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Procès de Jonathann Daval : « Une peine ne doit pas être à la hauteur du battage médiatique »

Procès de Jonathann Daval : « Une peine ne doit pas être à la hauteur du battage médiatique »

Au sixième jour d’audience, ce samedi 21 novembre à la cour d’assises de Vesoul, l’avocat général n’avait d’autre choix, selon lui, que de commencer son réquisitoire en parlant de la presse. « Une très forte médiatisation a parasité cette affaire, et je suis contraint d’évacuer tout de suite cette dimension, la médiatisation absolue a nui aux investigations. Elle a d’abord nui à l’enquête de flagrance que j’ai dirigée, puis elle a perturbé toute l’instruction. […] J’appelle vraiment le législateur à définir un nouveau cadre, car nous devons protéger le secret qui nous permet d’élucider des crimes. » L’accusation semble surtout déplorer l’inégalité des armes médiatiques entre les parties : « Il existe désormais un déséquilibre patent, puisque deux parties peuvent s’exprimer, alors même que le ministère public ne peut pas s’exprimer. » Heureusement pour lui, Emmanuel Dupic se sera autorisé à parler aux caméras, puisqu’il a assumé un point presse à l’issue des plaidoiries, tandis que la cour et les jurés étaient partis délibérer.

En sa qualité de procureur de Vesoul, Emmanuel Dupic a dirigé l’enquête de flagrance. « Objectif : retrouver le corps. Pas de corps, pas de crime, pas d’indice. Les disparitions doivent être résolues dans les quarante-huit heures. Des drones, des hélicoptères, la battue citoyenne. Ce corps n’aurait pas dû être retrouvé, on était presque au crime parfait. La scène de crime elle est capitale, je le savais. »

Il raconte la suite de l’enquête : Jonathann Daval est arrêté, il avoue partiellement, puis encore partiellement, jusqu’à admettre, lors de la confrontation du 17 juin 2019, qu’il a mis le feu au cadavre de sa femme. « Cela ne nous suffit pas. On voudrait le “pourquoi”. » Il ne restait plus beaucoup de questions, seulement « la question du pourquoi », a dit l’avocat général, mais à cette question, il n’a pas été répondu, a estimé l’avocat général. Alors, pour combler ce manquement, l’avocat général livre une théorie, qui est aussi celle de la partie civile : « La défense vous présente un homme soumis dans son couple, un homme humilié qui n’avait pas d’autre choix que de commettre les actes commis le 27 octobre, c’est-à-dire un massacre. Je crois pour ma part qu’il l’a tuée parce qu’Alexia voulait le quitter, elle lui a signifié ce jour-là qu’elle allait partir et ça, ce n’est pas possible pour Jonathann Daval. Oui, il l’a tuée parce qu’elle voulait probablement le quitter », a-t-il expliqué. Et pour appuyer sur la gravité de son crime, l’avocat général lance aux jurés : « Vous allez juger trois morts : l’agonie d’une femme mariée. Vous allez également juger sa seconde mort, la crémation. Vous allez juger une troisième mort, c’est l’accusation de la famille, obligée de porter ce crime. »

« Jonathann Daval est un manipulateur, un simulateur, un menteur »

Rien, dans le dossier, n’étaye ce scénario, et Alexia Daval n’a jamais confié à ses amis, à sa famille, qu’elle souhaitait quitter son mari. Jonathann Daval a décrit de nombreuses fois la scène − il s’agit de sa version : des reproches, une dispute, le trop-plein et la rage qui l’envahit. Rien de tout ceci n’est cru. « Jonathann Daval est un manipulateur, un simulateur, un menteur. Les moments de vérité, avec Jonathann Daval, sont toujours partiels. C’est encore, en fin de procès d’assises, une vérité partielle, et ça traduit le côté manipulateur depuis le début. Jonathann Daval transforme la réalité en fonction des circonstances. »

« Qui est Jonathann Daval, qui est-il ? La défense vous présente Jonathann Daval comme une personne soumise, je ne partage pas cette conviction. » Il cite le psychologue, qui a fait faire le « test de l’arbre » à Daval. « Nous sommes en présence d’un homme à la personnalité très complexe, qui ne semble pas être ce qu’il paraît. Un homme déterminé, dominant, qui peut devenir colérique, voire agressif. Dépendant de l’être aimé, il ne supporte pas dans ce domaine le rejet, la rupture. Il s’agit également d’un sujet mal structuré qui peut s’adapter aux circonstances. »

De manière assez étrange, l’avocat général rappelle qu’il « n’est pas jugé pour assassinat, mais on peut s’interroger sur l’assassinat », alors que la question de l’assassinat n’est pas posée aux jurés, et qu’il encourt déjà la peine de réclusion criminelle à perpétuité (meurtre sur conjointe). « Il est difficile de ne pas s’identifier au calvaire de cette jeune femme de 29 ans qui est massacrée par son mari, difficile de ne pas s’identifier à une mère et un père à qui on dénie une sépulture. Alors, quelle peine ? Mesdames et messieurs les jurés, je vais en appeler à votre courage. Du fait de la médiatisation de cette affaire, cette décision sera regardée. Vous allez rendre une décision au nom du peuple français. Je vous demande de prononcer une peine de réclusion à perpétuité. Je fais confiance à votre sagesse, votre décision sera la bonne. »

 

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« On va rentrer dans ce qu’on appelle la rage narcissique »

Maître Ornella Spatafora a plaidé en premier et, s’adressant aux jurés : « Vous l’avez compris, Jonathann Daval ne conteste pas les faits, mes propos visent à expliquer comment un homme comme vous et moi a basculé dans le crime. Parce qu’on ne naît pas criminel : on le devient. »

Elle retrace son parcours de vie. Un enfant perclus de maladies : asthme, surdité, scoliose. Introverti et timide, il est moqué par ses camarades (« Quasimodo ! » lui lançaient-ils), et surtout, perd son père en 1997, alors qu’il est âgé de 13 ans. Il développe alors des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), que l’expert psychiatre Jean Canterino a qualifiés de pathologie psychiatrique, pour laquelle il a préconisé un traitement.

Elle raconte leur rencontre, l’accueil de Jonathann par la famille d’Alexia et les premières difficultés. Jonathann n’est pas prêt à assumer les désirs de sa femme mais, au lieu de discuter, il fuit. « Elle se confie à ses amis : Alexia était très inquiète du fait que Jonathann ne la désire plus. Il prend un traitement, mais ça ne fonctionne pas, parce que psychologiquement ça ne va pas. Fin 2016, Alexia entreprend un traitement hormonal. Mais Alexia est anxieuse. Il va y avoir ce que l’on appelle des épisodes de crise. Le couple va en être inquiet ensemble. Ils iront d’abord voir le médecin traitant, puis un neurologue. » Me Spatafora rappelle les éléments objectifs du dossier qui attestent de l’existence de ces crises (goût métallique dans la bouche, black-out).

Et Jonathann fuit, il ne veut pas affronter Alexia. « Elle est malheureuse, elle commence à être agacée, les reproches sont de plus en plus présents. Elle n’en peut plus de cette situation. Et Jonathann ne comprend pas. Au lieu d’affronter sa femme, il n’est pas là. »

Alors, Alexia le bouscule. « Quand elle lui dit “t’es pas un homme, pourquoi t’y arrives pas, pourquoi t’es pas là, pourquoi t’es pas comme ça, pourquoi ?” elle veut le faire réagir, mais c’est tout l’inverse qui se passe chez ce garçon, et le peu de confiance en lui s’estompe totalement. On va rentrer dans ce qu’on appelle la rage narcissique. On n’est pas dans un crime de sang froid, on n’est pas dans un crime de possession. » Elle demande « une peine juste, qui sanctionne Jonathann pour ce qu’il a fait, et l’homme qu’il est. »

 

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« Jonathann, vous devez faire sans lui, parce qu’il a trop menti »

Lorsque Maître Randall Schwerdorffer prend la parole, il dit aux jurés : « Perpétuité, c’est une peine qu’on prononce contre les criminels les plus dangereux de la société. Francis Heaulme, tueur d’enfants. Fourniret, Marc Dutroux, Guy Georges. Nous défendons Jonathann Daval. Quel point commun ? Aucun. Si : la médiatisation. Une peine ne doit pas être à la hauteur du battage médiatique. L’avocat général a requis dans le cadre d’un réquisitoire fait pour plaire à la presse, à l’opinion publique. C’est pas mon problème. » Il regarde les jurés : « et c’est pas le vôtre. » Toujours aux jurés : « Ce qu’on vous demande, ce n’est pas une vengeance. Le mensonge n’est pas poursuivi par la loi. »

« Pourquoi on vous parle de viol post mortem ? Pourquoi on vous parle de camisole chimique ? Parce que cet homme a l’air tellement trop normal qu’il faut le diaboliser, le rendre machiavélique pour les médias. » Il fait appel à la raison des jurés : « Que s’est-il passé, le soir des faits ? Ce soir-là, il n’y a pas de crise, il va y avoir une dispute. Alexia lui a-t-elle demandé une relation sexuelle, on n’en sait rien. La réalité du dossier c’est que Jonathann, vous devez faire sans lui, parce qu’il a trop menti. D’ailleurs, vous ne devriez jamais croire. »

Il se risque à une hypothèse. Le plus probable ? « Alexia lui dit “arrête de fuir” car, comme d’habitude, il fuit. Pourquoi serait-il différent ce soir-là ? Parce que ce soir-là, il n’a pas pu fuir. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il la retient, elle le retient, il y a une confrontation. » Et l’obsessionnel Daval, celui qui fuit toujours mais ne peut fuir cette fois-ci, est envahi par une rage, un trop-plein.

Après une autre suspension, Jonathann Daval a prononcé ses derniers mots, adressés aux parties civiles : « Pardon. Pardon. »

 

Sur le procès de Jonathann Daval, Dalloz actualité a également publié :

Procès de Jonathann Daval, le « Petit Poucet », par M. Babonneau, le 17 novembre 2020
Procès de Jonathann Daval : « sois une fois un homme dans ta vie », par M. Babonneau, le 18 novembre 2020
Procès de Jonathann Daval : « elle m’a insulté et elle m’a mordu au bras. Et là, ça m’a mis hors de moi », par M. Babonneau, le 20 novembre 2020
Procès de Jonathann Daval : « Je te souhaite un bon séjour en prison », par M. Babonneau, le 20 novembre 2020

Auteur d'origine: babonneau
Une marque déchue peut être invoquée pour agir en ...
De la difficulté de prouver une erreur sur les qua...
 

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Invité
jeudi 28 mars 2024

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