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Au cœur de ce dossier, une interception téléphonique en date du 17 juillet 2015. Elle a servi de fondement aux poursuites disciplinaires contre M. Cornu, à l’époque juge d’instruction au tribunal de grande instance de Bastia. Elle a motivé la sanction prononcée le 12 juillet 2017 par la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), compétente pour les magistrats du siège. À savoir un blâme, avec inscription au dossier, pour manquements aux devoirs de réserve, de loyauté et de délicatesse, de confidentialité et au secret professionnel.

Une interception téléphonique qui a valu à cette décision d’être annulée par le Conseil d’État. Le 12 juin 2019, il a jugé qu’elle était « entachée d’une insuffisance de motivation », le CSM ayant écarté sans y répondre un moyen de défense de M. Cornu sur la légalité et les conditions de transmission de cette écoute téléphonique.

Jeudi, c’est un homme fatigué et affecté par cette histoire corse qui s’est présenté devant le CSM. François-Marie Cornu est aujourd’hui vice-président au tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. Les faits qui lui sont reprochés sont presque les mêmes qu’en 2017. Le garde des Sceaux a ajouté un nouveau grief, la publication en octobre 2019 sur un compte Twitter au nom de Cornu d’attestations rédigées par diverses personnes dans le cadre de l’instance disciplinaire.

Les faits remontent à juillet 2015. Deux ans plus tôt, M. Cornu, considéré par sa hiérarchie comme un magistrat de valeur à la carrière prometteuse, est nommé juge d’instruction au tribunal de grande instance de Bastia. Parmi ses nombreux dossiers, ceux concernant des assassinats commis dans la Plaine orientale, théâtre de règlements de compte en tous genres et d’histoires sans paroles. « J’ai fait l’objet d’une déloyauté rare dans certaines enquêtes », a-t-il expliqué jeudi.

Peu à peu, il en vient à soupçonner certains gendarmes de couvrir un homme qu’il considère, malgré le peu d’éléments recueillis, comme impliqué dans plusieurs de ses dossiers. Il le met en examen en janvier 2015 pour assassinat. Le juge des libertés et de la détention (JLD) le laisse en liberté sous contrôle judiciaire. Un contrôle qui sera levé six mois plus tard par la chambre de l’instruction.

En juin 2015, lors de l’audition d’une partie civile dans ce dossier, par ses questions, il met en cause la décision de la chambre de l’instruction. Informé, le procureur de la République saisit alors par requête en date du 25 juin le président du tribunal. Il lui demande de dessaisir le juge de cette procédure en application des dispositions de l’article 84 du code de procédure pénale.

Dans sa requête, le procureur considère que « les questions posées aux parties civiles ne contribuent en rien à la manifestation de la vérité mais relèvent au contraire une perte d’impartialité ». L’article 84 prévoit qu’un juge d’instruction peut être dessaisi au profit d’un autre « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par requête motivée du procureur de la République, agissant soit spontanément, soit à la demande des parties ». Le 26 juin, le président du tribunal de grande instance dessaisit le juge Cornu.

Un mois plus tard, le 17 juillet 2015, le juge Cornu s’épanche au téléphone avec une partie civile dans le dossier dont il a été dessaisi. Celle-ci est placée sur écoute dans le cadre d’une enquête préliminaire. Le magistrat critique l’action des gendarmes, celle du parquet, de la chambre de l’instruction… Le 23 juillet, une transcription de cette écoute atterrit sur le bureau du procureur. Elle va conduire à la saisine par le garde des Sceaux de l’instance disciplinaire.

Jeudi, Me Olivier Morice, conseil de M. Cornu, a contesté les conditions de dessaisissement du magistrat ainsi que la légalité de l’interception téléphonique. Selon lui, l’article 84 n’était pas applicable au cas d’espèce. C’était au procureur général près la cour d’appel de Bastia de saisir le procureur général de la Cour de cassation d’une demande en récusation ou en suspicion légitime.

La direction des services judiciaires, par la voix de Catherine Mathieu, a sur ce point estimé que ce dessaisissement fondé sur l’article 84 était régulier. « Les conditions légales ont été scrupuleusement respectées », a-t-elle assuré.

Sur l’interception téléphonique, la défense a souligné son caractère illégal. Si, dans le cadre d’une enquête préliminaire, le JLD peut autoriser des écoutes téléphoniques et leur transcription, il doit être, selon l’article 706-95, «  informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l’alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation ».

Or, assure la défense, cela n’a pas été le cas. Sur cette retranscription, n’apparaît pas le nom de l’OPJ, encore moins sa signature. Mieux, selon Me Morice, le numéro écouté ne correspond pas à celui figurant dans l’enquête préliminaire. « Le CSM peut-il donner crédit à une interception téléphonique réalisée dans de telles conditions ? », s’est-il interrogé. Par ailleurs, M. Cornu n’a pu contester la légalité de cette interception puisqu’il était dessaisi de l’affaire principale.

Quand bien même a-t-il admis dans un premier temps la teneur des propos retranscrits, qu’il conteste aujourd’hui, « le problème de la reconnaissance ne vient pas suppléer à la régularité de la procédure », a plaidé Me Morice.

La Direction des services judiciaires (DSJ) n’a pas remis en cause la régularité de cette écoute. Certes, la forme n’est pas très usuelle, mais elle permet à la formation disciplinaire « d’apprécier un manquement » aux devoirs du magistrat commis par M. Cornu.

Concernant les faits nouveaux, la publication sur un compte nominatif d’éléments de procédure, la DSJ a considéré que seul M. Cornu avait intérêt à publier ces pièces pour sa défense devant l’instance disciplinaire. Celui-ci conteste avoir publié ces documents.

Tous les éléments reprochés à M. Cornu sont constitutifs de manquements à ses obligations déontologiques et à l’image de l’institution judiciaire. Mme Mathieu a demandé au CSM de prendre en compte le contexte et la gravité des faits. « Rendre la justice en Corse n’est pas une tâche facile. Mais pour autant, cela ne peut pas constituer une excuse pour une perte de repères déontologiques. »

La représentante de la DSJ a estimé que le magistrat restait cantonné dans une position victimaire. Elle a demandé à la formation disciplinaire de prononcer un abaissement d’échelon, une sanction supérieure à celle du blâme.

« Ce que je demande, c’est la fin du cauchemar pour M. Cornu, qu’il puisse continuer son activité de magistrat. Je vous demande de rendre une décision qui le mette hors de cause car il le mérite », a conclu sa défense.

Comme l’a rappelé en préambule la rapporteuse Hélène Pauliat, la formation disciplinaire devra donc déterminer si l’article 84 a été correctement appliqué, si l’interception téléphonique peut être considérée comme légale. Et surtout, si le CSM est compétent pour porter une appréciation sur les actes juridictionnels des juges, qui ne peuvent être contestés que par l’exercice des voies de recours appropriés.

Décision le 16 décembre.

Fin 2018, 328 000 enfants bénéficiaient d’une mesure de protection (12 % de plus qu’en 2009). Le cadre juridique renforcé par la loi du 14 mars 2016 reste insuffisant. Le « projet pour l’enfant », censé garantir les bonnes conditions d’une mesure de protection, est appliqué inégalement sur le territoire. La relation avec les parents doit être clarifiée car les mesures prononcées sont toujours provisoires, afin de préserver la possibilité d’un retour dans la...

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Les faits de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 18 novembre 2020 offrent une impression de déjà-vu tant les arrêts relatifs aux conséquences des GPA réalisées à l’étranger se succèdent (v. encore, au début du même mois, Civ. 1re, 4 nov. 2020, nos 19-15.739 et 19-50.042, Dalloz actualité, 12 nov. 2020, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2020. 2172 )…

Un couple d’hommes de nationalité française s’est rendu au Canada pour y avoir recours légalement à une gestation pour autrui. L’acte de naissance de l’enfant qui en est issu indique qu’il a pour parents les deux hommes. De retour en France avec l’enfant, le couple a demandé la transcription de l’acte de naissance. Si le tribunal de grande instance de Nantes a accepté la transcription complète de cet acte au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, la cour d’appel de Rennes, elle, n’a autorisé qu’une transcription partielle au profit de celui qu’elle suppose être le père biologique de l’enfant (il ressort des moyens annexés que les juges ne savent pas avec certitude lequel des deux hommes serait le père biologique). Le refus de transcription complète était fondé sur le constat que « les faits déclarés [dans l’acte de naissance de l’enfant] ne correspondaient pas à la réalité biologique de l’enfant ». La cour d’appel avait en outre affirmé que « le refus de transcription de la filiation paternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique prohibée » et elle avait rejeté toute atteinte disproportionnée au respect de la vie familiale « dès lors que l’accueil de l’enfant au sein du foyer constitué par son père et son compagnon n’est pas remis en cause par les autorités françaises et que ce dernier aura la possibilité de créer un lien de filiation avec l’enfant par un biais autre que la transcription, n’étant pas établi que la voie de l’adoption serait fermée au motif qu’il figure dans l’acte de naissance comme parent ». Elle avait en conséquence écarté toute violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il convient de préciser immédiatement que la cour d’appel de Rennes a statué le 13 mai 2019. Depuis, les temps ont changé et c’est donc sans surprise que la Cour de cassation, au visa, désormais classique en la matière, des articles 3-1 de la CIDE, 8 de la Convention européenne et 47 du code civil, a cassé sans renvoi l’arrêt d’appel ce qui aboutit à ordonner une transcription complète de l’acte de naissance canadien sur les registres français.

Cette solution était en effet totalement prévisible au regard de l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, en quelques années, a permis puis facilité la transcription de l’acte de naissance de l’enfant issu d’une GPA régulièrement réalisée à l’étranger (sur cette évolution, qui a déjà été retracée dans ces colonnes, v. Dalloz actualité, 12 nov. 2020, L. Gareil-Sutter, préc.).

Du reste, la Cour de cassation ayant opté pour une motivation enrichie, l’arrêt fait lui-même référence aux précédents rendus sur la question. Les juges rappellent ainsi, pêle-mêle, la salve d’arrêts du 5 juillet 2017 (§ 12 ; Civ. 1re, 5 juill. 2017, nos 15-28.597, 16-16.901, 16-50.025 et 16-16.455 ; v. not. Dalloz actualité, 6 juill. 2017, art. T. Coustet ; D. 2017. 1737, note H. Fulchiron ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2018. 528, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 641, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2017. 482 ; ibid. 375, point de vue F. Chénedé ; ibid. 643, Pratique P. Salvage-Gerest ; Rev. crit. DIP 2018. 143, note S. Bollée ), la jurisprudence postérieure de l’assemblée plénière du 4 octobre 2019 (§ 10 et 13 ; Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19.053, Dalloz actualité, 8 oct. 2019, art. T. Coustet ; D. 2019. 2228, et les obs., note H. Fulchiron et C. Bidaud ; ibid. 1985, édito. G. Loiseau ; ibid. 2000, point de vue J. Guillaumé ; ibid. 2423, point de vue T. Perroud ; ibid. 2020. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 677, obs. P. Hilt ; ibid. 843, obs. RÉGINE ; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1696, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; JA 2019, n° 610, p. 11, obs. X. Delpech ; AJ fam. 2019. 592, obs. J. Houssier , obs. G. Kessler ; ibid. 481, point de vue L. Brunet ; ibid. 487, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2019. 817, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 841, obs. A.-M. Leroyer ; ibid. 2020. 459, obs. N. Cayrol  ; JCP 2019, n° 1184, note A. Gouttenoire et F. Sudre ; Dr. fam. 2019, n° 261, note J.-R. Binet) rendu après avis de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, avis, 10 avr. 2019, n° P16-2018-001, Dalloz actualité, 19 avr. 2019, obs. T. Coustet ; D. 2019. 1084, note H. Fulchiron  ; ibid. 1016, obs. S. Clavel ; AJDA 2019. 788 ; ibid. 1803, chron. L. Burgorgue-Larsen ; AJ fam. 2019. 289, obs. P. Salvage-Gerest ; ibid. 233, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2019. 286, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 307, obs. A.-M. Leroyer  ; JCP 2019. 551, note F. Sudre et A. Gouttenoire ; RJPF 2019, n° 5, note M.-C. Le Boursicot) et enfin les deux arrêts du 18 décembre 2019 (§ 11 et 14 ; Civ. 1re, 18 déc. 2019, nos 18-12.327 et 18-11.815, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, art. T. Coustet ; D. 2020. 426, note S. Paricard ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 843, obs. RÉGINE ; AJ fam. 2020. 131 ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer ) rendus dans des circonstances similaires à la présente espèce (couple d’hommes ayant eu recours à une GPA à l’étranger et dont les noms figuraient sur l’acte de naissance de l’enfant).

On nous permettra de trouver que l’articulation de ces décisions telle qu’elle est présentée dans l’arrêt n’est pas des plus limpides, en particulier quant à la portée des arrêts du 5 juillet 2017 (préc.). Il reste que la Cour de cassation reprend ici au mot près le raisonnement mené dans les arrêts du 18 décembre 2019 (préc.). Simplement, intégrant dans sa démonstration la solution dégagée par ces arrêts, elle affirme qu’ils ont conduit à « une évolution de la jurisprudence en ce sens qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, ni celle que cet acte désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du code civil » (§ 14). La Cour de cassation inscrit donc l’arrêt sous examen dans le droit prolongement des solutions dégagées onze mois auparavant.

Or il semblait bien acquis depuis les arrêts du 18 décembre 2019 (préc.) que, alors que la loi française prohibe toujours le recours à la gestation pour autrui (C. civ., art. 16-7 : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle »), l’acte de naissance d’un enfant issu d’une telle procréation, dès lors qu’il est régulier au regard du pays dans lequel elle a eu lieu, pourra être transcrit sans difficulté en France, y compris s’il désigne les parents d’intention comme parents juridiques de l’enfant.

La question qui subsistait était celle de savoir si la transcription devait désormais être considérée comme une solution exceptionnelle, comme une solution parmi d’autres ou comme le principe.

À s’en tenir à l’avis de la Cour européenne (CEDH, avis, 10 avr. 2019, préc.), la réponse est très nette : en raison de l’importante marge d’appréciation reconnue aux États, la Cour pose une obligation de résultat – reconnaître le lien entre l’enfant et la mère d’intention au plus tard lorsque celui-ci s’est concrétisé – mais laisse chaque État libre de déterminer les moyens pour y parvenir, la transcription étant un moyen parmi d’autres (ibid. § 53). Si on s’attarde sur l’arrêt de l’assemblée plénière (Cass., ass. plén., 4 oct. 2019, préc.), on ne peut que souligner les circonstances exceptionnelles (durée de la procédure, refus de la mère de demander l’adoption et enfants devenues majeures) sur lesquelles les juges se sont fondés pour privilégier la transcription. On pourrait enfin souligner que, dans les arrêts du 18 décembre 2019 (préc.), comme dans l’arrêt sous examen, la Cour de cassation affirme que le refus d’une transcription totale décidée dans les arrêts de 2017 (Civ. 1re, 5 juill. 2017, préc.) « ne peut trouver application lorsque l’introduction d’une procédure d’adoption s’avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés ». On aurait pu conclure de ce qui précède que la transcription gardait un caractère « exceptionnel ».

Pourtant, ni dans les arrêts de décembre 2019 (préc.) ni dans l’arrêt sous examen, qui ont tous abouti à une transcription complète, la Cour de cassation ne semble chercher à caractériser le caractère exceptionnel de la situation ou l’impossibilité de l’adoption ou son caractère inopportun dans l’espèce considérée.

En effet, dans l’arrêt sous examen, après avoir rappelé les motifs de la cour d’appel ayant amené les juges à refuser la transcription, la Cour de cassation affirme de façon lapidaire, comme dans les arrêts du 18 décembre 2019 (préc.) : « En statuant ainsi, alors que, saisie d’une demande de transcription d’un acte de l’état civil étranger, elle constatait que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi conformément au droit de l’État de Colombie britannique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». La Cour de cassation ne relève donc nullement les raisons pour lesquelles la solution de la transcription s’imposerait alors même que, dans la troisième branche de son moyen – non reproduite dans l’arrêt –, le couple tentait manifestement de démontrer la particularité de sa situation. En outre, ce couple ne semblant pas être marié, cela aurait suffi à « légitimer » le recours à la transcription, toute adoption de l’enfant du conjoint étant alors exclue. Enfin, la cour d’appel de Rennes évoquait également, en l’écartant toutefois, l’obstacle éventuel lié au fait que l’acte de naissance faisait figurer le nom du père d’intention ce qui rendrait impossible l’adoption plénière de sa part. Rien de tout cela n’est évoqué dans les motifs de la Cour de cassation.

Il semble donc bien que la transcription totale soit véritablement le principe dès lors que l’acte est régulier au regard des règles juridiques du pays dans lequel elle a eu lieu. Cela avait été pressenti après les arrêts du 18 décembre 2019 (préc. ; v. J.-R. Binet, GPA : les digues cèdent en France, Dr. fam. 2020, comm. n° 39, qui évoque une autonomisation de l’action aux fins de transcription de l’acte de naissance ; égal. A. Gouttenoire, obs. ss Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-12.327, D. 2020. 1696 ). Cela nous semble pleinement confirmé par l’arrêt sous examen.

La Cour de cassation acte ainsi un peu plus ce qu’on a pu appeler « le schisme entre loi et jurisprudence » (S. Paricard, La transcription totale des actes étrangers des enfants nés d’une GPA : un schisme entre loi et jurisprudence, D. 2020. 426 ). Et, même si certains font de la résistance (v. not. l’amendement au projet de loi relatif à la bioéthique, proposé par B. Retailleau et adopté par le Sénat en début d’année, visant précisément à interdire une telle transcription complète), il n’est pas certain que le schisme ne perdure pas au-delà de la réforme des lois bioéthiques tant le législateur, comme le note ce même auteur, « semble, en effet, être sourd à cette jurisprudence qu’il n’entend ni consacrer ni combattre, bienheureux, semble-t-il, que les magistrats gèrent un sujet aussi politiquement clivant » (S. Paricard, art. préc.).

La solution viendra peut-être de la Conférence de La Haye de droit international privé, qui, dans le cadre de ses travaux sur le projet « Filiation/Maternité de substitution » ; v. égal. Bureau permanent de la HCCH, GPA et Conférence de La Haye, AJ fam. 2018. 575), pourrait proposer des solutions pour une approche plus cohérente de ce tourisme procréatif. En effet, on rappellera que l’une de ses missions consiste en l’élaboration d’un « protocole consacré à la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères en matière de filiation rendues à la suite de conventions de maternité de substitution à caractère international ».

Affaire (encore) à suivre…

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par Amélie Panetle 2 décembre 2020

Civ. 1re, 4 nov. 2020, FS-P+B, n° 19-18.280

M. K…, né au Bénin en 1997, a introduit une action déclaratoire de nationalité fondée sur son lien de filiation paternelle et la double naissance en France de son père et de son grand-père. La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 26 février 2019, a dit qu’il n’était pas français, estimant que la preuve de la qualité d’originaire du territoire français d’outre-mer du Dahomey du grand-père paternel de M. K… n’était pas démontrée, en l’absence d’acte de naissance probant pour le grand-père. Elle a retenu que le jugement supplétif d’acte de naissance produit par M. K… pour justifier du lieu de naissance de son grand-père ne remplissait pas les conditions posées par la Convention franco-béninoise pour la reconnaissance des décisions rendues en matière civile, et qu’aucun élément apporté ne permettait de suppléer l’absence d’acte de naissance.

M. K… se pourvoit alors en cassation. Il soutient que la preuve du lieu de...

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Une société établie au Royaume-Uni est propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété situé en Autriche. Elle loue cet appartement à des vacanciers.

Un autre copropriétaire conteste devant un juge autrichien la possibilité de ce type de location, qui serait selon lui contraire à l’affectation de l’immeuble.

La compétence du juge est contestée. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est alors saisie de deux questions préjudicielles qui lui permettent de se prononcer sur les règles de compétence applicables dans une telle situation. Son arrêt du 11 novembre 2020, rédigé dans un style clair et concis et qui emporte la conviction, envisage deux qualifications, selon que l’on considère qu’il s’agit d’une action en matière de droits réels immobiliers ou d’une action contractuelle.

1. La première qualification résulte des dispositions de l’article 24, point 1, du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale : en matière de droits réels immobiliers (et de baux d’immeubles), sont seules compétentes les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé, sans considération de domicile des parties.

La jurisprudence est régulièrement appelée à se prononcer sur la portée de ces dispositions. Il est ainsi acquis que cette compétence englobe non pas l’ensemble des actions qui concernent des droits réels immobiliers, mais seulement celles qui, tout à la fois, entrent dans le champ d’application de ce règlement et tendent, d’une part, à déterminer...

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Par un arrêté du 20 novembre 2020, le ministre de la Justice a signé un arrêté (JUST2030158A) relatif à la signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile. Cet arrêt offre le cadre technique de la signature électronique de ces décisions et pourrait préfigurer celui nécessaire au développement du dossier pénal numérique.

Un grand pas pour la justice civile

Le contexte

L’arrêté du 20 novembre 2020 intervient notamment dans le cadre du règlement (UE) 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et de la décision d’exécution (UE) 2015/1506 de la commission du 8 septembre 2015 établissant les spécifications relatives aux formats des signatures électroniques avancées et des cachets électroniques avancés devant être reconnus par les organismes du secteur public visés à l’article 27, § 5, et à l’article 37, § 5, du règlement 910/2014 précité.

Il est par ailleurs pris au visa des articles 1366 et 1367 du code civil qui prévoient notamment que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier et qui fixe le cadre de l’identification de l’auteur de la signature électronique, de l’article R. 123-5 du code de l’organisation judiciaire relatif à la tenue du registre des délibérations, de l’article 456 du code de procédure civile prévoyant que le jugement peut être établi sur support électronique, ainsi que du décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l’application des articles 9, 10 et 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

Le contenu

Le texte prévoit notamment que tout procédé utilisé pour apposer une signature électronique sur les décisions juridictionnelles mentionnées à l’article 456 du code de procédure civile met en œuvre une signature électronique qualifiée au sens du règlement européen 910/2014 susvisé.

Il s’appuie sur un dispositif de création de signature qualifiée et de certificat qualifié reposant sur l’identification de l’agent sécurisée par la combinaison d’un dispositif d’identification strictement personnel et d’un mot de passe.

Ainsi, la signature électronique contient l’identification du signataire, un jeton d’horodatage garantissant l’intégrité du document et la date de signature et un certificat de signature électronique qualifié et valide, délivré par le ministère de la Justice. Par ailleurs, la signature électronique de la décision juridictionnelle contient la liste des certificats révoqués de l’autorité de certification qui a émis le certificat électronique identifiant le signataire. Cette signature électronique de la décision juridictionnelle garantit que toute modification ultérieure du document est détectable et la signature effectuée sur la base d’un certificat dont la révocation a été demandée est nulle même si la publication de ce certificat sur la liste des certificats révoqués n’est pas encore intervenue.

L’arrêté prévoit que les formats de signature reconnus sont ceux mentionnés en annexe de la décision d’exécution 2015/1506 de la Commission susvisée respectant les exigences des articles 1er et 2 de cette décision.

Enfin, le texte indique que la décision juridictionnelle signée électroniquement est conservée dans un minutier électronique placé sous la responsabilité du directeur du greffe pendant les durées d’utilisation comme archives courantes et de conservation comme archives intermédiaires prévues à l’article R. 212-13 du code du patrimoine. Pendant ces durées, ce minutier garantit l’accessibilité, la lisibilité, l’intégrité, la sécurité et la confidentialité des décisions juridictionnelles signées électroniquement.

Il est prévu que, dans un délai maximum de trois ans à compter de sa signature, la décision juridictionnelle signée électroniquement est transférée automatiquement dans un système d’archivage électronique sécurisé. Celui-ci permet d’étendre la fiabilité des signatures électroniques qualifiées au-delà de la période de validité technologique par les quatre moyens suivants :

• l’identification de chaque décision juridictionnelle signée électroniquement par une empreinte électronique, garantissant que toute modification ultérieure de la pièce à laquelle elle est attachée soit détectable ;

• la traçabilité des opérations de consultation, de versement, de migration, d’effacement et d’extraction ;

• la traçabilité des opérations de migration requises pour assurer la lisibilité dans le temps de la décision juridictionnelle sous format numérique, afin de prouver qu’elles ne constituent pas une altération de son contenu ou de sa forme. Après la migration, le système d’archivage électronique génère une nouvelle empreinte électronique de la décision juridictionnelle sous format numérique ;

• la conservation des empreintes et des traces générées en application des alinéas précédents aussi longtemps que la décision juridictionnelle sous format numérique à laquelle elles se rattachent et dans des conditions ne permettant pas leur modification.

Une étape importante de la digitalisation de la justice

Cet arrêté constitue une étape importante dans la digitalisation de la justice civile. En effet, ce processus de signature électronique permet l’édition de décisions civiles (tribunaux judiciaires, conseils de prud’hommes et cour d’appel, à l’exclusion à l’heure actuelle des tribunaux de commerce, qui disposent d’une autonomie certaine) sans qu’il soit nécessaire de les imprimer, de les signer manuellement puis de les numériser pour notification et archivage.

Il fait écho à l’arrêté du 18 octobre 2013 relatif à la signature électronique des décisions de justice rendues en matière civile par la Cour de cassation (le premier arrêt signé électroniquement date du 13 octobre 2013) et à l’arrêté du 9 avril 2019 relatif à la signature électronique des décisions rendues par les tribunaux de commerce (v. Y. Broussole, Les principales dispositions de l’arrêté du 9 avril 2019 relatif à la signature électronique des décisions rendues par les tribunaux de commerce, LPA 20 sept. 2019, n° 147, p. 12).

Ce processus engendrera donc nécessairement des gains de temps, mais également de lisibilité en regard de la mise en œuvre de l’open data. Il doit également permettre de simplifier les formalités de notification et pour les avocats de gestion du courrier et de leurs archives.

Il s’appuie sur un dispositif d’authentification de la signature électronique normalisé au niveau européen permettant également de favoriser la sécurité et la fiabilité des décisions et leur reconnaissance mutuelle notamment au sein de l’Union européenne en vertu de l’article 81 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il faut toutefois tenir compte du fait que la mise en œuvre juridictionnelle effective de cet arrêté nécessitera encore un certain temps. En effet, à l’instar de la situation dans les tribunaux de commerce, qui devraient pouvoir appliquer ce dispositif dans le courant du premier semestre 2021, un temps d’adaptation technique et pratique s’avérant nécessaire pour traduire sur le plan opérationnel l’ensemble des mesures arrêtées selon un schéma directeur bien structuré dans son principe. Souhaitons que la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel puisse intervenir à bref délai.

Un horizon pour la justice pénale ?

Ce dispositif peut naturellement préfigurer sa mise en œuvre en matière pénale dans le cadre du dossier pénal numérique tel que prévu par le décret n° 2020-767 du 23 juin 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « dossier pénal numérique ».

Ce décret permet une transition du dossier pénal numérique par voie de dématérialisation, en cours, à une procédure exclusivement numérique permettant l’édition des actes de procédure sous une forme exclusivement numérique.

En effet, ce chantier majeur que nous appelons de nos vœux de longue date (T. Cassuto, La signature électronique en matière pénale : révolution en suspens ou rendez-vous manqué ?,  AJ pénal 2017. 490 ) avance sur un autre rythme compte tenu notamment des contraintes liées à la protection des données personnelles. Ainsi, il peut être souligné que le décret du 23 juin a été pris au visa du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 dit RGPD et de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 qui l’accompagne relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données.

Ce décret, pris après les avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en date du 12 mars 2020 et du comité technique spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires en date du 15 mai 2020 instaure donc le cadre général du contenant futur des procédures pénales.

Certains pays se sont déjà dotés de tels outils et il ne saurait être contesté qu’un tel dossier pénal numérique présente de très nombreux intérêts tant pour les professionnels de la justice (T. Cassuto, Objectiver la preuve grâce au numérique, Revue justice actualités n° 21, juin 2019, p. 134) que pour les justiciables.

Il doit permettre d’alléger les tâches de traitement des procédures, notamment de manutention, d’améliorer la qualité des procédures, la conservation de la qualité des preuves, notamment des images recueillies, et par conséquent leur efficacité et leur célérité. En effet, en libérant des énergies et des ressources, il permet d’envisager un traitement accéléré des procédures dans un environnement plus sûr, singulièrement dans le contexte sanitaire que nous connaissons.

Au-delà, il pourrait permettre de favoriser le traitement de situation complexe nécessitant par exemple des recoupements d’informations (meurtres en série, activités d’organisations terroristes protéiformes, délinquance financière et traitement des avoirs criminels, etc.).

Il demeure que l’architecture du dossier pénal numérique doit encore être complétée afin de garantir l’interopérabilité des services, la sécurité des procédures et l’authentification des actes. À cet égard, le recours à un procédé d’authentification et de certification robuste des signatures concourra certainement à renforcer la nécessité de disposer d’un niveau de sécurité des plus élevés outre celle d’une protection de l’intégrité de l’ensemble de la procédure.

Ainsi, les progrès réalisés en matière civile doivent servir d’accélérateur de la modernisation de la procédure pénale numérique qui appelle à être parachevée au plus vite afin d’assurer sa mise en œuvre effective au plus vite.

Vers une accélération de la digitalisation des systèmes et de leur interopérabilité dans le cadre de la coopération judiciaire européenne

L’accélération nécessaire de la modernisation électronique des procédures civiles et pénales pourrait être favorisée par le cadre général européen appelé à se développer notamment sous l’impulsion de la Commission européenne. En effet, le 27 mai 2020, dans sa communication L’heure de l’Europe : réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération (COM[2020]456 final), la Commission soulignait l’importance de la digitalisation de la justice comme source d’amélioration de l’accès à la justice et le fonctionnement de l’environnement des entreprises.

Sur cette base, le 30 juillet 2020 (Feuille de route – Ares[2020]4029305), la Commission avait arrêté une feuille de route mettant en évidence la problématique de procédure judiciaire essentiellement papier et utilisant des modes de transmission affectant l’accès à la justice au préjudice des citoyens et des entreprises, et ce d’autant plus dans un environnement dégradé du fait de la crise sanitaire (v. The 2020 EU Justice scoreboard). Il est souligné en particulier les réticences au changement. Dans cette feuille de route, il est mis en évidence que la digitalisation de la justice est une condition importante pour améliorer la qualité des systèmes judiciaires en matière civile et pénale, notamment dans un contexte de criminalité transnational, ainsi qu’a pu le constater Europol.

La Commission a ainsi lancé une consultation devant conduire à l’adoption d’une communication sur la digitalisation de la justice qui devrait être présentée le 2 décembre 2020 dont l’objectif annoncé est notamment d’accélérer la digitalisation des systèmes et leur interopérabilité dans le cadre de la coopération judiciaire qui constitue la base juridique de l’action de l’Union européenne.

Il peut être souligné que la Commission saisit l’opportunité de cette démarche pour intégrer les avancées de l’intelligence artificielle (IA) et de la blockchain dont la mise en œuvre raisonnée pourrait apporter des solutions utiles. En effet, il dessine progressivement un consensus sur l’intérêt de l’IA comme outil susceptible de contribuer au fonctionnement de la justice, non certes en vue d’une autonomisation de la prise de décision, mais dans l’assistance à son élaboration (nonobstant sa mise en œuvre effective dans les cabinets d’avocat au moyen d’outils dédiés). Ces évolutions pourront bénéficier de la promotion d’un encadrement juridique de l’IA par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

D’un trait de jargon ampoulé, et qui ne s’encombre pas de grammaire, la présidente annonce « l’unique dossier dont s’agit ce jour », mais n’enchaîne sur rien. Elle passe en revue la salle d’audience d’un œil noir surmonté d’un sourcil en accent circonflexe. Les avocats échangent des regards désemparés, inspectent soigneusement rabats et épitoges, puis se tournent vers les bancs du public, il est vrai singulièrement combles pour la période. Ce n’est pas le problème : les parties civiles ont pris place du côté des prévenus, et inversement. On va sans doute avoir un petit souci de gestes barrières : « Les personnes font attention de ne pas se croiser de trop près ! », commande-t-elle en pure perte au ballet si invraisemblablement brouillon que c’en est comique.

Comique, le dossier l’est moins. Un dimanche de janvier 2014, Vivien embarque son pote Baptiste pour une virée dans sa nouvelle voiture, une citadine survitaminée (200 chevaux) acquise cinq jours et 450 km plus tôt. Monotone, la départementale de l’Essonne est ponctuellement égayée par de grandes courbes. C’est dans l’une d’elles que l’arrière décroche brusquement. Devenue incontrôlable, la voiture percute celle de Sylvie, qui roule en sens inverse, et termine sa course en plein champ, quasiment coupée en deux par la violence du choc. La ceinture de Baptiste rompt : projeté à plus de 20 m de la carcasse, il décède peu après, sur les lieux, à 24 ans. Les ITT des deux autres se comptent en mois. Les dépistages sont négatifs, mais une caméra de surveillance, 200 m en amont, permet d’estimer à 140 km/h la vitesse de Vivien. Initialement prévenu, ce dernier est relaxé en 2016 par le tribunal correctionnel (conformément aux réquisitions du ministère public), même si un renvoi sur intérêts civils est toujours pendant.

Pour comprendre, il faut remonter au printemps 2013. Accidentée par un précédent propriétaire, la voiture atterrit chez un épaviste. Arnaud, chauffeur poids lourd salarié d’une entreprise de négoce automobile, passe par là, la trouve « magnifique, quasiment neuve » et s’en porte acquéreur, moyennant 4 000 €. Il sait qu’elle fait l’objet d’une procédure « véhicule endommagé » (VE). Concrètement, le certificat d’immatriculation est bloqué en préfecture, et seul un expert en automobile peut obtenir la mainlevée de la mesure, après avoir soigneusement suivi et contrôlé les travaux de remise en état. Arnaud bricole la voiture lui-même, dans son pavillon, avec des pièces d’occasion. Il fait quelques balades avec, mais lorsqu’il demande des devis d’assurance, c’est la douche froide : il n’a pas les moyens.

Il la revend 8 000 € à son patron, Franck. Qui la cède à son tour à Vivien, pour 10 000 €, par l’intermédiaire d’un garage prête-nom, une coquille vide. C’est Alexandre, un expert soupçonné d’avoir été peu contrariant, qui permet ce tour de passe-passe en donnant son feu vert à la préfecture. Pris de panique à la suite de l’accident mortel, il tente dans un second temps d’étoffer son maigre dossier, en moissonnant fausses attestations, fausses factures et photos qualifiées de « douteuses ». Arnaud le bricoleur, Franck le patron et Alexandre l’expert sont nos trois prévenus du jour. Ils sont poursuivis, notamment, pour homicide involontaire, blessures involontaires, escroquerie en réunion, établissement et usage de faux certificat, mise en danger…

En première instance, en comparution immédiate (!), tous trois sont partiellement relaxés, notamment du chef de mise en danger (conformément aux réquisitions du parquet). Mais écopent pour le surplus de peines mixtes (jusqu’à quatre ans dont deux ferme), d’amendes, et d’interdictions professionnelles définitives assorties de l’exécution provisoire. Sur les bancs des parties civiles, Vivien le conducteur et plusieurs membres de la famille de feu son passager Baptiste font bloc, et sont même représentés par un seul et même avocat. Depuis des années maintenant, les deux camps s’envoient dans les dents des expertises admirablement contradictoires (le dossier en compte sept). Deux d’entre elles, judiciaires, retiendront particulièrement notre attention.

La première remonte à 2016. Elle conclut que le mauvais serrage du train arrière d’occasion peut avoir provoqué l’accident et que la mauvaise soudure des ailes arrière (il est même question d’un « simple collage ») peut en avoir aggravé les conséquences. Chose rare, on peut assister aux opérations, puisque les caméras d’une émission de « télévision gyrophare » sont justement à l’époque en immersion au sein du service enquêteur. Sur les images, on voit effectivement un expert judiciaire. Les mains dans les poches, il répond aux questions de l’équipe de tournage, tandis qu’un mécanicien s’affaire à désolidariser ce qu’il reste du fameux train arrière de l’informe amas de tôle froissée. Au moment d’achever l’opération, le mécano lance benoîtement une phrase du genre : « Ben dis donc, c’était pas très serré. » Puis un pilote d’essai de la marque passe dans la courbe avec une voiture identique, mais flambant neuve : ô surprise, il ne termine pas dans le champ à son tour. Tout cela semble peu probant, mais n’empêche pas un aréopage d’enquêteurs de se presser au micro. Faisant écho au bandeau criard du bas de l’écran, ils évoquent avec assurance, qui « une vraie épave », qui « un cercueil ambulant ».

L’autre expertise importante est la dernière en date, facturée cinquante-six mille euros. Elle n’est pas triste non plus, d’autant que l’épave a malencontreusement été égarée dans l’intervalle. Les deux experts ont pris une voiture identique, en ont desserré le train arrière au pifomètre, et l’ont lancée à deux ou trois reprises sur un parcours en plots de chantier reproduisant sur circuit le rayon de la funeste courbe, sans que le conducteur perde le contrôle. Leurs conclusions sont diamétralement opposées aux premières : elles mettent le serrage du train arrière hors de cause, considérant qu’il n’a pu bouger « en dehors des limites du constructeur », et concédant tout juste un éventuel « microbraquage », d’un angle de l’ordre du tiers de degré. Nous voici donc bien avancés.

Les experts ont fait des pieds et des mains pour venir déposer en personne, ce qui est rare hors assises. Ils concèdent que « les ailes auraient pu un jour se dessouder, constituer une partie saillante et blesser un piéton », comme le train arrière d’ailleurs : « à terme, ça aurait pu rompre ». Mais ils affirment qu’aucun de ces défauts ne peut avoir eu la moindre conséquence « dans ces circonstances précises » : « Aucune voiture ne peut tout simplement résister à un choc à une vitesse cumulée de 200 km/h. » Arnaud, le bricoleur, explique à la barre que, « pour moi, j’ai effectué les travaux correctement » et ajoute : « Ce qui est triste, c’est qu’une personne soit morte, mais je ne me sens pas responsable. » On passe à Franck, le patron. Il a un temps déclaré, sur procès-verbal, que, « si je lui avais dit pour la procédure, ça l’aurait refroidi. Si on devait prévenir le client à chaque fois, on ne vendrait jamais aucun véhicule ». Mais il affirme maintenant avoir clairement informé Vivien (qui a lui aussi changé à plusieurs reprises de version sur ce point) des antécédents de la voiture. L’avocate générale se lance :

— Vous dites que la mention figurait sur le bon de commande et la facture…

— Oui, je n‘avais pas beaucoup de place, et je ne savais pas quoi mettre, alors j’ai marqué « procédure expert ».

— Et pourquoi ne rien avoir précisé sur le certificat de cession ?

— Parce qu’il n’y avait pas d’emplacement.

— Mais rien n’interdit, une fois qu’on a imprimé le document, de prendre sa petite menotte et d’ajouter une mention.

— Je ne savais pas si on avait le droit.

— Je ne pense pas qu’on vous aurait poursuivi pour cela.

Alexandre, l’expert, explique que, « si j’ai signé, pour moi, c’est qu’il n’y avait pas de problème ». Quasiment toutes ses réponses débutent par le même laïus (« Conformément à l’article X de la circulaire Y […] »), ce qui exaspère manifestement le tribunal. Il concède finalement que « le rapport que j’ai transmis à la préfecture était entaché d’erreurs ». « On met au moins “erreurs” au pluriel, vous nous accordez cela ? », demande la présidente à Alexandre, qui concède. Il raconte enfin que « quand les gendarmes m’appellent, je prends le dossier, je vois qu’il manque des pièces, et je panique ».

De son côté, Vivien raconte que, « depuis tout ça, je n’ai plus confiance en moi, j’ai tout le temps l’impression qu’on me trompe. Je veux que ces trois personnes prennent la culpabilité que j’ai sur moi ». L’avocate générale indique pour sa part qu’elle entend solliciter une requalification de l’escroquerie : elle penche pour une tromperie aggravée sur les qualités substantielles de la chose vendue du code de la consommation (art. L. 454-3), même si l’un des trois coprévenus n’a pas vraiment agi comme professionnel. Menaçant de demander trois heures de suspension pour se plonger dans un code, l’un des avocats de la défense tonne : « J’aurais bien aimé qu’on nous en avertisse ! Ça nous met en difficulté, on se retrouve au pied du mur ! » Imperturbable, l’avocate générale rétorque : « Il faut bien que les débats servent à quelque chose ».

Un avocat des parties civiles se lance dans une plaidoirie un peu décalée : « Les Anglo-Saxons disent que “la preuve du cake, c’est qu’on le mange”. Eh bien, la preuve qu’il y avait un problème avec cette voiture, c’est qu’elle est sortie de la route. » Il invoque Coluche : « C’est l’histoire d’un mec qui a perdu ses clés, et les cherche au pied d’un réverbère. Pas parce qu’il les a perdues là, mais parce que c’est le seul endroit éclairé de la rue. Cet “effet réverbère” est un biais méthodologique qui résume bien [le travail des experts], puisqu’ils n’avaient plus ni le train arrière ni la voiture. » La plaidoirie suivante est sur la même ligne : « C’est exactement comme faire une autopsie sur un corps qui n’est pas le bon. »

Avant de requérir sa fameuse requalification, et finalement les mêmes peines qu’en première instance, l’avocate générale consacre plusieurs minutes à déplorer la relaxe, devenue définitive depuis un bail, de Vivien, le conducteur : « J’aurais préféré qu’il y ait un appel du parquet [sur ce volet], mais c’est lui qui a requis la relaxe, pour que la cour ait une vision d’ensemble du dossier. Si vous ne reteniez pas l’homicide involontaire et les blessures involontaires, il n’y aurait [pénalement] plus aucun responsable pour cette mort et ces blessures ! » Un avocat de la défense s’en prend à l’un de ses confrères adverses : « On n’est pas là pour faire exclusivement de l’émotion […]. Il est dans la démagogie, en voulant conforter son client [Vivien] dans l’idée qu’il n’y est pour rien, [ce qui est] faux ! ».

Le suivant prend pour cible l’avocate générale : « On n’est pas là pour condamner quelqu’un parce qu’il faut que quelqu’un soit condamné ! » C’est le conseil d’Alexandre, qui sollicite pour son client une dispense de peine, « pour qu’il puisse redevenir expert. J’ai trouvé des cas avec des centaines et même des milliers de faux, et qui ont pris une interdiction de cinq ans seulement ! » Il insiste sur le fait que, faits après coup, les faux en question n’ont pas servi à remettre la voiture en circulation, et n’ont donc aucun lien de causalité avec l’accident. Le dernier à prendre la parole est l’avocat d’Arnaud, le bricoleur. Après avoir déploré « un gâchis judiciaire », il s’interroge sur le concours de préventions : « L’homicide involontaire et les blessures involontaires ne sont jamais qu’une mise en danger dont le danger s’est réalisé. C’est une infraction non intentionnelle, OK, mais où se trouve l’obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ? » Il ne plaide quasiment que par des questions, notamment sur la tromperie : « Comment [Arnaud] peut-il vouloir tromper une personne dont il ne connaît même pas l’existence ? » Il plaide « une relaxe complète ». Délibéré à six semaines.

L’article premier élargit le champ des mesures d’alternatives aux poursuites, qui permettent au parquet de proposer des sanctions afin d’éviter un procès. Actuellement, le procureur peut déjà demander à l’auteur de réparer le dommage qu’il a causé, de se soigner, d’effectuer un stage ou de ne pas paraître dans certains lieux. En cas de non-exécution des mesures, des poursuites peuvent être engagées.

L’article rajoutera la possibilité de saisir la chose ayant servi à commettre l’infraction, l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes ou les coauteurs et l’obligation de verser une « contribution citoyenne » à une association d’aide aux victimes (jusqu’à 3 000 €). L’auteur pourra aussi être contraint de transiger avec le maire (la mesure vise les dégradations).

L’article 1erbis vise la composition pénale, plus contraignante que les alternatives aux poursuites et soumise normalement à une validation par un magistrat du siège. Le nombre maximal d’heures de travail non rémunéré passera de soixante à cent et l’article permettra d’imposer à l’auteur des faits un stage de responsabilité parentale. Il étend aux infractions contraventionnelles la procédure de validation sans juge du siège.

Déjudiciariser le TIG

L’article 2 porte sur le travail d’intérêt général (TIG). Sauf décision contraire, ce n’est plus le juge de l’application des peines qui déterminera les modalités d’exécution du TIG, mais le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Le juge restera compétent pour suspendre le délai d’exécution des TIG. C’est également le directeur du SPIP qui listera les TIG susceptibles d’être accomplis dans le département, après avis du juge. L’examen médical préalable sera supprimé, sauf cas particulier lié au condamné ou à la nature des travaux.

L’article 3 crée un dispositif d’amende forfaitaire minorée pour les contraventions de cinquième classe (montant habituel : 200 €).

L’article 3 bis étend l’obligation de dénonciation des conducteurs pour les véhicules de société, afin de combler une faille concernant les autoentrepreneurs.

Enfin, l’article 4 simplifie les règles de constat du désistement d’appel devant la cour d’assises. Concernant la chambre criminelle de la Cour de cassation, il retarde la désignation d’un conseiller rapporteur. Enfin, il harmonise la durée au cours de laquelle les demandeurs en cassation peuvent déposer leur mémoire personnel.

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) est notamment amené à intervenir « pour indemniser les dommages corporels ou matériels résultant d’accidents causés par des personnes circulant sur le sol (piétons, cyclistes, skieurs, rollers, etc.), non assurées ou inconnues …. Concernant les accidents de la circulation, le FGAO intervient lorsque la victime est titulaire d’un droit à réparation contre un tiers inconnu ou non assuré. Sont donc exclues toutes les personnes n’ayant aucun débiteur (par ex. un conducteur ayant eu un accident seul) » (A. Cayol, L’assurance automobile, in A. Cayol et R. Bigot (dir.), Le droit des assurances en tableaux, 1re éd., préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 382).

Les dommages corporels sont indemnisés sans limite devant le FGAO. En revanche, « l’indemnisation des dommages matériels « ne peut excéder par sinistre la somme de 1 220 000 € » (C. assur., art. A. 421-1-1) et seulement si certaines conditions sont réunies : toute indemnisation est exclue lorsque l’auteur du dommage est inconnu et que l’accident n’a entraîné aucune conséquence corporelle (C. assur., art. L. 421-1, I), afin de limiter les risques de fraude » (ibid.). Plus largement, le champ d’intervention du Fonds de garantie connaît certaines limites, en particulier d’un point de vue procédural, ce qui est mis en lumière par un arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la deuxième chambre civile.

En l’espèce, le propriétaire d’un véhicule a souscrit une police d’assurance automobile auprès d’une société d’assurance par avenant à effet du 4 juillet 2009. Peu de temps après, le 28 novembre 2009, ce véhicule, conduit par son propriétaire, est impliqué dans un accident de la circulation à l’occasion duquel un tiers est blessé.

Par arrêt du 11 avril 2011, après que l’enquête pénale ait révélé que le véhicule impliqué a été modifié et son moteur remplacé, le conducteur est condamné pénalement des chefs de blessures involontaires et de mise en circulation d’un véhicule non réceptionné ou non conforme à un type réceptionné.

L’assureur l’assigne en annulation du contrat d’assurance et en remboursement des indemnités versées à la victime. Dans un premier temps du procès, la demande de l’assureur est accueillie. Dans un second temps, le FGAO intervient volontairement à l’instance, devant la juridiction de renvoi.

Considérant que le Fonds de garantie n’avait pas d’intérêt à intervenir dans l’instance au titre de laquelle l’assureur poursuivait la nullité du contrat d’assurance souscrit par son assuré, la cour d’appel de Dijon a déclaré...

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Plusieurs affaires portées devant la Cour de cassation le 4 novembre 2020 permettent de revenir sur la possibilité de contrôler la conventionnalité du droit de la nationalité.

Dans la première affaire (pourvoi n° 19-15.150), il était question d’une personne née à Djibouti en 1959. La cour d’appel de Pau a constaté son extranéité, au motif que l’intéressé ne démontrait pas avoir conservé la nationalité française au moment de l’indépendance de ce territoire. L’intéressé conteste cet arrêt en soutenant que les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l’indépendance du Territoire français des Afars et des Issas (TFAI), telles qu’elles résultent de la loi du 20 juin 1977, constituent une violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cette loi soumet à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française les seules personnes originaires du TFAI, à condition de surcroît qu’elles aient établi leur domicile à la date de l’indépendance dans le territoire de la République française. S’agissant là de critères discriminatoires fondés sur l’appartenance ethnique et/ou religieuse, la cour d’appel aurait violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne.

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 19-17.559), l’intéressé était né à Pondichéry en 1956 et son action déclaratoire de nationalité en raison de sa filiation avec un père français né sur le territoire de Pondichéry et une mère née en Inde anglaise et devenue française par mariage s’était aussi soldée par un échec. La cour d’appel de Paris, en application d’un traité bilatéral conclu entre la France et l’Inde en 1962, a considéré que l’intéressé n’était pas français.

Il a alors formé un pourvoi en cassation, arguant de la violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne. En effet, le traité de 1962 établit une distinction selon que la mère ou le père a perdu la nationalité française. Cette disposition, consacrant une inégalité entre les filiations paternelle et maternelle, entre l’homme et la femme, et entre les parents, reposant sur le sexe des parents, constituerait une disposition discriminatoire portant atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Le pourvoi soutenait encore que le traité bilatéral est contraire à la fois à la Convention multilatérale des Nations unies pour toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et au protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme énonçant des droits fondamentaux tels que l’égalité entre les parents vis-à-vis de leurs enfants.

Dans les deux affaires, la Cour de cassation rejette le pourvoi, en rappelant sa jurisprudence antérieure : « La détermination, par un État, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors qu’est assuré le droit à une nationalité ». Elle confirme également que les règles du droit de la nationalité peuvent faire l’objet d’un contrôle au regard de l’article 8. Dans la première affaire, la cour d’appel avait affirmé que « les conditions d’attribution par un État de sa nationalité n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». La Cour de cassation estime que ce motif de la cour d’appel est erroné, mais surabondant, donc insusceptible d’entraîner la cassation. Dans la seconde affaire, elle retient que le moyen ne fait état d’aucune incidence concrète du traité de cession des établissements français de 1956 (et donc, du fait que l’intéressé n’a pas la qualité de Français en application du traité de 1962) sur la vie privée et familiale de l’intéressé. En outre, ce dernier n’a invoqué devant la cour d’appel ni la Convention des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ni le protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le moyen est donc nouveau et mélangé de fait, donc irrecevable. En revanche, la Cour de cassation ne semble pas exclure de manière générale un contrôle des dispositions françaises au regard des exigences posées par ces textes.

Par ces arrêts, la Cour de cassation confirme la position retenue en 2007 : la détermination, par un État, de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme dès lors qu’est assuré le droit à une nationalité (Civ. 1re, 25 avr. 2007, n° 04-17.632, D. 2007. 1343 ).

La Cour européenne de droits de l’homme (CEDH) avait fait entrer les questions de nationalité dans le champ d’application de la Convention européenne des droits de l’homme (v. not. CEDH 11 oct. 2011, n° 53124/09, Genovese c. Malte, AJ fam. 2011. 551, obs. M. Rouillard ; Rev. crit. DIP 2012. 61, étude F. Marchadier  ; 26 juin 2014, nos 65941/11 et 65192/11, Labassée c. France et Mennesson c. France, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. T. Coustet ; AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014. 1797, et les obs. , note F. Chénedé ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 1806, note L. d’Avout ; ibid. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1007, obs. REGINE ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2014. 499 ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser ; ibid. 835, obs. J.-P. Marguénaud ; 21 juin 2016, n° 76136/12, Ramadan c. Malte, Dalloz actualité, 4 juill. 2016, obs. B  Hérisset ; D. 2017. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2017. 221, note F. Marchadier ). De fait, même si la nationalité ne fait pas partie en tant que telle des droits protégés par la Convention européenne, elle constitue un élément de l’identité des personnes (donc elle relève de l’article 8 consacrant le droit au respect de la vie privée) et peut avoir des incidences sur la vie familiale de celui à qui elle est refusée ou retirée. Le jeu combiné des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme peut également conduire la CEDH à examiner les règles, étatiques ou supranationales, qui seraient potentiellement discriminatoires en matière de nationalité (comme dans l’affaire Genovese c. Malte préc.) mais aussi la mise en œuvre de ces règles (comme dans l’affaire Ramadan c. Malte préc.).

Le Conseil d’État a pris acte de cette position et a accepté d’intégrer l’article 8 de la Convention européenne dans sa jurisprudence en matière de nationalité (CE 12 déc. 2014, req. n° 367324, Associations juristes pour l’enfance et a., Dalloz actualité, 18 déc. 2014, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2015. 357 , note J. Lepoutre ; ibid. 2014. 2451 ; D. 2015. 355, et les obs. ; ibid. 352, concl. X. Domino ; ibid. 357, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 450, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 649, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 702, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2015. 53, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2015. 163, concl. X. Domino ; RTD civ. 2015. 114, obs. J. Hauser ). La Cour de cassation, à partir de 2015 (v. Civ. 1re, 9 sept. 2015, JDI 2016, n° 4, p. 16, note H. Fulchiron et A. Panet), a commencé à admettre que le droit de la nationalité puisse faire l’objet d’un contrôle au regard de l’article 8 de la Convention. Elle confirme ici cette position, mais sans conclure à une violation, faute pour les intéressés d’avoir établi une incidence concrète sur leur vie privée et familiale de leur absence de nationalité française. Si le principe du contrôle des dispositions relatives à la nationalité était déjà admis (v. égal. Civ. 1re, 19 sept. 2019, n° 18-20.782, Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1833 ; ibid. 2020. 298, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2019. 651, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2019. 835, obs. A.-M. Leroyer ), il est ici confirmé par ces deux arrêts, ainsi que deux autres rendus le même jour sur des faits similaires à la seconde affaire (pourvois nos 19-17.561 et 19-17.560, Dalloz jurisprudence).

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On connaît la différence entre l’action en nullité et l’exception de nullité, la première susceptible d’être prescrite, l’autre étant perpétuelle en vertu de l’adage issu de la coutume quae temporalia sunt ad agendum perpetua sunt, ad excipiendum. Cette différence de régime était issue d’une lecture littérale de l’article 1304 ancien du code civil ; lecture littérale d’ailleurs assez critiquée par une partie de la doctrine (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2018, p. 638, n° 568). La réforme issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est venue consacrer cette exception de nullité et son régime à travers le nouvel article 1185 du code civil (v. N. Picod, La consécration de l’exception de nullité : un second souffle pour un adage séculaire ?, D. 2020. 2076 ). Mais l’exception de nullité ne peut pas jouer en cas d’exécution du contrat : si l’exécution s’est produite, l’anéantissement rétroactif ne peut plus produire d’effets. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 novembre 2020 précise toutefois ce que l’on doit entendre par ce commencement d’exécution.

Les faits étaient assez classiques dans le contentieux contractuel. Une personne physique et une société confient en mars et en juin 2009 à un agent immobilier un mandat de recherche en vue d’acquérir un terrain sur la commune de Cadaujac contre une commission de 12 000 € à la charge de l’acquéreur. Les vendeurs de deux propriétés en indivision situés sur cette commune donnent à leur tour mandat au même agent immobilier afin de les vendre cinq jours après le dernier mandat. Par acte sous seing privé du 29 juin 2009, les vendeurs consentent à la société – puis à la personne physique qui s’y est substituée – deux promesses de vente de leurs terrains. Les vendeurs sont toutefois défaillants et un procès-verbal de carence est dressé. La vente des deux terrains est réitérée par un acte authentique du 8 octobre 2010 au profit du bénéficiaire. Le 24 avril 2014, l’agent immobilier assigne donc l’acquéreur en paiement de la somme de 24 000 € au titre de ses commissions dues en exécution des mandats de recherche. L’acquéreur oppose la nullité des mandats de recherche à l’action intentée. La demanderesse invoque une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité des mandats. La cour d’appel de Bordeaux répond alors « qu’il ne peut être retenu que M. T… a exécuté tout ou partie des obligations tirées des mandats de recherche, dès lors que Mme D… l’assigne en exécution forcée et pour le paiement de la totalité des commissions envisagées ». L’acquéreur se pourvoit en cassation en indiquant que l’exécution des mandats pouvait tout aussi bien émaner de l’agent immobilier lui-même pour ce qui concernait ses propres obligations. Le commencement d’exécution étant alors prouvé, la prescription pouvait retrouver son empire. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel pour violation de la loi. La solution est lapidaire : « le commencement d’exécution du mandat devait être apprécié indépendamment de la partie qui l’avait effectué ». Voici qui appelle plusieurs réflexions, non seulement sur le droit ancien, mais également sur le droit tel qu’issu des réformes de 2016 et de 2018.

Si le commencement d’exécution du contrat paralyse immédiatement l’exception de nullité, on peut toutefois hésiter sur les contours précis de cette notion. Or la Cour de cassation a en la matière opéré quelques rappels préalablement. Par exemple, la nature de l’obligation exécutée n’a aucune incidence pour caractériser un commencement d’exécution (Com. 13 mai 2014, n° 12-28.013, Dalloz actualité, 28 mai 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1148 ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2014. 646, obs. H. Barbier ). M. Barbier indique à ce sujet : « quant à ce que dit l’arrêt, doit être approuvée la solution selon laquelle il est indifférent au blocage de l’exception de nullité que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité » (H. Barbier, Qu’est-ce au juste qu’un « commencement d’exécution » déjouant l’exception de nullité ?, RTD civ. 2014. 646 ). En ce qui concerne la nature de l’obligation exécutée, l’indifférence est donc de mise. On comprend aisément ce constat par la mise en marche de la machine contractuelle, laquelle doit suivre son cours, peu importe l’exception avancée. L’arrêt commenté aujourd’hui se place sur le terrain de l’acteur de l’exécution. On constate ainsi la construction par la Cour de cassation d’un régime objectif du commencement d’exécution. Pour que ce dernier puisse être reconnu, il suffit que le contrat commence à produire des effets par l’exécution de l’une des parties, peu importe sa qualité. En somme, en précisant « indépendamment de la partie qui l’avait effectué », la Cour vient apporter une nouvelle pierre à l’édifice des contours d’un commencement d’exécution apprécié objectivement. La solution doit probablement être accueillie avec bienveillance car ce n’est pas tant l’exécution par celui-ci ou celui-là qui importe, mais le statut du contrat au moment du litige. C’est précisément cette recherche dans le déclenchement de l’exécution qui est intéressante. On ne procède pas à une vérification plus poussée, laquelle méconnaîtrait l’ancien article 1304 du code civil.

Quel avenir pour cette décision face à la réécriture opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 ? Il faut voir cette solution comme parfaitement entérinée par le nouvel article 1185 du code civil, lequel précise : « L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. » Ce texte ne fait pas que consacrer l’exception de nullité et notamment son caractère perpétuel, assez mystérieusement absent du code civil de 1804. Il vient apporter la confirmation d’un régime objectif du commencement d’exécution. En parlant d’un contrat « qui n’a reçu aucune exécution », le texte ne distingue pas entre les exécutions faites par l’une des parties ou par l’autre. Or, si la loi ne distingue pas, il convient donc de ne pas distinguer. L’arrêt du 12 novembre 2020 vient donc parfaitement s’insérer dans une continuité jurisprudentielle qui a fait l’objet d’une codification en 2016 qui tient plus de la consolidation que de l’innovation comme le remarque madame Picod (art. préc., plus précisément dans l’introduction). En somme, voici donc une solution bienvenue rappelant que le commencement d’exécution s’apprécie indépendamment non seulement de l’obligation exécutée elle-même mais de la qualité de la partie qui l’a exécutée.

Suivant l’arrêt du 11 avril 2013, la cour d’appel de Montpellier a prononcé la caducité d’une déclaration d’appel et a laissé les dépens de l’instance à la charge de l’appelant.

L’avocat de la société intimée introduit une requête aux fins de taxation le 20 juillet 2017. Le 26 juillet, il obtient du secrétaire de la juridiction un certificat de vérification des dépens qu’il notifie à l’appelant par lettre recommandée avec accusé de réception, le 28 juillet 2017.

L’appelant conteste ce certificat pour cause de prescription de l’action de l’avocat en recouvrement des dépens.

Par ordonnance du 27 juin 2019, l’action de l’avocat a été jugée prescrite au motif que les causes d’interruption de la prescription étant limitativement énumérées par les articles 2240 et suivants du code civil, la demande de vérification des dépens, qui n’est pas une demande en justice, et la notification du certificat de vérification des dépens, qui ne vaut pas acceptation ni reconnaissance par écrit de la dette, ne sont pas susceptibles d’interrompre la prescription extinctive.

L’appelant forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation. Ce dernier expose que le délai de prescription étant interrompu par la demande en justice, la notification du certificat de vérification des dépens, emportant acceptation par son auteur du compte vérifié, faite par lettre recommandée avec accusé de réception, avait valablement interrompu le délai de prescription de son action en recouvrement.

La question posée à la Cour de cassation était donc celle de savoir si la notification par...

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Le 22 octobre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt, destiné à une large publication, à propos d’une déclaration d’appel effectuée par voie électronique que l’appelant a voulu signifier à l’intimé non constitué – donc par voie papier. Pour répondre à la question de savoir ce qui doit alors être signifié, l’arrêt met en œuvre les articles 901, 902 et l’article 748-3 du code de procédure civile, ainsi l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique (CPVE) dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, alors en vigueur, pris pour l’application des articles 748-1 et suivants et 930-1 du code de procédure civile (Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et européen, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd., 2020/2021, chap. 273 (à paraître). ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. janv. 20]. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, nos 485 s.).

Une société fait appel du jugement d’un tribunal de commerce, nécessairement par RPVA (art. 930-1 ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, op. cit., n° 295). Il faut déduire des arguments de l’appelant et des motifs des juges que l’intimé ne constitue pas avocat dans le délai d’un mois suivant la date de l’envoi de la lettre de notification effectuée par le greffe (art. 902, al. 1er et 2) ; que, dès lors, l’appelant doit lui signifier la déclaration d’appel par voie papier (art. 902, al. 3). Faute de signification conforme, un conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel (sanction prévue par le même alinéa). L’appelant défère à la cour d’appel l’ordonnance du CME. La juridiction du second degré confirme l’ordonnance. Pour ce faire, elle estime notamment que « la déclaration d’appel émise et signée par l’avocat [de l’appelant] et remise au greffe le 5 avril 2018 à 15h57, qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018, ne constitue pas la déclaration d’appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l’article 902 du code de procédure civile » ; elle juge aussi « par motifs réputés adoptés qu’“il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de la déclaration d’appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l’acte d’appel et qu’il ne mentionne même pas la cour d’appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le numéro de la déclaration d’appel, ni la chambre de la cour à laquelle l’affaire a été distribuée, ni le numéro du dossier au répertoire général” et, par motif propre, que “ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d’un avis d’avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour et des données saisies qui lui ont été adressées...

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Un premier arrêt de cour d’appel fait l’objet d’une cassation en 2014, puis l’arrêt de la cour de renvoi est à son tour cassé en 2017 et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Pau, troisième cour à statuer sur le litige. Les choses n’étant pas suffisamment compliquées, le déclarant-saisissant régularise deux déclarations de saisine, l’une en septembre 2017 et l’autre en février 2018, jointes par la cour de renvoi. Les intimés invoquent l’irrecevabilité et la caducité des deux actes de saisine mais ne sont pas suivies par la cour d’appel de Pau. Les demanderesses au pourvoi, qui étaient les trois sociétés intimées sur les deux déclarations de saisine, reprochaient à la cour d’appel de ne pas avoir retenu la caducité de la déclaration de saisine alors que l’avocat de l’appelant, déclarant-saisissant, s’était contenté de la notifier aux deux avocats constitués avant la réception de l’avis de fixation au lieu de la signifier aux parties. Quant à la troisième société qui avait constitué après l’avis de fixation, elle faisait grief à la cour d’appel d’avoir écarté la caducité alors que l’acte de saisine n’avait pas été signifié dans le délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation mais avait été notifié à l’avocat des sociétés intimées qui s’était constitué le jour même de l’avis. La deuxième chambre civile rejette les deux moyens.

Dans le premier cas, elle juge que la cour d’appel ayant constaté qu’avant même la notification par le greffe de l’avis de fixation, l’avocat de l’appelant avait notifié la déclaration de saisine à l’avocat constitué pour les sociétés intimées, c’est par une exacte application de l’article 1037-1 du code de procédure civile qu’elle a retenu qu’il était dispensé de signifier la déclaration de saisine à ces deux sociétés, cette diligence étant devenue sans objet. Dans le second, elle estime que la cour d’appel ayant constaté que, dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation relatif à la seconde déclaration de saisine, l’avocat de l’appelant avait notifié cette déclaration à l’avocat que les sociétés avaient constitué le jour même de cet avis, c’est sans violer l’article 1037-1 du code de procédure civile qu’elle en a déduit que cette diligence le dispensait de signifier la déclaration de saisine aux sociétés, cette signification étant devenue sans objet.

On ne sait que trop, maintenant, quel sort est réservé à l’avocat de l’appelant, après qu’il a reçu l’avis du greffe d’avoir à signifier, lorsqu’il ne dénonce pas sa déclaration d’appel à l’avocat qui se constitue...

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Traitement n° 1. Le sauvetage des syndicats de copropriétaires avait débuté par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 qui renouvela les contrats de syndics échus pendant la « période juridiquement protégée », c’est-à-dire entre le 12 mars et le 24 mai 2020 (un mois après la fin de l’état d’urgence), jusqu’au 24 novembre 2020 au plus tard, soit six mois après la fin de la période juridiquement protégée (v. P.-E. Lagraulet, Traitement sur ordonnance : la copropriété est-elle sauvée ?, Dalloz actualité, 27 mars 2020 ).

Traitement n° 2. Le sauvetage s’est ensuite poursuivi et intensifié par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 qui a allongé la durée de la période juridiquement protégée (deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 juillet inclus), et prolongé la période de renouvellement des mandats. Cette ordonnance a également étendu le champ d’application aux mandats de conseillers syndicaux et précisé les modalités de calcul – prorata temporis – de la rémunération du syndic. Les mandats des deux organes du syndicat échus entre le 12 mars et le 23 juillet inclus se trouvaient alors renouvelés jusqu’au 23 janvier 2021 inclus, au plus tard (v. P.-E. Lagraulet, Ordonnance coronavirus du 22 avril 2020 : volet immobilier, Dalloz actualité, 22 avr. 2020 ).

De manière incidente, la période de renouvellement des contrats a de nouveau été modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui prolongeait la période de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. La période juridiquement protégée pour le droit de la copropriété s’en trouvait mécaniquement allongée pour s’achever le 10 septembre inclus. Les mandats de syndics et de conseillers syndicaux s’en trouvaient renouvelés jusqu’au 10 mai 2021 inclus.

Traitement n° 3. L’opération de sauvetage des copropriétés s’était achevée lors de la première phase de confinement, par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (v. P.-E. Lagraulet, Coronavirus : ultime traitement des syndicats de copropriétaires, Dalloz actualité, 26 mai 2020 ; V. aussi, du même auteur, La plasticité du droit de la copropriété, AJDI 2020. 398 ).

Le terme de la période juridiquement protégée fut, une nouvelle fois modifié, pour être fixé au 23 juillet 2020 inclus et le terme des mandats de syndic et de conseillers syndicaux renouvelés de plein droit par effet de l’ordonnance fut fixé au 31 janvier 2021.

L’ordonnance avait également élevé temporairement le nombre de voix pouvant être délégué à une seule personne à compter du 1er juin 2020 et jusqu’au 31 janvier 2021. Le seuil était augmenté à 15 % du nombre de voix du syndicat.

Surtout, l’ordonnance du 20 mai 2020 délégua aux syndics le pouvoir de convoquer des assemblées générales sans présence physique des copropriétaires. Ce pouvoir exorbitant permit aux syndics d’organiser jusqu’au 31 janvier 2021 une assemblée générale purement dématérialisée, « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification », selon les moyens et supports techniques choisis par lui lorsque l’assemblée générale ne les avait pas définis.

Il était également permis au syndic, lorsque le recours à la visioconférence ou autre moyen de communication électronique était impossible, de « prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Enfin, le gouvernement prévit que les syndics pouvaient faire application de ces dispositions aux assemblées déjà convoquées, à condition d’en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de l’assemblée par tout moyen permettant d’établir avec certitude sa date de réception.

Traitement n° 4. Autorisé par l’article 10, I, de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, le gouvernement a adopté de nouvelles mesures de gestion de la crise en faveur des copropriétés figurant à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020. Ces mesures complètent ainsi le dispositif toujours en vigueur de l’ordonnance du 25 mars 2020.

Deux mesures n’apportent pas innovation mais de simples prolongations ou rétablissements des dispositions déjà prises par les précédentes ordonnances (1). Une mesure innove toutefois en permettant au syndic de sauver une assemblée générale dont l’encéphalogramme était pourtant parfaitement plat (2).

1. Prolongation et rétablissement de dispositions déjà prises

Nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats. Dans les mêmes conditions que précédemment, les mandats de syndics et de conseillers syndicaux dont le terme est échu entre le 29 octobre et le 31 décembre 2020 inclus sont renouvelés dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau mandat, et au plus tard le 31 janvier 2021.

Prolongation des pouvoirs du syndic. Dans les mêmes conditions que précédemment, les syndics pourront décider de recourir à l’assemblée générale électronique, ou en cas d’impossibilité à la prise de décision par vote par correspondance, jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

Prolongation de l’augmentation du seuil de délégation. Dans les mêmes conditions que précédemment, un mandataire pourra recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même n’excède pas 15 % des voix du syndicat jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

2. Nouvelle mesure

Le gouvernement a adopté une mesure nouvelle, astucieuse et étonnante, complétant les mesures dérogatoires à la tenue de l’assemblée générale. Celle-ci prévoit que pour les assemblées générales « convoquées à une date comprise entre le 29 octobre 2020 » (et non dont la convocation a été adressée, la différence est importante car l’ordonnance est parue le 19 novembre, soit après qu’une partie de la période visée soit passée) et le 4 décembre 2020, le syndic peut « à tout moment, informer les copropriétaires, par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information, que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Ce système est identique à celui que l’on connaissait jusqu’alors.

La nouveauté tient en la possibilité pour le syndic de fixer « un nouveau délai de réception par le syndic des formulaires de vote par correspondance, qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la réception de ce courrier » et au plus tard au 31 janvier 2021. On se demande toutefois pourquoi seul le vote par correspondance a été retenu dans cette situation alors que tous les praticiens constatent les cruelles limites de ce système…

Quoi qu’il en soit, cette mesure paraît ainsi permettre au syndic de sauver une assemblée générale qui n’aura pu se tenir physiquement à cause du confinement décidé brutalement, et ayant rendu impossible pour le syndic de transformer l’assemblée générale en assemblée électronique ou vote par correspondance en respectant le délai de prévenance de quinze jours. Ainsi, l’assemblée non tenue, par exemple le 29 octobre 2020, pourra devenir par application de cette mesure une prise de décision par vote par correspondance intervenant avant le 31 janvier 2021. Quant à l’assemblée générale prévue dans les jours à venir, le syndic pourra reporter sa date sans respecter le délai de prévenance de quinze jours, dès lors que le délai de réception des votes est fixé 15 jours plus tard (soit après la date de l’assemblée générale).

Voici donc venue, après l’assemblée générale physique, l’assemblée générale électronique, l’assemblée générale par correspondance, l’assemblée générale ressuscitée. N’est-ce pas là un bien beau prodige médico-légal et ne serait-ce pas un formidable système à conserver à l’avenir pour sauver les assemblées convoquées hors délai de vingt-et-un jours ?!

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Pour la première fois en France, la société Bayer-Monsanto a été définitivement condamnée par la justice pour avoir commercialisé un produit jugé défectueux sur le fondement des règles issues de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998.

Alors qu’aux États-Unis, le géant de l’industrie a été condamné pour la commercialisation du Roundup, en France, c’est le Lasso qui a eu raison de lui. Que ce soit pour du glyphosate (aux États-Unis) ou du chlorobenzène (en France) la conclusion est la même : il va falloir payer !

En l’espèce, après l’ouverture d’une cuve de traitement d’un pulvérisateur, un agriculteur céréalier français a accidentellement inhalé les vapeurs d’un herbicide acquis auprès d’une coopérative agricole, commercialisé sous le nom de Lasso par la société Monsanto Agriculture France, jusqu’à son retrait du marché en 2007. Depuis 2007, il tente de faire reconnaître la responsabilité de la société Monsanto et d’obtenir réparation de ses préjudices. Il a systématiquement obtenu gain de cause devant les juridictions du fond dont la dernière a reconnu, en 2019, la responsabilité de la société sur le fondement du fait des produits défectueux prévue aux articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil.

La société Monsanto a formé un pourvoi en cassation contestant chacune des conditions de cette responsabilité dans plusieurs moyens, tous rejetés par la première chambre civile dans un arrêt du 21 octobre 2020.

La mise en circulation du produit

C’est d’abord la condition de mise en circulation que contestait le pourvoi. Il reprochait à la cour d’appel de retenir comme date de mise en circulation du produit celle de sa commercialisation par une personne qui n’en était pas le producteur, et non la date à laquelle le producteur s’en était dessaisi volontairement. En ce sens, il pose indirectement la question de la charge de la preuve de la date de commercialisation du produit.

L’article 1245-4 dispose qu’« un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation » et l’article 1245-10 que « le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve

qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ;
 que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement. »

La « mise en circulation » est une notion clé de la responsabilité du fait des produits défectueux (v., sur le sujet, J.-P. Confino, La mise en circulation dans la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, Gaz. Pal. 3 févr. 2001, n° 34, p. 2). Elle est perçue par certains comme le fait générateur de cette responsabilité et par d’autres comme une condition de la mise en œuvre du régime. D’abord, elle conditionne l’application dans le temps du dispositif qui ne s’applique qu’en présence de produits mis en circulation après le 21 mai 1998. Ensuite, elle est une des causes d’exonération par laquelle le producteur peut se libérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ou que le défaut n’existait pas au moment de celle-ci. Elle est également le point de départ du délai de prescription de dix ans prévu par l’article 1245-15. Enfin, c’est à cette date que s’apprécie le défaut de sécurité ou le risque de développement.

Le moment de la mise en circulation du produit représente donc un enjeu déterminant tant pour la victime que pour le producteur. 

Après avoir rappelé le principe de ce régime de responsabilité et son application aux produits mis en circulation après le 21 mai 1998, la Cour de cassation précise qu’aux termes de l’article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil, « un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement et ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation ». Elle confirme la décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui précise que « l’article 11 de la directive doit être interprété en ce sens qu’un produit est mis en circulation lorsqu’il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu’il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l’état offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé » (CJCE 9 févr. 2006, O’Byrne c. Sanofi Pasteur, aff. C-127/04, D. 2006. 671 ; ibid. 1259, obs. C. Nourissat ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RTD civ. 2006. 265, obs. P. Remy-Corlay ; ibid. 331, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2006. 515, obs. M. Luby ).

Elle rappelle ensuite qu’il découle du même texte « que la date de mise en circulation du produit s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie » (v. déjà en ce sens Civ. 1re, 22 nov. 2017, n° 16-24.719, RCA 2018. Comm. 33, obs. H. Groutel ; 20 sept. 2017, n° 16-19.643, Bull. civ. I, n° 193 ; D. 2017. 2279 , avis J.-P. Sudre ; ibid. 2284, note G. Viney ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RDSS 2017. 1132, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2018. 143, obs. P. Jourdain  ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 16, note C. Le Goffic).

Partant, elle reconnaît que c’est à bon droit que la cour d’appel a relevé que le produit Lasso, acquis par la victime en avril 2004, a été livré en juillet 2002 à la coopérative agricole par la société Monsanto Agriculture France, laquelle n’apporte aucun élément de preuve relatif à un stockage du produit de longue durée en son sein.

Sans assimiler la date à laquelle le produit a été livré à la coopérative à la date de sa mise en circulation, sans stockage prouvé, la date de la livraison du produit est nécessairement proche de celle à laquelle le producteur s’en est dessaisi. Et si la date précise de la mise en circulation n’est pas connue, les faits relevés permettent de la situer avec une certitude après le 21 mai 1998. Finalement, qu’importe la date exacte de mise en circulation, du moment que celle-ci a eu lieu avec certitude après l’entrée en vigueur de la loi.

L’assimilation au producteur

Le pourvoi faisait ensuite grief à l’arrêt d’assimiler la société Monsanto Agriculture France au producteur sans constater que l’emballage comportait les noms de deux autres sociétés ainsi qu’un lieu de fabrication en Belgique de telle sorte que le public ne pouvait légitimement croire que la société Monsanto Agriculture France était le producteur du produit.

La Cour de cassation était donc amenée à déterminer si la mention du nom de « Monsanto Agriculture France » était de nature à faire naître, dans l’esprit du public, la croyance que cette société était bien le producteur. 

La première chambre civile rappelle que, selon l’article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. Il en résulte que le fabricant n’est pas le seul à pouvoir revêtir la qualité de producteur. Est également producteur, celui qui se présente comme tel par le biais de mentions apposées sur le produit litigieux. 

Cette assimilation s’explique par l’apparence engendrée par de telles mentions. La conception large de la définition de « producteur » a pour but de « faciliter la tâche de la victime en lui évitant des recherches complexes sur l’identité du véritable producteur » (J.-Cl. civil, fasc. 20 ; P. Jourdain, Commentaire de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, JCP E 2008. 1204). C’est aussi « une manière de responsabiliser les professionnels qui utilisent ces moyens d’identification à titre publicitaire » (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité, 4e éd., LGDJ, 2017, n° 41, p. 67).

La mention « fabriqué en Belgique » ainsi que les mentions « Monsanto Europe SA » et « marque déposée de Monsanto Company USA » figurent sur le conditionnement du produit, l’étiquette met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja, avec la mention « un herbicide Monsanto », suivi de « siège social Monsanto Agriculture France SAS » avec l’adresse de la société à Lyon et le numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon.

La première chambre civile conclut que l’ensemble de ces éléments démontre que la société Monsanto Agriculture France se présentait comme le producteur sur l’étiquette du produit. La cour d’appel a pu en déduire qu’elle devait être assimilée au producteur, toutes ces mentions sur le produit créant une apparence.

La Cour de cassation ajoute qu’au regard des constatations des juges du fond relatives à la présentation de l’étiquette du produit, les questions préjudicielles ne sont pas utiles à la solution du litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

L’imputabilité du dommage au produit

Par ailleurs, le moyen contestait l’existence du lien de causalité entre le dommage et l’administration du produit qui aurait été seulement présumé par la cour d’appel. Les circonstances invoquées ne constitueraient pas un réseau d’indices graves, précis et concordants permettant de retenir que l’administration du produit apparaissait comme l’explication la plus plausible de la survenance du dommage.

La Cour de cassation répond qu’en vertu de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, c’est au demandeur de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Elle ajoute qu’en amont, il doit établir que le dommage est imputable au produit par tout moyen et notamment par des indices graves, précis et concordants.

La haute juridiction admet que, pour ce faire, la victime peut recourir à des présomptions de fait, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 06-10.967, Bull. civ. I, nos 147 et 149 ; Dalloz actualité, 30 mai 2008, obs. I. Gallmeister ; D. 2008. 1544 , obs. I. Gallmeister ; ibid. 2894, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RDSS 2008. 578, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2009. 200, obs. B. Bouloc  ; 20 sept. 2017, n° 16-19.643, D. 2017. 2279 , avis J.-P. Sudre ; ibid. 2284, note G. Viney ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RDSS 2017. 1132, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2018. 143, obs. P. Jourdain ).

Les juges du fond ont retenu que la victime avait acquis du Lasso le 13 avril 2004 et avait rapporté un certain nombre d’éléments de preuves qui constituaient des indices graves, précis et concordants dont il a pu être déduit l’existence d’un tel lien entre l’inhalation du produit et le dommage survenu.

En l’espèce, il incombait donc à la victime de prouver qu’elle avait inhalé le produit Lasso et que le dommage était imputable à cette inhalation. Cette exigence probatoire a été respectée.

La défectuosité du produit

Le pourvoi reprochait à la cour d’appel de ne pas justifier correctement la défectuosité du produit.

La première chambre civile rappelle que, selon l’article 1386-4, devenu 1245-3, du code civil, « un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ».

La Cour de cassation estime que la cour d’appel a pu déduire de ses constatations qu’en raison d’un étiquetage ne respectant pas la réglementation applicable et d’une absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux. 

Rappelons que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. La Cour de cassation énonce souvent l’exigence de la double preuve qui incombe à la victime qui voudrait obtenir réparation de son dommage sur le fondement de cette responsabilité. Cette exigence probatoire est directement imposée par les textes puisque l’article 1245-8 du code civil dispose que « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage » (pour une application de la règle, v. Civ. 1re, 27 juin, 2018, n° 17-17.469 P, Dalloz actualité, 27 juill. 2018, obs. A. Hacene ; D. 2018. 1439 ; RTD civ. 2018. 925, obs. P. Jourdain  ; RCA 2018, n° 253, note L. Bloch ; 4 févr. 2015, n° 13-27.505, Bull. civ. I, n° 32 ; Dalloz actualité, 24 févr. 2015, obs. A. Cayol ; D. 2015. 375 ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RTD civ. 2015. 404, obs. P. Jourdain  ; Gaz. Pal. 2015. 951, obs. P. Oudot).

Il n’existe pas de présomption de défectuosité qui découlerait de l’implication du produit dans la survenance du dommage. Si certains auteurs trouvent la charge de la preuve « sévère » (P. Le Tourneau [dir.], Droit de la responsabilité et des contrats, 11e éd., Dalloz Action, 2018-2019, n° 6313.11), celle-ci est toutefois atténuée par la dispense de la victime de démontrer que la défectuosité du produit existait au moment de sa mise en circulation (C. civ., art. 1245-10, 2°).

Le lien de causalité entre le défaut et le dommage

Le pourvoi faisait encore grief à la cour d’appel, d’une part, de ne relever aucun lien causal entre le défaut du produit, constitué par une lacune de son étiquetage, et l’inhalation du produit à l’origine du dommage allégué et, d’autre part, de retenir un lien de causalité, alors que la victime ne portait aucune protection lors de l’accident nonobstant les préconisations de l’étiquetage.

Sur le fondement de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, la Cour de cassation rappelle que c’est au demandeur qu’il revient de prouver le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage. Cette preuve peut être apportée par tout moyen et notamment par des présomptions ou indices graves, précis et concordants.

Toutefois, il n’est pas possible de déduire le lien causal de la seule implication du produit dans la réalisation du dommage (Civ. 1re, 27 juin 2018, n° 17-17.469, préc. ; 29 mai 2013, n° 12-20.903, Bull. civ. II, n° 116, Dalloz actualité, 17 juin 2013, obs. N. Kilgus ; D. 2013. 1717, obs. I. Gallmeister , note J.-S. Borghetti ; ibid. 1723, note P. Brun ; ibid. 2014. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2013. 625, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2013. 797, obs. B. Bouloc  ; 22 oct. 2009, n° 08-15.171, Dalloz actualité, 10 nov. 2009, obs. P. Guiomard ; 26 sept. 2012, n° 11-17.738, Dalloz actualité, 12 oct. 2012, obs. G. Rabu ; D. 2012. 2853, obs. I. Gallmeister , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2376, entretien C. Radé ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; RTD civ. 2013. 131, obs. P. Jourdain  ; JCP 2012, n° 1061, obs. P. Mistretta ; ibid. n° 1199, note C. Quézel-Ambrunaz ; RCA 2012. Comm. 350, obs. S. Hocquet-Berg ; CCC 2012. Comm. 273, obs. L. Leveneur).

Interrogée par la Cour de cassation par le biais d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser que « l’article 4 de la directive (attribuant à la victime la charge de la preuve des conditions de la responsabilité) doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime probatoire national tel que celui en cause au principal en vertu duquel, lorsque le juge du fond est saisi d’une action visant à mettre en cause le producteur d’un vaccin du fait d’un défaut allégué de ce dernier, il peut considérer, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont il se trouve investi à cet égard, que, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit ni n’affirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, certains éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l’existence d’un défaut du vaccin et à celle d’un lien causalité entre ce défaut et ladite maladie » (CJUE 21 juin 2017, N. W. e.a. c. Sanofi Pasteur, aff. C-621/15, Dalloz actualité, 28 juin 2017, obs. T. Coustet ; AJDA 2017. 1709, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2017. 1807 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2017. 877, obs. P. Jourdain ).

Elle admet ainsi « qu’un régime de preuve indiciaire, tel que celui retenu par la Cour de cassation, qui facilite la tâche probatoire de la victime, n’est pas incompatible avec l’article 4 en ce qu’il ne renverse pas la charge de la preuve pesant sur celle-ci » (RTD civ. 2017. 877, obs. P. Jourdain ).

Dans l’arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation constate qu’après avoir retenu, d’une part, que les troubles et le stress post-traumatique étaient imputables à l’inhalation du Lasso et, d’autre part, que ce produit était défectueux, les juges du fond ont relevé que cette inhalation était survenue accidentellement.

La notice d’information du produit ne faisant pas apparaître les informations importantes quant au maniement du produit, la cour d’appel a correctement déduit de cela l’existence d’un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci.

L’absence de cause exonératoire

Enfin, le pourvoi reprochait à la cour d’appel ne pas avoir retenu le risque de développement et le faute de la victime comme causes exonératoires.

La première chambre civile rejette les moyens considérant, d’une part, qu’en 2002, il était possible pour la société d’avoir connaissance du défaut du produit lié à l’étiquetage et, d’autre part, qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la faute de la victime – l’absence de masque de protection – et son dommage.

Finalement, des années de procédure et la remise en cause de la preuve de chacune des conditions du régime du fait des produits défectueux n’auront pas suffi à faire échapper la société Monsanto à sa responsabilité pour avoir mis en circulation un produit ne présentant pas la sécurité raisonnablement attendue.

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Le juge peut-il se fonder sur deux rapports d’expertise, l’un judiciaire et l’autre amiable, établis non contradictoirement qui ont pu être discutés au cours de l’instance ?

La première chambre civile de la Cour de cassation nous fournit des éléments de réponse dans cet arrêt du 9 septembre 2020.

Dans cette affaire, il s’agissait de désordres apparus sur des bateaux amarrés dans un port. Des expertises amiables ont été réalisées pour en déterminer l’origine. Les propriétaires et leurs assureurs ont assigné en responsabilité la commune dans laquelle était situé le port ainsi que son assureur. Le propriétaire d’un navire était ensuite intervenu volontairement à l’instance.

Au cours de l’instance, le juge de la mise en état a ordonné une expertise. Dans son rapport, l’expert a conclu que les dommages subis étaient imputables à la défectuosité de l’installation électrique du port, ayant pour origine un phénomène ou un appareil électrique à bord d’un voilier.

En appel, la commune et son assureur ont été condamnés in solidum à payer différentes sommes en réparation des désordres. La cour d’appel a pour cela jugé inopposable le rapport d’expertise judiciaire à une partie – en l’occurrence un assureur – au motif que celle-ci n’avait été ni appelée ni représentée aux opérations d’expertise, dans la mesure où elle a été attraite en la cause postérieurement au dépôt du rapport de l’expert judiciaire. La juridiction d’appel a ajouté que, s’agissant des expertises amiables réalisées à la demande des assureurs des propriétaires des navires endommagés et de la commune, les opérations ne se sont pas déroulées contradictoirement. Elle en a déduit qu’en l’absence d’autres éléments suffisamment probants, ces expertises amiables et judiciaire devaient être écartées des débats. Devant la Cour de cassation, les demandeurs avançaient que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d’expertises amiables et des décisions administratives, de sorte que le juge ne pouvait refuser de l’examiner.

La Haute juridiction censure la décision au visa de l’article 16 du code de procédure civile. Elle indique que lorsqu’une partie à laquelle un rapport d’expertise est opposé n’a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Elle ajoute qu’il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve. La Haute juridiction conclut en soulignant que ces rapports d’expertise, régulièrement versés aux débats, avaient été soumis à la libre discussion des parties et se corroboraient mutuellement.

Cette solution rappelle que des rapports d’expertise établis en méconnaissance du principe du contradictoire peuvent conserver leur force probante. Cela ne va pourtant pas de soi. Un rapport d’expertise élaboré en méconnaissance de ce grand principe du procès qu’est le contradictoire ne peut qu’inspirer une certaine méfiance, surtout si l’on considère que cette mesure d’instruction est un élément de preuve souvent décisif qui peut emporter la conviction du juge. C’est ce qui explique que le juge ne saurait fonder sa décision sur une mesure d’instruction qui n’a pas été réalisée dans le respect du contradictoire. Néanmoins, le fait que ce rapport n’ait pas été établi contradictoirement ne le condamne pas pour autant à rester lettre morte. Il peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis « à la libre discussion des parties » (Civ. 1re, 18 oct. 2005, n° 04-15.816 ; Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 05-14.333, Bull. civ. II, n° 225 ; AJDI 2007. 562 , obs. C. Denizot ; Civ. 1re, 30 janv. 2007, n° 06-11.581, D. 2008. 2820, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur ; Civ. 2e, 15 oct. 2009, n° 08-16.582). En un mot, le débat contradictoire au cours de l’instance « l’immunise contre les doutes dont son élaboration discrète a été entourée » (R. Perrot, Expertise amiable : son autorité ?, RTD civ. 2012. 769 ). Le rapport d’expertise établi non contradictoirement devient alors une pièce comme une autre susceptible d’être exploitée par le juge.

Cette position de la Cour régulatrice a pu paraître contestable en ce qu’elle réduit l’expertise au seul rapport produit à son terme alors qu’elle est avant tout un processus probatoire dont le déroulement, et non simplement l’acte qui en reprend la substance, doit être contradictoire...

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Définie classiquement comme « une fiction juridique par suite de laquelle une créance, payée avec des deniers fournis par un tiers et, par conséquent, éteinte par rapport au créancier, est réputée subsister avec tous ses accessoires au profit de ce tiers afin d’assurer l’efficacité de son recours pour le remboursement des fonds qu’il a avancés » (G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. 2, 13e éd., par P. Guyot, Sirey, 1925, n° 356), la subrogation personnelle est un mécanisme souvent invoqué par les assureurs afin d’obtenir remboursement des sommes versées.

Longtemps exclu de la subrogation personnelle de droit commun – tant légale que conventionnelle (C. civ., art. 1346 s. ; déjà anciens art. 1249 s.) – du fait que le paiement qu’il réalise a lieu en application du contrat d’assurance, l’assureur s’est vu reconnaître une faculté spéciale de subrogation dans les droits de l’assuré contre un tiers par la loi de 1930 (C. assur., art. L. 121-12).

Une évolution jurisprudentielle lui a, par la suite, permis d’invoquer également la subrogation légale (Civ. 3e, 13 nov. 2003, n° 02-14.500 : « celui qui s’acquitte d’une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation légale s’il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun ceux sur qui doit peser la charge définitive de la dette » ; solution consacrée par C. civ., art 1346 nouv.) et la subrogation conventionnelle (Civ. 1re, 22 juill. 1987, n° 85-18.842 : peut bénéficier de la subrogation conventionnelle « celui qui s’acquitte d’une dette qui lui est personnelle (…) s’il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ») prévues par le code civil.

La subrogation légale spéciale de l’article L. 121-12 n’est, en effet, pas considérée comme exclusive des subrogations de droit commun. Dès lors, « l’assureur dispose non seulement de la subrogation légale de l’article L. 121-12 du code des assurances, mais également de la subrogation légale de l’article 1346 du code civil, et de la subrogation conventionnelle de l’article 1346-1 du même code pour exercer son recours en remboursement sans avoir à respecter un ordre quelconque dans leur emploi » (P. Casson, Le recours en remboursement, in A. Cayol et R. Bigot (dir.), Le droit des assurances en tableaux, 1re éd., préf. D. Noguéro,...

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Pour éviter des défaillances aux conséquences parfois dramatiques, le Code de la construction et de l’habitation impose aux propriétaires de certains équipements d’immeubles tels les ascenseurs et les portes automatiques de garage une obligation spécifique d’entretien et de vérification (art. L. 125-1 s.). En cas d’accident, se pose la question de la responsabilité du prestataire chargé de la maintenance, et partant, de la nature de son obligation (art. L. 125-1 s. et art. R. 125-5 CCH et arr. NOR : LOGC9000046A du 17 nov. 1990 ; J. Ibanez, Les responsabilités civiles liées à l’ascenseur avant et après une opération de construction ; B. Quignard, Les contrats de maintenance : aspects juridique et pratique. Exemple donné : les ascenseurs, JCP N 1991. 2032).

Confirmant une solution prononcée à propos de l’entretien d’un ascenseur (Civ. 1re, 15 juill. 1999, n° 96-22.796, D. 1999. 221 ; Civ. 3e, 1er avr. 2009, n° 08-10.070, D. 2009. 1083 , obs. D. Chenu ; ibid. 2573, chron. A.-C. Monge et F. Nési ; ibid. 2010. 1168, obs. N. Damas ; AJDI 2009. 701 , obs. F. de La Vaissière ; RTD civ. 2009. 539, obs. P. Jourdain ; Loyers et copr. 2009. Comm. 139. obs. B. Vial-Pedroletti ; RDC 2009. 1367, obs. S. Carval), cet arrêt promis à une...

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Dès lors que l’avocat a notifié sa déclaration de saisine à l’avocat qui se constitue, antérieurement ou dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation, c’est sans violer l’article 1037-1 du code de procédure civile que la cour d’appel en déduit que cette diligence le dispensait de signifier la déclaration de saisine, cette signification étant devenue sans objet.

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Auteur d'origine: laffly

La troisième ordonnance, du 20 mai 2020, n’était pas l’ultime prescription pour sauver les copropriétés. La quatrième médication emporte des prolongations de mesures existantes, une nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats de syndics et de conseillers syndicaux et une mesure nouvelle astucieuse mais complexe à mettre en œuvre.

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Auteur d'origine: Rouquet

La Cour de cassation confirme la responsabilité de la société Monsanto pour mise en circulation d’un produit défectueux à l’origine du dommage subi par un agriculteur qui en a inhalé la substance.

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Auteur d'origine: ahacene

Le juge du fond ne peut refuser d’examiner des rapports d’expertise amiable et judiciaire établis de façon non contradictoire régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties, dès lors qu’ils se corroborent mutuellement.

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Auteur d'origine: MKEBIR

La Cour de cassation rappelle fermement que le recours subrogatoire de l’assureur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation ne peut être fondé que sur l’article L. 211-1 du code des assurances.

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Auteur d'origine: Dargent

La société chargée de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking est tenue d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l’appareil.

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Auteur d'origine: dreveau

Par arrêts du 25 juin 2020, la Cour de cassation revient à la raison en opérant un revirement de jurisprudence pour énoncer que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt signé en Alsace-Moselle qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi ; l’arrêt du 22 octobre 2020 conforte et précise cette évolution.

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Auteur d'origine: Dargent

Le nu-propriétaire a vocation à la pleine propriété des biens objets de l’usufruit. Le droit démembré portant sur des comptes bancaires, il aura droit à la restitution de la valeur de leur solde sur le fondement de l’article 587 du code civil. Dès lors, les héritiers d’un nu-propriétaire peuvent, du fait du transfert de ce droit réel dans sa succession, agir en restitution de ces sommes contre les légataires universels de l’usufruitier.

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Auteur d'origine: mjaoul

Afin d’endiguer les troubles de voisinage, la préfecture et la chambre des notaires du Morbihan créent une clause unique en France.

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Auteur d'origine: Rouquet

Dans le contentieux d’une cession de créance ayant donné lieu à copie exécutoire, les formalités imposées par la loi n° 76-519 doivent être respectées. L’absence de lettre recommandée notifiant la cession au débiteur rend ainsi la cession inopposable aux tiers. De ce chef, la saisie-attribution pratiquée par le cessionnaire sur le débiteur sans une telle formalité pose difficulté. Cet arrêt vient donc rappeler l’importance de telles formalités.

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Auteur d'origine: chelaine
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« Dans les Côtes-d’Armor, la mer se retire trop loin »…

Voici les récents propos d’un acquéreur, qui pourraient presque faire sourire s’ils n’illustraient pas si bien le nombre croissant de situations incongrues, à l’origine de troubles de voisinage.

Ils traduisent un phénomène que veulent endiguer Olivier Arens, président de la chambre des notaires du Morbihan, et Patrice Faure, préfet de département, comme ils l’ont exposé le 22 octobre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse consacrée à la présentation de leur fructueux partenariat.

Vivre à la campagne suppose l’acceptation, voire l’adhésion à un mode de vie, à une culture, parfois même à une tradition, expliquent-ils. Comme tout avantage a ses limites, il induit, en contrepartie et au nom du « vivre ensemble », d’éventuelles accommodations, que certains acquéreurs citadins, fraîchement arrivés, n’entendent visiblement pas souffrir bien longtemps après leur installation en province.

Las de la réception abondante de missives, de l’augmentation croissante des dépôts de plainte abusifs et déplorant d’une seule voix l’encombrement administratif et judiciaire qu’ils génèrent, Olivier Arens et Patrice Faure ont ainsi eu l’idée de créer une clause contractuelle, destinée à être insérée dans tout acte authentique portant sur une vente immobilière dans le département du Morbihan.

Expérimentée depuis juin 2020, elle vise à porter à la connaissance de l’acquéreur certaines informations relatives à la situation de l’immeuble et à son environnement immédiat, notamment aux activités professionnelles susceptibles d’occasionner des nuisances sonores, olfactives ou visuelles.

Deux propositions de loi, à l’examen, ont déjà été présentées à l’Assemblée nationale avec pour objets respectifs de « préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs » (proposition de loi AN n° 2334, 16 oct. 2019) et « de définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises » (proposition de loi AN n° 2211, 11 sept. 2019, D. 2020. 757 , note G. Leray ; ibid. 1761, obs. Y. Strickler ; JT 2020. 227. p. 3, obs. X. Delpech ; AJCT 2020. 116, obs. M. Falaise ).

Toutefois, pour ses créateurs, la clause ne consiste pas à légiférer davantage : les textes en vigueur, disséminés dans plusieurs codes, s’avérant amplement suffisants (par ex., C. civ., art. 544, 1240 et 1241 ; CCH, art. L. 112-16 ; CSP, art. R. 1334-31).

Elle vise plus précisément à responsabiliser l’acquéreur de manière à ce qu’il prenne pleinement conscience de la portée de son achat ; il devra ainsi « déclarer avoir accompli toutes les diligences », « s’être entouré de toutes les informations nécessaires » et, enfin, « renoncer à exercer tout recours contre le vendeur à quelque titre que ce soit ».

Fortement ambitieux, cet objectif est d’autant plus actuel au regard de la crise sanitaire, qui est devenue déterminante dans l’achat impulsif de biens immobiliers se situant sur le littoral français.

Dès lors, en cas de litige, l’acquéreur ne pourra se prévaloir de son ignorance, comme ce fut le cas dans l’« affaire du coq Maurice » qui a marqué les esprits en devenant le symbole de ce type de conflits devenus récurrents entre ruraux et néoruraux (T. corr. Rochefort-sur-Mer, 5 sept. 2019, n° 11-19-000233, Dalloz actualité, 12 sept. 2019, obs. N. Kilgus ; AJDA 2020. 266 ; D. 2020. 1183, obs. J.-M. Bruguière ).

Cette clause devrait donc avoir une fonction préventive, celle de limiter les recours contentieux.

En cas de saisine d’un juge judiciaire ou administratif, elle faciliterait également la preuve de l’anormalité d’un trouble, une théorie qui trouve son origine dans une jurisprudence de la Cour de cassation du 27 novembre 1844 (DP 1845. 1. 13) et qui est parfois appréciée différemment d’une juridiction à une autre.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le succès de l’insertion de cette clause dans les contrats de vente immobilière et sur son application par d’autres départements, même s’il paraît difficile pour y parvenir de passer outre l’intervention du législateur.

par Cédric Hélainele 23 novembre 2020

Civ. 2e, 22 oct. 2020, F-P+B+I, n° 19-19.999

L’arrêt présenté aujourd’hui revient sur les quelques hésitations existant autour de la transmission d’une créance ayant donné lieu à l’établissement d’une copie exécutoire à ordre (v. Rép. civ., v° Cession de créance, par C. Ophèle, n° 142). On sait que la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 précise que les anciennes formalités de l’article 1690 du code civil avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ne s’appliquaient pas à ces cessions particulières. Le contentieux porté devant la Cour de cassation tranche une question de formalité, celle de l’article 6 de la loi précitée lequel précise : « Le notaire signataire, en application de l’alinéa 2 ci-dessus, notifie l’endossement, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance, au débiteur […] » (nous soulignons). Plus précisément encore, nous sommes au confluent du régime général de l’obligation et des procédures civiles d’exécution puisque des saisies-attributions avaient été réalisées par le cessionnaire. Rappelons brièvement les faits. Une banque cède le 23 avril 2015 à une société des créances qu’elle détenait sur une société civile immobilière (SCI) au titre de deux prêts consentis par acte notarié du 25 avril 2005 et du 22 avril 2006. Le 8 janvier 2016, deux actes d’endossement de la copie exécutoire des actes notariés ont été reçus par le notaire. Le 4 avril 2017 débutent plusieurs saisies-attributions à exécution successive entre les mains des locataires de la société débitrice. Celle-ci demande alors la mainlevée des...

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Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de cassation considérait que « le domaine et le régime du contredit apparaissent désormais poser plus de difficultés que ce dispositif ne comporte d’avantages par rapport à l’ouverture d’une voie de recours ordinaire ». Le législateur l’a entendu et, par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, il a supprimé le contredit au profit d’un appel.

Mais là où la Cour de cassation suggérait que « l’instruction de cet appel devrait avoir lieu selon l’une des procédures d’appel accélérées : ainsi l’appel serait-il jugé suivant la procédure de l’article 905 du code de procédure civile, applicable au référé, voire selon la procédure à jour fixe si l’appelant l’estime nécessaire pour préserver ses droits », le décret a imposé une procédure à jour fixe.

La simplicité de la procédure de contredit et sa grande souplesse ont laissé place à un « appel-contredit » redouté par les avocats. Le législateur aurait voulu dissuader les plaideurs de faire appel de ce type de décisions qu’il ne s’en serait pas pris autrement. Et depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure d’appel, le 1er septembre 2017, les avocats se heurtent à des difficultés de procédure qui alimentent la jurisprudence en la matière.

Dans le cadre d’un litige prud’homal, un conseil de prud’hommes s’est estimé incompétent au profit du tribunal du travail de Monaco.

Le salarié, mécontent de la décision, fait appel.

L’avocat qui représente la salariée comprend que l’appel relève de dispositions particulières, qui le fait échapper au circuit ordinaire. Il saisit donc le premier président… d’une demande de fixation prioritaire.

Le délégué du premier président requalifie cette demande de fixation prioritaire en demande d’autorisation à assigner à jour fixe et rend une ordonnance autorisant l’appelant à assigner.

L’appelant fait délivrer l’assignation à jour fixe.

L’intimé, qui ne se satisfait pas de cette demande de fixation prioritaire, conclut à titre principal à la caducité de l’appel pour non-respect par l’appelant de la procédure à jour fixe.

La caducité est écartée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui estime que c’est une « erreur de pure forme qui ne porte que sur les modalités de mise en œuvre de la procédure d’appel », et la cour infirme le jugement d’incompétence.

Sur pourvoi de l’employeur, l’arrêt est cassé et l’appel déclaré caduc.

Fixation prioritaire ou jour fixe ?

Si l’article 84, alinéa 2, du code de procédure civile renvoie à l’autorisation d’être assigné à jour fixe, il est également...

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Critiquée pour son manque d’anticipation, la Chancellerie tente en urgence de rattraper son retard sur l’accès à distance informatique des greffiers du civil, privés pour la plupart de télétravail à cause des défaillances de la chaîne applicative Winci. Après avoir annoncé des premiers tests, le ministère de la Justice a annoncé, lundi 2 novembre, des résultats encourageants. 95 % des juridictions semblent être en effet en mesure de proposer un accès à distance au logiciel.

Cependant, les informaticiens de la Place Vendôme marchent sur des œufs avec cette fonctionnalité qui était naguère présentée comme impossible. « Pour garantir une montée en charge progressive de ce dispositif et pallier une éventuelle saturation du réseau », Paul Huber, le directeur des services judiciaires, dans un courrier du 30 octobre, a demandé aux chefs de cour de recenser une liste d’utilisateurs minimale et maximale. Au total, la direction des services judiciaires a reçu des demandes d’accès à distance pour 2 125 utilisateurs répartis dans 87 juridictions. Parmi eux, 1 225 utilisateurs, jugés prioritaires, vont obtenir, « à brève échéance », un accès à distance. On ignore cependant les modalités exactes du calendrier envisagé. Seconde évolution en cours, l’accès à distance à la messagerie personnelle depuis un équipement personnel, est désormais possible. Enfin, le ministère a indiqué avoir distribué la semaine passée 1 300 ordinateurs ultraportables, destinés en priorité aux greffiers, « un effort très substantiel ».

Les organisations syndicales du ministère de la Justice restent cependant circonspectes face à ces annonces. Le 5 novembre dernier, elles avaient déjà appelé en vain à la réactivation des plans de continuité d’activité, comme au printemps. « Le télétravail est une illusion. Pour la cour d’appel de Paris, on nous parle d’environ 150 utilisateurs qui seraient éligibles à l’accès à distance, alors que nous estimons qu’un millier de personnels du greffe doivent travailler sur Winci dans cette juridiction », explique à Dalloz actualité Hervé Bonglet, le secrétaire général de l’UNSA services judiciaires. « C’est une rustine », ajoute David Melison, trésorier adjoint de l’Union syndicale des magistrats. Et de s’inquiéter, dans sa juridiction, d’une présence quasi normale des personnels de greffe dans leurs bureaux malgré le confinement. « Ce sont eux qui travaillent en open space et qui ont plus de risques d’être contaminés par la covid-19, alors que leur part de travail non faisable à distance est évaluée à une petite moitié », souligne David Melison. Une situation de crise tempérée par le ministère, qui remarque la faible proportion d’agents des services judiciaires malades, 260 au 16 novembre, et l’impossibilité, pour de nombreux agents, de faire du télétravail pour leur mission principale, l’audience.

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Avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’erreur sur les qualités substantielles apparaissait comme source de difficultés dans l’interprétation des vices du consentement. Expression empruntée à Pothier (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 261, n° 304), la qualité substantielle est celle qui détermine le consentement du contractant. Voici un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation qui permet d’explorer cette définition à travers un contentieux sur une « Table compas signée Jean Prouvé ». Génie du travail du métal, Jean Prouvé a laissé une empreinte assez forte dans le mobilier français, notamment utilitaire. On trouve donc fréquemment dans les ventes aux enchères des tables ou des fauteuils signés par l’artiste qui se vendent à prix d’or. Les faits témoignent d’un contentieux assez long puisque l’affaire a déjà donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1re, 10 déc. 2014, n° 13-24.043, JAC 2015, n° 22, p. 12, obs. P. Henaff ). En l’espèce, une maison de vente aux enchères assigne l’acquéreur de plusieurs lots afin que soit reconnue judiciairement la vente. L’acquéreur demande reconventionnellement la nullité ou à défaut la résolution pour défaut de paiement et défaut de délivrance outre la restitution des sommes versées. Sur le lot qu’il restait après l’arrêt rendu par la Cour de cassation (précisément, cette table en question), une expertise est ordonnée pour déterminer s’il s’agissait d’une véritable pièce signée Jean Prouvé. La table se révèle finalement bien authentique et la cour d’appel de Versailles refuse de voir une erreur sur les qualités substantielles dans la simple qualité du bois formant le plateau de la table. L’acquéreur sollicitait, en effet, la nullité car ce plateau n’était pas en chêne mais en « bois plaqué chêne ». La cour d’appel déboute également l’acquéreur de sa demande de dommages-intérêts adressée au vendeur. Le catalogue mentionnait, en effet, un plateau en chêne et l’acheteur souhaitait obtenir réparation du préjudice subi de cette mauvaise information. Mais celui-ci n’étant pas prouvé pour les juges du fond, il n’a pas été indemnisé. L’acquéreur se pourvoit donc en cassation. La Haute juridiction rejette le pourvoi assez sèchement et nous allons analyser les deux enseignements principaux de l’arrêt.

D’une part, la Cour de cassation refuse l’argumentation du demandeur au pourvoi reposant sur la qualité du bois pour démontrer une erreur sur les qualités substantielles. La question au centre de cette difficulté repose sur la volonté de l’acquéreur. Voulait-il acheter une table compas signée Jean Prouvé ou une table avec un simple plateau en chêne ? On peine un peu à comprendre l’argumentation du demandeur, en réalité. L’œuvre de Jean Prouvé repose grandement (mais pas seulement, certes) sur le travail du métal et comme le note l’arrêt d’appel, c’est le « piétement » qui fait toute l’originalité du bien en question ; le plateau étant moins caractéristique que les pieds. Une seconde difficulté reposait sur des restaurations éventuelles. Nous avons déjà étudié dans l’arrêt rendu le même jour (Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-10.536, D. 2020. 2119 ) l’importance de ces rénovations qui doivent être inscrites par le commissaire-priseur dans le catalogue. Mais dans cette espèce analysée aujourd’hui, elles n’étaient pas prouvées et elles reposaient essentiellement sur des hypothèses de l’acquéreur. Elles ne peuvent donc pas induire une erreur sur les qualités substantielles. Que penser donc de cette erreur sur le bois de la table ? Le matériel utilisé pour une table peut aisément être une qualité substantielle, déterminante pour le consentement. Mais ici, la cour d’appel note que le plateau était « conçu pour être changé ». C’est donc bien la preuve que la table était originale pour un autre point que le plateau précisément. Ainsi, l’acquéreur ne pouvait pas avoir fixé son consentement sur ce seul élément précis. La recherche factuelle menée par la cour d’appel conduit à rejeter la nullité. La qualité substantielle de la table n’était pas liée à la qualité du bois mais bien à son authenticité ; ce qui explique également le point suivant.

D’autre part, la Cour de cassation tranche une question au sujet des dommages-intérêts réclamés par l’acquéreur contre le vendeur dudit lot. Ce problème provient tout droit de l’inexactitude du catalogue qui a confondu « chêne » avec « plaqué chêne ». On retrouve ici le lien avec l’authenticité de la table. Cette « table compas » avait un prix estimé entre 35 000 et 45 000 € et les enchères ont quasiment été doublées puisque l’acquéreur a payé 80 000 €. Si le bois avait été si déterminant, l’acheteur aurait pu peut-être privilégier une table moins onéreuse. Cette question est donc assez rapidement évacuée par la Cour de cassation puisqu’aucun préjudice n’est prouvé du défaut dans la mention du catalogue. Il y a ici une appréciation souveraine des juges du fond en la matière qui doit être accueillie avec bienveillance. Pas de préjudice, pas de réparation. Reste à évoquer un problème autour de la prescription, lui aussi rejeté puisque comme le note la Cour « l’exigence du rappel de la mention du délai de prescription de cinq ans dans la publicité à laquelle donnent lieu les ventes aux enchères publiques ayant été posée à l’article L. 321-17 du code de commerce par la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 » n’imposait aucun contrôle supplémentaire à la cour d’appel. L’action en dommages-intérêts contre la maison de vente aux enchères était donc prescrite quant à elle. Mais, quoiqu’il arrive, le préjudice n’était pas plus prouvé que contre le vendeur. Ceci n’appelle pas de remarques particulières à notre sens puisque les points faisant difficulté ont déjà été évoqués.

Cet arrêt aura pour principal enseignement de rappeler la délicate preuve de la qualité substantielle. Entre différentes qualités en concours pouvant être jugées substantielles, ce sont les seuls faits qui permettent de trancher. Ici, entre l’authenticité « Jean Prouvé » et la qualité du bois composant le plateau, c’est la première qui a emporté la conviction des juges du fond. Mais seule l’appréciation souveraine permet d’aller si loin dans le détail pour savoir ce qui a déterminé le consentement de l’acquéreur. Une précision connue mais toujours utile à rappeler.

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Le régime des récompenses est décidément un terrain propice à la cassation. Il faut avouer que l’article 1469 du code civil contient assez peu d’informations sur les méthodes de calcul du profit subsistant. Tout au plus indique-t-il que ce profit se détermine « sur » le bien concerné, c’est-à-dire en prenant sa valeur comme base de calcul. Il demeure que l’opération mathématique permettant de chiffrer l’enrichissement réellement procuré à la masse débitrice n’est pas précisé, comme s’il allait de bon sens. S’il est vrai qu’une logique arithmétique conduit aisément à la solution correcte, force est de constater que les juges du fond peinent régulièrement à la maîtriser. La Cour de cassation veille au grain et les solutions qu’elle énonce sont, en la matière, d’une parfaite orthodoxie juridique (elle ne se montre malheureusement pas aussi irréprochable dans son rôle de gardien que dans celui d’interprète de la règle de droit ; elle a refusé de censurer une décision d’appel retenant une méthode de calcul de profit subsistant qu’elle reconnaissait pourtant comme parfaitement erronée, v. Civ. 1re, 7 nov. 2018, n° 17-26.149, Dalloz actualité, 18 déc. 2018, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2018. 2185 ; AJ fam. 2019. 99, obs. J. Casey  ; LEFP janv. 2019, n° 111u9, p. 6, note N. Peterka ; JCP N 2019. 1182, comm. A. Karm ; ibid. 1183, comm. X. Guédé ; Dr. fam. 2019. Comm. 10, obs. A. Tani ; Gaz. Pal., 2 avr. 2019, n° 346n3, p. 64, note S. Deville).

L’arrêt sous commentaire s’inscrit pleinement dans cette tendance. La Cour corrige une erreur commise par les juges du fond au terme d’une décision qui n’invite nullement à la critique mais qui se révèle pédagogiquement très précieuse et illustre une fois encore l’imprécision regrettable des textes en la matière.

En l’espèce, deux époux mariés en 1947 sans contrat de mariage sont respectivement décédés les 30 mars 1979 et 7 mai 1999. Un litige est apparu entre leurs héritiers dans le cadre des opérations de liquidation et partage de la communauté. L’un d’eux contestait le montant d’une récompense due par l’un des époux à la masse commune. La communauté avait en effet contribué partiellement au financement d’un bien propre, mais ce bien avait par la suite été en partie vendu. Cet enrichissement de la masse propre ouvrait droit à récompense au profit de la communauté sur le fondement des articles 1416 et 1437 du code civil. La contestation ne portait pas tant sur le principe du droit à récompense (il était acquis que l’époux avait « tiré un profit personnel des biens de la communauté » au sens de l’article 1437 du code civil) que sur l’évaluation de son montant. Dans un arrêt du 3 juillet 2018, la cour d’appel de Riom avait calculé la récompense en retenant la dépense faite, alors même qu’il s’agissait d’une dépense d’acquisition qui, conformément à l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil, doit être évaluée d’après le profit subsistant. Les juges du fond justifiaient leur décision, d’une part, au regard de l’aliénation partielle du bien avant la date de liquidation de la communauté, d’autre part, en raison d’une impossibilité de calculer le profit subsistant au prorata de la valeur totale du bien.

Sans surprise, le moyen du pourvoi reprochait à la décision d’appel de ne pas avoir fixé la récompense au profit subsistant, lequel aurait dû se calculer en proportion de la contribution de la communauté au financement de l’exploitation propre.

La Cour de cassation était ainsi invitée à préciser le mode de calcul de la récompense dans l’hypothèse où le bien acquis a été partiellement aliéné avant la liquidation du régime, ce qui la conduisait à répondre successivement à deux questions. D’une part, la récompense doit-elle être égale à la dépense faite ou au profit subsistant ? D’autre part, si la récompense est égale au profit subsistant, comment celui-ci se calcule-t-il ?

La première chambre civile procède à une cassation partielle avec renvoi aux visas des alinéas 1 et 3 de l’article 1469 du code civil et, incidemment, de l’article 4 du code civil. Elle considère que les juges du fond ont violé le premier texte en fixant la récompense à la dépense faite et le second en rejetant la demande au motif que l’expert n’était pas en mesure de délivrer les informations relatives à la valeur du bien au jour de la liquidation (ainsi le déni de justice s’ajoutait-il à l’erreur de droit). Les deux questions posées trouvent dès lors une réponse claire.

Dépense faite ou profit subsistant ?

Les juges du droit ne répondent qu’implicitement à la question de savoir si la récompense doit être égale à la dépense faite ou au profit subsistant lorsque le bien a été en partie aliéné avant la liquidation du régime matrimonial. La solution n’en est pas moins très claire et parfaitement ferme. Il ne faut voir dans cette absence de précision qu’une économie d’effort rendue possible par l’évidence de la réponse. La décision d’appel est cassée notamment au visa de l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil qui énonce en premier lieu que la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant lorsque la valeur empruntée a servi « à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ». En l’espèce, il s’agissait d’une dépense d’acquisition, cependant le bien avait en partie été aliéné. Les juges du fond en ont tiré argument pour rejeter l’application du texte : « L’exception prévue par l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil ne peut recevoir application lorsque le bien acquis a été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté et ne se retrouve pas intégralement dans le patrimoine propre du mari » (§ 9).

On conçoit le malaise de la cour d’appel face à cette situation qui n’est pas spécifiquement réglée par l’article 1469 du code civil. Cependant, l’obstacle n’est en rien insurmontable. D’abord, l’aliénation du bien avant la liquidation n’exclut pas en elle-même l’application de l’alinéa 3 du texte. Elle invite uniquement à cristalliser le profit subsistant au jour de l’aliénation, de sorte que le nominalisme doit ainsi prendre le relai du valorisme (« L’aliénation du bien avant la liquidation fixe le montant de la dette de valeur », in Rép. civ., v° Communauté légale : liquidation et partage, par B. Vareille, n° 370). D’ailleurs, l’alinéa 3 fournit des explications sur le mode de détermination du profit subsistant en pareille hypothèse, preuve que le maintien du bien dans le patrimoine n’est pas une condition de l’exception postulée.

Ensuite, rien ne permet de considérer qu’une aliénation partielle exclut la règle selon laquelle la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant. L’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil ne distingue pas entre les cas dans lesquels le bien se retrouve en totalité dans la masse emprunteuse et ceux où il n’y subsisterait qu’en partie. Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait, au vu de cette simple nuance, retenir que la récompense s’évaluait d’après la dépense faite. La règle doit s’interpréter largement, en conformité avec son esprit et par-delà l’étroitesse de sa lettre : ce qui justifie que le profit subsistant prévale n’est pas tant le maintien de tout ou partie du bien dans la masse emprunteuse que l’incarnation de la valeur empruntée dans un bien. En d’autres termes, pour que l’exception prévue par l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil reçoive application, il faut mais il suffit d’être en présence d’une dépense d’acquisition, d’amélioration ou de conservation d’un bien. La subsistance du bien dans la masse emprunteuse n’influe que sur la méthode de calcul du profit subsistant, non sur sa prévalence. Dans cette affaire, c’est essentiellement cette méthode qui a posé difficulté à la cour d’appel et c’est sans doute ce qui l’a orienté vers une solution plus simple mais parfaitement erronée.

Comment calculer le profit subsistant ?

L’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil fournit en second lieu des indications sur la méthode de calcul du profit subsistant. Lorsque le bien se retrouve dans la masse emprunteuse au jour de la liquidation, la base de calcul du profit subsistant est constituée de la valeur de ce bien au jour de cette liquidation. Lorsque le bien a été aliéné sans être subrogé, il convient de retenir sa valeur au jour de l’aliénation (c’est-à-dire le prix lorsque le bien est aliéné à titre onéreux et la valeur du bien lui-même s’il a été aliéné à titre gratuit : v. B. Vareille, art. préc., n° 370). Lorsque le bien a été subrogé, le profit est évalué sur le nouveau bien.

Deux difficultés semblaient insurmontables aux juges du fond (§ 9). Non seulement la contribution de la masse commune ne constituait qu’une partie de la dépense d’acquisition (« le financement n’ayant été que partiel ») mais, de surcroît, le bien avait été aliéné, ce qui créait une incertitude quant à l’assiette sur laquelle devait être reportée la proportion de financement commun (« le profit subsistant ne peut être calculé au prorata de la valeur totale du bien »). C’est donc bien l’inaptitude des juges à calculer le profit subsistant qui les a conduits à privilégier la dépense faite.

La Cour de cassation remet les choses en ordre et expose la méthode à retenir en pareille circonstance (§ 8). Il convient d’abord de déterminer la proportion dans laquelle la masse prêteuse a contribué au financement du bien (« la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l’acquisition du bien propre »). Ce taux se détermine assez logiquement au jour de la dépense : la communauté a-t-elle payé 25 % du bien ? 50 % ? 75 % ?

Il convient ensuite d’appliquer cette proportion sur l’assiette idoine. En l’espèce, l’assiette ne peut être la valeur totale du bien puisqu’une partie en avait été aliénée, de sorte qu’elle ne pouvait être considérée comme ayant continué de profiter à la communauté (« le profit subsistant doit traduire fidèlement l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur », in B. Vareille, art. préc., n° 371). Il faut en réalité retenir une double assiette dans la mesure où ce qu’il reste du profit retiré par la communauté se présente alors sous deux aspects : la partie non aliénée du bien acquis et le prix de vente de la partie aliénée. Il s’agit donc d’appliquer le taux de contribution commune « respectivement au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l’autre portion du bien ». En d’autres termes, il convient de faire une application distributive d’un principe et d’une exception. Le principe consiste à calculer le profit subsistant sur la base du bien acquis s’il n’a pas été aliéné : cette règle doit s’appliquer sur la partie du bien qui n’a pas été vendue. L’exception consiste à calculer le profit subsistant sur la base de la valeur du bien aliéné et non subrogé au jour de cette aliénation : cette règle doit s’appliquer sur le prix résultant de la vente d’une partie du bien.

Il convient enfin d’additionner les deux sommes ainsi obtenues. Dans tous les cas, et c’est un autre rappel utile de l’arrêt, le juge ne peut refuser de juger sous prétexte que le rapport d’expertise ne fournit pas les éléments suffisants (§ 13).

Illustrons par l’exemple. Soit une communauté ayant abondé à hauteur de 20 000 € dans l’acquisition d’un bien propre valant 60 000 €. Imaginons qu’une partie du bien soit vendue avant la liquidation du régime matrimonial pour 12 000 €. La partie restante est estimée 90 000 € au jour de la liquidation.

S’agissant d’une dépense d’acquisition, la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant. Celui-ci se calcule en trois étapes. La première consiste à déterminer la proportion de financement commun dans l’opération d’acquisition, en se plaçant au jour de cette acquisition. Dans notre exemple, la proportion est de 20 000 / 60 000, soit 1/3.

La deuxième étape consiste à appliquer cette proportion sur deux assiettes : le prix de vente (au jour de l’aliénation) et la valeur de ce qu’il reste du bien (au jour de la liquidation). Soit, pour la première assiette : 1/3 x 12 000 = 4 000 € ; et pour la seconde : 1/3 x 90 000 = 30 000 €.

Il ne reste plus, en guise d’ultime étape, qu’à additionner ces sommes. Le profit subsistant est alors égal à 4 000 € + 30 000 € = 34 000 €.

L’opération n’a rien de sorcier mais il est clair qu’elle n’est jamais énoncée explicitement par les textes. La cassation ici réalisée est l’occasion de rappeler les lacunes de l’article 1469 du code civil qui est dédié à l’arbitrage entre dépense faite et profit subsistant mais ne fournit que peu d’indications sur leurs définitions et sur leurs modes calcul. Il est notamment regrettable que rien ne soit expliqué de la fondamentale différence d’approche selon que la dépense est d’acquisition (la base de calcul est alors la valeur du bien) ou d’amélioration ou de conservation (il est nécessaire de déterminer l’augmentation de la valeur du bien). Ces imprécisions font du profit subsistant une question assez redoutée des juristes, des bancs de l’université aux prétoires en passant par les offices notariaux. Sans doute serait-il pertinent de réfléchir à la conception d’un droit commun du profit subsistant (car cette notion se retrouve aussi en matière d’indivision, d’accession, de créances entre époux et partenaires et d’enrichissement injustifié). À l’heure de la modernisation et de la simplification du droit, il ne paraît pas anachronique d’appeler à une meilleure lisibilité du droit liquidatif. La charge de travail de la Cour de cassation s’en trouverait allégée.

Malgré ses atours de décisions statuant exclusivement sur l’action en garantie des vices cachés, l’arrêt rapporté du 1er octobre 2020 pose davantage la délicate question de l’application dans le temps du délai butoir à cette action.

Par acte authentique des 18 décembre 1970 et 16 mai 1972, un couple avait fait l’acquisition de deux bungalows qu’il fit réunir en un seul immeuble. Depuis, ce bien a fait l’objet de plusieurs ventes, dont la dernière, conclue le 21 mai 2010, a été au cœur d’un épineux litige entre les vendeurs successifs et le dernier acheteur.

En effet, à la suite de la remise d’un rapport expertal concluant à l’existence de désordres rendant l’immeuble impropre à sa destination pour atteinte à sa solidité, celle-ci initia une action en garantie des vices cachés à l’encontre de chacun d’eux.

En cause d’appel, les juges du fond, dans un arrêt infirmatif, ont considéré que le jour de la naissance du droit devait être fixé au jour du contrat consacrant l’obligation à la garantie des vices cachés des premiers vendeurs. Ils jugèrent également que le report du point de départ du délai de la prescription au jour où l’acheteur avait eu connaissance du vice dans son ampleur ne pouvait avoir pour effet de porter la prescription au-delà de vingt ans à compter de la naissance du jour du droit. Et de déduire, que l’action qu’il avait engagée plus de vingt ans après la signature du contrat de vente était prescrite.

Dans son pourvoi en cassation, l’acheteur s’est prévalue de son opposition à la prise en compte, comme point de départ du délai de prescription, du jour de la conclusion du premier contrat de vente, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir fait courir ce délai à compter de l’apparition du dommage. Il contesta par ailleurs l’application des dispositions de l’article 2232 du code civil, opérée par les juges du fond, en...

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Une fois n’est pas coutume : peut-être faut-il dire un mot de l’homme avant d’évoquer son ouvrage. Pierre Rancé connaît son sujet. Il est un homme de la justice tout autant qu’un homme, pourrait-on écrire, de son livre, dans la mesure où nul n’avait meilleur poste d’observation que le sien, ces dernières années, pour évoquer les liaisons entre politique et justice, entre juges et hommes politiques. De ce fait, son ouvrage se révèle un précieux et passionnant témoignage de cet entrelacs bien embarrassant de notre époque contemporaine. En effet, Pierre Rancé est d’abord un spécialiste des affaires de justice, chroniqueur pour différents médias nationaux qui lui ont donné une fine connaissance des dossiers qu’il analysera ensuite. Mais il a aussi été le porte-parole de Christiane Taubira, à l’époque où elle était garde des Sceaux. Ainsi maîtrise-t-il les rouages de ce monde si complexe et notamment cette question, fonction de porte-parole oblige, des relations entre ces deux mondes qui devraient rester hermétiquement distincts dans une saine démocratie.

Ce n’est pourtant pas faute pour la magistrature de le souhaiter et de lutter pour son indépendance. Et Pierre Rancé commence fort, mais à juste titre. L’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique serait le fait de chaque gouvernement de la Ve République, une sorte de funeste « tradition historique » dont il faudrait faire remonter l’origine – et l’explication – à la conception du pouvoir judiciaire par la Constitution. Une phrase, évoquée ailleurs par l’auteur à propos de l’expression de « parquet », résume malheureusement bien cet état des choses : « comme quoi les habitudes ont la vie dure, surtout dans la justice » (p. 17). Mais cette situation n’est pas simple, loin s’en faut : elle aboutit, selon l’auteur, à ce que les tentatives de certains personnages politiques pour museler la justice, au cours de l’histoire récente, ont été légion, en dépit des efforts remarqués de beaucoup de magistrats pour tenter de s’émanciper de cette tutelle, sans que ceux-là même qui ont été à l’origine de telles pressions ne s’en émeuvent.

En posant les bases, pour bien comprendre les enjeux et les moyens de cette instrumentalisation, l’auteur rappelle quelques éléments mobilisés par le pouvoir politique et qui sont parfois oubliés, au profit de méthodes plus connues (c’est ce qui est, selon Pierre Rancé, en dessous de l’iceberg, p. 28). Ainsi, par exemple, l’instrumentalisation passe aussi par les ressources que l’on affecte à l’enquête. « L’intervention du politique pour empêcher les juges de travailler peut donc passer aussi par les moyens mis à la disposition de la justice » et, pour freiner une affaire, il suffit « d’atrophier le service de police chargé de l’enquête ». Il s’agit d’ « un soft power efficace dont personne ne parle, ou rarement » (p. 29).

Le livre de Pierre Rancé, qui se lit comme un thriller dont on peine parfois à croire qu’il est vrai, fait utilement le point sur une histoire du temps présent qui peut faire frémir. Les affaires emblématiques des trente dernières années sont relatées avec beaucoup de soin. On se souvient de la tentaculaire affaire Urba, qui a duré presque le temps d’une décennie, des HLM de Paris ou encore de ce procureur que l’on est parti chercher en hélicoptère, alors qu’il se trouvait en plein cœur du Népal, en haut de l’Himalaya. Ce qui fascine, à la lecture de l’ouvrage de Pierre Rancé, c’est cette impression d’irréel tant les ficelles sont grossières, tant les faits sont commis sans vergogne. Et pourtant, le récit n’est pas un mythe. Pierre Rancé a interrogé nombre des protagonistes des dossiers auxquels il s’est intéressé, donnant la voix à ces juges d’instruction qui ont tenté de s’opposer à la mainmise du politique, à des ministres, des avocats, des conseillers et autres experts ayant eu à intervenir dans ces affaires. Pierre Rancé, particulièrement bien informé, donne vie à tous ces dossiers qui doivent demeurer en tête comme autant de dérives qu’il convient d’éviter. Nombreux sont les personnages qui défilent sous sa plume et qui rappellent combien certains n’ont parfois éprouvé aucun scrupule à fouler allègrement les principes essentiels d’une justice saine et démocratique.

La justice est certes une institution collective, mais le juge d’instruction s’est retrouvé bien seul dans les dossiers que décrit l’auteur. Aujourd’hui, selon l’auteur, la situation a peut-être changé. Les relations entre politique et justice semblent avoir évolué. C’est toutefois au prix d’une sorte de « contournement ». Et à long terme, celui-ci pourrait s’avérer tout aussi néfaste.

Pierre Rancé, Les ennemis jurés. Juges et politiques, Robert Laffont, 2020.

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La Cour de cassation s’est prononcée sur une question inhabituelle pour laquelle le code de procédure civile n’apporte pour l’heure aucune solution.

En l’espèce, une affaire plaidée devant un tribunal de commerce est mise en délibéré. Pendant le cours du délibéré, le défendeur décède sans que le demandeur, la banque, ou le tribunal n’en soient informés.

Un jugement condamnant le défunt est prononcé le 14 juin 1996 puis signifié au dernier domicile connu de ce dernier le 14 octobre 1996.

Quelques années plus tard, une société de titrisation venant aux droits de la banque tente de poursuivre l’héritier du défendeur et lui fait signifier le jugement par acte du 18 septembre 2017, ce qui provoque immédiatement le dépôt d’une déclaration d‘appel par ce dernier le 17 octobre 2017.

L’appel est déclaré irrecevable au motif que le délai d’appel avait régulièrement couru lors de la première signification faite au défunt le 14 octobre 1996.

Saisie d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur les effets de la notification d’un jugement faite à une partie décédée après la clôture des débats.

Les effets du décès sur l’instance lorsqu’il survient après l’ouverture des débats

Le décès, lorsqu’il survient après l’ouverture des débats, est dépourvu d’effet. En effet, il ressort des dispositions de l’article 371 du code de procédure civile que l’instance n’est pas interrompue si l’ événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. Dès lors, le jugement rendu en présence d’une partie décédée en cours de délibéré est parfaitement régulier (Civ. 2e, 19 mai 1980, n° 78-15.727 P, Gaz. Pal. 1980. 2. 622, note Viatte ; D. 1982. IR 169, obs. Julien ; RTD civ. 1981. 211, obs. R. Perrot ; Civ. 3e, 28 sept. 2005, n° 04-16.183 P,  D. 2005. 2483, et les obs. ; AJDI 2006. 200 , obs. F. de La Vaissière ).

Se pose néanmoins la question de savoir comment procéder à la notification du jugement.

L’article 531 du code de procédure civile ne vise que la seule hypothèse du décès survenu postérieurement au prononcé au jugement : « s’il se produit, au cours du délai du recours, un change-ment dans la capacité d’une partie à laquelle le jugement avait été notifié, le délai est interrompu. Ce délai est également interrompu par l’effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur. Le délai court en vertu d’une notification faite à celui qui a désormais qualité pour la recevoir. »

Aucune disposition légale ne règle la question de la notification du jugement à l’encontre d’une partie décédée pendant le cours du délibéré.

La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation, au visa des articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile ainsi que de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, décide d’étendre les effets de l’article 531 au jugement régulièrement rendu à l’encontre d’une partie décédée.

Par combinaison des textes susvisés, la Haute juridiction considère « qu’en cas de décès d’une partie après la clôture des débats, le délai d’appel, ouvert aux héritiers, ne court qu’à compter de la notification qui leur est faite de ce jugement ».

Elle casse ainsi l’arrêt rendu par la cour d’appel de Basse-Terre lequel avait déclaré l’appel formé par le fils du de cujus irrecevable, puisque « la notification du jugement à une partie qui était décédée ne faisait pas courir le délai de recours ».

Rappel pratique

Au-delà de la solution pragmatique de la Cour de cassation, cet arrêt offre l’occasion de revenir par ailleurs sur les effets du décès survenu en cours de procédure et avant l’ouverture des débats.

Deux actions doivent être distinguées : les actions non transmissibles, tel que le divorce, dans les-quelles le décès éteint l’action elle-même, et les actions transmissibles.

Le décès produit un effet interruptif d’instance dès sa notification (C. pr. civ., art. 370) au profit des seuls ayants droits du défunt (Civ. 1re, 9 déc. 1992, n° 90-14.208 P).

La reprise d’instance est volontaire, c’est-à-dire formulée par voie de conclusions. À défaut, elle peut l’être par voie de citation (C. pr. civ., art. 373).

Seule une reprise d’instance permet le prononcé d’un jugement régulier (C. pr. civ., art. 372).

À défaut de notification régulière, et de reprise d’instance, l’instance poursuivra son cours ce qui signifie d’une part que le délai de péremption continuera à courir, et, d’autre part, que le jugement sera rendu dans les mêmes conditions que lorsque l’événement survient postérieurement à l’ouverture des débats.

Mise en garde

Dans les procédures avec représentation obligatoire, il est vivement recommandé de procéder à la notification de l’acte de décès ou de l’acte de naissance faisant mention du décès aux avocats constitués, lequel doit également faire l’objet d’un dépôt au greffe.

Pour les parties ayant intérêt à poursuivre la procédure, il convient impérativement d’assigner les héritiers en reprise d’instance.

À défaut, aucun jugement ne pourra être prononcé tandis que le délai de péremption continuera à courir à l’encontre de ces seules parties (Civ. 2e, 4 févr. 1999, n° 96-19.479 P, D. 1999. 215 , obs. P. Julien ).

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1. L’hospitalisation sans consentement repose en grande partie sur le certificat médical attestant de la nécessité de la mesure. Il s’agit de la pièce maîtresse de l’institution, véritable clef de voûte de tout ce mécanisme aussi subtil que complexe. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 octobre 2020 permet d’entrevoir les conséquences de cette subtilité sur la décision judiciaire elle-même. En l’espèce, une personne présente des troubles psychiatriques qui motivent son admission en alternant soins psychiatriques et soins ambulatoires selon un programme établi par un médecin. Le 7 décembre 2018, le Préfet décide une réadmission en soins psychiatriques de l’intéressé. La Cour de cassation est venue casser l’arrêt d’appel rejetant la nullité aux fins de mainlevée de la mesure, sans renvoi. Cet arrêt de la Cour de cassation a été étudié dans ces colonnes par Madame Peterka l’année passée, nous renvoyons donc le lecteur à son analyse (Civ. 1re, 21 nov. 2019, n° 19-17.941 F-P+B+I, Dalloz actualité, 5 déc. 2019, obs. N. Peterka ; D. 2019. 2304 ; RTD civ. 2020. 73, obs. A.-M. Leroyer ). Le 27 janvier 2020 suivant, le Préfet maintient pour six mois le programme de soins décidé le 25 octobre 2019. Le 31 janvier, l’intéressé saisit le juge des libertés et de la détention (JLD) pour obtenir la mainlevée de la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1...

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La Cour de cassation vient rappeler l’étendue de l’appréciation souveraine des juges du fond dans la détermination d’une erreur sur les qualités substantielles. Entre l’authenticité du bien et la qualité du bois le composant, c’est la première qui doit être préférée à la seconde notamment quand l’acquéreur a doublé le prix par rapport à la mise en vente pour emporter les enchères. Si l’acheteur souhaite obtenir des dommages-intérêts de la part du vendeur, il doit prouver que l’inexactitude du catalogue lui a causé un certain préjudice.

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Auteur d'origine: chelaine