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Successions internationales : action en réduction et compétence du juge

Successions internationales : action en réduction et compétence du juge

Une personne décède en 2013 en Suède, où était situé son dernier domicile. Trois enfants lui succèdent. Ceux-ci saisissent alors un tribunal français d’une action en réduction d’une donation consentie en 1961 par leur ascendante à une association, le bien étant un immeuble localisé en France. La compétence du tribunal est contestée.

Cette affaire donne l’occasion à la Cour de cassation de rappeler quelques principes bien établis du droit des successions internationales, étant précisé que le décès étant survenu en 2013, le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen) n’était pas applicable. Ce règlement s’applique en effet uniquement aux successions des personnes décédées à compter du 17 août 2015. Les principes mis en œuvre en l’espèce sont donc ceux qui s’imposaient avant l’entrée en application de ce règlement et qui ont été dégagés par la jurisprudence au fil du temps.

Dans la ligne de cette jurisprudence, l’arrêt du 14 avril 2021 rappelle que les tribunaux français sont compétents pour statuer sur une succession mobilière lorsque le défunt avait son domicile en France et qu’ils sont également compétents pour statuer sur une succession immobilière pour les immeubles situés en France. L’arrêt rappelle par ailleurs que la nature de l’action successorale est déterminée selon la loi du for (sur ces solutions bien connues, v. H. Péroz et E. Fongaro, Droit international privé patrimonial de la famille, 2e éd., LexisNexis, 2017, nos 688 s.).

Sur cette base, l’arrêt énonce qu’« il résulte de la combinaison des principes régissant les successions internationales et de l’article 924 du code civil que l’action en réduction exercée par les héritiers réservataires contre le donataire d’un immeuble, qui ne tend pas à la restitution en nature de l’immeuble mais au paiement d’une indemnité de réduction et présente, dès lors, un caractère mobilier, relève de la compétence des tribunaux du pays où le défunt avait son dernier domicile ».

Cette solution, qui est formulée pour la première fois, appelle deux remarques.

1. Elle s’explique au regard des termes de l’article 924 du code civil : « Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. Le paiement de l’indemnité par l’héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d’imputation sur ses droits dans la réserve ». Il résulte en effet de ces termes que le législateur a privilégié le principe d’une réduction en valeur, sous réserve d’une possibilité d’une réduction en nature dans les conditions prévues par l’article 924-1 (v. Rép. civ., v° Réserve héréditaire, Réduction des libéralités, Recherche des atteintes portées à la réserve héréditaire, par S. Deville et M. Nicod, nos 146 et 147). Et s’il est vrai que l’on se trouve en présence d’une action à la nature originale qui répugne « à entrer dans les cadres classiques des actions réelles ou personnelles » (J.-Cl. Civil code, art. 912 à 930-5, fasc. 40, v° Libéralités, Réserve héréditaire, Quotité disponible, Réduction des libéralités, par J.-B. Donnier, n° 23 ; adde N. Levillain, M.-C. Forgeard et A. Boiché, Liquidation des successions, 5e éd., Dalloz, coll. « Référence », 2021/2022, p. 264), il n’en demeure pas moins que, dès lors que la réduction est conçue en valeur, les réservataires disposent d’un droit personnel contre le gratifié et non pas d’un droit réel sur le bien considéré (Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, Lamy, n° 258-66). Et puisque la nature de l’action successorale est, sous l’angle du droit international privé, déterminée, comme le rappelle l’arrêt, selon la loi du for et donc au regard de cette qualification de droit interne, il est logique d’en déduire que l’action en réduction n’a pas un caractère immobilier mais mobilier et que la compétence du juge doit s’apprécier en conséquence.

2. Si la solution qui est consacrée par la Cour de cassation peut être approuvée, un motif de l’arrêt suscite pourtant l’étonnement, au regard d’un principe plus général du droit des conflits de juridiction. Il est traditionnellement enseigné que le juge français doit apprécier sa compétence et qu’il a alors deux possibilités : soit le critère de rattachement fonde sa compétence et il se déclare compétent, soit le critère de rattachement ne fonde pas sa compétence et il se déclare incompétent, sans désigner le juge étranger qui serait, selon lui, compétent (sur cette problématique, v. M.-L. Niboyet et G. Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, 7e éd., LGDJ, 2020, n° 481). L’article 81 du code de procédure civile, qui est cité par l’arrêt, dispose en effet que lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. C’est ce que fait l’arrêt dans son dispositif, après avoir prononcé la cassation de la décision d’appel puisque le dernier domicile de la défunte n’était pas situé en France mais en Suède.

Pourtant, dans le motif cité précédemment, l’arrêt indique que l’action en réduction « relève de la compétence des tribunaux du pays où le défunt avait son dernier domicile ». Cette formulation est surprenante puisqu’elle laisse penser que le juge de l’État du dernier domicile du défunt est nécessairement compétent même lorsqu’il est un juge étranger, alors qu’en réalité, si le dernier domicile est situé à l’étranger, on peut seulement dire que le juge français n’est pas compétent et qu’il appartiendra au juge étranger que les parties saisiront de vérifier sa compétence en application de ses propres règles de procédure civile. Il est vrai, cependant, que cette formulation est sans conséquence sur la solution du litige puisqu’elle figure dans les motifs et non pas dans le dispositif de l’arrêt, dispositif qui, lui, renvoie simplement les parties à mieux se pourvoir.

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Invité
jeudi 28 mars 2024

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