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Prolongation du délai de consultation du comité d’entreprise par le juge

Tout comme l’était auparavant le comité d’entreprise, le comité social et économique est aujourd’hui amené à se prononcer régulièrement sur l’opportunité des mesures relatives « à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » (C. trav., art. L. 2312-8, al. 1). Cette mission générale d’information et de consultation est, depuis longtemps, la clef de voûte du fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Faut-il encore que les élus soient en mesure d’apprécier le bien-fondé des décisions projetées. À cet effet, le code du travail impose une certaine transparence s’agissant des informations transmises.

Sous l’empire des anciennes dispositions du code du travail, le CE devait bénéficier d’un « délai d’examen suffisant » (C. trav., anc. art. L. 2323-3, al. 2), variables selon que l’instance ait ou non recours à l’expertise, ainsi que « d’informations précises et écrites » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 1). À noter qu’en la matière, la fusion des institutions représentatives du personnel au sein du CSE n’a eu que peu de conséquences, ces données étant aujourd’hui réunies au sein d’un même article (C. trav., art. L. 2312-15, al. 2).

Lorsqu’il estimait que les éléments dont il disposait étaient insuffisants, le comité d’entreprise pouvait saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin qu’il ordonne la communication par l’employeur des données manquantes (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 2).

Néanmoins, cette saisine n’a jamais eu pour effet « de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis », sauf lorsque le juge décidait de prolonger le délai à raison de « difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 3,). Dans la pratique, ce dispositif laissait entrevoir une défaillance notable : la prolongation du délai n’étant pas automatique en cas de saisine, la demande, même justifiée, pouvait être jugée irrecevable lorsque les délais de consultation étaient
expirés au jour de la décision du juge des référés. Dans un arrêt du 26 février 2020 (Soc. 26 févr. 2020, n° 18-22.759), la Cour de cassation vient clarifier la possibilité pour le juge des référés de prolonger le délai de consultation du CE en cas d’insuffisance des informations fournies par l’employeur dans le cadre d’une procédure d’information-consultation.

En l’espèce, la société EDF avait réuni son comité central d’entreprise (CCE) le 2 mai 2016 afin qu’il se prononce sur le projet de création de deux European Pressurized Reactor au Royaume-Uni. Au cours d’une deuxième réunion tenue le 9 mai 2016, le CCE réclamait plusieurs documents d’information complémentaires. Par requête en date du 20 juin 2016, le CCE saisissait le président du TGI statuant en la forme des référés d’une demande de suspension des délais de consultation jusqu’à communication par l’employeur de documents complémentaires. Par ordonnance du 27 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance (TGI) jugeait irrecevables les demandes du CCE au motif que le délai de consultation était expiré au jour où il statuait. La cour d’appel infirme la décision du TGI et ordonne à la société EDF de transmettre l’intégralité du rapport visé par le CCE dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision de justice. La cour d’appel ordonne, par ailleurs, à la société de procéder à une nouvelle convocation du CCE dans un délai maximum de deux mois. La société EDF se pourvoit alors en cassation au moyen que la demande du CCE est irrecevable car le délai de consultation était expiré au moment où le juge est réputé avoir statué. Le CCE ayant eu recours à un expert, le rapport d’expertise devait être remis dans les deux mois à compter du jour où le CCE avait pris connaissance du projet, à savoir le 2 mai 2016. Suivant cette logique, le délai était en principe expiré le 2 juillet 2016. En dépit des arguments avancés, la Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que « la saisine du président du tribunal de grande instance avant l’expiration des délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires ». Le CCE ayant saisi le président du TGI douze jours avant l’expiration du délai de consultation, la cour d’appel était bien fondée à déterminer un nouveau délai de consultation de deux mois au profit du CCE, à compter de la communication par l’employeur de documents complémentaires. La Haute juridiction reste totalement perméable au fait que l’employeur ait commencé à mettre en œuvre le projet.

La Cour de cassation raisonne de manière très pragmatique et dégage méthodiquement les conditions de la prolongation du délai de consultation, celle-ci n’étant pas automatique. D’abord, cette possibilité n’est ouverte qu’à condition que le CE ait saisi la juridiction dans le délai qui lui est imparti pour donner son avis en application de l’article R. 2323-1 du code du travail. Ensuite, la prolongation des délais de consultation est envisageable uniquement dans l’hypothèse où le juge estime la demande fondée, compte tenu du caractère lacunaire des informations. Si ces éléments font défaut, le délai de consultation n’est pas prolongé et prend fin à la date initiale. Le CE est alors réputé avoir rendu un avis négatif faute de s’être valablement exprimé sur la question. Dans le cas contraire, le juge est libre d’ordonner la production d’éléments d’information complémentaires, quand bien même le délai de consultation serait expiré au moment de la décision. Il peut par ailleurs prolonger le délai initial ou fixer un nouveau délai de consultation, lequel commence à courir à compter de la transmission des éléments complémentaires.

La solution de la Cour de cassation interpelle par son évidence. Jusqu’alors, l’action initiée par le CE pouvait être privée de véritable effet juridique, alors même que la demande de transmission de documents complémentaires était jugée fondée sur le principe. Soucieuse de garantir les prérogatives de l’instance en cas d’informations insuffisantes, la Cour de cassation avait déjà esquissé une ligne jurisprudentielle cohérente concernant le point de départ du délai de consultation. La chambre sociale a ainsi pu admettre que « le délai à l’expiration duquel le comité d’entreprise est réputé avoir donné un avis court à compter de la date à laquelle il a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée » (Soc. 21 sept. 2016, n° 15-19.003, D. 2016. 1936 image ; ibid. 2252, obs. P. Lokiec et J. Porta image ; Rev. sociétés 2017. 446, note F. Petit image), étant précisé que « le délai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou l’accord collectif prévoit la communication, et notamment ceux relevant de la base de données économiques et sociales, n’ont pas été mis à disposition du comité d’entreprise (Soc. 28 mars 2018, n° 17-13.081, D. 2018. 729 image ; RDT 2018. 465, obs. I. Odoul-Asorey image). Avec l’arrêt du 26 février dernier, la Cour de cassation étoffe donc sa position en assouplissant les modalités de prolongation judiciaire des délais de consultation en cas de saisine pour insuffisance des informations.

Comme le relève la chambre sociale dans sa note explicative, la solution a l’avantage de « maintenir dans des délais raisonnables la procédure de consultation du comité d’entreprise, aujourd’hui du comité social et économique, tout en lui assurant le droit à l’information appropriée » garanti par le droit européen. En effet, la directive européenne 2002/14/CE du 11 mars 2002 prévoit que « l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation » (Dir. [CE] 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, JOCE, L 80/29, 23 mars 2002, art. 4, § 3). Finalement, la solution a le mérite d’atteindre un point d’équilibre : d’un côté, elle permet d’éviter les actions purement « dilatoires » et simplement destinées à repousser la réalisation du projet soumis à consultation, le juge ayant un pouvoir discrétionnaire en fonction de l’opportunité de la demande ; de l’autre, elle redonne de la substance à la procédure de recours ouverte par le code du travail en cas d’informations insuffisantes et en préserve ainsi la raison d’être.

Auteur d'origine: Dechriste
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Invité
mardi 23 avril 2024

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