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Le dispositif de la décision attaquée ne préjudiciant pas au demandeur à la cassation, il n’a pas d’intérêt à agir pour voir statuer sur le pourvoi qui doit par conséquent être déclaré irrecevable.

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Auteur d'origine: MKEBIR

Dans un procès, ce qui se joue réellement entre les parties n’a parfois pas grand-chose à voir avec ce qui est inscrit sur le rôle. Illustration la semaine dernière à la cour d’appel de Paris.

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Auteur d'origine: Bley

La responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre ne peut être engagée à l’égard de la victime que sur le fondement de la responsabilité du fait des choses et non sur le fondement de l’article L. 421-3 du code de la consommation, lequel ne soumet pas l’exploitant à une obligation de sécurité de résultat à l’égard de la clientèle.

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Auteur d'origine: ahacene

L’irrecevabilité d’un second appel n’a pas pour effet de rendre irrecevable l’appel incident interjeté dans le délai prévu pour l’appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d’appel.

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Auteur d'origine: laffly

L’établissement d’une paternité en remplacement d’une précédente conduit à des conséquences qui ne manquent pas d’intéresser la procédure civile comme le droit des obligations. C’est ainsi que l’époux qui a versé indûment une créance de contribution à l’entretien de l’enfant qui n’est pas le sien peut retrouver ses deniers à l’aide d’un quasi-contrat justifié par l’effet déclaratif du jugement. Mais le choix de la bonne technique quasi contractuelle est alors une question essentielle. L’arrêt revient également sur la prescription applicable, laquelle présente moins d’originalité en la matière.

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Auteur d'origine: chelaine

L’incapacité de recevoir un legs est conditionnée à l’existence, au jour de la rédaction du testament, de la maladie dont est décédé le disposant : peu importe la date de son diagnostic et les liens d’amitié entre le testateur et le légataire.

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Auteur d'origine: qguiguet
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Après avoir trébuché sur un panneau publicitaire et s’être blessée, la cliente d’un supermarché a assigné en réparation de son préjudice l’exploitant de l’établissement commercial et son assureur. La cour d’appel de Lyon a fait droit à cette demande et a condamné solidairement l’exploitant du magasin et son assureur à indemniser la victime. Les juges du fond ont écarté l’application de la responsabilité du fait des choses issue de l’article 1242, alinéa 1er, du code civil, faute de preuve de l’anormalité de la chose inerte. En revanche, ils sont appuyés sur l’article L. 421-3 du code de la consommation qui prévoit que « les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes » et sur l’arrêt de la première chambre civile du 20 septembre 2017, qui avait perçu dans ce texte une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’exploitant d’un magasin dont la responsabilité était alors délictuelle.

Insatisfait de cette décision, l’exploitant de l’établissement responsable s’est pourvu en cassation. Il soutenait que la responsabilité de l’exploitant d’un magasin en libre-service ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et, précisément, sur celui de la responsabilité du fait des choses, laquelle ne pouvait pas s’appliquer en l’espèce puisque la victime ne rapportait pas la preuve du rôle actif de la chose.

La Cour de cassation était donc amenée à s’interroger sur la valeur de l’article L. 421-3 du code de la consommation. Faut-il voir dans ses termes l’existence d’une véritable obligation de sécurité de résultat qui, dans le cas où elle ne serait pas correctement exécutée, donnerait lieu à un régime de responsabilité autonome déconnecté du droit commun ?

Pour comprendre l’enjeu de cette décision, il convient de relever l’évolution récente de la jurisprudence en matière de prestation de service.

Jusqu’en 2017, les prestataires de service étaient susceptibles d’engager leur responsabilité sur trois fondements différents.

En l’absence de contrat conclu entre le prestataire et le client, le premier pouvait engager sa responsabilité à l’égard du second sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 92-20.162, Bull. civ. II, n° 18 ; 24 févr. 2005, n° 03-18.135, Bull. civ. II, n° 52 ; D. 2005. 1395 , note N. Damas ; RTD civ. 2005. 407, obs. P. Jourdain ; 29 mars 2012, n° 10-27.553, Bull. civ. II, n° 66 ; Dalloz actualité, 10 avr. 2012, obs. J. Marrocchella ; D. 2012. 1008 ). Le client victime devait toutefois prouver le mauvais positionnement ou l’anormalité de la chose lorsque celle-ci est inerte.

Le prestataire pouvait également engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux prévue aux articles 1245 et suivants du code civil, laquelle s’applique qu’un contrat ait été conclu ou non (Civ. 1re, 14 nov. 2018, n° 17-23.668, Dalloz jurisprudence). Toutefois, son application est soumise à la condition que le prestataire revête la qualité de producteur au sens de l’article 3 de la directive CE n° 85/374 du Conseil du 25 juillet 1985 et non celle d’utilisateur du produit au cours de l’exécution de la prestation fournie (CJUE 21 déc. 2011, CHU de Besançon, aff. C-495/10, Dalloz actualité, 2 janv. 2012, obs. R. Grand ; AJDA 2011. 2505 ; ibid. 2012. 306, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2012. 926 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 1558, point de vue P. Véron et F. Vialla ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2012. 329, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2012. 679, obs. C. Aubert de Vincelles ).

Enfin, le prestataire était susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement d’une obligation de sécurité insérée dans certains types de contrats par la jurisprudence qui peut être de résultat ou de moyens selon le rôle actif joué par la victime dans l’exécution de la prestation (Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-18.558, Bull. civ. I, n° 287 ; D. 1998. 271 , note P. Brun ; ibid. 199, obs. P. Jourdain ; ibid. 1999. 85, obs. A. Lacabarats ; RTD civ. 1998. 116, obs. P. Jourdain ; 22 janv. 2009, n° 07-21.843, D. 2010. 400, obs. Centre de droit et d’économie du sport Université de Limoges ).

Depuis 2017, la question se pose de savoir si, en présence d’un dommage corporel subi dans un établissement commercial, la Cour de cassation n’a pas ajouté une quatrième option et un nouveau régime de responsabilité du prestataire fondé sur l’article L. 421-3 du code de la consommation.

Dans un premier temps, la première chambre civile a approuvé une cour d’appel d’avoir décidé, sur le fondement des articles 1147, devenu 1231-1 du code civil et L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, que le professionnel qui utilise un produit pour exécuter une prestation de services est tenu, à l’égard de son cocontractant, d’une obligation de sécurité de résultat (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 15-24.696 NP,...

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En statuant sur la recevabilité de l’appel incident en cas d’irrecevabilité de l’appel principal, l’enseignement majeur de la deuxième chambre civile est sans doute ce qu’elle ne dit pas : la portée d’une caducité de la déclaration d’appel. Le 29 février 2016, un maître de l’ouvrage relève appel devant la cour d’appel de Caen d’un jugement du tribunal de grande instance l’ayant débouté de diverses demandes formulées à l’encontre d’une entreprise générale et de locataires d’ouvrage. N’ayant pas fait signifier ses conclusions à l’une des sociétés intimées, l’appelant, en l’absence de signification du jugement, forme le 1er juillet 2016 un second appel. Le 14 septembre 2016, la caducité totale de la première déclaration d’appel est prononcée par le conseiller de la mise en état. Le 21 septembre 2016, la société intimée qui avait été condamnée à payer à l’appelante diverses sommes forme appel incident. Saisi d’une demande d’irrecevabilité du second appel, le conseiller de la mise en état rend, le 21 mars 2018, une ordonnance qui le déclare recevable. L’entreprise générale intimée dépose alors une requête en déféré et, selon arrêt du 30 octobre 2018, la cour d’appel de Caen infirme l’ordonnance en jugeant irrecevable le second appel et recevable l’appel incident. Un pourvoi principal et un pourvoi incident sont alors formés mais ce dernier seul fait l’objet d’une réponse. La deuxième chambre civile, pour rejeter le pourvoi, estime qu’« il résulte de l’article 550 du code de procédure civile que l’appel incident est recevable alors même que l’appel principal serait irrecevable, s’il a été formé dans le délai pour agir à titre principal » et que, dès lors que la cour d’appel avait constaté que l’appel incident avait suivi le second appel, c’est à bon droit qu’elle a décidé que l’irrecevabilité du second appel n’avait pas pour effet de rendre irrecevable l’appel incident interjeté dans le délai prévu pour l’appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d’appel.

Si le pourvoi principal avait été initié par le maître de l’ouvrage, appelant devant la cour d’appel, celui-ci fut écarté par la Cour de cassation par application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, comme n’étant pas de nature à entraîner la cassation, et c’est au contraire le pourvoi incident, présenté par l’entreprise générale, intimée devant la cour d’appel, qui fut examiné. Il est vrai que les deux appels avaient été interjetés avant l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, et l’on pouvait donc imaginer ce sort-là pour le pourvoi principal. Le moyen soutenu visait en effet à contester qu’un second appel puisse être jugé irrecevable faute d’intérêt à agir tandis que le premier appel, encore instruit, n’avait pas encore été jugé caduc ou irrecevable. On sait pourtant que, sous l’empire des anciens textes issus des décrets Magendie, un appelant ne disposait pas d’un intérêt à agir en formant un second appel identique au premier tant que la sanction de caducité ou d’irrecevabilité n’avait pas été prononcée. Aussi, dès lors que la cour d’appel était régulièrement saisie d’un appel dont la caducité n’avait pas été constatée, le second appel formé à l’encontre du même jugement et des mêmes parties était irrecevable (Civ. 2e, 11 mai 2017, n° 16-18.464, Dalloz actualité, 7 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1053 ). Bien qu’elle ne soit plus d’actualité depuis la nouvelle rédaction de l’article 911-1 du code de procédure civile, cette jurisprudence, publiée au Bulletin, était connue, de sorte que, dans une espèce dans laquelle les deux appels avaient été formés en 2016, la Cour de cassation ne pouvait juger autrement.

C’est donc le pourvoi incident qui fut examiné et, disons-le, la réponse apportée, somme toute logique au regard de la lettre de l’article 550, a de quoi déconcerter si on la place en perspective avec la position antérieure adoptée par la deuxième chambre civile.

Car si la réponse de la haute cour est finalement favorable au droit d’accès au juge, on pouvait en effet, prima facie, ne pas douter d’une réponse inverse si l’on se référait à celle déjà faite dans un arrêt destiné à une très large publicité : « attendu que l’appel incident, peu important qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l’appel principal ; qu’ayant relevé que la caducité de l’appel principal avait été prononcée, la cour d’appel en a exactement déduit que l’instance d’appel était éteinte, de sorte qu’elle n’était pas saisie de l’appel incident » (Civ. 2e, 13 mai 2015, n° 14-13.801, Dalloz actualité, obs. M. Kebir ; D. 2015. 1423 , note C. Bléry et L. Raschel ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero ). En cas de caducité, c’est donc la solution diamétralement imposée ! Car, si cet arrêt avait nourri la critique des praticiens et de la doctrine, la réponse était cinglante : la caducité retenue anéantit tout appel incident, même formé dans le délai pour agir à titre principal. Alors que l’on aurait pu imaginer que l’appel incident, formé avant l’expiration du délai de trois mois pour conclure de l’appelant et qui plus est dans le délai légal puisse toujours être reçu, cette interprétation de l’article 550 pouvait apparaître très discutable au regard du texte. La sanction est d’autant plus sévère que l’erreur procédurale est celle de l’appelant, pas celle de l’intimé. N’apparaît donc, dans cette hypothèse, qu’une seule parade possible : l’intimé n’a pas d’autre choix que de former appel principal de son côté, dans le délai de l’appel bien sûr, c’est-à-dire celui de la signification ou de la notification de la décision, s’il veut être certain d’échapper à une caducité de l’appel de son adversaire. Or, sans même évoquer le temps parfois nécessaire pour que les parties échangent, avec leurs avocats, sur l’opportunité d’un appel ou entament une transaction, le délai d’appel n’est pas toujours maîtrisé, notamment lorsque la décision fait l’objet non pas d’une signification mais d’une notification par le greffe. À titre d’exemple, en interjetant appel en limite de délai de la notification par le greffe, la partie qui relèvera appel d’un jugement du conseil de prud’hommes pourra sciemment, et en toute quiétude, laisser rendre une caducité en privant son adversaire de toute possibilité de former appel principal, puisque celui-ci, une fois informé de l’appel de son adversaire, n’aura plus le temps d’interjeter à son tour appel principal.

De l’article 550, la Cour de cassation, en cas d’irrecevabilité de l’appel, tire pourtant une réponse opposée : l’irrecevabilité du second appel n’a pas pour effet de rendre irrecevable l’appel incident interjeté dans le délai prévu pour l’appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d’appel. Que dit l’article 550 ? « Sous réserve des articles 909 et 910, l’appel incident ou l’appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l’interjetterait serait forclos pour agir à titre principal. Dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable », le décret du 6 mai 2017 ayant seulement ajouté en début de phrase la référence à l’article « 905-2 » et en fin « ou s’il est caduc ».

On comprend donc de cet article que, pour que l’appel incident soit lui-même recevable, peu importe que l’appel principal soit forclos, encore faut-il qu’il ait été formé dans le délai pour agir à titre principal. C’est assez logique finalement. Pourtant, l’arrêt de 2015 apporte une autre réponse : l’appel incident, peu important qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l’appel principal. C’est donc qu’il existe une distinction à faire, au regard d’un texte qui ne dit rien (faut-il rappeler que la référence à la caducité est de surcroît intervenue avec le décret du 6 mai 2017) et ne distingue pas la caducité de l’irrecevabilité.

Saluons en tout cas le sens de l’anticipation de la cour d’appel de Caen, qui, sur cette question, avait estimé que « l’irrecevabilité totale de l’appel principal n’a pas pour effet de rendre irrecevables les appels incidents lorsqu’ils ont été formés dans le délai prévu pour l’appel principal, l’article 550 du code de procédure civile ne visant pas cette hypothèse ». Il est vrai que la Cour de cassation avait déjà jugé exactement en ce sens (Civ. 2e, 7 déc. 1994, n° 92-22.110, Dalloz jurisprudence), mais il y avait si longtemps qu’un doute était raisonnablement permis et qu’elle aurait pu rester sourde pour céder aux voix de la modernité. Car, si elle avait raison de le dire, le pourvoi incident soutenait, à raison aussi, dans le prolongement de l’arrêt de 2015 « que l’appel incident, peu important qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité totale, à l’égard de tous les intimés, de l’appel principal ». Or, en l’espèce, il ne fallait pas confondre les deux procédures. Si une caducité avait été prononcée, c’était à l’égard de la première déclaration d’appel tandis qu’il était constant que le second appel et l’appel incident avaient tous deux été formés dans le délai légal. La deuxième chambre en conclut donc, approuvant la cour de Caen, que l’irrecevabilité du second appel n’avait pas pour effet de rendre irrecevable l’appel incident interjeté dans le délai prévu pour l’appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d’appel. Ou, si l’on simplifie les choses, ce qui permet de comprendre la portée de l’arrêt et la distinction opérée avec son arrêt de 2015, l’irrecevabilité d’un appel ne rend pas irrecevable l’appel incident interjeté dans le délai prévu pour l’appel principal.

On ne peut, encore une fois, que saluer la position de la Cour de cassation, mais il faut apporter une explication finale. Car de deux choses l’une : soit la deuxième chambre civile opère ici un revirement de jurisprudence – mais on s’empressera de dire qu’elle ne le dit pas et ne le laisse pas même entendre –, soit elle entend distinguer entre la sanction de caducité et celle d’irrecevabilité d’un texte… qui ne distingue pas.

Dans cette dernière hypothèse, qui est la plus certaine, il n’y a pas d’autre explication que celle de l’effet induit de la caducité. Si l’on sait que la caducité, non définie par le code de procédure civile et son article 385, qui vient sanctionner, en appel, le non-accomplissement d’une formalité procédurale imposée aux parties dans un délai déterminé (signification de la déclaration d’appel, de conclusions, etc.), est un incident d’instance et non une exception de procédure, et que l’irrecevabilité répond du régime des fins de non-recevoir, comment expliquer autrement une telle différence de régime que par l’effet même de la sanction ? Si la caducité n’entache pas la validité de l’acte lors de sa formation au contraire de la nullité, pour quelle raison, en appel, l’effet de l’irrecevabilité et de la caducité diffère ? La chose n’est pas simple car la Cour de cassation elle-même, on le sait, estime, selon les actes concernés, tantôt que la caducité n’anéantit pas les actes antérieurs mais n’a d’effet que pour l’avenir, tantôt qu’elle a, au contraire, un effet rétroactif. Le professeur Fricero apporte utilement cette définition : « En procédure civile, la caducité est l’anéantissement, le plus souvent rétroactif des effets d’un acte de procédure initialement valable » (v. J-Cl. Pr. civ., v° Caducité, fasc. 800-30). Le plus souvent donc, et c’est sans doute la distinction, avec l’irrecevabilité, à déterminer en appel : la caducité de la déclaration d’appel rétroagit et anéantit tout appel incident, pourtant valide, tandis que l’irrecevabilité de l’appel est privée d’effet rétroactif et laisse survivre un appel incident formé dans le délai légal. Cette rétroactivité de la caducité de la déclaration d’appel emporterait donc tout sur son passage, et, dès son prononcé, tel le ressac, avec elle les actes antérieurs, et avec elle l’appel incident de l’intimé.

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L’article 909 du code civil est remarquable à plus d’un titre. Non seulement il édicte des incapacités de jouissance, mais de surcroît il limite l’aptitude à recevoir une libéralité, c’est-à-dire à s’enrichir. Son alinéa 1er dispose que « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ». L’arrêt de principe rendu ce 16 septembre 2020 est l’occasion pour la première chambre civile de la Cour de cassation de confirmer son approche rigoriste des conditions de mise en œuvre du texte.

En l’espèce, la de cujus était décédée le 13 avril 2014 en l’état d’un testament olographe désignant une infirmière libérale légataire de divers biens mobiliers et immobiliers. L’acte était daté du 5 octobre 2012. Il avait été rédigé très peu de temps après que la testatrice avait subi une batterie d’examens médicaux ayant permis de déceler un volumineux syndrome de masse au niveau du sinus maxillaire. Mais ce n’est que quelque temps après la rédaction du testament que le diagnostic put être établi. De nouveaux examens ont relevé le caractère malin de la masse et confirmé l’existence d’une maladie dont la testatrice est finalement décédée dix-neuf mois plus tard.

Après le décès, le legs fut délivré, mais le frère de la défunte assigna la légataire en restitution de l’ensemble des biens légués et en paiement des intérêts au taux légal depuis le jour de la délivrance. Sa demande était fondée sur l’article 909 du code civil : la légataire avait en effet prodigué des soins à la testatrice au cours de la funeste maladie. La demande fut rejetée par les juges du fond. La cour d’appel de Versailles considéra, aux termes d’un arrêt du 15 février 2019, que les conditions de l’article 909 du code civil n’étaient pas réunies au motif que le testament avait été rédigé avant que la maladie ait été diagnostiquée. Un pourvoi fut formé en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir ajouté une condition à la loi et violé l’article 909 du code civil en rejetant la demande malgré le constat que la testatrice était déjà malade au jour où elle avait rédigé le testament.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 909 du code civil. Après avoir reproduit la teneur de l’alinéa premier de ce texte dans un attendu de principe, elle analyse les motifs de l’arrêt d’appel. Dans un dernier paragraphe, elle énonce que « l’incapacité de recevoir un legs est conditionnée à l’existence, au jour de la rédaction du testament, de la maladie dont est décédé le disposant, peu important la date de son diagnostic ». En exigeant, pour faire application du texte, que le testament soit rédigé après que le diagnostic fut posé, la cour d’appel a ajouté une condition à la loi et violé l’article 909 du code civil.

La Cour de cassation donne pleinement raison au pourvoi et procède à une interprétation stricte des conditions exigées par le texte, dont la dimension protectrice invite à la plus grande prudence dans la détermination du champ d’application. Le souci de préserver l’efficacité de la protection instaurée par le...

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Le 1er octobre dernier, le garde des Sceaux a présenté sa circulaire de politique pénale générale. Celle-ci a vocation à repenser l’action pénale pour qu’elle « soit plus effective, plus rapide, mieux comprise et puisse asseoir la pleine crédibilité de l’autorité judiciaire ».

Parmi les annonces, l’augmentation de 8 % du budget consacré à la justice en 2021 a été particulièrement remarquée. La France, qui se trouve actuellement au 23e rang sur les 47 pays du Conseil de l’Europe, va désormais disposer de son budget le plus élevé depuis un quart de siècle, favorisant par la même de nombreux recrutements.

Il en va de même des choix d’orientation prioritaire dont une attention particulière est portée aux violences intrafamiliales, aux infractions portant sur la confiance dans les institutions et tout particulièrement aux atteintes à la probité ainsi que la lutte contre le terrorisme.

La présente circulaire traite également de l’épineuse question de la remontée d’information, laquelle fait aujourd’hui l’objet de nombreux débats comme en témoigne la récente enquête parlementaire relative à l’indépendance de la justice ou encore de l’avis du conseil supérieur de la magistrature du 15 septembre dernier.

Il faut remonter à la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique – complétée par la circulaire du 31 janvier 2014 – pour que soit consacrée une base légale à la communication d’information au garde des Sceaux dans les affaires individuelles.

Pour rappel, l’article 1er de cette loi – lequel modifie l’article 30 du code de procédure pénale – dispose que « le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales. Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. Chaque année, il publie un rapport sur l’application de la politique pénale déterminée par le gouvernement, précisant les conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. Ce rapport est transmis au Parlement. Il peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat ».

L’article 35 précise, en ce qui concerne les remontées d’information entre le parquet général et la Chancellerie, que le procureur général établit, soit d’initiative, soit sur demande du ministère de la justice, des rapports particuliers. Il adresse également à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et des instructions générales ainsi qu’un rapport annuel sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort.

La circulaire du 31 janvier 2014 relève à ce titre que : « les parquets généraux doivent informer la Chancellerie régulièrement, de manière complète et en temps utile, des procédures les plus significatives et exercer pleinement leur rôle d’analyse et de synthèse » (circ. du 31 janv. 2014 de présentation et d’application de la loi n° 2013-669 du 25 juill. 2013 relative aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique).

La remontée d’information distille un sentiment de défiance quant à l’utilité et l’utilisation susceptible d’être faite des informations remontées. Parallèlement, le Groupe d’États contre la corruption (Greco) a récemment recommandé dans un rapport du 9 janvier 2019 que « des moyens supplémentaires, plus particulièrement en personnel, soient alloués au parquet national financier et que son indépendance par rapport à l’exécutif soit assurée, notamment ajoutant des garanties supplémentaires quant à la remontée d’information vers l’exécutif sur les procédures en cours qui concernent des personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif afin de préserver l’intégrité des poursuites » (Greco, Rapport d’évaluation de la France, 9 janv. 2020, p. 37).

Pour autant, la remontée d’information apparaît comme une véritable nécessité en permettant au garde des Sceaux d’exercer pleinement ses attributions constitutionnelles et institutionnelles et, ce faisant, en définissant les contours de la politique pénale qu’il souhaite appliquer. Ces informations remontées lui permettent également d’évaluer les choix d’orientation mis en œuvre ainsi que l’affectation des moyens mis en œuvre pour l’application de la politique pénale. De même, le garde des Sceaux peut être interrogé sur la conduite de la politique pénale par les parlementaires, dans ce contexte, il doit pouvoir être renseigné « sur les procédures présentant une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public, ayant un retentissement médiatique national ou qui sont susceptibles de révéler une difficulté juridique ou d’application de la loi pénale ». Le garde des Sceaux doit également être tenu informé des procédures susceptibles de mettre en cause l’institution judiciaire et mis en mesure de veiller au bon fonctionnement de l’institution judiciaire et de l’ensemble des services placés sous son autorité. Enfin, l’intervention du garde des Sceaux peut être de nature à faciliter l’entraide judiciaire internationale.

Si bien qu’il apparaissait nécessaire de définir des critères suffisamment souples pour permettre une remontée d’information complète et pertinente au garde des Sceaux afin qu’il puisse mener l’ensemble de ses attributions tout en y consacrant des garde-fous afin d’empêcher tout soupçon d’interventionnisme.

La circulaire de 2014 indique à cet égard que les procédures devant être signalées répondront aux critères suivants lesquels pourront être cumulatifs : « gravité des faits (préjudice humain, financier, atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou au pacte républicain), de nature à nécessiter une action coordonnée des pouvoirs publics ou à leur donner un retentissement médiatique au niveau national, insertion dans un champ de politique pénale prioritaire, qualité des mis en cause ou des victimes et dimension internationale de la procédure ».

En parallèle, l’étude du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire du 2 septembre 2020 est particulièrement instructive sur les pratiques des parquets généraux. M. Jean-Jacques Bosc, membre de la Conférence des procureurs généraux, a ainsi indiqué lors de son audition : « il existe une règle, que tout le monde applique : on ne fait remonter à la chancellerie que les décisions juridictionnelles, arrêts, jugements, et non les pièces de procédure, notamment les procès-verbaux, non plus que les mesures envisagées, comme une garde à vue ». M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, indiquait quant à lui que, « dans la pratique parquetière, les informations remontant à la chancellerie ne concernent que les actes d’enquête accomplis et non pas les actes à venir. C’était ma pratique personnelle, notamment au tribunal de Paris, et je n’y ai jamais dérogé. Je n’ai jamais, je dis bien jamais, avisé ma hiérarchie, parquet général ou chancellerie, d’actes à venir dans les dossiers, notamment s’agissant de perquisitions. Ma pratique était de ne les aviser des perquisitions que lorsque celles-ci avaient commencé » (Rapport Ass. nat. n° 3296 sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, 2 sept. 2020, p. 108).

À l’aune de ces remarques, le rapport de la commission d’enquête préconise trois propositions intéressantes :

Inscrire dans la loi les critères de signalement des procédures lesquels sont actuellement fixés par la circulaire du 31 janvier 2014.
 Prévoir la motivation des demandes d’information émanant du garde des Sceaux ou de son cabinet.
 Créer un groupe de travail afin de prévenir les risques de conflit d’intérêts.

Dans une note du 29 septembre dernier, Mme Véronique Malbec, directrice du cabinet du garde des Sceaux, précisait au directeur des affaires criminelles et des grâces (DAGC) plusieurs préconisations quant au dispositif de communication d’information au cabinet du garde des Sceaux concernant des procédures dans lesquelles ce dernier est intervenu en qualité d’avocat ou dans lesquelles intervient son associé.

Afin d’éviter tout soupçon d’interventionnisme et de conflit d’intérêts, la directrice de cabinet invite la DAGC à ne transmettre au cabinet du garde des Sceaux aucun élément sur les procédures à l’exception de ceux qui s’avèrent nécessaires à l’exercice des prérogatives susceptibles d’être portées personnellement par le ministre s’agissant :

des affaires soulevant une question de droit nouveau ;
 des affaires mettant en cause le fonctionnement du service public de la justice ;
 des affaires présentant une dimension internationale avec une sensibilité diplomatique particulière.

Dans une telle hypothèse, la communication se fera sous une note établie par la DAGC ne contenant que des éléments strictement indispensables à une appréciation utile de la situation et des suites à lui donner.

De telles préconisations de nature à prévenir les éventuels risques de conflits d’intérêts sont salutaires et s’inscrivent dans la droite ligne des propositions de la commission d’enquête. Il convient désormais de suivre le sort de ces propositions avec attention.

Cette décision est l’occasion de rappeler qu’il résulte de la liberté d’entreprendre que tout ancien salarié peut, en principe, créer une activité concurrentielle à celle de l’entreprise pour le compte de laquelle il exerçait son travail subordonné. Toutefois, le salarié est tenu par une obligation de loyauté. En effet, le contrat de travail, comme toute convention légalement formée, doit être exécuté de bonne foi. Selon le droit commun, il oblige en outre « non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » (C. civ., art. 1135). La doctrine estime depuis longtemps que le salarié est naturellement redevable d’une obligation de loyauté lui interdisant de nuire d’une quelconque façon à l’employeur, notamment en étant à la fois collaborateur et concurrent (G.-H. Camerlynck, Traité de droit du travail. Tome 1. Le contrat de travail, 2e éd., 1982, Dalloz, n° 216 et mise à jour 1988 par M.-A. Moreau-Bourlès ; P. Durand et A. Vitu, Traité de droit du travail, Dalloz, t. 2, 1950, § 318 ; Y. Picod, Devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, LGDJ, 1988). L’obligation de loyauté s’impose par conséquent même en l’absence de disposition expresse du contrat de travail, ce qui n’empêche pas les parties, par précaution, d’en rappeler par écrit l’existence (Soc. 30 janv. 1985, D. 1985. IR 476, 1re esp., obs. Y. Serra ; Paris, 18 mai 1993, RJS 6/1994, n° 828). La Cour de cassation a déjà considéré qu’est constitutif d’une faute grave le fait pour un salarié d’avoir exercé, au cours de ses congés et pendant dix jours, les mêmes fonctions chez un concurrent de son employeur (Soc. 5 juill. 2017, n° 16-15.623, Dalloz actualité, 31 juill. 2017, par M. Peyronnet). Précédemment, la chambre sociale avait admis que « commet une faute grave le salarié...

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L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 24 septembre 2020 est promis à une publication maximale puisqu’il sera inclus dans le Rapport annuel de la Cour de cassation. La solution présentée intéresse vivement le droit des assurances, notamment le mécanisme de la globalisation des sinistres de l’article L. 124-1-1 du code des assurances. Mais ce n’est pas tout, l’arrêt est également l’occasion de certains rappels forts intéressants au sujet de la perte de chance consécutive au manquement à l’obligation d’information précontractuelle. Notons d’emblée qu’il s’agit de pourvois joints : une question d’indemnisation d’un poste de préjudice a été tranchée par la chambre commerciale (pourvoi n° 18-13.726) et une question de droit des assurances l’a été par la deuxième chambre civile rendant l’arrêt ici commenté. Penchons-nous sur les faits avant de savoir pourquoi cet arrêt a les faveurs d’une telle publication.

En l’espèce, une personne physique confie à la société Hedios Patrimoine un mandat de recherches d’offres de défiscalisation par le biais de différents investissements. En somme, l’individu concerné souhaitait savoir quels investissements pouvaient se révéler intéressants d’un point de vue fiscal. La personne physique qui a initié ces recherches investit, à la suite de cette recherche, dans le photovoltaïque. Un an plus tard, ce dernier investit encore dans un produit de défiscalisation supplémentaire conçu et proposé par le mandataire des recherches initiées précédemment. Mais voici là où le bât blesse : le mandant fait l’objet d’une procédure de rectification fiscale pour les souscriptions évoquées précédemment. À dire vrai, la société Hedios Patrimoine a été l’actrice d’un feuilleton judiciaire sur fond d’une importante exagération des produits vendus qui dissimulaient les risques fiscaux des investissements réalisés. En somme, les opérations promues par la société qui a réalisé les recherches n’étaient pas si pertinentes in fine. Assez logiquement, le mandant personne physique assigne ainsi la société Hedios Patrimoine en responsabilité. En cause d’appel, les juges du fond décident de condamner la société à payer à l’intéressé une somme de 21 632 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par les investissements effectués en 2008 et en 2009. Le mandant aurait perdu une chance de ne pas contracter ou, du moins, de renoncer à ce projet à la suite du manquement à l’obligation d’information que devait la société chercheuse. La cour d’appel écarte, enfin, la globalisation des sinistres invoquée par l’assureur au titre de l’obligation d’information du professionnel de l’article L. 124-1-1 du code des assurances. La société Hedios Patrimoine forme un pourvoi sur le plan de l’indemnisation de la perte de chance tandis que son assureur se pourvoit également sur le point précis de la globalisation des sinistres. La Cour de cassation rejette les pourvois, joints pour l’occasion (le n° 18-12.593 de la deuxième chambre civile étant joint au 18-13.726 de la chambre commerciale). En insistant de manière importante sur la question technique de la globalisation des sinistres, la Cour de cassation revient également sur le terrain plus connu de la perte de chance née du manquement à l’obligation d’information et de conseil. Tel sera d’ailleurs l’ordre d’étude de la présente observation.

Les mandats de recherches en investissements concernés étant conclus avant le 1er octobre 2016, l’obligation d’information pesant sur les parties était donc régie par le droit antérieur à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. En introduisant l’article 1112-1 nouveau du code civil, le législateur a pallié une carence notable notamment dans l’assise textuelle d’un tel devoir au stade de la formation du contrat (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 162, n° 181). Ainsi, l’obligation d’information n’en restait pas moins dans le droit ancien une manifestation de la bonne foi comme l’indiquaient MM. Terré, Simler et Lequette dans la dixième édition de leur ouvrage de droit des obligations, édition la plus contemporaine des faits ayant donné lieu à cette affaire (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, 2009, nos 257 s., p. 267). Mais l’obligation d’information et de conseil n’en restait pas moins protéiforme et d’origines diverses, tantôt légale tantôt contractuelle. Ici, ce devoir provenait directement de la volonté des parties : « l’arrêt retient souverainement que cette société a pris, à l’égard de son client, l’engagement de l’informer des caractéristiques et risques des produits proposés et de vérifier leur adéquation à sa situation financière, son expérience et ses objectifs ». L’engagement d’information est entré dans la sphère contractuelle ; cette information n’est donc pas imposée par la loi mais par les parties volontairement. On peut également, même si l’arrêt reste muet à ce sujet, se questionner sur un point, à savoir si l’information requise ne l’était pas au titre de celles exigées dans les investissements financiers par le code monétaire et financier. Il était argué, notamment, que le mandant ayant demandé l’expertise des produits de défiscalisation possédait « des revenus suffisants et une situation patrimoniale et fiscale propice à l’étude et à la compréhension de ce type d’opération purement fiscal ».

L’argument reste insuffisant selon les juges du fond et leur appréciation souveraine empêche la Cour de cassation de s’y pencher. On comprend aisément ce qu’il en est : le manquement réside dans la minimisation ou – pire – la dissimulation d’un risque fiscal certain. Le préjudice consécutif à ce manquement à l’obligation d’information reste, en outre, assez classique puisqu’il s’agit en tout état de cause de la perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé, c’est-à-dire en ne concluant pas le contrat. Il s’agit de l’une des formes de responsabilité possibles à la suite d’un défaut d’information (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2018, p. 374, n° 338). Par le biais des pièces fournies dans le dossier de l’appelant, la cour d’appel de Paris avait fixé les possibilités de ne pas conclure le contrat ou de renoncer au projet si le mandant avait été mieux informé à 80 %. Nous retrouvons ici le motif de l’appréciation souveraine des juges du fond. Le demandeur au pourvoi revenait sur l’exception classique de la perte de chance pour avancer son argumentation. Il indiquait, pour ce faire, que le mandant aurait tout de même souscrit aux produits de défiscalisation s’il avait été mieux informé du risque puisqu’après avoir conclu les contrats des années 2008 et 2009, il avait souscrit un nouveau contrat supplémentaire en 2010. Mais la Cour de cassation refuse cet enchaînement : on ne peut pas déduire de la seule conclusion postérieure d’un nouveau contrat d’investissement que le créancier de l’obligation d’information violée aurait tout de même conclu le contrat antérieur. L’analyse des pièces du dossier ayant permis de fixer un taux important selon lequel le mandant n’aurait probablement pas conclu le contrat, la Cour de cassation ne peut pas plus contrôler la situation en l’état. La cour d’appel de Paris avait procédé à un travail extrêmement méticuleux, le défaut de base légale n’est donc pas admissible ici. Sur ce point, nihil novi sub sole ; il s’agit d’une approche laissée entièrement aux mains des juges du fond.

Sur la globalisation des sinistres, l’arrêt apporte un éclairage très intéressant et surtout inédit à notre sens. Sans révolutionner la matière, la décision viendra préciser cette dernière notion pour les praticiens de ce droit de plus en plus technique. La globalisation des sinistres est liée à des dommages particuliers dits sériels, lesquels ne laissent pas indifférents les spécialistes de responsabilité civile. Mme Lambert-Faivre et M. Leveneur indiquent dans leur ouvrage à ce sujet : « les risques technologiques engendrent souvent des sinistres successifs dus à une même cause : aussi les contrats d’assurance de responsabilité civile prévoient-ils souvent des clauses dites de globalisation, dont l’objet est de « globaliser » des dommages qui sont distincts dans temps et qui affectent des victimes différentes, mais dont l’origine commune permet de les unifier contractuellement dans la fiction d’un sinistre unique qui prend la date du premier sinistre : la limitation de garantie fixée par sinistre et/ou par année d’assurance prend alors une efficacité redoutable à la fois pour l’assuré responsable (qui devrait veiller, lors de la conclusion du contrat, à ce que le plafond contractuel soit fixé en tenant compte de la perspective de sinistres sériels) et pour les victimes » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, 14e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2017, p. 503, n° 704). L’article L. 124-1-1 du code des assurances vient donc poser un principe légal dit de globalisation des sinistres selon lequel « un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ». Il s’agit d’une fiction juridique qui permet de considérer une pluralité de sinistres comme un seul. En somme, la loi répute unique des dommages pluriels subis par plusieurs personnes. Cette globalisation des sinistres attire donc nécessairement l’attention car elle vient limiter la mise en jeu de l’assurance de responsabilité civile. L’assureur de la société Hedios Patrimoine souhaitait évidemment voir appliquer un plafond unique en essayant de démontrer l’application pertinente de ce texte.

Certes, l’article L. 124-1-1 du code des assurances a aussi un effet positif sur les assureurs en évitant une résiliation en urgence après le premier sinistre d’une série prévisible d’autres cas (sur ce point, v. Rép. civ., v° Assurances de dommages, par C. Caillé, n° 216). Mais il n’en reste pas moins que cette globalisation des sinistres leur est très favorable. En somme, une indemnité est répartie entre les victimes du dommage sériel, proportionnellement à leur nombre. La question au centre de l’arrêt était donc la suivante : peut-on voir dans le manquement à l’obligation d’information et de conseil dont sont victimes diverses personnes physiques ayant conclu avec la société Hedios Patrimoine, la même « cause technique » citée à l’article L. 124-1-1 du code des assurances ? Vaste problème.

La notion de « cause technique » peut poser difficulté, faute de jurisprudences très abondantes sur ses contours précis. La sémantique n’aide pas beaucoup, on peut se demander pourquoi un tel choix de vocabulaire a d’ailleurs été fait, la technique renvoyant à des idées très différentes. Ici, la responsabilité reposait sur un défaut au devoir d’information subi par un nombre important d’assurés qui avaient contracté le même produit de défiscalisation. Pour remettre en perspective les faits, le photovoltaïque était extrêmement prisé dans les années 2008 à 2010, notamment en raison de la politique d’encouragement des énergies renouvelables. On comprend aisément dans ce contexte que certaines personnes aient donc discuté et contracté avec la société Hedios Patrimoine. Voir dans ce même manquement répété de manière très importante une même « cause technique » a donc du sens. La jurisprudence apparaissait avant cet arrêt comme « peu fournie » (v. JCP 1er avr. 2013, n° 14, doctr. 400, à propos de Civ. 2e, 7 févr. 2013, n° 11-24.154 NP).

Cette solution promise à une publication maximale vient probablement préciser utilement les choses à ce sujet. C’est l’exclusion automatique de la cause technique pour ces types de responsabilités encourus par les professionnels qui est particulièrement intéressante. La haute juridiction précise bien que « les dispositions de l’article L. 124-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d’information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l’existence d’une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique ». La Cour de cassation n’opère aucune distinction, ce faisant, entre l’obligation d’information et l’obligation de conseil. Il s’agit d’une curiosité pour certains spécialistes de droit des assurances puisqu’on sait que l’un et l’autre diffèrent sur plusieurs points précis.

Cette décision englobe donc une série de situations en somme assez fréquentes et possiblement sérielles. Solution originale pour le moins car l’argumentation inverse se tenait parfaitement en insistant notamment sur les faits d’espèce. La société Hedios Patrimoine avait bien manqué à l’information sur les risques fiscaux envers toute une série de cocontractants. Ne pouvait-on pas y voir une même cause technique ? L’hésitation est permise : mêmes documents, mêmes procédés, mêmes minimisations. Le dommage aurait pu être qualifié de sériel. Tout ceci ressemble bien à un même manquement subi par plusieurs victimes. Ce choix opéré par la Cour de cassation de rejeter le pourvoi peut s’expliquer de plusieurs raisons. La principale reste liée à la structure même de l’obligation d’information et de conseil. Chaque information doit être adaptée spécifiquement au cocontractant concerné. C’est pour cette raison que le dommage est individualisé selon la Cour. Il reste ainsi difficile intellectuellement de globaliser le sinistre consécutif à cette violation. Cette solution implique probablement de veiller d’autant plus au respect de l’information juste des parties, notamment et surtout quand l’opération est risquée. Certes, l’obligation d’information des professionnels s’est vue de plus en plus mise en œuvre ces dernières années. Mais la limitation par le jeu du droit des assurances à travers la globalisation des sinistres apparaît comme malvenue dans ce contexte précis. Ainsi faut-il accueillir cette publication au Rapport annuel de la Cour de cassation avec une certaine bienveillance afin d’harmoniser la jurisprudence au sujet de l’article L. 124-1-1 du code des assurances, notamment au sujet de l’obligation d’information des professionnels.

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Un litige oppose une société américaine (la société Paragon) à une société française (la société XT Soft) à propos de l’exécution d’un contrat. La société américaine, en application d’une clause attributive de juridiction stipulée au contrat, assigne la société française devant une juridiction californienne, en responsabilité et en paiement de diverses sommes.

La société française, qui s’est pourtant vu régulièrement signifier l’assignation, s’est désintéressée de la procédure, au cours de laquelle elle ne s’est pas fait représenter. Par ordonnance et jugement du 22 septembre 2014, elle a été condamnée par la juridiction californienne à payer la somme de 502 391,5 $.

Plus d’un an plus tard, la société Paragon signifie à la société XT Soft les condamnations américaines et procède à une saisie conservatoire sur son compte bancaire, avant d’assigner la société française en exequatur devant le tribunal de grande instance de Pontoise pour conférer la force exécutoire aux décisions américaines. En cours d’instance, la société XT Soft a été placée en liquidation judiciaire.

Déboutée en première instance, la société Paragon l’est aussi en appel. La cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 25 janvier 2019, a rejeté la demande d’exequatur au motif que le jugement américain portait atteinte à l’ordre public international français de procédure. Les juges du fond ont constaté que cet ordre public imposait que la loi du for ouvre des voies de recours contre le jugement de première instance spécialement quand il est rendu par défaut. Or la loi californienne prévoit certes un recours, mais qui doit être exercé dans un délai d’un an à compter du jugement, sans que soit prévue, contrairement au droit français, l’exigence d’une signification. La cour d’appel a par conséquent retenu que le défendeur était privé de recours effectif, ce qui contrevenait aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, accueillant la demande de la société XT Soft, la cour d’appel a condamné la société Paragon à payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, retenant que le comportement de la société, qui avait signifié les décisions américaines postérieurement à l’expiration du délai de recours, caractérisait une déloyauté procédurale fautive, la manœuvre lui ayant permis de procéder à la saisie conservatoire du compte bancaire de la société XT Soft, alors créditeur.

La société américaine se pourvoit alors en cassation en soutenant deux moyens. Le premier consiste à contester la contrariété à l’ordre public international de procédure de la décision américaine. Cette contrariété ne peut être admise, selon le moyen, que s’il est démontré que les intérêts légitimes d’une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux. Or, en l’espèce, le défendeur, qui s’est vu régulièrement signifier l’assignation, n’a marqué aucun intérêt pour la procédure engagée en Californie, a sciemment fait défaut et a choisi de ne pas se faire représenter. Il lui aurait pourtant été loisible de prendre connaissance de la condamnation et d’interjeter appel dans le délai imparti par le droit californien. La décision étrangère ne recelait donc pas d’atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.

Le second moyen vise à contester la condamnation à des dommages-intérêts car les pouvoirs du juge de l’exequatur se limitent à la vérification des conditions de régularité internationale des décisions étrangères requises pour leur exequatur. Ainsi, les juges d’appel ne pouvaient faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée par la société XT Soft à l’appui de laquelle était alléguée une prétendue faute de la société Paragon relative à une saisie conservatoire, dénuée de tout lien avec la procédure d’exequatur.

La Cour de cassation, par un arrêt du 16 mars 2020, casse et annule dans toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, accueillant les deux moyens de la société Paragon. Réaffirmant que, « pour accorder l’exequatur, le juge français doit, en l’absence de convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure ainsi que l’absence de fraude », elle procède à un double rappel à propos de la procédure d’exequatur.

Le premier rappel, fait au visa de l’article 509 du code civil lu à la lumière des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, porte sur la condition de conformité de la décision étrangère à l’ordre public de procédure. La Cour de cassation retient que l’absence de signification de la décision à l’étranger ne fait pas obstacle à l’exequatur, autrement dit, ce n’est pas une condition de régularité de la décision. Si cette condition existe dans certains instruments internationaux (sur la question, v. not. E. Pataut, note sous Civ. 1re, 22 oct. 2002, n° 00-14.035, Rev. crit. DIP 2003. 299 ), elle est absente du droit commun français de l’exequatur, qui était seul applicable en la cause. Certes, le droit judiciaire français subordonne le caractère exécutoire d’une décision à sa notification, mais ce ne peut être le cas dans tous les ordres juridiques, et il n’appartient pas au droit français de déterminer les conditions dans lesquelles une décision est exécutoire dans son État d’origine. Manifestement, le droit californien n’exige pas de notification pour qu’une décision y soit exécutoire, cette condition ne peut donc pas être exigée par les juges français de l’exequatur. Reste que la question pouvait être examinée à l’aune de l’ordre public procédural, mais à ce propos la réponse de la Cour de cassation est plutôt claire. La cour d’appel aurait dû rechercher « si la connaissance par la société XT Soft de l’assignation et de l’instance devant la juridiction californienne ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l’absence de notification des décisions rendues, dès lors qu’elle disposait d’un délai d’un an à compter de la décision pour former un recours ». En considérant que l’ordre public international de procédure n’a pas été violé, la haute juridiction refuse de protéger le défendeur défaillant qui se désintéresse sciemment d’une procédure pour laquelle il a été régulièrement assigné à l’étranger. La solution mérite en l’espèce d’autant plus l’approbation que la juridiction californienne tenait sa compétence d’une clause attributive de juridiction à laquelle le défendeur avait consenti.

Le second rappel de cet arrêt porte sur les pouvoirs du juge dans une instance d’exequatur. La Cour de cassation, au visa de l’article 509 du code de procédure civile, réaffirme que « le juge de l’exequatur, dont les pouvoirs se limitent à la vérification des conditions de l’exequatur, ne peut connaître d’une demande reconventionnelle en responsabilité fondée sur une faute qui n’a pas été commise au cours de l’instance dont il est saisi ». Depuis l’abandon du pouvoir de révision (sur l’évolution de la révision, v. L. d’Avout, note ss Civ. 1re, 14 janv. 2009, n° 07-17.194, Agrogabon, Rev. crit. DIP 2009. 331 ), formellement opéré par l’arrêt Munzer (Civ. 1re, 7 janv. 1964, Grands arrêts n° 41), il est communément admis que l’objet de l’instance en exequatur est simplement de permettre l’exécution en France de tout ou partie de la décision étrangère. Autrement dit, elle ne tend qu’à vérifier la régularité de la décision étrangère au regard de critères limitativement énumérés. La Cour de cassation s’est montrée nettement défavorable à ce que des demandes additionnelles ou reconventionnelles soient formées au cours d’une instance en exequatur. Si la doctrine a pu critiquer cette position (v. par ex. B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, LGDJ, 2018, n° 584), la Cour de cassation s’en tient à une stricte application du principe selon lequel l’objet de l’instance en exequatur est la vérification de la régularité de la décision étrangère, en limitant à cette mission les pouvoirs du juge de l’exequatur. Il ne peut donc allouer de dommages-intérêts pour une faute qui n’a pas été commise au cours de l’instance en exequatur.

Un budget est d’abord une promesse. Le Parlement vote des plafonds de crédits et d’emplois proposés par le gouvernement, qui promet en échange qu’ils seront bien exécutés. Ce fut le cas en 2019 (v. Dalloz actualité, 7 mai 2020, art. P. Januel). Pour 2020, Nicole Belloubet avait renoncé à des crédits, sachant que l’administration pénitentiaire n’arriverait pas à tout consommer. Des interrogations subsistent pour 2020, dont l’exécution sera plombée par la crise sanitaire et pour 2021 : le ministère arrivera-t-il à consommer tous les crédits ?

Justice judiciaire et sucres rapides

Le budget de la justice devrait augmenter de 220 millions d’euros (+ 6,3 %). La hausse des crédits concerne en particulier le fonctionnement (+ 15,7 %). 318 emplois devraient être créés et, hors « cas pensions » et transferts, les dépenses de personnel augmenter de 2 %. Depuis fin juillet et l’arrêté du garde des Sceaux stabilisant les postes offerts aux concours de l’École nationale de la magistrature (250 places), la hausse relative du nombre d’emplois de magistrats était actée (+ 50 postes en 2021). Même problème chez les greffiers dont le taux de vacances stagne depuis plusieurs années à 7 %.

Le ministère a donc préféré se centrer sur l’embauche d’assistants spécialisés et d’assistants de greffe, annonçant 150 créations de plus par rapport à la loi de programmation de 2019. Des « sucres rapides » censés booster la justice et permettre de développer une « nouvelle juridiction chargée de réprimer les délits et incivilités de la vie quotidienne », prononçant des alternatives à l’incarcération. Il est envisagé de doubler le nombre de délégués du procureur.

Le ministère affiche une politique volontariste sur les frais de justice, pour améliorer l’accueil des victimes au sein des unité médico-judiciaire (UMJ) (20 millions d’euros), revaloriser plusieurs tarifs et systématiser les enquêtes sociales rapides. L’élargissement de la plateforme nationale des interventions judiciaires (PNIJ) à la géolocalisation, la création d’une base de données nationale des experts et l’embauche de traducteurs devraient entraîner des économies.

Parmi les grands projets immobiliers lancés : la cour d’appel d’Aix-en-Provence et le pôle pénal de Bobigny. Plusieurs projets accusent des retards importants, notamment Lille et Mont-de-Marsan.

Administration pénitentiaire

Les crédits de paiement de l’administration pénitentiaire seraient en hausse de 9 %, avec 1 092 emplois supplémentaires, dont 390 chez les surveillants, 300 dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et 415 pour les nouveaux établissements.

Les crédits immobiliers sont en forte hausse (+ 41 %). Ils seront consommés à condition de résoudre les problèmes de recherche de terrain qui expliquent une partie des retards déjà pris. Par ailleurs, la très forte augmentation des autorisations d’engagement indique que l’administration souhaite renouveler en gestion déléguée, et non en gestion publique, un certain nombre d’établissements pénitentiaires dont les contrats arrivés à échéances.

Concernant la prise en charge spécifique des détenus terroristes, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) souhaite ouvrir deux nouveaux quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER), dont un pour femmes ainsi que quatre quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) à Condé-sur-Sarthe, Aix-Luynes, Nancy et Bourg-en-Bresse. Les crédits consacrés à la sécurisation des établissements augmentent de 9 %, notamment pour l’achat de brouilleurs. L’équipement des cellules en téléphonie fixe devrait se généraliser en 2021 (62 % des établissements étaient équipés en août 2020).

Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : des constructions

Le budget de la PJJ augmenterait de 5,7 % à 944 millions d’euros, avec 154 emplois supplémentaires. En 2021, 5 millions seront prévus pour construire de nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). Emmanuel Macron avait promis 20 nouveaux CEF dans la mandature. Toutefois, le taux d’occupation des CEF stagne à 68 % en 2020, ce qui fait douter de la pertinence de ce programme.

Une hausse de l’aide juridictionnelle

Les crédits de l’aide juridictionnelle seront en augmentation de 50 millions pour atteindre 534 millions. Le nombre de bénéficiaires, qui a dépassé le million en 2019, devrait continuer à grimper avec l’adoption du revenu fiscal de référence comme critère d’attribution. L’enveloppe devrait aussi financer la hausse des missions due à la réforme de la justice pénale des mineurs et l’amélioration de la rétribution des avocats, comme le préconisait le rapport Perben (v. Dalloz actualité, 26 août 2020, art. P. Januel). Les crédits pour l’aide aux victimes devraient, quant à eux, augmenter de 11 % (violences conjugales et médiation familiale).

Reste un point noir : hormis une légère baisse pour les conflits du travail (les affaires prud’homales sont toutefois traitées en moyenne en quinze mois), la plupart des délais de jugement des affaires se dégradent. Le confinement n’a pas aidé : de janvier à mai 2020, le stock d’affaires civiles s’est accru de 18 000. Par ailleurs, malgré les promesses d’une nouvelle échelle des peines, les taux d’aménagement de peine devraient stagner, tandis que le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement ferme à douze mois restera à 82 %.

Nouveaux projets informatiques

La question numérique est prioritaire au ministère de la justice. L’indicateur de satisfaction des agents vis-à-vis de l’informatique n’était que 22 % en juin 2019 (28 % en juillet 2020). Le plan de transformation numérique du ministère augmentera de 30 millions d’euros pour passer à 207 millions. Un plan d’équipement de plus de 10 000 portables est prévu.

Mais 2021 devrait permettre la mise en service de nouvelles fonctionnalités. Fin 2020, le justiciable pourra, sur Portalis, saisir en ligne la justice sur la protection des majeurs (hors ouverture de mesure) et se constituer partie civile. En 2021, cette possibilité s’élargira aux contentieux prud’homaux. Portalis a deux nouvelles priorités : la communication électronique avec les avocats ainsi que l’intermédiation du paiement des pensions alimentaires.

Le ministère prévoit aussi de soutenir le renouvellement complet des logiciels de gestion de l’aide juridique.

Autre application, TIG 360°, qui devrait permettre mi-2021 la gestion complète des mesures de travail d’intérêt général (TIG) en ligne. En 2021, la prise de rendez-vous parloirs devrait être entièrement numérisée, via le portail famille du numérique en détention (NED). À terme, il y aura aussi un portail agent ainsi qu’un portail détenu (permettant la saisine électronique de l’administration, la gestion de la cantine et des modules sur l’enseignement et la formation).

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Deux mois après avoir rendu un arrêt important, analogue, relatif à l’assurance vie rachetable et au droit exclusif au paiement du créancier nanti (Civ. 2e, 2 juill. 2020, nos 19-11.417 et 19-13.636, Dalloz actualité, 28 juill. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 1940 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation réitère, sur le moyen désormais relevé d’office, la solution adoptée. La décision a également l’honneur d’une vaste publication, insistons (F-P+B+I). Au visa des articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances, la haute juridiction confirme donc, avec un attendu de principe identique, qu’« il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d’un nantissement de contrat d’assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés » (décis., pt 4 ; comp. Civ. 2e, 2 juill. 2020, préc., pt 7).

En l’espèce, le comptable du service des impôts des particuliers du cinquième arrondissement de Paris (ci-après le comptable public), agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l’encontre d’un contribuable, a notifié, le 29 août 2016, entre les mains de l’assureur, deux avis à tiers détenteur portant, notamment, sur un contrat d’assurance vie rachetable Antarius Avenir souscrit par le débiteur. L’assureur a refusé tout versement. Le comptable public a assigné l’assureur devant un juge de l’exécution, en paiement des sommes objet des avis à tiers détenteur – près de 200 000 € en tout –, sur le fondement de l’article R. 211-9 du code des procédures civiles d’exécution et l’assureur a fait valoir que le contrat avait fait l’objet d’un nantissement le 11 avril 2011 au profit d’une banque. Par jugement du 27 septembre 2017, le juge de l’exécution a accueilli la demande formée par le comptable public.

Pour condamner l’assureur à verser au comptable public le montant visé par...

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Les députés Fabien Matras et Cécile Untermaier ont rendu mardi 6 octobre les conclusions d’une mission « flash » sur la déontologie des officiers publics et ministériels (notaires, huissiers, commissaires-priseurs judiciaires, etc.). Si les parlementaires insistent sur la prise en compte, par ces professions, de l’impératif déontologique, ils font dix propositions pour aller plus loin et modifier certaines règles, notamment disciplinaires.

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Auteur d'origine: babonneau

La cour d’appel doit rechercher, même d’office, si les demandes formées devant elle ne constituent pas l’accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées en première instance.

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Auteur d'origine: laffly

« Un organisme public qui poursuit, par la voie d’une action récursoire, le recouvrement de sommes versées à titre d’aliments à un créancier d’aliments, dans les droits duquel il est subrogé à l’égard du débiteur d’aliments, est fondé à se prévaloir de la compétence de la juridiction du lieu de la résidence habituelle dudit créancier, prévue à l’article 3, sous b), du règlement (…) du 18 décembre 2008 » en matière d’obligations alimentaires.

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Auteur d'origine: fmelin

La Cour de cassation a rendu un avis sur deux questions relatives à l’exercice en commun de l’autorité parentale en cas d’établissement du second lien de filiation de l’enfant plus d’un an après sa naissance. Il en ressort principalement que le juge aux affaires familiales peut être saisi pour ordonner l’exercice en commun même en cas d’accord des parents sur cette modalité.

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Auteur d'origine: lgareil

Il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d’une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d’une année de trois cent soixante jours, d’un semestre de cent quatre-vingts jours, d’un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d’un mois de trente jours, d’apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

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Auteur d'origine: jdpellier

En application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui doit recevoir application devant la juridiction civile, la citation délivrée à la requête du plaignant doit, à peine de nullité de la poursuite, être notifiée au ministère public et ce avant la date de la première audience de procédure.

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Auteur d'origine: lavric

La première chambre civile renvoie au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 54 et 55 de la loi sur la liberté de la presse. 

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Auteur d'origine: lavric

Dalloz actualité publie en intégralité la circulaire de politique générale du garde des Sceaux, envoyée le 1er octobre aux juridictions. Nous publions également les notes adressées le 29 septembre à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) puis aux procureurs généraux concernant les remontées d’informations de procédures individuelles qu’Éric Dupond-Moretti aurait eu à connaître quand il était avocat.

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Auteur d'origine: babonneau

La cour d’appel ne peut statuer sur des prétentions contenues dans des conclusions jugées irrecevables par une ordonnance définitive du conseiller de la mise en état.

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Auteur d'origine: laffly

L’avis rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 septembre 2020 (avis n° 15005, n° 20-70.002) intriguera le lecteur par le caractère inhabituel de la démarche des parents qui aboutit à une demande d’avis dont la recevabilité n’allait pas de soi… et qui sera pourtant accueillie par la Haute juridiction !

Nous avons peu d’éléments concernant les faits de cette affaire. On comprend néanmoins que, lors de sa déclaration de naissance, un enfant n’avait qu’un lien de filiation maternelle et que, par la suite, un second lien de filiation à été établi à l’égard de son père, selon toute vraisemblance, par le biais d’une reconnaissance. Il semble par ailleurs acquis que ce lien n’a été établi que plus d’un an après la naissance de l’enfant, ce qui a eu pour conséquence, conformément à l’article 372, alinéa 2, du code civil, que la mère a conservé l’exercice unilatéral de l’autorité parentale sur cet enfant. L’histoire se finissant bien, les parents se sont ensuite mariés et ont souhaité tous deux exercer en commun l’autorité parentale. C’est ici que l’affaire prend un tour particulier. En cas d’établissement tardif (c’est-à-dire au-delà d’un an après la naissance de l’enfant) du second lien de filiation, l’article 372, alinéa 3, du code civil permet aux parents de faire une déclaration conjointe d’exercice en commun de l’autorité parentale auprès du greffe du tribunal judiciaire. Or ici les parents ont manifestement préféré saisir le juge aux affaires familiales à cette fin alors même qu’ils étaient d’accord sur le principe de cet exercice en commun. Le pouvaient-ils ? Avant cela, la lecture des questions suggère même qu’ils auraient tenté d’invoquer un potentiel effet de plein droit du mariage sur l’exercice de l’autorité parentale. Un tel effet existe-t-il ?

Les questions posées par le tribunal à la Cour de cassation étaient ainsi les suivantes :

d’une part : « Le mariage des parents d’un enfant qui n’a été reconnu par l’un d’entre eux qu’après expiration du délai d’un an prévu à l’article 372 du code civil confère-t-il de plein droit à celui-ci l’exercice de l’autorité parentale, en commun avec l’autre parent qui l’exerce déjà ? ».
 d’autre part : « Dans la négative, entre-t-il dans l’office du juge aux affaires familiales, saisi conjointement par les deux parents en l’absence de tout litige entre eux, de se prononcer sur l’exercice en commun de l’autorité parentale alors que leur volonté commune peut être recueillie, en vue du même effet, par déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe du tribunal judiciaire ? ».

Dans les deux cas, la Cour de cassation a jugé les demandes d’avis recevables au motif que ces questions de droit étaient nouvelles, présentaient une difficulté sérieuse et étaient susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. On nous permettra respectueusement de douter de l’appréciation de l’ensemble de ces critères par la Cour mais la Haute juridiction ayant choisi de s’emparer de ces questions, il convient de revenir sur chacun des aspects de l’avis rendu.

Concernant l’éventuel effet automatique du mariage sur l’exercice de l’autorité parentale, la Cour de cassation répond que depuis la réforme de 2005 (Ord. n° 2005-759 du 4 juill. 2005 portant réforme de la filiation), qui a supprimé la légitimation par mariage, « aucune disposition du code civil ne prévoit que le mariage puisse avoir un effet sur la dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ». Il aurait été plus juste encore de rappeler que dès la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale), qui a supprimé les distinctions entre enfants « légitime » et « naturel », les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale étaient totalement déconnectées du « statut » du couple parental. La Cour de cassation retient d’ailleurs in fine « qu’en présence d’une filiation établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance de l’enfant alors que la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, l’exercice en commun de l’autorité parentale par les deux parents ne peut résulter que d’une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires ou d’une décision du juge aux affaires familiales » (ce qui est prévu depuis 2002 par l’art. 372 c. civ.), « sans que le mariage des parents, après la naissance de l’enfant, puisse emporter de plein droit un exercice en commun de l’autorité parentale ».

La question semble donc entendue depuis une quinzaine d’années et on peut ainsi se demander en quoi la difficulté est sérieuse, à moins de vouloir sérieusement (re)discuter de la disparition de la « famille légitime » en tant que critère d’attribution de l’exercice de l’autorité parentale… Quant au fait que la question soit susceptible de se poser dans de nombreux litiges, là encore, on s’étonne. Certes, environ 61 % des enfants nés en 2019 sont nés de parents non mariés (INSEE, Chiffres-clés, paru le 14 janv. 2020) et, certes, un certain nombre de couples se marient après avoir eu leur premier enfant (voire les suivants). Mais on sait aussi que dans l’immense majorité des cas, ces enfants sont reconnus par leur père à la naissance (84 % en 2017, selon l’INSEE ; INSEE FOCUS, N° 124, paru le 4 sept. 2018). Ainsi, il est sans doute assez rare de rencontrer un établissement tardif du second lien de filiation suivi d’un mariage, sauf peut-être en cas de reconnaissance de complaisance de l’enfant du futur conjoint. Surtout, si les parents souhaitent tous les deux exercer en commun l’autorité parentale, le Code civil, par le biais de la déclaration conjointe, leur a offert un moyen moins contraignant que le mariage pour y parvenir sans avoir à saisir le juge. Enfin, sans y être obligé du moins. C’était tout l’enjeu de la seconde question…

Concernant la possibilité de recourir au juge aux affaires familiales pour décider d’un exercice en commun de l’autorité parentale en cas d’établissement tardif d’un second lien de filiation (ou en cas d’établissement judiciaire, autre hypothèse visée par l’art. 372, al. 2, c. civ.) alors même que les parents sont d’accord sur une telle modalité, on peine là aussi à voir les « nombreux litiges » susceptibles d’être concernés. Du reste, depuis plus de quinze ans que les règles précitées existent, on ne croit pas savoir que la situation se soit beaucoup présentée ni que la question ait été particulièrement posée en ces termes. Néanmoins, nous voulons bien admettre qu’il y a un intérêt au moins théorique à répondre à la question.

La compétence de principe du juge aux affaires familiales en matière d’autorité parentale ne fait aucun doute : elle est affirmée à la fois par les articles du code civil (art. 373-2-6 s.) et par ceux du code de l’organisation judiciaire (spéc. art. L. 213-3).

En outre, le fait qu’il existe un accord entre les parents n’est pas incompatible avec l’intervention du juge dans ce domaine.

Tout d’abord, l’accord peut n’être que « partiel » : les parents sont d’accord sur le principe de l’exercice en commun de l’autorité parentale mais pas sur sa mise en œuvre – c’est le cas de nombreux parents en cours de séparation ou séparés – ce qui justifie pleinement que le juge puisse être saisi pour trancher le litige et imposer les mesures qui lui paraissent conformes à l’intérêt de l’enfant (C. civ., art. 373-2-6).

Surtout, l’article 373-2-7 du code civil prévoit que les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Le plus souvent, cette saisine pour homologation est le fait de parents séparés souhaitant voir entériner leur accord sur les modalités concrètes de l’exercice de l’autorité parentale (résidence habituelle de l’enfant et droit de visite et d’hébergement principalement) pour avoir un cadre de référence en cas de dégradation de leurs rapports et, parfois, pour avoir une preuve de leurs arrangements vis-à-vis des tiers.

En l’espèce, rien de tout cela : il semble que les parents soient toujours mariés et le tribunal judiciaire précise qu’il n’y a aucun litige entre eux. La question posée ici ne porte que sur la mise en place d’un exercice en commun de l’autorité parentale aux lieu et place de l’exercice unilatéral exercé par la mère depuis la naissance de l’enfant en raison de l’établissement tardif du lien de filiation par le père. Or, dans ce cas de figure, l’article 372, alinéa 3, du code civil prévoit spécifiquement que l’autorité parentale pourra « être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ». Il semble assez évident que le législateur a souhaité simplifier la vie des parents et valoriser leur accord afin de ne renvoyer vers les juges aux affaires familiales – débordés, faut-il le rappeler ? – que les parents en désaccord.

En affirmant que « la compétence du directeur des services de greffe judiciaires pour recevoir une telle déclaration ne fait pas obstacle à celle du juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande d’exercice en commun de l’autorité parentale, même lorsque celle-ci est formée conjointement par les parents », la Cour de cassation brouille donc les frontières entre la matière gracieuse et la matière contentieuse relativement à la compétence du juge aux affaires familiales. Nous laisserons aux processualistes le soin de décortiquer cet avis de ce point de vue. On nous permettra simplement d’observer ici que la solution retenue se situe à contre-courant de la déjudiciarisation galopante du droit de la famille. Mais pour quel impact pratique ? La saisine du juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 372, alinéa 3, du code civil expose à un refus de celui-ci de prononcer un exercice en commun de l’autorité parentale que les parents pourraient obtenir sans aucun contrôle par le biais de la déclaration conjointe. Combien s’y risqueront donc « en l’absence de tout litige » ? Très peu sans doute. Notre conclusion sera en conséquence sans appel : tout ça pour ça…

On insiste bien volontiers sur le déséquilibre qui se trouve au cœur de la notion de clause abusive, mais il ne faut pas oublier qu’un tel déséquilibre doit être significatif au détriment du consommateur pour être pris en considération (V. à ce sujet, S. Chaudouet, Le déséquilibre significatif, Thèse Montpellier, 2018, spéc. n° 360. V. égal. C.-L. Péglion-Zika, La notion de clause abusive. Étude de droit de la consommation, préf. L. Leveneur, LGDJ, coll. « Bibl. dr. privé », t. 585, 2018, spéc. nos 290 s.). L’article L. 212-1 du code de la consommation (art. L. 132-1 antérieurement à l’ord. n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation) dispose en effet, en son alinéa 1er, que « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 9 septembre 2020 nous rappelle opportunément cette exigence. En l’espèce, suivant offre acceptée le 19 janvier 2013, une banque a consenti à des emprunteurs deux prêts destinés à l’acquisition d’un bien immobilier, le premier ayant fait l’objet d’un remboursement anticipé en juin 2014 et le second ayant été modifié par avenant du 25 septembre 2015. Soutenant que la clause du contrat qui prévoyait un calcul des intérêts sur la base d’une année de trois cent soixante jours présentait un caractère abusif, les emprunteurs ont assigné la banque en substitution de l’intérêt légal et remboursement des intérêts déjà versés excédant le taux légal.

La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 7 février 2019, a déclaré cette clause abusive, en retenant que la stipulation qui fait référence à un calcul des intérêts sur une durée de trois cent soixante jours et non d’une année civile de trois cent soixante-cinq jours prive les consommateurs de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, qu’elle présente comme telle un caractère abusif, quelle que soit l’importance de son impact réel et qu’elle doit être déclarée non écrite. Mais l’arrêt est censuré au visa de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. La Cour régulatrice rappelle à cette occasion « qu’il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d’une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d’une année de trois cent soixante jours, d’un semestre de cent quatre-vingts jours, d’un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d’un mois de trente jours, d’apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

La solution est parfaitement justifiée dans la mesure où un simple déséquilibre ne suffit pas à caractériser l’abus.

Encore faut-il, comme susdit, que ce déséquilibre soit significatif. Or, tel n’était manifestement pas le cas en l’occurrence puisque l’examen des faits révèle que la clause avait généré un surcoût d’un montant de 11,65 euros au détriment des emprunteurs par rapport au calcul sur la base d’une année civile de trois cent soixante-cinq jours (comp. G. Biardeaud, obs. in Lexbase, Hebdo édition affaires n° 649 du 1er oct. 2020 : Bancaire). Au demeurant, le...

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Estimant qu’un article publié dans l’édition du 25 février 2010 du Journal de Saône-et-Loire était diffamatoire à son égard, M. D… assigna en réparation, sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, la société éditrice, le directeur de la publication ainsi que l’auteur de l’article litigieux. Ces derniers soulevèrent la nullité de l’assignation, invoquant des irrégularités tenant, notamment, à l’absence de notification au ministère public dans le délai imparti. Les juges du fond (Dijon, 7 mai 2019) annulèrent l’assignation pour défaut de notification au ministère public dans le délai imparti.

Dans son pourvoi, la demanderesse faisait valoir qu’en l’absence de précision expresse posée par l’article 53, alinéa 2, de la loi sur la presse, elle avait notifié l’assignation au ministère public en temps utile, à une date lui laissant suffisamment de temps pour conclure avant la clôture de débats. Elle contestait la nature de l’irrégularité (soumise d’après elle à l’exigence d’un grief) et prétendait également que la cour d’appel, en ajoutant une condition à la loi, avait entravé de manière excessive son droit d’accès à un juge au sens de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans sa réponse, la première chambre civile commence par rappeler le principe d’unicité du procès de presse, consacré par l’assemblée plénière de la Cour de cassation (Cass., ass. plén., 15 févr. 2013, no 11-14.637, Dalloz actualité, 20 févr. 2013, obs. S. Lavric ; D. 2013. 741, obs. S. Lavric , note E. Dreyer ; ibid. 718, point de vue C. Bigot ; ibid. 2487, obs. J. Larrieu, C. Le...

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À la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre d’une société civile immobilière (SCI), le mandataire judiciaire a demandé la conversion de la procédure en liquidation judiciaire. Suite à cette conversion et la désignation d’un liquidateur, la SCI a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal.

Conformément aux dispositions de l’article R. 661-6, 1o, du code de commerce, en cas d’appel du jugement d’ouverture de la liquidation, les mandataires de justice qui ne sont pas appelant doivent être intimés. C’est-à-dire que lorsque le débiteur interjette appel du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire, il doit impérativement, à peine d’irrecevabilité,...

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Le 1er octobre 2019, la société Manpower France (la société Manpower) reçut la profession de foi de l’Union des syndicats anti-précarité (le syndicat) devant être adressée le 16 octobre 2019 au prestataire chargé de sa diffusion dans le cadre des élections professionnelles. Estimant que le document comportait des passages diffamatoires à son égard, la société Manpower assigna en référé d’heure à heure le rédacteur du texte ainsi que le syndicat concerné en suppression des passages litigieux. Par ordonnance du 17 octobre 2019, le juge des référés prononça la nullité de l’assignation.

La première chambre civile était ici saisie de trois questions prioritaires de constitutionnalité transmises par la cour d’appel de Montpellier portant sur l’application des articles 54 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

L’article 55 de la loi sur la presse précise la procédure applicable quand l’auteur d’une diffamation souhaite prouver la vérité des faits diffamatoires (exceptio veritatis, prévue à l’art. 35 de la même loi). Le texte prévoit que celui-ci « devra, dans le délai de dix jours après la signification de la citation, faire signifier au ministère public ou au plaignant au domicile par lui élu, suivant qu’il est assigné à la requête de l’un ou de l’autre : 1° Les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité ; 2° La copie des pièces ; 3° Les noms, professions et demeures des...

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Dalloz actualité publie en intégralité la circulaire de politique générale du garde des Sceaux, envoyée le 1er octobre aux juridictions. Nous publions également les notes adressées le 29 septembre à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) puis aux procureurs généraux concernant les remontées d’informations de procédures individuelles qu’Éric Dupond-Moretti aurait eu à connaître quand il était avocat.

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Une partie qui avait assigné sur le fondement des vices cachés une société qui lui avait vendu un véhicule est déboutée par le tribunal de grande instance. Elle relève appel devant la cour d’appel d’Orléans mais elle est déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée à payer à la société intimée une somme au titre des frais irrépétibles.

Elle forme alors un pourvoi en reprochant à la cour d’appel d’avoir statué au fond alors que le conseiller de la mise en état avait pourtant jugé irrecevables les conclusions de cette société comme notifiées au-delà du délai de l’article 909 du code de procédure civile et dont l’ordonnance, devenue définitive, avait acquis autorité de chose jugée. La haute cour juge en premier lieu recevable le moyen soulevé devant elle comme étant d’ordre public puisque tiré de la violation de l’autorité de chose jugée et précise que l’ordonnance du conseiller de la mise en état, versée au dossier de la cour d’appel, reposait sur un fait dont la cour avait été mise à même d’avoir connaissance. Quant au bien-fondé du moyen, la deuxième chambre civile, sur le fondement des articles 1355 du code civil et de l’article 914, dernier alinéa, du code de procédure civile, juge « qu’en statuant ainsi, alors que ces conclusions avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 janvier 2018, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». L’arrêt est cassé et annulé en toutes ses dispositions et les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Versailles.

On peut toujours s’interroger sur le sort des ordonnances rendues par le conseiller de la mise en état lorsque la cour d’appel est amenée à statuer au fond. Généralement, cela ne pose pas de difficulté, l’ordonnance est jointe au dossier et la cour d’appel, très souvent, y fait référence dans son arrêt rappelant, in limine par exemple, que les conclusions de l’intimé ont été jugées irrecevables par une précédente ordonnance du conseiller de la mise en état, voire...

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En droit international privé, la présence de deux jugements inconciliables, l’un prononcé dans le for et l’autre dans un État étranger, constitue une difficulté classique, qui peut aboutir pour les parties à des situations inextricables.

Le législateur européen s’est donc saisi de cette difficulté. Le règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit certes, par son article 33, § 1, que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. Néanmoins, l’article 34, point 3, précise qu’une décision n’est pas reconnue si « elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État membre requis ». L’article 34, point 4, ajoute que la décision n’est pas non plus reconnue si « elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État membre requis ».

Ces principe sont bien connus (pour une présentation approfondie, H. Gaudemet-Tallon et M.-E. Ancel, Compétence et exécution des jugements en Europe, 6e...

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La Cour de cassation applique le principe selon lequel deux décisions sont inconciliables, au sens de l’article 34 du règlement Bruxelles I, si elles entrainent des conséquences juridiques qui s’excluent mutuellement.

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Auteur d'origine: fmelin

Le ministère public n’est que partie jointe à l’appel du jugement prononçant la liquidation interjeté par le débiteur. Ainsi, le principe d’indivisibilité tel qu’il existe à l’encontre du mandataire n’existe en revanche aucunement entre le ministère public et le débiteur.

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Auteur d'origine: cbonnet

Les deux principaux syndicats de magistrats ont indiqué jeudi ne plus vouloir rencontrer le ministre de la justice et en appellent au chef de l’État pour mettre un terme au conflit d’intérêts auquel serait confronté Éric Dupond-Moretti après l’ouverture d’une enquête administrative sur le parquet national financier (PNF).

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Auteur d'origine: babonneau

Retour sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 lequel entraîne des répercussions importantes tant sur la rédaction des conclusions d’appel que sur la protection du domicile.

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Auteur d'origine: Dargent

Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté mardi 29 septembre, lors d’une conférence de presse, le PLFSS 2021. L’avant-projet, diffusé également par d’autres médias, est à lire en pièce jointe.

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Auteur d'origine: babonneau

L’article 215, alinéa 3, du code civil n’est pas applicable à la demande de partage du logement de famille indivis quand celle-ci émane du créancier personnel de l’un des époux, sur le fondement de l’article 815-17 du même code.

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Auteur d'origine: mjaoul

La Cour de cassation réaffirme une solution désormais classique : la nécessité d’inscrire dans le cadre d’une instance en partage, à peine d’irrecevabilité, les demandes tendant à obtenir le rapport d’une libéralité et la sanction d’un recel successoral.

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Auteur d'origine: mcottet
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Rachida Dati et Éric Dupond-Moretti ont au moins un point commun. Celui d’avoir réussi à se mettre à dos les syndicats de magistrats en un temps record.

Jeudi, lors d’une conférence de presse commune, les présidentes du Syndicat de la magistrature (SM) et de l’Union syndicale des magistrats (USM), Katia Dubreuil et Céline Parisot, ont déclaré ne plus vouloir rencontrer le ministre en situation de conflit d’intérêts, selon elles, depuis l’ouverture d’une enquête administrative sur trois magistrats du PNF.

Ces trois magistrats, dont l’ex-cheffe du PNF, étaient chargés de la procédure visant à identifier la « taupe » qui a averti Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoutes dans une affaire de corruption.

Dans cette affaire, les fadettes de plusieurs avocats – dont celle de Me Dupond-Moretti –, mais également de magistrats, ont été épluchées. L’informateur n’a jamais été identifié au terme de six années de procédure. L’avocat Dupond-Moretti a porté plainte contre le PNF, avant de la retirer une fois nommé ministre de la justice.

Si la première inspection de fonctionnement du PNF a été ordonnée par l’ex-ministre de la justice, Nicole Belloubet, l’enquête administrative l’a été par Éric Dupond-Moretti. Les syndicats ont beau jeu de rappeler la « porosité » entre l’Inspection générale de la justice (IGJ) et le ministre de la justice.

Ils reprochent à ce dernier, concerné par une affaire lorsqu’il était avocat, d’utiliser ses prérogatives de garde des Sceaux pour régler ses comptes. Ils dénoncent une « difficulté démocratique et institutionnelle majeure ».

Par ricochet, cette enquête administrative déstabilise le PNF, une institution qui a fait preuve de son efficacité dans la lutte contre la délinquance financière. « Le ministre de la justice apporte de l’eau au moulin » des détracteurs du PNF, selon Mme Parisot. Elle arrive à quelques mois du procès de Nicolas Sarkozy, de son avocat Thierry Herzog, et d’un ex-haut magistrat, Gilbert Azibert, dans cette affaire de corruption supposée. L’alignement idéal des planètes, selon Céline Mamelin, trésorière de l’USM.

Fait exceptionnel, les deux plus hauts magistrats du pays, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, procureur général près la Cour, se sont, dans une tribune publiée mardi dans Le Monde, inquiétés de la « situation inédite dans laquelle se trouve l’institution » depuis l’ouverture de cette enquête administrative.

Désormais, c’est la guerre froide. « Nous refusons de rencontrer un ministre qui n’a jamais répondu à nos sollicitations », souligne Céline Parisot. « Il n’y a pas de dialogue. Il distille des petites phrases », renchérit Katia Dubreuil. La garde des Sceaux, selon les syndicats, n’a pas répondu aux interrogations des syndicats sur les remontées d’informations dans les dossiers qu’il avait lorsqu’il était avocat.

Sans jamais demander la démission du ministre, les deux syndicats en appellent au président de la République, garant de l’indépendance de la magistrature, pour trouver une solution. « Le président de la République a choisi Éric Dupond-Moretti. Il doit trouver une solution. » Ils lui ont d’ailleurs écrit mi-septembre. Et se donnent un mois avant d’aviser.

Les attaques incessantes du garde des Sceaux sur leur corporatisme supposé heurtent les magistrats. Celui qui devrait les défendre les pilonne. Ce n’est pas tant la nomination d’une avocate à la direction de l’École nationale de la magistrature (ENM) que les propos qui l’ont accompagnée. « Traditions surannées », « tentation du vase clos et de l’entre-soi » ont fait déborder le vase.

Depuis, de nombreuses assemblées générales se sont tenues dans les juridictions (quatre-vingt-deux, selon les deux syndicats).

« Nommer une avocate, première femme à la tête de l’ENM, c’est un coup de génie. Mais il a tout gâché en se faisant plaisir pour pas cher », constate un magistrat passé par la Chancellerie. « C’est dommage, parce qu’il a obtenu une augmentation historique du budget de la justice », poursuit-il.

Avant cette conférence de presse, le ministre a reçu des représentants syndicaux à l’occasion d’un comité technique ministériel (CMT). Selon son entourage, il aurait pris la défense (quoi de plus normal pour un avocat) des magistrats de l’IGJ, qui travaillent « en toute indépendance ».

Ensuite, il a expliqué que c’est le bureau de la déontologie de la Direction des services judiciaires qui a estimé que les faits mis en évidence dans le rapport « pouvaient recevoir des qualifications disciplinaires ». « Ne pas donner suite aux recommandations de ses services aurait pu lui être reproché », fait valoir cette même source. Avant d’ajouter que la porte du ministre « était toujours ouverte ». Porte ouverte et écoute close ?

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Une banque ayant fait faillite, son liquidateur a engagé des procédures judiciaires à l’encontre de l’un ses dirigeants.

Ce dernier ayant été condamné par des jugements du tribunal de première instance d’Istanbul à payer une certaine somme à la banque, le liquidateur a fait procéder à plusieurs saisies conservatoires de créances et de droits d’associé et valeurs mobilières, ainsi qu’à une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée à son domicile.

Le dirigeant saisi conteste en vain les différentes saisies devant le juge de l’exécution.

Il forme appel de ce jugement lequel est fixé à bref délai conformément aux dispositions de l’article R. 121-20 du code des procédures civiles d’exécution.

Dans ses conclusions, prises dans le délai d’un mois imparti pour conclure, l’appelant sollicite l’annulation des saisies, leur mainlevée ou leur cantonnement sans demander l’infirmation du jugement attaqué.

La Cour prononce l’infirmation du jugement en ce qu’il avait rejeté la contestation de l’appelant portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu’elle l’avait condamné aux dépens.

Ce faisant la Cour annule la mesure de saisie conservatoire au motif que l’huissier de justice a procédé à l’ouverture forcée des portes du domicile sans autorisation d’un juge.

Le pourvoi invoquait deux moyens :

le premier fait le reproche à la Cour d’appel d’avoir infirmé le jugement entrepris alors que l’appelant n’avait pas conclu à l’infirmation du jugement dans le dispositif de ses premières conclusions ;
 le second conteste l’obligation pour l’huissier qui pratique une mesure de saisie conservatoire de devoir requérir l’autorisation d’un juge pour procéder à l’ouverture forcée des portes du domicile.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Une nécessaire confirmation du jugement à défaut d’en avoir sollicité la réformation ou l’annulation dans le dispositif des conclusions

Quant au premier moyen, la Cour de cassation énonce : « Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ».

Pour autant la deuxième chambre civile considère qu’il s’agit d’une interprétation nouvelle d’une disposition, au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, laquelle n’a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié. La Haute juridiction décide en conséquence de ne pas appliquer la règle au motif que la déclaration d’appel était antérieure au présent arrêt.

La Cour de cassation n’entend pas priver les appelants du droit à un procès équitable en appliquant cette nouvelle solution aux instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date du présent arrêt.

Sur le fond, cette interprétation nouvelle apparaît assez logique au regard des dispositions des articles 542 et 954 du code de procédure civile.

Il ressort de la lecture de l’article 542 du code de procédure civile que « l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. » L’objet de l’appel est de ce fait la réformation ou l’annulation du jugement.

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. C’est la raison pour laquelle la Cour considère qu’à défaut d’être saisis d’une demande de d’infirmation ou d’annulation, les juges d’appel ne peuvent qu’entrer en voie de confirmation.

Sur la forme, cette nouvelle règle que pour seul objectif d’obliger les parties à modéliser leurs écritures. À défaut l’on recherchera vainement son intérêt puisqu’ainsi qu’il a été rappelé, l’objet même de l’appel est nécessairement d’obtenir l’annulation ou à la réformation du jugement entrepris ainsi que cela ressort normalement du contenu de la déclaration d’appel.

Reste enfin la question de savoir si cette omission dans le dispositif peut être réparée par des conclusions ultérieures.

Il résulte en effet des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. En l’occurrence dans la présente espèce l’appelant, au-delà du délai imparti pour conclure, avait régularisé son dispositif. La Cour de cassation ne tient pas compte de cette régularisation ultérieure et ne retient que le dispositif des conclusions signifiées dans le délai imparti pour conclure au soutien de l’appel.

L’attention des avocats est donc vivement attirée sur l’importance de la rédaction du dispositif de leurs écritures, d’autant plus que la Cour de cassation démontre à nouveau qu’elle apprécie très largement la notion de prétention telle que visée à l’article 954 (V. en matière de fins de non-recevoir, Civ. 2e, 26 juin 2014, n° 13-20.393 P ; Soc. 21 sept. 2017, n° 16-24.022 P, D. 2017. 1921, obs. N. explicative de la Cour de cassation ; JA 2018, n° 572, p. 39, étude J.-F. Paulin et M. Julien ; RDT 2018. 63, obs. M. Véricel ).

Interdiction de pratiquer une mesure de saisie conservatoire dans un lieu servant à l’habitation sans autorisation du juge

Sur le second moyen du pourvoi, la Cour de cassation adopte aussi une solution novatrice.

La question posée était de savoir si l’huissier de justice muni d’une décision de justice non exécutoire pouvait procéder à l’ouverture forcée des portes d’un lieu servant à l’habitation.

Le demandeur au pourvoi soutenait que l’huissier pouvait agir sans autorisation sur le fondement de l’article L. 142-3 du code des procédures civiles d’exécution dont il résulte qu’« à l’expiration d’un délai de huit jours à compter d’un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l’habitation et, le cas échéant, faire procéder à l’ouverture des portes et des meuble ».

La Cour de cassation fait une interprétation a contrario en considérant que la mise en œuvre de l’article L. 142-3 du code des procédures civiles d’exécution nécessite qu’un commandement de payer soit délivré. L’article L. 511-1 du même code disposant par ailleurs que : « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. », la haute juridiction en déduit que nonobstant l’emplacement de l’article L. 142-3 dans le livre 1 du code des procédures civiles d’exécution, intitulé « Dispositions générales », sa lettre même, qui exige que l’entrée dans un lieu servant à l’habitation et l’ouverture éventuelle des portes et des meubles soient précédées d’un commandement et que l’huissier de justice justifie d’un titre exécutoire, exclut son application à une mesure conservatoire, qui ne nécessite pas la délivrance préalable d’un commandement et peut être accomplie sans titre exécutoire.

La deuxième chambre fait ainsi sienne l’appréciation de la doctrine selon laquelle il y lieu de distinguer d’une part le droit de procéder à une mesure conservatoire sans autorisation préalable du juge, et d’autre part, l’exécution matérielle de cette mesure (R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd, Dalloz, n° 1143 ; en ce sens, Droit et pratique des voies d’exécution, Dalloz, 2018/2019, n° 0622.41).

La Cour de cassation exerce par ailleurs un contrôle de proportionnalité des dispositions de l’article L. 521-1 du code des procédures civiles d’exécution au regard du droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège le domicile.

Aux termes de l’article 521-1 « la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur, que le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l’habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l’ouverture des portes ». La Cour de cassation juge que le droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l’inviolabilité du domicile, également consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, exclut que la mesure de saisie conservatoire susvisée puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.

Selon la notice explicative de l’arrêt cette « analyse, qui permet une protection renforcée du domicile du débiteur, trouve son fondement tant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 5 avr. 2019, n° 2019-772 QPC, AJDA 2019. 786 ; D. 2019. 696, et les obs. ; AJDI 2019. 541 , obs. C. Dreveau ; Constitutions 2019. 154, Décision ) que dans celle de la Cour européenne des droits de l’homme » (CEDH 16 mai 2019, n° 66554/14, Halabi c/ France, AJDA 2019. 1079 ; ibid. 1826 , note P. Coleman ; D. 2019. 1172, et les obs. ; RDI 2019. 403, obs. C. de Jacobet de Nombel ; AJ pénal 2019. 393, obs. V. Courcelle-Labrousse ).

Au regard de la nécessaire protection du domicile, la Cour de cassation ajoute de ce fait une condition de licéité à l’exécution de la mesure de saisie conservatoire au sein d’un lieu servant d’habitation.

Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté mardi 29 septembre, lors d’une conférence de presse, le PLFSS 2021. L’avant-projet, diffusé également par d’autres médias, est à lire en pièce jointe.

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La protection du logement de la famille est une préoccupation fondamentale du législateur, qui a pris un certain nombre de dispositions afin de l’assurer. Au premier titre de ces textes, nous trouvons, dans le cadre du régime primaire du mariage, l’article 215, alinéa 3, du code civil qui a vocation à protéger le foyer des actes imprudents, si ce n’est malveillants, de l’un des époux (P. Voirin et G. Goubeaux, Droit civil. Régimes matrimoniaux, successions-libéralités, 31e éd., LGDJ, coll. « Manuel », 2020, n° 18). Ce texte vient affirmer que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lequel est assuré le logement de la famille ». Malgré cette protection, il n’est pas original que les créanciers de l’un des époux décident, en raison de l’importance du passif, d’agir contre le couple, même séparé de biens, lorsque ceux-ci sont propriétaires indivis d’un immeuble dans lequel ils ont établi le logement de la famille. Ce faisant, la jurisprudence doit faire un arbitrage entre l’application de l’article 215, alinéa 3, du code civil et le régime de l’indivision avec en fond, la question de l’applicabilité de l’article 815-17 du code civil. En effet, ce dernier texte précise que, si « les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles » (al. 2), « ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis » (al. 3). Dit autrement, il appartient alors à la Cour de se prononcer sur l’articulation entre le principe de cogestion postulé par le régime primaire impératif du mariage et les règles de l’indivision permettant aux créanciers personnels d’un époux, par le truchement d’une action oblique permise par le texte précité, de pouvoir demander le partage au nom de son débiteur (c’est-à-dire l’époux).

Dans cette affaire, un homme et sa sœur s’engagent auprès d’un établissement financier comme cautions solidaires afin de garantir le règlement du prêt consenti à une société dans laquelle ils étaient associés. Le 7 avril 2009, la société fait l’objet d’un placement en liquidation judiciaire. Le 26 mai 2010, le tribunal de commerce inscrit au passif de cette liquidation la créance de la banque et condamne les cautions à payer à celle-ci la somme de 107 300,60 €. La banque décide alors d’assigner l’homme et son épouse séparée de biens afin de provoquer, sur le fondement de l’article 815-17, alinéa 3, du code civil, le partage de l’indivision existant entre eux et, pour y parvenir la licitation du bien immobilier indivis servant au logement de la famille. La cour d’appel de Paris, dans une décision du 10 avril 2019, accueille la demande de la banque et ordonne que soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Dans ce but, les juges du fond ordonnent également la vente sur licitation de l’immeuble sur une mise à prix de 350 000 € estimant que les dispositions de l’article 215, alinéa 3, du code civil n’étaient pas opposables au créancier agissant sur le fondement de l’article 815-17 du même code. Les époux forment alors un pourvoi en cassation, lequel est rejeté par la première chambre civile dans la présente décision. La question soumise à l’attention de la haute juridiction consistait à déterminer si l’article 215, alinéa 3, du code civil faisait obstacle à la demande de partage et de licitation du créancier de l’époux. La Cour de cassation vient affirmer (§ 5) que « les dispositions protectrices du logement familial de l’article 215, alinéa 3, du code civil ne peuvent, hors le cas de fraude, être opposées aux créanciers personnels d’un indivisaire usant de la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur en application de l’article 815-17, alinéa 3, du même code ». Se faisant, la Cour relève qu’aucune fraude de l’établissement financier n’est alléguée, justifiant que soit accueillie la demande de partage de celui-ci.

L’objectif de l’article 215, alinéa 3, est de permettre aux époux, et plus largement à la famille, de se maintenir dans les lieux d’habitation indépendamment des choix malheureux qu’aurait pu faire l’un des époux. Son efficacité est assurée par l’interprétation que fait le juge qui le conduit à écarter les actions qui empêcheraient le maintien effectif de la famille dans les lieux. Toutefois, la protection ne joue pas à l’égard des demandes de partage dès lors qu’elles émanent des créanciers personnels d’un des époux qui invoquent le bénéfice de l’article 815-17 du code civil. C’est cette solution que la première chambre civile vient rappeler. Elle avait déjà statué en ce sens dès 1991, estimant que « les dispositions de ce dernier texte ne font pas obstacle à une demande de partage des biens indivis portant sur le logement de la famille ; qu’elles doivent, hors le cas de fraude, non allégué en l’espèce, être considérées comme inopposables aux créanciers ; que la cour d’appel était donc en droit d’accueillir la demande formée par La Mutuelle sur le fondement de l’article 815-17 du code civil » (Civ. 1re, 3 déc. 1991, n° 90-13.311, Dalloz jurisprudence). Cette décision était néanmoins apportée de longue date, de surcroît dans un arrêt ne bénéficiant pas de publicité. Aussi, au vu de la forte protection du logement de la famille, on pouvait légitimement s’interroger sur l’arbitrage que proposerait la Cour de cassation en la matière.

La question a été indirectement posée dans une affaire récente (Civ. 1re, 3 avr. 2019, n° 18-15.177, Dalloz actualité, 6 mai 2019, obs. J. Boisson ; D. 2019. 760 ; ibid. 2020. 901, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJDI 2019. 815 , obs. F. Cohet ; AJ fam. 2019. 339, obs. J. Casey ; RTD civ. 2019. 613, obs. W. Dross ; ibid. 640, obs. B. Vareille ) dans le cadre d’une liquidation judiciaire avec une solution différente car l’action n’était pas introduite au nom des créanciers de l’époux sur le fondement de l’article 815-17 du code civil mais au nom de l’époux sur celui l’article 815. La Cour de cassation avait alors censuré la cour d’appel qui jugeait indifféremment les fondements de l’action et avait rejeté la demande de partage du mandataire (qui agissait dans le cadre d’une liquidation judiciaire). À l’occasion de cette décision, un auteur s’interrogeait dans ces colonnes (J. Boisson, L’article 215 est applicable à la demande en partage du logement familial par le liquidateur, Dalloz actualité, 6 mai 2019) sur le sort d’une telle action fondée au nom des créanciers, soulignant qu’elle serait probablement accueillie. La Cour de cassation offre une réponse positive : l’action des créanciers personnels d’un époux séparé de biens doit être accueillie favorablement en l’absence de fraude dès lors qu’elle se fonde sur l’article 815-17 du code civil.

Cette admission de l’action oblique du créancier de l’époux s’explique par la volonté de ne pas aller au-delà de la lettre et de l’esprit de l’article 215, alinéa 3, du code civil. L’objet de ce texte est d’assurer la protection effective du logement de la famille mais non à l’exclure du gage général des créanciers (C. civ., art. 2284). En effet, la Cour de cassation avait déjà énoncé que la protection du logement ne devait pas aboutir à une insaisissabilité du bien, laquelle serait contraire à la loi. Elle avait alors considéré que cette protection devait être inopposable aux créanciers de l’époux (Civ. 1re, 4 juill. 1978, n° 76-15.253, Bull. civ. I, n° 256 ; D. 1979. 479 : « nonobstant les dispositions de l’article 215, alinéa 3, du code civil, les époux A… le droit de demander le partage de biens indivis servant au logement de la famille et que ces dispositions doivent, hors le cas de fraude, être considérées comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d’une insaisissabilité contraire à la loi »). Du point de vue de l’action oblique, l’on peut s’étonner que le créancier bénéficie de conditions plus favorables que celles dont bénéficie son débiteur lui-même, qui, lui, devrait agir sur le fondement de l’article 815. En effet, cette situation est une exception au principe en vertu duquel le créancier voit son action enfermée dans les conditions de celles de son débiteur. Cette limite permet d’atteindre un point d’équilibre. D’une part, les créanciers de l’époux qui agissent sans fraude doivent pouvoir, dans ces circonstances, agir utilement pour recouvrer leurs créances et leur débiteur ne saurait exclure de son gage général le bien indivis indéfiniment sous peine d’aller au-delà de la protection voulue par le régime primaire du mariage (d’ailleurs, on peut se demander si une protection absolue du logement de la famille qui conduirait à son insaisissabilité alors même qu’il s’agit du seul bien dans le patrimoine du débiteur ne pourrait pas être considérée comme attentatoire à la propriété des créanciers en vertu de l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme). D’autre part, il est cohérent que les époux, étant mariés et donc soumis à la règle de la cogestion, se voient opposer cette limite dans la gestion du bien indivis dans lequel ils ont décidé d’établir le logement de la famille. L’équilibre est donc atteint par une combinaison fine des textes qui nous semble respecter la lettre et l’esprit de ces derniers.

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Une nouvelle fois, la Cour de cassation a été amenée à rappeler que les demandes tendant à obtenir un rapport successoral ou la sanction d’un recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une instance en partage.

En l’espèce, un homme avait réalisé une donation-partage d’un bien immobilier au profit de ses deux fils avant de décéder. L’un de ses fils, ainsi que le conjoint survivant, avaient renoncé à la succession, tandis que son second fils l’avait acceptée sous bénéfice d’inventaire (devenu à concurrence de l’actif net). Deux litiges se sont alors noués autour de deux instances distinctes qui ont été jointes par la suite.

Dans un premier temps, le fils renonçant a assigné son frère en partage de l’indivision portant sur le bien immobilier ayant fait l’objet de la donation-partage, laquelle est d’ailleurs sujette à requalification puisqu’elle a créé une indivision entre les donataires. En effet, la donation-partage est incompatible avec la création d’une indivision car elle a précisément pour objet de réaliser un partage anticipé entre plusieurs héritiers présomptifs et suppose donc une répartition matérielle de ses biens (en ce sens, v. Civ. 1re, 6 mars 2013, n° 11-21.892, D. 2013. 706 ; AJ fam. 2013. 301, obs. C. Vernières ; RTD civ. 2013. 424, obs. M. Grimaldi ; 20 nov. 2013, n° 12-25.681, D. 2013. 2772 ; ibid. 2014. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2014. 54, et les obs. , concl. P. Chevalier ). C’est donc d’une donation simple qu’il s’agissait, et non d’une donation-partage à proprement parler.

Dans un second temps, le fils acceptant sous bénéfice d’inventaire a assigné son frère afin de le voir condamner à rapporter à la succession de leur père des donations déguisées dont il aurait bénéficié et de faire appliquer les sanctions du recel successoral. En revanche, il n’a pas assorti ces prétentions d’une demande en partage des biens figurant dans la succession du père. Il a pourtant obtenu gain de cause devant les juges du fond, qui ont retenu l’existence d’un recel successoral à la charge du renonçant.

Ce dernier s’est pourvu en cassation et a invoqué devant la haute juridiction un moyen nouveau mais de pur droit, tiré de la violation des articles 822, 843, et 792 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, antérieure à la réforme du 23 juin 2006. Le premier de ces textes est relatif à l’action en partage ; le deuxième,...

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Le droit des sociétés tient parfois en échec le droit des successions. L’héritier de parts sociales en fait notamment les frais chaque fois qu’il ne revêt pas la qualité d’associé.

Dans cette affaire, deux époux mariés sous un régime de communauté de biens avaient constitué une société civile immobilière (SCI) avec deux autres associés (lesquelles étaient par ailleurs les frères de l’époux). Sur les 4 002 parts sociales, 634 étaient communes aux deux époux et 700 constituaient des biens propres de l’époux, le reste étant détenu par les autres associés. Au décès de l’époux, survenu le 5 janvier 2010, les 1 334 parts du couple ont été réparties entre le patrimoine du conjoint survivant (la moitié des parts communes, soit 317 parts) et la succession (la moitié des parts communes et l’intégralité des parts propres, soit un total de 1 017 parts). Un testament instituait les deux frères associés légataires particuliers de la pleine propriété des 1 017 parts attribuées à la succession.

L’épouse est à son tour décédée le 18 mars 2011, en l’état d’un testament désignant les deux associés survivants légataires des 217 parts restantes. L’intégralité des parts revenait ainsi, in fine, aux deux associés survivants. Mais l’épouse laissait également pour lui succéder un neveu qui, voyant les parts sociales lui échapper, a quelque peu rechigné à délivrer les legs (cette délivrance est finalement intervenue les 22 et 26 novembre 2012). Il a également assigné les légataires. D’une part, en sa qualité d’ayant droit du conjoint survivant titulaire d’une réserve héréditaire, il sollicitait la réduction des legs consentis par l’époux à ses deux frères, car ils excédaient la quotité disponible. D’autre part, en qualité d’héritier saisi, il revendiquait le paiement de diverses sommes correspondant au versement de dividendes réalisé entre le second décès et la délivrance des legs, ainsi que l’allocation de dommages-intérêts pour appropriation illicite de biens successoraux et résistance abusive.

Dans un arrêt du 22 février 2019, la cour d’appel fait droit à la demande en réduction des legs mais rejette les demandes au titre de l’appréhension des dividendes par les légataires.

Le demandeur succombant forme un pourvoi en cassation, articulé en six moyens. La Cour de cassation procède à une cassation partielle de l’arrêt d’appel au visa de l’article 4 du code de procédure civile. Seul le cinquième moyen, relatif à l’évaluation des biens pour le calcul de l’indemnité de réduction, la convainc de censurer la décision d’appel : les parties s’étant exclusivement référées à la déclaration de succession, les juges du fond ne pouvaient, sans modifier l’objet du litige, se déterminer d’après le projet d’état liquidatif établi par le notaire.

Les cinq autres moyens sont rejetés. Les deux premiers moyens et deux des quatre branches du sixième moyen n’étaient pas de nature à entraîner la cassation. Le troisième moyen manque en fait. La portée des branches restantes du sixième moyen dépend quant à elle du sort du quatrième moyen, sur lequel porte tout l’intérêt...

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Le 7 juin 2005, une personne acquiert un immeuble à usage d’habitation dont l’assise foncière se répartit sur trois parcelles. Sur l’une d’elles, l’acte authentique mentionne qu’il existe un « passage commun au profit d’autres propriétaires », alors que, durant la phase de négociation qui avait précédé l’opération, l’acquéreur avait été informé par le notaire que les parcelles lui appartiendraient en totalité. Le 2 août 2006 (première date à retenir), les voisins de l’acquéreur l’assignent aux fins de voir juger la parcelle en cause soumise au régime de l’indivision. Confirmant les premiers juges, la cour d’appel accueille cette demande à l’occasion d’un arrêt du 20 février 2014, devenu irrévocable le 29 septembre 2015 (seconde date importante ici) par suite du rejet du pourvoi en cassation formé contre lui. Presque un an plus tard, l’acquéreur assigne le notaire en responsabilité et indemnisation.

L’affaire est portée devant la cour d’appel de Besançon qui, par un arrêt (infirmatif) du 16 octobre 2018, déclare l’action irrecevable comme prescrite. Pour ce faire, l’arrêt retient que, bien que le caractère indivis de la parcelle ne soit devenu définitif qu’en vertu de l’arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015, l’acte notarié est contesté depuis que l’acquéreur a été assigné par ses voisins, soit depuis le 2 août 2006. Pour la cour d’appel, le point de départ de la prescription est la date de l’assignation. Là est le débat judiciaire, car l’acheteur ne l’entend pas ainsi et forme un pourvoi en cassation. Dans son moyen, il argue que « le dommage constitué par la déclaration judiciaire des droits reconnus aux voisins n’est réalisé que par la décision de justice reconnaissant ces droits et non par l’assignation des voisins, qui ne crée qu’une éventualité de dommage ». Ainsi, il estime « qu’en faisant courir la prescription dès le jour de l’assignation du...

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L’héritier qui n’a pas été agréé comme associé de la SCI n’a pas qualité pour percevoir les dividendes, même avant la délivrance du legs des parts sociales. Il n’a aucun droit dans la répartition du prix de vente des cessions d’actifs. Il ne peut que solliciter l’action en réduction dont le de cujus était titulaire.

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Auteur d'origine: qguiguet

Le délai de prescription d’une action en responsabilité extracontractuelle ne court pas tant que le dommage n’est que latent ; pour établir le dies a quo, il faut nécessairement attendre que le dommage se manifeste. En l’espèce, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contre un notaire devait être situé au jour où la nature indivise de la parcelle avait été clarifiée par une décision ayant acquis force de chose jugée, et non au jour où l’acheteur avait été assigné par ses voisins.

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Auteur d'origine: atani

À l’appel des deux principales organisations syndicales, les magistrats ont protesté jeudi contre les attaques répétées du garde des Sceaux à l’égard de l’institution judiciaire. Au tribunal judiciaire de Paris, ils étaient près de deux cents à battre le pavé sous le crachin.

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Auteur d'origine: babonneau