie que les avocats et la procureure reprendront leurs plaidoiries et leur réquisitoire, dans le respect du principe du contradictoire. Mais Michel M…, qui demandait souvent s’il pouvait se rasseoir, n’aura plus à se lever pour répondre aux questions du président.

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Invité
jeudi 28 mars 2024

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