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Chronique CEDH : l’entrée en vigueur du Protocole additionnel n° 15

Chronique CEDH : l’entrée en vigueur du Protocole additionnel n° 15

L’entrée en vigueur du Protocole additionnel n° 15

Dans le prolongement de la Conférence de Brighton des 18 au 20 avril 2012, par laquelle un Premier ministre britannique dont l’Histoire a déjà oublié le nom avait tenté en vain de réduire à presque rien l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Protocole additionnel n° 15 a été signé à Strasbourg le 24 juin 2013, quelques mois avant le Protocole n° 16 dont on a déjà eu l’occasion de commenter les premières applications. L’aîné aura donc été un peu plus lent au démarrage que le cadet. Il n’y a pas lieu de s’en étonner puisqu’il s’agit d’un Protocole d’amendement n’entrant en vigueur que si l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifié, tandis que 10 ratifications suffisent généralement pour entraîner celle d’un Protocole facultatif tel que le n° 16. Or l’unanimité a pris son temps pour se dégager puisqu’il manquait la ratification de l’Italie qui ne l’a décidée que le 21 avril 2021. Alors s’est enclenché un compte à rebours qui a conduit à l’entrée en vigueur du Protocole n° 15, le 1er août 2021, trois ans jour pour jour après celle du n° 16.

Vers plus de subsidiarité et de marge d’appréciation ?

L’apport le plus remarquable de ce nouveau Protocole tient au changement qu’il introduit dans le Préambule de la Convention pour y ajouter des références au principe de subsidiarité et à la marge d’appréciation dont les États jouissent en conséquence. Théoriquement remarquable, cette innovation ne devrait pas entraîner de trop profonds bouleversements. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme, à partir de son arrêt Handyside c/ Royaume-Uni du 7 décembre 1976, a déjà accordé aux États une marge d’appréciation, variable suivant les circonstances, les domaines et le contexte. Désormais, elle ne pourra plus la leur retirer puisque la nouvelle rédaction du Préambule vient d’introduire une sorte d’effet cliquet. Il n’est pas assuré, en revanche, que la conventionnalisation du principe de subsidiarité poussera à beaucoup l’élargir. Plus exactement, l’élargissement a sans doute déjà eu lieu. En effet, à la veille et au lendemain de la signature du Protocole n° 15 et sans attendre de savoir quand il serait unanimement ratifié ou si même il le serait, la Cour a saisi de spectaculaires occasions, particulièrement dans son arrêt de Grande chambre Austin c/ Royaume-Uni du 15 mars 2012 relatif à la technique policière du kettling, de rendre son point de vue un peu plus subsidiaire par rapport à l’appréciation des États dont la marge a été ainsi élargie. Ayant fait preuve de compréhension et de bonne volonté avant même l’entrée en vigueur du Protocole n° 15, il sera très intéressant d’observer si elle s’estime tenue d’accorder désormais encore plus d’importance à la subsidiarité et plus d’ampleur à la marge d’appréciation. Sur ce plan on en est réduit aux spéculations. Il y a, en revanche, des certitudes, quant aux conséquences procédurales de l’entrée en vigueur du Protocole n° 15.

Conséquences procédurales

Encore celle qui exercera la plus forte influence sur les habitudes et les réflexes des praticiens ne s’appliquera-t-elle qu’à partir du 1er février 2022. C’est seulement à partir de cette date, en effet, que le délai de six mois durant lequel la Cour doit être saisie après une décision nationale définitive, sera ramené à quatre mois suivant la nouvelle rédaction de l’article 34 qui fixe les conditions de recevabilité des requêtes individuelles. Ainsi espère-t-on qu’une réduction de deux mois du temps de l’initiative procédurale s’accompagnera d’une diminution corrélative du nombre des requêtes pendantes, qui en 2020 s’élevait à 65 800 soit une augmentation de 6 %. L’obsession d’une asphyxie de la Cour de Strasbourg sous le nombre des requêtes qui lui sont annuellement adressées était déjà à l’origine de l’introduction par la Protocole n° 14 entré en vigueur le 1er juin 2010 d’une nouvelle condition de recevabilité : l’exigence de ce que la violation alléguée par le requérant lui ait fait subir un préjudice important. Comme cette condition qui confond un peu trop cyniquement protection des droits de l’homme et droit de la responsabilité civile était fort critiquée, l’article 34, qui l’a accueillie l’avait encadrée par deux garde-fous conduisant à la neutraliser lorsque le respect des droits de l’homme garantis par la Convention exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne. Or, personne n’a jamais réussi à comprendre ce que signifiait cette dernière réserve. Le Protocole n° 15 l’a donc sagement et tout simplement supprimée ; ce qui ne devrait donc strictement rien changer à la pratique de la Cour.

Il faudra être très attentif en revanche, à l’influence que pourrait exercer sur la cohérence et la réactivité de sa politique jurisprudentielle la modification apportée à l’article 30 de la Convention qui permet à une chambre, de sept juges, de se dessaisir en faveur d’une grande chambre, de dix-sept juges, si une affaire pendante devant elle soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou si sa solution peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour. Jusqu’alors, les avantages que cette procédure offre pour une meilleure administration de la justice européenne pouvait être anéantis lorsque l’une ou l’autre des parties s’y opposait. Depuis le 1er août 2021, le requérant et l’État défendeur ne peuvent plus empêcher une chambre de se dessaisir en faveur d’une grande chambre.

Enfin le Protocole n° 15 exige que les candidats au poste de juge à la Cour soient âgés de moins de 65.

Comme ils sont élus pour neuf ans et que leur mandat s’achève à l’âge de 70 ans, tous les nouveaux élus siégeront donc normalement pendant au moins cinq ans. Ainsi seront donc éliminés les candidats qui recherchent surtout l’honneur de prolonger leur carrière en occupant pendant quelque mois ou quelques semaines un siège à la Cour de Strasbourg.

Renforcement de la protection des étrangers

La Convention et ses Protocoles additionnels ne contenant que deux dispositions expressément prévues en leur faveur, l’article 4 du Protocole n° 4 interdisant leurs expulsions collectives et l’article 1er du Protocole n° 7 leur reconnaissant un certain nombre de garanties procédurales en cas d’expulsion, les étrangers ne peuvent guère compter que sur une protection par ricochet. Or, la Cour européenne des droits de l’homme, c’est le moins que l’on puisse dire, ne s’est pas toujours montrée très courageuse pour la leur accorder. C’est ce dont témoignent un certain nombre d’arrêts scandaleux tels que l’arrêt N c/ Royaume-Uni du 27 mai 2008 suivant lequel ne constituait pas un traitement inhumain et dégradant l’expulsion de jeunes mères de famille infectées par le VIH vers leur pays d’origine où, privées de la possibilité de continuer à avoir accès à un traitement médical adapté, elles s’éteindraient à brève échéance sous les yeux de leurs enfants.

Or, l’été 2021 semble avoir été marqué par un peu plus d’audace. Elle se manifeste déjà dans un arrêt Shahzad c/ Hongrie du 8 juillet (n° 12625/17) par une application de l’article 4 du Protocole n° 4 interdisant les expulsions collectives dans le cas d’une expulsion qui n’en était pas vraiment une puisqu’il s’agissait d’une reconduite sommaire d’un étranger vers une autre partie du territoire de l’État défendeur et qui n’était pas à strictement parler collective puisqu’elle n’avait visé qu’un seul individu (pour une application de l’article 4 du Protocole n° 4 à une véritable expulsion collective d’étrangers, v. l’arrêt D.A et autres c/ Pologne du 8 juill. 2021, n° 51246/17).

Au titre du renforcement de la protection par ricochet, on peut relever un constat de violation de l’article 8 dressé par un arrêt Khachatryan et Konovalova c/ Russie du 13 juillet (n° 28895/14) parce que le refus de renouvellement d’un permis de séjour au simple motif qu’un certificat médical n’avait pas été joint à la demande, avait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée du requérant.

L’attention de plus en plus intransigeante portée par la Cour à la situation des étrangers particulièrement vulnérables a valu à la France un arrêt d’une remarquable et exemplaire sévérité. Il s’agit de l’arrêt M.D et A.D du 22 juillet (n° 57035/18) rendu dans une affaire ou une mère et son enfant mineur alors âgé de quatre mois avaient été retenus pendant 11 jours dans le Centre de rétention administrative n° 2 de Mesnil-Amelot. Non seulement la Cour a estimé qu’un tel traitement avait dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3, mais elle a également retenu une violation de l’article 5 consacrant le droit à la liberté et à la sûreté pour l’humiliant motif rarement relevé que les autorités françaises n’avaient même été capables d’appliquer convenablement les règles nationales prévues en la matière. Peut-être l’arrêt E.H. du même jour (n° 39126/18, AJDA 2021. 1594 image) qui a estimé qu’elles n’avaient pas violé l’article 3 en expulsant un requérant d’origine sahraouie vers le Maroc les aura-t-il un peu consolées.

L’arrêt marquant le plus nettement un renforcement de la protection des étrangers est l’arrêt M.A c/ Danemark du 9 juillet (n° 6697/18), le seul arrêt de Grande Chambre de la période considérée, par lequel la Cour a recherché pour la première fois si et dans quelle mesure l’imposition d’un délai d’attente légal pour l’accès au regroupement familial des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire ou du statut de protection temporaire est compatible avec l’article 8 de la Convention. Après un long rappel de sa jurisprudence relative au regroupement familial, la Cour est parvenue à la conclusion que, relativement à cette question nouvelle, les États devaient se voir reconnaître une ample marge d’appréciation mais que, pour autant, la latitude dont ils jouissent en la matière n’était pas absolue et qu’elle appelait un examen sous l’angle de la proportionnalité de la mesure de façon à s’assurer, au nom du principe d’effectivité récemment élevé au rang de principe général d’interprétation de l’ensemble des dispositions de la Convention et de ses Protocoles, que le droit au respect de la vie privée et familiale des étrangers qui demandent un regroupement familial ne reste pas théorique et illusoire. Or le délai d’attente de trois ans qui avait été imposé en l’espèce a été jugé disproportionné et un constat de violation de l’article 8 a été dressé.

L’examen post-mortem du corps d’un bébé contre la volonté de sa mère

L’arrêt le plus original rendu en juillet-août 2021 par la Cour de Strasbourg est probablement l’arrêt Polat c/ Autriche du 20 juillet (n° 12886/16, AJ fam. 2021. 448, obs. A. Dionisi-Peyrusse image). Il s’est prononcé dans une affaire particulièrement douloureuse où, dans l’intérêt de la science et de la santé publique, les autorités avaient procédé à l’autopsie d’un enfant décédé deux jours après sa naissance, contre la volonté de sa mère qui s’y était opposée pour des raisons religieuses, et sans l’informer de l’ampleur des prélèvements des organes internes qui devait seulement apparaître au moment du rituel funéraire.

Ces pénibles circonstances ont permis à la Cour de rappeler deux règles qu’elle n’a pas l’occasion de mettre très souvent en œuvre : d’abord que le droit au respect de la vie privée et familiale qui s’applique surtout dans les relations entre des êtres humains vivants peut être étendu à certaines situations après la mort ; ensuite que la manière d’enterrer les morts représente un aspect essentiel de la pratique religieuse relevant du droit à la liberté religieuse.

En conséquence, la Cour a constaté des violations des articles 8 et 9 parce que les autorités n’avaient pas trouvé le juste équilibre entre les droits qu’ils garantissent et les exigences de la santé publique d’une part et, d’autre part, une violation de l’article 8 parce que la mère n’avait pas été suffisamment informée de la nature de l’examen qui serait effectué sur le corps de son enfant mort.

Encore de nouvelles applications du principe de non-discrimination

 La vitalité de la combinaison de l’article 14 combiné avec d’autres articles de la Convention se vérifie à chaque livraison bimestrielle. Cette fois, elle est attestée par trois arrêts.

D’abord l’arrêt A.M c/ Russie du 6 juillet (n° 47220/19, AJ fam. 2021. 490, obs. M. Saulier image ; ibid. 448, obs. A. Dionisi-Peyrusse image) suivant lequel la suppression du droit de visite d’un parent parce qu’il subissait une opération de changement de sexe constituait une violation manifeste de l’article 14 combiné avec l’article 8.

Ensuite l’arrêt Gruba c/ Russie du 6 juillet également (n° 66180/09) qui stigmatise, grâce à la combinaison de l’article 14 avec l’article 8, une différence d’accès au congé parental entre policiers et policières. Enfin l’arrêt Tkhelidze c/ Géorgie du 8 juillet (n° 33056/17) qui a conclu à une violation de l’article 2 consacrant le droit à la vie combiné avec l’article 14 et dénoncé une défaillance systémique parce que l’inaction de la police (due à des préjugés sexistes) qui avait échoué à empêcher des violences domestiques fondées sur le genre, avait abouti à l’assassinat d’une jeune femme.

En outre, il se trouve à l’arrière-plan de l’important arrêt Fedotova c/ Russie du 13 juillet (n° 40792/10, AJ fam. 2021. 495, obs. M. Saulier image) où la Cour, ayant constaté que l’impossibilité pour les couples homosexuels de faire reconnaître officiellement leur relation violait l’article 8, ne s’est pas donné la peine de préciser qu’il y avait aussi violation de l’article 8 avec l’article 14.

Le stockage de produits radioactifs

Malgré le silence complet de la Convention sur l’environnement, la Cour de Strasbourg a su adapter sa jurisprudence aux exigences de plus en plus pressantes de sa protection par de célèbres et audacieux arrêts tels que Lopez Ostra c/ Espagne du 9 décembre 1994, Tatar c/ Roumanie du 27 janvier 2009 ou, plus récemment, Cordella c/ Italie du 24 janvier 2019. Un arrêt Association Burestop et 55 autres c/ France du 1er juillet (n° 56176/18, AJDA 2021. 1416 image), rendu à la requête d’associations de protection de l’environnement hostiles au projet de création d’un centre de stockage de produits radioactifs sur le site de Bure, lui offrait l’occasion de confirmer son dynamisme environnemental.

Or, elle a négligé de la saisir. Certes, elle a jugé que les requérants avaient été victimes d’une violation de l’article 6, § 1er, en raison d’une restriction disproportionnée de leur droit de saisir un tribunal pour contester le projet. Cependant, elle a refusé l’essentiel : dresser un constat de violation de l’article 10 par application de sa récente jurisprudence Magyar Helsinki Bizottsag c/ Hongrie du 8 novembre 2016 suivant laquelle l’article 10 de la Convention qui n’ouvre pas un droit général d’accès aux informations détenues par les autorités, peut néanmoins, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, garantir un droit de cette nature et une obligation pour les autorités de communiquer des informations. Elle a en effet estimé que les recours exercés devant les juridictions nationales leur avaient permis, en dépit de motivations qui n’étaient pas exemptes de toute critique, d’en savoir assez sur les potentialités géothermiques du site de Bure présentant un lien avec le risque nucléaire provoqué par le projet de stockage. Dans la mesure où l’arrêt Cangi c/Turquie du 29 janvier 2019 avait expressément précisé que la jurisprudence Magyar Helsinki Bizottsag vaut notamment pour l’accès à des informations relatives à des projets dont la réalisation est susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, la motivation, très compréhensive pour l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, de l’arrêt Association Burestop c/ France, lui donne malheureusement l’allure d’un arrêt régressif.

La protection des journalistes

La protection des journalistes ne relève pas que du seul droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 qui a reçu une nouvelle application dans l’arrêt Sic c/ Portugal du 27 juillet (n° 29856/13) en faveur d’une société de médias qui avait été condamnée pour diffamation d’une personnalité après la diffusion d’un reportage l’accusant d’avoir participé à un réseau pédophile. En effet, la Cour stigmatise aussi les atteintes à d’autres droits de l’homme par lesquelles les autorités tentent de les empêcher de jouer pleinement leur rôle de chiens de garde d’une société démocratique.

C’est ce dont aideront à se convaincre, l’arrêt Azer Ahmadov c/ Azerbaïdjan du 22 juillet (n° 3409/10) concluant à une violation de l’article 8 parce qu’un journaliste avait été placé sur écoutes téléphoniques ; l’arrêt D. c/ Bulgarie du 20 juillet (n° 29447/17) qui a constaté une violation de l’article 3 prohibant les traitements inhumains ou dégradants dans le cas de l’arrestation à la frontière et du renvoi vers son pays d’origine d’un journaliste qui fuyait la persécution politique à laquelle sa profession l’exposait particulièrement et l’arrêt Mammadov et Abbasov c/ Azerbaïdjan du 8 juillet (n° 1172/12) stigmatisant, au regard de l’article 5, § 1er, le placement en garde à vue pendant une heure d’un reporter spécialisé dans la protection des droits…des journalistes. Dans cette affaire, des constats de violation de l’article 10 ont également été dressés en raison de la saisie par la police du matériel qui leur aurait permis de réaliser des enregistrements.

L’arrêt le plus original de la série est probablement l’arrêt Norman c/ R-U du 6 juillet (n° 41387/17) qui met en place une sorte de réversibilité de la protection des sources journalistiques. En l’espèce un journaliste avait révélé l’identité de sa source car il s’agissait d’un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire qui fournissait des informations en échange d’argent. Déclaré pénalement coupable de comportement fautif par un agent public dans l’exercice de ses fonctions, la source dévoilée, qui n’avait jamais imaginé que son activité auprès d’un journaliste lui vaudrait des poursuites pénales, se plaignait d’une violation de l’article 7 consacrant le principe pas de peine sans loi et de l’article 10 parce qu’elle estimait avoir droit à une protection en tant que source journalistique. Or la Cour n’a constaté de violation ni de l’un ni de l’autre article ; solution qui abandonne la protection des sources journalistiques à la pure discrétion du journaliste.

Absent ou en retrait dans les arrêts relatifs à la protection des journalistes, l’article 10, d’ordinaire si envahissant, s’est montré relativement discret au cours de la période étudiée. À peine s’est-il illustré dans l’arrêt Gachechiladze c/ Géorgie du 22 juillet (n° 2591/19) où il a été jugé qu’une condamnation en raison d’une publicité pour des préservatifs en avait constitué une violation et dans l’arrêt Uçdag c/ Turquie du 31 août (n° 23314/10) ou il a servi à dénoncer la condamnation d’un imam en raison d’une publication sur Facebook.

La protection des détenus

En juillet-août 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu quelques arrêts intéressants relatifs à la détention provisoire. Il s’agit surtout de l’arrêt Akgün c/ Turquie du 20 juillet (n° 19699/18) qui a constaté des violations de l’article 5, §§ 1, 3 et 4 parce que l’utilisation d’une messagerie cryptée, en l’occurrence ByLock, n’avait pas pu suffire, en elle-même, à rendre plausible l’appartenance à une organisation terroriste et à justifier cette privation de liberté. Il s’agit encore de l’arrêt Kazilov c/ Russie du 6 juillet (n° 2599/18) relevant une violation de l’article 1er du Protocole n° 1, qui garantit le droit au respect des biens, en raison de la rétention de la caution entre le prononcé du jugement de condamnation et le prononcé du jugement d’appel malgré le placement immédiat en détention.

Dans l’arrêt Nechay c/ Ukraine du 1er juillet (n° 15360/10) et dans l’arrêt Badalayan c/ Azerbaïdjan du 22 juillet (n° 21295/11) où elle a constaté des violations des articles 3 et 5 parce qu’un civil, indûment confondu avec un prisonnier de guerre, avait été retenu en captivité pendant vingt-deux mois, la Cour s’est également montrée très attentive à la durée de la détention. Dans un ordre d’idées presque voisin, on remarquera l’arrêt Avanesyan c/ Arménie du 20 juillet (n° 12999/15) estimant qu’une condamnation à deux ans et six mois d’emprisonnement d’un objecteur de conscience au service militaire avait violé son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion consacré par l’article 9.

L’indignité des conditions de détention avant ou après condamnation définitive a continué à mobiliser l’attention de la Cour. Ainsi son arrêt Sili c/Ukraine du 8 juillet (n° 42903/14) a constaté qu’elles étaient tellement épouvantables que, comme dans beaucoup d’autres États membres du Conseil de l’Europe, elles emportaient violation de l’article 3. On accordera une particulière attention à l’arrêt Polgar c/ Roumanie du 20 juillet (n° 39412/18) par lequel elle fait le point sur les retombées de son arrêt pilote Rezmivez du 25 avril 2017 par lequel elle demandait aux autorités roumaines de prendre les mesures nécessaires pour endiguer la dérive systémique constatée en matière de conditions de détention. Le bilan est encourageant puisque des mesures destinées à réduire le phénomène de surpopulation carcérale ont été effectivement mises en œuvre, mais insuffisant pour empêcher de nouveaux constats de violation de l’article 3. La procédure de l’arrêt pilote pourrait donc être créditée d’une efficacité relative.

Dans ce contexte jurisprudentiel favorable à l’amélioration des conditions de vie des détenus, qui même définitivement condamnés, doivent seulement être privés de liberté, certains pourront s’étonner du maintien, par l’arrêt Leslaw Wojik c/ Pologne du 1er juillet (n° 66424/09), de la jurisprudence Aliev c/ Ukraine du 29 avril 2003 justifiant le refus par les autorités pénitentiaires d’autoriser des visites conjugales pendant la détention.

Les droits procéduraux

L’article 6, § 1er, est une véritable corne d’abondance de droits procéduraux donnant lieu à des applications un peu routinière qui sont un peu trop systématiquement passées sous silence. Pour la période couverte par cette tentative de synthèse, quelques-unes méritent d’être signalées. La plus importante se trouve sans doute dans l’arrêt Bio Farmland Betriebs s.r.l c/ Roumanie du 13 juillet (n° 43639/17) qui n’hésite pas à prêter main forte à la Cour de Justice de l’Union européenne en jugeant que le rejet insuffisamment motivé d’une demande de renvoi préjudiciel devant elle constitue une violation du droit à un procès équitable. Il faut également mentionner les arrêts Maesri c/ Italie du 8 juillet (n° 20903/15), X. c/ Pays-Bas du 27 juillet (n° 7263/17) et Karrar c/ Belgique du 31 août (n° 61344/16) qui ont dressé des constats de violation de l’article 6, § 1er, respectivement parce qu’il avait été refusé d’ordonner en appel une nouvelle audition de témoins à charge ; parce qu’il avait été impossible pour le requérant d’assister à l’audience d’appel et parce que le président d’une cour d’assises avait pris des contacts avec la mère des victimes.

L’article 6 n’est pas le seul à consacrer des droits procéduraux. Cette fois-ci l’article 2 du Protocole n° 7 qui consacre le droit à un double degré de juridiction en matière pénale et, surtout, l’article 4 du Protocole n°7 qui proclame celui à ne pas être puni et jugé deux fois, lui ont fait un peu d’ombre. Le premier nommé a permis, dans un arrêt Y.B. c/ Russie du 20 juillet (n° 71155/17) de dénoncer une impossibilité de faire appel contre une condamnation pour pédopornographie. Quant au second, il a donné lieu à un florilège d’arrêts et de décisions aux solutions contrastées : décision d’irrecevabilité Matijasic c/ Croatie du 1er juillet (n° 38771/15) suivant laquelle les points de pénalité et l’interdiction de conduire subséquente ne constituent pas une double peine ; arrêt Galovic c/ Croatie du 31 août (n° 45512/11) qui apporte une contribution remarquable à la lutte contre le fléau des violences conjugales, en estimant qu’une approche globale et cohérente du phénomène permettait de sanctionner des actes de violence ponctuels et un comportement habituel par une réponse pénale plus grave sans contrevenir au principe non bis in idem ; arrêts Milosevic c/ Croatie du 31 août (n° 12027/16) et Bragi Gudmundur Kristjansson c/ Islande (n° 12951/18), tous les deux du 31 août, qui, eux ont constaté que le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois avait été bafoué, dans le premier cas parce que le requérant avait subi à la fois une condamnation pour utilisation illégale de mazout et l’imposition d’un droit d’accise ; dans le second parce qu’il y avait eu en même temps majoration fiscale et condamnation pénale pour infractions fiscales majeures.

Divers

On pourrait encore citer plusieurs arrêts mettant en cause le comportement de la police. On retiendra à titre d’exemple l’arrêt Abdulkhanov c/ Russie du 6 juillet (n° 35012/10) qui a dû constater que des brutalités policières avaient violé à la fois l’article 2 et l’article 3.

Les litiges d’ordre familial continuent à provoquer des constats de violation de l’article 8 comme dans l’arrêt Neves Caratao Pinto c/ Portugal du 13 juillet (n° 28443/19) relatif au droit de visite.

L’article 1er du Protocole n° 1 consacrant le droit au respect des biens est lui aussi souvent sollicité. Il est d’ailleurs au cœur d’un arrêt important qui témoigne d’une certaine compréhension à l’égard des politiques répressives : l’arrêt Todorov c/ Bulgarie du 13 juillet (n° 50705/11) suivant lequel la confiscation d’avoirs criminels présumés est conforme à l’intérêt général mais peut être disproportionnée en l’absence d’examen du lien entre les biens et l’activité criminelle présumée.

(Original publié par Dargent)
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vendredi 26 avril 2024

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