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Affaire du « Mur des cons » : condamnation pour injure publique confirmée en appel

Affaire du « Mur des cons » : condamnation pour injure publique confirmée en appel

Le site d’information Atlantico a publié en avril 2013 un article contenant une vidéo enregistrée par un journaliste dans les locaux du Syndicat de la magistrature. On y découvrait que les photographies de plusieurs personnes, publiques et anonymes, avaient été épinglées sur un pan de mur, sur lequel était inscrite la mention « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà ». Parmi ces personnes figurait le père d’une jeune femme tuée en 2007 par un récidiviste, qui était intervenu à plusieurs reprises dans les médias. Celui-ci a porté plainte devant le tribunal correctionnel et s’est constitué partie civile du chef d’injure publique envers un particulier. Renvoyée devant le tribunal correctionnel, la magistrate a été déclarée coupable des faits poursuivis et condamnée à une amende de 500 € avec sursis (TGI Paris, 17e ch., 31 janv. 2019, Légipresse 2019. 155, note N. Verly et I. Soskin image ; Dalloz actualité, 5 déc. 2018 ; ibid., 7 déc. 2018 ; ibid., 10 déc. 2018, art. T. Coustet). L’intéressée a fait appel. Plusieurs questions relatives aux infractions de presse étaient soulevées dans cette affaire.

La publicité

L’élément de publicité prévu à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, condition d’application de la loi sur la presse, était discuté. S’agissant d’un affichage public, la publication est réalisée par l’exposition au regard du public. Or la publicité n’est pas caractérisée si les propos ont été diffusés à des destinataires constituant entre eux une communauté d’intérêt. Toutefois, la seule présence d’un destinataire extérieur à ce groupement est susceptible d’établir la publicité du propos.

La cour précise tout d’abord que le fait d’afficher un panneau dans un local syndical et celui de diffuser sur internet une vidéo montrant ce panneau sont deux faits distincts ; la responsabilité de la magistrate ne pouvait être recherchée que pour le premier. Ensuite, la cour note que le « Mur des cons » était exposé dans un local destiné aux réunions syndicales. Ce lieu privé est devenu accidentellement et occasionnellement un lieu public dès lors que diverses personnes extérieures au Syndicat de la magistrature y sont entrées avec l’accord des représentants du syndicat. Pour les lieux dits « publics par accident », qui sont en principe fermés au public, le juge doit vérifier si la profération ou l’exposition a été accomplie avec la conscience que le propos ou le support serait effectivement entendu ou vu par des tiers. En l’espèce, la cour relève que, s’il n’est pas démontré que la magistrate a accompagné le journaliste devant le « Mur des cons », ce qu’avait retenu le tribunal, il ressort que celle-ci a rejoint l’interviewer devant le panneau et a parlé avec lui de son contenu. Il est jugé que l’appelante avait donc nécessairement conscience que le panneau serait vu par des tiers.

L’imputabilité des propos

Se posait ensuite la question de l’imputabilité des propos et de la qualité d’éditrice de la magistrate, au sens de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881. En effet, la responsabilité dite « en cascade », qui édicte une responsabilité à la charge, notamment, du directeur de la publication et de l’éditeur, se double, en matière d’infractions commises par affichage, de la recherche de la participation personnelle du prévenu à la conception, la réalisation, la publication ou la diffusion du support de l’injure.

La cour note qu’il n’est pas établi que la création du « Mur des cons » soit issue d’une décision collective prise par les instances du Syndicat de la magistrature ni que l’appelante y ait personnellement participé. Toutefois, le syndicat a accepté que ses adhérents confectionnent le panneau en cause sur un mur de ses locaux, en mettant celui-ci à leur disposition et en leur fournissant ainsi les moyens du placardage. La cour ajoute que la juge mise en cause était la présidente du Syndicat de la magistrature en avril 2013, date de la mise en ligne de la vidéo. Elle était poursuivie en qualité de représentante du syndicat et non à titre personnel, et a bien eu la volonté – tout au moins la conscience – de rendre l’affichage public. Ainsi, la magistrate est considérée comme éditrice au sens de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881.

Le caractère injurieux des propos

Enfin se posait la question du caractère injurieux du propos incriminé.

La qualification de ce substantif a fait l’objet d’analyses différentes par la jurisprudence, en fonction des éléments du contexte entourant sa profération, son exposition ou sa publication. La cour confirme ici le caractère injurieux du mot « con » employé dans ce contexte. Elle relève que, même si l’apposition des photographies épinglées sur le mur a pu être une forme d’exutoire pour les juges, pour protester contre des attaques dont ils avaient fait l’objet, et même si les prises de position publiques des personnes représentées étaient davantage dénoncées que les personnes elles-mêmes, les motifs de ces affichages n’ont pu être démontrés. L’injure visait donc bien les personnes représentées sans faire référence à un fait précis ni à un débat d’idées que pourrait légitimer une liberté d’expression accrue en matière syndicale. La cour ajoute que la conscience d’employer un terme injurieux caractérise l’élément intentionnel du délit.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a déclaré la magistrate coupable d’injure publique. La cour confirme le montant de la peine fixée à 500 € avec sursis. Le requérant, qui s’était constitué partie civile, se voit en outre allouer une somme de 5 000 € de dommages-intérêts.

Dans cette affaire, le Rassemblement national et Robert Ménard, lequel figurait également parmi les personnalités « épinglées » sur le Mur des cons, avaient également fait appel après avoir été déboutés en première instance. La cour confirme, par deux arrêts distincts en date du 19 décembre 2019 (nos 19/01410 et 19/01382), les décisions des premiers juges ayant déclaré recevables les constitutions de partie civile du parti et de l’homme politique, mais les infirme en ce qu’ils ont débouté ces derniers de leurs demandes. La cour retient, à l’inverse du tribunal, que la partie civile a, de façon suffisamment claire, poursuivi l’affichage exposé dans le local syndical par une plainte avec constitution de partie civile régulière. La magistrate est condamnée à verser à chacun des requérants 1 € de dommages-intérêts.

Ces trois arrêts ne sont pas définitifs et ont fait l’objet d’un pourvoi.

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Invité
jeudi 28 mars 2024

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