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Auteur d'origine: Dargent

La transition des anciennes vers les nouvelles institutions représentatives du personnel ne va pas sans son lot de difficulté d’articulation, en particulier lorsque sont en jeu des accords relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel conclus sous l’empire du droit ancien. Si des dispositions transitoires sont expressément prévues concernant notamment les accords visant les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, en prévoyant que ceux-ci « cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique » (Ord. n° 2017-1386 du 22 sept. 2017, art. 9-VII), quid des accords instituant un comité de groupe, non expressément visés par le texte ? La question se pose avec une acuité renforcée en ce que cette instance ne voit ni son nom ni son régime remis sérieusement en cause par la réforme. C’est précisément sur cette dernière question que l’arrêt du 27 janvier 2021 nous apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, une société bancaire a conclu un accord en 2003 portant sur la mise en place d’un comité de groupe, prévoyant que les membres seraient désignés tous les trois ans par les organisations syndicales représentatives parmi les élus aux comités d’entreprise, d’établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe.

Mise en place d’un comité de groupe dont les membres sont désignés parmi les élus aux comités d’entreprise, d’établissement ou délégations uniques des entreprises

En 2019, l’employeur invita les organisations syndicales représentatives à désigner les membres du comité de groupe au regard des dernières élections professionnelles. Le syndicat CFDT a par la suite saisi le tribunal d’instance aux fins...

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Auteur d'origine: Dechriste

Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l’exécution des arrêtés du maire de Perpignan autorisant l’ouverture de quatre musées de la ville. Sans surprise, puisque les arrêtés en litige ont été pris alors que le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales...

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Auteur d'origine: pastor

En tant que lien contractuel, la relation de travail n’est pas immuable et chacune des parties au contrat est libre d’y mettre un terme pour des raisons et dans des circonstances diverses. Si le licenciement et la démission sont perçus comme les modes « classiques » de rupture du contrat de travail, des modes « alternatifs » se sont progressivement développés afin de tenir compte de la réalité, souvent complexe, du rapport contractuel entre employeur et salarié. La prise d’acte de rupture et la résiliation judiciaire du contrat de travail ont ainsi vu le jour. Cette multitude de possibilités pose la délicate question de l’articulation des modes de rupture du contrat de travail. En effet, il arrive parfois que l’employeur et le salarié aient chacun pris l’initiative de la rupture, pour des raisons exclusives et autonomes, mais de manière quasi-simultanée. Les procédures en viennent à se superposer, à s’entremêler, générant par là même d’inévitables problématiques. L’arrêt soumis à l’étude nous en donne une juste illustration.

En l’espèce, une salariée avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral, discrimination et inégalité de traitement. Quelques mois plus tard, et alors que la procédure suivait son cours, la salariée était licenciée pour cause réelle et sérieuse. Estimant que la rupture du contrat de travail était directement liée à son action en justice, la salariée contestait le bien-fondé de son licenciement et maintenait par ailleurs la demande de résiliation judiciaire introduite initialement. Par arrêt du 29 juin 2020, la cour d’appel de Versailles écartait la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail au motif que ni le grief de harcèlement moral ni celui de discrimination n’étaient établis. Néanmoins, les juges retenaient la nullité du licenciement dès lors qu’il s’apparentait à une sanction des accusations de harcèlement moral émanant de la salariée. Par conséquent, la cour d’appel ordonnait la réintégration de la salariée et condamnait l’employeur au paiement d’une indemnité d’éviction et de dommages-intérêts au titre de la nullité de son licenciement. La salariée décidait de se pourvoir en cassation pour avoir été déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de la discrimination qu’elle estimait avoir subie. En parallèle, son employeur formait un pourvoi incident afin de contester la nullité du licenciement et les conséquences pratiques de la décision, à savoir la réintégration et le paiement d’indemnités diverses. C’est ce dernier point qui aura toute notre attention.

Pour l’employeur, la cour...

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Auteur d'origine: Dechriste

par Emmanuelle Maupinle 16 février 2021

CE, ord., 5 févr. 2021, Association Robin des Lois, req. n° 449081

Le juge reconnaît que la « situation des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires justifie une vigilance particulière ». Pour autant, « la décision de ne pas inscrire l’ensemble de ces personnes parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues pour la vaccination et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et...

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Auteur d'origine: emaupin
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Considérés comme surexposés au risque de sanction à raison de leur démarche d’ « opposition », les salariés qui exercent un mandat électif ou désignatif se sont vus reconnaître un statut protecteur. Cette protection réside dans une procédure dissuasive qui oblige l’employeur à solliciter une autorisation administrative lorsqu’il souhaite licencier un salarié protégé. Ce statut n’est autre qu’une garantie contre toute mesure discriminatoire, prononcée à raison de la participation à des activités de représentation des salariés ou syndicales. Institué en 1946 (loi n° 46-730 du 16 avr. 1946 fixant le statut de délégué élu du personnel dans l’entreprise) et consacré sur le plan international (Convention OIT n° 135 concernant les représentants des travailleurs) et européen (article 28 de la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961), ce statut protecteur couvre divers bénéficiaires (C. trav., art. L. 2411-1) comme le membre élu au CSE, le délégué syndical, le représentant syndical au CSE, le défenseur syndical, le conseiller prud’hommes ou encore le conseiller du salarié dont il sera ici question.

La protection du conseiller du salarié court normalement à compter du jour où la liste sur laquelle il figure est arrêtée dans le département par le Préfet et s’étend 12 mois après la fin du mandat (Soc. 27 janv. 2010, n° 08-44.376, D. 2010. 384, obs. L. Perrin ). S’agissant d’un mandat extérieur à l’entreprise, le salarié doit en informer son employeur s’il souhaite pouvoir bénéficier de la protection associée à son mandat et ce, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement (Soc. 14 sept. 2012, n° 11-21.307, D. 2012. 2179 ; RDT 2013. 48, obs. J.-M. Verdier ; Constitutions 2012. 624, obs. C. Radé ; 14 sept. 2012, n° 11-28.269, Dr. soc. 2013. 362, chron. G. Dumortier, P. Florès, A. Lallet et Y. Struillou ; Constitutions 2012. 624, obs. C. Radé ). À défaut, l’employeur ne peut se voir reprocher une violation du statut protecteur (Cons. const. 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC, D. 2012. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2012. 796, note J. Bonnet ; Constitutions 2012. 459, chron. C. de Radé ; RSC 2012. 871, obs. A. Cerf-Hollender ). Néanmoins, cette protection est susceptible de prendre effet avant même l’inscription du salarié sur la liste préfectorale si celui-ci fait la preuve que son employeur a eu connaissance de sa désignation prochaine en qualité de conseiller du salarié. À ce titre, une circulaire administrative (Circ. DRT nº 91/16 du 5 sept. 1991)...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Parmi les règles gouvernant l’exercice du droit syndical figure celle énoncée par l’article L. 2141-10 du code du travail qui permet la conclusion de conventions et d’accords collectifs plus favorables que la loi.

Face au taux particulièrement faible d’adhésion des salariés aux organisations syndicales, certains employeurs se saisissent de cette possibilité pour favoriser l’implantation syndicale dans l’entreprise.

À titre d’illustration, le nombre de délégués syndicaux peut être augmenté (Soc. 20 mars 2001, n° 99-60.496 P, Dr. soc. 2001. 568, obs. J. Savatier ), des moyens de fonctionnement ou d’action supplémentaires peuvent leur être octroyés (Soc. 23 juin 1999, n° 96-44.717 P, D. 1999. 191 ), des délégués syndicaux centraux peuvent être institués dans les cas où les dispositions légales n’ont pas rendu obligatoire cette institution ou une partie des cotisations des adhérents peut être prise en charge par l’employeur.

Tel était le cas dans l’affaire jugée le 27 janvier 2021. En l’espèce un accord collectif signé au sein d’une unité économique et sociale prévoyait le remboursement aux salariés syndiqués, par les sociétés composant cette UES et par l’intermédiaire des syndicats et d’un organisme tiers, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées aux syndicats représentatifs, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu.

Suite au recours en référé d’un syndicat, la cour d’appel de Paris avait suspendu l’application de ces dispositions conventionnelles. La Cour de cassation confirme cette suspension, jugeant qu’un tel financement par l’employeur d’une partie des cotisations au profit des seules organisations syndicales cause un trouble manifestement illicite.

Conditions de validité présidant à une prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles

La Haute juridiction en profite pour préciser les conditions de validité présidant à la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles.

En premier lieu, le dispositif conventionnel ne doit porter aucune atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, laquelle est consacrée par les dispositions de l’article L. 2141-1 du code du travail.

En second lieu, l’accord ne doit pas permettre à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales. Cette condition tire sa raison d’être du principe de non-discrimination issu des articles L. 1132-1 du code du travail et 225-1 du code pénal en vertu desquels l’employeur ne peut se fonder sur les activités syndicales d’un salarié pour arrêter une décision.

En troisième lieu, la prise en charge des cotisations doit bénéficier tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise. Cette exigence apparaît conforme aux dispositions de l’article L. 2141-7 du code du travail qui interdit à l’employeur ou son représentant d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale. En l’espèce, il est constant que l’accord favorisait les organisations syndicales représentatives, dès lors qu’elles étaient seules concernées par la prise en charge des cotisations des salariés par l’employeur. À l’inverse, les organisations syndicales non représentatives, exclues du dispositif, s’en trouvaient nécessairement défavorisées.

Enfin, le montant de la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales, au regard du critère d’indépendance visé à l’article L. 2121-1 du code du travail. Cette condition a pour elle la logique. L’indépendance d’un syndicat, critère de sa représentativité et même de son existence, s’entend d’une indépendance financière et d’une indépendance à l’égard de l’employeur (Soc. 26 février 2020, nos 19-19.397 et 19-19.492, Dr. soc. 2021. 82, note F. Petit ). Les cotisations prennent une part importante dans le financement des organisations syndicales. Leur prise en charge exclusive par l’employeur induit une emprise de ce dernier sur les organisations syndicales dont l’indépendance se trouve alors largement altérée.

Auteur d'origine: Dechriste

La question de la maternité est à part dans les dynamiques de non-discrimination et d’égalité entre les sexes. Différence objective, elle permet la mise en place d’une protection qui ne s’adresse qu’aux femmes. Cependant, cette différence est aussi celle qui conduit une femme à s’éloigner du monde du travail. Or, cette situation, alliée à un sexisme plus ou moins latent, est source de nombreuses discriminations. Dès lors, même la prise en charge de la différence biologique peut prêter le flanc à un constat de discrimination.

C’est ce que démontre l’arrêt Jurčić c/ Croatie rendu le 4 février 2021 par la Cour européenne des droits de l’homme. En constatant à l’unanimité une violation de l’article 1er du protocole 1er combiné avec l’article 14 à propos du refus de couverture maladie professionnelle à une femme enceinte, la Cour parvient à mettre en lumière les préjugés liés à la maternité et aux difficultés d’accès à celle-ci.

Dans les faits, la requérante a suivi un processus de fécondation in vitro (FIV) et a signé, quelques jours après une insémination, un contrat de travail pour un emploi à 360 km de son domicile. Ayant eu le bonheur de tomber enceinte, elle demande une vingtaine de jours après son embauche à bénéficier du versement d’une indemnité salariale en raison d’un arrêt de travail lié à des complications dans sa grossesse gémellaire. Cependant, les autorités refusent finalement son inscription en tant que salariée assurée et dès lors le versement de la prestation. La situation relèverait en effet d’une embauche fictive puisque, même si la requérante ne connaissait pas son état, il lui avait été conseillé lors de l’insémination de se reposer pour améliorer les chances de réussite de l’opération. Autrement dit, la salariée aurait commis une fraude en signant un contrat de travail uniquement pour profiter de la couverture d’assurance professionnelle. Ce traitement réservé par les autorités d’assurance à la requérante soulève la question d’une éventuelle discrimination en liaison avec la grossesse.

Confrontée pour la première fois à cette question (jusqu’à présent, elle n’a traité cette question que de manière...

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Auteur d'origine: Dargent
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L’exercice d’un mandat représentatif au sein d’une entreprise consomme du temps. Or le temps consacré par un salarié à son entreprise ne peut être pensé sans envisager la question de sa rémunération. Ainsi un principe jurisprudentiel constant prévoit-il que l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical, qui ne peut être privé du fait de l’exercice de son mandat du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire ; le code du travail précisant que le temps passé en délégation « est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale » (pour le CSE, v. art. L. 2315-10). Cette règle d’apparence simple n’est toutefois pas sans susciter un certain nombre de difficultés, notamment sur le sujet précis des temps de trajet. Il est acquis que les indemnités de déplacement compensant une sujétion particulière liée à l’emploi du salarié doivent être versées lorsque le salarié exerce son mandat (Soc. 22 janv. 2002, n° 99-45.017 D ; 11 mars 2009, n° 08-40.132, JCP S 2009. 1363 note J.-Y. Kerbourc’h ; 20 nov. 2012, n° 11-22.491 ; 17 janv. 2013, n° 11-17.745 P, D. 2013. 257 ; 26 juin 2013, n° 12-19.515 D ; 25 nov. 2015, n° 14-15.148 P, RJS 2/2016, n° 129). Mais quid du temps de trajet domicile-travail, en particulier lorsque celui-ci excède le temps normal de déplacement ? C’est sur cette question que l’arrêt du 27 janvier 2021 invite à porter l’attention.

En l’espèce, un salarié recruté par une entreprise aéronautique en qualité de monteur câbleur y exerçait par ailleurs plusieurs mandats de représentant du personnel. Aussi bénéficiait-il à ce titre d’une délégation mensuelle de 55 heures ?

L’intéressé a, en 2015, contesté par courrier adressé à l’employeur le fait que les temps de trajet inhérents à l’exercice de ses fonctions de représentant syndical du personnel ne soient pas intégralement payés et décomptés comme temps de travail effectif pour lui permettre de bénéficier du régime des heures supplémentaires et des primes sur heures supplémentaires.

La société lui répondit en se prévalant des dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail, affirmant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Insatisfait de cette réponse, le représentant du personnel a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur trajets sous le régime d’heures supplémentaires.

Les juges du fond le déboutèrent de sa demande, estimant qu’il ne pouvait pas prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de déplacement professionnel liés à l’exercice de ses mandats de représentation dans la mesure où celles-ci dépassaient le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, sous le visa des textes applicables antérieurement à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 casser l’arrêt d’appel et réaffirmer le principe selon lequel les heures de délégation des délégués syndicaux et des représentants du...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Alors que des salariés licenciés pour motif économique avaient intenté une action en responsabilité extra-contractuelle à l’encontre d’une banque ayant accordé des crédits ruineux à leur employeur et concouru à leur licenciement, la chambre sociale a eu à se prononcer sur l’objet des indemnités de licenciement déjà perçues par ces salariés – indemnité légale et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – et sur les préjudices réparés par celles-ci.

En l’espèce, une société avait, après un redressement judiciaire, licencié une partie de ses salariés pour motif économique dans le cadre d’un plan de cession partielle, le 29 avril 2004. Certains d’entre eux avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité de leur licenciement. Par des arrêts des 29 janvier et 19 mars 2009, la cour d’appel avait considéré que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse au motif que le plan de sauvegarde de l’emploi était insuffisant au regard des moyens de l’actionnaire de la société et que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement.

En parallèle, les commissaires à l’exécution du plan de la société avaient assigné en responsabilité une banque lui ayant octroyé des crédits ruineux et ayant, par conséquent, aggravé les difficultés économiques à l’origine des licenciements. Les salariés licenciés étaient intervenus volontairement à l’instance pour demander la réparation des préjudices, économique (perte de salaire pour l’avenir) et moral, nés de la perte de leur emploi et de leurs conditions de travail ainsi que la perte de chance d’un retour à l’emploi « optimisé ou équivalent ».

Par un arrêt du 2 juin 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel ayant retenu que la responsabilité de la banque était engagée envers les créanciers, mais ayant déclaré irrecevable l’intervention volontaire des salariés (Com. 2 juin 2015, n° 13-24.714, Dalloz actualité, 4 juin 2015, obs. A. Lienhard ; D. 2015. 1970, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; ibid. 2205, chron. S. Tréard, T. Gauthier et F. Arbellot ; Just. & cass. 2016. 211, avis ). La cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi le 21 juin 2018, a déclaré recevable cette intervention tout en déboutant les salariés de leurs demandes au motif que les préjudices allégués avaient déjà été indemnisés et qu’ils n’étaient pas fondés à demander deux fois l’indemnisation des mêmes préjudices.

Les salariés ont formé un pourvoi en cassation. Ils considéraient que leur demande, fondée sur le principe de réparation intégrale, visait à faire condamner la banque, dont la faute avait concouru à la réalisation du dommage, au paiement de dommages-intérêts venant réparer des préjudices distincts de ceux déjà indemnisés. Selon le moyen, les indemnités de licenciement ne les indemnisaient nullement des préjudices distincts dont ils demandaient la réparation dans le cadre de l’action en responsabilité extra-contractuelle intentée à l’encontre de la banque. Ils sollicitaient précisément « une somme équivalente aux rémunérations qu’ils auraient dû percevoir depuis leur licenciement, auxquelles s’ajoutait un montant devant couvrir le préjudice lié à la perte des conditions de travail et d’évolution de leur rémunération en raison de leurs ancienneté et compétences (15 000 €), de laquelle étaient retranchée 24 mois de droits Pôle emploi, outre les dommages et intérêts perçus en suite des arrêts rendus par la chambre sociale de la cour d’appel de Paris ».

Le 27 janvier 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que les juges du fond, « ayant constaté que les salariés licenciés pour motif économique avaient bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement », avaient justement déduit « que les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au plan de sauvegarde de l’emploi avaient déjà été indemnisés ». Cette solution découle des précisions données par les juges du Quai de l’Horloge sur l’objet des différentes indemnités déjà perçues par les salariés licenciés.

L’indemnité légale de licenciement. La chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la nature de l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L. 1234-9). Elle a pu préciser que cette indemnité trouvait sa source non dans l’exécution du contrat mais dans sa rupture. N’étant pas la contrepartie de la prestation de travail, elle n’a pas la nature de salaire (Soc. 22 mai 1986, n° 83-42.341 ; 20 oct. 1988, n° 85-45.511) mais de dommages-intérêts (Soc. 14 mars 1991, n° 89-10.366). Cette nature justifie que cette indemnité ne soit pas imposable (CGI, art. 80 duodecies) et soit exonérée de cotisations sociales (CSS, art. L. 242-1).

Pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, « l’indemnité de licenciement versée au salarié est la contrepartie du droit de résiliation unilatérale dont dispose l’employeur » et a « pour cause exclusive la rupture du contrat de travail » (Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-30.566, Dalloz actualité, 20 avr. 2011, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2011. 543, obs. P. Jourdain ). Elle n’a donc pas à être prise en compte, par exemple, pour évaluer la perte des gains professionnels de la victime d’un accident de la circulation dans un contentieux l’opposant à son assureur (Civ. 2e, 11 oct. 2007, n° 06-14.611, D. 2008. 582 , note J. Mouly ; RTD civ. 2008. 111, obs. P. Jourdain ). Dans l’arrêt commenté, la chambre sociale donnait pour la première fois une définition de l’indemnité légale de licenciement, reprenant celle retenue par la deuxième chambre civile : « il résulte de l’article L. 1234-9 du code du travail que l’indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont forfaitaires, est la contrepartie du droit de l’employeur de résiliation unilatérale du contrat de travail ».

Cette indemnité est donc la contrepartie directe de la rupture du contrat en tant que décision de l’employeur, faisant usage de son droit de résiliation unilatérale du contrat. Cela justifie que le salarié soit privé de cette indemnité lorsqu’il a commis une faute grave (C. trav., art L. 1234-9), c’est-à-dire lorsque la rupture a pour origine un manquement du salarié rendant impossible la poursuite du contrat de travail (Soc. 27 sept. 2007, n° 06-43.867, Dalloz actualité, 10 oct. 2007, obs. A. Fabre ; D. 2007. 2538 ; ibid. 2008. 442, obs. G. Borenfreund, F. Guiomard, O. Leclerc, E. Peskine, C. Wolmark, A. Fabre et J. Porta ; RDT 2007. 650, obs. G. Auzero ). La rupture n’apparaît alors plus comme une décision de l’employeur, mais comme une réaction nécessaire aux agissements d’un salarié fautif.

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale rappelle ensuite l’objet de l’indemnité perçue par un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse : « il résulte par ailleurs de l’article L. 1235-3 du même code que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi ». Ce faisant, elle s’inscrit dans le prolongement de sa jurisprudence (Soc. 13 sept. 2017, n° 16-13.578, Dalloz actualité, 27 oct. 2017, obs. B. Ines ; D. 2017. 1766 ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; Dr. soc. 2017. 1074, obs. J. Mouly ).

Cette définition permet au salarié licencié de demander l’indemnisation de préjudices qui seraient distincts de ceux résultant du licenciement (Soc. 17 juill. 1996, n° 93-46.564). Il peut par exemple prétendre à une indemnisation supplémentaire lorsque le licenciement est prononcé par l’employeur dans des conditions vexatoires (Soc. 27 nov. 2001, n° 99-45.163, D. 2002. 255 ; Soc. 16 déc. 2020, n° 18-23.966, Soc., 16 déc. 2020, n° 18-23.966, D. 2021. 22 ; RDT 2021. 46, obs. D. Baugard ). Il en va de même des préjudices indirectement nés de la rupture, comme la perte du droit de lever des stock-options lorsque ce droit est conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise à une date déterminée (Soc. 29 sept. 2004, n° 02-40.027, D. 2004. 2656, et les obs. ; Rev. sociétés 2005. 396, note B. Saintourens ; RTD civ. 2005. 396, obs. J. Mestre et B. Fages ), ou la perte de chance de bénéficier d’un avantage retraite (par ex., une « retraite chapeau », Soc. 31 mai 2011, n° 09-71.350, Dalloz actualité, 24 juin 2011, obs. A. Astaix ; D. 2011. 1623 ).

Les préjudices directement liés à la rupture injustifiée du contrat de travail sont en revanche déjà indemnisés par l’indemnité octroyée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Celle-ci répare notamment « les conséquences de la survenance de la perte injustifiée d’emploi » (Soc. 24 mai 2018, n° 16-18.307). En l’espèce, les salariés demandaient l’indemnisation des préjudices causés par la perte de leur emploi et la perte de chance d’un retour à l’emploi optimisé en raison d’un plan de sauvegarde de l’emploi non proportionné aux moyens financiers du groupe. Pour les juges du fond, dont l’analyse a été confirmée par la Cour de cassation, ces préjudices, directement causés par la rupture du contrat de travail, avaient déjà été réparés par les indemnités perçues.

Principe de réparation intégrale. Dans sa note explicative, la chambre sociale invoque le principe de réparation intégrale obligeant à réparer tout le préjudice subi (Soc. 23 nov. 2005, n° 03-40.826, D. 2005. 3037 ) mais interdisant d’accorder une réparation supérieure au dommage (Soc. 24 mai 2018, n° 16-18.307, préc.) ou d’indemniser deux fois le même préjudice (Soc. 25 sept. 2013, n° 12-20.256, Dalloz actualité, 17 oct. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 2278 ; Dr. soc. 2014. 79, obs. A. Mazeaud ; hors droit du travail, v. Civ. 1re, 20 nov. 1990, n° 87-19.564, D. 1991. 455 , note J.-L. Aubert ; RTD civ. 1991. 349, obs. P. Jourdain ). Si les préjudices invoqués par les salariés avaient déjà indemnisés, ces derniers ne pouvaient donc pas demander la mise en jeu de la responsabilité extra-contractuelle de la banque fautive.

Quid des indemnités plafonnées ? Il convient de noter qu’en l’espèce, les salariés avaient été indemnisés sur le fondement des textes antérieurs aux ordonnances du 22 septembre 2017 : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était alors calculée en fonction du préjudice effectivement subi par les salariés licenciés et ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois. En d’autres termes, le préjudice résultant de la rupture injustifiée du contrat de travail avait déjà été intégralement réparé. Un salarié licencié aujourd’hui dans les mêmes conditions percevrait une indemnité plafonnée en fonction de son ancienneté dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1235-3).

Faut-il en conclure que cet arrêt ferme la porte à toute possibilité d’obtenir une réparation intégrale du préjudice subi lorsque celui-ci est plus important que le plafond d’indemnisation fixé par le code du travail ? Une action en responsabilité délictuelle, encouragée par la jurisprudence restrictive sur le coemploi (Soc. 2 juill. 2014, n° 13-15.208 à n° 13-21.153, Dalloz actualité, 18 sept. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 1502 ; ibid. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Rev. sociétés 2014. 709, note A. Couret et M.-P. Schramm ; RDT 2014. 625, obs. M. Kocher ; Rev. crit. DIP 2015. 594, note F. Jault-Seseke ), ne pourrait-elle pas être l’occasion pour des salariés licenciés de demander la réparation de la part du préjudice non couverte par l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Une telle solution permettrait aux salariés, sans augmenter la charge financière du licenciement pour l’employeur, d’obtenir une réparation adéquate de leur préjudice lorsque des fautes commises par des tiers ont concouru à la rupture de leur contrat.

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Compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire, le gouvernement a estimé qu’il convenait de prolonger cet état d’urgence et de maintenir des mesures d’exception. En raison de la « caducité » de ce régime exceptionnel prévue par la loi du 23 mars 2020, qui a fixé la date d’extinction au 1er avril 2021, le gouvernement a déposé le 13 janvier 2021 le projet de loi prorogeant l’état d’urgence.

Celui-ci a été définitivement adopté le 9 février 2021. Il s’agit là du cinquième texte adopté concernant l’état d’urgence sanitaire. Si, dans l’ensemble, députés et sénateurs se sont accordés sur la nécessité d’accorder au gouvernement des marges de manœuvre pour faire face à l’épidémie, certaines modalités pratiques n’ont pas pu faire l’objet d’un consensus entre les deux chambres. Cela a conduit le Sénat à rejeter ce texte, notamment en raison de l’absence d’un contrôle parlementaire renforcé sur les restrictions apportées aux libertés des Français. Le dernier mot a donc été donné à l’Assemblée nationale.

Dans le détail, le texte adopté comprend six articles :

L’article 1er repousse, jusqu’au 31 décembre 2021, la clause de caducité du régime d’état d’urgence sanitaire. Cela signifie que l’état d’urgence sanitaire pourra être mis en place jusqu’à cette date. Cela ne signifie pas pour autant que celui-ci sera prorogé automatiquement : après sa déclaration initiale par décret en conseil des ministres pour une durée de quatre semaines, sa prorogation demeure conditionnée au vote du Parlement.

L’article 2 proroge, jusqu’au 1er juin 2021, l’état d’urgence sanitaire. Cet état d’urgence sanitaire permet de prendre des mesures de protection contraignantes. Il ouvre au Premier ministre la possibilité de prendre, par décret, neuf mesures expressément prévues limitant la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion et la liberté d’entreprendre, aux seules fins de garantir la santé publique (restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, interdire aux personnes de sortir de leur domicile, autoriser le placement à l’isolement des personnes affectées, fermer les établissements recevant du public, etc.). Le ministre chargé de la santé, quant à lui, peut prescrire, par arrêté, toute autre mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, ainsi que toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures prescrites par le Premier ministre. Enfin, le Premier ministre ou le ministre de la santé peuvent habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions. Concrètement, ce texte ouvre la possibilité pour le gouvernement de maintenir le couvre-feu, d’imposer le port du masque ou de limiter des rassemblements jusqu’au 1er juin 2021.

L’article 3 proroge, jusqu’au 31 décembre 2021, la mise en œuvre des systèmes d’information de santé. Concrètement, cet article prolonge la mise en œuvre de deux outils informatiques : d’une part, le système d’information national de dépistage (SI-DEP), pour centraliser l’ensemble des résultats des tests effectués, et, d’autre part, « Contact Covid », élaboré par l’Assurance Maladie, pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts.

Compte tenu du caractère particulièrement sensible de ces traitements, de nombreuses garanties sont prévues, notamment s’agissant de la limitation du périmètre des données de santé pouvant être traitées ou la limitation des finalités poursuivies. En outre, les données ne peuvent être conservées à l’issue d’une durée de trois mois après leur collecte. Par exception, cette durée peut être prolongée pour la seule finalité de surveillance épidémiologique et de recherche.

Les articles 4 et 5, introduits par le Sénat, accordent des délais supplémentaires facultatifs aux organes locaux délibérants, afin de tenir compte du bouleversement engendré par la crise sanitaire dans la gestion de ces établissements, en :

portant de neuf mois à un an le délai dont disposent les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) pour adopter leur pacte de gouvernance (art. 4) ;
 faisant courir, à compter du 1er octobre 2020, le délai pendant lequel la minorité de blocage peut se constituer pour s’opposer au transfert, à la communauté de communes ou la communauté d’agglomération, de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale (art. 5).

Enfin, l’article 6 étend à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie la prorogation du régime de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 décembre 2021.

En revanche, un article prévoyant de proroger, jusqu’au 30 septembre 2021, le régime transitoire organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire a été supprimé par les parlementaires. Ce régime, proche de celui de l’état d’urgence sanitaire, permet aux autorités de l’État de bénéficier de pouvoirs similaires, à quelques exceptions près (comme le pouvoir d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile), à ceux ouverts par cet état urgence.

Cet article a suscité de nombreux réserves et les parlementaires ont décidé de le supprimer, estimant que le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire devra être de nouveau déterminé, par le Parlement en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu’elle exigera.

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Un salarié saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’annulation d’une mise à pied disciplinaire notifiée le 19 février 2015 et deux avertissements notifiés les 11 et 28 janvier 2016 au motif que l’entreprise ne possédait pas de règlement intérieur au moment de la prononciation des sanctions alors que le seuil d’effectif requis était atteint.

En effet, celui-ci est obligatoire dans les entreprises qui emploient au moins cinquante salariés pendant plus de douze mois (C. trav., art. L. 1311-2). Au moment des faits, le seuil requis était de vingt salariés pendant plus de six mois. Le seuil a été relevé depuis le 1er janvier 2020.

Pour ces entreprises ou établissements, la Cour de cassation estime, depuis 2010, que, « dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est...

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Un accord collectif organisant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avait été conclu le 20 novembre 2013 et avait été validé par le DIRECCTE le 2 janvier 2014. Cette décision administrative avait été annulée par une cour administrative d’appel car l’accord « ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail ». Plus précisément, il n’était pas établi que la personne ayant négocié et signé l’accord au nom du syndicat Force Ouvrière (FO) avait bien été désigné délégué syndical après les dernières élections professionnelles organisées dans l’entreprise. La non-prise en compte des suffrages recueillis par le syndicat faisait perdre à l’accord son caractère majoritaire. Le Conseil d’État avait, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt (CE, ass., 22 juill. 2015, n° 385668, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ). Dans ce contexte, le juge judiciaire a eu à se prononcer sur la validité de licenciements intervenus en application de ce PSE, deux salariés licenciés pour motif économique ayant saisi le conseil de prud’hommes pour contester la validité et le caractère réel et sérieux de la rupture de leur contrat.

Depuis la loi de sécurisation de l’emploi (L. n° 2013-504, 14 juin 2013), un plan de sauvegarde de l’emploi, obligatoire lorsqu’un projet de licenciement pour motif économique concerne au moins dix salariés sur une même période de trente jours (C. trav., art. L. 1233-61), peut être établi par un accord collectif qui en détermine le contenu. Cet accord doit être un accord majoritaire, c’est-à-dire signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles (C. trav., art. L. 1233-24-1). À défaut d’accord, ce PSE est établi par un document unilatéral (C. trav., art. L. 1233-24-4).

Au terme du processus, la DIRECCTE est chargée de valider l’accord collectif ou d’homologuer le document unilatéral (C. trav., art. L. 1233-57-1 s.). Un licenciement intervenant en l’absence de décision de validation ou d’homologation, ou alors qu’une...

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Quatre arrêts, rendus par la chambre criminelle le 12 janvier 2021, se prononcent sur la portée des certificats administratifs prévus dans les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale. Deux certificats sont en cause : le certificat E101, devenu A1, qui atteste de la législation de sécurité sociale applicable à un travailleur qui n’est pas affilié dans le pays de travail et le certificat E101, devenu S1, qui permet aux personnes qui résident dans un autre pays que le pays compétent de bénéficier de prestations en nature de l’assurance maladie maternité.

Trois de ces arrêts portent sur le champ de la force probante des certificats E101 (A1). Ils se situent dans la continuité de l’arrêt Bouygues de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 mai 2020 (aff. C-17/19) aux termes duquel les certificats E101 (A1) ne s’imposent aux juridictions de l’État d’accueil qu’en matière de sécurité sociale. Ils indiquent que l’existence d’un certificat E101 (A1) ne fait donc pas obstacle à une condamnation du chef de travail dissimulé dans deux hypothèses : en cas de dissimulation d’emploi salarié pour ne pas avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) ou en cas de dissimulation d’activité en raison d’un défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés. Ces hypothèses doivent être soigneusement distinguées d’autres cas de poursuite pour travail dissimulé, pour absence de déclarations auprès des organismes de protection sociale notamment. Le certificat E101 (A1) est alors opposable au juge pénal qui ne peut que relaxer.

Le quatrième arrêt est complémentaire. Il indique que tous les certificats n’ont pas la même valeur probante. Si le certificat E101 (A1) crée une présomption de régularité de l’affiliation de l’assuré social et est opposable au juge pénal, tel n’est pas le cas du certificat E106 (S1). Simple attestation de droits pour certaines prestations, le certificat E106 (S1) ne lie pas le juge répressif et ne fait donc pas obstacle à des poursuites pour travail dissimulé, quel qu’en soit le chef.

Le contentieux relatif aux divers certificats (E101, E106, etc.) prévus dans les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale, au soutien de la circulation des travailleurs, semble inépuisable. Quatre arrêts rendus par la chambre criminelle le 12 janvier 2021 en attestent. Ils apportent d’utiles précisions sur l’incidence de ces certificats en cas de poursuites pénales pour travail dissimulé. Trois d’entre eux concernent la portée du certificat E101, devenu A1, alors que le quatrième a trait à la portée du certificat E106, devenu S1.

Pour rappel, deux situations distinctes sont incriminées sous le chef de travail dissimulé : la dissimulation d’activité et la dissimulation d’emploi salarié. La dissimulation d’activité est notamment consommée en cas de défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés (C. trav., art. L. 8221-3, 1°) ou lorsqu’il n’a pas été procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale (C. trav., art. L. 8221-3, 2°). La dissimulation d’emploi salarié est une infraction qui peut être constituée dans trois hypothèses : en raison soit d’un défaut de déclaration préalable à l’embauche (C. trav., art. L. 8221-5, 1°), soit de l’absence ou de l’irrégularité du bulletin de paie (C. trav., art. L. 8221-5, 2°), soit d’un défaut de déclaration des salaires et cotisations (C. trav., art. L. 8221-5, 3°). Ne sont pas visés par cette infraction les seuls auteurs immédiats du délit de travail dissimulé mais également ceux qui ont recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de ceux qui exercent un travail dissimulé (C. trav., art. L. 8221-1, 3°).

En l’espèce, dans les trois premiers arrêts (nos 17-82.553, 18-86.709 et 18-86.757), plusieurs sociétés ont fait l’objet de poursuites. Certaines d’entre elles ont été jugées coupables du délit de recours au travail dissimulé après avoir bénéficié de l’emploi de travailleurs détachés par l’intermédiaire d’une entreprise qui avait omis de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés et qui n’avait pas procédé pas aux déclarations préalables à l’embauche. D’autres l’ont été du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, faute également d’avoir procédé aux déclarations préalables à l’embauche, ou par dissimulation d’activité pour défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés. L’ensemble de ces sociétés se prévalent de l’existence de certificats E101 (A1), opposables au juge répressif, pour contester leur condamnation.

Relevons que l’un de ces arrêts (n° 17-82.553) concerne la très connue affaire de l’EPR de Flamanville. On rappellera, d’une part, qu’elle a révélé les conditions de logement et de travail particulièrement indignes que subissent de nombreux travailleurs détachés, ou réputés tels (v. F. Muller, L’affaire Flamanville : détachement ou fraude sociale ?, Dr. soc. 2012. 675 ). D’autre part, elle a récemment donné lieu à un important arrêt de la chambre sociale qui précise les conditions d’engagement de la solidarité financière du donneur d’ordre (Soc. 4 nov. 2020, n° 18-24.451, D. 2020. 2175  ; RJS 1/2021, n° 60).

S’il est clair, depuis plusieurs années, que le certificat E101 (A1), attestant de l’affiliation d’un travailleur au système de sécurité sociale de l’organisme émetteur, bénéficie d’une présomption de régularité opposable aux institutions compétentes de sécurité sociale et aux juridictions des autres États membres, la portée exacte de cette solution restait encore à préciser. La chambre criminelle a ainsi été amenée en 2019, dans une des affaires commentées, à demander à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de se prononcer sur les contours de la force probante des certificats E101 (A1) (Crim. 8 janv. 2019, n° 17-82.553, D. 2019. 546, point de vue J. Icard ). Elle lui a plus particulièrement demandé de se prononcer sur son incidence en droit du travail dans une hypothèse de travail dissimulé pour omission de procéder à la déclaration préalable à l’embauche.

En substance, la CJUE a répondu que le certificat E101 (A1) s’impose uniquement dans le champ des règlements de coordination de sécurité sociale, pour les besoins desquels il a d’ailleurs été créé (CJUE 14 mai 2020, Bouygues travaux publics, aff. C-17/19, § 47 et 48, D. 2020. 1112  ; ibid. 1523, point de vue J. Icard ). Aussi, la présomption de régularité de l’affiliation n’implique pas une présomption de régularité du détachement tout court ; elle n’a aucun effet sur la validité de l’opération de détachement du point de vue du droit du travail. La solution est parfaitement logique dès lors que les mobilités européennes, et en particulier le détachement, n’obéissent pas aux mêmes règles que l’on se place du point de vue du droit du travail ou du point de vue du droit de la sécurité sociale. La Cour de justice ajoute toutefois, pour le cas d’espèce, qu’il appartient à la juridiction nationale d’analyser la portée de la déclaration préalable à l’embauche afin de savoir si elle relève effectivement de la sécurité sociale au sens des règlements européens ou si elle relève de logiques qui lui sont partiellement ou totalement extérieures.

La chambre criminelle, dans une analyse particulièrement détaillée, raisonne donc ici conformément aux indications données par la Cour de justice de l’Union européenne et déroule un raisonnement en trois temps.

Elle reprend, dans un premier temps, les apports des arrêts A-Rosa (CJUE 27 avr. 2017, aff. C-620/15, D. 2017. 984 ; ibid. 2018. 313, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; Dr. soc. 2017. 579, obs. J.-P. Lhernould  ; ibid. 866, étude M.-C. Amauger-Lattes ; RDT 2017. 462, étude N. Mihman ; RDSS 2017. 769, obs. M. Badel ), Ömer Altun (CJUE 6 févr. 2018, aff. C-359/16, AJDA 2018. 1026, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2018. 296 ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke  ; ibid. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot  ; RDT 2018. 219, obs. M. Castel ) et du plus récent arrêt Vueling (CJUE 2 avr. 2020, aff. C-370/17 et C-37/18, RDT 2020. 380, étude K. Chatzilaou ). Pour rappel, dans le premier arrêt, la Cour de justice prive le juge national de l’État de travail du pouvoir d’écarter un certificat E101 ou A1 dans l’hypothèse d’une erreur de qualification de l’institution de sécurité sociale émettrice, y compris manifeste. Dans le deuxième, elle confirme l’opposabilité du certificat administratif tout en ouvrant la possibilité de l’écarter en cas de fraude avérée sur la base d’éléments recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire dans le respect du principe de coopération entre institutions de sécurité sociale et des garanties du droit à un procès équitable. Dans le troisième, elle referme la porte qu’elle avait précédemment entrouverte en renforçant le caractère obligatoire de la procédure administrative de demande de retrait de ce document. En particulier, il est requis du juge de l’État membre d’accueil qu’il constate que l’institution émettrice s’est bien abstenue de procéder au réexamen du certificat et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur les éléments qui lui étaient présentés. En rappelant ces solutions, la chambre criminelle réaffirme la conformité de sa jurisprudence à celle de la Cour de justice. Après quelques années de résistance (v. Crim. 11 mars 2014, n° 12-81.461, Dalloz actualité, 14 mars 2014, obs. J. François ; D. 2014. 671 ; Dr. soc. 2014. 827, chron. R. Salomon ; JT 2014, n° 163, p. 12, obs. X. Delpech ; RSC 2014 . 355, obs. A. Cerf-Hollender ; RTD eur. 2015. 348-30, obs. B. Thellier de Poncheville , et les débats doctrinaux qui s’en sont suivis : not. N. Chavrier et L. Chabaud, Affaire EasyJet et Vueling Airlines, une atteinte grave à la primauté du droit de l’Union européenne, SSL n° 1641, 1er sept. 2014), elle a finalement admis, en l’absence de fraude caractérisée dans les conditions imposées par la Cour de justice, que la présomption de régularité de l’affiliation du travailleur issue du certificat faisait obstacle à une condamnation du chef de travail dissimulé « pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale » (Crim. 18 sept. 2018, n° 13-88.631, Dalloz actualité, 3 ocr. 2018, obs. S. Fucini ; AJ pénal 2018. 581, obs. F. Chopin ).

Toutefois, dans les présents arrêts, sont distinguées les poursuites du chef de travail dissimulé engagées pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, dont l’objet est d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale, et celles engagées pour défaut de déclaration préalable à l’embauche.

C’est pourquoi, conformément au chemin indiqué par la Cour de justice de l’Union européenne, la chambre criminelle recherche, dans un second temps, en se livrant à une exploration historique par le biais de travaux parlementaires ou de circulaires d’application, si la déclaration préalable à l’embauche a pour unique finalité d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à une branche du régime de sécurité sociale ou si elle répond à d’autres finalités. Il en ressort que cette déclaration est justifiée par la lutte contre le travail clandestin, par la lutte contre la fraude fiscale, et assure une concurrence non faussée entre les entreprises. Elle favorise le contrôle opéré par différents organismes (inspection du travail, médecine du travail en raison du lien qui unit la déclaration préalable à l’embauche et la demande d’examen médicale d’aptitude à l’embauche). Elle vient donc à l’appui de nombreuses règles relatives aux conditions d’emploi et de travail des travailleurs, y compris relatives à leur santé et leur sécurité.

La chambre criminelle raisonne de manière analogue concernant l’inscription au registre du commerce et des sociétés (v. en part. pourvoi n° 18-86.757). Cette inscription s’imposant notamment à tout employeur dont l’activité est entièrement tournée vers la France et entraînant l’assujettissement de celui-ci aux dispositions du code du travail, elle est évidemment étrangère aux finalités couvertes par le certificat E101 (A1).

La chambre criminelle en conclut, dans un troisième temps, que l’existence de certificats E101 et A1 ne fait obstacle ni à une condamnation du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié en cas d’omission de procéder à la déclaration préalable à l’embauche ni à une condamnation du chef de travail dissimulé par dissimulation d’activité au titre d’un défaut d’inscription au registre du commerce et des sociétés.

On observera que l’URSSAF, en raison de sa mission de recouvrement des cotisations sociales, est en revanche directement affectée par la présomption de régularité dont bénéficie le certificat E101 (A1). Elle est ainsi irrecevable, comme cela ressort de deux arrêts (nos 18-86.709 et 18-86.757), à se constituer partie civile, notamment pour un préjudice tiré de « l’ampleur de sa mission de contrôle et des démarches judiciaires qu’elle a dû engager ». Celui-ci ne peut être constitué dès lors que les travailleurs concernés sont présumés être régulièrement affiliés au régime de sécurité sociale de l’État ayant émis le certificat, autrement dit dès lors qu’il n’y a pas eu d’irrégularité du point de vue du recouvrement des cotisations sociales. À défaut d’avoir pu obtenir le retrait du certificat ou d’avoir été en mesure de prouver une fraude de l’employeur ainsi que la passivité de l’organisme émetteur face à la preuve de cette fraude, il n’est donc pas possible à l’URSSAF d’invoquer un quelconque préjudice en lien avec sa mission.

Enfin, dans le quatrième arrêt du même jour (n° 20-80.647), la chambre criminelle se prononce sur un cas classique de fraude dans le secteur du transport routier : en l’espèce, une société implantée en Espagne, mais n’y ayant pas une activité réelle, emploie des conducteurs routiers résidant en France pour des trajets entre la France et l’Espagne. À la suite d’un contrôle de l’URSSAF, et en l’absence de régularisation de la situation, la société est poursuivie pour des chefs de travail dissimulé par dissimulation d’activité et travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié. L’arrêt confirmatif de la condamnation de la société est notamment critiqué en ce qu’il contreviendrait à la valeur normative du certificat E106, devenu S1. Or ce certificat, délivré par l’institution compétente de sécurité sociale, a un objet plus restreint que le certificat E101 : il permet au travailleur et aux membres de sa famille qui résident avec lui sur le territoire d’un autre État membre, de bénéficier des prestations en nature de l’assurance maladie maternité, servies pour le compte de l’institution compétente par l’institution du lieu de résidence. Autrement dit, il a essentiellement pour fonction de faciliter l’accès des travailleurs transfrontaliers aux prestations maladie et maternité dans leur État de résidence. En conséquence de quoi, ce certificat n’entraîne pas de présomption de régularité d’affiliation et n’est pas donc pas de nature à lier le juge répressif, ce que confirme la chambre criminelle dans le présent arrêt.

La chambre criminelle pose donc une distinction claire entre le certificat E101 (A1) qui atteste de l’affiliation du salarié au régime de sécurité sociale de l’État émetteur et le certificat E106 (S1) qui n’entraîne aucune présomption de régularité.

Ces arrêts illustrent l’enchevêtrement des règles relevant du « droit social », discipline se nourrissant de plusieurs branches du droit. L’unité de ces règles est d’ailleurs au cœur même du délit de travail dissimulé. Leurs solutions sont cependant heureuses, rappelant que les États n’ont pas été totalement désarmés par la Cour de justice de l’Union européenne dans leur lutte contre la fraude sociale.

Auteur d'origine: Dechriste

Cet arrêt de la chambre sociale doit retenir l’attention du processualiste, même si certains textes qui le fondent sont aujourd’hui abrogés. En effet l’analyse de l’articulation de la péremption avec l’organisation d’échanges entre parties en procédure orale reste d’actualité sous l’empire des textes nouveaux : l’arrêt nous indique en effet quel est le point de départ du délai de péremption de deux ans alors qu’un juge avait ainsi organisé les échanges entre parties.

Des salariés licenciés pour motif économique en 2006 saisissent la juridiction prud’homale, puis interjettent appel des jugements. La procédure d’appel, orale, se déroule sans représentation obligatoire. L’instruction est confiée à un magistrat (de la cour d’appel) chargé d’instruire l’affaire. Celui-ci convoque les parties à une audience collégiale, organise l’échange mutuel de leurs conclusions et pièces en respectant un certain délai ; il prévoit aussi la remise, à la cour d’appel, des conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, sans impartir de délai – tout ceci par des ordonnances notifiées le 4 juin 2015.
Peu après l’audience, le 13 janvier 2016, la cour d’appel prononce la radiation des affaires pour défaut de diligence. Le 2 octobre 2017, celles-ci sont réinscrites. Les appelants concluent le 19 novembre 2018. Le 12 juin 2019, la cour d’appel constate la péremption de l’instance, son extinction et le dessaisissement de la cour.
Les salariés se pourvoient. La première branche du moyen reproche à la cour d’appel une violation « des articles 446-1, 446-2, 939 et 946 du code de procédure civile, R. 1453-3 et R. 1453-4 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l’article R. 1452-8 du code du travail alors applicable et l’article 386 du code de procédure civile » : selon eux, le calendrier de procédure pour l’organisation des échanges a été fixé sans leur accord, de sorte que le délai de péremption de deux ans n’a pas commencé à courir.
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Rappelant la teneur des différents textes, elle juge que, si, en application de...

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Auteur d'origine: Dargent

Le contentieux de l’indemnisation du salarié demandant sa réintégration en cas de licenciement nul se distingue par la grande variété de solutions retenues par le juge. L’annulation d’un licenciement permet au salarié de demander sa réintégration dans l’entreprise ; l’employeur ne peut s’y opposer sauf si la réintégration est matériellement impossible (C. trav., art. L. 1235-1). Le salarié réintégré peut alors prétendre à une indemnité d’éviction, en principe égale au montant des salaires qu’il aurait perçus entre la rupture de son contrat et la date de sa réintégration, mais dont le montant varie en pratique en fonction du motif du licenciement et du délai après lequel le salarié a formulé sa demande de réintégration (v. infra).

En l’espèce, un salarié employé en qualité de directeur commercial avait saisi par deux fois la juridiction prud’homale en 2011, pour solliciter le paiement de certaines sommes, puis pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il avait finalement été licencié pour perte de confiance le 27 juillet 2011. Le contentieux l’opposant à son employeur s’est depuis étalé sur plusieurs années et arrivait devant la chambre sociale de la Cour de cassation pour la troisième fois, après deux arrêts de cassation (Soc. 19 nov. 2014, n° 13-22.048 ; 30 nov. 2017, n° 16-21.249).

En 2017, cette dernière avait censuré la décision des juges du fond qui avaient débouté le salarié de sa demande d’annulation du licenciement alors qu’ils avaient constaté que ce dernier « avait été licencié pour son comportement critique sans qu’un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression ne soit caractérisé ». Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Paris, le 26 février 2019, a prononcé la nullité du licenciement et a fait droit à la demande de réintégration du salarié. Elle lui a en outre octroyé une indemnité d’éviction dépassant le million d’euros, au titre de la période allant du 28 octobre 2011 au 28 novembre 2018.

L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Il arguait principalement que le salarié avait tardé, de manière abusive, à présenter sa demande de réintégration. Cette demande était intervenue pour la première fois en mars 2016, après quatre années de procédure contentieuse, alors que le salarié sollicitait jusqu’alors la résiliation judiciaire de son contrat et, à titre...

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Auteur d'origine: lmontvalon
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Alors qu’un consensus médical semble dégagé sur l’inutilité, voire le caractère dangereux, de la prescription d’hydroxychloroquine aux patients atteints de la covid-19, le Conseil d’État a sifflé la fin de la partie sur le plan juridique en rejetant au fond les recours des défenseurs de l’ancien anti-paludéen. Une position qui rejoint celle prise en référé (not. CE, ord., 28 mars 2020, n° 439765, Lebon ; AJDA 2020. 700 ).

Le juge était saisi de recours à la fois contre le décret du 25 mars 2020, qui avait autorisé la prescription de Plaquenil seulement pour les malades hospitalisés et limité par ailleurs la dispensation de cette spécialité par les pharmacies et contre celui du 26 mai 2020 qui avait mis fin à cette autorisation. À l’encontre de ces mesures, l’un des requérants invoquait le principe constitutionnel de précaution. Mais il résulte tant de la Charte de l’environnement que de l’article L. 110-1 du code de...

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Si les conditions de validité du forfait annuel en jours sont désormais issues de la loi travail du 8 août 2016, il n’en demeure pas moins un contentieux encore existant. Depuis l’arrêt du 29 juin 2011 (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107, Dalloz actualité, 19 juill. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ), toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations garantissent le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires au sens des dispositions européennes et constitutionnelles (Charte sociale européenne, art. 2, § 1 ; Préambule de la Constitution, 27 oct. 1946, al. 11 ; TFUE, art. 151 ; Dir. 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, 4 nov. 2003, art. 17, § 1, et 19 ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 31).

En application de ces dispositions la Cour de cassation a censuré un nombre important de dispositions conventionnelles ne garantissant pas suffisamment le respect effectif des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (Convention collective de l’industrie chimique, Soc. 31 janv. 2012, n° 10-19.807, Dalloz actualité, 15 févr. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 445 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1765, chron. P. Bailly, E. Wurtz, F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier et A. Contamine ; Dr. soc. 2012. 536, obs. P.-H. Antonmattei ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ; Convention de commerce de gros, Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540, Bull. civ. V, n° 250 ; Dalloz actualité, 24 oct. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ; Convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 déc. 1987, Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.398, Dalloz actualité, 23 mai 2013, obs. J. Siro ; D. 2013. 1143 ; ibid. 1768, chron. P. Flores, S. Mariette, F. Ducloz, E. Wurtz, C. Sommé et A. Contamine ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; v. aussi Soc. 25 janv. 2017, n° 15-12.459, Dalloz jurisprudence ; Convention collective des cabinets d’experts-comptables, Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033, Dalloz actualité, 27 mai 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 1157 ; Dr. soc. 2014. 687, obs. P.-H. Antonmattei ; Convention collective concernant les IAC employés dans les entreprises de travaux publics du 31 août 1955, Soc. 11 juin 2014, n° 11-20.985, Dalloz actualité, 7 juill. 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 1331 ; Convention collective du notariat du 8 juin 2011, Soc. 13 nov. 2014, n° 13-14.206, Dalloz...

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Auteur d'origine: Fraisse
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Avalisé par le législateur en 2004 (L. n° 2004-575, 21 juin 2004), le recours au vote électronique dans le cadre des élections professionnelles semble relever de l’évidence aujourd’hui. Le recours au vote électronique suppose qu’il ait été au préalable entériné par voie d’accord collectif ou, à défaut, qu’il ait été décidé unilatéralement par l’employeur (C. trav., art. L. 2314-26, al. 2). Au moment des élections, le protocole d’accord préélectoral permet alors de déterminer les modalités pratiques de mise en œuvre. Depuis 2016 (L. n° 2016-1088, 8 août 2016), l’employeur peut donc décider de recourir au vote électronique même en l’absence de consensus dans l’entreprise. De manière générale, l’employeur aura tendance à s’engager dans cette voie lorsqu’il n’existe pas (ou plus) dans l’entreprise de délégués syndicaux susceptibles de négocier un accord collectif dans les conditions classiques. On sait néanmoins que la conclusion d’un accord collectif est possible même en l’absence de délégués syndicaux, par l’intermédiaire notamment des élus ou salariés mandatés (C. trav., art. L. 2232-24 s.). Cette alternative légale laisse entrevoir un doute quant à la latitude dont dispose l’employeur en matière de vote électronique. En effet, la question s’est récemment posée de savoir quelle était la logique de la formule « à défaut » employée à l’article L. 2314-26 du code du travail. L’arrêt soumis à l’étude apporte en ce sens de précieuses réponses.

En l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, un employeur avait décidé, par décision unilatérale en date du 22 août 2018, de recourir au vote électronique pour les élections des membres du comité social et économique (CSE). Un syndicat avait alors saisi le tribunal d’instance en la forme des référés (aujourd’hui tribunal judiciaire) d’une demande d’annulation de la décision unilatérale. Pour le syndicat, l’employeur aurait dû, en l’absence de délégués syndicaux, privilégier la négociation d’un accord collectif suivant les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 et suivants du code du travail. Par ordonnance rendue en la forme des référés le 7 octobre 2019, le président du tribunal d’instance de Nice déboutait le syndicat de sa demande en annulation de la déclaration unilatérale sur le vote électronique. Ce dernier formait alors un pourvoi en cassation. Invoquant le principe de loyauté régissant la relation de travail, le syndicat faisait valoir qu’un accord d’entreprise aurait pu être négocié par d’autres interlocuteurs qu’une délégation d’une organisation syndicale dans l’entreprise incarnée par un délégué syndical. Par conséquent, l’employeur aurait dû tenter de mener à bien les négociations d’un accord collectif suivant les modalités dérogatoires avant d’opérer par décision unilatérale. Par un arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation rejette le pourvoi et valide la décision unilatérale prise par l’employeur quant au recours au vote électronique. L’arrêt mérite notre attention à plusieurs égards.

D’abord, la chambre sociale précise que « le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales ». Dès lors que la contestation de la décision de recours au vote électronique dépend du contentieux relatif au processus électoral, une telle action doit être portée devant le tribunal judiciaire statuant en dernier ressort. Si l’on admet que l’accord collectif permettant la mise en place du vote électronique est un accord de droit commun (Soc. 28 sept. 2011, n° 10-27.370, Dalloz actualité, 20 oct. 2011, obs. B. Ines ; D. 2011. 2406 ; ibid. 2012. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2012. 164, obs. F. Signoretto ), on aurait pu imaginer que l’accord en question ou, à défaut, la décision unilatérale de l’employeur, soit soumis aux modalités classiques de contestation des conventions et accords collectifs. Dans ce cadre, le tribunal judiciaire statuant en premier ressort aurait été compétent. Ce n’est pourtant pas la voie suivie par la Cour de cassation. La haute juridiction retient que la solution s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle consistant à unifier le contentieux afférent au processus préélectoral et électoral par la création d’un « bloc de compétence » (note explicative relative à l’arrêt).

Ensuite, la Cour de cassation nous offre une interprétation de la formule « à défaut d’accord » qui ouvre la possibilité à l’employeur de recourir unilatéralement au vote électronique. Au regard de la solution récemment dégagée s’agissant de la détermination du périmètre des établissements distincts (Soc. 17 avr. 2019, n° 18-22.948, Dalloz actualité, 15 mai 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 894 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon  ; ibid. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2019. 574, obs. M. Gadrat  ; RDT 2019. 589, obs. C. Nicod ), la chambre sociale souligne que « ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique ». Dans sa note explicative, la Cour de cassation précise que « les termes “à défaut” recèlent intrinsèquement une subsidiarité ». Lorsqu’il en a la possibilité, l’employeur doit donc prioriser la négociation collective en vue d’aboutir à un compromis quant à la mise en place du vote électronique. Ce n’est que lorsque les négociations se sont avérées infructueuses qu’il peut, unilatéralement, choisir de recourir au vote électronique. Nouveau témoignage de la confiance accordée aux organisations syndicales depuis la réforme de la représentativité, la solution aboutit indirectement à une hiérarchisation des procédés permettant la mise en place du vote électronique.

Enfin, et c’est peut-être là l’essentiel, la chambre sociale termine son raisonnement en apportant une réponse pragmatique à la question soulevée : « Dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail. » Finalement, la prévalence accordée par le législateur à la négociation collective pour le cadrage du processus électoral ne joue pas en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise. Comme le souligne la note explicative, les dispositions des articles L. 2232-24 et suivants du code du travail sont empreintes de subsidiarité en cela que le dispositif dérogatoire trouve normalement à s’appliquer lorsqu’il permet de combler une lacune. Tel est par exemple le cas lorsqu’il est impossible pour un employeur de négocier un accord collectif dans les conditions habituelles. Toutefois, s’agissant du recours au vote électronique, le législateur a expressément prévu une alternative à l’accord collectif de droit commun, à savoir la décision unilatérale de l’employeur. Dès lors, le dispositif dérogatoire ne saurait être déployé alors même que le législateur autorise formellement la décision unilatérale pour la mise en place du vote électronique. La négociation dérogatoire ne constitue donc pas une démarche préalable indispensable. Pour la Cour de cassation, la position inverse aurait été contraire à la tendance législative qui vise, à l’ère du numérique, à « favoriser la possibilité du recours au vote électronique ». En effet, « cet objectif ne serait pas rempli si, pour mettre en place un tel vote, l’employeur devait, dans le temps contraint de la préparation des élections professionnelles, franchir toutes les étapes que suppose le recours à la négociation dérogatoire, notamment par des informations préalables nécessitant des délais particuliers et le recours à la consultation des salariés eux-mêmes ».

Auteur d'origine: Dechriste
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Afin de procéder à une sécurisation de la négociation collective (SSL, n° 1781, 11 sept. 2017), l’une des ordonnances dites « Macron » (ord. n° 2017-1385 du 22 sept. 2017) a ajouté plusieurs dispositions au sein du code du travail encadrant les actions en justice tendant à la contestation des normes négociées par les partenaires sociaux. Le délai pour agir en nullité d’une convention collective ou d’un accord collectif est désormais fixé à deux mois (C. trav., art. L. 2262-14), et l’article L. 2262-13 dispose que c’est à celui qui conteste la légalité d’une convention ou d’un accord collectif de démontrer sa non-conformité.

La sécurisation de l’instrument conventionnel passe également par l’aménagement des conséquences de son annulation par le juge. L’effet rétroactif de l’annulation peut s’avérer des plus complexes à gérer. Celui-ci a déjà conduit la Cour de cassation à considérer, par exemple, que les sommes perçues par les salariés au titre d’un accord annulé devaient être restituées à l’employeur (Soc. 17 avr. 2008, n° 07-41.401, D. 2008. 1486 ; RDT 2008. 611, obs. E. Peskine ), considérant qu’il s’agissait là de la « conséquence nécessaire de l’annulation de cet accord dont les salariés se sont prévalus au soutien de leurs demandes ».

L’article L. 2262-15 du code du travail prévoit dorénavant que le juge qui annule tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif « peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement ». Cette possibilité n’est pas sans rappeler la position du Conseil d’État en matière d’annulation d’actes administratifs (CE 11 mai 2004, n° 255886, Lebon avec les concl. ; AJDA 2004. 1183 , chron. C. Landais et F. Lenica ; ibid. 1049, tribune J.-C. Bonichot ; ibid. 1219, étude F. Berguin ; ibid. 2014. 116, chron. J.-E. Schoettl ; D. 2004. 1499, et les obs. ; ibid. 1603, chron. B. Mathieu ; ibid. 2005. 26, obs. P.-L. Frier ; ibid. 2187, obs. C. Willmann, J.-M. Labouz, L. Gamet et V. Antoine-Lemaire ; Just. & cass. 2007. 15, étude J. Arrighi de Casanova ; Dr. soc. 2004. 762, étude P. Langlois ; ibid. 766, note X. Prétot ; RFDA 2004. 438, note J.-H. Stahl et A. Courrèges ; ibid. 454, concl. C. Devys ).

C’est de l’application de cette disposition nouvelle dont il est question dans l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2021. La particularité de l’espèce, dans laquelle les juges du droit intervenaient dans le cadre d’un pourvoi suite à un renvoi après cassation, tenait en ce que les dispositions conventionnelles en cause, dont...

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Auteur d'origine: Cortot
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L’article L. 2261-1 du code du travail dispose que les conventions et accords collectifs sont en principe applicables à partir du jour qui suit leur dépôt auprès de l’administration. Il précise toutefois qu’il en est autrement lorsque le texte conventionnel prévoit des stipulations contraires.

Les partenaires sociaux peuvent par conséquent prévoir une date d’entrée en vigueur antérieure à la signature de la convention ou de l’accord, à la condition toutefois que les stipulations rétroactives soient favorables au salarié (Soc. 11 juill. 2000, n° 98-40.696 P, D. 2001. 149 , note C. Radé ; Dr. soc. 2000. 1042, obs. J. Mouly ).

Une telle application rétroactive n’est toutefois pas sans soulever certaines difficultés, notamment lorsqu’un salarié est licencié avant la conclusion d’un accord prévoyant des avantages conventionnels pour la période antérieure à la cessation de son contrat de travail. Le salarié peut-il alors bénéficier des avantages conventionnels pour la période précédant son licenciement ? C’est précisément sur cette question que la Cour de cassation se prononce dans son arrêt en date du 13 janvier 2021.

En l’espèce, un salarié, licencié le 28 janvier 2015,...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Pour sa dernière audience à la tête de la section du contentieux, Jean-Denis Combrexelle aura eu les hommages appuyés des avocats aux conseils, mais l’arrêt rendu n’apportera pas à ces derniers d’avancée bouleversante en termes de communication des moyens après clôture de l’instruction. La question posée portait sur les conséquences d’une telle communication s’agissant d’un moyen relevé d’office. La section du contentieux estime que même si la décision du juge est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, « cette information n’a pas par elle-même pour effet de rouvrir l’instruction ». Et la communication des observations reçues sur ce moyen relevé d’office n’a pas non plus pour effet de rouvrir l’instruction, « y compris dans le cas où, par l’argumentation qu’elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen ».

Le Conseil d’État ajoute que « la réception d’observations sur un moyen relevé d’office n’impose en effet au juge de rouvrir l’instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l’instruction, que si ces observations contiennent l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire et dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction ».

Le litige, en l’espèce, portait sur un moyen tiré de ce que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aurait dû être appelé d’office en la cause devant les juges du fond au titre de la réparation par la solidarité nationale d’un préjudice imputable à un accident médical non fautif. L’instruction du pourvoi a été clôturée le 15 juin 2020 mais les parties ont été informées le 25 juin 2020, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que l’arrêt du Conseil d’État était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office. Dans leurs observations en réponse à ce moyen, les requérants ont présenté une argumentation reprenant ce moyen et comme ayant, ainsi, soulevé un nouveau moyen.

Réparation au titre de la solidarité nationale

Dans son arrêt Joncour (CE 30 mars 2011, n° 320581, Dalloz actualité, 5 avr. 2011, obs. R. Grand ; Lebon ; AJDA 2011. 711 ), le Conseil d’État précisait que le moyen tiré de ce qu’une indemnisation devrait être accordée au titre de la solidarité nationale a un caractère d’ordre public qui peut être invoqué pour la première fois en cassation. La section du contentieux y apporte un tempérament, s’il implique de porter une appréciation sur les pièces du dossier soumis aux juges du fond : « Lorsque les juges du fond statuent seulement, compte tenu des moyens dont ils sont saisis, sur l’existence d’une faute du service public hospitalier et que, ce faisant, ils écartent implicitement le moyen d’ordre public tiré de ce qu’une indemnisation devrait être accordée, au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l’article L. 1142-21 du code de la santé publique, le juge de cassation ne saurait relever lui-même d’office ce moyen s’il implique de porter une appréciation sur les pièces du dossier soumis aux juges du fond », juge le Conseil d’État. Le moyen repris par les requérants, impliquant de porter une appréciation sur les pièces du dossier soumis aux juges du fond, n’est pas relevé d’office par le juge de cassation. Ayant été présenté par les requérants postérieurement à la clôture de l’instruction, le Conseil d’État ne se prononce pas sur son bien-fondé et rejette le pourvoi.

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Si l’existence d’une discrimination à propos de l’activité ou de l’appartenance syndicale justifie la nullité du licenciement, encore faut-il pouvoir identifier clairement cette discrimination. La question se pose avec une acuité particulière lorsque la lettre de licenciement fait mention d’éléments en rapport avec l’activité syndicale sans pour autant que les griefs invoqués ne soient liés à cette activité syndicale. Ce sont précisément, avec une question plus classique de recevabilité de l’action d’un syndicat, les deux problématiques soulevées dans l’arrêt du 13 janvier 2021 présentement commenté.

La mention d’éléments en rapport avec l’activité syndicale dans la lettre de licenciement

En l’espèce, un chauffeur-grutier avait été licencié pour faute grave. L’intéressé, estimant que la rupture du contrat était liée à une appartenance ou à une activité syndicale, a saisi les juridictions prud’homales pour solliciter la nullité dudit licenciement, le syndicat s’étant joint à l’instance.

Les juges du fond déboutèrent toutefois le salarié et le syndicat de leurs demandes. Ces derniers se pourvurent alors en cassation, en invoquant en particulier le caractère discriminatoire de la sanction disciplinaire, ainsi que le non-respect de la procédure probatoire en la matière.

Le principal argument avancé par l’intéressé tenait au contenu de la lettre de licenciement mentionnant le fait que le salarié « [avait] mêlé [le syndicat] au sein de [l’entreprise] et [avait] créé des conflits entre cette union et la société qui l’avait embauché », qui aurait laissé entendre que la rupture du contrat était, au moins en partie, assise sur une prise en compte d’une activité ou appartenance syndicale. Le salarié avait par ailleurs fourni aux débats sa carte d’adhérent au syndicat.

La cour d’appel s’en...

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Auteur d'origine: Dechriste
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En matière de discrimination, la protection des témoins et victimes incarne l’un des éléments centraux dans l’effectivité du droit à la non-discrimination car, en l’absence de témoignage, le juge ne disposera souvent d’aucun élément de fait pertinent laissant supposer que le salarié a effectivement été victime d’une discrimination. Les conséquences de la reconnaissance d’une mesure discriminatoire peuvent être particulièrement graves pour l’employeur, et la tentation peut exister parfois, par effet d’aubaine, de tirer parti de cette importante protection du salarié et/ou du lanceur d’alerte, qui se déploie au travers de multiples aspects, allant du régime probatoire à celui des indemnités de licenciement.

Se pose alors avec une acuité renforcée la question de savoir comment l’employeur peut réagir face à un salarié mal intentionné qui dénoncerait des faits de discrimination dont il sait qu’ils ne sont pourtant pas avérés. Telle était précisément la question posée par l’arrêt présentement commenté du 13 janvier 2021.

S’il est constant que la mauvaise foi dans la dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel ne peut être déduite de la seule circonstance que les faits signalés ne sont pas établis (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092 P, Dalloz actualité, 24 mars 2009, obs. L. Perrin ; D. 2009. 952, obs. L. Perrin ; RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier ; ibid. 453, obs. P. Adam  ; RJS 6/2009, n° 496 ; 19 oct. 2011, n° 10-16.444 P, Dalloz actualité, 9 nov. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 2661  ; RJS 1/2012, n° 6). La chambre sociale était pour la première fois confrontée à la question d’une dénonciation de mauvaise de faits de discrimination.

Un ingénieur électronique avait adressé un courrier au président du groupe ainsi qu’à son supérieur hiérarchique pour dénoncer des faits de discrimination en raison de son origine de la part du directeur commercial, tout en saisissant parallèlement le défenseur des droits, qui a finalement classé l’affaire.

Le salarié avait ensuite été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant de proférer des accusations de discrimination en raison de son origine dont il avait conscience du caractère fallacieux.

L’intéressé a alors saisi la juridiction prud’homale afin de contester ce licenciement.

Les juges du fond le déboutèrent de ses demandes en estimant qu’existait effectivement une faute grave. Selon eux en effet, ledit licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse car reposant sur une dénonciation de discrimination volontairement fallacieuse, traduisant la mauvaise foi de l’intéressé. En effet, les juges du fond ont notamment retenu qu’il était démontré que le salarié n’était pas satisfait de son activité au sein de la société et que, dans le même temps, il alléguait auprès du Défenseur des droits et de ses supérieurs hiérarchiques pour la première fois une situation de discrimination en raison de ses origines, que l’allégation a été faite par le salarié en des termes très généraux sans invoquer de faits circonstanciés, que le salarié était déterminé à quitter l’entreprise, son désengagement professionnel durant la période inter-contrat montrant sa volonté d’obtenir une rupture conventionnelle du contrat de travail en cherchant à imposer ses conditions financières, et qu’aucune alerte n’avait été faite durant la relation de travail auprès des délégués du personnel, de la médecine du travail ou de l’inspection du travail et que le salarié n’avait fait aucun lien avec ses origines avant les emails adressés à ses supérieurs hiérarchiques et au Défenseur des droits.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, va rappeler le principe posé par l’article L. 1132-3 du code du travail, qui dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements discriminatoires ou pour les avoir relatés.

La haute juridiction, livrant son interprétation de l’article, précise que le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Si la protection conférée contre les dénonciations de discrimination est grande, elle n’est toutefois pas sans limite. C’est précisément ce que réaffirme ici la chambre sociale en soulignant le rôle de la bonne ou mauvaise foi.

La solution adoptée se calque ainsi sur la ligne jurisprudentielle tracée à propos du harcèlement, les juges estimant de façon constante que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être sanctionné que si sa mauvaise foi est établie (Soc. 21 nov. 2018, n° 16-26.741, Dalloz jurisprudence), la mauvaise foi ne pouvant résulter que de la connaissance par le salarié, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits qu’il dénonce (Soc. 29 sept. 2016, n° 15-17.511, Dalloz jurisprudence).

En somme, il est ainsi possible d’identifier deux conditions nécessaires pour qu’un employeur puisse valablement licencier un salarié ayant dénoncé des faits de discrimination. Il faudra d’abord de façon évidente que les faits allégués ne soient pas avérés. Mais il faudra ensuite et surtout établir la mauvaise foi du dénonciateur, celle-ci devant s’entendre comme la connaissance au moment de la dénonciation de la fausseté des faits qu’il dénonce. Ces deux conditions réunies autoriseront alors son licenciement pour motif disciplinaire, le cas échéant pour faute grave. Un tel comportement nous apparaît en effet relever d’un manquement à l’obligation de loyauté inhérente à tout contrat de travail.

La condition tenant à la mauvaise foi nous apparaît salutaire. Autoriser l’employeur à sanctionner tout salarié dénonçant des faits discriminatoires (fût-il de bonne foi) qui se révéleront finalement non avérés conduirait purement et simplement à neutraliser tout intérêt du dispositif de protection, poussant les victimes et témoins vers la loi du silence par peur de représailles. Pire, cela pourrait même constituer une atteinte à la liberté d’expression et, partant, devrait sur ce fondement être frappé de nullité (v. en ce sens, concernant le contentieux du harcèlement, qui nous apparaît tout à fait transposable, Soc. 30 juin 2016, n° 15-10.557 P, Dalloz actualité, 8 juill. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 1740, et les obs. , note J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; RDT 2016. 566, obs. P. Adam  ; Légipresse 2016. 391 et les obs.  ; ibid. 536, comm. W. Bourdon, B. Repolt et A. Cagnat  ; RJS 10/2016, n° 612 ; SSL 2016, n° 1730, p. 11, obs. F. Champeaux, interview J.-L. Huglo ; JSL 2016, n° 415-5, obs. H. Tissandier ; JCP S 2016. 1381, obs. G. Duchange).

La sanction du dénonciateur mal intentionné apparaît dès lors particulièrement délicate pour l’employeur, qui se heurtera au principe civil selon lequel la bonne foi est présumée. Il lui appartiendra, dès lors que les faits ne sont pas avérés, de démontrer que l’intéressé avait bien conscience au moment de sa dénonciation que les faits invoqués n’étaient pas établis. Le salarié se sachant visé par un prochain licenciement pourrait être tenté de dénoncer une prétendue discrimination ou un prétendu harcèlement pour profiter de cette protection. L’exigence de bonne foi dans la dénonciation étant clairement énoncée dans le texte de l’article L. 1132-3-3, il n’en demeure donc pas moins que le régime probatoire reste, en présence d’un tel comportement délétère, défavorable à l’employeur en raison de la présomption de bonne foi évoquée. Sans doute est-ce là le prix à payer pour protéger de façon efficace les droits et libertés fondamentaux que sont la liberté d’expression, la non-discrimination et le droit à un recours effectif (rappelons en effet que la chambre sociale juge sur ce dernier point depuis 2013 que la rupture d’un contrat de travail prononcée en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice est nulle. Soc. 6 févr. 2013, n° 11-11.740 P, Dalloz actualité, 27 févr. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 440 ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2013. 415, note J. Mouly ; RDT 2013. 630, obs. P. Adam ).

Bien que la chambre sociale n’exige pas la mention expresse de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement (v. réc. Soc. 16 sept. 2020, n° 18-26.696 P, Dalloz actualité, 15 oct. 2020, obs. C. Dechristé ; D. 2020. 1841 ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ), la mention claire de la dimension fautive du comportement ayant donné lieu au licenciement méritera à notre sens de figurer dans la justification de la lettre de licenciement, l’employeur devant en tout état de cause, au moment du contentieux, s’assurer de disposer des éléments probatoires étayant la mauvaise foi de l’intéressé.

Pourra encore se poser la question de la responsabilité pénale du salarié qui allègue des faits erronés avec parfaite conscience et volonté de ses actes. Il est envisageable, pour le collaborateur visé par les accusations, de réagir le cas échéant sur le fondement de la diffamation, mais seulement si le lanceur d’alerte indélicat n’a pas réservé la révélation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail (v. en ce sens l’arrêt récent rendu en matière de dénonciation fallacieuse de harcèlement, mais dont le raisonnement semble pouvoir être appliqué aux cas de dénonciation de discrimination, Soc. 26 nov. 2019, n° 19-80.360, Dalloz actualité, 18 déc. 2019, obs. S. Lavric ; D. 2019. 2302 ; ibid. 2020. 567, chron. A.-L. Méano, L. Ascensi, A.-S. de Lamarzelle, M. Fouquet et C. Carbonaro ; AJ pénal 2020. 130, obs. J. Lasserre Capdeville ; Dr. soc. 2020. 550, chron. R. Salomon ; Légipresse 2019. 667 et les obs. ; ibid. 2020. 108, étude C. Mas ; ibid. 193, étude N. Verly ; ibid. 322, étude N. Mallet-Poujol  ; RSC 2020. 77, obs. Y. Mayaud ).

Auteur d'origine: Dechriste
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Le Conseil d’État avait été saisi par plusieurs organisations syndicales et associations d’une demande d’annulation des dispositions du I et du II bis, dans leur version issue du décret du 14 juin 2020, et du V de l’article 3 du décret du 31 mai 2020, en tant qu’elles s’appliquent aux manifestations sur la voie publique. Par une ordonnance du 13 juin 2020, le juge des référés du Conseil d’État avait suspendu l’exécution des dispositions du I de l’article 3 du décret du 31 mai 2020 (CE 13 juin 2020, n° 440846, Ligue des droits de l’homme, Confédération générale du travail, AJDA 2020. 1198 ; D. 2020. 1303, et les obs. ). Par un décret du 14 juin 2020, le Premier ministre a modifié la disposition suspendue en...

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Auteur d'origine: emaupin

Le magistrat a, dans un premier temps, admis que le préfet « pouvait considérer, de façon mesurée, compte tenu de la baisse d’activité et de chiffre d’affaires en raison de la fermeture au public des établissements commerciaux, en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 à l’automne 2020 et...

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par Joachim Lebiedle 18 janvier 2021

TA Nancy, 8 janv. 2021, n° 2100024

L’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national le 24 mars 2020 pour une durée de deux mois. La loi du 11 mai 2020 l’a prorogé jusqu’au 10 juillet 2020. Suite au rebond de l’épidémie, le Président de la République a pris un nouveau décret le 14 octobre 2020 une fois encore sur l’ensemble du territoire réinstallant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 (Dalloz actualité, 23 oct. 2020, obs. J.-M. Pastor). Sur ce fondement et à l’aune des dispositions de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le 29 octobre 2020, le Premier ministre a mis en place par le décret n° 2020-1310 un couvre-feu interdisant tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence entre 20 heures et 6 heures du matin, sauf exceptions devant être prouvées par des attestations (D. Necib, Covid-19 : l’état d’urgence sanitaire est (à nouveau) déclaré !, AJCT 2020. 496 ). L’article 29 de ce décret autorise les préfets de département à prendre des mesures plus sévères « lorsque les circonstances locales l’exigent ». Sont principalement visées les « trajets et de déplacements des personnes, […] l’accueil du public, ou encore [la fermeture provisoire] d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ».

Au cas présent et au regard de la...

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Auteur d'origine: pastor
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Conformément à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà du 16 février 2021 nécessite une autorisation du législateur. Déclaré à compter du 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national par décret du 14 octobre 2020 (v. AJDA 2020. 1938 ) et prorogé jusqu’au 16 février 2021 par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, l’état d’urgence sanitaire a permis au gouvernement de prendre, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures limitant les déplacements des personnes hors de leur domicile, les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public, ainsi que l’accès aux établissements recevant du public.

Trois nouveaux rendez-vous !

Le projet de loi...

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Auteur d'origine: pastor

Un amant est éconduit par son ancienne maîtresse. Fou de rage, il cherche à se venger de la pire des façons en dévoilant leur relation, une manière, dit-il, de tenter d’entraîner dans sa chute son ancien amour perdu. Lundi, la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris avait à juger un dossier qui a connu un écho singulier grâce à l’utilisation à outrance des possibilités du numérique. « Ce que cette affaire a de particulier, ce sont les moyens utilisés, résume le substitut Barthélémy Hennuyer. C’est ce qui donne à cette malveillance une dimension ahurissante ». « Des proportions, permises grâce à l’informatique et les réseaux sociaux, qui donnent le vertige », ajoute-t-il.

Pendant plusieurs mois, au cours de l’été et de l’automne 2019, Marc* a inondé la sphère professionnelle, amicale et familiale d’Armelle*. En tout, une trentaine de mails ont été envoyés à au moins 900 personnes – le décompte définitif est incertain –, qui connaissaient de près ou pas la victime. Ils sont envoyés à des collègues d’Armelle, à sa paroisse, à ses amis, ou encore à ses parents. Certains des messages, malveillants, sont signés à tort du nom des enfants d’Armelle, d’autres de son nom. Certains sont accompagnés de photos de nus. La rémunération d’Armelle est dévoilée. Un autre message affirme que son époux n’est pas le père de leurs enfants. Un dernier annonce enfin à ses destinataires l’homosexualité du nouveau patron d’Armelle, devenu une victime colatérale de la folie de l’amant éconduit. Ce qui a valu à Marc des poursuites pour usurpation d’identité, violation de la vie privée (la porno-divulgation), dénonciation mensongère et une série d’infractions informatiques pour le piratage de la boîte mail d’Armelle. Une liste trop courte pour la partie civile, qui a plaidé pour retenir des qualifications supplémentaires, de l’envoi de messages malveillants au harcèlement.

« J’ai commencé à dévisser »

Sans cette affaire, Armelle et Marc seraient deux quadra cadres supérieurs à la réussite éclatante. La première, diplômée de Science-Po, est une spécialiste des ressources humaines, aujourd’hui DRH d’un groupe réalisant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le second a fondé, avec succès, une entreprise de conseil en ingénierie, qui pesait il y a deux ans plus de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires. Armelle et Marc s’étaient connus au début des années 2000. Ils se retrouvent en 2015. Cela tombe bien, Marc recherche justement un nouveau responsable des ressources humaines. Leur histoire reprend, d’abord strictement professionnelle. Puis, deux ans plus tard, après un séminaire à Barcelone, les deux amants, qui ont chacun construit leur famille, renouent leur relation. Un temps seulement. Alors qu’ils envisagent l’achat d’un appartement à Neuilly, dans la banlieue cossue de Paris, pour refaire leur vie, Armelle met un point final à cette histoire et annonce qu’elle va changer d’employeur.

« J’ai commencé à dévisser, explique Marc, rouge de honte, à la barre. Je sentais bien que cela m’échappait. J’ai sombré. À la fin de l’été, elle était dure, froide avec moi. Je voulais qu’Armelle partage la douleur que je vivais. C’est là que j’ai eu l’idée de ces mails atroces, horribles. Je savais que cela allait être destructeur mais c’était plus fort que moi. »

— Vous vous rendez compte du nombre de personnes destinataires ?, s’étonne la juge-rapporteure Jehiel. Et vous envoyez vos messages à la terre entière presque, et notamment la terre de madame ?

— Oui, c’est horrible, et j’ai fait cela, répond, contrit, Marc.

Armelle se tient la tête en l’écoutant. « Ce que j’ai vécu, c’est une destruction de l’intérieur, une humiliation profonde de mon image, de mes études, de ce que je suis en tant que mère, femme, une démolition sociale et une profonde déstabilisation de ma vie de famille », avait-elle expliqué auparavant, des sanglots dans la voix, alternant des regards en direction des magistrats et vers le prévenu. « La seule chose qu’il n’a pas réussie, c’est mettre fin à ma vie », ajoute celle qui a pensé, au paroxysme de ce drame, à se jeter dans la Seine. Plus d’un an après ces envois, le couple vit toujours dans la crainte qu’un ancien mail ne refasse surface.

Pour répandre son fiel, Marc épluche le réseau social LinkedIn pendant près d’une trentaine d’heures. Cela lui permet, en ciblant la nouvelle entreprise d’Armelle, de reconstituer un fichier mail – il suffit de connaître l’enchaînement standard entre le prénom et le nom des salariés – des nouveaux collègues de son ancienne maîtresse. Grâce à une redirection automatique des messages du compte mail d’Armelle, piraté, il se constitue également un fichier d’adresses dans le réseau personnel de la famille de la quadragénaire. La déferlante de messages pousse le nouvel employeur d’Armelle à suspendre pendant quarante-huit heures la réception des messages électroniques de ses salariés. « On a dû arrêter la messagerie parce que des collaborateurs recevaient des emails dégueulasses sur des cadres dirigeants, c’est quelque chose que nous avons vécu de manière très violente », explique l’un des patrons de l’entreprise d’Armelle. En filtrant mots-clés et adresses d’expédition, l’entreprise réussit finalement partiellement à stopper le flux nauséabond.

Requêtes aux fins de levée d’anonymat

Si, à l’audience, le prévenu reconnaît sa responsabilité dans l’envoi des mails, l’enquête pour identifier le mystérieux corbeau n’a pas été simple à l’époque. Le conseil d’Armelle, Me Vincent de la Morandière, s’appuyant sur l’article 145 du code de procédure civile, demande à Google et Yahoo de livrer des éléments d’identification relatifs à la vingtaine de boîtes mail utilisées par le corbeau. Deux adresses IP ayant été identifiées à la suite du piratage du mail d’Armelle, Orange est également sommé. Soit dix requêtes aux fins de levée d’anonymat, qui, malgré des refus, vont faire avancer l’enquête et ainsi confondre Marc, placé en garde à vue au début du mois de novembre. La réponse de l’opérateur de téléphonie avait permis de relever que le harceleur s’était connecté depuis son domicile. Quant aux éléments fournis par Google, ils ont montré que les adresses IP de création des nombreux comptes Gmail suivaient Marc dans ses déplacements pour des séminaires professionnels en Europe. Soit, sur le plan pénal, des faits qui justifient, pour le magistrat Barthélémy Hennuyer, trente mois de prison avec sursis probatoire de deux ans.

Reste la question des dommages et intérêts à accorder à Armelle, et à son employeur, qui demande également réparation. Un point où les deux parties sont franchement en désaccord. Le prévenu a envoyé un chèque de 12 000 € à la victime à l’hiver dernier. La simple évocation de la somme fera grimacer l’avocat d’Armelle. Les parties civiles demandent en effet une somme bien plus conséquente, proche du million d’euros. Un chiffre atteint en estimant, mail par mail, en fonction de la qualité des destinataires, le préjudice subi. Une facture, rondelette, à la portée de la bourse de Marc, qui aurait bénéficié d’un confortable parachute doré de plusieurs millions d’euros – le montant est contesté par la défense – à son départ de sa société à la suite du scandale. « Quand on vient en justice pour se venger, on en ressort forcément avec la même douleur et avec de la frustration », avertit, à l’adresse des victimes, Me Sabrina Goldman, l’avocate de Marc. Ce dernier « passe son temps à se plaindre, mais n’a pas su trouver le mot pardon, réparation », regrette au contraire Me Vincent de la Morandière. Le délibéré sur l’action publique est attendu début mars. Quant aux intérêts civils, au vu de leur caractère complexe, ils ont été renvoyés à une nouvelle audience, dans quatre mois, par la cour.

 

* Les prénoms ont été changés

Auteur d'origine: Bley

Après s’être vu réclamer des masques et de l’hydroxychloroquine (voire des traitements encore plus fantaisistes), les juges administratifs des référés vont-ils devoir arbitrer les priorités de vaccination ? En tout cas, une première requête en ce sens a été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Le requérant, gravement handicapé, demandait au juge d’ordonner au ministre de la santé de le faire bénéficier d’un vaccin contre la covid-19 dans un délai de 48 h. Le juge n’oppose pas à la requête un refus de principe. Il rappelle qu’une « carence caractérisée d’une autorité administrative dans l’usage des pouvoirs que lui confère la loi pour mettre en œuvre le droit de toute personne de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin, peut faire apparaître, pour l’application de ces dispositions, une atteinte grave...

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Auteur d'origine: Montecler
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À l’heure où l’« exosalariat » s’inscrit dans une tendance contemporaine, le statut de VRP semble être à la limite de l’anachronisme. Considéré comme étant à la frontière entre salariat et travail indépendant, le VRP s’est vu offrir un statut protecteur pour tenir compte des spécificités de la profession. Par définition, le VRP (pour Voyageur Représentant Placier) est la personne physique qui a pour mission de prospecter une clientèle donnée ou un secteur déterminé, en vue de la prise de commandes pour le compte d’un ou plusieurs employeurs. Le bénéfice du statut de VRP suppose l’exercice personnel, constant et exclusif de l’activité de représentation, laquelle donne droit à la perception d’une commission (C. trav., art. L. 7311-3). Salarié par détermination de la loi, le VRP jouit dans la pratique d’une très grande liberté si bien qu’il est parfois difficile de caractériser le lien juridique de subordination (v. not. A. Perulli, Le droit du travail « au-delà de la subordination, RDT 2020. 309 , réflexion sur une révision du schéma rigoureusement binaire (subordination / travail indépendant) sur lequel le droit du travail a été construit au cours du XXe siècle et qui semble aujourd’hui de plus en plus devoir être actualisé, voire être...

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Auteur d'origine: Dechriste

Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait pris, le 16 mars 2020, un décret motivé par les circonstances exceptionnelles interdisant le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12 heures, sans préjudice de...

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Auteur d'origine: pastor
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L’action de groupe a été introduite en matière de discrimination par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle (art. 60 à 92). Porteuse de grandes promesses de justice pour les victimes de discriminations, la réalité est (beaucoup) plus prosaïque.

L’échec de la première action de groupe (TJ Paris, 15 déc. 2020, n° 18/04058), initiée par la CGT contre l’entreprise SAFRAN (anciennement SNECMA), vient mettre en évidence toutes les limites de cette action, les imperfections de son encadrement législatif et la méconnaissance du juge judiciaire à l’égard du contentieux des discriminations (puisque, rappelons-le, cette action relève du tribunal judiciaire et non du juge prud’homal).

Cette première affaire portait sur une discrimination en matière de carrière et de rémunération à l’égard des élus et mandatés de la CGT. Le rappel des faits expose qu’entre 2000 et 2004 la SNECMA avait fait l’objet de nombreux recours individuels pour discrimination syndicale. À compter de 2004, l’entreprise a entamé des négociations portant sur la carrière des représentants du personnel et des délégués syndicaux afin de réduire les risques de recours. À l’occasion de ces négociations, plusieurs accords vont être conclus entre 2004 et 2016, auxquels la CGT refusera pour la plupart d’apposer sa signature. Elle reprochait notamment à l’employeur de refuser de mettre en œuvre au sein de l’entreprise la méthode des « panels » (cette méthode a notamment été exposée dans un num. spéc. de Dr. ouvrier « Agir contre la discrimination syndicale : le droit en pratique », avr. 2006, spéc p. 193 ; entretien avec François Clerc, Discrimination syndicale : la stratégie de la CGT, SSL 15 nov. 2004 ; pour un point de vue sociologique, v. V.-A. Chappe, La preuve par la comparaison : méthode des panels et droit de la non-discrimination, Sociologies pratiques, 2011, n° 23-2, p. 45‑55), validée par la Cour de cassation dans le cadre du contentieux des discriminations (Soc. 7 nov. 2018, n° 16-20.759 ; 4 juill. 2000, n° 98-43.285, D. 2001. 736 , obs. V. Wauquier ; Dr. soc. 2000. 919, obs. J. Mouly ). Cette méthode permet en effet de repérer et mesurer les discriminations liées à la carrière et à la rémunération au sein de l’entreprise. Le refus de sa mise en œuvre par l’employeur est assez logique puisque cela reviendrait à fournir aux travailleurs les « éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination » (C. trav., art. L. 1134-1) et donc offrir « sur un plateau » la preuve de sa propre infraction. Une preuve qui, de plus, ne serait pas contestable lors d’un contentieux puisqu’il aurait lui-même admis ce mode de calcul en signant l’accord avec les syndicats.

Ainsi, après avoir eu recours au dialogue social sur plus d’une décennie, la CGT a entrepris d’obtenir la reconnaissance, la cessation et la réparation de la discrimination syndicale dont s’estiment victimes ses élus et mandatés par la voie de l’action de groupe nouvellement créée.

Cette action de groupe débute obligatoirement par l’ouverture d’une discussion avec l’employeur qui, dans le cas d’espèce, s’est avérée infructueuse. Le juge a donc été saisi de nombreuses demandes tendant à la fois :

• à la cessation du manquement et à la prévention des manquements futurs de l’employeur (exemple que les membres du personnel RH s’abstiennent de discriminer, de communiquer certaines données permettant à la CGT de mesurer les inégalités au sein de l’entreprise, obligation de recruter des personnels RH dédiés au suivi des élus et mandatés, embauche de personnel pour remplacer les salariés se trouvant en heure de délégation, etc.), ce que l’on appellera ci-dessous le volet « collectif » de l’action de groupe ;

• et à la réparation des préjudices individuels nés de la discrimination alléguée, le volet individuel.

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 décembre 2020 a débouté la CGT de l’ensemble de ses demandes, principalement pour des raisons tenant à la non-rétroactivité de la loi. Il estime en effet que le syndicat ne saurait invoquer des faits antérieurs à l’adoption de la loi de 2016 pour démontrer l’existence d’une discrimination portant sur la carrière ou la rémunération.

Le tribunal judiciaire justifie cette application du principe de non-rétroactivité par l’« innovation dans le droit collectif du travail » que représente cette « nouvelle action de groupe [qui] permet dans des conditions dérogatoires de faire judiciairement assimiler à de la discrimination les situations où l’employeur ne peut justifier, par des motifs procédant d’éléments objectifs et étrangers à la discrimination alléguée, l’existence de disparités anormales dans les rémunérations, les conditions d’avancement ou d’évolution de carrière ainsi que le droit à des formations qualifiantes entre, d’une part, un groupe particulier de salariés se prétendant collectivement discriminés à raison de ses engagements syndicaux et, d’autre part, les autres salariés de l’entreprise placés dans des situations comparables ». Pour justifier du caractère innovant de cet aspect de la réforme, le juge précise qu’« il convient ici de rappeler qu’il appartenait antérieurement au salarié de prouver individuellement la discrimination dont il estimait avoir fait l’objet, conformément au droit commun de la preuve. Le caractère collectif et systémique des discriminations alléguées confère par voie de conséquence l’exercice de cette action de groupe aux organisations syndicales au nom de l’intérêt collectif des professions qu’elles défendent » (p. 9 et 10). Le juge en conclut qu’« il est donc d’autant plus cohérent que cet adoucissement du droit de la preuve ait eu pour corollaire de fixer expressément le début de prise en considération possible de l’ensemble des éléments probatoires nécessaires à l’exercice de cette nouvelle action de groupe à compter de la seule date de publication de cette loi, sans aucun décrochage avec les dispositions préexistantes et similaires de l’article 2 du code civil sur le principe général de non-rétroactivité de la loi ».

Cette motivation étonne. Tout d’abord, la loi de 2016 ne vient en rien modifier le régime probatoire applicable en matière de discrimination ni consacrer la notion (encore flou) de discrimination « systémique ». Certes, le salarié n’avait d’autre choix auparavant que de prouver « individuellement » la discrimination (bien que l’on note que l’action en substitution était déjà ouverte aux syndicats et associations de lutte contre les discriminations et que les actions sérielles se sont multipliées ces dernières années d’où la création de l’action de groupe d’ailleurs…) mais, contrairement à l’affirmation du juge, il n’avait pas à apporter la preuve de la discrimination selon « les règles du droit commun ». La preuve en matière de discrimination est aménagée depuis la loi de 2008 conformément aux dispositions de la directive n° 2000/78. Une directive, dont l’article 10 prévoyait déjà que l’aménagement de la preuve devrait être appliqué à toute procédure judiciaire et/ou administrative engagée pour faire respecter les obligations découlant de la directive. On ne trouve donc aucune trace dans la loi de 2016 d’une quelconque innovation sur le plan probatoire qui justifierait que l’on ne prenne en considération que les faits postérieurs à la mise en place de l’action de groupe. Cette motivation traduit une méconnaissance profonde des mécanismes de preuve propres à la discrimination, mais constitue également une mauvaise lecture de la définition même des discriminations.

En effet, en estimant que l’action de groupe permet « de faire judiciairement assimiler à de la discrimination les situations où l’employeur ne peut justifier, par des motifs procédant d’éléments objectifs et étrangers à la discrimination alléguée, l’existence de disparités anormales dans les rémunérations […] », le tribunal se trompe profondément. Rien dans la loi ne crée une nouvelle qualification qui serait « assimilée » à de la discrimination. On peut émettre l’hypothèse que le juge s’est (trop) imprégné de l’avis rendu par le Défenseur des droits dans le cadre de cette affaire qui loue démesurément les mérites de la loi pour la justice du 21e siècle qui, selon lui, donne « une valeur contentieuse à des violations individuelles qui restent impunies » et permet « la reconnaissance judiciaire des discriminations collectives et systémiques en matière d’emploi » (v. p. 2 de l’avis du Défenseur des droits n° 20-01, 5 févr. 2020). Guère étonnant que le juge estime après cela que la réforme constitue une réforme de fond justifiant sa non-rétroactivité.

Quand bien même l’on admettrait l’application du principe de la non-rétroactivité (C. civ., art. 2), ce qui semble souhaité par le législateur (L. n° 2016-1547, art. 92), sa mise en application en l’espèce pose question. Le rejet pour la qualification de la discrimination des faits antérieurs à l’adoption de la loi suppose que le fait générateur de la responsabilité se situe au moment où le manquement a eu lieu. Cette approche est étonnante puisqu’une discrimination, particulièrement en matière de carrière, résulte rarement d’un seul fait. Le choix de l’employeur de promouvoir X et non Y relève, a priori, de son pouvoir de direction, de sa liberté (constitutionnellement garantie, v. Cons. const. 16 janv. 1982, loi de nationalisation, décis. n° 81-132 DC) de choisir ses collaborateurs. La discrimination trouve donc sa source plutôt dans la multiplication de ces choix discrétionnaires de l’employeur qui tendraient à écarter la même personne ou les personnes ayant un même profil, relevant de l’un des critères prohibés par l’article L. 1132-1 du code du travail. C’est précisément parce que l’origine exacte de la discrimination est difficile à déterminer que la loi définit la discrimination directe comme la « situation, dans laquelle, sur le fondement [d’un motif prohibé], une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable » (L. n° 2008-496, 27 mai 2008, art. 1er). Le législateur vise la « situation » subie par la personne (qui peut être aussi bien un état de fait qu’un acte volontaire) et non nécessairement l’acte commis par l’auteur de la discrimination. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la prescription des actions individuelles débute non pas à compter de l’acte discriminatoire mais de la « révélation » de la discrimination (C. trav., art. L. 1134-5). Une révélation qui peut intervenir après l’intervention du juge, par exemple pour obtenir la communication en référé de certaines pièces permettant au salarié de vérifier sa situation (Soc. 19 déc. 2012, n° 10-20.526, Dalloz actualité, 18 janv. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2013. 92 ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; RJS 3/2013, n° 191).

La conséquence de ce positionnement est de repousser de plusieurs années la pleine effectivité de l’action de groupe, du moins en ce qui concerne la discrimination portant sur la carrière ou sur la rémunération qui s’apprécie sur un temps long. Or, en l’espèce, le juge considère que deux ans de recul sont un délai insuffisant pour démontrer l’existence d’une discrimination, compte tenu des échéances annuelles pour les promotions et augmentations. L’application de la non-rétroactivité à des faits qui constituaient depuis une vingtaine d’années de graves manquements (et une infraction pénale) semble inopportune. D’autant que cela conduit à « bloquer » tout le volet « collectif » de l’action visant à la cessation du manquement pour l’avenir et à la mise en place de mesures de prévention.

Si l’on convient que l’action de groupe, en particulier son volet individuel, peut constituer un risque important pour l’entreprise, en raison des sommes qui pourraient être en jeu, ce risque semble largement encadré et partiellement évitable du fait de la période de six mois de conciliation imposée par la procédure de l’action de groupe et de la limitation, par le législateur, des préjudices individuels réparables par le biais de cette action.

L’article L. 1134-5 prévoit en principe que, bien que la prescription soit de cinq ans, les dommages et intérêts, eux, « réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ». Un élément d’appréciation du préjudice qui a été volontairement écarté par le législateur dans le cadre de l’action de groupe, notamment pour les discriminations liées à la carrière. En effet, l’article L. 1134-8 du code du travail (L. n° 2016-1547, art. 87) dispose que, « sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l’article L. 1134-9 ». Cette disposition rend le volet indemnitaire de l’action de groupe totalement inintéressant pour les salariés victimes de discriminations qui verront tous leur indemnisation réduite par rapport à ce qu’ils auraient pu obtenir grâce à une action individuelle. Plus flagrant encore serait la situation où des licenciements fondés sur un motif discriminant (par ex. l’âge) sont prononcés par l’employeur, l’action de groupe à visée indemnitaire serait alors particulièrement inutile puisque le préjudice est clairement né au moment de la perte de l’emploi rendant ainsi impossible leur indemnisation par le biais de cette action. L’action de groupe demeure donc intéressante que de manière résiduelle, uniquement pour les candidats à l’emploi, à une formation, ou à un stage (ce qui avait déjà été repéré par M.-J. Azar-Baud, Action civile et discrimination : les apports de l’action de groupe, Dr. soc. 2020. 353 ), et éventuellement pour les salariés candidats à une promotion. Autrement dit, les personnes non représentées par les syndicats de l’entreprise, puisque, par définition, elles n’en font pas encore partie, sont celles qui auront intérêt à agir par leur intermédiaire ou (plus probable) par celui d’une association spécialisée dans la lutte contre les discriminations. Cette limite forte de l’indemnisation du préjudice par le biais d’une action de groupe n’est donc guère intéressante pour les salariés victimes de discrimination.

Cette décision a au moins l’avantage de poser une question qui mériterait quelques éclaircissements, à savoir : est-ce que l’interdiction des discriminations est seulement une obligation ponctuelle, celle de ne pas commettre d’acte discriminatoire, ou aussi une obligation diffuse, celle de ne pas laisser subsister une inégalité à l’égard de certaines catégories de personnes identifiées par un motif de discrimination, ou encore les deux ? On retrouve ici les termes d’un vieux débat qui oppose le Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 déc. 2003, n° 2003-489 DC, loi de finances pour 2004, D. 2004. 1276 , obs. D. Ribes ) ou le Conseil d’État (CE 28 mars 1997, n° 179049, Sté Baxter, Lebon ; RFDA 1997. 450, concl. J.-C. Bonichot ; ibid. 460, obs. F. Mélin-Soucramanien ) aux cours européennes (CJCE 13 nov. 1984, Racke, aff. C-283/83 ; CEDH 6 avr. 2000, Thlimmenos c. Grèce, req. n° 34369/97, § 44, AJDA 2001. 1060, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2001. 1250, chron. H. Labayle et F. Sudre ; RTD civ. 2000. 434, obs. J.-P. Marguénaud  ; JCP 2001. I. 291, chron. Sudre ; CEDH, gr. ch., 18 janv. 2001, Chapman c. Royaume-Uni, n° 27238/95, § 129, AJDA 2001. 1060, chron. J.-F. Flauss ; D. 2002. 2758 , note D. Fiorina ; RTD civ. 2001. 448, obs. J.-P. Marguénaud  ; CEDH 30 juin 2016, Taddeucci et McCall c. Italie, n° 51362/09, Dalloz actualité, 11 juill. 2016, obs. T. Coustet ; D. 2016. 2100 , note H. Fulchiron ; RTD civ. 2016. 799, obs. J.-P. Marguénaud ) : l’égalité réside-t-elle seulement dans l’obligation de traiter de manière identique les personnes placées dans une situation identique, ou aussi dans l’obligation de traiter différemment celles qui se trouvent dans une situation différente ?

Auteur d'origine: peyronnet

Dans un avis du 24 mars 2020, le haut conseil de la santé publique recommandait d’effectuer de telles pratiques en respectant la stricte observance de règles d’hygiène et de mesures de distance physique. Pour le Conseil d’État, si le gouvernement n’était pas tenu de suivre cet avis, il n’a apporté aucun élément de nature à justifier de la nécessité d’imposer de façon générale et absolue, à la date où elles ont été édictées, les restrictions...

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Auteur d'origine: pastor

La question du harcèlement dans le milieu du travail est une thématique dont le régime juridique s’est densifié et autour de laquelle se cristallise aujourd’hui les attentions (V. Rép. trav., vis Harcèlement moral et Harcèlement sexuel, par P. Adam). Un argumentaire déployé sur ce terrain offre par ailleurs aujourd’hui la possibilité d’invoquer les indemnités afférentes à un licenciement nul et en particulier de s’affranchir du barème d’indemnités prud’homales (C. trav., art. L. 1235-3-1). Mais encore faut-il pour cela que soit démontrée l’existence dudit harcèlement, et donc que son régime probatoire particulier soit bien compris. C’est précisément sur ce dernier point que l’arrêt du 9 décembre 2020 apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, un salarié s’estimant victime d’actes de discrimination et de harcèlement moral, notamment en raison de sa qualité de délégué syndical, et invoquant par ailleurs un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, a saisi les juridictions prud’homales de demandes en paiement de diverses indemnités.

Les juges du fond le déboutèrent de sa demande concernant la violation de l’obligation de sécurité. Insatisfait de cette décision, l’intéressé se pourvu en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation saisie du pourvoi va, après rejeté l’argument invoquant une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur, néanmoins censurer la décision d’appel au visa des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

La Haute juridiction rappelle en effet sur le premier aspect...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Au fil des décennies, le législateur s’est évertué à dissiper toutes formes de traitement discriminatoire pour garantir la profusion du principe d’égalité au sein de l’entreprise. Il est communément admis que l’employeur ne peut s’appuyer sur des considérations d’ordre personnel pour motiver une quelconque décision (recrutement, sanction disciplinaire, licenciement, promotion professionnelle …) sous peine de sanctions civiles et pénales. Dès lors, aucune différence de traitement ne peut être justifiée par un motif sans lien avec le travail comme le sexe, la religion, l’origine, l’appartenance ou l’activité syndicale, l’orientation sexuelle ou encore l’état de santé (C. trav., art. L. 1132-1).

Ce principe inébranlable est aujourd’hui bien encré dans notre droit positif. Pourtant, la jurisprudence a entrouvert la voie de l’exception : la Cour de cassation a ainsi accepté que des différences de traitement entre catégories professionnelles, instituées par convention de branche ou d’entreprise, soient présumées justifiées de sorte qu’il appartenait à celui qui les contestait de démontrer qu’elles étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle (Soc. 27 janv. 2015, nos 13-14.773 P, 13-22.179 P, 13-25.437 P, D. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2340, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2015. 237, étude A. Fabre ; RDT 2015. 339, obs. E. Peskine ). Témoignage du crédit accordé aux organisations syndicales depuis la réforme de la représentativité (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale), la chambre sociale admettait ainsi qu’une différence de traitement puisse être consolidée par voie d’accord collectif. Un temps saluée pour avoir mis un terme à une incertitude latente (P.-H. Antonmattei, antages catégoriels d’origine conventionnelle et principe d’égalité de traitement : l’avis de tempête est levé », Dr. soc. 2015. 351 ), cette décision n’a pas tout à fait clos le débat s’agissant du champ d’application de cette présomption de justification. La question vient de ressurgir à l’occasion d’un arrêt rendu par la chambre sociale le 9 décembre dernier.

En l’espèce, une salariée avait été licenciée en décembre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Estimant que les dispositions conventionnelles instituaient des modalités de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement discriminatoires car différentes selon que les salariés étaient licenciés pour inaptitude ou pour une autre cause, la salariée saisissait le conseil de prud’hommes afin d’obtenir un rappel d’indemnité de licenciement. Pour son employeur, l’accord collectif pouvait prévoir des modalités différentes de calcul de l’indemnité de licenciement selon les causes de licenciement dès lors que ces modalités avaient fait l’objet d’un accord négocié et signé par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote. Selon la cour d’appel, les dispositions conventionnelles étaient discriminatoires dès lors que les salariés licenciés pour inaptitude physique ou invalidité se trouvaient exclus du bénéfice de ce dispositif d’indemnisation plus favorable. La compagnie Air France formait alors un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt du 9 décembre 2020, la chambre sociale rejette le pourvoi et valide le raisonnement de la cour d’appel : « même lorsque la différence de traitement en raison d’un des motifs visés à l’article L....

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Auteur d'origine: Dechriste
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Arlésienne du quinquennat, l’uniformisation des systèmes de retraite repose sur un constat difficilement contestable, l’éclatement des institutions gestionnaires et des conditions dans lesquelles les travailleurs cotisent et les retraités perçoivent. L’éclatement est vertical : au profit d’un même travailleur, plusieurs couches de retraite se superposent (ex. les salariés sont affiliés à la sécurité sociale et l’Agirc-Arrco) ; il est également horizontal : les conditions d’assurance et les institutions en charge de cette dernière varient selon les professions exercées.

Les professions libérales – définies imparfaitement à l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale puisque certaines professions, tels les avocats, quoique libérales, n’y sont pas visées – illustrent le corporatisme de la protection sociale (M. Borgetto et F. Kessler [dir.], La protection sociale des professions libérales, RDSS 2012. 211 s. ). Conséquence d’un compromis acté à la Libération, le législateur organise d’autorité un régime de retraite de base commun aux professions libérales (CSS, art. L. 640-1) mais laisse à chacune de ces dernières le soin de prévoir, ou non, le déploiement de garanties complémentaires de retraite (CSS, art. L. 641-5, v. G. Not, Les régimes de retraite complémentaire des professions libérales, RDSS 2012. 233 ). L’invitation est spécialement adressée aux médecins ; la tournure est élégante : « Les médecins […] peuvent demander à bénéficier d’un régime de prestations complémentaires de vieillesse » (CSS, art. L. 645-1).

Quant aux conditions dans lesquelles est déployée la couverture complémentaire de retraite, elles sont encadrées par le législateur (CSS, art. L. 645-2 s.) mais, pour l’essentiel, sont le fruit d’une œuvre réglementaire prise « après avis » de la profession (décr. n° 49-579, 22 avr. 1949 et décr. n° 72-968, 27 oct. 1972) ou l’œuvre de cette dernière, par l’intermédiaire des statuts de la caisse de retraite complémentaire des médecins de France (CARMF) approuvés par voie d’arrêté. Outre l’autonomie financière qu’elle consacre – d’où l’expression « régime de retraite autonome » – l’originalité voulue de cette construction institutionnelle est de donner, soit directement par les statuts, soit indirectement par les avis rendus avant décrets, un large pouvoir aux représentants de la profession. Ce pouvoir est principalement utilisé pour construire, au sein de celle-ci, une solidarité propre, censée répondre spécifiquement aux besoins des membres : la solidarité se dégage des modalités d’acquisition de droit à la retraite, des exemptions de cotisation ou, à l’opposé, de la création de prestations « gratuites ». Mais, au-delà des paramètres structurels qui donnent au régime de retraite complémentaire de chaque profession un visage particulier, ce sont aussi les règles très concrètes d’organisation du régime qui sont définies par les représentants de la profession : quel sort réserver aux ayants droit en cas de décès ? Quelle sanction en cas de non-paiement des cotisations ?, etc. Autant de dispositions qui n’altèrent pas la physionomie de l’ensemble mais qui, au quotidien, soit dans la gestion financière de la caisse, soit dans la situation des cotisants ou des bénéficiaires, sont loin d’être neutres.

Or, dans la définition de ces « petites » règles – comme d’ailleurs dans la construction des plus grandes – la protection sociale est pour le moins conservatrice. S’il a bien fallu sous les coups de l’Union européenne et comme un signe de progrès, réduire les avantages de retraite spécifiques aux femmes, la solidarité continue de justifier un pouvoir de l’institution à l’encontre de ses membres, pouvoir fort et souvent coloré idéologiquement qui se marrie de moins en moins bien avec une approche individualiste des droits des assurés. D’un côté, des cotisants ou des bénéficiaires qui, privés de l’argument tenant à l’inégalité de traitement dont ils souffriraient en comparaison d’autres travailleurs affiliés à des régimes différents (Cons. const. 13 déc. 2012, décis. n° 2012-659 DC, Dalloz actualité, 7 janv. 2013, obs. A. Mavoka-Isana ; AJDA 2012. 2410 ; RFDA 2013. 1, étude B. Genevois ; Constitutions 2013. 85, obs. A. Barilari  ; 5 avr. 2013, n° 2013-301 DC) se fondent sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme aux termes de laquelle les droits à prestations sociales, a fortiori contributives, engendrent un intérêt patrimonial bénéficiant de la protection de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Motif pris du paiement de cotisations, ils réclament le contrôle de la réglementation du régime de retraite à l’aune de cet article. De l’autre, des gestionnaires de régime de retraite qui, sans contester nécessairement l’atteinte à l’intérêt patrimonial engendré par la réglementation, justifient sans mal cette atteinte par des intérêts légitimes, l’impératif de solvabilité du système de retraite et la solidarité censée animer ce dernier. Les points de crispations sont nombreux et dépassent souvent le cadre des seuls régimes complémentaires autonomes ; ils ne sont parfois qu’en germe, telle la question de la perte des droits de réversion en cas de remariage du réversataire (Civ. 2e, 19 janv. 2017, n° 16-14.350) ; ils ont parfois éclos au grand jour, telle l’obligation de cotiser imposée aux assurés ayant repris une activité professionnelle après la liquidation de leur pension de retraite, sans, pour autant, que des droits nouveaux à la retraite soient reconnus en contrepartie des cotisations (CE 5 avr. 2019, n° 418201 ; 19 sept. 2012, n° 349087). Le moins qui puisse être dit, c’est que, jusqu’à présent, la solidarité traditionaliste prenait le pas sur les intérêts individuels devant les juges.

C’est une question similaire qui occupait en l’espèce la Cour de cassation, quoiqu’il ne fût guère question des prestations mais des cotisations. Un médecin ophtalmologue connut quelques déboires financiers au cours de sa carrière ; il subit un redressement puis une liquidation judiciaire au cours des années 2007 et 2008, avant de reprendre une activité puis de demander la liquidation de sa pension de retraite complémentaire à effet du 1er janvier 2016. Appelée à calculer les droits à verser au titre de deux régimes de retraite complémentaire cumulativement applicables – le régime complémentaire « général » des médecins (RCV) et le régime supplémentaire des médecins conventionnés (ASV) –, la caisse refusa de prendre en considération les cotisations versées entre 1993 et 2007 en raison d’un arriéré de cotisations important sur cette période (325 427,21 €). Elle livrait de la sorte une interprétation des dispositions statutaires (art. 19 pour RCV ; art. 10 pour ASV) directement tirées de l’article 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949 (RCV) et de l’article 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 (ASV) aux termes desquelles, respectivement, « le versement de la cotisation annuelle [due] donne droit à attribution de 10 points de retraite » et « la cotisation annuellement versée […] donne […] chaque année un nombre de points » ; comprendre, selon la caisse : si la cotisation annuelle n’est pas intégralement versée, aucun droit à la retraite n’est acquis au titre de l’année. Ce qui peut être traduit de la sorte : le médecin ne s’acquitte pas de l’intégralité de la cotisation ? Il perd la propriété des sommes partiellement versées (sommes qu’il ne peut répéter puisqu’elles sont dues) sans acquérir aucun droit à pension en contrepartie : le paiement, parce que partiel, est dépourvu de toute contrepartie ; se profile l’atteinte à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne.

Le litige fut porté devant le juge judiciaire ; signe des temps, le Défenseur des droits fut saisi parallèlement et présenta, devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, devant la cour d’appel puis devant la Cour de cassation des observations assises sur le premier protocole additionnel (Défenseur des droits, 10 mars 2017, décis. n° 2017-105 ; 7 mai 2019, décis. n° 2019-120 ; 11 févr. 2020, décis. n° 2020-50). Invariablement, le défenseur des droits se prononça contre l’interprétation faite par la caisse. Il critiquait en premier lieu le principe même d’une disposition ayant pour effet de ne pas garantir le paiement de prestations à due proportion des cotisations acquittées. Ayant admis que le droit à prestations participe du droit de propriété, il rappelait, très classiquement, que celui-ci peut faire l’objet de limitations pourvu que les mesures y portant atteinte respectent un « juste équilibre entre les considérations d’utilité publique et les droits fondamentaux de la personne ». Et, quoiqu’ayant reconnu un « intérêt légitime attaché au recouvrement des contributions sociales comme à l’équilibre financier des régimes de retraite », il estima que ces intérêts « ne justifient pas une atteinte disproportionnée aux droits des assurés, telle la privation d’une allocation de subsistance venant en contrepartie de cotisations effectivement versées durant des périodes d’activité ». Au contraire, il existerait « un grave déséquilibre, certes favorable aux organismes, si les cotisations versées par des actifs […] ne se transformaient jamais en droit à prestation au profit des intéressés en raison de dettes de cotisations ou d’années non intégralement soldées » (Défenseur des droits, décis. n° 2020-50, préc.). Ancrant son raisonnement, le Défenseur des droits se référait encore à la Cour de cassation (ibid.). Celle-ci avait déjà jugé à propos d’un autre régime complémentaire que « l’absence de règlement intégral de cotisations n’a pas pour conséquence de priver l’assuré de tout droit à pension » (Civ. 2e, 23 nov. 2006, n° 05-10.911) et, d’une manière générale, elle semblait limiter la sanction attachée à un défaut de paiement à une diminution proportionnelle des prestations (Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-18.443). Le Défenseur des droits péchait toutefois par excès d’optimisme. Si l’impression générale se dégageant des solutions de la Cour de cassation était effectivement qu’un anéantissement des droits à raison du défaut de paiement partiel devait être écarté, les espèces étaient plus subtiles et n’épousaient pas tout à fait celles dont la Cour devait connaître dans la présente affaire : la décision de la caisse n’avait pas ici pour objet de priver l’intéressé de tout droit à pension, les années correctement cotisées demeuraient prises en compte.

Le Défenseur des droits critiquait en second lieu l’imprécision de la réglementation du régime. Opportuniste, le raisonnement de la caisse n’était pas parfaitement privé d’assise textuelle mais ne découlait pas de manière évidente de la lettre des textes : le profane de bonne foi fut facilement passé à côté. Or la sévérité de la sanction attachée au paiement partiel, aux yeux du Défenseur des droits, « semble devoir nécessairement résulter d’une disposition expresse du décret instituant le régime, ou des statuts de la section professionnelle l’organisant » (Défenseur des droits, décis. n° 2020-50, préc.). L’argument qui revient à décider que la sanction est d’interprétation stricte, était tout naturel et devait permettre de conclure que, faute pour les textes de fixer clairement cette sanction, celle-ci ne pouvait être pratiquée. Il fallait, au contraire, décider l’attribution de droits au prorata des cotisations versées.

Cette lecture « moderne » des rapports entre la caisse et les adhérents se heurta finalement de plein fouet à la « tradition ». Le tribunal des affaires de sécurité sociale, en première instance, se rangea à l’argumentation du Défenseur des droits ; il fut suivi par la cour d’appel qui décida qu’en cas de paiement partiel des cotisations pour une année, l’acquisition des droits à pension se faisait alors à due proportion. Mais la Cour de cassation accueillit le pourvoi formé par la caisse, lequel était tout entier fondé sur la nécessité du « pouvoir » de celle-ci dans la détermination de sa gestion : « la caisse étant responsable de son équilibre [l’équilibre du régime], il lui appartient d’édicter les règles définissant le droit à prestation […] ; les statuts ne peuvent être écartés, à titre exceptionnel, qu’en vertu d’une disposition légale ou réglementaire, laquelle doit être strictement interprétée ». La Cour de cassation accueillit la thèse quoiqu’elle rectifiât le raisonnement. D’une part, elle refusa d’apprécier les dispositions statutaires et ne rendit sa décision que sur les dispositions légales et réglementaires (ces dernières ayant, il est vrai, inspiré les dispositions statutaires). D’autre part, sans ouvrir la porte à un contrôle de conventionnalité, la Cour de cassation intégra l’article 1er du premier protocole additionnel dans son raisonnement. L’avancée fut toutefois immédiatement battue en brèche puisque la référence faite à cet article servit à renforcer les dispositions légales et réglementaires : l’absence de proratisation, selon l’affirmation (non démontrée) de la Cour de cassation, résulte de la combinaison des textes, « interprétés à la lumière de l’article 1er du premier protocole additionnel ».

Le contrepied – le droit de propriété renforçant le pouvoir de la collectivité contre l’individu – est saisissant. Il traduit élégamment le conservatisme de la Cour de cassation en matière de protection sociale : maintenir, tant que possible, le pouvoir des gestionnaires sur la politique des régimes en faisant échapper ceux-ci, motif pris d’un impératif de solidarité, aux « nouvelles » déclinaisons des droits de l’homme. Il s’agit d’une réelle « politique » ; celle-ci est-elle viable à moyen terme ? C’est une autre question. Il y eut des précédents fameux où la Cour de cassation, toute à l’autoritarisme justifié par la solidarité, fut désavouée par la montée en puissance de la liberté contractuelle (Cons. const. 13 juin 2013, n° 2013-672 DC, Dalloz actualité, 18 juin 2013, obs. C. Dechristé ; D. 2014. 1516, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; Dr. soc. 2013. 673, étude J. Barthélémy ; ibid. 680, étude D. Rousseau et D. Rigaud ; ibid. 2014. 464, chron. S. Hennion, M. Del Sol, P. Pierre et M. Hallopeau ; ibid. 1057, étude J. Barthélémy ; Constitutions 2013. 400, chron. A.-L. Cassard-Valembois ; RTD civ. 2013. 832, obs. H. Barbier ), et l’universalisation des régimes de retraite, laquelle finira bien par se faire, forcera une remise à plat de ces questions.

Auteur d'origine: rbigot

Chers abonnés, chers lecteurs,

Après plus de cinq ans à la tête du fabuleux quotidien qu’est Dalloz actualité, j’ai été appelée à de nouvelles fonctions, hors du groupe Lefebvre Sarrut. 

Je tenais à vous remercier de votre fidélité précieuse, de vos remarques pertinentes, parfois agacées, souvent bienveillantes. Vous êtes chaque jour de plus en plus nombreux à nous lire et l’équipe de Dalloz actualité en est honorée. 

Merci aussi à cette équipe, justement, sans qui ce quotidien d’actualité juridique et judiciaire ne serait pas grand-chose. Chefs de rubriques acharnés, auteurs experts et forcenés, pigistes espiègles, secrétaires de rédaction vitales, drôles et (très) patientes, je vous remercie. Vous allez sacrément me manquer.

Enfin, je remercie Alain Lienhard, mon boss, qui m’a conseillée, aiguillée et protégée à chaque fois que cela a été nécessaire.

Laurent Dargent prend la main à compter d’aujourd’hui.

Bon vent à tous.

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Aux lecteurs assidus mais malgré tout très occupés, il est peut-être temps de rattraper des articles mis de côté.

Et nous vous donnons rendez-vous le lundi 4 janvier 2021. Merci de votre fidélité et joyeuses fêtes.

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Le recours introduit par les associations Alliance Vita, Juristes pour l’enfance et Pharmac’éthique contre l’arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 avril 2020 modifiant les conditions de réalisation de l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse pratiquée en dehors d’un établissement de santé est l’occasion pour le Conseil d’État de faire le point sur la répartition des compétences pour édicter les mesures nécessaires, lorsque l’état d’urgence sanitaire est déclenché, entre le Premier ministre et le ministre chargé de la Santé.

Par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, le législateur a « entendu, d’une part, permettre au Premier ministre de prendre certaines mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ou procédant à des réquisitions et, d’autre part, permettre au ministre...

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Auteur d'origine: emaupin
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Pendant longtemps, le développement des institutions représentatives du personnel a été frappé du sceau de la masculinité (DARES Analyses, Les femmes dans les instances représentatives du personnel : bientôt la parité ?, févr. 2018, n° 007). Pour augmenter le taux de féminisation et ainsi rétablir un indispensable équilibre, le législateur est intervenu à plusieurs reprises. En ce sens, la loi Génisson n° 2001-397 du 9 mai 2001 imposait une obligation de négociation triennale sur l’égalité professionnelle et incitait les organisations syndicales à promouvoir la parité aux élections professionnelles et aux conseils de prud’hommes. Plus récemment, la loi Rebsamen n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi (art. 7), reprise et modifiée par l’ordonnance du 22 septembre 2017, instituait une exigence de parité au sein des listes électorales présentées en vue de l’élection des membres élus au comité social et économique (CSE).

Ainsi, le code du travail impose le respect de règles contraignantes et cumulatives s’agissant de l’élaboration des listes électorales déposées dans le cadre des élections professionnelles (C. trav., art. L. 2314-30 s.). D’un côté, les organisations syndicales sont tenues d’établir des listes dont la composition est proportionnée au nombre d’hommes et de femmes rattachés à chaque collège électoral. Ce mécanisme suppose de procéder à un calcul basé sur une logique d’arrondi arithmétique : arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 (C. trav., art. L. 2314-30). De l’autre, les candidatures des deux sexes doivent être inscrites tour à tour jusqu’à épuisement des candidats du sexe sous-représenté. Ces dispositions étant d’ordre public absolu (Soc. 9 mai 2018, n° 17-60.133, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. 1018 ), les élections litigieuses encourent l’annulation en cas de non-respect des principes de représentation équilibrée et d’alternance.

Si l’objectif légitime est d’assurer aux femmes une place grandissante dans le jeu de la représentation des salariés, il n’en reste pas moins que les dispositions légales visent à garantir une représentation « proportionnée » et non « équilibrée » comme pourrait le laisser croire le code du travail. En effet, l’article L. 2314-30 est sous-tendu par une logique de corrélation dans la mesure où le genre guide le processus d’élaboration des listes électorales. La part des sexes représentée est donc fonction de chaque entreprise et dépend largement, dans les faits, du secteur d’activité. Il ne s’agit donc pas d’une « parité abstraite » (Soc. 13 févr. 2019, n° 18-17.042, D. 2019. 313  ; ibid. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ), le dispositif visant à favoriser une représentation fidèle du corps électoral. Un temps malmené pour des motifs touchant à sa constitutionnalité (décision QPC du 19 janvier 2018) et sa conventionnalité (Soc. 13 févr. 2019, n° 18-17.042, préc.), le principe est aujourd’hui bien encré.

Pourtant, certains ont pu lui reprocher sa trop grande complexité.

Témoignage des difficultés à appréhender ce dispositif, la jurisprudence s’est rapidement densifiée pour clarifier, en un temps record, les conditions de validité des listes électorales constituées dans le respect de l’obligation de mixité. On sait par exemple qu’une liste ne peut comporter un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir lorsque cela a pour effet d’exclure le sexe minoritaire du jeu de la représentation (Soc. 9 mai 2018, n° 17-14.088 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot, préc. ; D. 2018. 1018  ; ibid. 1706, chron. N. Sabotier et F. Salomon  ; 11 déc. 2019, n° 18-23.513 P, Dalloz actualité, 14 janv. 2020, obs. V. Ilieva ; D. 2020. 558, chron. A. David, A. Prache, M.-P. Lanoue et T. Silhol ). Les listes « incomplètes » restent néanmoins envisageables lorsque la stricte application de la règle de la décimale aboutit, quoi qu’il en soit, à l’absence de représentation du sexe sous-représenté (Soc. 11 déc. 2019, n° 18-26.568, Dalloz actualité, 14 janv. 2020, préc. ; D. 2020. 558, chron. A. David et al., préc. ; RJS 2/2020, n° 102). Il convient de préciser que cet assouplissement n’a pas vocation à s’appliquer dans l’hypothèse où le calcul de la parité est établi sur la base d’une liste incomplète. Si, une fois rapportées au nombre de candidats effectivement présenté, les règles de la proportionnalité et de l’arrondi conduisent à exclure le sexe sous-représenté de la représentation (alors qu’il pouvait prétendre à une place si la liste avait comporté autant de candidats que de postes à pourvoir), la liste est réputée contrevenir au principe de mixité (Soc. 11 déc. 2019, n° 19-10.826, Dalloz actualité, 14 janv. 2020, préc. ; D. 2020. 558, chron. A. David et al., préc.). Par ailleurs, lorsque l’application de ce mode de calcul entraîne l’exclusion du sexe sous-représenté, les listes de candidats peuvent malgré tout comporter un candidat du sexe minoritaire sans qu’il puisse être tête de liste (C. trav., art. L. 2314-30).

S’agissant du régime de l’action en annulation, la procédure visant la contestation de la composition des listes de candidats peut être initiée avant l’élection (Soc. 11 déc. 2019, n° 18-26.568, préc.), le juge étant libre de reporter la date de l’élection pour en permettre la régularisation. Si l’irrégularité résulte du non-respect du principe de représentation équilibrée, l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats encourt la nullité (Soc. 17 avr. 2019, n° 18-60.145). Dans le cas où l’irrégularité porterait sur le non-respect du principe d’alternance, le juge doit annuler l’élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions.

Si la Cour de cassation a fourni de précieuses indications quant à l’élaboration des listes électorales, une question restait néanmoins en suspens s’agissant du second tour des élections professionnelles. Pour rappel, les organisations syndicales disposent d’un monopole pour la présentation de listes de candidats au premier tour des élections professionnelles, le second tour étant quant à lui ouvert aux candidatures libres. Lorsqu’aucune liste n’a été déposée au premier tour, quand le nombre des votants est inférieur à la moitié des inscrits (absence de quorum) ou si l’ensemble des sièges n’a pas été pourvu au premier tour, tout salarié éligible peut présenter sa candidature en déposant une liste. Dans ce cas, il est acquis qu’une liste peut être constituée d’un seul nom, une candidature isolée étant admise de longue date (Soc. 13 juill. 1993, n° 92-60.344).

S’agissant du premier tour des élections, l’introduction des principes de représentation équilibrée et d’alternance est venue fragiliser la jurisprudence traditionnelle consistant à admettre qu’une candidature individuelle peut constituer une liste, y compris lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir (Soc. 10 janv. 1989, nº 87-60.309 ; 7 mai 2003, nº 01-60.917). Dès lors, la question s’est logiquement posée de savoir si les règles de mixité étaient également applicables aux listes de candidats libres ouvertes au second tour. La réponse nous est donnée dans un arrêt du 25 novembre 2020.

En l’espèce, une entreprise avait procédé à l’organisation du second tour des élections professionnelles, le premier tour ayant donné lieu à procès-verbal de carence à défaut de quorum. Une liste de candidats libres constituée de trois hommes était alors déposée, étant précisé que le pourcentage de femmes et d’hommes au sein du collège en question était respectivement de 13,36 % et de 86,61 %. Le 28 mai 2019, le syndicat CGT invoquait le non-respect des règles de la représentation équilibrée des femmes et des hommes et demandait l’annulation de l’élection de deux élus du sexe masculin. Par jugement du 21 juin 2019, le tribunal d’instance de Clermont-Ferrand relevait que les dispositions invoquées à l’appui de la demande en annulation de l’élection des deux élus n’étaient pas applicables dès lors que cette demande était dirigée contre une liste de candidatures libres. Le syndicat CGT formait alors un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation valide le raisonnement du tribunal d’instance ayant statué en premier et dernier ressort. Pour la chambre sociale, « les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles ». Il n’y avait donc pas lieu d’annuler les candidatures masculines surnuméraires présentées sur la liste de candidats libres au second tour.

En définitive, l’obligation de représentation équilibrée et d’alternance est opposable aux seules organisations syndicales, comme une contrepartie à l’exclusivité dont elles disposent s’agissant de la présentation de listes électorales au premier tour. Les listes de candidatures libres présentées à l’occasion du second tour ne sont donc pas tenues de respecter les règles de mixité. On aurait pu y voir l’occasion pour la Cour de cassation d’assurer la profusion de ces principes en ne faisant pas des listes de candidats libres une exception à la règle. Il convient toutefois de reconnaître que les candidatures libres s’inscrivent généralement dans un contexte singulier. Sans doute les organisations syndicales sont-elles davantage structurées et donc plus à même d’institutionnaliser ce principe de proportionnalité.

Les travaux parlementaires semblaient effectivement aller en ce sens. La commission des affaires sociales craignait par exemple que le dispositif ne soit « trop complexe pour les organisations syndicales et les entreprises », ou qu’il emporte de « très importantes – voire insurmontables – difficultés d’adaptation aux organisations syndicales et aux entreprises » (rapp. n° 501 [2014-2015] de Mme C. Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 juin 2015). D’une certaine manière, les organisations syndicales y étaient présentées comme l’objet exclusif de la contrainte. Par ailleurs, cette conception s’inscrit dans la continuité de l’article L. 2324-6 tel qu’issu de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 et abrogé par la suite. Cet article, auquel les débats parlementaires font à plusieurs reprises référence, incitait les organisations syndicales à respecter un équilibre sexué : « lors de l’élaboration du protocole d’accord préélectoral, les organisations syndicales intéressées examinent les voies et moyens en vue d’atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures » (C. trav., art. L. 2324-6 anc.). Là encore, seules les organisations syndicales étaient visées par cet objectif.

Auteur d'origine: Dechriste

Le gouvernement affiche son intention de doter les pouvoirs publics de moyens pérennes pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles. C’est l’objet de ce nouveau projet de loi de crise dont le titre, sans équivoque, institue un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.

Le régime en vigueur proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021, s’ensuivra un régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021, qui adapte celui qui avait été institué, le 11 juillet dernier, à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (v. Dalloz actualité, 4 nov. 2020, obs. J.-M. Pastor). Il en découle trois régimes d’urgence : celui des menaces sanitaires graves (CSP, art. L. 3131-1 à L. 3131-11), celui de l’état d’urgence sanitaire (art. L. 3131-12 à L. 3131- 20) et celui de la sortie de l’état d’urgence sanitaire (L. n° 2020-856, 9 juill. 2020, art. 1er). Le projet de loi prévoit une refonte de ces...

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Auteur d'origine: pastor

La question de l’obligation de mise en place d’un local d’allaitement est parfois délicate à traiter pour les employeurs ne bénéficiant pas de structures logistiques adaptées. Dans les établissements employant plus de 100 salariées, l’employeur peut en effet être mis en demeure d’installer, dans son établissement ou à proximité, des locaux dédiés à l’allaitement (C. trav., art. L. 1225-32), les caractéristiques de ce local étant définies à l’article R. 4152-13 du code du travail. Mais quid lorsque la présence de locaux respectant ces normes fait défaut ? Quels moyens d’action existent-ils pour les faire respecter, et le cas échéant qui peut les mettre en œuvre ? C’est essentiellement sur ce terrain que l’arrêt du 25 novembre 2020 apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, un syndicat avait mis en demeure l’employeur d’ouvrir des négociations pour mettre en place des salles d’allaitement dans les établissements employant plus de 100 salariées. Après avoir essuyé un refus, ledit syndicat accompagné d’un autre saisirent en référé le président du tribunal de grande instance pour...

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Auteur d'origine: Dechriste

Contrôle des chômeurs Introduit par le Sénat, l’article 73 bis crée un droit de communication pour les agents de Pôle emploi chargés de la répression des fraudes. Ces agents pourront obtenir auprès d’un certain nombre d’organismes ou d’entreprises les documents et informations nécessaires aux vérifications. L’idée est notamment d’obtenir les relevés bancaires et téléphoniques des allocataires soupçonnés de fraudes.

Si d’autres organismes avaient ce droit de communication, jusqu’ici, Pôle emploi n’en disposait pas. La mesure, suggérée par la Cour des comptes (v. Dalloz actualité, 8 sept. 2020, art. P. Januel), avait plusieurs fois été repoussée en 2015 et 2015, compte tenu des atteintes à la vie privée et des mobilisations contre l’amendement. Les députés ont adopté l’article conforme, aucun amendement n’ayant été déposé.

Par ailleurs, l’article 46 terdecies donne à ces agents l’accès au fichier des assurances vie (Ficovie) quand l’article 54 undecies donnera aux agents de l’Agence de services et de paiement l’accès au fichier des comptes bancaires (Ficoba).

Jour de carence

L’article 52 nonies va suspendre, durant la période d’état d’urgence sanitaire, le jour de carence pour les agents publics arrêtés en raison d’une infection à la covid-19. Élisabeth Borne s’est engagée le 10 décembre à faire appliquer cette dérogation aux salariés du privé.

Commission du contentieux du stationnement payant

À la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de l’obligation de payer le montant d’un forfait post-stationnement avant de le contester (v. Dalloz actualité, 10 sept. 2020, obs. J.-M. Pastor), l’Assemblée avait adopté un amendement pour rétablir un cautionnement. Mardi soir, les députés ont renoncé à rétablir l’article supprimé par le Sénat, compte tenu des difficultés techniques. Mais un nouveau dispositif est à l’étude.

Aide juridictionnelle

Si le Sénat a validé l’essentiel de la réforme (v. art. préc.), il a ajouté les procédures de contestation devant le tribunal administratif des mesures d’éloignement pour les étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté aux procédures où l’aide juridictionnelle est de droit. Un ajout conservé.

Frais de mandat parlementaire

L’Assemblée nationale a rétabli mardi un article, introduit par un amendement du premier questeur, qui avait été supprimé par le Sénat. L’article 46 quaterdecies prévoit que les bureaux des deux assemblées détermineront un contrôle rétroactif des indemnités représentatives de frais de mandat (IRFM) des parlementaires. L’IRFM a été supprimée fin 2017, mais l’amendement permettra un contrôle des sommes versées pendant quatre années. Le contrôle devrait être effectué par le déontologue de l’Assemblée et le comité de déontologie du Sénat. Toutefois, selon nos informations, aucun de ces deux organes n’a demandé d’exercer un tel contrôle rétroactif, complexe à mettre en place.

Code de la commande publique

La dernière réforme a été adoptée il y a dix jours (v. Dalloz actualité, 14 déc. 2020, obs. J. Lebied). Mais l’article 56 quinquies contient une énième dérogation au code, afin de faciliter le recours à un opérateur unique pour les marchés de conception-réalisation de travaux de rénovation énergétique financés par le Plan de relance, dès lors que les marchés sont supérieurs à un million d’euros.

Auteur d'origine: babonneau
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Les récentes réformes du droit du travail ont facilité la mise en œuvre de mesures destinées à préserver l’emploi ou à assurer le bon fonctionnement de l’entreprise, tout en contournant les limites liées à l’interdiction pour l’employeur de modifier le contrat de travail d’un salarié sans l’accord de ce dernier (v. Soc. 19 mai 1998, n° 96-41.573, Dr. soc. 1998. 878, note G. Couturier ; ibid. 1999. 566, étude P. Waquet ). Depuis les ordonnances du 22 septembre 2017 (ord. n° 2017-1385), il est notamment possible de conclure un accord de performance collective au niveau des entreprises, lequel peut aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, la rémunération et les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise, « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi ». Les stipulations d’un tel accord « se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail », sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord des salariés concernés. Ceux qui refusent l’application de l’accord peuvent être licenciés ; « ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse » (C. trav., art. L. 2254-2).

Ce nouvel accord de performance collective regroupe les différentes figures d’accords collectifs dont le contenu prime sur la volonté des parties formalisée par le contrat de travail, y compris lorsque ses stipulations sont moins favorables. Parmi ces figures, on retrouve l’ancien accord de mobilité interne (AMI), qui permettait à un employeur d’« engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction des effectifs » (C. trav., art. L. 2242-21 issu de la L. n° 2013-504, 14 juin 2013). Sous réserve qu’il contienne certaines garanties (limites de la mobilité, mesures pour concilier la vie personnelle et la vie professionnelle, mesures d’accompagnement à la mobilité ; C. trav., art. L. 2242-22 anc.), le salarié ne pouvait s’opposer à la mobilité décidée en application d’un tel accord. L’employeur pouvait licencier les salariés refusant l’application à leur contrat de l’AMI ; ce licenciement reposait sur un motif économique (C. trav., art. L. 2242-23 anc.).

En l’espèce, une entreprise, ayant perdu un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, avait déménagé son centre de Nîmes et avait proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d’autres régions à compter du 1er juillet 2013, dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992. Plusieurs salariés, refusant cette affectation, avaient saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation du contrat de travail. L’employeur avait finalement conclu un AMI avec les organisations syndicales représentatives le 29 juillet 2013, dispositif nouvellement créé par la loi du 14 juin 2013. Les salariés ayant refusé la mobilité prévue par cet accord avaient été licenciés pour motif économique, conformément aux dispositions légales applicables, le 8 avril 2014. Ils avaient saisi le juge prud’homal d’une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement.

La cour d’appel de Nîmes, le 23 octobre 2018, a débouté les salariés de leurs différentes demandes. S’agissant du bien-fondé des licenciements prononcés consécutivement au refus par les salariés de l’application de l’AMI, les juges du fond ont principalement retenu, d’une part, que cet accord était valide au regard des conditions posées par la loi, d’autre part, qu’il ne leur appartenait pas d’apprécier ces licenciements à la lumière des motifs classiques de licenciement pour motif économique (v. C. trav., art. L. 1233-3). Les salariés licenciés ont formé un pourvoi en cassation.

Ils contestaient d’abord la validité de l’AMI dès lors que l’entreprise avait procédé à la fermeture d’un site et la suppression de quatre-vingts postes, alors qu’un tel accord ne pouvait « être négocié et signé que dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réductions d’effectifs ». Ils faisaient ensuite grief à l’arrêt d’appel de ne pas avoir apprécié si le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et d’avoir retenu « que le motif économique du licenciement des salariés était vainement discuté » dès lors que ce motif était constitué par le seul refus de l’application de l’AMI. Ce faisant, les juges auraient violé l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT, interdisant le licenciement d’un salarié sans un motif valable.

Le 2 décembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les salariés. Le premier moyen est écarté au motif que l’AMI pouvait être conclu dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs ; or la cour d’appel avait constaté que cette condition était remplie, puisque l’accord avait bien pour objectif « d’apporter des solutions pérennes d’organisation de l’entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs ». La suppression de certains postes et la réaffectation des salariés concernés sur d’autres postes ne suffisaient pas à établir qu’il existait un projet de réduction d’effectifs. Sur ce point, la chambre sociale confirme sa jurisprudence (Soc. 11 déc. 2019, n° 18-13.599, D. 2020. 22 ; RDT 2020. 119, obs. M. Kocher ).

La Cour écarte également le second moyen, tout en précisant le rôle dévolu aux juges du fond dans l’appréciation du motif du licenciement consécutif au refus d’application d’un AMI. Rappelant l’applicabilité directe de la Convention n° 158 de l’OIT (v. CE 19 oct. 2005, n° 283471, Lebon ; AJDA 2005. 1980 ; ibid. 2162 , chron. C. Landais et F. Lenica ; D. 2006. 629 , note G. Borenfreund ; Dr. soc. 2006. 494, note X. Prétot  ; Soc. 29 mars 2006, n° 04-46.499, Dalloz actualité, 5 avr. 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 2228, obs. L. Perrin ; Dr. soc. 2006. 636, obs. J. Duplat ; RDT 2006. 273, obs. P. Lokiec ; Soc., avis, 17 juill. 2019, n° 19-70.011, D. 2019. 1916 , note T. Sachs ; RDT 2019. 693, étude J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2020. 59, obs. P. Deumier ), elle précise d’abord que, selon son article 4, un licenciement doit être lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. Elle indique ensuite qu’en vertu de son article 9.1, le tribunal compétent en matière de rupture du contrat de travail est habilité à examiner les motifs invoqués et à décider si le licenciement est justifié. Elle rappelle enfin qu’aux termes de son article 9.3, lorsque le licenciement est motivé par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, le juge compétent doit pouvoir déterminer si le licenciement est véritablement intervenu pour ces motifs et si ces motifs étaient suffisants pour justifier le licenciement.

La législation alors en vigueur précisait simplement que le licenciement d’un salarié refusant l’application à son contrat des stipulations de l’AMI reposait sur un motif économique. Ce refus constituait à lui seul ledit motif économique, ce dont il résultait que les juges du fond n’avaient pas à vérifier si « la modification du contrat, refusée par le salarié, [était] consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur ». Par conséquent, il leur appartenait seulement d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard, d’une part, des conditions de validité de l’AMI posées par la loi, d’autre part, des stipulations de l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT imposant qu’un licenciement soit justifié par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise.

En l’espèce, l’AMI en cause était conforme aux dispositions légales alors en vigueur, comme l’avaient relevé les juges du fond ; « le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail » ; et les salariés ne soutenaient pas que l’AMI n’était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise. Les licenciements des salariés réfractaires reposaient donc sur une cause réelle et sérieuse.

Il résulte de cet arrêt que, lorsque la loi autorise le licenciement d’un salarié refusant l’application d’un accord collectif déterminé, le juge peut toujours apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du contenu de l’accord collectif en cause. Cette solution s’inscrit dans le prolongement de celle dégagée pour les accords de réduction du temps de travail (Soc. 15 mars 2006, n° 04-41.935, D. 2006. 946 ; ibid. 2002, obs. J. Pélissier, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; RDT 2006. 96, obs. M. Véricel  ; 23 sept. 2009, n° 07-44.712, Dalloz actualité, 14 oct. 2009, obs. J. Cortot) et devrait logiquement trouver à s’appliquer en matière d’accord de performance collective (APC).

En effet, la très large publication dont bénéficie cette décision, qui concerne un dispositif peu populaire en son temps et aujourd’hui abrogé, laisse penser qu’elle préfigure les conditions de validité d’un licenciement consécutif au refus par un salarié de la modification de son contrat en application d’un APC. Dans le régime juridique issu des ordonnances de 2017, un tel licenciement « repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse » (C. trav., art. L. 2254-2). Si le législateur a préconstitué une cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge est-il pour autant privé de son pouvoir d’apprécier la justification du licenciement ? La solution retenue par les juges dans l’arrêt commenté semble s’opposer à une telle hypothèse.

Le juge pourra en effet contrôler que le licenciement est bien motivé par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise et déterminer s’il intervient véritablement pour ces motifs (OIT, Conv. n° 158, art. 4 et 9.3). Cela reviendra, en fait, à contrôler la justification invoquée lors de la conclusion de l’APC et la réalité de cette justification. S’il peut largement être recouru à l’APC, « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi », il également nécessaire que cet accord définisse ses objectifs dans un préambule (C. trav., art. L. 2254-2). Il paraît donc important que les négociateurs explicitent en quoi le recours à l’APC est nécessaire pour assurer le fonctionnement de l’entreprise et en quoi les objectifs de l’accord sont pertinents au regard du motif invoqué. Ce sont précisément ces objectifs et la pertinence des moyens mis en œuvre pour les atteindre qui seront contrôlés par les juges pour déterminer si le licenciement des salariés contestataires est justifié. Si, par exemple, l’employeur a invoqué des difficultés économiques et une volonté de préserver l’emploi pour convaincre les organisations syndicales de signer l’accord, le juge devrait pouvoir contrôler, en cas de contestation d’un licenciement, que ces difficultés étaient réelles et justifiaient les mesures prévues par l’accord (v. P. Lokiec, A. Cormier Le Goff et I. Taraud, Juges et accords de performance collective, Dr. soc. 2020. 511  ; I. Meftah, L’accord de performance collective, RJS oct. 2020). Les juges devront aussi vérifier que l’accord n’a pas été détourné pour procéder à des licenciements qui reposeraient sur un motif prohibé par la loi comme une discrimination (CE 7 déc. 2017, n° 408379, Lebon ; AJDA 2018. 664 ).

En définitive, le fait que le refus du salarié de se voir appliquer un APC justifie en soi un licenciement ne prive pas ce dernier de son droit à ne « pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement » fondé, a minima, « sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service » (OIT, Conv. n° 158, art. 4). À défaut de pouvoir contrôler la justification du licenciement au regard des classiques motifs personnel ou économique, le juge pourra au moins contrôler la « pertinence » de l’APC (Cons. const. 21 mars 2018, n° 2018-761 DC, Dalloz actualité, 23 mars 2018, obs. C. Dechristé ; D. 2018. 2203, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Dr. soc. 2018. 677, tribune C. Radé ; ibid. 682, étude B. Bauduin ; ibid. 688, étude A. Fabre ; ibid. 694, étude Y. Pagnerre ; ibid. 702, étude J. Mouly ; ibid. 708, étude P.-Y. Verkindt ; ibid. 713, étude G. Loiseau ; ibid. 718, étude D. Baugard et J. Morin ; ibid. 726, étude C. Radé ; ibid. 732, étude P.-Y. Gahdoun ; ibid. 739, étude L. He ; RDT 2018. 666, étude V. Champeil-Desplats ) et apprécier la nécessité de licencier les salariés réfractaires au regard des objectifs fixés par celui-ci.

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par Loïc Malfettesle 17 décembre 2020

Soc. 25 nov. 2020, FS-P+B, n° 19-18.681

Il est bien connu que la présidence du c omité social et économique (CSE) doit en principe être assumée par le seul employeur (C. trav., art. L. 2315-23 pour le CSE ; art. L. 2325-1 anc. pour le comité d’entreprise). La mise en pratique de ce principe peut toutefois se heurter à la question de l’incarnation – ou plutôt de la représentation – de ce dernier. Quelles conditions ou qualités doit revêtir le substratum humain de la personne morale employeur pour présider l’instance représentative du personnel ?

Il est traditionnellement reconnu que l’employeur a la faculté de la déléguer ponctuellement ou de façon permanente la responsabilité de cette présidence, la jurisprudence ayant précisé que si plusieurs délégations simultanées sont interdites, une délégation subsidiaire est possible en cas d’empêchement du représentant (Soc. 27 nov. 1980, n° 80-60.222 P). Aussi le délégataire doit-il disposer de l’ensemble des pouvoirs de l’employeur dans le cadre de ses relations avec...

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En application de la protection dont bénéficient certains salariés, notamment ceux exerçant des fonctions de représentation (C. trav., art. L. 2411-1 et s.), doit être annulé le licenciement d’un salarié protégé intervenu sans autorisation administrative (C. trav., art. L. 1235-3-1). Cette solution, affirmée depuis longtemps et de façon constante par la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc. 17 mars 1993, n° 90-43.819 ; 23 oct. 2019, n° 18-16.057, D. 2019. 2098 ), doit être appliquée y compris dans l’hypothèse où l’employeur a manifesté sa volonté de se rétracter, quelques jours après un licenciement non autorisé, pour reprendre la procédure depuis son point de départ.

En l’espèce, une salariée, élue déléguée du personnel et membre du CSE (bénéficiant de la protection contre le licenciement – C. trav., art. L. 2411-5 et L. 2411-8 alors en vigueur), avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Ce licenciement lui avait été notifié par lettre le 19 juin 2017. Le 26 juin, l’employeur l’avait informé de l’annulation de son licenciement et avait adressé à l’inspecteur du travail une demande d’autorisation préalable au licenciement pour inaptitude. Le 27 juillet, l’inspecteur du travail avait déclaré cette demande irrecevable, décision confirmée par le ministre du Travail le 8 juin 2018, dans le cadre d’un recours hiérarchique. Le 1er décembre 2017, la salariée licenciée avait saisi la formation de référé de la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de la nullité de son licenciement intervenu en violation de la procédure administrative d’autorisation préalable et en paiement de diverses indemnités. Les juges devaient principalement se prononcer sur l’effet de la rétractation du licenciement par l’employeur qui, conscient de son erreur, souhaitait entamer une nouvelle procédure conforme aux exigences légales.

Le 8 novembre 2018, la cour d’appel de Versailles a constaté que le contrat avait été rompu par la notification du licenciement le 19 juin 2017 et a condamné l’employeur à payer à la salariée, à titre provisionnel, des sommes correspondant notamment à une...

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En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, il est acquis que le défaut d’avis des représentants du personnel dans le cadre de l’obligation de reclassement du salarié, préalable au licenciement, est sanctionné par l’allocation d’une indemnité spécifique qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (C. trav., art. L. 1226-2 renvoyant à l’art. L. 1235-3-1).

Le code ne contient toutefois pas d’équivalent concernant l’inaptitude d’origine non professionnelle. À quelles conséquences s’expose alors l’employeur qui ne sollicite pas l’avis préalable des représentants du personnel lorsqu’il envisage le licenciement d’un salarié inapte pour motif non professionnel ? C’est à cette question que trois arrêts rendus le 30 septembre 2020 viennent apporter des réponses.

Dans les trois espèces, un salarié s’était vu licencié pour inaptitude - d’origine professionnelle pour un d’entre eux (n° 19-16.488), et non professionnelle pour les deux autres (nos 19-13.122 et...

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Fruit de la loi n° 73-1194 du 27 décembre 1973 instituant le régime d’assurance des créances des salariés, l’assurance garantie des salaires (AGS) permet aux salariés d’obtenir le paiement de leurs créances salariales dans l’hypothèse d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Cette garantie est financée par une cotisation patronale versée à l’Urssaf. Globalement, l’AGS couvre l’ensemble des sommes dues aux salariés en exécution du contrat de travail et exigibles à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire (Soc. 12 juin 2002, n° 00-41.153 ; 30 oct. 2002, n° 00-46.779). Dès lors que la créance est réputée échue, l’AGS peut être mobilisée pour la prise en charge des sommes dues au salarié au titre de l’exécution de la relation de travail. Si l’étendue des créances couvertes par l’AGS a donné lieu à un abondant contentieux (Soc. 6 mai 1997, n° 94-42.699 P, D. 1998. 221 , obs. Y. Serra ; Dr. soc. 1997. 751, obs. R. Vatinet ; Soc. 23 nov. 2004, n° 02-41.836 P, D. 2005. 18 ; Dr. soc. 2005. 221, obs. C. Radé  ; 15 déc. 2004, n° 02-46.973), la Cour de cassation a récemment eu à s’interroger sur le bien-fondé de l’action prud’homale engagée directement par le salarié à l’encontre de l’AGS.

En l’espèce, une entreprise avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire, entraînant le licenciement pour motif économique d’un...

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« La situation de coemploi devrait rester exceptionnelle » et être « caractérisée lorsqu’il existe un tel état d’imbrication entre l’employeur déclaré et un tiers au contrat de travail, s’immisçant dans la gestion économique et sociale de l’entreprise, que cette dernière perd toute autonomie véritable ». Ces mots, écrits en 2013 par M. Pierre Bailly, conseiller à la Cour de cassation (Le coemploi : une situation exceptionnelle, JCP S 2013. 1441), contrastaient alors assez nettement avec le fait que cette situation – dans laquelle une société dominante est considérée comme coemployeur de salariés ayant conclu des contrats de travail avec une autre société, dominée – était fréquemment invoquée par des salariés licenciés pour motif économique, cherchant à engager la responsabilité de la société mère en tant que coemployeur.

C’est précisément pour freiner le contentieux relatif au coemploi que la chambre sociale de la Cour de cassation, en 2014, avait ajouté à la traditionnelle exigence d’une triple confusion – d’intérêts, d’activités et de direction – entre les coemployeurs (Soc. 18 janv. 2011, n° 09-69.199, Dalloz actualité, 14 févr. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 382 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Rev. sociétés 2011. 154, note A. Couret ; Dr. soc. 2011. 372, note G. Couturier ; ibid. 2012. 995, étude B. Gauriau ; RDT 2011. 168, étude F. Géa ; ibid. 285, Controverse L. Drai et C. Pares ) l’exigence d’une immixtion de la société dominante dans la gestion économique et sociale de la société dominée. Les juges insistaient encore sur le caractère anormal du coemploi, qui devait concerner des situations « au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer ». En parallèle, elle ouvrait la porte à une action des salariés sur le fondement de la responsabilité civile, en précisant que « commet une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle la société mère qui, par [ses] décisions, aggrave la situation économique difficile de sa filiale, provoquant sa déconfiture et la disparition d’emplois » (Soc. 2 juill. 2014, Molex, nos 13-15.208 à 13-21.153, Dalloz actualité, 18 sept. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 1502 ; ibid. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Rev. sociétés 2014. 709, note A. Couret et M.-P. Schramm ; RDT 2014. 625, obs. M. Kocher ; Rev. crit. DIP 2015. 594, note F. Jault-Seseke ). Certains auteurs ont pu en déduire la « mort » du coemploi, dont les conditions devenaient trop restrictives pour être systématiquement invoquées (G. Loiseau, Le coemploi est mort, vive la responsabilité délictuelle, JCP S 2014. 1311).

Les nombreux arrêts rendus par la chambre sociale semblent pourtant témoigner d’un attrait constant des plaideurs pour le coemploi, bien que celui-ci ne soit presque jamais reconnu (Soc. 6 juill. 2016, n° 14-27.266, Dalloz actualité, 7 juill. 2016, obs. O. Hielle ; D. 2016. 2096 , note R. Dammann et S. François ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2016. 560, obs. S. Vernac  ; 7 févr. 2018, n° 14-24.061 ; 28 mars 2018, n° 16-22.188 ; 9 oct. 2019, n° 17-28.150, D. 2019. 1998 ; Rev. sociétés 2019. 776, obs. P. Pisoni ), y compris lorsqu’il existe une convention générale d’assistance entre les sociétés (Soc. 7 mars 2017, n° 15-16.865, Dalloz actualité, 20 avr. 2017, obs. B. Ines ; D. 2017. 650 ; Rev. sociétés 2018. 58, note E. Schlumberger ; Dr. soc. 2017. 843, chron. S. Tournaux ; RDT 2017. 256, obs. G. Auzero ). Le coemploi n’était finalement plus reconnu que dans une situation de confusion totale d’intérêts, d’activités et de direction, dont il résultait une immixtion anormale de la société mère dans la gestion de sa filiale, faisant perdre à cette dernière toute autonomie (Soc. 6 juill. 2016, n° 15-15.481, D. 2016. 2096 , note R. Dammann et S. François ; Rev. sociétés 2017. 149, note E. Schlumberger ; RDT 2016. 560, obs. S. Vernac ). Certaines décisions ont montré que le coemploi devait être écarté dès lors que la société employeuse conservait une autonomie décisionnelle au sein du groupe (Soc. 24 mai 2018, n° 16-18.621, Dalloz actualité, 13 juin 2018, obs. W. Fraisse ; D. 2018. 1159 ; Rev. sociétés 2018. 604, note A. Couret  ; 24 mai 2018, n° 17-15.630, Dalloz actualité, 13 juin 2018, obs. W. Fraisse ; D. 2018. 1150 ). Par un arrêt rendu le 25 novembre 2020, la chambre sociale confirme cette tendance en insistant encore sur le caractère exceptionnel du coemploi.

En l’espèce, une société, reprise en 2010 par un groupe japonais, avait licencié ses salariés pour motif économique en 2012, en raison d’une cessation d’activité. Elle avait été placée en liquidation judiciaire en 2013. Les salariés, contestant ces licenciements, avaient saisi le juge prud’homal de demandes en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société employeuse mais également de la société mère, invoquant sa qualité de coemployeur. La cour d’appel de Caen, le 19 janvier 2018, a accueilli ces demandes, au motif que la société employeuse avait délégué à la société mère, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et que cette dernière avait facturé son intervention ; qu’au surplus, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société employeuse avait été assurée par une filiale de la société mère moyennant redevance ; qu’enfin, la société mère avait repris les actifs de la société employeuse à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière. Les juges du fond ont déduit de ces éléments de fait que la société mère devait être considérée comme étant le coemployeur des salariés licenciés. Cette dernière a formé un pourvoi en cassation, arguant que les conditions de qualification du coemploi n’étaient pas réunies.

Le 25 novembre 2020, la chambre sociale casse la décision des juges du fond, au motif que ces derniers ne caractérisaient pas « une immixtion permanente de la société [mère] dans la gestion économique et sociale de la société employeuse, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ». Ce faisant, elle recentre la définition du coemploi sur deux conditions : l’immixtion permanente de la société dominante et la perte totale d’autonomie d’action de la société dominée.

Il ressort de la motivation – « enrichie » depuis la refonte des modalités de rédaction des arrêts – que la chambre sociale souhaite, par cette décision, « préciser les critères applicables en la matière » eu égard à l’évolution du contentieux. Dans la note explicative, elle relève que « le contentieux soumis au cours des quatre dernières années à la chambre sociale témoigne de la difficulté persistante des juges du fond à appréhender les critères définis par la chambre sociale et, dès lors, à caractériser l’existence ou non d’une situation de coemploi ». Une telle situation est en effet fréquemment retenue par les juges du fond, alors qu’elle ne l’a été qu’une fois depuis l’arrêt Molex par la haute juridiction. Il en résulte, depuis 2014, un nombre important d’arrêts de cassation, au détriment de l’impératif de sécurité juridique.

C’est pour corriger ce déséquilibre qu’une nouvelle définition du coemploi est affirmée : exit la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction, « au profit d’une nouvelle définition du coemploi se voulant plus explicite, fondée sur l’immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale et la perte totale d’autonomie d’action de la filiale » (note explicative). Cette nouvelle solution ne devrait pas conduire la Cour à modifier sa jurisprudence – la seule situation dans laquelle le coemploi avait été retenu était déjà marquée par la perte totale d’autonomie de la filiale (Soc. 6 juill. 2016, n° 15-15.481, préc.). En revanche, le message envoyé aux juges du fond est clair : une société ne peut être considérée comme coemployeur que si son emprise sur la société employeuse est telle que cette dernière est privée de ses prérogatives, au point de devenir une société de façade. Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la société employeuse conserve une certaine autonomie de gestion et de décision, même considérablement amoindrie.

Si la chambre sociale de la Cour de cassation n’abandonne pas la notion de coemploi, elle rappelle avec force, par cet arrêt, qu’une telle situation doit rester exceptionnelle et être appliquée dans des cas très particuliers. Rien de nouveau, donc, puisqu’il s’agit de la position affirmée par la Cour depuis plusieurs années, avant même l’arrêt Molex (P. Bailly, art. préc.). En pratique, la reformulation de la définition du coemploi dissuadera probablement les plaideurs d’invoquer cette notion – pour privilégier, peut-être, des demandes sur le fondement de la responsabilité délictuelle. In fine, le contentieux, beaucoup trop important au regard des conditions très restrictives nécessaires à la caractérisation du coemploi, devrait logiquement se tarir.

Auteur d'origine: lmontvalon