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Un candidat malheureux aux élections municipales a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle (Orne). Par une ordonnance du 25 mars 2020, le président de la juridiction saisie a rejeté sa protestation pour tardiveté de la saisine. Il a été fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État. Par une décision du 15 juillet 2020, ce dernier a rejeté le recours formé tout en annulant l’ordonnance déférée. Cette décision sera commentée sur deux points : d’une part, quant au délai de recours contentieux en période d’état d’urgence sanitaire et, d’autre part, concernant l’appréciation du facteur de l’abstention dans une élection.

Le délai de recours contentieux

Il convient de rappeler que les délais dans lesquels les protestataires peuvent contester une élection sont particulièrement normés par catégorie d’élection. Ainsi, pour les élections municipales, ce délai est de cinq jours et celui-ci expire à dix-huit heures le cinquième jour suivant l’élection contestée (C. élect, art. R. 119). Pour la computation de ce délai, il n’est pas tenu compte du jour de la proclamation des résultats de l’élection (dies a quo) ni du jour de l’échéance du recours (dies a quem). Ainsi, pour une élection acquise le 11 mars 2001, le 12 mars doit être retenu comme point de départ du délai par l’article R. 119, le délai de recours expirant le 16 mars 2001 à 24 heures (TA Nantes, 7 juin 2001, Élections municipales de Maisdon-sur-Sèvre). Est donc tardif un recours enregistré par le greffe après l’expiration du délai, alors même que la date de l’envoi de la protestation s’est faite dans le délai postal de cinq jours (CE 26 oct. 2001, Élections municipales de la commune Le Donjon, n° 133290). C’est en raison de ces délais très resserrés que le juge du Palais-Royal a considéré, en matière électorale, qu’une requête transmise dans les délais par voie électronique est recevable à la préfecture par voie électronique, à condition que le protestataire confirme en être bien l’auteur par lettre adressée au tribunal administratif compétent (CE 28 déc. 2001, n° 235784, Élections municipales d’Entre-Deux-Monts, Lebon ; D. 2002. 2008 , note F. Mallol ). Cela étant rappelé, le président du tribunal administratif de Caen a considéré irrecevable la requête contre les élections municipales et communautaires de la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle qui se sont tenues le dimanche 15 mars 2020 au motif que la protestation a été enregistrée le 22 mars 2020 au greffe dudit tribunal, soit au-delà du délai de cinq jours qui expirait pour lui le 20 mars 2020. Cependant, il avait oublié d’intégrer les dispositions du 3° du II de l’article 15 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, lesquelles précisent que « les réclamations et les recours mentionnés à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour ». L’article 1er du décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires...

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Auteur d'origine: pastor
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La règle de l’unicité de l’instance applicable en matière prud’homale a longtemps (depuis une loi du 27 mars 1907) imposé aux parties au contrat de travail de formuler toutes les demandes liées à ce contrat dans le cadre d’une seule instance (C. trav., art. R. 1452-6, al. 1er anc.). Il en résultait une irrecevabilité de toute demande nouvelle se rattachant au même contrat de travail que la demande déjà jugée, peu important qu’elle n’eût pas le même objet que celles formulées lors de l’instance initiale (v. Soc. 25 janv. 2006, n° 03-47.058, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier). Ce principe était tempéré par quelques exceptions : une partie pouvait saisir à nouveau le conseil de prud’hommes « lorsque le fondement des prétentions [était] né ou révélé postérieurement à la saisine » du premier juge (C. trav., anc. art. R. 1452-6, al. 2) ; il ne s’appliquait que lorsqu’une décision irrévocable avait été rendue sur le fond (Soc. 16 nov. 2010, n° 09-70.404, D. 2011. 227, communiqué C. cass. , note V. Orif ; ibid. 265, obs. N. Fricero ; Dr. soc. 2011. 432, note M. Keller ; RDT 2011. 55, obs. E. Serverin ; RTD civ. 2011. 173, obs. R. Perrot ).

La règle de l’unicité de l’instance permettait cependant aux parties de formuler de nouvelles demandes dérivant du même contrat de travail en cours d’instance, y compris devant la formation de départage (Soc. 3 oct. 1991, n° 88-41.862, D. 1991. 266 ; RTD civ. 1992. 182, obs. R. Perrot ) ou le juge d’appel, le cas échéant. Dans cette hypothèse, l’absence de tentative de conciliation ne pouvait leur être opposée (C. trav., art. R. 1452-7 anc.). Ce droit prenait parfois la forme d’une obligation : lorsque le salarié prenait connaissance d’éléments fondant de nouvelles prétentions avant que le juge d’appel éventuellement saisi n’ait statué, les nouvelles demandes devaient, à peine d’irrecevabilité, être présentées devant ce dernier (v. Soc. 21 oct. 2014, n° 13-19.786).

Un décret n° 2016-660 du 20 mai 2020 (Décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, spéc. art. 8 et 45) a mis fin à cette spécificité du procès prud’homal en abrogeant, au 1er août 2016, les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail. Une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 1er juillet 2020 apporte des précisions sur les effets dans le temps de cette abrogation.

En l’espèce, une salariée, engagée en 2009 par une compagnie aérienne, avait saisi le conseil de prud’hommes le 25 septembre 2015. Elle s’estimait victime de faits de discrimination et de harcèlement moral et demandait, à ce titre, le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral. Alors qu’elle avait été licenciée le 10 octobre 2016, elle a interjeté appel le 11 mai 2017 du jugement l’ayant déboutée de toutes ses demandes et a présenté, en appel, des demandes nouvelles au titre de la rupture de son contrat de travail. Le 16 octobre 2018, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a déclaré irrecevables ces demandes, au motif, d’une part, qu’elles étaient nouvelles car elles n’avaient pas été présentées devant le premier juge ; d’autre part, que l’article R. 1452-7 avait été abrogé au 1er août 2016. Selon les juges du fond, les dispositions du décret du 20 mai 2016, instaurant des règles de procédure, étaient d’application immédiates pour les instances postérieures à son entrée en vigueur. La salariée ayant interjeté appel le 11 mai 2017, le principe d’unicité de l’instance, applicable devant le premier juge, ne l’était plus devant le second.

C’est sur ce point que se concentre le pourvoi en cassation formé par la salariée. L’instance ayant été introduite en 2015, avant l’entrée en vigueur du décret de 2016, la règle de l’unicité de l’instance devait, selon le moyen, s’appliquer jusqu’à ce qu’une décision irrévocable soit rendue sur le fond, y compris devant la cour d’appel saisie après le 1er août 2016.

Par l’arrêt commenté, la chambre sociale de la Cour de cassation accueille le moyen présenté par la salariée. Elle casse la décision rendue par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, au motif qu’« il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R.1452-7 du Code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016 ». Or, si la salariée a interjeté appel le 11 mai 2017, après l’abrogation de ces dispositions, l’instance avait bien été introduite devant le conseil de prud’hommes avant le 1er août de 2016. La règle de l’unicité de l’instance, incluant la possibilité de formuler des demandes nouvelles relatives au même contrat de travail en appel, demeurait applicable jusqu’à un jugement définitif sur le fond.

Pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud’hommes après le 1er août 2016, les parties ne peuvent plus formuler des demandes nouvelles en appel. L’article 564 du Code de procédure civile dispose en effet qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour [d’appel] de nouvelles prétentions », qui ne tendraient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (C. pr. civ., art. 565), « si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses (Soc. 27 févr. 2020, n° 18-19.367 P, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 492 ) ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ». En contrepartie, la disparition de la règle de l’unicité de l’instance permet aux parties aux contrat de travail de présenter ces demandes nouvelles dans le cadre d’une instance séparée, en saisissant à nouveau le conseil de prud’hommes.

Un salarié licencié pour un motif disciplinaire pourra donc contester le bien-fondé de son licenciement devant le juge prud’homal puis, ultérieurement, saisir à nouveau le juge d’une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral ou d’une demande en rappel d’heures supplémentaires. Cette possibilité de saisines successives pourrait être un vecteur d’encombrement des juridictions du travail, que la règle de l’unicité de l’instance avait précisément pour fonction de combattre ; cependant les délais de prescriptions courts applicables en droit du travail (C. trav., art. L. 1471-1) pourraient prévenir ce « risque » en rendant en pratique complexe la multiplication des instances (v. A. Bugada, Vers un nouveau droit prud’homal, JCP S 2015. 1247). 

Auteur d'origine: Dechriste

Dans le rapport, que diffuse Dalloz actualité, les députés considèrent que le Défenseur a réussi à « s’imposer comme une vigie du respect des droits ». Mais il reste avant tout une autorité morale, parfois inaboutie, notamment en matière de déontologie de la sécurité.

Deux députés se sont attelés à ce rapport : Coralie Dubost (LREM) et Pierre Morel-À-L’Huissier (UDI) qui fut le rapporteur de la loi créant le Défenseur, il y a dix ans. Cette création fut, au départ, contestée. Rassemblant la HALDE, le médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), l’enjeu pour le Défenseur était d’être plus qu’un patchwork. Une décennie après, les députés relèvent que « le Défenseur des droits est, sans aucun doute, une institution utile qui a réussi à s’imposer comme une vigie du respect des droits. »

Cependant, poursuivent-ils « le Défenseur des droits exerce essentiellement une magistrature morale, dépourvue de pouvoir de sanction ». Pour les députés, cette absence de rôle contraignant « permet au Défenseur des droits d’agir en complémentarité plutôt qu’en concurrence avec les juridictions ». Concernant le règlement des litiges, en 2015, le taux de suivi des recommandations générales du Défenseur était de 100 % et celui des recommandations individuelles de 66 %. Coralie Dubost et Pierre Morel-À-L’Huissier élaborent plusieurs recommandations pour renforcer son poids et son implantation.

Un Défenseur plus connu que ses missions

Jacques Toubon a permis au Défenseur d’acquérir une reconnaissance importante sur la défense des droits humains. En 2020, le Défenseur des droits est connu par 51 % des Français, contre 37 % en 2014. Le nombre de réclamations a augmenté de 32 % entre 2011 et 2019, pour atteindre 103 000.

Toutefois, certaines de ses missions restent mal connues, l’activité du siège l’ayant médiatiquement emporté sur l’action de terrain. Le Défenseur bénéficie pourtant d’un réseau de 510 délégués territoriaux (contre 371 en 2014). Certaines administrations, comme la CNAV, l’OFII ou le Trésor public restent récalcitrantes envers le Défenseur.

Le Défenseur des droits peut également intervenir devant toutes les juridictions, pour présenter son analyse du dossier, ce qu’il a fait à 141 reprises l’an dernier. Son avis a été suivi dans 70 % des cas. Mais pour certains des professionnels interrogés, ces interventions sont parfois trop proches de « prises de position para-juridiques fondées sur une approche du juste et de l’injuste plutôt désincarnée ».

C’est l’action en matière de déontologie de la sécurité qui semble la plus compliquée. Le taux de suivi des recommandations du Défenseur concernant les poursuites disciplinaires « s’est stabilisé à 0 % ». Comme à l’époque de la CNDS, même les recommandations générales n’ont qu’un faible impact. Pour les forces de l’ordre, le Défenseur est au mieux considéré comme un doublon de l’action des inspections et de la justice.

Renforcer le poids du Défenseur et élargir ses compétences

Les députés souhaitent que les avis du Défenseur soient mieux suivis. Ils proposent ainsi la création d’un service interministériel chargé du suivi de ses recommandations. Ils souhaitent aussi qu’il puisse saisir le Conseil constitutionnel en amont et en aval de la promulgation des lois.

Les députés proposent que l’institution fasse plus appel à certains des pouvoirs dont elle dispose : en 2019, le Défenseur ne s’est saisi d’office qu’à onze reprises et n’a réalisé qu’une vérification sur place. Son autonomie budgétaire devrait aussi être renforcée : le budget 2020 est inférieur de 6,2 millions d’euros aux budgets 2010 des quatre autorités fusionnées.

Les lanceurs d’alerte sont un sujet émergeant pour le Défenseur. Il a été saisi de 84 dossiers lanceurs d’alerte en 2019. Si la loi Sapin 2 avait été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, la transposition d’une directive européenne pourrait lui permettre de récupérer l’accompagnement des lanceurs d’alerte, comme le souhaitent les députés.

Le rapport recommande de ne pas généraliser l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire que conduit le Défenseur sur certains contentieux (RSA, APL). Sur 500 demandes, seuls 22 % des médiations achevées ont conduit l’usager à ne pas faire de recours contentieux.

Enfin, l’extension du périmètre du Défenseur des droits reste sur la table. Le rapport ne recommande pas franchement une fusion avec la CNCDH ou avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), sauvé en 2010 grâce à l’action de Jean-Marie Delarue. Mais, à défaut de fusion, il propose donner compétence au CGLPL pour traiter les litiges individuels en détention. Autre point : le Défenseur pourrait renforcer son contrôle dans les EHPAD, en y réalisant des visites.
 

Auteur d'origine: babonneau
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Cette Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164) ouverte à la signature le 4 avril 1997 à Oviedo (en Espagne) et entrée en vigueur en France le 1er avril 2012 (v. not. A. Mirkovic, La ratification (enfin !) de la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, D. 2012. 110 ; D. Thierry, La France enfin liée par la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, RDSS 2012. 839 ) est aujourd’hui le seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’homme dans le domaine biomédical. Ce texte concerne plus particulièrement la protection de...

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Auteur d'origine: ccollin
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Les personnes handicapées rencontrent de grandes difficultés pour trouver un emploi ou le conserver, leur taux de chômage reste deux fois supérieur à celui de la population générale. Fin 2017, plus de 500 000 demandeurs d’emploi handicapés (DEBOE) sont inscrits à Pôle emploi (8,5 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi), un chiffre en constante augmentation.

Dans ce contexte, il convient de protéger les travailleurs handicapés, population vulnérable, en favorisant et en pérennisant leur emploi.

Plusieurs mesures existent visant à atteindre ce but, sans souci d’exhaustivité :

• premièrement, il sera rappelé qu’il existe une obligation d’emploi des travailleurs handicapés, consistant à imposer aux entreprises (employeurs privés, y compris les établissements publics industriels et commerciaux) d’au moins vingt salariés d’employer des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans une proportion au moins égale à 6 % des effectifs de l’entreprise (C. trav., art L. 5212-2) ;

• deuxièmement, les salariés handicapés peuvent également bénéficier, à leur demande, d’aménagements d’horaires individualisés propres à leur faciliter leur accès à l’emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi (C. trav., art. L. 3121-49) ;

• troisièmement, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’en fonction des besoins constatés dans une situation concrète, l’employeur doit prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure aussi que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail. Ces mesures sont toutefois prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 du code du travail qui peut compenser, en tout ou partie, les dépenses supportées, à ce titre, par l’employeur. L’article précise que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination.

Dans l’espèce rapportée, après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, un travailleur handicapé a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il contestait son licenciement au motif que celui-ci serait discriminatoire.

La cour d’appel de Douai a suivi le raisonnement du salarié et a déclaré nul son licenciement. La cour d’appel a relevé non seulement le fait que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement à l’échelle du groupe, mais également que celui-ci avait été invité à deux reprises, par le salarié, à consulter le SAMETH (service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés), afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi. N’ayant accompli aucune démarche ni justifié d’aucune étude de poste ou d’aménagement de celui-ci, les juges du fond ont retenu la nullité du licenciement sur le fondement de l’article L. 5213-6 du code du travail précité.

C’est dans ce contexte que l’employeur décidait de former un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’employeur faisait grief à l’arrêt d’avoir annulé le licenciement du salarié en raison de la discrimination liée à son état de santé et à son handicap et, en conséquence, de l’avoir condamné à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Concrètement, il reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu un manquement à son obligation de reclassement, de lui avoir fait grief de ne pas avoir saisi le SAMETH, alors qu’aucune disposition n’impose à l’employeur qui envisage le licenciement pour inaptitude d’un salarié handicapé de le saisir dans le cadre de son obligation de reclassement, et jugé le licenciement nul, alors que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La haute juridiction écarte le premier point en précisant que la cour d’appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement.

Puis, elle prend le soin de rappeler que, si effectivement le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il convient cependant d’adapter ce raisonnement à la lumière des dispositions de l’article L. 5213-6 du code du travail précitées.

Ainsi, pour valider le raisonnement des juges du fond, la chambre sociale relève que la cour d’appel a constaté que l’employeur, nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d’études de postes ni de recherches d’aménagements du poste du salarié, et qu’il n’avait pas consulté le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu’il y ait été invité à deux reprises par le salarié. Dans ces conditions, la cour d’appel a pu, selon la haute juridiction, en déduire qu’il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d’une discrimination à raison d’un handicap était nul.

Cette solution doit être approuvée. Naturellement, la saisine du SAMETH n’est pas une obligation. Pour rappel, le SAMETH est un service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés. La question n’était pas de savoir si sa saisine constituait une obligation, mais si elle constituait une mesure, parmi d’autres, au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail, permettant « aux travailleurs handicapés […] de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». La réponse est assurément positive. Dès lors, l’absence de saisine de ce service, alors que l’employeur y avait été invité à deux reprises, ne pouvait s’analyser que comme une discrimination, a fortiori alors que la mise en œuvre de cette saisine n’aurait manifestement occasionné aucune charge « disproportionnée » au sens de l’article précité.

Le raisonnement presque arithmétique de la Cour de cassation apparaît donc mesuré et justifié, et ne semble pas souffrir la critique.

Dans une espèce antérieure, elle avait à l’inverse validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait considéré que ne manquait pas à son obligation de prendre les mesures appropriées au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail « l’employeur ayant engagé en faveur du salarié un processus d’aide et de reclassement par l’intermédiaire d’une association spécialisée dans l’information, le conseil et le maintien dans l’emploi des salariés du BTP, laquelle, après avoir rencontré le salarié handicapé, lui avait proposé à deux reprises de faire réaliser aux frais de l’employeur un bilan de compétences afin de définir un projet professionnel ou de formation, ce que l’intéressé avait refusé » (Soc. 6 mars 2017, n° 15-26.037, Dr. soc. 2018. 97, étude Y. Pagnerre et S. Dougados ).

La cour d’appel de Versailles a considéré qu’un employeur avait manqué à son obligation de reclassement d’un travailleur handicapé, notamment en ne rapportant pas la preuve qu’il avait sollicité de l’aide auprès des organismes compétents afin de trouver des solutions d’aménagement du poste de travail. Le simple fait de prendre contact par téléphone avec le SAMETH ne constitue pas une preuve de recherche effective de solution de reclassement validant la procédure de licenciement pour inaptitude. Bien que la salariée se dît victime d’une discrimination en raison de son handicap, curieusement elle ne sollicitait pas la nullité de son licenciement, de sorte que la cour d’appel n’a pu la prononcer (Versailles, 16 mars 2017, n° 14/04178, Dalloz jurisprudence).

La cour d’appel de Caen, elle aussi, est entrée en voie de condamnation pour discrimination faute pour l’employeur d’avoir sollicité l’aide de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) afin d’aménager le poste du salarié concerné en application des préconisations de la médecine du travail. Dans cette espèce, le salarié ne sollicitait pas, lui non plus, la nullité de son licenciement pour inaptitude (Caen, 26 sept. 2019, n° 18/01007, Dalloz jurisprudence).

L’appréciation du respect par l’employeur des recherches d’adaptation et de reclassement relève des juges du fond, fonction naturellement de la taille et des moyens de l’entreprise. La boussole des juges du fond semble ainsi être la recherche de l’équilibre entre la préservation de l’emploi des salariés handicapés et les intérêts des employeurs, qui ne peuvent être tenus à l’impossible.

Auteur d'origine: Dechriste
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Comment un régime d’équivalence appliquant aux heures de présence au travail un mécanisme de pondération – justifié par la moindre intensité du travail fourni durant les périodes d’inaction – doit-il être concilié avec la réglementation française et européenne sur la durée du travail ? Telle est en substance la question à laquelle l’arrêt du 25 juin 2020 apporte quelques éléments de réponse.

Cette question n’est pas aisément soluble, considérant les limites imposées par le droit européen et le fait que ce dernier ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre les périodes de travail et de repos (V. déjà, CJCE 3 oct. 2000, aff. C-303/98, D. 2000. 284 ; AJFP 2001. 5 ; Dr. soc. 2001. 76, note J. Barthélémy ; ibid. 1097, note F. Baron ; ibid. 2003. 859, chron. S. Van Raepenbusch ). La situation des salariés du secteur des transports routiers et activités auxiliaires du transport en livre ici l’illustration.

En l’espèce, une personne avait été engagée en qualité d’ambulancier. Près de quinze ans après, et à la suite de plusieurs transferts de son contrat de travail, l’intéressé a pris acte de la rupture de son contrat et saisi les juridictions prud’homales des diverses demandes d’indemnités y afférentes, alléguant un non-respect des durées maximales de travail, des temps de pause ainsi que des repos obligatoires.

Les juges du fond firent en partie droit à sa demande, en limitant toutefois le montant des dommages-intérêts. Le salarié se pourvut alors en cassation. Selon lui, il ne pouvait être tenu compte du système d’équivalence pour vérifier, en matière de travail effectif, le respect des seuils et plafonds issu de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

Pour la cour d’appel, il était en effet nécessaire de tenir compte du régime de pondération prévu par l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire en sa rédaction issue de l’avenant du 16 janvier 2008.

La chambre sociale de la...

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Auteur d'origine: Dechriste

L’organisation de la reprise de la vie judiciaire, bien qu’orchestrée par la Chancellerie, repose essentiellement sur les chefs de juridictions. En bonne intelligence avec les barreaux de leur ressort, dans le respect des règles sanitaires, des plans de reprise de l’activité ont été établis, qui doivent progressivement, depuis le 11 mai, indiquer la marche à suivre pour tendre vers un fonctionnement normal. Dans les faits, à Lyon : « La reprise est très difficile, il n’y a pas de coordination générale, tout se fait chambre par chambre, en collaboration avec l’ordre », témoigne Serge Deygas, bâtonnier de Lyon. Le confinement, qui a succédé à la grève des avocats contre la réforme du régime des retraites, a donné au retard accumulé dans le traitement des affaires une ampleur inédite. « Nous avons 28 000 dossiers en stock, dont 16 000 au pôle social. Au pôle immobilier, la situation est apocalyptique : des affaires déjà mises en état sont fixées pour plaidoiries en 2022 », s’alarme Serge Deygas. C’est la conséquence logique, dit le bâtonnier, de l’arrêt de l’activité pendant le confinement. « Au tribunal judiciaire de Lyon, les affaires ont été supprimées sans préavis. Sur les 450 personnels de greffe, 10 % à peine ont pu travailler, faute de moyens de le faire depuis leur domicile, ce qui a révélé une faille technologique importante », comme l’admettait Nicole Belloubet (qui évoquait une « dette technologique importante » devant la commission des lois du Sénat, le 9 avril dernier).

Le retard accumulé a conduit les juridictions à faire certains choix, dont celui du dépôt de dossier sans plaidoirie, que le bâtonnier de Lyon prend avec précaution. « Nous sommes hostiles au principe consistant à ne pas plaider nos dossiers. Mais dans la mesure où ce n’est pas obligatoire et qu’il faut remédier à la situation d’urgence, il faut l’accepter, mais nous ne voulons pas que cela se pérennise, car l’oralité est essentielle dans notre système de justice. Et on a un peu peur que cela se pérennise », admet-il.

En matière civile, les avocats peuvent désormais, pour que leur affaire soit prise rapidement, décider d’accepter de déposer des conclusions écrites et renoncer à plaider. Si l’une des parties refuse, l’affaire est renvoyée, et, au vu de la situation, les délais sont énormes. L’ancien bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, y voit une forme de chantage : « Ceux qui acceptaient de plaider ont eu un délibéré à trois semaines, les autres ont vu leur affaire renvoyer à 2022 », déplore-t-il.

À Paris, cette solution provisoire a occasionné des critiques, et même une tribune, signée par le bâtonnier et d’autres membres de conseil de l’ordre, contre le recours à ces audiences sans plaidoirie. Une manière de montrer la vigilance des avocats sur ce point car, dans les faits, le bâtonnier se veut « pragmatique ». « Si toutes les parties sont d’accord et si c’est dans l’intérêt du client, pourquoi pas ? Cela doit nous permettre de rattraper le retard, mais il ne faut pas que la situation soit prétexte à une généralisation de ce dispositif », rappelle-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, abonde : « Nous sommes attachés à la plaidoirie, le dépôt des dossiers ne peut pas être demain proposé comme modèle absolu. »

Stéphane Noël annonce qu’entre le 27 avril et le 24 juin, 2 850 dossiers ont ainsi été déposés devant le tribunal judiciaire de Paris. « Ce qui veut dire que les avocats ont compris l’intérêt de ce dispositif, et à partir du moment où une partie n’est pas d’accord, l’affaire est plaidée », rassure-t-il. Les audiences en présentiel ont repris dans presque toutes les chambres, parfois depuis le 11 mai et parfois, comme au pôle famille (15 juin) ou aux prud’hommes (22 juin), très récemment.

À Paris comme ailleurs, les personnels de greffe n’ont pas pu travailler de chez eux, et ils sont à 70 % aujourd’hui, dit Olivier Cousi (« la reprise est aujourd’hui quasi totale pour tous les personnels », dit, pour sa part, Stéphane Noël). Olivier Cousi pense que la reprise normale de toute l’activité se fera en septembre, avec les difficultés que posent les règles de distanciation physique dès lors que des salles petites doivent accueillir des parties nombreuses. C’est pour cela que Paris a décidé d’expérimenter les visioaudiences en matière civile mais, là encore, dit-il, outre les problèmes techniques rencontrés par le logiciel de l’administration, il faut préserver la « présence physique des parties lorsqu’elle s’avère essentielle ». Selon Stéphane Noël, les visioaudiences sont déjà en place dans plusieurs pôles (famille, procédures collectives, tutelles), et aux première et troisième chambres civiles.

Pendant le confinement, les magistrats civils ont rendu 6 000 décisions, qui « seront toutes formalisées et envoyées avant les vacations ». Au pénal, l’activité correctionnelle a repris à 92 %. Selon le plan du parquet, un tiers des procédures vont être classés sans suite, un tiers seront réorientées, et le dernier tiers seront audiencées, comme prévu initialement. « La délinquance ayant baissé pendant le confinement, cela permet de lisser les choses. Il rappelle que 500 procédures ont été clôturées, qu’il va désormais falloir audiencer.

C’est une partie délicate, car le respect des distances physiques va fortement réduire la capacité d’organisation de procès, ou même de réunions qui se déroulent en cabinet – chose impossible désormais. Mais la juridiction parisienne bénéficie d’un bâtiment immense pourvu de nombreuses salles. « Toutes les audiences de cabinet désormais se déroulent, si nécessaire, dans une salle d’audience. Avant nous avions de la marge, mais désormais, les quatre-vingt-dix salles sont occupées », précise le président du tribunal.

Des situations disparates

Ce n’est pas le cas à Bobigny, où seulement 70 % de l’activité a repris. Cinq audiences correctionnelles par jour au lieu de huit. Le bâtonnier Frédéric Gabet décrit une situation très difficile. « Cela ne se passe pas très bien. Des audiences sont annulées par centaine sur des motifs liés à la désorganisation de la juridiction, dans certains cas, on est au bord du déni de justice. Il y a une impression de désordre et de reprise erratique, en fonction des personnes et de l’absentéisme du service. » Sur le plan de reprise : « Il prévoyait une reprise des audiences correctionnelles le 25 mai, mais on sait que ça ne sera pas avant septembre. On doit s’arranger avec les greffières pour savoir à l’avance quelles audiences sont maintenues et lesquelles sont renvoyées ou annulées », témoigne-t-il. « C’est terrible comme situation. On va vers une reprise totale de l’activité en France, mais nous, on va couler. »

Le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, tempère : « La présentation catastrophiste se comprend, mais elle est excessive. » Au pénal, dit-il, des procédures sont classées sans suite et d’autres réorientées. Il explique le désordre décrit par le bâtonnier par le fait que les dossiers n’ayant pas suivi leur « cours normal, ils ne se trouvent pas là où ils devraient être, il faut donc réorganiser les audiences au dernier moment ». Il précise que son tribunal a pu faire face, pendant le confinement, à l’activité certes réduite mais pas inexistante, et que les trois cents demandes de mises en liberté déposées en dix jours (contre trois par jour en moyenne) ont pu être traitées (il précise en outre que quarante personnes ont été remises en libertés pour des motifs sanitaires ce qui, avec les libérations anticipées, « a permis de mettre fin à la surpopulation carcérale à la prison de Villepinte »). Renaud Le Breton de Vannoise déplore cette situation difficile, « d’autant qu’on était dans une dynamique de redressement considérable grâce à une augmentation progressive des magistrats et des greffiers. Aujourd’hui, ils sont 138 au siège, 55 au parquet et 400 greffiers.

Dans les juridictions de Rouen, tribunal judiciaire et cour d’appel, « nous avons la chance d’avoir des rapports extrêmement cordiaux », dit Arnaud Saint-Rémy, responsable pénal du conseil de l’ordre rouennais. Il détaille certaines initiatives de la juridiction : une nouvelle chambre a été ouverte pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), des audiences ont été ajoutées autant que possible. « On ne peut pas être pleinement satisfaits, car il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers, donc pas assez d’audiences. Des procédures anciennes ne sont pas traitées car pas jugées prioritaires. Mais je salue le travail considérable fait par nos juridictions, et l’abnégation des magistrats. Parfois, il y a des tensions, car nous sommes tous fatigués de cette situation », expose-t-il. Là-bas aussi, les délais d’audiencement sont parfois longs (2022 pour les audiences d’expulsion locative, au tribunal de proximité, par exemple). Le bâtonnier Guillaume Bestaux abonde, et salue l’initiative du conseil des prud’hommes, qui a organisé une visioconférence avec les avocats en droit social, pour une meilleure organisation des audiences. Lui aussi reste vigilant sur les dossiers sans plaidoiries : « Il ne faudrait pas que ça reste en place car, sur certains dossiers avec un enjeu important, on aimerait bien dire quelques mots. Et puis, l’échange avec les magistrats nous manque. »

Auteur d'origine: babonneau

Tous les griefs ont été retenus à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour condamner la France : traitement dégradant, détention irrégulière, atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, violation de l’interdiction d’expulser collectivement des étrangers et absence de recours effectif.

Cette affaire concerne les conditions dans lesquelles deux enfants comoriens de 3 et 5 ans, appréhendés lors de leur entrée irrégulière sur le territoire français à Mayotte, ont été placés en rétention administrative en compagnie d’adultes, rattachés arbitrairement à l’un d’eux et renvoyés expéditivement vers les Comores sans examen attentif et individualisé de leur situation.

Les faits remontent à 2013, les deux enfants avaient voyagé à bord d’une embarcation de fortune en vue de rejoindre Mayotte. Les dix-sept personnes présentes sur l’embarcation furent interpellées en mer par les autorités françaises. Après un contrôle d’identité sur une plage, elles furent placées en rétention en vue d’une reconduite à la frontière. Les deux enfants furent rattachés administrativement à l’une des personnes présentes sur l’embarcation qui aurait déclaré les accompagner. Nés à Mayotte d’une mère comorienne en situation irrégulière, ils avaient été renvoyés aux Comores en 2011. Mais leur père, M. Moustahi, réside régulièrement à Mayotte. Ce dernier, prévenu de la présence de ses enfants, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte pour obtenir la suspension de l’arrêté d’éloignement. Trop tard, les deux enfants avaient déjà été placés à bord d’un navire et renvoyés aux Comores.

Des faux pas en cascade

La Cour est convaincue que le rattachement des deux enfants à un adulte « n’a pas été opéré dans le but de préserver l’intérêt supérieur des enfants, mais dans celui de permettre leur expulsion rapide vers les Comores ». Les conditions de rétention des deux enfants étaient les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux. Eu égard à leur âge et au fait qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, leur placement en rétention, « n’a pu qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme ». Pour la cour, les autorités françaises n’ont pas veillé à une « prise en charge effective des enfants » et n’ont pas tenu compte de la situation que ceux-ci risquaient d’affronter lors de leur retour dans leur pays d’origine.

La Cour observe aussi qu’aucun recours n’a été ouvert aux enfants afin de faire vérifier la légalité de leur placement en rétention. Elle rappelle que le fait d’enfermer certains membres d’une famille dans un centre de rétention alors même que d’autres membres de cette famille sont laissés en liberté s’analyse « comme une ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale quelle que soit la durée de la mesure en cause ».

La Cour retient aussi que l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers, sanctionnée par l’article 4 du protocole n° 4, a été violée. L’éloignement des deux enfants, qu’aucun adulte ne connaissait ni n’assistait, « a été décidé et mis en œuvre sans leur accorder la garantie d’un examen raisonnable et objectif de leur situation particulière ».

Enfin, l’analyse portée sur la violation du droit au recours effectif montre qu’aucun examen judiciaire des demandes des requérants ne pouvait avoir lieu. L’éloignement des requérants a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale au sujet d’un tiers dépourvu de liens avec eux. Par conséquent, la Cour européenne des droits de l’homme estime « que la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles ».

Auteur d'origine: pastor

À l’origine institué par la loi du 19 juillet 1928, le principe du maintien des contrats de travail en cas de mutations économiques ou juridiques de l’entreprise est aujourd’hui connu de tous.

Dès lors que survient « une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » (C. trav., art. L. 1224-1). Lorsqu’il est possible de caractériser le transfert d’une « entité économique autonome », le salarié est donc assuré de conserver son emploi et les attributs attachés à son contrat de travail (ancienneté et niveau de rémunération notamment).

Cette situation juridique s’impose à l’employeur - ainsi qu’au salarié - qui ne peut faire obstacle au transfert automatique des contrats de travail.

S’agissant de la relation entre employeurs successifs, le code du travail prévoit une forme de solidarité à la dette sauf dans certaines hypothèses particulières (en cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire par exemple). En ce sens, l’article L. 1224-2 du code du travail précise que « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des...

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Auteur d'origine: Dechriste

Saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, les juges de la rue de Montpensier ont examiné ces dispositions, qui ont suspendu les opérations électorales à l’issue du premier tour, à la lecture du principe de sincérité du scrutin, résultant de l’article 3 de la Constitution.

Motif impérieux justifié

Le Conseil constitutionnel précise que le législateur ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’article 3 de la Constitution, autoriser une modification du déroulement des opérations électorales qu’à la condition « qu’elle soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et que, par les modalités qu’il a retenues, il n’en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l’égalité devant le suffrage. »

Dans une rédaction limpide, il estime qu’en adoptant les dispositions contestées, « le législateur a entendu éviter que la tenue du deuxième tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 et la campagne électorale qui devait le précéder ne contribuent à la propagation de l’épidémie de covid-19, dans un contexte sanitaire ayant donné lieu à des mesures de confinement de la population ». Ces dispositions sont donc justifiées par un motif impérieux d’intérêt général.

L’argument des requérants faisant valoir que l’organisation du second tour avant la fin du mois de juin 2020 risquerait de nuire à la participation des électeurs est retourné par le Conseil constitutionnel qui considère que « les dispositions contestées ne favorisent pas par elles-mêmes l’abstention ». Pour autant, il reviendra, le cas échéant, « au juge de l’élection, saisi d’un tel grief, d’apprécier si le niveau de l’abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l’espèce, la sincérité du scrutin. »

Garantie du droit de suffrage

Surtout, selon le Conseil constitutionnel, « plusieurs mesures d’adaptation du droit électoral contribuent à assurer, malgré le délai séparant les deux tours de scrutin, la continuité des opérations électorales, l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin. » En particulier, l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 dispose que, sauf exceptions, le second tour du scrutin aura lieu à partir des listes électorales et de listes complémentaires établies pour le premier tour ; de plus, par dérogation au code électoral, les dispositions contestées permettent de majorer les plafonds de dépenses électorales applicables et d’obtenir le remboursement d’une partie des dépenses de propagande ; enfin, afin de préserver les possibilités de contester les résultats du premier tour en dépit de la suspension du scrutin, les électeurs ont pu, par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 68 du code électoral, obtenir communication des listes d’émargement des bureaux de vote à compter de l’entrée en vigueur du décret de convocation pour le second tour et jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

Différence de traitement sur la durée du mandat

La dernière partie de la décision porte sur les conséquences du report du second tour sur les mandats des conseillers municipaux. S’il existe bien une durée différente de mandat entre les élus du premier tour et ceux élus à l’issue du second tour, « cette différence de traitement repose sur une différence de situation au regard de l’élection et répond directement à la volonté du législateur d’assurer la mise en œuvre des objectifs qu’il s’est fixés en reportant le second tour. » Et s’agissant des communes dans lesquelles un second tour est nécessaire, « les dispositions contestées n’ont aucune incidence sur les éventuelles contestations devant le juge de l’élection des opérations électorales du premier tour. »

Les premier et dernier alinéas du paragraphe I de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dans sa rédaction initiale, sont donc conformes à la Constitution.

Auteur d'origine: pastor
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Cet arrêt permet de revenir sur le contentieux des clauses de non-concurrence, désormais bien connu par les praticiens.

Traditionnellement, les questions juridiques qui se posent ont trait à la contrepartie financière desdites clauses, ainsi qu’à leur étendue géographique et/ou temporelle (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.387 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; 10 juill. 2002, n° 99-43.334 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; Dr. soc. 2002. 949, note R. Vatinet ; RTD civ. 2003. 58, obs. J. Hauser ; 10 juill. 2002, n° 00-45.135 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; ibid. 3111, obs. J. Pélissier ; ibid. 2003. 1222, obs. B. Thullier ).

Dans l’espèce rapportée, la Cour de cassation a eu à se pencher sur une problématique sensiblement différente.

Une salariée a été embauchée en 2011, selon contrat de travail non signé en date du 3 octobre 2011. Elle a signé un avenant le 25 janvier 2012. Le 13 décembre 2013, son employeur lui a proposé un nouveau contrat de travail, laquelle a refusé de le signer. Puis, par courrier en date du 24 février 2014, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, la relation de travail prenant fin le 21 mars suivant.

La salariée a ensuite été embauchée le 1er avril 2014 par une entreprise concurrente située dans la même ville que son ancien employeur. Ce dernier, entre les mois de mars 2014 et juillet 2014, a procédé au paiement d’une indemnité relative à la clause de non concurrence, prévue dans le contrat initial de 2011. Par lettre du 1er août 2014, l’ancien employeur a enjoint la salariée de cesser immédiatement sa nouvelle activité professionnelle et de lui rembourser l’intégralité de l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence d’ores et déjà payée.

Devant la cour d’appel de Lyon, la salariée a soulevé le moyen selon lequel la clause de non-concurrence lui était inopposable, faute d’avoir signé le premier contrat de travail en date du 3 octobre 2011, ainsi que celui du 13 décembre 2013.

Pour juger que la clause de non concurrence stipulée au sein du contrat de travail non signé du 3 octobre 2011 avait bien une valeur contractuelle et s’imposait à la salariée, la Cour d’appel a motivé sa décision par les quatre points suivants :

la signature, le 25 janvier 2012, de l’avenant au contrat de travail du 3 octobre 2011 relatif à la modification du lieu d’exercice des fonctions de la salariée ;la lettre de démission de la salariée du 24 février 2014 aux termes de laquelle elle reconnaissait donc avoir travaillé à...

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Pour mémoire, la Cour de cassation a, pendant plusieurs décennies, considéré que le défaut ou la délivrance tardive des documents de fin de contrat à un salarié lui « cause nécessairement un préjudice devant être réparé » (v. Soc. 19 mai 1998, n° 97-41.814 P, D. 1999. 280 , obs. C. Willmann ; Dr. soc. 1998. 723, obs. C. Marraud  ; 13 juin 2007, n° 06-41.189 ; 19 févr. 2014, n° 12-20.591 ; 21 janv. 2015, n° 13-25.675).

Le champ d’application de cette présomption de préjudice et de sa réparation automatique n’était pas circonscrit au domaine des documents de fin de contrat. La Haute juridiction avait, en effet, adopté une analyse identique en cas de manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles ou légales s’agissant par exemple de l’absence de mention de la priorité de réembauche dans la lettre notifiant le licenciement pour motif économique (Soc. 28 sept. 2011, n° 09-43.374), du défaut de réponse de l’employeur au salarié qui lui demande de lui transmettre les critères de l’ordre des licenciements retenus, au plus tard dans les 10 jours suivant la date de rupture de son contrat de travail (Soc. 1er juill. 2015, n° 14-10.984 ; 8 juill. 2009, n° 07-44.591, D. 2009. 2113 ), de la référence dans la lettre de licenciement à une sanction prescrite (Soc. 4 déc. 2013, n° 12-23.930, D. 2013. 2920 ), de la privation du repos hebdomadaire (Soc. 8 juin 2011, n° 09-67.051, D. 2011. 1693 ), du respect d’une clause de non-concurrence « illicite » par un salarié (Soc. 7 mars 2007, n° 05-43.750), de l’absence de visite médicale d’embauche ou de reprise à la suite d’un accident du travail (Soc. 17 oct. 2012, n° 10-14.248, D. 2012. 2526  ; 13 déc. 2006, n° 05-44.580, D. 2007. 85 ), du non-respect d’une procédure conventionnelle de mise à la retraite (Soc. 23 nov. 2010, n° 09-43.005), de l’irrégularité de la procédure disciplinaire (Soc. 27 juin 2001, n° 99-42.216, Dr. soc. 2001. 885, obs. C. Roy-Loustaunau ) et de la procédure de licenciement (Soc. 5 mars 2002, n° 00-41.453 P), de l’omission de l’indication du lieu de l’entretien préalable à un licenciement dans la lettre de convocation (Soc. 13 mai 2009, n° 07-44.245 P, D. 2009. 1542, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2009. 818, note F. Favennec-Héry ), de l’absence de mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie (Soc. 23 nov. 2010 n° 08-45.483), du défaut de diligences nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel (Soc. 17 mai 2011, n° 10-12.852 P, D. 2011. 1424 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ), ou encore du non-respect du salaire minimum légal (Soc. 29 juin 2011, n° 10-12.884 P, D. 2011. 1909 ; Dr. soc. 2012. 197, obs. C. Roy-Loustaunau  ; 19 janv. 2012, n° 13-31.005).

Cette présomption avait également une application en matière de litiges collectifs du travail. Les juges du quai de l’horloge considéraient ainsi que l’inexécution des dispositions d’une convention collective causait nécessairement un préjudice aux organisations syndicales liées par cette convention (Soc. 19 janv. 1999, n° 96-43.976 ; 30 nov. 2010, n° 09-42.990 P, D. 2011. 22 ). Il était également retenu que l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, « cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession », permettant ainsi à des syndicats professionnels non signataires, d’en demander l’exécution (Soc. 11 juin 2013, n° 12-18.247).

En d’autres termes, cette construction jurisprudentielle impliquait que le préjudice était présumé du seul fait de la faute patronale, l’emploi du l’adverbe « nécessairement » induisant, au demeurant, une présomption irréfragable du préjudice subi.

Néanmoins, une décision du 13 avril 2016 (n° 14-28.293, Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. B. Ines , D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ), avait sonné le glas de cette construction jurisprudentielle, protectrice de la partie faible au contrat de travail. Si la portée de cet arrêt était incertaine, le doute était cependant vite dissipé dans la mesure où, quelques semaines seulement après, une nouvelle décision en date du 25 mai 2016 (Soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578 P,  Dalloz actualité, 15 juin 2018, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1205 ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 773, obs. J. Mouly ; RDT 2016. 557, obs. L. Bento de Carvalho ), la Cour de cassation, réitérait sa position à propos d’une clause de non-concurrence nulle....

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Activité partielle spécifique

Une des mesures phare de ce texte est issue d’un amendement déposé par le gouvernement au Sénat et élaboré par la Commission mixte paritaire et concerne encore une fois l’activité partielle. La loi prévoit en effet d’adapter le régime applicable à l’activité partielle dans le contexte du déconfinement et de la reprise progressive de l’activité ; l’objectif étant la possibilité d’adapter les règles de recours au dispositif en fonction de l’entreprise ou des salariés et la garantie de la continuité des droits des travailleurs concernés. Une attention particulière pourra ainsi être portée aux secteurs qui ont fait l’objet d’une fermeture administrative (hôtellerie, restauration, événementiel) et ceux qui en dépendent.

Est ainsi créé un nouveau régime d’activité partielle spécifique pour les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable sans être de nature à compromettre leur pérennité, le dispositif d’« activité réduite pour le maintien en emploi ».

Pour le mettre en place, ce dispositif et subordonné à la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe et si un accord collectif de branche existe, l’employeur, pourra également avoir droit au dispositif en élaborant après consultation du CSE s’il existe, un document unilatéral de « plan d’activité réduite pour le maintien dans l’emploi ».

Le contenu de l’accord ou du document unilatéral sera précisée par décret et devrait comporter la durée de son application, les activités et les salariés concernés par l’activité partielle spécifiques, les réductions d’horaires de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie pour le maintien en emploi.

Le validation de l’accord ou l’homologation du document unilatéral par l’autorité administrative (Dirrecte) serait alors allégé dans le premier cas et, dans le second, il est prévu la vérification de l’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE lorsqu’il existe, de la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions obligatoires, de la conformité aux stipulations de l’accord de branches et de la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi .

En cas d’accord collectif l’aide de l’État pourrait également être plus élevée.

Ce dispositif demeure un dispositif d’urgence mais les demandes pourront être adressées jusqu’au 30 juin 2022.

Par ailleurs le texte prévoit qu’un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par les autres salariés placés en activité partielle.

Contrats courts

Toujours dans l’objectif de faciliter la reprise d’activité des entreprises, la loi prévoit diverses mesures dérogatoires au droit commun en matière de réglementation du contrat de travail. Il est prévu qu’un accord collectif d’entreprise pourra, jusqu’au 31 décembre 2020, fixer le nombre maximal de renouvellements des contrats à durée déterminée ainsi que les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats. De la même manière, des mesures d’urgence pourront être prises afin de permettre la prolongation des contrats d’insertion qui n’ont pas pu se dérouler dans les conditions prévues compte tenu de la crise sanitaire. Les entreprises pourront également par accord collectif instaurer une solidarité entre les salariés ou prévoir la monétisation, du 12 mars au 31 décembre 2020, des jours de repos ou de congés payés dans la limite de cinq jours.

Prêt de main-d’œuvre

Les mesures dérogatoires au droit commun du contrat de travail concernent également le prêt de main-d’œuvre. L’objectif est d’en faciliter le recours compte-tenu d’une reprise inégale de l’activité faisant coexister la surmobilisation de certains secteurs d’activité et la sous-mobilisation d’autres. Jusqu’au 31 décembre 2020, la convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice pourra porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés, le formalisme de la convention de mise à disposition sera allégé (notamment concernant la précision relative aux horaires d’exécution du travail en effet seul devra être précisé le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition). Lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie et qu’elle relève de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés par décret, les opérations de prêt de main-d’œuvre n’auraient pas de but lucratif pour les entreprises utilisatrices même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice serait inférieur ou égale à zéro au salaire versé au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition temporaire.

Intéressement

Le texte prévoit également la possibilité pour les très petites entreprises de mettre en place des dispositifs d’intéressement au moyen d’une décision unilatérale de l’employeur. Cette décision unilatérale vaudrait accord d’intéressement au sens du code général des impôts et du code du travail.

Enfin le texte prévoit l’acquisition de droits à la retraite pour les salariés placés en activité partielle ou encore la prolongation des indemnités des demandeurs d’emploi dès le 1er mars 2020.

Loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, adoptée définitivement le 10 juin au Sénat. 

Auteur d'origine: Dechriste
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Le 10 juillet prochain doit acter la sortie de l’état d’urgence sanitaire mais un régime transitoire s’appliquera ensuite pendant quatre mois. Édouard Philippe a présenté le projet de loi lors du conseil des ministres du 10 juin.

Ainsi, jusqu’au 10 novembre 2020 inclus, ou en cas de résurgence de la catastrophe sanitaire qui l’avait justifié, le premier ministre conservera la possibilité de réglementer les déplacements et l’accès aux moyens de transport, l’ouverture des établissements recevant du public, ainsi que les rassemblements sur la voie publique, qu’il pourra limiter ou interdire. Les autres mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne pourront être maintenues que dans les conditions et limites du droit commun. Mais cela signifie que la mise en quarantaine et la mise à l’isolement restent mobilisables sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, si les mesures à prendre n’excèdent pas le territoire d’un département, le préfet pourra les décider lui-même.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que ce régime transitoire et sur une période limitée est de nature « à répondre aux nécessités de sortir de manière prudente, graduée et contrôlée du régime mis en place pour faire face à l’état d’urgence sanitaire ».

Prolongation de la durée de conservation des données

Le projet de loi complète l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire. Cet article, qui organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination, avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 11 mai 2020, n° 2020-800 DC, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, Dalloz actualité, 26 mai 2020, obs. C. Zorn ; AJDA 2020. 975 ; AJCT 2020. 217, tribune J.-P. Vial ; ibid. 220, obs. F. Benech ). La durée de conservation de ces données, actuellement limitée à trois mois à compter de leur collecte, pourra être, pour certaines catégories d’entre elles, et à l’exclusion de StopCovid, prolongée sans pouvoir excéder la durée maximale de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour laquelle ces traitements de données sont autorisés. Il est toutefois précisé que cet allongement ne pourra être décidé que s’il apparaît justifié pour chaque type de données, après avis publics de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Comité de contrôle et de liaison covid-19.

Auteur d'origine: pastor
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Le régime des salariés protégés, gage de leur indépendance vis-à-vis de l’employeur, peut parfois se révéler être une sérieuse entrave à la liberté de gestion de ce dernier et devenir source de contentieux. Tel est notamment le risque lorsque l’employeur impose une modification de contrat ou un changement des conditions de travail à un salarié titulaire d’un mandat. Quelle qu’en soit la cause, une telle pratique ne peut en aucun cas être imposée sans le consentement de l’intéressé (V. Soc. 30 mai 2001, n° 00-60.194, Dr. soc. 2011. 901, obs. J. Savatier ), qui ne peut être sanctionné pour son refus (Soc. 6 juill. 2011, n° 10-13.960).

L’entrelacement de différents modes de rupture en cours de procédure peut aussi susciter des interrogations, en particulier lorsque l’autorisation de licenciement fait l’objet de décisions successives statuant dans un sens opposé. Tels étaient les enjeux dans cet arrêt du 20 mai 2020.

En l’espèce, une société avait sollicité l’inspection du travail aux fins d’obtenir l’autorisation de licencier pour faute un salarié membre suppléant de la délégation unique du personnel. L’autorisation fut d’abord refusée, et le salarié demanda à être...

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Auteur d'origine: Dechriste

Les personnels de la Place Vendôme sont particulièrement critiques sur la numérisation de leur ministère, après un confinement qui a fait figure de crash test. Le résultat, bancal, n’est en effet pas brillant et souffre de la comparaison avec d’autres administrations, que ce soit l’intérieur, qui a passé l’épreuve sans couac majeur, ou la santé, qui a misé sur la télémédecine. Pour la Place Vendôme, le printemps a ressemblé au contraire à un long supplice numérique. « En début de confinement, je suis parti en sauvegardant sur ma clé USB un listing Excel de l’ensemble de mes affaires et de mon rôle d’audience, et derrière, j’ai jonglé avec les annuaires des barreaux, relève ainsi un magistrat niçois. C’était un travail de bénédictin. »

Lorsque le confinement débute, le 17 mars, des magistrats sont certes bien dotés en ultraportables, qui permettent le travail à domicile. Mais les personnels des greffes n’en possèdent pas. Résultat : dans l’urgence, le ministère de la justice pioche dans ses stocks pour distribuer trois cents ultraportables, une goutte d’eau par rapport aux 13 000 greffiers de France, selon le décompte du Syndicat des greffiers de France-FO. « Il y a bien eu quelques ordinateurs portables qui ont permis de rentrer des procédures dans le bureau d’ordre, d’autres pour payer les interprètes », détaille Isabelle Besnier-Houben, la présidente de cette organisation syndicale. Cette absence de dotation des greffes est, selon le député Patrick Hetzel, dans un récent rapport, « le principal point noir » du bilan numérique du ministère durant la crise sanitaire. Ce manque d’équipement est dû, selon Isabelle Besnier-Houben, à des réticences sur le télétravail des greffiers. « Il a fallu le covid-19 pour que l’administration se rende compte de l’intérêt du télétravail, regrette-t-elle. Pourtant, adoptée plus tôt, cette forme d’organisation aurait permis à des gens de mieux travailler et d’avoir d’autres conditions de vie. »

VPN sous-dimensionné

Les magistrats dotés d’un ultraportable – le nombre total d’ordinateurs distribués varie selon les sources, mais, après la crise, la direction des services judiciaires indiquera aux organisations syndicales avoir déployé plus de 13 000 portables au sein du ministère – ne sont pas forcément mieux lotis. Car le réseau privé virtuel (VPN) de la Place Vendôme est sous-dimensionné face à la crise sanitaire. À la mi-mars, il ne permet que 2 500 connexions simultanées. Les premières semaines, les magistrats enragent devant leur clavier. « On s’est retrouvés tous en télétravail et on a tous eu un problème, déplorait après le début du confinement une magistrate parisienne. Il faut se déconnecter, essayer de se reconnecter. » Il faudra plusieurs semaines pour que le ministère de la justice boucle la montée en puissance de son prestataire. Jusqu’à 40 000 connexions simultanées sont désormais possibles. Réussir à se connecter ne résout cependant pas tous les problèmes. Si les applications de la chaîne pénale sont bien consultables à distance, ce n’est pas le cas de la plupart de celles de la chaîne civile, qui ne fonctionnent que sur les postes en juridiction. « Les personnels de greffe doivent aujourd’hui être les seuls utilisateurs en France de WordPerfect », la brique logicielle de Winci, ironise ainsi le consultant indépendant Bruno Mathis, expert associé au centre européen de droit et d’économie de l’Essec. Faute de pouvoir se rendre en juridiction, « toute la mise en état, qui permet de faire avancer les dossiers, a été plantée », note David Melison, le trésorier adjoint de l’USM.

Zoom, Skype et Jitsi

La visioconférence n’a pas non plus donné satisfaction. Si le ministère possède le parc le plus important de l’État, les organisations syndicales pointent par exemple un manque de micros compliquant l’exercice. Et, dans les cabinets, ce sont d’autres outils qui se sont imposés. À Nice, on a tenté de s’emparer du logiciel Webconférence de l’État. « Tous les essais ont échoué, déplore ce magistrat des Alpes-Maritimes. L’application ne fonctionnait que sur le navigateur Chrome. Nos ordinateurs ne l’avaient pas, il a fallu l’installer. Puis c’est le réseau qui était surchargé et instable. Nous n’avons réussi à travailler que sur Zoom et Jitsi », deux applications privées de visioconférence, une situation peu satisfaisante sur le plan de la sécurité. « Pour mes réunions de cabinet, j’ai utilisé Skype et Zoom, confirme de son côté le magistrat David Melison. C’est du bricolage et clairement en dehors des clous, mais s’il y a des logiciels, soit ils ne marchent pas, soit ils se déconnectent en permanence. »

De la visio, on est également passé à l’audio, pour un résultat très mitigé. L’avocat Philippe Ohayon a relaté une audience devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes. Le résultat fait peur. « J’ai toutes les peines du monde à entendre ce que me dit mon client, racontera-t-il à l’Obs. Lui non plus ne m’entend pas très bien. » Que ce soit par mail ou via des applications, la communication a parfois été difficile. « Des magistrats qui souhaitaient joindre des avocats et les services d’enquête ont utilisé leurs téléphones personnels, remarque Nils Monsarrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature. Il y a désormais une demande importante pour avoir des téléphones de dotation. » Et à cause de l’empêchement des greffiers, confinés à leurs domiciles, des avocats n’ont pu contacter des magistrats. Au retour en juridiction des personnels de greffe, certains ont ainsi été submergés de messages.

Mission d’appui

Des lacunes et des manques dans le viseur de l’Inspection générale de la justice. De source syndicale, une mission d’appui sur les plans de continuité d’activité a été lancée. Elle devrait insister sur les ratés et les points d’améliorations en matière numérique, un domaine où le ministère a pourtant été en pointe, il y a… une trentaine d’années. « Le confinement a mis en lumière ce qui n’allait pas et ce qui a été mal anticipé, résume Nils Monsarrat. La dotation informatique n’est pas suffisante, et la priorité devrait être de revoir tous les logiciels. » Même constat pour David Melison, de l’USM : « Nous avons manqué d’anticipation et de réactivité », regrette-t-il. « La crise n’a fait que mettre en exergue le manque de moyens financiers et son retard sur le télétravail », conclut Isabelle Besnier-Houben. La facture est en fin de compte salée. Le confinement s’est traduit par 20 millions d’euros de dépenses informatiques pour la mission justice.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, n’a pas éludé le problème. Elle a admis qu’il restait « beaucoup à faire », notamment en matière de logiciels permettant le travail à distance des greffiers. Le ministère planche ainsi sur un moyen d’accéder à distance aux applications civiles. Médiocre, le bilan numérique du confinement n’est toutefois pas totalement désastreux. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, expliquait à Dalloz actualité Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique à la Place Vendôme, à propos de la mise en place récente de la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » Haut débit, réseau justice raccordé au réseau interministériel ou premières dotations en ultraportables : autant d’actions antérieures à la crise qui ont permis, souligne la Place Vendôme, de limiter la casse. Quatre-vingts applications ont été également mises à disposition pour du télétravail pendant le confinement.

Le ministère tente aujourd’hui de poursuivre sur cette lancée. L’ouverture d’un flux dématérialisé sur une plateforme des commissaires de justice doit alléger les greffes, tandis qu’un dispositif de webcaméra a été mis en place, courant mai, pour organiser des audiences avec des tiers. « Le confinement va booster la transformation numérique du ministère, et nous permettre de rattraper notre retard en matière informatique », espère David Melison. « La crise aura le mérite de raccourcir le délai de la conduite du changement », note également Bruno Mathis. Les juristes ont en effet vécu, lors de la crise sanitaire, une acculturation à marche forcée aux outils numériques. « Mais la situation informatique des juridictions est extrêmement dégradée, avertit-il. Le ministère essaye de moderniser à coups d’effets d’annonce. » Un constat déjà déploré par ce consultant il y a deux ans. Il s’inquiétait d’un mauvais sens des priorités de la Place Vendôme, laissant en arrière-plan, derrière des sujets plus tendance comme l’intelligence artificielle, la question de l’infrastructure numérique de la justice.

Auteur d'origine: babonneau
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Lorsque l’entreprise est en redressement judiciaire, la note sur contrat de sécurisation professionnelle, seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP, doit par ailleurs porter le visa de l’ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé à procéder à un licenciement pour motif économique.

Le formalisme peut, surtout lorsqu’il sert de garantie à la bonne information, se révéler salutaire pour le salarié dont la rupture du contrat est en jeu. C’est précisément le cas lorsque ce dernier doit se voir proposer un contrat de sécurisation professionnelle. La jurisprudence a, à ce titre, établi que l’acceptation de la convention par le salarié ne dispensait pas l’employeur de son obligation de communiquer au salarié, dans un document écrit, le motif économique du licenciement dont il prend l’initiative (Soc. 27 mai 2009, n° 08-43.137, RJS 8-9/2009, n° 741). Et c’est précisément autour de cette question de l’information quant aux motifs économiques dans le cadre de la conclusion d’un CSP que les deux arrêts rendus le 27 mai 2020 viennent apporter des éléments de réponse.

Il était question dans les deux espèces de salariés auxquels avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Dans les deux cas, les modalités d’information entourant cette proposition de CSP firent l’objet de contestation, les intéressés estimant celle-ci irrégulière.

La Cour de cassation profite de ces deux saisines pour préciser les modalités d’information quant au motif économique qui justifie la mise en œuvre de ce dispositif.

Dans le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153), où l’employeur était une société en redressement judiciaire, la haute juridiction rappelle que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit « en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ».

La formule employée dans le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531), concernant cette fois une entreprise in bonis, se révèle plus ramassée mais le sens est identique, les magistrats réaffirmant que l’employeur est « tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ».

Cette exigence de communication du motif économique par écrit et antérieurement à l’acceptation du salarié n’est pas nouvelle, ces deux arrêts venant confirmer une jurisprudence bien assise (v. Soc. 14 avr. 2010, n° 08-45.399, Dalloz actualité, 11 mai 2010, obs. L. Perrin ; D. 2010. 1223 ; RDT 2010. 437, obs. A. Fabre ). La flexibilité quant à l’instrumentum pouvant servir de support à cette information est ici rappelée au moyen d’une formule un peu lourde, laissant poindre une nette préférence des juges pour le document écrit d’information sur ce dispositif remis au salarié. Il avait déjà été admis que l’information sur le motif économique pouvait être transmise au moyen de la lettre remise au salarié dans le cadre de l’obligation de l’employeur de rechercher un reclassement dès que le licenciement est envisagé, énonçant le motif de la suppression du poste et en proposant un nouveau (Soc. 16 nov. 2016, n° 15-12.293, RJS 2/2017, n° 106). Le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531) vient ici préciser que la mention de la cause économique au stade de la procédure spécifique préalable de modification du contrat de travail ne suffit pas à satisfaire à cette exigence de forme (v. déjà en ce sens, Soc. 8 oct. 2014, n° 13-13.995 P, Dalloz actualité, 6 nov. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 2054 ; RDT 2014. 685, obs. B. Ines ), laquelle doit nécessairement être réalisée au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié. La justification tient, pour la jurisprudence, à la nécessité que ce dernier soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

La sanction de cette formalité est lourde de conséquences, puisque le licenciement sera considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Celle-ci peut paraître sévère pour l’employeur qui avait pu déjà informer le salarié des causes économiques de la restructuration justifiant la proposition de modification du contrat de travail. En adoptant une telle solution, la chambre sociale marque une césure nette entre les deux procédures. L’expression de volonté du salarié au moment de la proposition de la modification de son contrat doit ainsi être strictement distinguée de celle exprimée à propos de la proposition de CSP, qui appelle elle aussi que soit exprimé de façon claire et non équivoque son lien de corrélation avec le motif économique.

Le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153) livre enfin un dernier enseignement quant au formalisme que doit revêtir la note « contrat de sécurisation professionnelle » lorsque l’employeur est soumis à une procédure de redressement judiciaire. Il est en effet prévu que, lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire autorise des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la lettre de licenciement comporte nécessairement le visa de cette ordonnance. À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale vient ici préciser que la solution s’étend à la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP. De façon assez logique et en résonnance avec l’exigence de parfaite information préalable à l’acceptation du CSP, le visa de l’ordonnance du juge-commissaire devra donc également figurer sur la notice, à défaut de quoi l’employeur, déjà dans une posture délicate, s’exposera aux conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Auteur d'origine: Dechriste
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Notes

I. Aix-en-Provence, 22 nov. 1995, D. 1996. 405 , note J. Borricand .

II. Crim. 25 juin 1996, n° 95-86.205, Bull. crim. n° 274, D. 1996. 239 ; RSC 1997. 106, obs. Y. Mayaud ; ibid. 390, obs. J.-H. Robert ; 18 mars 2008, n° 07-83.067, Dalloz actualité, 8 avr. 2008, obs. A. Darsonville ; D. 2008. 1147 ; AJ pénal 2008. 241, obs. S. Lavric. ; ibid. 282, obs. C. Duparc .

III. L’entreprise face à l’émergence du délit de risques causés à autrui, AJ pénal 2016. 356  et D. Marais, Un pied dans le (co)vid : prise de position, le risque pénal de la « faute délibérée » existe bien pour les chefs d’entreprise, Le Droit en débats, Dalloz actualité, 20 mai 2020

IV. Crim. 30 oct. 2007, n° 06-89.365, Dalloz actualité, 23 nov. 2007, obs. S. Lavric ; D. 2007. 3007 ; ibid. 2008. 2390, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 2009. 123, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; RDI 2008. 97, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2008. 91, obs. S. Lavric ; RSC 2008. 75, obs. Y. Mayaud .

V. Crim., 19 avril 2017, n° 16-80.695, Dalloz actualité, 5 mai 2017, obs. S. Fucini ; D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VI. C. pén., art. 121-3 : il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

VII. Crim. 6 déc. 2005, n° 05-82.815, D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VIII. Crim. 30 avr. 2002, n° 01-85.219, D. 2003. 30 , obs. J. Pradel .

IX. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction. Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-41, la peine de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction.

X. Les équipements de protection individuelle sont des dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa sécurité et sa santé (C. trav., art. R. 4311-8 à R. 4311-11).

XI. Crim. 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 6 mai 2002, n° 01-84.717.

XII. Crim. 4 janv. 1984, n° 82-94.320, Bull. crim. n° 5 ; 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 25 avr. 2017, n° 15-85.890, Dalloz actualité, 9 mai 2017, obs. D. Goetz ; D. 2017. 989 ; RSC 2017. 288, obs. Y. Mayaud .

XIII. Crim. 28 mai 1991, n° 90-83.957, Bull. crim. n° 226 ; RSC 1992. 75, obs. G. Levasseur ; 27 mars 2018, n° 17-82.455.

XIV. Crim. 27 nov. 1990, n° 89-84.709, Bull. crim. n° 409 ; RSC 1991. 598, obs. C. Lazerges .

XV. Crim. 8 nov. 1994, n° 93-81.274, Bull. crim. n° 355.

XVI. Crim. 24 juin 2014, n° 13-81.302, Dalloz actualité, 16 juill. 2014, obs. F. Winckelmuller ; D. 2014. 1455 ; ibid. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; RDI 2014. 521, obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. soc. 2015. 159, chron. R. Salomon ; RSC 2018. 887, obs. Y. Mayaud .

XVII. Crim. 27 oct. 2009, n° 09-80.490.

XVIII. Crim. 9 mars 1999, P, Dr. ouvrier 1999. 307, obs. M. Richevaux.

Auteur d'origine: Bley

par Jean-Marc Pastorle 27 mai 2020

CE, ord., 22 mai 2020, Association Alliance Vita et l’association Juristes pour l’enfance, Association Pharmac’éthique, req. n° 440216, 440317

L’arrêté en litige permet la réalisation d’une IVG au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu à l’article R. 2212-10 du code de la santé publique ainsi que la prescription par téléconsultation des médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG médicamenteuse.

Le juge des référés du Conseil d’État a relevé que le protocole validé par la Haute Autorité de santé permettant pour les IVG par voie médicamenteuse pratiquées jusqu’à la septième semaine de grossesse « est conforme aux principales recommandations nationales et internationales émises par les sociétés savantes de gynécologues et d’obstétriciens et qu’elles sont dans plusieurs pays mises en œuvre en dehors d’un établissement de santé ». Par ailleurs, les dispositions contestées, en ce qu’« elles permettent le recours à des téléconsultations en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, sont de nature à contribuer à la diminution de la circulation du covid-19 et, dès lors, à ce que la catastrophe sanitaire prenne fin ».

Les associations requérantes soutenaient également que les dispositions contestées exposent les femmes à des risques pour leur santé alors qu’elles ne sont pas prises en charge pour leur interruption volontaire de grossesse dans un établissement de santé. Cet argument est également écarté par le juge des référés qui relève que le médecin ou la sage-femme prescrivant une IVG par voie médicamenteuse « doit informer la femme sur les mesures à prendre en cas de survenance d’effets secondaires, lui prescrire un traitement analgésique approprié et l’informer de ce qu’en cas de toute difficulté, elle peut se rendre à tout moment dans un établissement de santé conventionné dont il lui remet les coordonnées ».

Auteur d'origine: pastor

Les avocats vont désormais pouvoir recevoir plus facilement les copies numérisées des dossiers pénaux. À la mi-mai, le Conseil national des barreaux (CNB) a salué la signature avec la Chancellerie d’un protocole en ce sens, qui suivait la finalisation, à la fin avril, d’un premier protocole sur la communication électronique pénale. « Grâce à ces protocoles, nous pourrons demander et obtenir une copie numérique, et nous voir notifier numériquement les actes prévus par l’article 803-1 du code de procédure pénale », se félicite Me Vincent Penard, vice-président de la commission libertés et droits de l’homme du CNB.

Si l’envoi par mail d’un dossier pénal numérisé était déjà possible, l’exercice était compliqué en cas de pièces jointes trop volumineuses. La nouvelle plateforme, appelée Plex, un mix d’une messagerie et d’un service de téléchargement, va permettre l’envoi de fichiers pouvant atteindre un giga-octet. « Tout ce qui peut rendre l’accès au dossier plus rapide et facile est bon à prendre, même si cela fait longtemps que je reçois tous mes dossiers pénaux sous format dématérialisé », remarque un avocat lorrain. Toutes les robes noires ne feront pas la fine bouche. Exemple avec ce juriste qui demandait un renvoi le 11 mai, le jour du déconfinement à l’une des chambres correctionnelles du tribunal judiciaire de Paris, faute d’avoir pu avoir accès au dossier de son client pendant le confinement.

Alors que le protocole sur la communication électronique pénale était discussion depuis deux ans, il n’a fallu, de source avocat, qu’une poignée de semaines durant le confinement pour que les parties trouvent finalement un terrain d’entente. Mais si la crise sanitaire a boosté ce dossier, elle a cependant avant tout mis en lumière le retard inquiétant pris par la justice française sur le numérique. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, défend Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique, place Vendôme. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » L’Hexagone part de loin. Dans le tableau de bord 2019 de la justice dans l’Union européenne, la France est ainsi classée dix-neuvième sur vingt-huit pays en matière de disponibilité de moyens électroniques.

Auteur d'origine: babonneau
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Les faits de l’espèce sont extrêmement simples : un salarié refuse une rétrogradation disciplinaire, proposée après un entretien préalable. L’employeur, prenant en considération ce refus, substitue à cette sanction une mise à pied disciplinaire.

Le salarié sollicite l’annulation de la mise à pied disciplinaire et de rappel de salaires et de dommages-intérêts à ce titre au motif que, lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l’employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien. Ainsi, faute d’avoir été convoqué à ce nouvel entretien, la nouvelle sanction substituée doit être annulée selon le travailleur.

La cour d’appel balaye l’argumentation, retenant que l’employeur n’a aucune obligation de procéder à un nouvel entretien préalable.

Pour rappel, l’article L. 1332-2 du code du travail dispose que l’employeur qui envisage de prendre une sanction convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Il est également constant que l’employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail à titre disciplinaire, telle une rétrogradation (Soc. 17 juin 2009, n° 07-44.570 P, Dalloz actualité, 30 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1765, obs. S. Maillard ).

En effet, dans cette hypothèse, il doit notifier au salarié la proposition d’une telle sanction et l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette mesure (Soc. 28 avr. 2011, n° 09-70.619 P, Dalloz actualité, 16 mai 2011, obs. J. Siro).

Si le salarié refuse la sanction, l’employeur a le choix : soit il abandonne son projet disciplinaire, soit il est en droit de prononcer une autre sanction (v. Soc. 16 juin 1998 n° 95-45.033 P, D. 1999. 125 , note C. Puigelier ; ibid. 171, obs. M.-C. Amauger-Lattes ; ibid. 359, chron. J. Mouly ; Dr. soc. 1998. 803, rapp. P. Waquet ; ibid. 1999. 3, note C. Radé  ; 15 juin 2000, nº 98-43.400 ; 7 juill. 2004, n° 02-44.476 P ; 11 févr. 2009, n° 06-45.897 P, Dalloz actualité, 24 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1738, obs. S. Maillard , note J. Mouly ).

L’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail et le refus du salarié interrompt ce délai (Soc. 28 avr. 2011, n° 10-13.979 P, Dalloz actualité, 20 mai 2011, obs. J. Siro ; D. 2011. 1290  ; 15 janv. 2013, n° 11-28.109 P, Dalloz actualité, 1er févr. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 255 ; Dr. soc. 2013. 277, obs. J. Mouly ; ibid. 576, chron. S. Tournaux ).

La question posée à la haute juridiction était donc de déterminer si l’employeur devait, à nouveau, convoquer le salarié à un entretien préalable avant de prononcer la nouvelle sanction, une mise à pied disciplinaire en l’occurrence.

Il convient de relever que la jurisprudence précitée ne concernait que des licenciements prononcés après le refus du salarié d’accepter une sanction disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail.

On peut cependant remarquer que ces arrêts ne précisent nullement que l’autre sanction pouvant être prononcée par l’employeur en cas de refus de celle entraînant une modification du contrat de travail ne peut être qu’un licenciement.

En tout état de cause, il existait à la lumière de ces décisions un impératif de réitération de l’ensemble de la procédure disciplinaire lorsque le salarié refusait la première proposition de sanction.

Le moyen n’était donc pas dépourvu de pertinence.

La Cour de cassation n’a, semble-t-il, pas été convaincue par l’argumentation du salarié, puisqu’elle pose dans un attendu de principe que, « lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l’employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, n’est pas tenu de convoquer l’intéressé à un nouvel entretien préalable ».

En d’autres termes, si le licenciement avait été la sanction substituée, on comprend que le second entretien préalable aurait été nécessaire. La Cour de cassation opère clairement une distinction selon que la seconde sanction envisagée est une mesure de licenciement, ou non. Tel est l’enseignement de l’arrêt commenté.

Toutefois, il ne faut pas oublier que si le second entretien apparaît nécessaire en matière de licenciement, l’absence de tenue dudit entretien n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 16 sept. 2015, n° 14-10.325 P, D. 2015. 1900 ; Dr. soc. 2015. 939, obs. J. Mouly ).

Si la décision apparaît stricte, il ne peut toutefois être nié que l’intérêt d’un second entretien préalable est difficilement perceptible, le premier ayant déjà rempli sa fonction, à savoir informer le salarié des faits reprochés.

Auteur d'origine: Dechriste

L’article premier de la loi simple prévoit un transfert de dette de 136 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Ces 136 milliards d’euros permettront d’éponger 31 milliards d’euros de déficits cumulés non repris constatés au 31 décembre 2019. Les 92 autres milliards sont des déficits futurs pour la période 2020-2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Cette provision permettra aussi de couvrir les efforts en faveur de l’investissement dans les établissements publics de santé.

Par ailleurs, la loi organique repousse la date de fin de remboursement de la dette sociale, estimée précédemment par la CADES à 2024, à fin 2033. Ceci permettra à la CADES de s’endetter dès aujourd’hui à long terme.
Pour financer la dépendance, l’article 3 de la loi simple prévoit un transfert de 0,15 point de CSG (2,3 milliards d’euros), entre la CADES et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).

Enfin, l’article 4 de la loi simple prévoit que le gouvernement devra remettre d’ici fin septembre un rapport « sur les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ». Le serpent de mer de la cinquième branche, pourrait commencer à être structuré à l’automne lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale 2021.

Auteur d'origine: babonneau
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Dans le sillage des premières condamnations en référé d’entreprises comme La Poste ou Amazon France pour le non-respect des mesures de prévention liées à l’épidémie de covid-19 (v. TJ Nanterre, 14 avr. 2020, n° 20/00503, Dalloz actualité, 20 avr. 2020, obs. L. Malfettes, puis Versailles, 24 avr. 2020, n° 20/01993), c’est au tour de Renault d’être attraite devant le juge de l’urgence pour répondre des mesures mises en place pour poursuivre son activité en dépit de la pandémie de covid-19 qui touche le pays.

L’usine de Sandouville du groupe automobile, à l’arrêt depuis le début du confinement, avait élaboré un projet portant sur les modalités organisationnelles de l’activité en vue de la reprise de production pendant l’épidémie de covid-19.

Les modalités de fond et de forme de cette démarche suscitèrent une réaction des syndicats du site dont l’un d’eux saisit le juge des référés. Les représentants du personnel n’avaient été qu’informés, et non formellement consultés selon le syndicat. Par ailleurs, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) du site de l’établissement Renault Sandouville n’avait pas été convoquée, alors pourtant qu’il s’agissait d’un projet important modifiant les conditions de travail. L’entreprise n’aurait pas remis l’ensemble des documents nécessaires à l’avis éclairé du comité social et économique (CSE), et il était encore reproché à la société d’avoir convoqué la CSSCT à une réunion postérieurement à celle du CSE d’établissement, alors qu’un accord d’entreprise prévoyait la saisine préalable de la CSSCT centrale et des commissions de chaque établissement pour « étude et préparation de la consultation du CSE » lorsqu’un projet a un impact important en matière de santé, sécurité et conditions de travail.

Le juge des référés saisi a reconnu la carence de l’entreprise dans ces modalités d’information-consultation des représentants du personnel et sur certains autres points.

Le juge a relevé l’irrégularité de la convocation des membres du CSE, dans la mesure où plusieurs membres de l’instance ont affirmé ne pas avoir connaissance de l’existence d’une adresse mail professionnelle à leur nom ou ne pas y avoir eu accès depuis leur domicile, de sorte que leur convocation ne leur a pas été remise de manière effective.

Aucun document n’avait par ailleurs été remis s’agissant des modalités organisationnelles relatives à la santé et la sécurité des salariés de l’usine, l’entreprise s’étant contentée de transmettre un document PowerPoint consacré aux modalités organisationnelles de la reprise d’activité.

Il est encore reproché à Renault le fait que le CSE n’ait pas été associé à la préparation des actions préventives et à l’évaluation des risques que la société a menée, celle-ci s’étant bornée à créer des commissions paritaires ad hoc pour gérer la crise sanitaire et y associer les représentants du personnel.

Le CSE n’a pas été consulté préalablement à la mise à disposition des équipements de protection individuelle (EPI). Ce dernier n’a pas non plus été préalablement consulté sur les programmes de formation à la sécurité à mettre en place à destination des salariés. L’entreprise va ainsi se voir condamnée à consulter le CSE préalablement à la mise à disposition des EPI, et après lui avoir remis les notices d’instruction, sur les conditions dans lesquelles ces équipements sont mis à disposition et utilisés, ainsi qu’à mettre en place une formation pratique (et non seulement théorique) préalable à la reprise de poste, formation dont elle ne rapportait pas la preuve.

L’évaluation des risques va aussi être jugée insuffisante en ce qu’elle a été faite au global à l’échelle de l’ensemble du groupe, mais n’a pas fait l’objet d’une déclinaison spécifique adaptée à la situation particulière de l’usine. Les risques psychosociaux ont par ailleurs été insuffisamment pris en compte dans l’évaluation globale des risques induits par la crise sanitaire.

Enfin, la juridiction va relever – à l’instar du juge des référés de Nanterre sur le cas d’Amazon – la nécessité de modifier tous les plans de préventions et protocoles de sécurité applicables dans l’usine pour tenir compte du risque lié au covid-19 après information du CSE.

Cette décision du juge des référés s’inscrit dans le droit fil des précédentes décisions rendues en référé sur l’application des mesures de sécurité liées à la propagation du covid-19 dans les entreprises. La solution vient confirmer les enseignements qui apparaissaient déjà clairement dans la décision rendue à propos de Amazon. Les entreprises devront veiller à respecter scrupuleusement la réglementation en matière de consultation du CSE.

En particulier, l’employeur devra veiller à la régularité de la convocation de ses membres (s’il entend y procéder par voie électronique, il lui faudra s’assurer de la possession par ceux-ci d’une adresse mail professionnelle accessible depuis leur domicile et s’aménager la preuve de la réception effective de la convocation). Aussi devra-t-il respecter la procédure d’information/consultation légale, complétée le cas échéant par celle prévue par accord collectif, et recueillir le cas échéant l’avis et les travaux préalables de la CSSCT, comme l’illustre le cas d’espèce. Cela rejoint l’exigence d’une transmission d’information complète comportant tous les documents nécessaires au CSE, préalable nécessaire pour rendre un avis éclairé sur un projet de reprise progressive d’activité, condition à laquelle un simple document PowerPoint semble difficilement pourvoir (v. déjà sur la transmission d’un PowerPoint de cinq pages au CHSCT jugée insuffisante, CE 29 juin 2016, n° 386581, Astérion France (Sté), Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ).

Aussi, l’employeur ne pourra se contenter d’une évaluation des risques artificielle, en particulier quant aux risques psychosociaux, le contrôle opéré par le juge des référés apparaissant – à l’aune des dernières décisions – relativement strict, en atteste encore la décision présentement commentée.

En conséquence, les juges vont annuler la réunion du CSE ainsi que tout acte ou décision pris lors de celle-ci, inviter l’entreprise à reprendre ab initio la procédure d’information consultation du CSE, suspendre le projet le temps de la régularisation de cette procédure et de la mise en place de mesures effectives et enjoindre l’entreprise à procéder à une évaluation des risques plus complète, en retranscrire les résultats sur le document unique, mettre en œuvre les actions de prévention et méthode de travail adaptée tout en y associant les représentants du personnel. La condamnation s’est accompagnée d’une astreinte de 3 000 € par infraction constatée et par jour de retard.

Auteur d'origine: Dechriste
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La faculté du comité social et économique de se faire assister par un expert-comptable ou un expert habilité (C. trav., art. L. 2315-78 et s.) était auparavant octroyée au comité d’entreprise, notamment dans le cadre de l’examen annuel des comptes (C. trav., anc. art. L. 2325-35 s.). Cette faculté est également reconnue par la Cour de cassation au bénéfice des différents comités d’établissement (Soc. 16 janv. 2019, n° 17-26.660, D. actu., 8 févr. 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 133 ; RDT 2019. 344, obs. L. Millet ; Rev. sociétés 2019. 418, obs. B. Saintourens ; 11 sept. 2019, n° 18-14.993). La mission de cet expert est d’assister le comité ; elle porte « sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise » (C. trav., anc. art. L. 2325-36). L’arrêt commenté, rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 mars 2020, concerne précisément les informations et documents pouvant être sollicités par un comité d’établissement afin de permettre à l’expert de remplir sa mission.

En l’espèce, le comité d’établissement de Guyane de la société EDF France avait voté le 21 janvier 2015 le recours à un expert-comptable pour l’assister dans l’examen des comptes de 2014 et des comptes prévisionnels pour 2015 de l’établissement, dans le cadre de l’examen annuel des comptes de l’entreprise. Le 10 mai 2016, ce comité a saisi le président du tribunal de grande instance d’une demande de communication de documents complémentaires. L’expert missionné par le comité est intervenu volontairement à la procédure. La cour d’appel de Paris, le 8 juin 2018, a débouté le comité d’établissement de ses différentes demandes. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

Le comité sollicitait notamment la communication d’éléments relatifs à la rémunération des agents de l’établissement pour les années 2009 à 2011, ainsi que des éléments relatifs aux commandes passées par la société, avec des précisions relatives à l’activité concernée, au domaine d’achats et au segment d’achats, et ce pour les douze fournisseurs identifiés pour la période 2008 à 2011. Au moyen de son pourvoi, le comité arguait que l’expert-comptable devait déterminer seul les documents utiles à l’exercice de sa mission. Il reprochait à la cour d’appel d’avoir considéré que les documents demandés excédaient les pouvoirs de l’expert et d’avoir décidé que la communication des documents au comité et à l’expert était limitée aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales (BDES). Ce faisant, elle aurait violé les articles L. 2325-35 et suivants du code du travail en vigueur, relatifs aux missions de l’expert, ainsi que les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du même code, relatifs au contenu de la BDES.

C’est sur le dernier point que s’est essentiellement prononcée la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 26 mars 2020 : l’expert-comptable chargé d’accompagner le comité d’établissement dans l’examen des comptes de l’entreprise, peut-il demander la communication de documents et informations qui n’ont pas à être intégrés dans la BDES ?

Aux termes de l’article L. 2323-7-2 du code du travail en vigueur au moment des faits, une base de données économiques et sociales, régulièrement mise à jour, constituait un corpus d’informations que l’employeur mettait à disposition des institutions représentatives du personnel, accessible en permanence aux membres de ces IRP ainsi qu’aux délégués syndicaux. Parmi ces informations figuraient celles relatives aux investissements (investissement social, matériel et immatériel) ou à l’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants (pour plus de précisions, v. C. trav., anc. art. R. 2323-1-3 s.). L’article R. 2323-1-5 alors applicable précisait que « les informations figurant dans la base de données port[aient] sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu’elles [pouvaient] être envisagées, sur les trois années suivantes ». La transmission de ces informations aux représentants du personnel via la BDES leur permettait d’exercer utilement leurs compétences (C. trav., anc. art. R. 2323-1-7). La BDES est désormais mise à la disposition des membres du CSE : son organisation, son architecture, son contenu et ses modalités de fonctionnement sont prévus par un accord d’entreprise (C. trav., art. L. 2312-12) ou, à défaut, par des dispositions supplétives (C. trav., art. L. 2312-36).

Pour écarter le moyen précédemment exposé, la Cour de cassation décide « qu’il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l’employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu’il met à la disposition du comité d’entreprise, et par suite de l’expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l’année qui fait l’objet du contrôle et aux deux années précédentes ». Or, le contrôle portait en l’espèce sur les comptes des années 2014 et 2015, tandis que les documents demandés concernaient les années 2008 à 2011.

Il résulte de cette décision que l’expert ne pouvait exiger la communication d’informations et de documents que l’employeur n’avait pas à communiquer au comité d’entreprise. Si l’expert détermine seul les documents utiles qu’il souhaite consulter (Soc. 8 janv. 1997, n° 94-21.475, D. 1997. 34 ; 5 févr. 2020, n° 18-24.174) et a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes (C. trav., anc. art. L. 2323-37 ; v. C. com., art. L. 823-13), il ne peut exiger la production et la communication de documents dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise (Soc. 27 mai 1997, n° 95-21.882). Or, en déterminant que les informations de la BDES portaient sur les deux années précédentes, la loi précisait les éléments qui devaient être considérés comme utiles à la réalisation des missions du comité d’entreprise et devant être produits par l’employeur en vue de la consultation de celui-ci sur les comptes de l’entreprise. Par extension, ces dispositions s’appliquaient également à l’expert chargé d’assister le comité dans l’exercice de ses missions.

Par ailleurs, le comité sollicitait également la communication d’informations relatives au calcul de son budget de fonctionnement pour 2014 et 2015. Pour rejeter sa demande, les juges du fond ont considéré qu’elles ne relevaient pas de l’expertise en vue de l’examen annuel des comptes organisé par l’article L. 2325-35 du code du travail alors en vigueur. Au moyen du pourvoi, le comité d’établissement avançait que la mission de l’expert-comptable portait sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation économique de l’établissement dans l’entreprise. Selon lui, les éléments de calcul de la subvention de fonctionnement dont il bénéficiait constituaient des données pertinentes à cette fin.

Cet argument n’a pas convaincu la Cour de cassation, qui valide le raisonnement des juges du fond ayant retenu « qu’aucune consultation n’étant prévue sur le montant des subventions versées chaque année au comité d’établissement, la contestation de ce montant supposait, dans le cadre d’une procédure en référé, que les conditions prévues par les articles 808 et 809 du code de procédure civile [urgence ou nécessité de prévenir un dommage ou de faire cesser un trouble manifestement illicite] soient remplies, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la demande avait été formée à l’occasion de la consultation sur les comptes annuels de la société sans que soient invoqués de motifs précis à l’appui de la demande ». Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence selon laquelle les documents demandés par l’expert doivent avoir un lien avec la mission qui lui a été confiée, les juges étant compétents pour contrôler l’existence de ce lien (Soc. 14 mars 2006, n° 05-14.148 ; 12 sept. 2013, n° 13-12.200, D. actualité, 24 sept. 2013, obs. W. Fraisse ; D. 2013. 2599, chron. P. Lokiec et J. Porta ).

Auteur d'origine: Dechriste

Le représentant de l’État avait pris, le 14 avril, un arrêté soumettant, entre le 16 avril et le 11 mai, toute personne, à l’exception des fonctionnaires de l’État arrivant en renfort et des personnels de santé, entrant par voie aérienne en Guadeloupe en provenance de Paris, Fort-de-France ou Cayenne, hors cas de transit, à une quarantaine stricte d’une durée de quatorze jours dans une structure d’hébergement hôtelière, tout déplacement en dehors du lieu d’hébergement étant strictement interdit. L’ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy a fait appel de l’ordonnance du juge des référés de la Guadeloupe qui n’avait pas estimé constituée une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

Le juge des référés du Conseil d’État rejette la requête. La mesure prise par le préfet n’est pas excessive dès lors qu’il n’apparaît pas « que la mise en quarantaine dans un lieu d’hébergement hôtelier dédié décidée, pour une durée limitée, par l’arrêté contesté du préfet de la Guadeloupe en date du 14 avril 2020 serait, eu égard aux exigences tenant à la sauvegarde de la santé de la population, inadaptée ou disproportionnée au regard de l’objectif de sauvegarde de la santé publique et porterait une atteinte manifestement illégale à la liberté d’aller et venir ou au droit de mener une vie familiale normale ». Pour autant, précise le juge, il incombe aux autorités administratives compétentes « de veiller au suivi sanitaire des personnes placées en quarantaine dans les lieux d’hébergement dédiés ».

Auteur d'origine: pastor

L’EU-OSHA est l’Agence d’information de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail. Elle contribue au cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020) et a précédemment publié des conseils à suivre sur le lieu de travail (guidance for workplaces) au début de l’épidémie.

Dépourvues d’effet obligatoire, ces nouvelles lignes directrices entendent fournir des conseils et des outils aux employeurs et aux travailleurs pour préserver la sécurité et la santé dans un environnement professionnel qui a considérablement changé en raison de la pandémie.

Elles traitent en détail de :

l’évaluation des risques et mesures appropriées : réduire au minimum l’exposition au covid-19 ; reprendre le travail après une période de fermeture ; faire face à un fort taux d’absence ; gérer les travailleurs en télétravail.impliquer les travailleurs ;prendre soin des travailleurs qui ont été infectés par la maladie ;planifier et tirer des enseignements pour le futur ;rester bien informé ;informations relatives aux secteurs et aux professions.

Ces lignes directrices incluent des exemples de mesures générales qui, en fonction de la situation professionnelle particulière, peuvent aider les employeurs à mettre en place un environnement de travail sûr et sain en vue de la reprise des activités.

Celles-ci sont par ailleurs complétées par des lignes directrices par secteur).

Auteur d'origine: ccollin

Ce texte contient des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets très divers.

Le premier article vise notamment à permettre le report ou la prolongation de nombreuses mesures qui devaient entrer en vigueur (loi Économie circulaire) ou qui devaient expirer (loi Renseignement, SILT) dans l’année 2020. Les mandats, sauf issus d’élections politiques, pourront tous être prolongés, tout comme la durée de mandat des conseillers de prud’hommes.

Sur la justice, deux nouvelles ordonnances sont prévues : une en matière criminelle (extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales), l’autre en matière délictuelle et contraventionnelle (permettant aux procureurs de la République de réorienter les procédures).

Le texte prévoit aussi des ordonnances pour assouplir l’activité partielle ou le recours aux CDD (par convention d’entreprise). Il contient également des mesures faisant suite à l’annulation des saisons sportives. Le dernier article est consacré aux conséquences du Brexit et de l’accord transitoire.

Auteur d'origine: babonneau
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L’annulation d’une décision d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’eploi (PSE) peut être génératrice d’incertitude quant à l’étendue de l’indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié concerné par le plan. Cette incertitude est d’autant plus grande lorsque celle-ci intervient dans un contexte de liquidation judiciaire. Elle peut aussi amener à se questionner sur le point jusqu’où peut aller le juge judiciaire dans son contrôle concernant l’appréciation desdites indemnités.

C’est précisément sur ces questions que l’arrêt du 25 mars 2020 vient apporter des éclaircissements.

En l’espèce, une société a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur a fixé unilatéralement le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui fut homologué par l’administration. Onze salariés ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé dans ce cadre, avant que la décision d’homologation ne se voit annulée par un arrêt de la cour d’appel administrative.

Les salariés intéressés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, estimant que le licenciement prononcé dans le cadre d’une liquidation judiciaire en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, ou en l’état d’un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond déboutèrent les salariés de leur demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, au motif que – dans l’hypothèse d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire – le code du travail ne prévoit pas « dans le cas notamment de l’annulation d’une décision d’homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l’emploi […] que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse », les conséquences de l’annulation de l’homologation d’un PSE devant se limiter à l’indemnisation du salarié licencié, l’indemnité mise à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Dans la mesure où il était question d’une annulation de la décision d’homologation, la cour d’appel en a déduit que le licenciement « n’est ni sans cause réelle et sérieuse ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse », de sorte que les intéressés ne sauraient prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond, l’article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit qu’en cas de licenciement intervenu dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, et en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation d’un PSE ou en cas d’annulation de celle-ci, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, cette indemnité étant due quel que soit le motif d’annulation de la décision.

Les hauts magistrats précisent que l’annulation de la décision administrative ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’est infondée une demande paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de l’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle.

Cette solution vient confirmer la ligne jurisprudentielle précédemment dessinée tout en lui apportant une précision de taille. Il avait en effet déjà été jugé que, selon l’article L. 1233-58, II, du code du travail, en cas de licenciements intervenus dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l’absence de toute décision de validation ou d’homologation de PSE ou en cas d’annulation d’une telle décision, le juge octroie une indemnité d’au moins six mois de salaire, et ceci quel que soit le motif d’annulation. La Cour avait alors précisé qu’en l’absence de disposition expresse contraire, cette indemnité se cumulait avec l’indemnité de licenciement (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-26.132, D. 2019. 19 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ). Il n’était dès lors pas exclu de penser qu’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents aurait par ailleurs pu être revendiquée. Telle n’est toutefois pas la solution retenue, accentuant la spécificité du régime applicable en matière de procédure collective.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs l’inapplicabilité de l’article L. 1235-16, qui prévoit la possibilité de réintégration du salarié dans l’hypothèse d’une annulation pour un motif autre que l’insuffisance du plan, et accentue de la sorte la césure existant entre les entreprises en procédure collective et celles in bonis, régime spécifique dont on rappellera qu’elle avait été jugée conforme à la Constitution (Cons. const. 13 avr. 2012, n° 2012-232 QPC, Constitutions 2012. 334, obs. C. Radé ).

La chambre sociale va toutefois casser l’arrêt d’appel sur une question – relevée d’office – de compétence juridictionnelle, au visa des articles L. 1235-7-1 du code du travail et 76 du code de procédure civile, et de la loi des 16-24 août 1790.

La haute juridiction rappelle que, lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, elle doit, sous le contrôle du juge administratif, vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables (C. trav., art. L. 1233-57-3). Le respect du principe de la séparation des pouvoirs s’oppose alors à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l’employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu’elles s’imposaient au stade de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, la vérification du contenu dudit plan relevant de l’administration sous le contrôle du juge administratif.

Les requérants avaient en effet invité le juge judiciaire à se prononcer sur le droit à des indemnités supplémentaires qu’ils tireraient d’une lecture combinée du contenu du PSE et de celui d’un protocole d’accord de méthode antérieurement conclu. Pour la chambre sociale, suivant une interprétation stricte de la ligne dessinée par le Conseil d’État (v. en part. CE 22 juill. 2015, n° 383481, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; ibid. 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ), il n’appartenait pas au juge judiciaire de se prononcer sur une telle demande dans la mesure où, sous le couvert de demandes tendant à obtenir l’exécution des engagements énoncés dans le cadre de cet accord, les salariés contestaient le contenu du PSE, dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative.

Auteur d'origine: Dechriste
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Introduit simultanément dans le code pénal et dans le code du travail en 1992, le harcèlement sexuel dépasse le simple cadre de la relation de travail salariée. Au-delà des enjeux tenant à la santé et à la sécurité du salarié, le harcèlement sexuel est une incrimination pénale à part entière. Lorsqu’un salarié estime être victime de harcèlement sexuel, plusieurs recours s’offrent donc à lui. D’un côté, un recours devant le conseil des prud’hommes dès lors que le harcèlement intervient dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. De l’autre, un recours devant les juridictions pénales engagé à l’encontre de l’auteur du harcèlement sexuel.

Cette double possibilité pose nécessairement la question de l’articulation des procédures initiées. À cet égard, l’arrêt de la chambre sociale du 25 mars 2020 n’est pas dénué d’intérêt.

En l’espèce, une assistante dentaire en contrat de professionnalisation avait saisi le conseil des prud’hommes en octobre 2015 afin de contester son licenciement pour faute grave, survenu deux ans plus tôt. Estimant avoir été victime de harcèlement sexuel, la salariée avait parallèlement initié une procédure devant le juge pénal. Le 28 juillet 2016, le tribunal correctionnel d’Angers relaxait l’employeur poursuivi pour harcèlement sexuel. En septembre 2018, la cour d’appel saisie à la suite du contentieux prud’homal, caractérisait l’existence d’un harcèlement sexuel et prononçait la nullité du licenciement.

Estimant que la cour d’appel avait méconnu le principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action civile, l’employeur forme un pourvoi en cassation. Dès lors que le tribunal correctionnel l’avait relaxé des fins de poursuites de harcèlement sexuel, la cour d’appel ne pouvait selon lui se soustraire à l’appréciation des faits ainsi opérée par le juge pénal.

En mobilisant conjointement l’ancien article 1351 du code civil – actuel article 1355 – et l’article 480 du code de procédure civile, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Sans occulter le principe d’autorité de la chose jugée au pénal, la chambre sociale rappelle que « la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1153-1, 1°, du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel ». Dès lors que « le jugement de relaxe du tribunal correctionnel était fondé sur le seul défaut d’élément intentionnel », « la décision du juge pénal, qui s’est borné à constater l’absence d’élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur ».

Le principe de primauté du pénal sur le civil est bien connu de tous. Si l’on s’en tient à la formule régulièrement mobilisée par la jurisprudence et invoquée à l’appui du pourvoi, « l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé » (Civ. 1re, 24 oct. 2012, n° 11-20.442, D. 2013. 68 , note N. Rias ; RTD civ. 2013. 87, obs. J. Hauser ). C’est néanmoins oublier que le régime de la preuve du harcèlement sexuel est différent selon que la procédure a été introduite devant le juge civil ou pénal. Si les définitions du harcèlement sexuel données respectivement par le code du travail et le code pénal sont relativement proches (C. trav., art. L. 1153-1 ; C. pén., art. 222-33), le système probatoire est quant à lui sensiblement différent.

Devant les juridictions pénales, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un élément matériel, à savoir la répétition de propos ou comportements à connotation sexuelle ou des pressions graves exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuel. En parallèle, le salarié doit apporter la preuve d’un élément intentionnel, étant entendu qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (C. pén., art. 121-3). L’auteur des faits délictueux doit clairement avoir la volonté d’imposer son comportement à la victime, générant par là-même une situation intimidante, hostile ou offensante. Devant le conseil des prud’hommes, il est simplement attendu du salarié qu’il réunisse des éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Dès lors, il incombe à la partie défenderesse de prouver que les agissements en cause ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs et légitimes. Dans cette hypothèse, le salarié n’a donc pas à prouver que les manœuvres ont été menées en toute connaissance de cause.

Dans le cas présent, l’employeur avait été relaxé au pénal faute pour la salariée d’avoir pu caractériser l’élément moral. Néanmoins, les éléments mis en lumière par la salariée à l’occasion du contentieux prud’homal ont été jugés suffisants pour établir l’existence d’une situation de harcèlement sexuel. Dans la mesure où le jugement de relaxe du tribunal correctionnel était fondé sur le seul défaut d’élément intentionnel et que la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail (C. trav., art. L. 1153-1) ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, le juge civil avait toute latitude pour caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur.

En appréciant librement les faits qui lui ont été soumis, la cour d’appel pouvait donc prononcer la nullité du licenciement de la salariée victime de harcèlement sexuel.

Auteur d'origine: Dechriste
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Les faits de l’espèce sont relativement simples.

Une banque avait sollicité auprès de l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un salarié, par ailleurs détenteur de multiples mandats de représentant du personnel (délégué syndical, délégué titulaire du personnel, membre suppléant du comité d’entreprise fédéral et de membre du comité fédéral d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Cette demande était fondée sur deux motifs : le premier disciplinaire, en raison de la consultation des comptes bancaires d’un client de la banque sans nécessité professionnelle et du comportement du salarié à l’égard de ce client, et un second tiré du trouble objectif que le détournement de fonds, réalisé par l’intéressé au détriment de son organisation syndicale, avait provoqué dans le fonctionnement de l’entreprise.

Sans revenir sur une procédure administrative longue et complexe, il ressort en l’espèce qu’en dernier lieu, l’inspection du travail avait refusé d’autoriser le licenciement du salarié par décision du 23 mai 2013. Par décision du 21 novembre 2013, le ministre du travail avait confirmé cette décision en ce qu’elle avait estimé que le motif disciplinaire n’était pas établi, mais l’avait annulée en considérant que le détournement de fonds reproché au salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l’entreprise. Le tribunal administratif de Strasbourg avait finalement annulé la décision du ministre du travail par jugement du 21 avril 2016, et la cour d’appel administrative de Nancy avait confirmé ce jugement par un arrêt du 28 décembre 2017.

Il ressort donc de la procédure que le motif du licenciement qui demeurait dans le débat n’était plus disciplinaire mais tiré d’un prétendu détournement de fonds que le salarié aurait effectué en dehors de l’exécution de son contrat de travail.

Or, pour mémoire, la possibilité de licencier un salarié pour des faits commis en dehors de l’exécution du contrat de travail est restreinte et s’apprécie selon les mêmes conditions que les faits liés à l’exécution du mandat. Si les agissements du salarié, étrangers à la vie professionnelle, ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire, la Cour de cassation admet qu’ils puissent néanmoins justifier un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse si un trouble caractérisé en est résulté, tenant notamment à la finalité de l’activité et aux fonctions du salarié et ayant eu des répercussions sur la bonne marche de l’entreprise (Soc. 9 juill. 2002, n° 00-45.068, Dalloz jurisprudence). C’est également le sens de la jurisprudence administrative (CE 4 juill. 2005, n° 272193, Lebon ; AJDA 2005. 2031 ; 15 déc. 2010, n° 316856, Lebon ; AJDA 2011. 527 ; D. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 99, concl. G. Dumortier ; ibid. 116, obs. P. Adam ). Il appartient, dans cette hypothèse, à l’employeur « d’établir que les répercussions effectives du comportement du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise sont, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail, de nature à justifier son licenciement » (CE 29 juin 2016, n° 387412, Dalloz actualité, 20 juill. 2016, obs. M. Peyronnet ; Lebon ; AJDA 2016. 2142 ). L’administration précise également dans une circulaire du 30 juillet 2012 que, « si le critère des fonctions professionnelles occupées par le salarié figure au nombre des éléments à prendre en compte, c’est bien le trouble objectif résultant de l’agissement commis par le salarié mis en cause qui constitue le critère décisif sur lequel doit se fonder, en premier lieu, l’appréciation de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail » (circ. DGT n° 07/2012, 30 juill. 2012).

Assurément, un détournement de fonds opéré par un salarié pourrait causer un trouble dans le fonctionnement d’une entreprise telle qu’une banque, eu égard aux fonctions du salarié. Toutefois, la question posée par la décision commentée ne tenait pas véritablement à l’existence du trouble, mais avait trait à la manière dont l’employeur avait obtenu la preuve des faits reprochés au salarié.

En effet, il ressort de l’arrêt qu’une enquête interne avait été diligentée par la banque, sans que le salarié en soit informé, permettant ainsi de révéler que l’intéressé avait usé de ses prérogatives de trésorier pour commettre un détournement de fonds au détriment du syndicat. Cependant, il convient de noter que cette enquête avait pour seule origine la plainte d’un client qui expliquait que le salarié avait consulté ses comptes bancaires et l’avait menacé d’une dénonciation aux services fiscaux. Or les investigations ont non seulement porté sur le point de savoir si le salarié avait consulté les comptes bancaires du client à l’origine du signalement mais également sur les comptes bancaires du syndicat dont le salarié était le trésorier ainsi que sur ses comptes bancaires personnels dont il était titulaire au sein de la banque.

L’arrêt est intéressant, puisque le Conseil d’État prend le soin de fixer, tout d’abord, une ligne de conduite à tenir en indiquant que, « lorsqu’un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l’origine de l’enquête et ne sauraient porter d’atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée ».

Faisant application de ce principe, il constate que la consultation des comptes bancaires du salarié n’était pas nécessaire pour établir la matérialité des allégations qui avaient été portées à sa connaissance par un tiers (les menaces proférées à l’encontre du client et la consultation de ses comptes). Ainsi, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la haute juridiction administrative retient que la banque a porté une atteinte excessive au respect de la vie privée du salarié, dans des conditions insusceptibles d’être justifiées par les intérêts qu’elle poursuivait. Le Conseil d’État rejette ainsi le pourvoi de la banque et valide l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy.

Cette décision doit être juridiquement approuvée, dès lors qu’effectivement, la plainte dont la banque avait été saisie, émise originellement par un client, relative à la consultation de ses comptes par le salarié, à la divulgation d’informations confidentielles et à la menace d’une dénonciation aux services fiscaux, ne justifiait pas que l’employeur consulte le compte bancaire de ce salarié sans l’en informer préalablement. Cela n’avait même aucun lien en réalité. Le licenciement ne pouvait donc être justifié par le trouble causé par le détournement de fonds commis par le salarié à l’encontre de son syndicat, cette information ayant été obtenue en violation du droit au respect de sa vie privée, étant précisé au surplus que la banque n’a eu accès aux comptes personnels du salarié que parce que celui-ci était domicilié au sein de la banque.

Cette solution n’étonne guère, dans la mesure où la jurisprudence administrative sanctionne, de façon générale, l’utilisation par l’employeur de moyens de preuve illicites (v. par ex., CAA Bordeaux, 9 mai 2017, n° 15BX02686 ; CAA Lyon, 12 déc. 2013, n° 13LY00028, Dalloz jurisprudence).

L’exigence de loyauté est également la ligne suivie par la jurisprudence de la Cour de cassation.
Ainsi, la chambre sociale considère de jurisprudence constante qu’une filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité d’un salarié constitue une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur (Soc. 26 nov. 2002, n° 00-42.401, D. 2003. 1858, et les obs. , note J.-M. Bruguière ; ibid. 394, obs. A. Fabre ; ibid. 1305, chron. J. Ravanas ; ibid. 1536, obs. A. Lepage ; Dr. soc. 2003. 225, obs. J. Savatier ; RTD civ. 2003. 58, obs. J. Hauser ; 18 mars 2008, n° 06-45.093, D. 2008. 992, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2008. 608, obs. C. Radé ; v. égal. Soc. 20 nov. 1991, n° 88-43.120, D. 1992. 73 , concl. Y. Chauvy ; Dr. soc. 1992. 28, rapp. P. Waquet ; RTD civ. 1992. 365, obs. J. Hauser ; ibid. 418, obs. P.-Y. Gautier , qui retient que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite).

C’est également le cap fixé par la première chambre civile qui souligne que « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-12.403, Dalloz actualité, 14 mars 2016, obs. N. Kilgus ; D. 2016. 884 , note J.-C. Saint-Pau ; ibid. 2535, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ pénal 2016. 326, obs. D. Aubert ; RTD civ. 2016. 320, obs. J. Hauser ; ibid. 371, obs. H. Barbier ).

On peut voir une morale à l’arrêt commenté : contrairement à l’adage, la fin ne justifie pas les moyens.

Reste que le salarié devra peut-être s’expliquer pénalement sur le détournement de fonds opéré… 

Auteur d'origine: Dechriste

Une justice à l’arrêt

Les sénateurs se sont interrogés sur les « plans de continuation d’activité » (PCA), définis par chaque juridiction. La liste des contentieux « essentiels » diffère selon les tribunaux, même si la Chancellerie a proposé un périmètre indicatif. Les rapporteurs regrettent « une forme de solitude institutionnelle des chefs de juridiction qui ont dû déterminer et mettre en œuvre, seuls, leur PCA, sans que les directives du ministère soient suffisamment claires, notamment sur le périmètre des contentieux à conserver ».

Plus globalement, les sénateurs regrettent la mise en l’arrêt d’une grande partie de la justice. « En dépit de l’engagement des personnels de la justice, magistrats et fonctionnaires, les rapporteurs retirent des auditions le sentiment que le régime des PCA a conduit à réduire la présence physique en juridiction au minimum et l’activité juridictionnelle au maximum, ce qui peut interroger sur le bon fonctionnement de la justice. » Ils alertent aussi sur la situation de la justice civile, notamment des conseils de prud’hommes : « La plupart des conseils de prud’hommes n’assureraient pas actuellement le traitement des référés (paiement de salaire par exemple) ».

Remettre en marche la justice

Les sénateurs appellent à revoir les PCA. S’il est « légitime » que les juridictions aient, dans un premier temps, mis un terme à toutes leurs activités non essentielles, « il serait nécessaire de reconsidérer ce choix fait dans l’urgence et qui va au-delà de ce que les règles sanitaires imposent ».

Les ordonnances ont offert des possibilités (restriction de la publicité des débats, vidéoaudiences, notifications par mail). « Toutefois, faute de signal donné par la garde des Sceaux et à l’exception notable des tribunaux de commerce », les juridictions ne semblent pas s’en être emparées.

Plus globalement, les auditions mettent en lumière les failles technologiques du ministère de la justice. Les magistrats judiciaires n’ont pas accès à distance à leur environnement informatique habituel et les greffiers n’ont pas accès au réseau privé virtuel justice. Le logiciel Winci, qui permet de procéder à la mise en état des dossiers, n’est pas non plus accessible à distance, bloquant toute la chaîne civile. Ainsi, la présidente du tribunal judiciaire de Nanterre a indiqué qu’en un mois, 2 400 décisions avaient été rédigées par des magistrats travaillant à domicile, mais que les agents du greffe n’avaient pu procéder à leur notification.

Nicole Belloubet a reconnu la « dette technologique très importante » de son ministère, tout en assurant être en train de la « rattraper à vive allure ». Le nombre quotidien de connexions sur le réseau sécurisé est passé de 2 500 avant la crise à 30 000, 3 000 ordinateurs ultraportables ont été distribués et 2 000 matériels de visioconférence installés.

La reprise de l’activité sera un défi important. Les sénateurs soulèvent un autre point d’alerte : la situation des professions judiciaires, notamment des avocats. « La crise sanitaire, qui fait suite à la grève menée en début d’année, agit comme un révélateur de la fragilité économique d’un grand nombre de cabinets d’avocats. »

Auteur d'origine: babonneau

« Voici donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre »

Après deux mois de confinement et de couacs, le début de l’intervention d’Édouard Philippe est attendu. Il est effectivement rare qu’un discours parlementaire soit retransmis en direct sur TF1 et M6 (même si l’arrêt de tournages des téléfilms rend nécessaire la recherche de contenus nouveaux et gratuits). Le Premier ministre souligne d’abord la réussite du confinement, le nombre de personnes en réanimation est passé de 7 100 à 4 600. Puis, il fait ses annonces. Le retour à la normale dépendra de la situation locale (il y aura des départements verts, oranges et rouges), les classes rouvriront très progressivement, les déplacements seront limités à 100 km et la plupart des commerces seront autorisés.

Édouard Philippe annonce aussi, qu’enfin, il y aura des masques et 700 000 tests par semaine. Les personnes testées positives devront s’isoler « en quatorzaine », chez elles (confinant ainsi tout leur foyer), ou dans des hôtels réquisitionnés. Des brigades seront chargées de faire des enquêtes épidémiologiques. Le projet de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire, qui sera au Parlement dès la semaine prochaine, précisera cela.

Ce discours d’Édouard Philippe a lieu dans un climat particulier. Au départ, les députés ne devaient débattre que de l’application StopCovid. Puis, cela s’est élargi à la stratégie de déconfinement. Puis, il y a eu un débat pour savoir s’il fallait ou non un vote. Puis un débat sur la date du vote (juste après le discours de Philippe ou plus tard ?). Confusion supplémentaire, selon la presse, Emmanuel Macron aurait appelé des journalistes pour leur dire, en off, qu’il n’était pas d’accord avec le format choisi par le Premier ministre, puis, durant le conseil des ministres, il a démenti « très fermement » toute rumeur de friction. Un démenti qui évidemment relancé les rumeurs de frictions, selon les quelques observateurs qui suivaient encore.

Devant les députés, Édouard Philippe défend la procédure choisie : « Nous avons choisi de réserver à l’Assemblée nationale ces annonces et de lui permettre de réagir, de critiquer et d’interroger le Gouvernement. […] En ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national ». Et, poursuit-il, « j’ai été frappé, depuis le début de cette crise, par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision. Les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public. Les députés ne commentent pas. Ils votent. »

« Ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance »

Le débat se déroule dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire une déclaration, « qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. » Une procédure curieuse, un débat sans amendement et sans enjeu, dont les gouvernements ont d’ailleurs fait un usage modéré depuis sa création, en 2008, la cantonnant aux sujets trop techniques pour passionner (programme de stabilité, fiscalité écologique). Car, que se passerait-il si l’Assemblée votait contre la déclaration gouvernementale ? La Ve République s’est toujours méfiée des questions de confiance cachées qui ont miné les républiques précédentes. Mais cette confiance sera le cœur du débat.

Le député communiste Stéphane Peu « après nous avoir convié à débattre cet après-midi d’une application qui n’existe pas, voilà que vous devons participer à un débat bâclé, sur un plan de déconfinement que les parlementaires n’ont pas eu le loisir de découvrir ni d’amender. En réalité, ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance. Mais elle vous est moins que jamais acquise ». Damien Abad, président du groupe LR : « Comme plus de 6 Français sur 10 nous n’avons pas confiance, nous n’avons plus confiance. » Olivier Faure, premier secrétaire du PS : « Ne demandez pas de nous accorder une confiance que jusqu’ici vous ne méritez pas. »

L’opposition dénonce les multiples volte-face du gouvernement, le manque de masques, de tests et de respirateurs. Le président du groupe Modem, Patrick Mignola défend le gouvernement : « On a beaucoup glosé et sur la prétendue impréparation du gouvernement. Mais depuis trois ans que suis parlementaire, je n’ai jamais entendu, ni sur le terrain, ni ici, que nous devions voter des demandes d’achat massif de masques pour reconstituer les stocks ou relocaliser leur production. »

« Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière, auriez-vous confiance ? »

Le drame du débat parlementaire français est que les parlementaires français ne veulent jamais débattre. Ce qui compte, c’est le discours. Quand, à la chambre des communes britannique les interventions fusent, le parlementaire français doit faire long. Mais, les orateurs n’ayant que 15 minutes de pause après l’intervention d’Édouard Philippe pour se préparer, les discours de réaction ont tous été écrits la veille. Résultat, entre les députés trop tendus pour décoller leur nez de leur feuille et ceux qui n’ont pas modifié une ligne d’un texte déjà périmé, l’exercice est ennuyeux.

Certains arrivent à sortir du cadre. Le jeune député LR Aurélien Pradié, « sur les masques, vous n’avez pas donné de garantie solide et vos explications ressemblaient davantage à des excuses. » « Aujourd’hui avons-nous confiance ? Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière qui s’est protégée plusieurs semaines durant avec des sacs poubelles comme blouse de fortune, auriez-vous confiance en Emmanuel Macron et en votre propre gouvernement ? Si vous étiez un médecin libéral qui a attendu de longues semaines des masques qui ne venaient pas, si vous étiez une aide-soignante qui les attend encore, auriez-vous confiance ? Si vous étiez un parent d’élève inquiet de voir la reprise de l’école, voir les ordres et les contre ordres, auriez-vous confiance ? »

En réponse, Édouard Philippe insiste : « La partie que nous devons jouer ensemble est redoutable C’est une partie difficile, c’est une partie risquée, mais nous ne réussirons à rien si nous ne sommes pas confiants. Mais la confiance n’est ni l’inconscience, ni la béatitude. C’est simplement la certitude que notre pays a en lui-même les ressources exceptionnelles pour affronter cette partie difficile ». Au final, 368 députés votent pour la déclaration, 100 contre et le reste s’abstient. Presque toute la majorité a soutenu. Les groupes LR, PS et UDI sont très hésitants. Comme le pays.

Auteur d'origine: babonneau

Après une première condamnation en référé d’Amazon France Logistique pour le non-respect des mesures de prévention liées à l’épidémie de covid-19 par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 avril dernier (TJ Nanterre, 14 avr. 2020, n° 20/00503, Dalloz actualité, 20 avr. 2020, obs. L. Malfettes ), la Cour d’appel de Versailles, saisie d’un recours contre la première décision, vient de confirmer le 24 avril 2020 la solution préalablement apportée.

Dans l’ordonnance de référé, il avait été reproché à l’entreprise de n’avoir pas procédé à une évaluation ordonnée et systématique des risques liés à la pandémie au regard de chaque poste de travail, d’avoir pris des mesures au fil des jours sans préalablement associer les représentants du personnel. Ces mesures avaient par ailleurs été jugées insuffisantes au regard de la situation particulière des salariés de cette entreprise dans le contexte actuel, contraints de travailler dans des conditions modifiées et jugées anxiogènes, la hausse des demandes de livraison ayant entraîné l’embauche d’intérimaires et la présence sur site d’un nombre très important de personnes.

Saisie d’un recours de l’entreprise, la cour d’appel va venir confirmer le raisonnement des premiers juges.

La Cour commence par rappeler que conformément aux dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur est par ailleurs tenu d’évaluer, compte tenu de la nature des activités de l’entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de transcrire les résultats dans un document unique et de mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates (C. trav., art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à R. 4121-4).

Concernant le grief tenant au défaut d’association des représentants du personnel à l’évaluation des risques, la cour d’appel va estimer que ceux-ci doivent non seulement être associés au dispositif d’évaluation, mais le CSE doit encore être officiellement consulté quant aux mesures mises en œuvre. Se faisant, les juges s’appuient sur la circulaire n° 6 DTR du 18 avril 2002 qui invite l’entreprise à réaliser une analyse « menée en liaison avec les instances représentatives du personnel, de façon à favoriser le dialogue social, en constituant un facteur permanent de progrès au sein de l’entreprise », ainsi que sur les articles L. 2316-1, 3° et L. 2312-8, 4°, du code du travail. À la lumière de ces derniers et toujours selon les magistrats, le comité social et économique central devait être seul consulté sur les mesures d’adaptation communes aux six établissements, sur le fondement de sa compétence consultative en cas de modification importante des conditions de travail.

Les mesures impliquées par la contagiosité spécifique du covid-19 apparaissent en effet incarner ce qu’il faut qualifier de modification importante de l’organisation du travail (gestion des déplacements des salariés au sein d’un entrepôt qui accueille des activités de réception, de stockage puis d’expédition de marchandises, du fait notamment du nombre de salariés et de la multiplicité de leurs tâches). C’est en conséquence de quoi la cour d’appel de Versailles va juger qu’il appartenait à la société Amazon de consulter le CSE central dans le cadre de l’évaluation des risques – comprenant la modification du DUER –, puis la mise en œuvre des mesures appropriées, sans pour autant ignorer les CSE d’établissement lesquels, dans le cadre de cette démarche d’évaluation, devaient être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés, étant rappelé que le comité social et économique a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise. La solution fait ainsi une application sans extravagance des textes donnant compétence au CSE en matière de conditions de travail, dont il est difficilement contestable qu’elle couvre les mesures préventives envisagées dans le cadre de l’épidémie.

Sur la suffisance des mesures prises, la juridiction d’appel va, à l’instar des premiers juges, reconnaître les efforts réalisés par l’entreprise (aménagement des pauses avec espacements des chaises et modification des horaires, réorganisation des prises de poste pour limiter la densité des personnes dans un même espace, désactivation des portiques de sécurité à la sortie pour fluidifier les mouvements de personnes, ajout de signalétique, nettoyages plus fréquents, mise à disposition de gel hydroalcoolique, communication sur les gestes barrières, prise de température proposée aux salariés, création – contestée – d’une nouvelle fonction de vérification des consignes confiée à des ambassadeurs hygiène et sécurité). La Cour confirme l’existence d’un trouble manifestement illicite à la date de la première décision, et aboutit à un constat identique en appréciant la violation de l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés (C. trav., art. L. 4121-1 s.) au jour où elle statue, soit la persistante absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et d’une concertation avec les représentants des salariés, ainsi qu’une non moins persistante insuffisance des mesures prises par la société, exposant ainsi les salariés à un dommage imminent de contamination susceptible de se propager à des personnes extérieures à l’entreprise.

Sont reprochés, comme déjà dans la première décision, l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie, l’absence d’évaluation des risques psychosociaux, l’insuffisante actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels sur plusieurs sites, l’absence de plan d’ensemble maîtrisé (se satisfaisant de mesures au jour le jour), et l’insuffisante formation des salariés.

La Cour d’appel va en conséquence ordonner - sous astreinte de 100 000 € pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés – la restriction des activités des entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits de première nécessité ou indispensables notamment au télétravail. 

Les mesures prononcées dans la première décision sont ainsi reprises, de façon moins sévères, la juridiction étendant un peu la liste initiale qui visait uniquement les produits alimentaires, d’hygiène et médicaux (la liste comprend désormais les rubriques « High-tech, informatique, bureau », « Tout pour les animaux », « Santé et soins du corps », « Homme », « Nutrition », « Parapharmacie », ainsi qu’« Épicerie, boissons et entretien »).

Cette décision de confirmation en appel vient ici encore illustrer les obligations qui pèsent sur l’employeur en matière de santé et de sécurité dans le contexte épidémique. L’évaluation approfondie des risques (incluant les risques psychosociaux) apparaît indispensable, tout comme l’actualisation subséquente du document unique d’évaluation des risques ainsi que la prise de mesures préventives suffisantes (en application des art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à R. 4121-4 c. trav.).

Cette séquence d’actions ne pourra se faire sans y associer les représentants des salariés, au premier chef desquels le comité social économique (CSE) qui devra – lorsqu’il existe – être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail. En présence d’établissements distincts, si seul le comité central a vocation à être consulté concernant les mesures d’adaptation communes aux différents établissements, les comités d’établissements doivent également – dans le cadre de la démarche d’évaluation - être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés.

Les entreprises devront donc s’aménager la preuve d’un plan concerté et complet de prévention du risque épidémique, sous peine de se voir condamner sous astreinte en cas de saisine du juge des référés.

Auteur d'origine: Dechriste

En cette période de crise sanitaire, il appartient aux employeurs qui maintiennent une activité professionnelle de veiller à la sécurité des travailleurs au regard des risques induits par le covid-19.

Dans une instance de référé opposant la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications à La Poste, le tribunal judiciaire de Paris est la première juridiction à statuer sur les contours de cette obligation en faisant usage de la nouvelle procédure sans audience.

Au visa des articles 6, alinéa 1er, 7, alinéas 1er et 3, et 8 de l’ord. n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le tribunal judiciaire de Paris a statué au terme d’une procédure d’exception conduite en circuit entièrement dématérialisé. Les avocats de chacune des parties ont échangé l’ensemble de leurs conclusions et de leurs pièces justificatives dans le cadre d’un protocole et d’un calendrier fixés par le tribunal, directement auprès du juge en ce qui concerne les conclusions et par l’intermédiaire d’une plateforme d’hébergement sécurisée et agréé par le ministère de la justice en ce qui concerne les pièces.

Le syndicat reprochait à La Poste de ne pas avoir adopté l’ensemble des mesures de prévention suffisantes à l’égard des postiers du fait de la crise et demandait notamment à La Poste de procéder à nouveau à une évaluation des risques consécutifs à cette épidémie, à mettre en œuvre les résultats de cette évaluation et à convoquer une instance nationale de concertation avec l’ensemble des organisations syndicales.

Le tribunal, à l’issue d’une décision très motivée et détaillée, a considéré que La Poste n’avait pas méconnu son obligation de sécurité au regard des nombreuses mesures préventives adoptées avant et pendant la crise sanitaire.

En revanche, et là est l’apport principal de la décision commentée, le juge des référés a jugé qu’il appartient à l’employeur de mesurer par unité de travail les risques professionnels induits par le covid-19 et de les transcrire dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), sans paraphraser les recommandations publiques et officielles du gouvernement ou des autorités sanitaires.

L’employeur doit ainsi mener une évaluation concrète des risques au sein de son entreprise et définir des mesures préventives adaptées.

Le juge des référés, constatant que La Poste n’avait pas adopté un DUER, lui a ordonné d’élaborer et de diffuser ce document, en rejetant son argument tenant en l’existence de documents d’information à destination des salariés.

Auteur d'origine: Dechriste
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Destiné à établir les modalités du scrutin, son organisation et son déroulement, le protocole d’accord préélectoral fait l’objet d’un contentieux que l’on sait important. C’est en effet à l’issue des négociations du protocole préélectoral qu’est notamment fixée la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges (C. trav., art. L. 2314-6). Les litiges relatifs à l’électorat, à la composition des listes de candidats et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire (C. trav., art. L. 2314-32). Reste à déterminer quelle juridiction est territorialement compétente lorsque la contestation porte sur l’inscription sur les listes électorales et sur l’éligibilité d’une catégorie de personnel. La chambre sociale nous donne quelques éléments de compréhension dans un arrêt en date du 11 mars 2020.

Dans les faits, la société Mediapost avait procédé au renouvellement de ses institutions représentatives du personnel entre les 23 et 29 janvier 2019. Les élections des membres aux comités sociaux et économiques de la société étaient encadrées par un protocole d’accord préélectoral valablement signé le 10 juillet 2018. Contestant ce protocole en raison de l’absence d’exclusion d’une catégorie de salariés comme éligibles et électeurs, la Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications (FSSUDA) avait saisi le tribunal d’instance de Paris, le 13 décembre 2018, pour faire modifier les listes électorales, puis le 11 février 2019, pour faire annuler le premier tour des élections des membres titulaires et suppléants de l’ensemble des comités sociaux et économiques, pour le troisième collège. Par jugement rendu le 20 avril 2019, le tribunal d’instance de Paris se déclarait incompétent au profit du tribunal d’instance d’Antony, en relevant que le litige en cause portait sur la régularité des élections. La Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications formait alors un pourvoi en cassation au moyen que l’action visait la contestation de l’inscription sur les listes électorales et de l’éligibilité d’une catégorie de personnel. Dès lors que le litige concernait à l’origine les dispositions d’un accord préélectoral unique organisant les élections d’un comité social et économique central et de plusieurs comités sociaux et économiques d’établissements d’une entreprise, le syndicat estimait que le tribunal d’instance territorialement compétent était celui dans le ressort duquel le protocole d’accord préélectoral avait été signé et les listes électorales élaborées.

La chambre sociale ne suit pas un tel raisonnement et rejette le pourvoi : « s’agissant d’une contestation de l’inscription sur les listes électorales et de l’éligibilité d’une catégorie de personnel, le tribunal d’instance a exactement retenu que le litige portait sur la régularité des élections. Ayant constaté que, conformément au protocole d’accord préélectoral unique organisant les élections au sein de tous les comités sociaux et économiques de l’entreprise, le dépouillement et la proclamation des résultats avaient été centralisés dans un même lieu situé hors de son ressort, le tribunal d’instance a pu en déduire que ce litige ne relevait pas de sa compétence, peu important que le protocole d’accord préélectoral ait été signé dans son ressort ». Dans la mesure où l’action visait, de manière subséquente, l’annulation des élections de l’ensemble des comités sociaux et économiques, la juridiction territorialement compétente était, en application de la jurisprudence, le tribunal d’instance d’Antony.

Cette solution paraît tout à fait audible. À l’origine, le syndicat mettait en cause la régularité des listes électorales en ce que le protocole d’accord préélectoral incluait les responsables de plateformes ou de sites, alors même qu’ils étaient exclus s’agissant des représentants de proximité. On le sait, les cadres dirigeants sont, tout comme les mandataires sociaux, exclus du vote au terme de l’article L. 3111-2 du code du travail. Par ailleurs, les « cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l’entreprise une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d’entreprise, sont exclus de l’électorat et de l’éligibilité aux fonctions de délégués du personnel et de membre du comité d’entreprise pour la durée d’exercice de cette délégation particulière » (Soc. 6 mars 2001, n° 99-60.553, D. 2001. 979 ). En l’occurrence, le protocole d’accord préélectoral litigieux avait été conclu à Paris. Les listes électorales avaient également été élaborées à Paris. Pour le demandeur au pourvoi, la juridiction territorialement compétente était donc le tribunal d’instance de Paris.

Néanmoins, force est de constater que certaines irrégularités qui relèvent initialement du contentieux de l’électorat sont de nature à impacter la validité des élections professionnelles et donc l’issue du scrutin. En ce sens, la Cour de cassation a admis que soit à la fois introduit un recours en contestation des listes électorales dans les 3 jours suivant leur publication et un recours en contestation des résultats dans les quinze jours de leur proclamation (Soc. 7 févr. 2018, n° 16-20.944). Tel est notamment le cas dans l’hypothèse d’une contestation portant sur l’inclusion dans l’effectif et l’inscription sur la liste électorale d’une catégorie de salariés (Soc. 24 mai 2006, n° 05-60.295 ; 13 nov. 2008, n° 08-60.331, D. 2009. 590, obs. G. Borenfreund, L. Camaji, A. Fabre, O. Leclerc, T. Pasquier, E. Peskine, J. Porta et C. Wolmark ; 10 oct. 2012, n° 11-60.196) ou sur l’éligibilité d’un salarié, à raison du caractère injustifié de l’inscription sur une liste électorale au motif qu’il est assimilé à l’employeur (Soc. 14 déc. 2015, n° 14-26.046).

Dans la mesure où le litige concerne l’inscription sur les listes électorales d’une catégorie de personnel et son éligibilité, il convient d’admettre qu’il relève, de fait, du contentieux relatif à la régularité des élections professionnelles. De là, la Haute juridiction fait application de la jurisprudence classique et en déduit que le tribunal d’instance géographiquement compétent est celui dans le ressort duquel les opérations électorales se sont tenues. D’un point de vue pratique, il s’agit soit de l’établissement dans lequel les élections ont eu lieu, soit du siège social de l’entreprise lorsque les votes de l’ensemble des établissements y ont été dépouillés et les résultats proclamés (Soc. 12 juin 1981, n° 81-60.021). Tel était le cas en l’espèce. D’une certaine manière, le contentieux tenant à la régularité des élections absorbe le contentieux relatif à l’inscription sur les listes électorales et à l’éligibilité d’une catégorie de personnel. Le caractère connexe des actions est indéniable, elles se trouvent ainsi amalgamées en tenant compte de leur finalité : l’annulation des élections professionnelles.

Auteur d'origine: Dechriste
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Alors que l’épidémie de Covid-19 frappe la société dans son ensemble, les entreprises continuant d’exercer une activité se voient contraintes d’intégrer le risque de contagion dans leur fonctionnement afin de s’en prémunir autant que cela est possible. L’article L. 4121-1 du code du travail prévoit en effet que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent en particulier des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Cette obligation de sécurité est dite « de moyens ». Aussi, s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur ne verra pas sa responsabilité recherchée (Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). Mais comment cette obligation doit-elle se décliner à la lumière du contexte épidémique ? Jusqu’où l’employeur doit-il aller en matière préventive ? C’est à ces questions que cette première décision en référé du tribunal judiciaire de Nanterre rendue le 14 avril 2020 concernant le cas de l’entreprise Amazon France Logistique apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, le syndicat Sud Solidaires a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre en référé le 8 avril dernier, reprochant à la société Amazon France Logistique de ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour protéger les salariés travaillant dans ses entrepôts contre le covid-19.

Parallèlement à cette saisine des juges, l’administration du travail a adressé à certains établissements des mises en demeure de mettre en œuvre des mesures de prévention du risque covid-19.

Le juge des référés va, après étude des mesures concrètes déployées par l’entreprise, reconnaître un risque de dommage grave et imminent s’incarnant dans la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à de nouvelles personnes.

Si la lecture de l’obligation de l’employeur à la lumière de l’épidémie n’implique pas que l’employeur garantisse l’absence de toute exposition des salariés à des risques, elle l’enjoint à les éviter le plus possible et – s’ils ne peuvent être évités – à les évaluer régulièrement afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés.

Dans cette perspective, le ministère du Travail relève que pour respecter son obligation de sécurité, l’employeur doit :

« procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;
 déterminer, en fonction de cette évaluation les mesures de prévention les plus pertinentes ;
 associer à ce travail les représentants du personnel ;
 solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
 respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires. » (V. le document « Coronavirus : Questions/réponses pour les entreprises et les salariés », diffusé par le ministère du Travail, mis à jour au 16 avr. 2020).

À la lumière de ces prescriptions, les juges constatèrent en effet plusieurs manquements. En particulier, l’employeur n’avait pas associé les instances représentatives du personnel à l’évaluation des risques, n’avait pas assuré la pleine effectivité des mesures de distanciation sociale, n’avait pas suffisamment évalué le risque de contamination à l’entrée de tous les sites qui obligent les salariés à emprunter un portique tournant, le risque de contamination s’agissant de l’utilisation des vestiaires, les risques liés à la manipulation des colis qui passent de main en main avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires, ni les risques psychosociaux.

Il lui était encore reproché de ne pas avoir justifié avec suffisamment de précision des protocoles mis en place concernant la fréquence des nettoyages même si les juges constatent qu’elle a été augmentée, ni justifié de l’intégralité des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures. Enfin il lui était reproché de ne pas avoir mis en place des mesures de formations des personnels suffisantes et adaptées.

En conséquence de ces manquements, le juge des référés a ordonné à l’employeur de prendre des mesures complémentaires de nature à prévenir ou à limiter les conséquences de cette exposition aux risques, en renforçant en particulier son évaluation des risques et les mesures prises pour protéger les salariés, tout en y associant les représentants du personnel.

Cette injonction est assortie d’une restriction d’activité provisoire, l’entreprise devant - dans l’attente -restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, le tout sous astreinte de 1 000 000 d’euros par jour et par infraction constatée.

Cette décision – comme celle rendue à propos de La Poste – tient ainsi lieu d’illustration concrète des obligations qui pèsent sur l’employeur en matière de santé et de sécurité dans le contexte épidémique. Les entreprises devront en particulier veiller à procéder à une évaluation approfondie des risques (sans bien sûr omettre les risques psychosociaux), qu’il leur appartient de reporter dans le document unique d’évaluation des risques tout en prenant les mesures de prévention adéquates (en application des art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à 4 c. trav.). Cette opération ne pourra se faire sans y associer les représentants des salariés, dont il convient de rappeler qu’ils ont notamment pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise, le comité social économique (CSE) devant par ailleurs – lorsqu’il existe – être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail.

Aussi les entreprises devront-elles s’aménager la preuve écrite de l’association du CSE aux démarches préventives, des protocoles mis en place concernant la fréquence des nettoyages ainsi que celle de l’intégralité des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures, et de la formation suffisante et adaptée des salariés pour faire face au contexte, sous peine d’encourir une condamnation à y pourvoir sous astreinte en cas de saisine du juge du référé.

Auteur d'origine: Dechriste

Le juge des référés du Conseil d’État, dans une ordonnance très circonstanciée, rejette la requête de l’association Coronavictimes lui demandant d’enjoindre à l’État de faire respecter l’égal accès de toutes les personnes souffrant d’une infection susceptible d’être attribuée au covid-19 aux soins dispensés dans les établissements de santé.

Les personnes résidant dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) souffrant d’une telle infection ne seraient désormais plus admises en établissement de santé lorsqu’elles souffrent de symptômes évocateurs du covid-19. Pour le juge de référés, il n’est pas établi « que les décisions médicales d’admission en réanimation reposeraient de manière générale sur des critères qui auraient été rendus plus stricts du fait de l’anticipation d’une éventuelle saturation de l’offre de soins de réanimation en raison de l’épidémie de covid-19 ou qui, en isolant le critère de l’âge, discrimineraient, au sein des patients atteints d’une infection due au covid-19, ceux qui sont les plus âgés. »

Par ailleurs, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, « plusieurs mesures ont été prises par l’État dans le contexte de l’épidémie de covid-19 en vue de permettre aux personnes souffrant d’une infection liée à ce coronavirus de bénéficier à domicile ou en EHPAD de soins leur garantissant une “fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance”. »

Pas de tests post-mortem

La Haute juridiction rappelle que si, à ce stade de l’épidémie, les visites de la famille des résidents sont suspendues, « des autorisations exceptionnelles de visite peuvent être accordées par le directeur d’un EHPAD, notamment aux proches d’un résident dont la vie prend fin, avec l’accord, le cas échéant, du médecin coordonnateur, dès lors que des mesures propres à protéger la santé des résidents et des personnels de l’EHPAD ainsi que des visiteurs peuvent être prises. »

Enfin, s’appuyant sur l’avis du Haut Conseil de santé publique, il n’est pas recommander « , à ce stade de l’épidémie et en l’état des capacités de diagnostic virologique, de réaliser un test de diagnostic d’infection par le covid-19 chez les personnes décédées. »

Auteur d'origine: pastor
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L’article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 (Loi n° 2019-1446 du 24 déc. 2019, JO 27 déc.) supprime l’expertise médicale de l’article L. 141-1 du Code la sécurité sociale à l’horizon 2022. Pour autant, cet arrêt timbré I, quoique fondé sur la combinaison de textes modifiés ou abrogés, présente l’intérêt d’établir que cette expertise peut être sollicitée devant le juge du fond même si elle n’a pas été utilisée préalablement contre la décision contestée de la caisse. La question mérite d’être examinée également à la lumière des futures articulations entre contentieux médical et contentieux non médical (D. Asquinazi-Bailleux, Vers une distinction entre le contentieux médical et le contentieux non médical, D Avocats 2020. 114 ). 

En l’espèce, la CPAM a refusé à un assuré, victime d’un accident du travail, la prise en charge au titre de la législation professionnelle d’une rechute. Au lieu de demander une expertise médicale technique qui lui aurait permis de « discuter » l’aggravation de son état de santé depuis la date de consolidation, l’assuré a préféré engager une procédure contentieuse en contestation du refus de prise en charge. Il a préalablement saisi la Commission de recours amiable (CRA) puis, suite au silence de cette dernière, saisit le tribunal des affaires de sécurité sociale (devenu le tribunal judiciaire des affaires sociales dit « Pôle social »). Comme la prise en charge de sa rechute dépendait d’un avis médical, il sollicitait devant le juge l’expertise médicale technique de l’article L. 141-1. En application de l’article R. 142-24 (abrogé au 1er janv. 2019), « lorsque le différend fait apparaître en cours d’instance une difficulté d’ordre médical relative à l’état (…) de la victime (…), le tribunal ne peut statuer qu’après mise en œuvre de la procédure d’expertise médicale de l’article L. 141-1 ». La caisse a alors contesté la recevabilité de cette demande d’expertise au motif que l’assuré était forclos. En effet, lorsque la contestation porte sur une question d’ordre médical, la demande d’expertise technique doit être formulée dans le délai d’un mois (CSS, art. R. 141-2). Passé ce délai, la victime est forclose sur cette demande. Est-ce pour autant que la forclusion doit s’étendre à l’action engagée au fond en contestation du refus de prise en charge de la rechute au titre de la législation professionnelle. La réponse est négative. Devant le juge, la victime peut parfaitement solliciter cette mesure d’instruction. Cette solution doit être approuvée à plusieurs titres.

D’abord, l’article L. 141-1 réserve la demande d’expertise, formulée par la caisse ou la victime, aux contestations d’ordre médical relevant de l’ex contentieux général. À cet égard, la contestation portant sur la reconnaissance de la rechute est bien un contentieux d’ordre médical qui relève du 1° de l’article L. 142-1 dans sa rédaction issue de loi du 23 mars 2019 (Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019). La rechute est constituée par toute modification de l’état de la victime constatée postérieurement à la consolidation des blessures (CSS, art. L. 443-2). Elle suppose un fait pathologique nouveau ou une aggravation, même temporaire, des séquelles de l’accident, se distinguant de la simple manifestation des séquelles (Soc. 13 janv. 1994, n° 91-22.247 ; 11 janv. 1996, n°94-10.116, D. 1996. IR 53 ; 12 nov. 1998, n° 97-10.140, Bull. civ. V., n° 491). En outre, la lésion d’origine multifactorielle n’est pas une rechute car il convient qu’elle soit la conséquence exclusive des accidents précédents (Soc. 19 déc. 2002, n° 00-22.482, D. 2003. 1392 , note Y. Saint-Jours ; RDSS 2003. 437, obs. P.-Y. Verkindt ; RJS 2003, n° 384 ; CSB 2003, n° 134). Au travers de cette jurisprudence, il est manifeste que l’appréciation de la rechute commande une appréciation d’ordre médical. En conséquence, refuser le recours à l’expertise médicale entraînerait une impossibilité de qualifier cette rechute et rendrait vaine l’action en contestation de la décision de refus de prise en charge. À titre transitoire et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2022, l’assuré conserve l’opportunité de solliciter l’expertise médicale technique lorsque la difficulté d’ordre médical relève de l’ancien contentieux médical. À terme, le recours préalable sera exercé devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA). Cette Commission, composée de deux médecins, chargée initialement des questions d’ordre médical de l’ancien contentieux technique, a vu son champ de compétence élargie par le décret du 30 décembre 2019. À compter du 1er septembre 2020, l’employeur à qui l’expertise médicale technique est traditionnellement refusée (Soc. 20 juill. 1995, n° 93-12.043 ; 11 mai 2000, n° 98-19.091 ;12 oct. 2000, n°99-12.527), pourra saisir la CMRA s’il entend contester la qualification de rechute.

Ensuite, la décision mérite d’être approuvée car l’expertise médicale est en réalité une mesure d’instruction, dérogatoire au code de procédure civile. L’article R. 142-24 du ode de la sécurité sociale précisait bien que le tribunal ne pouvait statuer qu’après mise en œuvre de l’expertise médicale s’il survenait une difficulté d’ordre médical en cours d’instance. Ce texte a été abrogé et remplacé par l’article R. 142-17-1 (créé par le décr. n° 2018-928 du 29 oct. 2018) lequel est placé dans une sous-section consacrée aux « dispositions particulières à certaines mesures d’instruction ordonnées dans le contentieux mentionné au 1° de l’article L. 142-1 ». La mise en œuvre de l’expertise médicale technique par le juge ne relève pas de son bon vouloir si « le litige fait apparaître en cours d’instance une difficulté d’ordre médical relative à l’état de (….) la victime (…) ». Il est de jurisprudence bien établie que le juge ne peut trancher lui-même une difficulté d’ordre médical (Soc. 14 oct. 1993, n° 91-19.807 ; 9 mai 1994, n° 92-14.637 ; 30 avr. 1997, n° 95-20.534). Sauf à ordonner un complément d’expertise, le juge sera lié par les conclusions de l’expert à partir du moment où les parties ne demandent pas une nouvelle expertise (Soc. 9 mai 1994, n° 94-17.952 ; 10 fév. 2000, n° 97-18.230 ; 20 déc. 2000, n° 99-12.324).

Enfin, en l’espèce, on peut s’étonner que la demande d’expertise ait été formulée par l’assuré. Logiquement, le tribunal doit d’office ordonner cette mesure d’instruction nécessaire à la solution du litige. La question de la forclusion de la demande d’expertise médicale n’aurait pas dû se poser.

En définitive, on peut saluer la suppression programmée de l’expertise médicale technique. À l’avenir, c’est la Commission médicale de recours amiable qui tranchera automatiquement les difficultés d’ordre médical. Son avis s’imposera à l’organisme dont la décision est contestée (CSS, art. L. 142-7-1). Le recours au juge devrait être moins fréquent en raison de la collégialité de l’avis formulé devant la CMRA.

Auteur d'origine: Dargent

L’arrêté du maire de Sceaux imposant aux habitants de cette commune de Hauts-de-Seine âgés de plus de dix ans de ne sortir de leur domicile qu’en portant « un dispositif de protection buccal et nasal » (qui pouvait être un simple foulard) a été suspendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 9 avril (ord. n° 20033905, Ligue des droits de l’homme). L’arrêté en question avait fait l’objet d’une large couverture médiatique. Tout comme celui du maire de Sanarysur-Mer prétendant interdire aux habitants de s’éloigner de plus de dix mètres de leur domicile. Ce dernier n’a pas été suspendu. Visé par pas moins de trois recours en référé-liberté, dont un émanant du préfet, l’édile a préféré retirer sa mesure de police avant même que le tribunal administratif de Toulon n’en examine la légalité. Ce qui a sans doute évité à son arrêté de subir le sort des couvre-feux imposés respectivement par les maires de Lisieux et de Saint-Ouen à leurs populations, suspendus par les tribunaux administratifs de Caen (31 mars, n° 2000711, Préfet du Calvados) et de Montreuil (7 avril, n° 2003861).

Est-ce à dire que les maires ne peuvent rien faire pour protéger leur population du virus qui affole le monde entier ? Pas tout à fait. Et d’ailleurs le Conseil d’Etat dans sa première ordonnance liée à l’épidémie (22 mars, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, Dalloz Actualité 23 mars) relevait que « les représentants de l’Etat dans les départements comme les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères [que celles prévues par le gouvernement] lorsque les circonstances locales le justifient. »

Le fait qu’une police spéciale relève de l’Etat n’exclut pas forcément toujours une compétence du maire au titre de ses pouvoirs de police générale. De longue date, le Conseil d’Etat admet l’action du maire (CE, sect., 18 déc. 1959, n° 36385, Société « Les films Lutetia » et syndicat français des producteurs et Exportateurs de films, Lebon p. 693). Mais à la condition, comme le rappelle l’ordonnance du 22 mars précitée, que celui-ci démontre l’existence de « circonstances locales » justifiant voire imposant son action du fait d’un risque de troubles à l’ordre public spécifique à sa commune. Pour certaines polices, d’ailleurs, le juge est plus restrictif encore. S’agissant des antennes-relais, le maire est radicalement incompétent (CE, 26 déc. 2012, n° 352117, Commune de Saint-Pierre d’Irube).

Justifier au plan local la nécessité de la mesure

Dès sa première décision sur l’actuelle épidémie, cependant, le Conseil d’Etat a signalé qu’en ce domaine, c’est la jurisprudence Les Films Lutétia qui s’applique. Mais le maire de Sceaux, comme ceux de Lisieux et de Saint-Ouen, a échoué à démontrer l’existence de circonstances locales justifiant sa décision. Ainsi, le juge des référés du TA de Caen, saisi par le préfet, a considéré que les divers incidents invoqués par le maire de Lisieux ne sont pas suffisants « pour justifier au plan local la nécessité des restrictions supplémentaires imposées par l’arrêté contesté tant au regard du risque de propagation de l’épidémie de covid-19 que de la sécurité publique. »

Répondant au recours d’un particulier, son homologue de Montreuil admet que le pouvoir de police spéciale de l’Etat en matière d’urgence sanitaire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage de ses pouvoirs de police générale.

« Toutefois, la légalité de mesures plus restrictives est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières. » Et il juge que « la seule invocation générale du défaut de respect des règles du confinement dans la commune de Saint-Ouen-surSeine ne saurait être regardée comme une circonstance particulière de nature à justifier une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante ».

À l’appui de la nécessité de son arrêté, la commune de Sceaux évoquait un récent avis de l’Académie de médecine, préconisant le port du masque par l’ensemble de la population. Mais, pour le juge, par ces considérations générales, le maire « ne justifie pas que des risques sanitaires seraient résulté, sur le territoire de sa commune, de l’absence du port d’un masque de protection à l’occasion de sorties dérogatoires au principe d’interdiction de circulation dans l’espace public édicté par la loi du 23 mars 2020 ». La commune invoquait également la proportion élevée de personnes âgées au sein de sa population. Mais, relève le juge, la commune a mis en place un service de livraison de courses à  domicile pour ces personnes âges. Et surtout, « il n’est pas établi que le même objectif de protection des personnes âgées n’aurait pu être atteint par une mesure moins contraignante, telle celle d’imposer le port d’un dispositif de protection efficace aux seules personnes âgées ou de leur réserver l’usage des commerces à certaines heures de la journée. » Une mesure de police, qu’elle soit nationale ou locale, doit être en effet nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques qu’elle vise à prévenir (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2012.35, chron. M. Guyomar et X. Domino ; v. C. Roulhac, La mutation du contrôle des mesures de police administrative. Retour sur l’appropriation du triple test de proportionnalité par le juge administratif, RFDA 2018. 343 ; M. Canedo, Les soixante ans de l’arrêt Société Les Films Lutétia, AJDA 2019. 2506). Et, s’agissant d’un arrêté municipal, c’est à l’aune des circonstances locales que le juge opère ce « triple test de proportionnalité ».

Un conseil plutôt qu’un arrêté

Que peuvent donc faire les communes face à l’épidémie ? Beaucoup assurément. Et nombre d’entre elles agissent concrètement pour venir en aide aux personnes âgées (comme l’a d’ailleurs fait la ville de Sceaux) ou aux personnes vulnérables, pour assurer la garde des enfants des soignants, pour soutenir les commerces de la commune… L’Association des maires de France (AMF) a même ouvert une page internet spéciale pour que les communes échangent leurs bonnes idées (https://www.amf.asso.fr/m/COVID19/). En revanche, le gouvernement les a appelées à ne pas mettre en œuvre la désinfection intensive de la voirie, que certaines avaient lancée. En effet, le haut conseil de la santé publique, a estimé que cette pratique n’avait pas d’intérêt pour prévenir l’épidémie. Elle peut, en revanche, selon la ministre de la transition écologique, avoir des effets négatifs sur la santé et l’environnement, dans lequel sont dispersés des produits nocifs.

Pour le reste, certes on peut imaginer que, dans quelques cas très particuliers de communes fortement touchées par l’épidémie, le maire puisse prendre des mesures de police, en particulier si le préfet s’en abstenait (hypothèse peu probable au regard des consignes du ministre de l’intérieur). Mais les élus doivent être conscients que la jurisprudence ne leur laisse pas de marges de manœuvre très importantes. Et que les préfets, les citoyens et les associations les surveillent.

C’est ainsi la Ligue des droits de l’homme qui a obtenu la suspension de l’arrêté du maire de Sceaux. De façon plus inattendue, la Fondation 30 millions d’amis avait officiellement sollicité le retrait de l’arrêté du maire de Sanary qu’elle jugeait nuisible au bien-être animal (indubitablement, 10 mètres de promenade, c’est déjà peu pour un chihuahua, alors pour un berger allemand…). L’AMF, dont le maire de Sceaux, Philippe Laurent, est le secrétaire général a recommandé à ses membres de « conseiller à la population de porter un masque artisanal ou chirurgical sur la bouche et sur le nez durant les sorties autorisées ». Le conseil a un avantage certain sur la mesure de police : il est insusceptible de recours…Philippe Laurent, lui, a décidé de faire appel.

Auteur d'origine: pastor

Instituée fin 2018 par la loi n° 2018-1213 portant mesures d’urgence économiques et sociales de façon temporaire, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, parfois vulgarisée « prime Macron », avait cet avantage d’être exonérée de toutes cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Elle a été reconduite par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Le dispositif avait néanmoins été modifié sur plusieurs éléments. Pour bénéficier des exonérations sociales et fiscales, un accord d’intéressement devait notamment être en vigueur au moment du versement de la prime, soit au plus tard avant le 30 juin 2020. Par dérogation au droit commun, la durée de l’accord d’intéressement pouvait dans ce contexte être inférieure à trois ans (sans être inférieure à un an).

Afin d’encourager et de récompenser les salariés qui se sont mobilisés pendant cette épidémie, les pouvoirs publics ont décidé d’assouplir les conditions d’octroi de cette prime « 2020 » (sans pour autant que celle-ci soit textuellement réservée à ces seuls salariés), selon les modalités ci-après exposées.

Suppression de la condition de couverture par un accord d’intéressement

L’ordonnance acte la suppression de la condition initialement prévue d’être couvert par un accord d’intéressement pour que la prime soit exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu. Contrairement à ce qui avait pu être annoncé à la presse par le ministre de l’économie le 20 mars 2020 (le ministre avait alors évoqué que les entreprises d’au moins 250 salariés seraient toujours dans l’obligation d’être dotées d’un accord d’intéressement), aucune condition liée à l’effectif de l’entreprise n’est prévue dans la version publiée du texte.

La couverture par un accord d’intéressement permettra toutefois aux entreprises de profiter d’un plafond de versement relevé de 1 000 à 2 000 €.

Le montant maximal exonéré de toutes charges sociales et fiscales est donc doublé pour celles-ci, ce qui constitue un signal fort à destination des salariés. Reste à savoir si ce dispositif sera mobilisé et par qui. Pour les entreprises ayant déjà versé la prime, rien ne leur interdit a priori de verser un complément également sujet à ce régime social et fiscal, dès lors qu’elles respectent le plafond (de 1 000 ou 2 000 € selon qu’elles disposent ou non d’un accord d’intéressement), toutes primes additionnées. Les entreprises dont l’activité a considérablement augmenté du fait de l’épidémie (grande distribution, agroalimentaire, fourniture de matériel médical, etc.) seront, au premier chef, intéressées.

Report des dates limites de versement et de conclusion d’un accord d’intéressement dérogatoire

L’ordonnance réalise dans le même temps un report de la date limite du versement de la prime. Précédemment fixé au 30 juin 2020, le délai butoir de versement est désormais fixé au 31 août 2020.

Cela signifie que la date de versement effectif de la prime doit, pour bénéficier du régime social et fiscal favorable, intervenir au plus tard au 31 août de cette année. Une prime dont le principe serait arrêté aujourd’hui et dont le versement serait opéré après cette date (pour des considérations tenant par exemple à une nécessaire prise de recul sur les capacités financières de l’entreprise) n’apparaît pas, à l’aune d’une lecture littérale du texte, éligible au dispositif.

De même, et en alignement avec le report précédent, est également reportée au 31 août 2020 la date pour conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire (entre un et trois ans), au lieu du 30 juin 2020.

Ajout d’un nouveau critère de modulation

Il est parfois délicat d’opérer des distinctions entre les salariés dans l’octroi d’un avantage particulier, considérant les principes de non-discrimination et/ou d’égalité de traitement.

Aussi, le texte de la loi de finances prévoyait la possibilité de moduler le montant de la prime en fonction de divers critères. L’ordonnance ajoute d’un nouveau critère, de sorte que le II, 2°, de l’article 7 de la loi n° 2019-1446 prévoit désormais que « son montant peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ».

Cet ajout du critère « des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 » permettra par exemple à l’employeur d’accorder un montant plus important aux salariés devant se rendre sur leur lieu de travail par rapport aux autres en télétravail (à charge pour l’entreprise d’être en mesure de justifier en quoi les « conditions de travail liées à l’épidémie » justifient cette différence de traitement). Une justification portant sur un risque sanitaire accru devra à ce titre être considérée avec la plus grande prudence, considérant l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, tant à l’égard de ses salariés sur le terrain qu’à l’égard de ceux placés en télétravail.

Ce nouveau critère devra être prévu par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime. Il conviendra en tout état de cause de porter un soin particulier à la rédaction de l’acte (unilatéral ou accord collectif) mettant en place la prime, qui ne devra pas être porteur de critères discriminatoires, en particulier sur l’état de santé.

À noter enfin que la disposition évoquant le fait que « les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective » est maintenue dans la loi. Aussi, les salariés ayant posé de tels congés pendant la période de confinement ne devraient pas, à défaut de précisions dans l’acte instituant la prime sur les modalités de prise en compte des « conditions de travail liées à l’épidémie », voir leur droit à la prime réduit au prorata des congés posés. Les entreprises devront donc porter le plus grand soin à la rédaction des modalités d’octroi et de modulation du versement de la prime, si elles entendent intégrer le nouveau critère.

Auteur d'origine: Dechriste
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L’objectif de cette ordonnance est de mobiliser les services de santé au travail en recentrant temporairement leurs missions dans la lutte contre l’épidémie du covid-19.

L’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 publiée le 2 avril au Journal officiel est organisée de la manière suivante :

Article 1 : Le rôle de prévention des services de santé au travail

Les services de santé au travail contribuent à diffuser tant à l’attention de salariés que des employeurs les mesures de prévention adéquates contre le risque de contagion.

L’ordonnance met en exergue le rôle central des services de santé au travail qui peuvent être amenées sur demande à accompagner les entreprises à accroître ou adapter leur activité afin d’optimiser la prévention des risques professionnels liés au coronavirus.

En effet, rappelons que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et de protection de la santé envers ses salariés. Ainsi, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mettant en place des actions de prévention, des actions d’information et de formation et d’adapter son organisation (C. trav., art. L. 4121-1).

L’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre avoir pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour éviter le risque (Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). En conséquence, l’employeur doit mettre en place des mesures de prévention adaptées aux métiers de l’entreprise. Le ministère du Travail l’avait précisé dans son question/réponse, l’employeur peut s’appuyer sur le médecin du travail (Q-R n° 27) et y associer le Comité social économique (CSE).

En somme, le premier article est un rappel de leurs missions habituelles de prévention : diffuser aux parties à la relation de travail des « messages de prévention contre le risque de contagion » ; aider les entreprises à mettre en œuvre les « mesures de prévention adéquates » et les aider à « accroître ou adapter leur activité ».

Les services de santé au travail sont, en effet, les mieux placés pour assurer la diffusion des meilleurs moyens de prévention sur tout le territoire.

Article 2 : Le rôle de prescription du médecin du travail

L’article 2 prévoit, par dérogation expresse de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, que le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au coronavirus. Il faut rappeler, qu’en temps normal, la loi n’autorise pas le médecin du travail à prescrire des arrêts maladie.

Pour ce faire, le médecin du travail peut procéder à des tests de dépistage selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail. Le gouvernement semble se préparer à une sortie du confinement et pour ce faire donne un premier indice de réalisation en y associant le médecin du travail pour procéder à des tests de dépistage selon un protocole restant à définir et surtout lorsque le matériel nécessaire sera mis à leur disposition. Le décret est attendu sur ce point.

Article 3 : L’organisation des visites médicales

L’ordonnance prévoit que les visites médicales prévues dans le cadre du suivi de l’état de santé des travailleurs pourront être reportées sauf si le médecin du travail les estime indispensables. Précisément, toutes les visites médicales qui auraient dû avoir lieu depuis le 12 mars 2020 ou devant avoir lieu dans les jours qui viennent pourront donc être reportées.

Ainsi, cela concerne :

les visites d’information et de prévention ;les visites pour les salariés placés en suivi individuel renforcé ;les visites des intérimaires ;les visites pour les travailleurs relevant du secteur agricole et de la pêche maritime.

Reste à parfaire par le gouvernement par décret, la question des travailleurs en situation de handicap, les travailleurs de nuit et les salariés en suivi individuel renforcé.

Aussi, l’ordonnance précise que le report de la visite ne doit pas être de nature à faire obstacle à l’embauche ou à une reprise du travail. Il apparaît, en effet, essentiel de maintenir les visites pour les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation.

Article 4 : Report des missions en milieu de travail

Durant la période de crise sanitaire, les services de santé au travail peuvent reporter ou aménager leurs interventions dans ou auprès de l’entreprise lorsqu’elles ne sont pas en rapport avec l’épidémie de covid-19, sauf si le médecin estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifie une intervention sans délai.

Article 5 : Délais

Un décret est attendu pour répondre précisément à la question de savoir jusqu’à quand ces dispositions sont applicables. En tout état de cause, l’ordonnance prévoit qu’il en sera ainsi jusqu’au plus tard au 31 août 2020.

En outre, concernant les visites du suivi médical qui seraient reportées après le 31 août 2020, un décret précisera de quelle manière elles seront organisées au plus tard le 31 décembre 2020. 

Auteur d'origine: Fraisse

L’ordonnance n° 2020-387, publiée le 2 avril 2020, vient apporter une série d’adaptations spécifiques en matière de formation professionnelle. Ces mesures peuvent être regroupées selon les thématiques suivantes :

Prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation (art. 3)

Mettant fin à l’incertitude qui dominait les alternants et les entreprises les embauchant, l’ordonnance permet la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation pour tenir compte de la suspension de l’accueil des apprentis et des stagiaires par les centres de formation d’apprentis (CFA) et les organismes de formation depuis le 12 mars 2020. Ceux-ci ayant en effet été frappé par la mesure générale de fermeture des structures d’enseignement destinée à limiter la propagation du coronavirus, les modalités d’exécution des contrats d’apprentissage et de professionnalisation s’en sont trouvés perturbés.

Bien que des dispositifs d’enseignement à distance aient été déployés par les CFA, les sessions de formation et parfois des examens terminaux peuvent être reportés, à des dates qui peuvent être postérieures aux dates de fin d’exécution des contrats.

Pour faire face à cette situation, les contrats d’apprentissage (C. trav., art. L. 6221-1) et les contrats de professionnalisation (C. trav., art. L. 6325-1 du même code), dont la date de fin d’exécution survient entre le 12 mars et le 31 juillet 2020, sans que l’apprenti ait achevé son cycle de formation en raison de reports ou d’annulations de sessions de formation ou d’examens, peuvent être prolongés par avenant au contrat initial jusqu’à la fin du cycle de formation poursuivi initialement.

Dans le même esprit et pour ne pas pénaliser les jeunes en attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage, l’ordonnance porte de trois à six mois la durée pendant laquelle un jeune peut rester en formation dans un CFA dans l’attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage (prévue à l’art. L. 6222-12-1 c. trav. ; v. l’art. 3 de l’ord. n° 2020-387).

Reports d’échéances en matière d’entretiens professionnels ainsi qu’en matière de certification qualité et d’habilitations (art. 1)

Dans le prolongement logique de l’éviction des contacts présentiels destinée à endiguer l’épidémie, l’article premier du texte diffère jusqu’au 31 décembre 2020 la réalisation par l’employeur des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel de chaque salarié prévu à l’article L. 6315-1 du code du travail, ainsi que la mesure transitoire prévue par l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 qui permet à l’employeur de satisfaire à ses obligations en se référant soit aux dispositions en vigueur au 31 décembre 2018, soit en prenant en compte celle issue de la loi du 5 septembre 2018.

Il suspend également jusqu’au 31 décembre 2020 l’application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n’auraient pas été réalisés dans les délais (soient l’abondement du compte personnel de formation prévu au 6e alinéa du II du même art. L. 6315-1 et au 1er alinéa de l’art. L. 6323-13, ainsi que la contribution financière supplémentaire prévue au même article pour les entreprises d’au moins 50 salariés).

Ces dispositions permettront aux entreprises n’ayant pas pu réaliser ces entretiens dans les temps en raison de la crise sanitaire d’y pourvoir sans pénalités d’ici la fin de l’année civile.

Dans le même esprit, le même article reporte au 1er janvier 2022 les échéances fixées par la loi en matière de certification qualité et d’enregistrement des certifications et des habilitations dans le répertoire spécifique (mentionné au 10e alinéa du II de l’art. L. 335-6 c. éduc.).

Adaptation de la validation des acquis de l’expérience « à distance » (art. 2)

L’ordonnance vient enfin adapter les modalités relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Ces dispositions sont présentées comme étant destinées à faciliter l’accès à la validation des acquis de l’expérience et à prévenir les difficultés d’accès à ce dispositif en raison du contexte (V. Rapport au président de la République relatif à l’ord. n° 2020-387 du 1er avr. 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle). La possibilité d’une VAE à distance s’inscrit ainsi en filigrane du texte.

La période de confinement est vue par les pouvoirs publics comme une occasion d’entreprendre ou de finaliser une validation des acquis de l’expérience à distance, en particulier pour les salariés placés en activité partielle, sous réserve que les modalités d’accompagnement et de financement soient adaptées (v. Rapport, préc.).

Un assouplissement financier est par conséquent proposé. L’ordonnance autorise en effet les opérateurs de compétences et les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, associations dénommées Transition Pro, à financer de manière forfaitaire les parcours de validation des acquis de l’expérience, depuis le positionnement, jusqu’au jury, y compris l’accompagnement à la constitution des dossiers de recevabilité. Le montant du forfait de prise en charge financière sera déterminé par les financeurs, dans la limite de 3 000 €. À titre dérogatoire, les opérateurs de compétences pourront mobiliser à cet effet les fonds dédiés au financement de l’alternance ou les contributions complémentaires collectées pour le développement de la formation professionnelle continue. Les associations Transition Pro pourront mobiliser les fonds destinés au financement des transitions professionnelles.

Ces dispositions s’appliqueront jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020. 

Auteur d'origine: Dechriste

Report au premier semestre 2021 du scrutin organisé pour mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés (art. 1er)

L’article 1er de l’ordonnance concerne la mesure d’audience dans les TPE. Pour rappel, la loi du 20 août 2008 fait largement reposer la représentativité des organisations syndicales sur le critère de l’audience, apprécié au cours des élections professionnelles. Cette règle a pour effet d’exclure les TPE qui n’ont aucune obligation légale d’organiser des élections en dessous du seuil de onze salariés.

C’est pourquoi il est prévu la mise en place d’un scrutin propre aux TPE, les salariés concernés étant amenés à voter tous les quatre ans pour des sigles syndicaux. Les résultats sont ensuite incorporés à la mesure de la représentativité dans les branches, ainsi qu’au niveau national et interprofessionnel.

L’ordonnance n° 2020-388 modifie d’abord les modalités du scrutin mis en place pour les salariés des entreprises de moins de onze salariés, lequel était initialement prévu du 23 novembre au 6 décembre prochain. Normalement « organisé au niveau régional tous les quatre ans » (C. trav., art. L. 2122-10-2), le scrutin se trouve ainsi reporté « au premier semestre 2021, au cours d’une période fixée par arrêté du ministre chargé du travail ».

Ce report a contraint le gouvernement à redéfinir à titre exceptionnel le corps électoral. En effet, sont normalement électeurs « les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l’année précédant le scrutin, titulaires d’un contrat de travail au cours de ce mois de décembre, âgés de seize ans révolus et ne faisant l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques » (C. trav., art. L. 2122-10-2). Afin de « neutraliser l’impact du report du scrutin sur la liste électorale, qui conduirait à défaut de cette mesure à faire de 2020 la nouvelle année de référence » (rapport au président de la République relatif à l’ord. n° 2020-388 du 1er avr. 2020), l’ordonnance renvoie explicitement au mois de décembre 2019 pour l’appréciation du critère d’appartenance aux effectifs de l’entreprise.

Décalage de la date du prochain renouvellement général des conseillers prud’hommes (art. 2)

L’article 2 de l’ordonnance vise à décaler la date du prochain renouvellement général des conseillers prud’hommes. À l’origine élus tous les cinq ans par leurs pairs dans le cadre d’une élection générale au suffrage universel direct, les conseillers prud’hommes sont aujourd’hui « nommés conjointement par le garde des Sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud’hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles » (C. trav., art. L. 1441-1). Dès lors que le nombre de sièges attribués aux organisations syndicales et patronales est basé sur la mesure de leur audience électorale, l’ordonnance n° 2020-388 opte pour un report du renouvellement à venir et prévoit la prorogation des mandats actuels des conseillers prud’hommes jusqu’à la date du prochain renouvellement général. Cette échéance sera « fixée par arrêté conjoint de la garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du travail, au plus tard le 31 décembre 2022 ».

Pour les besoins de la formation continue, une reconduction des autorisations d’absence est prévue au titre de la prolongation du mandat, dans la limite de six jours par an. Comme annoncé dans le compte rendu du Conseil des ministres du 1er avril 2020, la durée des mandats des conseillers prud’hommes qui seront nommés dans le cadre du prochain renouvellement devrait être « raccourcie à due concurrence par le biais d’une disposition législative spécifique afin que les différents scrutins coïncident ».

Décalage du prochain renouvellement des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (art. 3)

Enfin, l’article 3 de l’ordonnance repousse la date du prochain renouvellement des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, institutions chargées « de représenter les salariés et les employeurs d’entreprises de moins de onze salariés » (C. trav., art. L. 23-111-1).

Là aussi, les mandats en cours sont prorogés jusqu’à la date du prochain renouvellement, qui sera « fixée par arrêté du ministre chargé du travail, et au plus tard le 31 décembre 2021 ».

À l’image des mandats des conseillers prud’hommes, une disposition législative devrait raccourcir la durée des mandats afin que les différents scrutins puissent concorder.

Auteur d'origine: Dechriste
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L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 publiée le 2 avril au Journal officiel prévoit ainsi des mesures qui peuvent être regroupées selon les thématiques suivantes :

• Élections professionnelles

Suspension des processus électoraux (art. 1 et 2)

La mesure était très attendue, l’ordonnance entraîne sans surprise la suspension « immédiate » de l’ensemble des processus électoraux en cours dans les entreprises et des délais qui étaient impartis à l’employeur dans le cadre de ces processus à compter de sa date de publication.

Cette suspension prend effet au 12 mars 2020, à moins que le processus électoral ait donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités après le 12 mars 2020. Dans ce cas, la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle l’une de ces formalités a été réalisée.

L’ordonnance précise que, si la suspension intervient entre le premier et le second tour des élections, celle-ci n’entraînera aucune incidence sur la régularité du premier tour, quelle que soit la durée de la suspension. Cette précision est quelque peu superflue car la suspension ne pouvait d’elle-même invalider le premier tour des élections, la Cour de cassation ayant déjà pu juger que le non-respect du délai maximum de quinze jours pour organiser le second tour n’entraîne aucune conséquence sur la régularité du premier tour (Soc. 10 mai 2012, n° 11-21.339 P, Dalloz actualité, 2 juill. 2012, obs. L. Perrin ; D. 2012. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ).

Par ailleurs, en raison de la suspension, l’ordonnance indique que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date d’organisation de chacun des tours du scrutin.

Enfin, la suspension est ordonnée jusqu’à une date fixée à trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les différents délais qui étaient impartis à l’employeur recommenceront donc à courir dès la fin des mesures d’urgence.

À ce titre, l’ordonnance indique que les employeurs qui n’ont pas encore engagé le processus électoral disposeront d’un délai supplémentaire de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour engager le processus.

Dérogation à l’obligation de procéder à des élections partielles (art. 4)

Conformément à l’article L. 2314-10 du code du travail, les élections partielles doivent être organisées par l’employeur dès lors qu’un collège électoral d’un comité social et économique n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Par dérogation à cette obligation, l’ordonnance dispose que, si les mandats des élus expirent moins de six mois après la date de fin de la suspension du processus électoral, l’employeur n’est pas tenu d’organiser les élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension.

Le rapport au président accompagnant l’ordonnance précise, pour plus de clarté, que « l’article 4 a pour objet de dispenser l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des mandats en cours ».

Prorogation des délais de contestation administrative et judiciaire (art. 1er et 5)

Conséquence immédiate de la suspension des processus électoraux, l’ensemble des délais de saisine de l’administration ou du tribunal judiciaire sont suspendus. Ils recommenceront à courir dès la fin de de la période de suspension des processus électoraux.

De même, si l’administration a été saisie à compter du 12 mars 2020, le délai dont elle dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

Si une décision administrative est intervenue après le 12 mars 2020, le délai de recours contre sa décision commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

L’ordonnance précise enfin que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période n’est pas applicable afin d’éviter une concurrence de dispositions contradictoires. Cet article énonce que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

• Les mandats des représentants du personnel (art. 3)

L’ordonnance proroge les mandats en cours « des représentants élus des salariés » à la date du 12 mars 2020 jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.

Le statut protecteur de ces élus est maintenu durant toute la période de prorogation.

Bien que l’ordonnance vise le mandat des seuls représentants élus, il convient d’ajouter que les mandats syndicaux (délégué syndical, représentant syndical au comité, représentant de section syndicale) sont évidemment « prorogés » tant que les élections n’ont pas été organisées.

• Modalités d’organisation des réunions des instances représentatives du personnel (art. 6)

L’ordonnance autorise le recours sans limitation à la visioconférence et aux conférences téléphoniques pour les réunions des comités sociaux et économiques.

Un décret doit cependant encore préciser les conditions dans lesquelles le recours aux conférences téléphoniques peut intervenir.

L’ordonnance permet également, à titre subsidiaire, le recours aux messageries instantanées en cas d’impossibilité d’organiser une visioconférence ou une conférence téléphonique mais renvoie à un décret la fixation des conditions d’utilisation de la messagerie instantanée.

Ces dispositions dérogatoires sont applicables aux seules réunions convoquées pendant l’état d’urgence sanitaire.

• Dérogations à la procédure d’information-consultation du CSE (art. 7)

Faute de précision dans l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, il convenait d’informer et de consulter le CSE avant d’imposer aux salariés la prise de jours de repos conformément au droit commun.

Au regard des critiques émises, le gouvernement a réajusté la procédure de consultation du CSE. Désormais, l’employeur peut immédiatement imposer des jours de repos aux salariés hors forfait, aux salariés au forfait ou des jours placés sur un CET, mais il doit :

informer concomitamment le CSE sans délai et par tout moyen ;
 recueillir l’avis du CSE dans le délai d’un mois à compter de sa première information.

Enfin, de la même manière, les dérogations aux durées maximales de travail et minimales de repos ainsi qu’au repos dominical ouvertes aux entreprises relevant de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale pourront être mises en œuvre sans attendre l’avis du CSE qui doit être recueilli dans le délai d’un mois à compter de son information.

Auteur d'origine: Dechriste

De quoi faire réagir les constitutionnalistes ! À l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Conseil constitutionnel estime que la violation des règles de procédure d’élaboration de la loi organique fixées par la Constitution ne rend pas pour autant, en raison du contexte sanitaire, la loi inconstitutionnelle.

L’article unique de la loi organique prévoit que le délai légal de trois mois dont disposent les juridictions suprêmes des deux ordres pour se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ainsi que le Conseil constitutionnel pour statuer sur les QPC qui lui sont transmises, est suspendu jusqu’au 30 juin 2020.

Le délai de procédure prévu à l’alinéa 2 de l’article 46 de la Constitution n’avait, en l’espèce, pas été respecté, le projet de loi ayant été discuté en séance publique devant la première assemblée saisie non pas quinze jours après mais dès le lendemain de son dépôt.

Le Conseil constitutionnel estime toutefois, sans s’appuyer sur une quelconque disposition constitutionnelle, que « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ».

Quant à l’examen de la constitutionnalité de la loi sur le fond, il juge les dispositions de l’article unique conformes dès lors que celui-ci « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une [QPC] durant cette période ».

Auteur d'origine: ebenoit
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Par une requête du 26 mars 2020, le syndicat UGTG a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe pour demander à ce qu’il soit enjoint au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de la santé de la Guadeloupe, d’une part, de passer commande auprès des sociétés SA Novacyt ou Alltest Biotech, via le revendeur Sobiotech Consult, ou de toute autre société, de 200 000 tests de dépistage du covid-19, correspondant environ à la moitié de la population guadeloupéenne, et d’autre part, de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, pour 20 000 patients.

Par une ordonnance rendue le 28 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit  à la demande d’injonction de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, et de tests de dépistage du covid-19, le tout en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen, dans le cadre défini par le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020.

Cette ordonnance mérite l’attention. Préalablement, il convient de relever qu’elle a été exceptionnellement rendue collégialement. En effet, le juge des référés initialement saisi a décidé de statuer en formation collégiale de trois juges présidée par le président du tribunal. Au regard de la très grande sensibilité du dossier et du contexte anxiogène dans lequel elle intervient, ce dossier requérait que la décision rendue soit partagée et ne soit pas portée par un juge unique.

L’analyse de cette décision nous amène à aborder deux points : d’une part, la recevabilité de la requête qui a fait débat et d’autre part, celui de la question des tests et de la mesure ordonnée juridictionnellement.

La question de la recevabilité de la requête

L’un des points de la décision rendue portait sur la recevabilité de la requête présentée par le syndicat UGTG. Il convient de rappeler que le principe dit de la spécialité s’applique également devant le juge administratif. Il doit nécessairement avoir un intérêt entre la personne morale qui porte l’action et le litige soulevé. Aux termes de l’article L. 2131-1 du code du travail : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ». Ainsi, un syndicat professionnel n’a pas vocation à défendre l’ensemble de la population et l’admettre reviendrait à méconnaître les termes mêmes de l’article précité et le principe de spécialitéss’ des personnes morales. Pour asseoir la recevabilité de sa requête, l’UGTG indiquait que ses statuts ont pour objet « de prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les intérêts des travailleurs, de défendre la liberté syndicale et les libertés démocratiques, de réaliser l’unité de tous les travailleurs de la Guadeloupe et de lutter pour la suppression des rapports d’exploitation coloniale, des rapports de production ». Cet objet est à large spectre. Si le juge du Palais-Royal ouvre largement l’accès au prétoire aux personnes morales, il veille à ce qu’il y ait un lien identifiable et identifié entre la requérante et la demande portée en justice. Ainsi, il a jugé qu’une association ayant pour objet « de combattre l’injustice sous quelque forme que ce soit et en quelque lieu qu’elle se trouve » n’a pas qualité pour agir contre une circulaire relative à la procédure à suivre à l’égard des étrangers en situation irrégulière (CE 10 mars 1995, n° 125271, Association « Le droit pour la justice et la démocratie », Lebon T. 958 ; RTD com. 1995. 808, obs. E. Alfandari ). Il a jugé de même pour une association de parents d’élèves d’enseignement privé contre une décision autorisant les infirmeries des établissements d’enseignement publics à délivrer la « pilule du lendemain » (CE, ass., 30 juin 2000, n° 216130, Association « Choisir la Vie », Lebon 249 ; AJDA 2000. 729 , concl. S. Boissard ; D. 2001. 2224, et les obs. , note A. Legrand ; ibid. 2000. 545, chron. C. Radé et O. Dubos ; RFDA 2000. 1282, note M. Canedo ; ibid. 1305, note L. Dubouis ; ibid. 1311, obs. J. Morange ; RDSS 2000. 711, obs. J.-S. Cayla ; ibid. 732, note L. Dubouis ). Il en va de même pour les syndicats. Ainsi, dans son arrêt du 27 mai 2015, le Conseil d’État a indiqué qu’un syndicat ne pouvait utilement se prévaloir des termes généraux de ses statuts relatifs à la « défense des libertés et des principes démocratiques » pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir (CE 27 mai 2015, Syndicat de la magistrature, n° 388870). Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 2133-3 du code du travail, « Les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels ». Il appartient au juge de vérifier en tout état de cause « qu’il existe une adéquation suffisante entre la nature des intérêts défendus par l’organisation requérante et les effets de l’acte qu’elle conteste » (CE 2 juin 2010, n° 309445, Centre communal d’action sociale de Loos, Lebon ; AJDA 2010. 1116 ), autrement dit en rapportant in concreto la portée de la demande à l’objet précis du syndicat intervenant. Le Conseil d’État a jugé à cet effet que l’intérêt pour agir s’apprécie au regard des « conclusions présentées et des moyens invoqués à leur soutien » (CE 26 avr. 2018, Syndicat SNRT-CGT France Télévisions, n° 418489). La question de la recevabilité de la requête du syndicat requérant se pose inévitablement sur le plan juridique, le syndicat entendant agir au nom de la population de son territoire. Cette difficulté n’a pas échappé au juge des référés administratifs guadeloupéen qui après avoir constaté qu’un syndicat professionnel « ne saurait, en temps normal, se prévaloir des termes généraux de ces statuts relatifs à la « défense des libertés démocratiques » pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge des référés de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction au cas d’atteinte au droit au respect de la vie de l’ensemble de la population guadeloupéenne, qu’il n’a pas vocation à représenter dans sa globalité, il résulte toutefois de l’instruction et des débats à l’audience, que ce syndicat confédéral regroupe plusieurs organisations syndicales de professionnels de la santé, particulièrement exposés aux risques pandémiques, notamment CHU de Guadeloupe.» Il contourne cette difficulté par une motivation que nous considérons comme particulièrement hardie sur le plan juridique. En effet, il considère recevable la requête pour deux raisons : d’une part, parce que l’action est menée par « ce syndicat confédéral (qui) regroupe plusieurs organisations syndicales de professionnels de santé, particulièrement exposées aux risques pandémiques, notamment au CHU de Guadeloupe ». D’autre part, il se réfère aux circonstances très exceptionnelles de l’espèce : « Par sa nature même, cette pandémie est susceptible de s’étendre à l’ensemble de la population de l’archipel guadeloupéen et, à ce titre, dans les circonstances très exceptionnelles de l’espèce, l’intérêt à agir du syndicat requérant doit être admis. ». Si l’intérêt à agir de la confédération en cause peut se justifier pour la défense des intérêts d’un syndicat de professionnels de santé, membre de ladite confédération intervenante, il peut se discuter sur le plan juridique pour la défense des intérêts de toute la population d’un territoire. Il n’est pas certain que le Conseil d’État fasse une analyse aussi ouverte et subtile de la recevabilité de la requête de l’UGTG, quel que soit son caractère louable au regard de la situation sanitaire de la Guadeloupe.

La liberté de juge des référés : un pouvoir d’injonction limité

Le juge des référés a été saisi sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui impose au juge de se prononcer dans un délai de 48 heures. Ce référé suppose pour l’essentiel deux conditions : d’une part l’urgence et d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La première condition ne posait aucune difficulté dans la mesure où celle-ci est par nature présumée en raison de l’état d’urgence sanitaire appliquée depuis le 24 mars 2020. La seconde condition a fait l’objet d’une importante motivation de la part du juge des référés.

Sur la liberté fondamentale en cause

Celle-ci ne pose pas de difficulté. Le Conseil d’État juge des référés, ayant précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sedt., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Ce droit inclut « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 9 janv. 2001, n° 228928, Deperthes, Lebon ). L’autre aspect que met en exergue l’ordonnance rapportée porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, § 79, AJDA 2010. 4 ; ibid. 277 , note W. Mastor ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari ; ibid. 281, obs. A. Barilari ; ibid. 283, obs. A. Barilari ). Le Conseil d’État a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées » (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten ). Avant cette ordonnance, le juge des référés du Palais-Royal a eu l’occasion de rendre plusieurs décisions de rejet concernant les mesures à prendre ou les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

En réalité, la problématique posée par la présente ordonnance rapportée a trait aux mesures prescrites par le juge des référés qui sont de nature à poser problème sur le strict plan juridique.

Sur la question du dépistage

Le juge des référés enjoint à l’administration de passer commande de tests de dépistage du covid-19 en nombre suffisant pour couvrir les besoins de la population de l’archipel guadeloupéen eu égard au « nombre de lits de réanimation particulièrement limité en Guadeloupe par rapport à sa population, l’insularité qui restreint considérablement les possibilités d’évacuations sanitaires de masse en cas de surcharge des établissements de soins locaux, le manque de fiabilité des données relatives au nombre de personnes contaminées, la pénurie avérée de matériels de protection des soignants et des personnels des forces de l’ordre, et celle de tests de dépistage caractérisent en elles-mêmes des carences du système de santé local, constitutives d’atteintes graves et manifestement illégales au respect de la vie » et de « se prémunir d’une nouvelle situation de pénurie telle qu’elle est déjà avérée à ce jour, alors que le pic de la pandémie n’est pas atteint et en application du principe constitutionnel de précaution ». Deux observations à cette motivation. La première a trait aux autorités décisionnelles. Depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, les autorités chargées de la gestion de celui-ci sont d’une part, le Premier ministre (CSP, art. L. 3131-15) et le ministre de la Santé (CSP, art. L. 3131-16). Ces dernières pouvant habiliter les représentants de l’État dans les territoires à intervenir en complément localement (CSP, art. L. 3131-17). C’est en application de la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire qu’est intervenu le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifiée à plusieurs reprises depuis, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. La question des masques et des tests fait l’objet de dispositions précises et se trouve gérée au niveau national. La raison vient d’un constat que le Conseil d’État, statuant en référé, a fait de nouveau dans sa décision rendu le 22 mars 2020, à savoir que la « limitation des tests (…) résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels » et qu’en l’espèce il avait jugé que « les conclusions aux fins d’injonction tendant à ce qu’il soit procédé massivement à des tests de dépistage et à ce que ces tests puissent être pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale ne peuvent, par suite, (…), qu’être, en tout état de cause, rejetées » (CE, ord., 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, AJDA 2020. 655 ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ).

En imposant une injonction générale comme il l’a faite au profit de toute la population d’un territoire, le juge administratif guadeloupéen a procédé à une application du principe de précaution qui conduit à sa dénaturation, d’autant qu’il se heurte présentement à une formalité impossible du fait de l’impossibilité de disposer de tests en nombre suffisant pour la population française. Une injonction n’a de pertinence que si elle est réaliste et tient compte d’une réalité qui s’impose objectivement au juge. Par contre, l’impossibilité pour le juge des référés de répondre à de telles demandes ne pouvant être satisfaites en l’état ne prive pas les requérants d’action. Ainsi, une action en responsabilité peut être actionnée le cas échéant sur le fond contre l’État pour une carence à ce niveau.

La seconde question abordée est l’injonction faite à l’administration d’utiliser le traitement de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Le juge guadeloupéen se réfère aux travaux du professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses et directeur de l’IHU Méditérranée Infection de Marseille en concluant à la validité de la médication application. Il indique « S’il convient d’être prudent sur les résultats de cette étude et sur les effets de ces médicaments, il n’en demeure pas moins que, là encore au nom du principe de précaution, (…), Il est nécessaire d’anticiper les besoins de la population, sauf à porter atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie. » Cette injonction pose un problème juridique de fond puisqu’il est enjoint à l’administration de violer les règles de prudence concernant l’utilisation d’un médicament non validé. En effet, toute spécialité pharmaceutique suppose une autorisation préalable de mise sur le marché donnée après des essais expérimentaux validés démontrant d’une part, son efficacité objective et d’autre part, son innocuité et/ou ses risques pour certaines catégories de personnes. Si le 9° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit que le Premier ministre peut prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire, il est évident que sur le plan juridique l’autorisation d’utiliser un nouveau médicament non validé scientifiquement présente un risque en termes de responsabilité. Dans sa décision rendue le 28 mars 2020, le juge du Palais-Royal, statuant en référé, à propos de l’utilisation de la médication prescrite, relève « qu’aucun traitement n’est à ce jour connu pour soigner les patients atteints du covid-19 » et qu’« À la demande de la direction générale de la santé, le Haut Conseil de la santé publique a rendu, le 23 mars 2020, un avis sur les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du covid-19. Il estime que les résultats de l’étude menée au sein de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille doivent être considérées avec prudence en raison de certaines de ses faiblesses et justifient, du fait de son très faible niveau de preuve, la poursuite de la recherche clinique », rejetant la demande qui lui était faite de fournir et d’autoriser les médecins et hôpitaux à prescrire et administrer aux patients à risque l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine (CE, ord., 28 mars 2020, Le syndicat des médecins d’Aix et région et autres, n° 439726).

Le Conseil d’État semble avoir été saisi d’un appel à l’encontre de cette ordonnance. Tout laisse à penser que le juge du Palais-Royal sanctionnera le raisonnement du juge administratif des référés guadeloupéen, même si sur le fond nous pensons que l’état et la capacité des structures de santé en outre-mer posent très clairement un problème d’égalité de soins face aux habitants hexagonaux. Le Premier ministre a souligné récemment à l’Assemblée nationale « la fragilité sanitaire dans ces territoires » en retard sur ce plan comme dans bien d’autres domaines, lesquels pourront difficilement faire face à un pandémie causée par le coronavirus covid-19. Cependant, cette question dépasse les compétences du juge du référé-liberté. En effet, même si le juge administratif dispose notamment en référé, dans certains cas, de pouvoirs d’injonction à l’égard de l’administration, cela n’a pas pour effet de le transformer pour autant en juge administrateur, lequel déciderait de la gestion d’une administration et d’un territoire aux lieu et place des autorités administratives dont c’est la mission première.

Auteur d'origine: pastor

L’ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 met en place une garantie de financement pour les établissements de santé. Il s’agit de sécuriser leurs recettes pendant toute la période durant laquelle ils peuvent faire face à une baisse de l’activité programmée, notamment compte tenu de la mise en œuvre de la déprogrammation de certaines activités demandées par la puissance publique, au moment où leurs charges sont accrues du fait de leur participation à la lutte contre le covid-19. Cette garantie est instaurée pour une durée d’au moins trois mois, qui ne peut toutefois excéder un an. L’ordonnance précise que « le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement par l’établissement, notamment au titre de ses activités ». La garantie s’adresse à tous les établissements de santé mais concerne en réalité ceux dont le financement est ajusté en fonction de l’activité, c’est-à-dire tarification à l’activité pour les soins aigus, activité financée en prix de journée pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) et la psychiatrie (PSY) pour les établissements sous OQN (objectif quantifié national). La garantie constitue un plancher qui se substitue pendant la période de crise aux rémunérations liées à l’activité et pourra être complétée par les recettes d’activité correspondant à cette période, si elles excèdent le montant garanti.

L’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 bouleverse les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) car, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, elle vise à assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés et des personnes en situation de pauvreté. Elle prévoit des dérogations larges : ainsi, les ESMS peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de covid-19, « adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. » Les services d’aide à domicile peuvent intervenir auprès de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, même s’ils ne relèvent pas de leur zone d’intervention autorisée. La prise en charge peut être temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée.

Adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’ONIAM

Dans le cadre de l’indemnisation des victimes de l’amiante, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est chargé d’examiner le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et la dégradation de l’état de santé et de présenter au demandeur, si les conditions sont réunies, une offre d’indemnisation. Cette offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. Pour tenir compte du contexte lié à l’épidémie de covid-19 et à la difficulté pour le FIVA à effectuer certaines activités à distance, l’ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 le proroge de trois mois entre le 12 mars et le 12 juillet.

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), chargé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales, assure également, dans le cadre de dispositifs spécifiques, l’indemnisation des victimes du Mediator, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence, ainsi que de contaminations liées à une transfusion sanguine. Les dispositions législatives du code de la santé publique fixent les délais dans lesquels l’ONIAM, ainsi que les différentes instances en son sein doivent statuer sur les demandes d’indemnisation et payer les offres. Compte tenu du contexte lié à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance proroge l’ensemble de ces délais, lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté, sans pouvoir excéder le 12 juillet 2020, de quatre mois.  

Auteur d'origine: pastor

Après avoir annoncé (confirmé par le décr. n° 2020-361, 27 mars 2020) le report de la seconde partie de la réforme de l’assurance chômage (décr. n° 2019-797, 26 juill. 2019) – celle-là même qui allait entraîner à compter du 1er avril 2020 une baisse importante des allocations de retour à l’emploi pour les travailleurs précaires – le gouvernement fait du mécanisme de l’activité partielle l’élément central de sa réponse à la crise actuelle. Il fait ainsi jouer pleinement son rôle de stabilisateur économique et social à l’assurance chômage, après l’avoir soumise à des coupes budgétaires dictées par des politiques court-termistes. Peut-être la gestion de crise aurait-elle été facilitée s’il n’avait pas été nécessaire de reconstruire les protections économiques et sociales qui venaient d’être mises à mal.

Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 a pour objectif de renforcer le mécanisme de l’activité partielle. Ce dispositif prévu à l’article L. 5122-1 du code du travail permet aux salariés d’« être placés en position d’activité partielle s’ils subissent une perte de rémunération imputable : soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ; soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail ». Ils reçoivent alors « une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d’État ». L’employeur quant à lui « perçoit une allocation financée conjointement par l’État et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage ».

Le décret n° 2020-325 intervient sur ces deux derniers éléments en venant augmenter l’indemnité versée au salarié et celle versée aux entreprises afin d’éviter les licenciements économiques. Il vient également accélérer et ouvrir plus largement le dispositif.

Accélération des modalités de mise en place de l’activité partielle

La demande préalable d’activité partielle peut à présent être adressée soit au préfet du département de l’établissement concerné soit (et c’est la nouveauté) au préfet du département du siège lorsque plusieurs établissements de la même entreprise sont concernés (art. R. 5122-2).

Dans un souci d’accélération de la mise en place de l’activité partielle, la consultation du CSE peut être postérieure à la demande auprès de l’autorité administrative. L’employeur devra alors indiquer la date prévue de consultation du CSE et adresser à l’autorité administrative l’avis rendu par ce dernier dans un délai de deux mois à compter de la demande.

L’article R. 5122-3 comporte une nouvelle dérogation à l’article R. 5122-2 permettant à l’employeur d’effectuer la demande d’activité partielle après sa mise en place. Auparavant limité à l’hypothèse d’une suspension d’activité due à un sinistre ou à des intempéries prévues au 3° de l’article R. 5122-1, le décret ajoute l’hypothèse de la « circonstance de caractère exceptionnel prévue au 5° de l’article R. 5122-1 » permettant ainsi de couvrir le cas de la situation sanitaire actuelle.

Toujours dans l’optique d’accélérer la procédure auprès de l’autorité administrative, « l’absence de décision dans un délai de quinze jours [valant] acceptation implicite de la demande » est réduit à un délai de deux jours lorsque les demandes sont déposées au titre du 5° de l’article R. 5122-1 (circonstance de caractère exceptionnel).

Jusque là, le régime de l’activité partielle était limité à une période de six mois. Le gouvernement semble considérer cette durée insuffisante pour faire face à la crise qui s’annonce car il la porte à douze mois, tout en conservant son caractère renouvelable (art. R. 5122-9).

L’allocation d’activité partielle

Le décret ouvre l’allocation à de nouveaux bénéficiaires. En effet, l’allocation et l’indemnité d’activité partielle ne pouvaient pas être versées pour les travailleurs en forfait-heures et en forfaits-jours, à moins que la fermeture de l’établissement ne soit totale. Cette limitation posée à l’article R. 5122-8 est donc supprimée.

Dans leur situation, le nombre d’heures pouvant justifier l’attribution de l’allocation d’activité partielle correspond à la différence entre le nombre d’heures travaillées et la durée légale correspondant aux jours de fermeture de l’établissement ou (c’est la nouveauté) aux jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement (art. R. 5122-19).

Le taux horaire de l’allocation d’activité partielle, jadis forfaitaire, devient proportionnel à la rémunération des salariés (art. R. 5122-12). L’article D. 5122-13 dispose désormais que « le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal à 70 % de la rémunération horaire brute telle que prévue à l’article R. 5122-18, limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC. Ce taux ne peut être inférieur à 8,03 euros ». Ainsi, les employeurs devraient être en mesure de maintenir l’intégralité du salaire net des travailleurs rémunérés à hauteur du SMIC.

Enfin, une modification semble plus éloignée du contexte du coronavirus : l’article R. 5122-7, qui prévoyait qu’« au sein du contingent annuel d’heures indemnisables, l’arrêté du ministre chargé de l’emploi fixe le nombre d’heures pouvant être indemnisées en cas de modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise », est étendu aux hypothèses de transformation et restructuration de l’entreprise.

Adaptation des mentions figurant sur le bulletin de salaire

L’article R. 3243-1 est modifié de sorte à faire figurer, parmi les mentions obligatoires sur le bulletin de salaire, les sommes versées au titre de l’activité partielle (dans un 16°). Ce bulletin devra également mentionner le nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité partielle, les taux appliqués et les sommes versées au salarié au titre de la période considérée (R. 5122-17).  

À la suite de ce décret est intervenue une ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle qui devrait elle-même faire l’objet d’un décret. Cette ordonnance apporte des précisions concernant les travailleurs en forfait-jours et le mode de calcul de leur indemnisation, mais également en ce qui concerne la situation des apprentis, des travailleurs à domicile et des travailleurs protégés. L’article 6 dispose en effet que « l’activité partielle s’impose au salarié protégé au sens des dispositions du titre II du livre IV du code du travail, sans que l’employeur ait à recueillir son accord, dès lors qu’elle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé ».

Auteur d'origine: peyronnet
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Le 23 mars 2020, le pouvoir législatif a autorisé le gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures relevant du domaine de la loi afin notamment de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de coronavirus et aux effets des mesures prises pour limiter cette propagation (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19). Sous la justification du besoin de prévenir et limiter la cessation d’activité des entreprises ainsi que ses incidences sur l’emploi, le législateur a ainsi envisagé l’aménagement du droit du travail dans ses dispositions concernant le repos des salariés (art. 11 de la loi).

Sur ce fondement, l’ordonnance n° 2020-323 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, a été adoptée le 25 mars 2020. Celle-ci prévoit plusieurs dispositions temporaires, visant les congés payés et les « jours de repos » du salarié (nous ne visons pas ici les aménagements prévus pour le repos hebdomadaire ou quotidien relevant davantage de la problématique de la durée du travail, mais bien des temps de repos dont le salarié peut disposer à côté : RTT, jours de repos pour les salariés au forfait…).

Le dispositif vise à offrir davantage de souplesse aux entreprises en leur permettant notamment d’imposer des jours de congés ou de repos aux salariés, et à en modifier les dates.

Les dispositions relatives aux congés payés (art. 1er de l’ordonnance), destinées à permettre à l’employeur d’imposer la prise du congé ou la modification de sa date, et à déroger aux règles sur le fractionnement et le congé simultané pour les couples travaillant dans la même entreprise (v. Dalloz actualité, 26 mars 2020, obs. C. Dechristé), ne s’appliqueront que progressivement. En effet, un accord d’entreprise, ou, à défaut, de branche, est nécessaire pour en préciser les modalités. Aucune disposition supplétive n’est prévue, permettant de pallier l’absence d’accord.

Il est probable, au regard de la situation actuelle de confinement (Décr. n° 2020-293 du 23 mars 2020), que de nombreuses négociations ne se dérouleront pas dans l’immédiat ou prendront, à tout le moins, un peu de temps. L’ordonnance prévoit cependant que la période de congés imposée ou modifiée peut s’étendre jusqu’à la fin de l’année 2020. L’accord conclu permettra de préciser si les aménagements permis par l’ordonnance concernent ou non tous les congés payés, qu’ils résultent de la loi, des stipulations conventionnelles ou encore d’un usage. L’ordonnance, qui n’opère aucune distinction, envisage manifestement tous les types de congés payés. C’est dans le même sens que peut être lue la loi d’habilitation. Afin d’éviter toute difficulté, les partenaires sociaux seraient bien avisés de le préciser dans leur accord.

Pour encadrer les aménagements mis en place pour les « jours de repos », et à l’inverse de ce qui est institué pour les congés payés, l’ordonnance n’exige pas l’intervention d’un accord collectif : ils sont donc directement applicables. Les dispositions en cause, justifiées par l’intérêt de l’entreprise « eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 », ont pour objet de permettre à l’employeur d’imposer ou de modifier la date de prise de certains « jours de repos » au salarié en bénéficiant, sur la période s’étendant jusqu’au 31 décembre 2020 et dans la limite de dix jours (article 5). Sont exclues les contraintes habituelles, qu’elles trouvent leur source dans le code du travail ou les conventions collectives, visant la décision de poser ces journées non travaillées.
Or, si la notion de congés payés paraît relativement claire, sauf à les distinguer suivant leur origine, il n’en va pas de même de la notion de « jours de repos ».  

Force est de constater que l’utilisation relativement large de cette notion floue dans l’ordonnance peut être source de difficultés, notamment à propos des « jours de repos » visés au titre de l’aménagement du temps de travail et du forfait.

Pour le moment, tous les temps de repos des salariés ne sont pas visés par des mesures dérogatoires aux règles habituelles. Ainsi, à titre illustratif, la contrepartie obligatoire en repos (C. trav., art. L. 3121-30), due au salarié réalisant des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel (conventionnel ou, à défaut, fixé par l’art. D. 3121-24 c. trav.), dont les modalités de fonctionnement figurent au sein de la partie réglementaire du code à titre supplétif, ou encore le repos compensateur de remplacement mis en place et organisé par les partenaires sociaux (C. trav., art. L. 3121-33), ne sont pas spécialement visés.

Les jours de réduction du temps de travail (ord. n° 2020-323, art. 2)

L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars dispose qu’il est fait dérogation aux dispositions conventionnelles instituant une réduction du temps de travail (antérieures à 2008 et maintenues en vigueur en application de la loi du 20 août 2008) afin de permettre à l’employeur, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

d’imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ; de modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

Lors de la rédaction des accords de réduction du temps de travail, l’attribution de jours de RTT, dont la prise est décidée tantôt par l’employeur, tantôt par le salarié, a été l’une des modalités mise en place par les partenaires sociaux. Ce sont ces derniers qui sont envisagés par l’ordonnance, pour lesquels le salarié perd la main au profit de l’employeur.

Une difficulté pourrait ici naître du fait que les accords de réduction du temps de travail évoquent souvent en lieu et place des « jours de repos », visés par l’ordonnance, des « jours de réduction du temps de travail ». L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a déjà été confrontée à la difficulté de qualification de ces jours de RTT et de la différence qui devait être faite avec les jours de congés payés (Cass., ass. plén., 24 oct. 2008, n° 07-42.799, D. 2008. 2798, et les obs. ; Dr. soc. 2009. 38, avis J. Duplat ; RDT 2009. 43, obs. M. Véricel  ; ibid. 114, obs. S. Nadal ). Il ressort du communiqué publié à propos de cette décision par les juges du droit que les congés payés ont pour but la protection de la santé du salarié, tandis que les jours de récupération (jours de RTT), contreparties d’un dépassement de l’horaire de travail légal ou convenu, ont pour finalité la création d’emplois en dégageant des heures de travail pour promouvoir l’embauche.

Dans ces conditions, au-delà de la rédaction des accords de RTT, il pourrait y avoir un doute sur leur qualification de « jours de repos » utilisée par l’exécutif. Le législateur a d’ailleurs préféré viser expressément, dans la loi d’habilitation, les jours de réduction du temps de travail.

Pour clore simplement le débat, il convient de relire les lois Aubry qui ont envisagé la réduction du temps de travail par l’attribution des jours de RTT. Ces derniers y sont expressément identifiés comme étant des journées ou demi-journées de repos (lois n° 98-461 du 13 juin 1998, art. 4 et n° 2000-37 du 19 janv. 2000, art. 9, portant création de l’art. L. 212-9 c. trav.). Le rapport au président de la République concernant l’ordonnance analysée évoque d’ailleurs « les journées de repos acquises par le salarié au titre des jours de réduction du temps de travail attribués au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail ».

Peu importe donc que les jours de RTT soient ou non qualifiés de jours de repos, ils sont concernés par les dérogations de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-323.

Il convient toutefois de préciser que seuls les repos acquis sont visés par le dispositif : l’employeur ne peut donc pas anticiper sur les repos à acquérir.

Les jours de repos pour aménagement plurihebdomadaire du temps de travail (ord. n° 2020-323, art. 2)

Les dispositions de l’article 2 envisagent également, à côté des jours de RTT, les « jours de repos » conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail. Ces textes concernent l’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, dans lequel les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de ladite période.

La sous-section du code du travail (articles susvisés) relative à l’aménagement supra hebdomadaire du temps de travail ne comporte aucune disposition relative à un repos, et n’envisage pas spécialement que les accords collectifs mettant en place cet aménagement en prévoient.

On peut envisager que c’est aux stipulations conventionnelles prévoyant la mise en place, dans le cadre de l’ancien système de modulation, de jours ou temps de repos pour compenser des périodes de forte activité (les « périodes hautes »), que le gouvernement fait référence, ou à l’ancienne « annualisation » du temps de travail par attribution de jours de RTT, mais cela ne correspond pas aux textes cités.

Il en résulte une difficulté d’interprétation de la dérogation mise en place.

Il reste que si les articles L. 3121-41 et suivants du code du travail ne visent pas un temps de repos particulier pour l’aménagement supra hebdomadaire qu’ils permettent, les partenaires sociaux ont une liberté totale à ce propos dans la négociation, et la mise en place, par exemple, d’un repos compensateur (qui ne constitue pas un repos au titre de la réduction du temps de travail) serait concernée par les dispositions de l’ordonnance.

Il convient cependant de noter que l’élaboration, par l’ordonnance, de mesures concernant l’aménagement du temps de travail sur une période supra-hebdomadaire n’est pas prévue par la loi d’habilitation (art. 11). Celle-ci ne permet que des dispositions visant la prise des jours de réduction du temps de travail (ce qui n’a pas de lien avec l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine), des jours de repos résultant des conventions de forfait (l’aménagement ici en cause ne relève pas des forfaits, qui figurent aux art. L. 3121-53 s. c. trav.) ou de l’utilisation du compte épargne temps du salarié. En sus de l’imprécision de cette partie de l’article 2 de l’ordonnance, se pose donc la question de sa conformité à la loi d’habilitation.

Les jours de repos prévus dans le cadre d’un forfait (ord. n° 2020-323, art. 3)

L’article 3 de l’ordonnance, reprenant les termes de l’article 11 de la loi d’habilitation, vise les « jours de repos » des conventions de forfait. Il en résulte que l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

décider de la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos prévus par une convention de forfait ;modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos prévus par une convention de forfait.

Il s’agit ici de permettre de déroger tant aux dispositions du code du travail relatives aux forfaits (l’ordonnance vise la section entière du code qui les réglemente) qu’aux conventions collectives les encadrant.

Le texte précise que la dérogation instituée vise notamment l’article L. 3121-64 du code du travail, qui ne concerne que les forfaits sur l’année (en heure ou en jours). Néanmoins, la présence de l’adverbe notamment, le fait que le type de forfait ne soit pas indiqué, et la référence à toute la section 5 relative aux forfaits pourraient laisser penser que les dérogations concernent tous les types de forfait : en heures sur la semaine ou le mois, en heures sur l’année et enfin en jours sur l’année. 

L’utilisation de la notion de « jours de repos » est ici problématique.

L’idée de jours de repos n’a pas beaucoup de sens dans le cadre des conventions de forfaits en heures, qu’elles soient hebdomadaires, mensuelles ou annuelles (C. trav., art. L. 3121-56 s.). Ces conventions se bornant à mettre en place un nombre d’heures devant être travaillées sur la période considérée.

La conclusion d’un forfait en heures sur la semaine ou le mois ne s’accompagne pas de la mise en place de jours ou temps de repos spécifiques : le droit au repos résulterait surtout ici, le cas échéant, de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires au-delà du contingent annuel qui continue à s’appliquer pour un tel forfait heures, ou encore un repos compensateur de remplacement conventionnel. Néanmoins, en raison du caractère général de ces temps de repos qui, rappelons-le, ne sont pas réservés aux salariés au forfait, on voit mal pourquoi ils pourraient n’être imposés qu’à ces derniers.

En dehors de ces droits non spécifiques au forfait, il est possible qu’un accord collectif encadrant le forfait en heures hebdomadaire ou mensuel ait prévu des jours ou temps de repos particuliers. Cependant, la conclusion d’un accord collectif n’est exigée par le code du travail que pour conclure des conventions de forfait sur l’année (C. trav., art. L. 3121-63). Le forfait en heures sur la semaine ou le mois n’est pas concerné et peut être conclu entre employeur et salarié sans intervention des partenaires sociaux.

En outre, il ressort de la rédaction de l’ordonnance que ce sont les jours de repos prévus par la convention de forfait elle-même, et donc par la clause du contrat de travail ou l’avenant mettant en place le forfait (C. trav., art. L. 3121-56), qui sont concernés. La contrepartie en repos ou le repos compensateur, pour ne pas parler d’un repos spécifiquement envisagé dans une négociation collective relative à ce forfait (alors même que cela n’est pas une obligation légale), ne sont pas prévus par la convention de forfait mais par le code du travail et les dispositions conventionnelles.

Dès lors, en l’état de la rédaction du texte, les temps acquis au titre de ces repos ne devraient pas, à notre avis, être concernés par les dérogations mises en place, sauf à être repris dans la convention individuelle de forfait ou que celle-ci prévoit des jours de repos spécifiques. Une telle situation est cependant, en pratique, peu fréquente.

Les salariés en forfait heures sur l’année ne sont pas soumis au contingent annuel d’heures supplémentaires (C. trav., art. D. 3121-24, al. 2), ce qui conduit la Cour de cassation à considérer qu’ils ne bénéficient pas de la contrepartie obligatoire en repos susvisée (Soc. 28 mars 2018, n° 16-16.466), sauf disposition conventionnelle contraire. Dans la plupart des cas, les salariés qui y sont soumis n’en profitent donc pas.

Il est en revanche envisageable qu’un accord collectif (obligatoire pour le forfait heures sur l’année) ait mis en place un temps de repos autre, au titre, par exemple, des heures effectuées au-delà du forfait annuel (et même pour certaines durées de travail en cours d’année). Dans l’accord mettant en place le forfait heures annuel, il est encore possible que des temps/jours de repos spécifiques aient été institués. Mais cela n’est pas obligatoire.

Ces repos pourraient bénéficier des dispositions de l’ordonnance offrant plus de souplesse à l’entreprise mais le problème évoqué ci-dessus se pose à nouveau : seuls les « jours de repos » prévus dans la convention de forfait, et donc dans le contrat de travail ou l’avenant prévoyant le forfait, sont envisagés par le texte dérogatoire. Les repos ci-dessus évoqués ont peu de chance d’avoir été repris dans chaque convention individuelle de forfait, d’autant plus que cela ne ressort d’aucune obligation. Les dispositions de l’ordonnance ne devraient donc pas concerner ces forfaits heures sur l’année.

Au demeurant, pour les forfaits en heures (quelle que soit leur période d’application), s’il est question de viser le temps dont va disposer le salarié en dehors des heures prévues par son forfait, il conviendrait plutôt de prévoir des dispositions dérogatoires sur l’organisation du travail plutôt que sur l’organisation du repos.

Au regard des difficultés susvisées, c’est sans doute que seuls les forfaits jours ont été l’objet de l’attention du gouvernement dans l’article 3 de l’ordonnance. Cela ressort d’ailleurs du rapport au président de la République, qui n’évoque que les forfaits en jours sur l’année.

Dans le cadre d’un forfait jours, le salarié va être amené à travailler un certain nombre de jours au cours de l’année. Pour les jours restants, qui ne correspondent pas au repos hebdomadaire ou aux jours fériés, on peut effectivement parler de jours de repos. Les rédacteurs des accords collectifs préfèrent utiliser la notion de jours non-travaillés lorsqu’ils les évoquent, notamment pour les distinguer des repos hebdomadaires, mais cela n’a pas réellement d’incidence. Le code du travail retient, en effet, la notion de jours de repos lorsqu’est abordée la possibilité pour l’employeur de « racheter » une partie des jours non travaillés à son salarié afin qu’il travaille davantage que prévu initialement (C. trav., art. L. 3121-59 et L. 3121-66). Les jours non-travaillés sont donc bien des jours de repos.

On est par conséquent bien dans l’idée selon laquelle le forfait jours donne lieu à des jours de repos, et la formulation de l’ordonnance visant les jours de repos prévus par la convention de forfait serait satisfaisante.

Il convient cependant de relever que la convention individuelle de forfait en jours n’a pas à comporter, d’après le code du travail, le nombre de jours de repos dont bénéficie le salarié concerné. C’est tout le contraire : la convention de forfait indique le nombre de jours travaillés, dans la limite annuelle de 218 jours (C. trav., art. L. 3121-64, 3° et 5°). Une convention de forfait qui s’en tiendrait à prévoir les jours de repos serait d’ailleurs considérée comme non conforme par le juge (Soc. 11 janv. 2011, n° 09-42.325).

Ni l’accord collectif mettant en place le forfait jours, ni la convention individuelle de forfait n’ont à prévoir le nombre de jours de repos dont bénéficie le salarié. C’est une erreur juridique d’envisager le forfait jours en termes de journées de repos plutôt qu’en jours travaillés.

Dans ces conditions, la référence faite, au sein de l’article 3 de l’ordonnance, aux « jours de repos prévus par une convention de forfait », pose également problème pour les forfaits en jours. Pour que le régime dérogatoire qu’elle institue s’applique, il faudrait considérer que la fixation de jours travaillés dans la convention de forfait entraîne implicitement fixation de jours de repos, correspondant aux jours non travaillés hors congés payés, repos hebdomadaires, jours fériés chômés…

Considérer une telle « fixation implicite » du nombre de jours de repos par la convention de forfait est cependant délicat, dans la mesure où ce nombre de jours non travaillés varie annuellement au hasard du calendrier (année bissextile, positionnement des jours fériés sur des jours travaillés). C’est d’ailleurs notamment pour cette raison que les conventions de forfait en jours n’abordent que rarement, en pratique, le nombre de jours de repos.

Au regard des enjeux, la rédaction retenue par le gouvernement paraît donc perfectible, même si, au cas présent, c’est la loi d’habilitation (art. 11, I) qui génère la difficulté, puisque c’est bien celle-ci qui envisage que le gouvernement permette à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des « jours de repos prévus par les conventions de forfait ». La formule retenue dans le rapport au président de la République est plus juste, car elle vise « les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année ». 

En conclusion, si les dérogations prévues par l’ordonnance n° 2020-323 pour les congés payés et les jours de réduction du temps de travail sont claires quant à leur objet, le champ d’application de celles-ci pour les salariés au forfait gagnerait à être précisé. Quant aux dispositions relatives à l’aménagement plurihebdomadaire du temps de travail, se pose, outre celle du repos qu’elles visent, la question de leur conformité à la loi d’habilitation.

Auteur d'origine: Dechriste