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par Cédric Hélainele 4 novembre 2020

Civ. 2e, 8 oct. 2020, F-P+B+I, n° 19-17.734

1. Les dommages-intérêts liés au retard dans l’exécution – aussi appelés dommages-intérêts moratoires - « réparent le préjudice résultant du retard dans le paiement d’une somme d’argent. Le créancier privé du principal supporte une perte financière équivalente aux intérêts de placement des sommes non perçues. » (Rép. civ., v° Dommages et intérêts, 2017 mis à jour en 2020, par P. Casson, n° 146). Ainsi, ils diffèrent des dommages-intérêts que peut obtenir le créancier en cas de préjudice distinct dudit retard dans l’exécution. Le mode de calcul de ces deux réparations diffère également et cet arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 8 octobre 2020 vient utilement le rappeler. Le titulaire d’une pension d’invalidité de deuxième catégorie demande le maintien de cette pension au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. La caisse rejette sa demande en raison de l’absence d’une activité rémunérée exercée par le titulaire de la pension. Ce dernier saisit alors une juridiction de sécurité sociale. La cour d’appel de Nîmes annule la décision de la caisse de sécurité sociale car l’article L. 341-16 du code de la sécurité sociale implique de considérer pour l’octroi d’une pension d’invalidité l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code. L’assuré ayant toujours...

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La sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n’est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme.

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Auteur d'origine: jdpellier

En présence d’une action en liquidation d’intérêts patrimoniaux d’époux engagée avant l’entrée en vigueur du règlement n° 2016/1103 du 24 juin 2016 en matière de régimes matrimoniaux, la compétence du juge s’apprécie en application de l’article 42 du code de procédure civile.

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Auteur d'origine: fmelin

La déclaration d’appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué. En l’absence de cette mention, lorsque l’appel ne tend pas à l’annulation du jugement ou que l’objet n’est pas indivisible, la déclaration d’appel encourt la nullité, à l’exclusion de toute irrecevabilité.

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Auteur d'origine: Dargent

Lorsque la réduction s’opère en nature, l’obligation imposée au donataire de restituer les fruits de ce qui excède la quotité disponible suppose que le bien donné soit, au jour de la donation, dans un état lui permettant de produire un revenu. La valeur du travail effectué par celui-ci, qui a permis leur production, doit être déduite des fruits qu’il doit restituer.

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Auteur d'origine: qguiguet

Sept mois après un premier confinement qui avait révélé les faiblesses de la numérisation du ministère, les personnels de la justice abordent avec appréhension le second confinement.

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Auteur d'origine: babonneau

Les articles 788 et suivants du code de procédure civile qui régissent la procédure à jour fixe n’apportent aucune dérogation à la forme des demandes incidentes régie par l’article 68 du même code.

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Auteur d'origine: abolze

L’exécution d’un contrat de mandat d’agent sportif permet de confirmer la nullité relative l’affectant pour défaut de signature électronique. La simple absence de la signature ne permet donc pas de prononcer la nullité du contrat si celui-ci a été exécuté par les parties. L’acte confirmé acquiert ainsi son efficacité.

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Auteur d'origine: chelaine

Le gouvernement a déposé hier un important amendement pour réformer l’aide juridictionnelle, avec notamment une augmentation des UV de 2 €. Une disposition qui sera débattue lundi.

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Auteur d'origine: babonneau

Dans un message vidéo et écrit destiné à toutes les juridictions françaises et au ministère de la Justice, le garde des Sceaux a déclaré, hier, que « les PCA [plans de continuité d’activité] qui réduisent aux fonctions essentielles ne seront pas activés mais un certain nombre de précautions devront être prises », contrairement à ce qui avait été mis en place lors du premier confinement de mars 2020.

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Auteur d'origine: babonneau

Lorsqu’une partie est citée à comparaître par acte d’huissier de justice, le juge est tenu de s’assurer que cette partie a été régulièrement appelée.

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Auteur d'origine: abolze

Il y a un an, les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin mettaient en œuvre une réforme de l’aide juridictionnelle. Lors de la présentation du budget, Éric Dupond-Moretti avait annoncé une augmentation de l’aide de 50 millions d’euros. Cette hausse n’étant que prévisionnelle, il était nécessaire de la traduire en mesure. En commission, le ministre avait précisé qu’il s’attendait à une hausse des missions entraînée par la réforme de la justice pénale des mineurs et il annonçait le triplement du nombre d’UV pour les missions de médiation (de 4 à 12 UV).

Le gouvernement a déposé hier un long amendement sur l’aide juridictionnelle, ayant trois objets principaux. D’abord, revaloriser le montant de l’unité de valeur de référence, de 32 € à 34 € HT.

Ensuite, l’amendement inscrit dans la loi les cas de commission d’office ouvrant droit à l’aide juridictionnelle sans examen préalable de la situation du justiciable. Il donne aux bureaux de l’aide juridictionnelle (BAJ) la mission de faire un contrôle a posteriori, pour recouvrer des sommes auprès des personnes non éligibles. L’Union nationale des CARPA (UNCA) centralisera les informations permettant de procéder au recouvrement. Par ailleurs, le retrait de l’aide juridictionnelle pourra intervenir jusqu’à quatre ans après la fin de l’instance.

Enfin, l’amendement simplifie les modalités de versement d’une dotation annuelle unique permettant aux CARPA de rétribuer les avocats. La répartition par barreau de cette dotation sera faite par arrêté du garde des Sceaux.

Dans les suites du rapport Perben, les avocats réclament une hausse plus importante de l’aide juridictionnelle (même si le budget aura augmenté de 62 % entre 2015 et 2021). Mais la réforme des retraites, principal sujet de crispation, est provisoirement enterrée. Tout comme l’idée de réintroduire le droit de timbre. Une augmentation plus importante ne pourra qu’être le résultat d’une négociation avec la profession.

Pour Éric Dupond-Moretti, « nous devons tous ensemble, membres du même ministère, garder confiance en l’avenir et être à la hauteur des attentes des Français qui – surtout en cette période difficile – ne peuvent se passer du service public de la justice ».

S’agissant des mesures à prendre :

• Les services d’accueil uniques des justiciables resteront ouverts mais sur rendez-vous.

• L’activité juridictionnelle sera maintenue en présence des personnes « dûment convoquées », dans le respect des mesures sanitaires applicables à la covid-19.

• Le déploiement des ordinateurs portables, inexistant lors du premier confinement notamment pour les greffiers, devra être achevé « au plus vite ».

• Les mesures sanitaires seront tout autant appliquées au personnel pénitentiaire qu’au personnel dont la présence ponctuelle et régulière est requise.

• Concernant plus particulièrement les prisons : « le respect des mesures sanitaires ne conduit pas à remettre en cause les conditions de vie comme les parloirs ou le travail en détention », a ajouté Éric Dupond-Moretti. Lors du confinement de mars, toutes les visites et les activités avaient été interrompues.

• L’activité des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera également maintenue « avec les adaptations et précautions nécessaires ».

• Un suivi régulier de la situation sera mis en place avec les chefs de cours d’appel « de zone de défense », les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Et avec les organisations syndicales, a-t-il précisé également.

 

À consulter également, paru vendredi 30 octobre 2020 :

Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Et notamment, au titre des exceptions, sont autorisés :

- à l’article 4, 7° : les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

- à l’article 45, I : Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public, sauf :

les salles d’audience des juridictions,
 les crématoriums et les chambres funéraires,
 l’activité des artistes professionnels,
 les activités mentionnées au II de l’article 42, à l’exception de ses deuxième, troisième et quatrième alinéas.

La Cour de cassation signe ici un arrêt extrêmement strict sur le contrôle par le juge des conditions dans lesquelles la signification à comparaître a été délivrée à son destinataire. En l’espèce, une affaire revient devant la cour d’appel après une cassation. Devant la cour de renvoi, l’intimé est considéré comme n’étant ni présent ni représenté. En réalité, il ressortait des éléments du dossier qu’il avait reçu à domicile la citation à comparaître, ainsi que les conclusions et les pièces afférentes. Dès lors, rien ne pouvait justifier son défaut de comparution. La Cour de cassation censure la cour d’appel au visa des articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et livre un véritable mode d’emploi des vérifications à opérer par le juge en cas de signification par huissier de justice.

L’article 55 du code de procédure civile rappelle que l’assignation est l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. Bien que rédigé en pratique par un avocat, il est délivré sous la responsabilité de l’huissier de justice. Ce dernier doit donc s’assurer de la validité de l’acte. De plus, l’acte est délivré par une signification, qui est un autre acte de procédure même s’il fait corps avec l’assignation. Cet acte de procédure...

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La situation d’un mineur étranger et isolé peut nécessiter sa protection à l’aide notamment d’une mesure d’assistance éducative. Mais se pose alors fréquemment la question de la détermination de l’âge dudit mineur ; les documents d’identité présentés au juge étant parfois peu probants. On peut lire dans l’ouvrage dirigé par Sylvie Bernigaud : « La situation précaire dans laquelle peut se trouver un jeune mineur étranger justifie la saisine du juge des enfants, aux fins d’obtenir de sa juridiction une mesure de protection au titre de l’enfance en danger, si l’existence de ce danger est établie et si la minorité du jeune étranger n’est pas remise en cause » (S. Bernigaud [dir.], Droit de la famille, Dalloz Action, 2020-2021, n° 243.183 ; nous soulignons). Cette remise en cause de la minorité est précisément au centre de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 octobre 2020.

Les faits sont assez classiques dans ce contentieux : un juge des enfants confie un mineur se disant né à Conakry en Guinée au service de l’aide sociale à l’enfance de Seine-Maritime jusqu’à sa majorité ; le mineur ayant communiqué une date de naissance fixée le 12 juin 2003. La cour d’appel de Rouen refuse toute mesure d’assistance éducative en constatant que la minorité du demandeur n’est pas établie. Elle écarte, en effet, les documents fournis par le jeune migrant par renversement de la présomption de régularité de l’article 47 du code civil. Le mineur fait donc grief à l’arrêt d’avoir ainsi dénié sa minorité sans mesure d’instruction supplémentaire. Il se pourvoit ainsi en cassation. La haute juridiction casse et annule l’arrêt en précisant : « lorsque le juge, saisi d’une demande de protection d’un mineur au titre de l’assistance éducative, constate que les actes de l’état civil étrangers produits ne sont pas probants, au sens de l’article 47 du code civil, il ne peut rejeter cette demande sans examiner le caractère vraisemblable de l’âge allégué et, le cas échéant, ordonner un examen radiologique osseux ». La cour d’appel n’était, en somme, pas allée assez loin dans son contrôle factuel. Elle avait seulement constaté les invraisemblances manifestes des documents qui lui étaient soumis. Son rôle ne s’arrête pourtant pas là. L’arrêt est donc une occasion assez rare de préciser les contours de la preuve de la minorité et, ce faisant, de l’âge d’une personne. Il ne faut toutefois pas omettre la position, non expressément rappelée mais non déniée non plus, de la Cour sur la portée des résultats de l’examen radiologique osseux.

La preuve de la minorité est une question complexe tant elle n’est censée poser que peu de difficultés. Pour une immense majorité de situations juridiques, cette détermination est apportée par les pièces d’identité de l’individu. La situation se complique nettement en l’absence de telles pièces ou en présence de documents invraisemblables. L’arrêt d’appel parle ici de « mentions incohérentes faisant douter de leur régularité ». On comprend donc aisément le raisonnement des juges du fond : puisque les preuves rapportées n’étaient pas cohérentes, elles ont été rejetées pour établir la minorité.

La question ne se situe pas à ce niveau mais à un échelon supérieur : cette insuffisance doit-elle nécessairement conduire à rejeter directement la minorité du mineur ? À cette question, la Cour de cassation invite à respecter la lettre de l’article 388 du code civil lequel précise : « Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur » (nous soulignons). C’est précisément la mesure d’instruction supplémentaire qu’il manquait ici pour éviter la cassation pour défaut de base légale. L’examen radiologique osseux reste une mesure très encadrée. Il ne faut pas tomber dans le travers inverse : cet examen ne peut pas à lui seul déterminer l’âge du mineur (Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 18-19.442, Dalloz actualité, 19 oct. 2018, obs. N. Peterka ; AJDA 2018. 1936 ; D. 2018. 1911 ; ibid. 2019. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2018. 676, obs. L. Gebler ; RTD civ. 2019. 77, obs. A.-M. Leroyer ). Le texte, rappelé précédemment, le mentionne expressément en parlant de la marge d’erreur inhérente au test. Voici donc un subtil jeu d’équilibriste pour les juges du fond, lesquels doivent à la fois mettre tout en œuvre pour déterminer l’âge du mineur, sans être tenus de suivre les résultats scientifiques de l’examen radiologique osseux. En conséquence, l’approche de la Cour de cassation se veut exigeante sur les conditions de détermination de l’âge du mineur. Certes, l’examen radiologique osseux ne peut suffire à lui seul à déterminer l’âge mais il doit tout de même être ordonné en cas de doute afin de comparer l’âge réel avec l’âge allégué. Le mineur peut d’ailleurs toujours refuser la mesure et le juge composera avec les preuves devant lui. Une telle détermination sera à l’abri de toute cassation pour défaut de base légale.

Résumons : la détermination de l’âge du mineur ne dépend pas seulement des pièces présentées. Certes, celles-ci peuvent paraître incohérentes mais le rôle du juge ne s’arrête alors pas à un simple rejet des pièces et de la demande. Le contrôle de la vraisemblance est indispensable et, si besoin, un examen radiologique osseux viendra confirmer ou non ce contrôle factuel. La prudence doit rester de rigueur puisque le juge peut tout à fait ne pas retenir les résultats des examens radiologiques osseux (Civ. 1re, 21 nov. 2019, nos 19-17.726 et 19-15.890, Dalloz actualité, 28 nov. 2019, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2019. 2407 ; D. 2019. 2301 ; AJ fam. 2020. 65, obs. C. Bruggiamosca ; RTD civ. 2020. 71, obs. A.-M. Leroyer ; 19 sept. 2019, n° 19-15.976, AJDA 2019. 1840 ; D. 2019. 1832 ; ibid. 2020. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2019. 588, obs. C. Bruggiamosca ; RTD civ. 2019. 829, obs. A.-M. Leroyer ). Il ne s’agit donc pas, dans cet arrêt, de renverser la position de la jurisprudence à sujet. En revanche, la décision vient insister sur l’importance de ces mesures d’instruction pour déterminer l’âge du mineur. En fonction des résultats que le juge aura devant lui, le rejet relèvera de son appréciation souveraine. Utile précision du périmètre exact de ses pouvoirs. En somme, mieux vaut trop d’éléments soumis pour la détermination de l’âge que pas assez.

Il n’y a pas de temps à perdre, Michel M…, prévenu, se positionne à la barre du tribunal de Nanterre pour répondre aux questions du président. « Comment expliquez-vous la différence avec le prix de vente d’autres biens dans cette même rue ? Avez-vous effectué les diligences pour faire estimer ce bien ? » Le dossier est dense, déjà renvoyé car, prévu sur une seule journée au départ, les faits sont nombreux, quatorze séries de faits imbriqués ; le prévenu est un notaire. Il faut tout évoquer, et la demande de renvoi de la défense a déjà pris du temps au tribunal. Le président l’entreprend derechef sur les premiers faits : il aurait escroqué les héritiers de Marthe P…, décédée en 2009, en sous-évaluant le bien qu’ils l’avaient chargé de vendre. Quelques jours après avoir signé la promesse de vente, l’acheteur, une société civile immobilière (SCI), en a signé une en tant que vendeur, réalisant sans délai un bénéfice de 18 %. Michel M… a réalisé les deux ventes, pour lesquelles il a perçu des émoluments, et touché de généreux honoraires de négociations, dit l’accusation, pour avoir sciemment minoré la valeur de l’appartement. « Qu’avez-vous fait pour vous assurer qu’il n’y avait pas une meilleure offre ? » Le président attend une réponse claire, et il l’attend fissa, car le tribunal doit examiner une série de quatorze faits impliquant la commission d’un impressionnant panel d’infractions de droit pénal des affaires. Inutile, dit Michel M…, le prix correspondait aux aspirations de ses clients, qui avaient besoin de vendre vite pour payer leurs droits de succession. Une aubaine pour ce notaire indélicat, pensent l’accusation et la partie civile, Anne-Marie G…, son associée (ils étaient quatre) chargée de ce dossier, mais qui lui a délégué l’évaluation du bien. Michel M… semble ne pas comprendre le problème. « Un marchand de biens, dès qu’il a signé la promesse de vente, il cherche la revente », rappelle-t-il, sans percevoir que c’est le fait qu’il ait manœuvré à cet effet qui lui est reproché. Me Emmanuel Tordjman, l’avocat de Michel M…, est très attentif et se permet de nombreuses interruptions, en défenseur vigilant, lorsqu’il estime que ce qui est dit est inexact. « Vous plaiderez, Maître », lui répète le président d’une voix de plus en plus contrariée à mesure que les débats prennent du retard sur la pendule. Me Tordjman rouspète un peu. « Je le plaiderai ! », répète-t-il, sur un ton excédé.

Le cas suivant : Mme L…, décédée à 101 ans (précision apportée par le prévenu), avait légué l’usufruit d’un appartement à ses neveux et nièces dans un testament olographe rédigé en 1989. À son décès en 2005, Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il indique à sa consœur en charge de ne pas faire figurer les volontés de la défunte, dans la mesure où les légataires visés sont depuis décédés, ce qui constituerait un faux en écriture authentique.

Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il s’occupe de nombreux actes préparatoires, et la vente est promise à l’un de ses amis. Entre la signature de la promesse et la vente, l’acquéreur personne physique se mue en une pimpante SCI, dont le nom VANO 44 laisse à penser qu’elle a été créée ad hoc, car l’appartement est situé rue Vanneau, à Paris. L’ami de Michel M… ne possède que 5 % des parts ; l’autre associée, Nadia M…, en possède 95 %. Nadia M… est mariée à Michel M… sous le régime de la communauté de biens. Elle aurait dû comparaître à ses côtés, mais son cas a été disjoint, car elle est hospitalisée. En procédure, l’ami a admis avoir été un gérant de paille. Michel M… explique : cette SCI, c’était juste pour dépanner un ami qui faisait face à de soudaines difficultés financières (entre la promesse de vente et la vente), ayant perdu l’opportunité d’un emploi qui lui était promis. Pour démêler tout cela, le président entend obtenir des réponses brèves aux questions fermées qu’il égrène. « Est-ce que, par la date de sa création, cette SCI avait pour vocation exclusive l’acquisition de ce bien ? » C’est le délit de prise illégale d’intérêt qui est visé. La réponse est ambiguë, le président fulmine, Me Tordjman l’interrompt, le président explose : « Laissez-moi terminer, Maître ! Là, je vais vraiment commencer à m’énerver sérieux, alors taisez-vous ! » Mais il est trop tard, le président ne peut plus retenir sa fureur. L’avocat ne se tait pas, mais sa voix est désormais couverte par celle du président : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! » Il cogne son bureau, se lève et décrète une suspension pour se calmer « Vous et moi ! », hurle-t-il en pointant l’avocat du doigt.

La sérénité retrouvée, le tribunal aborde les deux dossiers suivants, très semblables. Là encore, Michel M… présente aux vendeurs un seul et unique acheteur, un couple d’amis. « Vos liens d’amitié étaient-ils connus ? Oui ? Comment expliquez-vous que votre épouse acquiert 50 % des parts dans la SCI acquéreur ? Comment cela se fait-il qu’à chaque fois, une SCI se crée au moment de la vente ? » Michel M… est soupçonné d’avoir été intéressé à cette vente, par le biais de son épouse (prise illégale d’intérêts), et de n’avoir pas négocié le prix au mieux des intérêts de ses clients. Pourtant, « pour des raisons déontologiques », dit-il, Michel M… a confié la finalisation de la vente à un confrère. La procureure : « Peut-on passer des actes dans les opérations auxquelles on est directement intéressé ? — Non. — Dans les deux cas, vous présentez à des clients aux abois un seul et unique acquéreur, vos amis. Il n’y a pas un moment, avant la révélation des faits qui vous sont reprochés, où vous vous posez la question sur vos pratiques ? Non ? Tout était clean ? » Michel M… bredouille une non-réponse, son avocat explique : « Le compromis est signé par les époux B… (les amis en question), alors que la SCI existe depuis un an », preuve que sa création n’est pas idoine. « Ce n’est donc qu’après que l’idée d’acquérir le bien avec la SCI est formulée. » La procureure indique que le confrère ayant finalisé la vente a dit ignorer que Michel M… fut partie à la vente. « Je pense qu’il ne dit pas la vérité », répond le prévenu. « Le tribunal appréciera » (ritournelle).

Il faut désormais se pencher sur un abus de confiance, puisqu’il est reproché à Michel M… d’avoir payé son avocat avec les finances de son étude. Il comptait rembourser, son avocat fiscaliste lui a dit : pas de problème. « Vous n’avez pas pensé à consulter votre ordre, vu ce qu’il vous est déjà reproché ? » Nous sommes en 2011 et 2012, la procédure a été déclenchée en décembre 2010. « Une partie des honoraires a servi pour payer votre défense pénale ? » Le prévenu louvoie. « J’essaie de garder mon calme, vous savez très bien quels sont les enjeux de cette procédure », se contient le président. Me Tordjman à la rescousse : « S’il n’en a pas parlé à la chambre des notaires, c’est à cause des mauvaises relations qu’ils entretiennent, le président de cette même chambre ayant été poursuivi par Michel M… pour diffamation. » Puis viennent des frais de déménagement, payés par l’étude, pour son compte personnel. Il objecte : il s’agissait de déménager des meubles lui appartenant dans l’étude. Son associée n’a jamais vu les bibliothèques. Et ce cocktail, payé par l’étude, qui eut lieu chez lui au lendemain de son anniversaire. « C’était un cocktail professionnel », soutient-il. Le président semble se tendre à nouveau. Il n’y croit pas. Il craque. « Moi, je ne pose plus de questions, vous nous baladez, nous vous interrogeons sur des pratiques qui posent question, et vous répondez par des pirouettes ! »

Dans ce climat pesant de fin d’audience, après avoir examiné ces faits et bien d’autres, comme, par exemple, un autre faux en écriture authentique pour avoir signé une vente alors que, mis en examen la veille, il avait été suspendu dans ses fonctions, ou comme un autre faux, commis au préjudice d’Albert Uderzo, qu’il a un temps été soupçonné d’avoir escroqué (seule une facture douteuse, fausse pour l’accusation, a été retenue contre lui), les parties civiles ont plaidé, et la procureure a requis deux ans d’emprisonnement assortis d’un mandat de dépôt différé, 200 000 € d’amende, une interdiction définitive d’exercer. Alors que Me Tordjman plaidait, il fut interrompu. En effet, il faisait état à l’oral d’arguments présentés dans des conclusions (62 pages) qu’il avait communiquées le jour même aux autres parties, qui n’ont donc pas pu en prendre connaissance. Ultime esclandre et solution rigoureuse : le procès sera mis en continuation (au 19 mars), ce qui signifie que les avocats et la procureure reprendront leurs plaidoiries et leur réquisitoire, dans le respect du principe du contradictoire. Mais Michel M…, qui demandait souvent s’il pouvait se rasseoir, n’aura plus à se lever pour répondre aux questions du président.

En 2018, l’avocat Sylvain Boueyre avait réclamé la communication de plusieurs rapports de l’ordre. Ce dernier refusait, considérant que ces documents « relevaient de l’organisation interne du service ». Après un avis favorable de la CADA et un nouveau refus de l’ordre, Sylvain Boueyre saisissait le tribunal administratif de Paris. Celui-ci a rendu sa décision le 8 octobre.

L’ordre soutenait que le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) n’était pas applicable aux relations entre un avocat et l’ordre et que ce conflit relevait du juge judiciaire, en se basant sur l’article 19 de la loi du 31 décembre 1971. Mais, pour le tribunal, aucune disposition spéciale ne « régit la communication des documents produits ou reçus dans le cadre de leur mission de service public par l’ordre aux avocats qui en font la demande ». Dès lors, le CRPA est bien applicable au présent litige, qui relève de la justice administrative.

L’ordre étant un organisme privé chargé d’une mission de service public mais qui exerce également une activité privée, seuls les documents « qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs ». Figurent au nombre de ces missions « ses activités normatives, ses décisions à caractère financier notamment celles concernant la CARPA, ainsi que l’ensemble des décisions individuelles ou collectives liées à l’accès à la profession et à l’exercice de celle-ci ».

De nombreux rapports communicables

Le tribunal conclut à la communicabilité de plusieurs rapports : ainsi, ceux « sur le contrat de prévoyance et contrat de perte de collaboration des avocats libéraux », sur la convention conclue entre l’ordre et les experts comptables « concernant les braconniers du droit et du chiffre » et « sur l’évolution des taux et les conséquences sur les comptes de l’ordre et de la CARPA ». De même, deux rapports sur la publication des rapports et des travaux du Conseil devront être communiqués.

Le tribunal considère également communicables différents procès-verbaux et comptes rendus des conseils de l’ordre. Enfin, doivent être transmis les comptes de résultat comptables de l’ordre, ainsi que le rapport de présentation des comptes.

En revanche, les rapports portant sur des modifications de règlements, sur les cotisations ou les documents relatifs aux rémunérations et avantages du bâtonnier et des membres du conseil de l’ordre relèvent du fonctionnement interne et « ne présentent pas un lien suffisamment direct avec les missions de service public exercées par cet organisme privé ». Tout comme le rapport du commissaire aux comptes et un audit sur les finances de l’ordre. La décision est faiblement motivée. Par ailleurs, Sylvain Boueyre devrait demander à l’ordre la communication de nouveaux documents.

L’interprète en russe a patienté une partie de l’après-midi, mais il a quitté le palais lorsqu’arrive finalement Aleksandr, flanqué de l’un de ses fils. Ce dernier indique à la cour qu’ils sont d’abord allés à celui des Batignolles. On rappelle l’interprète. Né à Tbilissi il y a une soixantaine d’années, Aleksandr affirme ne plus avoir la nationalité géorgienne ; et ne plus en avoir du tout, d’ailleurs. En 2018, sur le tarmac de Roissy, il s’est soustrait à une mesure d’éloignement, en refusant à deux reprises d’embarquer dans des vols pour Kiev. Le tribunal correctionnel l’a condamné à deux mois ferme. Pendant son incarcération, sur appel du parquet, la cour a ajouté une interdiction du territoire, pour dix ans. C’est après avoir purgé sa peine d’emprisonnement qu’Aleksandr a pris connaissance de la décision et formé opposition. C’est donc libre qu’il comparaît, avec l’intention à la fois noble, abracadabrante et funeste de venir plaider sa cause en personne, sans avocat.

La présidente explique à Aleksandr que la Géorgie avait délivré un laissez-passer consulaire, et le reconnaissait donc bien comme l’un de ses ressortissants : « Oui, mais c’est un pays dangereux. » Elle lui rappelle aussi qu’à Tbilissi, il a été condamné, pour violences avec arme : « Oui, mais ce n’était pas moi. » Et enfin qu’en France, il a de petits antécédents, relativement anciens il est vrai, sous sa véritable identité, ainsi que sous deux alias distincts. Peu à peu, on croit comprendre qu’Aleksandr a sans doute fait une demande d’asile, sans obtenir de statut, puis entamé une procédure de régularisation, sans plus de succès. La présidente essaie longuement d’y voir plus clair et appelle au secours l’avocate générale : « Vous n’auriez pas des questions sur ce point ? » Levant à peine le nez, elle rétorque simplement : « Eh bien moi, je trouve ça très clair… » Ce qui est clair, c’est surtout que tout cela l’intéresse très moyennement.

Tout un pan des réquisitions louvoie entre caricature et outrance, ce qui ne laisse pas une marge énorme : « Les reconduites sont voisines de zéro, et après, on a des événements [terroristes] comme celui de la semaine dernière, et la presse qui demande ce que fait la justice. […] Certains font un scandale dans l’avion, les passagers prennent leur défense, mais ensuite, ils sont, eux ou leurs familles, assassinés par ces personnes. […] Qu’il aille commettre ses infractions en Géorgie, en Ukraine ou ailleurs, où il veut, mais pas chez nous ! » Elle ajoute que « je ne doute pas, en plus, qu’il demande toutes les aides… » Depuis les bancs, le fils explose : « On n’a jamais rien demandé ! » Et sort entre deux gendarmes. L’avocate générale réclame un an ferme et, « bien évidemment », la fameuse interdiction du territoire pour dix ans. La cour sort délibérer, non sans avoir lancé : « Vous, vous ne bougez pas. »

La greffière fait plusieurs allers-retours. On croit entendre au loin de gros sabots cogner sur le plancher : ce sont ceux du mandat de dépôt qu’Aleksandr, visiblement confiant, est bien le seul à ne pas voir venir. Pendant vingt-cinq interminables minutes, le fils vient ponctuellement coller son visage contre la porte. Il essaie de deviner, à travers les deux hublots successifs, la tournure que prennent les événements, mais ne peut guère apercevoir qu’un coin de moulures de la salle d’audience. Agitation chez les gendarmes, qui ne peuvent téléphoner ni dans la salle ni dehors, puisque le fils s’y trouve : ils restent donc dans le sas. Agitation également chez la greffière, qui se met subitement à tamponner des tas de trucs. La cour revient et s’installe. Dans le dos d’Aleksandr, les gendarmes approchent sur la pointe des pieds et enfilent leurs gants. Ils sont deux, puis cinq, puis neuf.

Aleksandr ne voit toujours rien venir, mais son téléphone se met à sonner : c’est son fils qui tente de le prévenir. Lorsqu’il comprend ce qui est en train d’arriver, il se décale lentement dans une travée, entre deux bancs des avocats. Puis se retrouve coincé contre un muret : on se dit qu’il a décidément le chic pour s’engager dans des impasses. Pendant qu’on l’entrave, alors que son téléphone se remet à sonner, il vocifère : « Ça m’est absolument égal », traduit l’interprète sans y mettre le ton. « Dans ce cas, la cour ne regrette pas du tout sa décision ! », répond la présidente, estomaquée. On le fait sortir par une porte dérobée. Devant la salle, son fils tente toujours de rentrer. Puis d’en savoir plus : « Il a pris combien ? — Aucune idée, Monsieur. — Vous l’emmenez où ? — Aucune idée, Monsieur. » Les gendarmes dégainent leur botte secrète pour s’en débarrasser : « Vous aussi, vous êtes sans papiers, Monsieur ? »

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L’arrêt du 14 octobre 2020 voit revenir cinq ans plus tard la même affaire jugée par la Cour de cassation en 2015 (Civ. 1re, 7 oct. 2015, n° 14-20.144, D. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Dr. fam. 2016. Comm. 16, note M. Farge) et constitue l’occasion de franchir un pas de plus dans la « révolution tranquille » (v. P. Jestaz et J.-P. Marguénaud, Révolution tranquille à la Cour de cassation, D. 2014. 2061 ).

Mme B… est née en 1955, de Mme S… et d’un père déclaré par celle-ci comme étant M. A…B…, lequel a été condamné en 1958 à verser des subsides à l’enfant sur le fondement de l’article 342 du code civil. Après le décès de Mme S…, Mme B… a été adoptée par les époux C… en Angleterre.

En juillet 2010, Mme B… assigne M. A…B… en recherche de paternité. Un jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 19 octobre 2010 déclare l’action en recherche de paternité irrecevable. Mme B… interjette appel et, à la suite du décès de M. A…B…, son fils, M. R…B… intervient à l’instance. Le 27 mars 2014, la cour d’appel de Versailles déclare l’action irrecevable, en raison du fait qu’il n’avait pas été prouvé que le droit anglais, applicable à la filiation, permettait la recherche de paternité au profit d’une personne adoptée. En outre, la cour d’appel soulève d’office la contrariété à l’ordre public international français du droit étranger qui permet l’établissement d’une filiation contredisant une filiation légalement établie. La Cour de cassation, le 7 octobre 2015, casse et annule l’arrêt, car la cour d’appel aurait dû préciser les règles de droit anglais applicables pour justifier qu’elle écartât le certificat de coutume fourni par une partie. En outre, la cour régulatrice rappelle que les juges du fond ne pouvaient relever d’office le moyen tiré de la contrariété à l’ordre public international sans inviter les parties à présenter leurs observations, défendant ainsi le principe du contradictoire. L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Paris.

Cette dernière, par un arrêt du 21 novembre 2017, déclare l’action en recherche de paternité biologique recevable et ordonne une expertise biologique, considérant que l’impossibilité pour une personne adoptée de faire reconnaître son lien de filiation paternelle biologique à des fins successorales constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale. Par un second arrêt du 19 mars 2019, elle déclare M. A…B… père biologique de Mme B….

M. R…B… forme alors un pourvoi en cassation à l’encontre des deux arrêts. Il estime que l’action en recherche de paternité n’est pas recevable car, à supposer l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale établie, il est encore nécessaire de vérifier si cette ingérence est prévue par la loi et poursuit un but légitime. L’article 370-5 du code civil, qui prévoit que l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets d’une adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation, interdit la recherche de paternité pour les enfants ayant fait l’objet d’une adoption et poursuit le but légitime de garantir la stabilité du lien de filiation. En outre, les juges du fond auraient dû rechercher un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et familiale et la stabilité du lien de filiation, en privilégiant, par une décision motivée, la solution protectrice de l’intérêt le plus légitime. La cour d’appel n’a pas caractérisé en quoi la reconnaissance du lien de filiation biologique avec M. A…B… était nécessaire au respect de la vie privée et familiale de Mme B…, d’autant que celle-ci tenait pour acquis qu’elle était la fille biologique de M. A…B…, dont elle portait le nom depuis la naissance. Elle avait par conséquent déjà connaissance de ces origines.

En 2020, l’affaire se présente donc devant la Cour de cassation dans cette configuration, purgée de ses difficultés quant à la loi applicable et à la contrariété à l’ordre public international. La loi anglaise, applicable à la filiation, faisait obstacle à la reconnaissance d’un lien de filiation qui viendrait contredire une adoption. Se posait alors la question de savoir si l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité portait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant. La Cour de cassation rend sa décision au seul visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et réexamine in concreto la proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux. Elle reprend minutieusement les éléments du contrôle de proportionnalité opéré par la cour d’appel. On a, d’un côté, le droit de connaître son ascendance et de voir établir légalement celle-ci et, de l’autre, le refus du prétendu père de son vivant, puis de son héritier, d’établir un lien de filiation, ainsi que l’intérêt général lié à la sécurité juridique.

Si la cour d’appel fait pencher le plateau de la balance des intérêts du côté de l’enfant, la Cour de cassation retient au contraire que l’intérêt de l’enfant, « qui connaissait ses origines personnelles, n’était pas privée d’un élément essentiel de son identité », ne fait pas le poids face à l’intérêt du prétendu père qui n’a jamais voulu établir de lien de filiation, l’intérêt de la famille adoptive et l’intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs. Elle estime que l’atteinte au droit au respect de la vie privée de l’enfant que constitue l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité ne revêt pas un caractère disproportionné. Logiquement, au visa de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour rappelle que la cassation de l’arrêt du 21 novembre 2017 (qui déclare l’action recevable) entraîne l’annulation de l’arrêt du 19 mars 2019 (qui statue sur le fond de la paternité).

La Cour de cassation casse et annule dans toutes leurs dispositions les arrêts soumis à examen et dit qu’il n’y a lieu à renvoi en confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 10 octobre 2010 ayant déclaré irrecevable l’action en recherche de paternité.

L’arrêt sous examen est dans la droite ligne des jurisprudences antérieures qui imposent, au-delà du contrôle de conventionnalité, un contrôle de proportionnalité. La problématique, initiée par l’arrêt fondateur relatif au mariage incestueux (Civ. 1re, 4 déc. 2013, n° 12-26.066, Dalloz actualité, 13 déc. 2013, obs. R. Mésa ; D. 2014. 179, obs. C. de la Cour , note F. Chénedé ; ibid. 153, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2017. 123, chron. V. Vigneau ; AJ fam. 2014. 124, obs. S. Thouret ; ibid. 2013. 663, point de vue F. Chénedé ; RTD civ. 2014. 88, obs. J. Hauser ; ibid. 307, obs. J.-P. Marguénaud ), s’est introduite en matière de filiation par un arrêt remarqué du 10 juin 2015 (Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-20.790, D. 2015. 2365 , note H. Fulchiron ; ibid. 2016. 857, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1966, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; RTD civ. 2015. 596, obs. J. Hauser ; ibid. 825, obs. J.-P. Marguénaud ), qui avait ouvert la voie à un contrôle de proportionnalité au regard de l’article 8 dans le domaine de la filiation. En 2016 (Civ. 1re, 6 juill. 2016, n° 15-19.853, Dalloz actualité, 29 août 2016, obs. V. Da Silva ; D. 2016. 1980 , note H. Fulchiron ; ibid. 2017. 470, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 729, obs. F. Granet-Lambrechts ; RTD civ. 2016. 831, obs. J. Hauser ), la Cour de cassation avait confirmé le principe de ce contrôle en approuvant les juges du fond d’y avoir procédé et en dégageant à grands traits la méthode de ce contrôle.

Dans l’arrêt du 14 octobre 2020, la Cour s’inscrit dans la même démarche, mais elle remet en cause l’appréciation concrète portée par les juges du fond, sur la proportionnalité de l’atteinte. Elle va donc bien plus loin que dans les précédentes affaires et plus que de « contrôler le contrôle » (selon l’expression de H. Fulchiron, D. 2016. 1980 ), elle le refait elle-même en appréciant différemment la balance des intérêts. Tout porte à croire que cet arrêt ne manquera pas de susciter un débat nourri en doctrine.

En juin 2019, une circulaire d’Édouard Philippe avait entraîné d’importants remous dans les organismes de recherche et de réflexion sur la justice. La volonté de supprimer un grand nombre de comités avait abouti à la suppression de plusieurs d’entre eux (v. Dalloz actualité, 16 oct. 2019, art. P. Januel). Côté ministère de l’Intérieur, c’est l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) qui a été démembré. Un temps, la Mission de recherche droit et justice (MRDJ), cofinancée par le CNRS et le ministère de la Justice, avait été menacée, avant d’être finalement confortée.

Cette année, c’est l’Institut des hautes études sur la justice qui est concerné. Cet institut est chargé « de développer les échanges entre les professionnels du droit et les universitaires afin de promouvoir la réflexion et la recherche sur les normes, la régulation juridique, les missions et le fonctionnement de la justice et de contribuer au développement des valeurs de justice ». Depuis trente ans, il a produit de nombreuses études et réflexions sur la justice et le droit. Sous statut associatif, la gouvernance de l’IHEJ est originale, puisqu’il est présidé à tour de rôle par le premier président de la Cour de cassation, le président du Conseil constitutionnel, le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour des comptes. Un moyen de garantir son indépendance.

Toutefois, ses moyens sont limités : subventionné par les ministères de la Justice et des Affaires étrangères, son budget n’est que de 300 000 € et il est dans une situation financière fragile, notamment depuis la suppression de la réserve parlementaire. Fin 2019 s’était posée la question d’un rapprochement avec la MRDJ. Une solution vivement contestée lors du conseil d’administration de décembre 2019. Plusieurs voix, dont celle de Robert Badinter, avaient insisté sur la nécessité de préserver l’indépendance de l’IHEJ et rejeté une « fusion-absorption », l’IHEJ étant nettement plus petit que la MRDJ.

Une mission sur l’avenir de l’IHEJ

La question est revenue un an plus tard, lors du conseil d’administration de l’IHEJ de septembre dernier. Entre-temps, s’il n’y a plus de pression ministérielle pour supprimer des organismes, plusieurs acteurs avaient changé d’avis. Lors de ce conseil, le magistrat Antoine Garapon, secrétaire général de l’Institut depuis 2004, a été poussé vers la sortie. Le travail d’Antoine Garapon, qui a porté les travaux de l’institut, a été salué. Mais, derrière son départ, il y a des désaccords stratégiques sur l’avenir de l’Institut et ses orientations.

Pour l’avenir de l’IHEJ, une mission a été confiée à la magistrate Sonya Djemi-Wagner, inspectrice à l’IGJ et ancienne conseillère justice d’Emmanuel Macron. Dans sa lettre de mission, cosignée par Éric Dupond-Moretti et Laurent Fabius, l’hypothèse d’un rapprochement avec la MRDJ est évoquée. Une hypothèse qui aurait un sens, si elle permet aux deux organismes de se renforcer. Mais, outre des objets différents (l’IHEJ est axée sur la prospective et la réflexion), il faudrait aussi concilier des gouvernances radicalement différentes. Des rapprochements peuvent aussi être envisagés avec d’autres institutions, comme l’École nationale de la magistrature. Sonya Djemi-Wagner devrait rendre ses conclusions d’ici début décembre.

L’incertitude actuelle inquiète les acteurs du monde de la recherche sur la justice et les personnels de l’IHEJ, qui craignent de faire les frais d’un mécano politique. Mais cette crise met surtout en lumière les faiblesses des organismes de recherche et de réflexion sur la justice et le droit. Quand les ministères des Affaires étrangères et de la Défense accordent beaucoup plus de moyens à la recherche et la prospective, les organismes dépendant du ministère de la Justice souffrent de sous-financements chroniques, que ceux-ci soient publics ou privés.

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On a frôlé l’absurde. Comment concilier la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’appelant n’a pas d’intérêt à agir tant que la caducité ou l’irrecevabilité de son appel n’a pas été prononcée et l’article 911-1 nouveau du code de procédure civile qui interdit désormais tout nouvel appel dès lors que le premier a été jugé caduc ou irrecevable ? Avec cet arrêt absolument capital, la Cour de cassation permet d’éviter le pire, comme aux avocats de poursuivre la représentation de La Cantatrice chauve, toujours à l’affiche sur certaines scènes françaises.

 

 

Palais de justice, bureau d’un conseiller de la mise en état. Journée française, code de procédure civile français posé sur une table française. Les avocats français de l’appelant et de l’intimé sont assis, side by side, dans des fauteuils français. Un long moment de silence français. La pendule française frappe dix-sept coups français.

— Que l’appelant attende l’ordonnance de caducité ou d’irrecevabilité pour former son second appel ! Qu’il nous démontre son intérêt à agir !
— Oui, Maître, avant l’heure, c’est pas l’heure. Estimez-vous déjà heureux d’être toujours dans le délai pour former un nouvel appel. Attendez encore quelques instants que je prononce la sanction… Voilà, c’est fait !
— Tout est donc en ordre, l’irrecevabilité est prononcée. Je suis à nouveau recevable et je forme aussitôt appel puisque j’y ai intérêt !
— Trop tard ! Après l’heure, c’est plus l’heure. Vous savez bien que la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité ou d’irrecevabilité n’est plus recevable à former un nouvel appel !

Retour devant la cour d’appel de Paris. Le 10 octobre 2017, un salarié relève appel devant la cour d’appel de Paris d’un jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre, puis, le lendemain, interjette appel du même jugement devant la cour effectivement compétente, la cour d’appel de Versailles. Par ordonnance du 2 mai 2018, non sujette à déféré, le conseiller de la mise en état de la cour de Paris juge irrecevable l’appel. La société intimée saisit alors le conseiller de la mise en état de la cour de Versailles aux fins de voir juger irrecevable l’appel puis défère à la cour la décision l’ayant déboutée de cette demande. Observant que le second recours était dirigé à l’encontre du même jugement et entre les mêmes parties, et que l’avocat du salarié avait écrit à la cour d’appel de Paris que « la saisine de votre juridiction étant une erreur, dont je vous prie de bien vouloir m’excuser, je vous remercie de bien vouloir en tirer toutes les conséquences concernant cette déclaration d’appel », la cour d’appel, sur déféré, infirme la décision du conseiller de la mise en état et « en déduit qu’ayant omis de se désister de cet appel devant la cour d’appel de Paris avant d’avoir formé un nouvel appel devant la cour d’appel de Versailles et alors qu’une même partie ne peut interjeter qu’un seul recours contre une même décision, M. X n’avait pas intérêt à former, le 11 octobre 2017, un second recours contre le jugement déféré en laissant subsister son premier appel ». La Cour de cassation, au visa des articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt après avoir relevé qu’« il résulte du premier de ces textes, selon lequel le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d’appel d’un premier appel formé contre un jugement n’est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé. Selon le second de ces textes, la partie dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie » et donc qu’« il en découle que la saisine irrégulière d’une cour d’appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable. Censurant la motivation de la cour statuant sur déféré, elle conclut qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, d’une part, que le premier appel avait été formé devant la cour d’appel de Paris, dans le ressort de laquelle n’est pas situé le conseil de prud’hommes de Nanterre, de sorte qu’il était irrégulier et, d’autre part, que cette irrégularité n’avait donné lieu au prononcé d’une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel porté devant la cour d’appel de Versailles, celle-ci a violé les textes susvisés ».

On disait récemment que l’arrêt majeur rendu par la deuxième chambre civile le 2 juillet 2020 dessinait sans doute le futur de la régularisation procédurale en cas de caducité ou d’irrecevabilité, puisqu’elle venait de juger, pour les appels interjetés avant le 1er septembre 2017, que la circonstance que le désistement de l’appel porté devant une juridiction incompétente n’était pas intervenu au jour où l’appel avait été formé devant la cour d’appel territorialement compétente ne faisait pas obstacle à la régularisation du second appel formé dans le délai légal (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-14.086, Dalloz actualité, 8 sept. 2020, obs. R. Laffly). Avec cet arrêt de section, la Cour de cassation lève enfin le voile sur l’interprétation de l’alinéa 3 de l’article 911-1 applicable aux appels postérieurs au 1er septembre 2017 et qui précise que « la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie », tandis que l’article 546 dispose que « le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé ».

Dans l’arrêt du 2 juillet 2020, la cour d’appel de Bastia avait estimé que, tant que la cour d’appel ne s’était pas prononcée, l’appelant n’avait pas d’intérêt à agir en formant un second appel identique au premier. Comme le jugeait précédemment la Cour de cassation, l’intérêt à relever appel s’appréciant au jour de l’appel, il fallait attendre que la caducité ou l’irrecevabilité soit prononcée pour réitérer son appel (si l’appelant était toujours dans le délai pour le faire), motivation reprise par la cour de Versailles dans cet arrêt à nouveau censuré par la Cour de cassation, cette fois sous l’empire du nouveau texte. C’est d’autant plus heureux, on le verra, qu’au regard de ce fameux alinéa 3, une interprétation contraire aurait été la négation même du droit d’accès au juge comme d’un droit à l’erreur. On observera déjà que la cour de Versailles ne pouvait conditionner le second appel au désistement du premier, étant rappelé qu’à défaut de réserves expresses, le désistement en appel vaut acquiescement au jugement… Mais surtout, de ces deux textes, la deuxième chambre civile livre une limite essentielle à l’impossibilité de former un nouvel appel contre un même jugement et les mêmes parties : l’erreur de procédure peut être réparée par un nouvel appel, même sans désistement préalable du premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable. Et l’on ajoutera « ou caduc ».

Par cet arrêt, la deuxième chambre consacre finalement, et heureusement, le droit à l’erreur, comme elle avait su le faire le 2 juillet 2020, ou encore précédemment en cas de déchéance de pourvoi. Au visa de l’article 621 du code de procédure civile, la deuxième chambre civile a en effet admis que le second pourvoi est recevable lorsque l’ordonnance qui constate la déchéance du premier pourvoi est postérieure à la déclaration du second pourvoi (Civ. 2e, 27 juin 2019, n° 17-28.111, Dalloz actualité, 25 juill. 2019, obs. A. Bolze ; D. 2019. 1398  ; JCP 2019. 726). Et c’est d’ailleurs ce droit à l’erreur procédurale, tant que le délai d’appel n’est pas expiré, qui avait été consacré par certaines cours d’appel qui s’étaient départies du fameux défaut d’intérêt à agir en raison de la contradiction même avec la lettre de l’article 911-1 (à titre d’exemple, v. Pau, 1re ch, 13 nov. 2018, n° 18/02783 ; Amiens, 31 janv. 2019, n° 18/02692 ; Paris, pôle 5, ch. 1, 7 mai 2019, n° 18/27073 ; Paris, pôle 5, ch. 5, 16 mai 2019, n° 19/00012 ; Lyon, 6e ch, 19 déc. 2019, n° 19/06427 ; Lyon, 3e ch. A, 3 mars 2020, n° 19/05061, Dalloz jurisprudence).

L’intérêt à agir naît, précisément, de la volonté de réparer une irrégularité procédurale. Et les praticiens savent à quel point elle peut être multiple : juridiction territorialement ou matériellement incompétente, erreur dans les parties, omission sur l’acte d’appel ou d’un acte en cours de procédure, etc. Mais encore fallait-il interpréter en prenant de la hauteur, ce que fait, à l’évidence, la deuxième chambre civile. Car soit cette disposition devait être comprise à l’aune de son ancienne jurisprudence et il fallait conclure que, même non encore prononcée, la caducité ou l’irrecevabilité encourue privait l’appelant de toute possibilité de réitérer son acte d’appel car il n’avait pas d’intérêt à agir, soit que l’appelant pouvait réparer une erreur procédurale tant que la sanction n’avait pas été prononcée, son intérêt à former un nouvel appel découlant justement de sa première erreur, qui allait devenir, bientôt, irréparable.

Dit autrement, soit l’on privilégiait une vision du texte jurisprudentielle, soit l’on avait une approche grammaticale par l’usage du participe passé à l’alinéa 3 de l’article 911-1. Et l’on ne peut que se réjouir lorsque c’est la grammaire qui triomphe, surtout lorsqu’elle offre les clés pour comprendre la règle de droit. Car c’est finalement de cela qu’il s’agit. Par l’utilisation, à la forme passive, du passé composé (« a été frappée de caducité »/« a été jugée irrecevable »), on pouvait espérer que la Cour de cassation en profite pour abandonner son ancienne jurisprudence sur l’intérêt à agir pour consacrer le droit des parties à réparer une erreur procédurale, à condition qu’elles soient bien évidemment dans le délai pour le faire et avant que la sanction ne soit advenue. Car, si la Cour de cassation avait jugé l’inverse (il ne faut pas oublier que, si certaines cours d’appel avaient cette même approche, d’autres niaient la possibilité de former un second appel depuis le 1er septembre 2017), l’appelant n’aurait jamais pu réparer la moindre erreur alors même qu’il était encore dans le délai pour interjeter appel. L’équation était devenue insoluble pour nombre d’avocats : comment retarder un second appel jusqu’à la caducité ou l’irrecevabilité du premier afin de démontrer son droit à agir alors que l’article 911-1, issu du décret du 6 mai 2017, interdit expressément tout nouvel appel si l’appel a été jugé caduc ou irrecevable ?

Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux. La deuxième chambre civile vient d’éviter aux avocats de tourner en rond autour d’un juge metteur en scène d’une pièce dans laquelle le non-sens était devenu le personnage principal. Fin des représentations de l’antipièce de Ionesco. Et La Cantatrice chauve, dans tout ça ? Eh bien, elle se coiffe toujours de la même façon.

Les institutions de recherche et de réflexion sur la justice sont en chambardement. Après la suppression de plusieurs organismes l’an dernier, c’est l’avenir de l’Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) qui pose question. Son ancien secrétaire général, Antoine Garapon, a quitté son poste en septembre. Une mission a été lancée pour proposer des pistes.

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Auteur d'origine: babonneau

La saisine irrégulière d’une cour d’appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable du premier appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel et que le premier appel n’ait pas été déclaré irrecevable.

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Auteur d'origine: laffly

La Cour de cassation, appliquant la loi française, a accueilli une contestation de paternité fondée sur la preuve biologique dans un cas de procréation médicalement assistée avec don d’embryon. L’implantation avait été réalisée à l’étranger après le dépôt d’une requête en divorce.

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Auteur d'origine: lgareil

La chambre commerciale de la Cour de cassation considère qu’elle ne peut statuer sur un pourvoi relatif à un jugement et à un arrêt d’appel rendus en violation du principe d’interruption des poursuites prévu par l’article L. 622-22 du code de commerce. 

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Auteur d'origine: cbonnet

Le 30 septembre dernier, la Commission européenne publiait son premier rapport sur l’État de droit. Celui-ci analyse l’évolution du respect de l’État de droit dans les États membres sur le fondement de quatre critères : le système judiciaire, les mécanismes de lutte contre la corruption, l’équilibre des pouvoirs dans les institutions et la liberté de la presse et le pluralisme. Il pointe des défaillances importantes, notamment en Hongrie et en Pologne et rappelle plus généralement la nécessité de préserver ces garanties même durant la pandémie.

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Auteur d'origine: ccollin

La Cour de cassation se prononce sur les liens entre établissement de la filiation maternelle et effets sur la nationalité française, en application des dispositions transitoires de l’ordonnance du 4 juillet 2005 telle que modifiée par la loi du 24 juillet 2006.

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Auteur d'origine: Dargent

Pour obtenir protection au titre d’une possession méconnue ou troublée, seule la voie du référé et non celle des actions possessoires, abrogées, peut être empruntée par le possesseur ou le détenteur précaire.

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Auteur d'origine: Dargent
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Une femme née en Côte d’Ivoire demande la transcription de son acte de naissance et de son acte de mariage sur les registres de l’état civil français. Elle produit à l’appui de sa demande un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance de Grand-Bassam, sur requête de son oncle, sans que l’intéressée ni sa prétendue mère soient appelées à la cause. La femme assigne en juillet 2014 le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin d’obtenir la transcription. La demande est rejetée en première instance comme en appel. La cour d’appel s’appuie tout d’abord sur l’article 47 du code civil, qui confère la même force probante aux actes d’état civil étrangers qu’aux actes français, sauf s’ils sont irréguliers, falsifiés ou mensongers. Ici a été produit un jugement supplétif, qui peut, conformément au droit ivoirien, suppléer l’absence d’acte de naissance : or ce jugement supplétif a été établi à la requête de l’oncle de l’intéressée, sans qu’elle-même ni sa prétendue mère soient appelées à la cause. Les juges d’appel considèrent que ce jugement est contraire à l’ordre public international français et ne peut donc recevoir application en France.

L’intéressée se pourvoit en cassation, au motif que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que l’acte de naissance résultant du jugement supplétif était irrégulier, falsifié ou mensonger, s’est affranchie des conditions posées par l’article 47 du code civil : les juges du fond ne pouvaient, sans violer le texte, exiger une reconnaissance d’enfant, qui n’était pas requise par la loi ivoirienne. Le pourvoi conteste la contrariété à l’ordre public international du jugement supplétif, car la loi ivoirienne prévoit que le juge peut appeler ou entendre les personnes dont les intérêts sont susceptibles d’être affectés par une décision rendue en matière gracieuse. En outre, seule l’intéressée avait qualité et intérêt pour se prévaloir de ce que, devant le juge étranger et dans le cadre de la procédure gracieuse, elle n’avait pas été appelée ou entendue.

La Cour de cassation s’écarte totalement des arguments de la cour d’appel et opère une substitution de motifs. Elle rappelle qu’aux termes de l’article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi nationale de la mère au jour de la naissance de l’enfant. Cela conduit en l’espèce à l’application de la loi française à la question de la filiation. Elle rappelle ensuite que, si un jugement supplétif régulier est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l’enfant à la date de sa naissance, cette filiation ne saurait emporter d’effets utiles en matière de nationalité que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l’article 311-25 du code civil et de l’article 20, II, 6°, de l’ordonnance du 4 juillet 2005. La Cour rappelle que ces dispositions impliquent que si la filiation peut être établie par indication de la mère dans l’acte de naissance, elle est sans effet sur la nationalité de l’enfant majeur à la date du 1er juillet 2006, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2005. Par conséquent, puisque l’intéressée dont la filiation était en cause et qui était née hors mariage était majeure au 1er juillet 2006, sa filiation maternelle n’avait pas d’incidence sur sa nationalité, et son acte de naissance ne pouvait donc pas être transcrit sur les registres d’état civil français. La Cour de cassation se retranche derrière la technicité du droit transitoire en matière de nationalité, et laisse de côté les méthodes du droit international privé. Peu importe en définitive la contrariété ou non à l’ordre public international du jugement supplétif, puisque ce qui est demandé ici est la transcription de l’acte de naissance. Or, à défaut de nationalité française de l’intéressée, cette transcription ne peut être opérée.

Il convient de reprendre rapidement les éléments de débats pertinents. En 2005, afin de se mettre en conformité avec les exigences européennes, l’ordonnance portant réforme de la filiation a inscrit dans le code civil l’article 311-25, aux termes duquel : « la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant », indépendamment du mariage ou non des parents. Pour contrer l’afflux de demandes pour acquérir la nationalité française par filiation et une jurisprudence « bienveillante » de la Cour de cassation qui s’appuyait volontiers sur les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (v. par ex., dans le cadre d’action déclaratoire de nationalité, Civ. 1re, 14 févr. 2006, n° 05-13.006, D. 2006. 1029, obs. I. Gallmeister , note G. Kessler ; ibid. 1139, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2006. 162, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2006. 294, obs. J. Hauser  ; 13 mars 2007, n° 06-16.675, Rev. crit. DIP 2008. 81, note P. Lagarde ), l’article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 modifia les dispositions transitoires de l’ordonnance de 2005 en précisant que « les dispositions de la présente ordonnance n’ont pas d’effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur ». Était ainsi instaurée une double discrimination :

• d’une part, entre les personnes nées hors mariage, majeures ou non à la date du 1er juillet 2006 (mais ici, la différence de traitement, résultant du droit transitoire entre deux régimes, n’est pas en soi contraire au principe d’égalité),

• d’autre part, entre les personnes majeures au moment de l’entrée en vigueur de la loi, selon qu’elles sont nées en mariage ou hors mariage.

La disposition fit l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, et le Conseil constitutionnel se prononça le 21 octobre 2011 (QPC n° 2011-186/187/188/189, AJ fam. 2011. 608, obs. E. Viganotti ; Rev. crit. DIP 2011. 825, note P. Lagarde ; RTD civ. 2012. 107, obs. J. Hauser ). Les requérants considéraient que ces dispositions privaient les seuls enfants nés hors mariage qui avaient atteint l’âge de la majorité à la date du 1er juillet 2006 (entrée en vigueur de l’ordonnance de 2005 portant réforme de la filiation) de la possibilité d’obtenir la nationalité française en rapportant la preuve du lien de filiation qui les rattache à leur mère de nationalité française en se fondant sur la seule mention de la mère dans l’acte de naissance. Le Conseil constitutionnel, arguant de la nécessité d’assurer la stabilité de la nationalité des personnes à la date de leur majorité, affirma qu’il n’y avait pas de rupture du principe d’égalité parce que la différence de traitement ne portant pas sur la filiation des enfants légitimes ou naturels, mais sur les effets de cette filiation sur la nationalité, la différence ne présentait qu’un caractère résiduel.

Même si la décision du Conseil constitutionnel fit l’objet de critique (notamment sur le caractère « résiduel » de la question de la nationalité française [ !]), la Cour de cassation s’inclina, en tout cas pour les actions déclaratoires engagées après l’entrée en vigueur de la loi de 2006 (Civ. 1re, 17 déc. 2010, n° 10-10.906, D. 2011. 160 ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ fam. 2011. 105, obs. M. Douris ; AJCT 2011. 139, obs. I. Gallmeister ; Rev. crit. DIP 2011. 49, note P. Lagarde ).

Dans l’arrêt sous examen, concernant une demande de transcription et non une action déclaratoire de nationalité, la Cour de cassation manque ainsi l’occasion de revenir à sa jurisprudence antérieure pour constater la contrariété de la disposition aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (qu’une partie de la doctrine appelait de ses vœux, v. not. Rev. crit. DIP 2011. 825, obs. P. Lagarde  ; J.-Cl. Civ. Code, par H. Fulchiron et E. Cornut, fasc. 20, nos 53 s.).

Elle rappelle sèchement que la filiation établie est sans incidence sur la nationalité de l’enfant majeur à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2006, éludant ainsi le débat sur la force probante de l’acte de naissance résultant du jugement supplétif.

À la lumière d’un référé-expertise des propriétaires, pensant bénéficier d’une servitude de passage, ont assigné les propriétaires du fonds servant sur le fondement de la protection possessoire en demandant notamment l’enlèvement d’une clôture et d’une barrière qui, de leur point de vue, créaient un trouble à leur possession. Se plaçant sur un terrain spécifique en faisant valoir pour moyen de droit celui des actions possessoires, les plaideurs se sont trouvés confrontés aux évolutions législatives propres à ce domaine. Il faut en reprendre les principales étapes.

Initialement, les trois actions possessoires (complainte, dénonciation de nouvel œuvre et réintégrande, qui visaient uniquement le fait de possession) étaient confiées à la connaissance des tribunaux d’instance, alors que les actions pétitoires (le fond du droit) relevaient des tribunaux de grande instance. Simple en théorie, la distinction des questions possessoires et du fond du droit a toutefois conduit le législateur, par la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005, à regrouper les questions touchant à la propriété immobilière, pour les soumettre à la compétence exclusive du tribunal de grande instance. Ceci étant, dans la quasi-totalité des cas, compte tenu de la lenteur de la protection possessoire (et plus encore devant le TGI que devant le TI), les plaideurs avaient rapidement pris l’habitude d’abandonner la voie des actions possessoires pour leur préférer une procédure plus rapide, plus simple et plus efficace : le référé. La coexistence de deux voies de protection de la possession – actions possessoires et référé – n’était pas en soi une difficulté, même si la Cour de...

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Le juge veille (C. pr. civ., art. 3). Il impartit et ordonne (C. pr. civ., art. 4 ; 10). Il concilie – rarement (C. pr. civ., art. 21), homologue – de plus en plus souvent (C. pr. civ., art. 131 s. ; 824 ; 1099 ; 1300-4 s. ; 1534 ; 1560 s.). Et bien sûr, il tranche (C. pr. civ., art. 12). À cette panoplie qui structure un office en métamorphose (N. Cayrol, « Les métamorphoses de l’office du juge », Gaz. Pal. 31 juill. 2014, n° 178z4), oscillant entre imperium et jurisdictio (R. Laher, Imperium et jurisdictio en droit judiciaire privé, Mare & Martin, coll. « Bibliothèque de thèses », 2016), s’ajoute une prérogative étonnante qui emprunte plutôt au registre du performatif : l’invitation. Qu’elle prenne la forme d’une proposition (v. not., C. pr. civ., art. 127) ou d’une invitation stricto sensu, cette « prière courtoise » suscite la perplexité de la doctrine (Com. 11 déc. 2007, n° 06-18.618, inédit, RTD civ. 2008. 154, obs. R. Perrot ). À vrai dire, le code de procédure civile y recours peu (C. pr. civ., art. 8 ; 13 ; 245 ; 376). Mais parmi ces cas, il en est un qui concentre régulièrement l’attention de la Cour de cassation : en matière contentieuse, l’invitation des parties par le juge à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige (C. pr. civ., art. 332, al. 1er).

Avant d’aller plus loin, il doit être rappelé qu’une intervention forcée n’a pas toujours le même objet (Rép. pr. civ., v° Intervention, par D. d’Ambra et A.-M. Boucon, 2014). Elle peut être destinée à obtenir la condamnation d’un tiers (C. pr. civ., art. 331, al. 1er). Elle peut aussi être destinée à rendre commun un jugement ou un arrêt à un tiers (C. pr. civ., art. 331, 2). Destinée à donner autorité de chose jugée à la décision de justice à son égard, la mise en cause se transforme ici en un opportun « relais préventif pour devancer une tierce opposition éventuelle » (Civ. 2e, 21 mars 2013, n° 11-22.312, D. 2013. 1574, obs. A. Leborgne ; RTD civ. 2013. 433, obs. R. Perrot, spéc. 434 ). C’est justement d’une telle intervention aux fins de déclaration d’arrêt commun dont il est question en l’espèce.

Un médecin a exercé sa profession à titre libéral de 1979 à 2011, date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite. À compter d’octobre 2013, il a repris une activité non salariée de formateur auprès d’un institut d’ostéopathie. En 2015, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) l’a mis en demeure de lui payer les cotisations afférentes à l’exercice 2014. Constatant le non-paiement de la créance litigieuse, la CARMF a émis une contrainte à l’encontre du médecin. Ce dernier a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde d’une opposition à cette contrainte. Par un jugement, la juridiction de première instance a annulé la contrainte décernée par la caisse et condamné celle-ci à rembourser une somme au titre des cotisations et majorations de retard. La CARMF a logiquement interjeté appel de ce jugement. Outre la demande de réformation du jugement attaqué, elle formule également une demande d’intervention forcée dirigée contre une caisse de retraite concurrente : la caisse interprofessionnelle de prévoyante et d’assurance vieillesse (la CIPAV). Mais si l’article 555 du code de procédure civile autorise la mise en cause d’un tiers qui n’a été ni partie, ni représenté au premier degré, encore faut-il qu’elle soit justifiée par une évolution du litige (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit commun et spécial du procès civil. MARD et arbitrage, 35e éd., 2020, Dalloz, n° 1355, p. 980-981). Or, pour les juges de la cour d’appel, l’appelante ayant eu connaissance du conflit d’affiliation avant l’audience, aucun élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement ne venait satisfaire la condition d’évolution du litige. Faisant grief à l’arrêt de déclarer irrecevabilité l’intervention forcée de la CIPAV, la CARMF a formé un pourvoi en cassation. À son soutien, elle formule deux moyens : premièrement, en cas d’invisibilité, et notamment dans l’hypothèse d’un conflit d’affiliation, toutes les caisses intéressées doivent être appelées à la procédure, au besoin d’office ; deuxièmement, dès lors qu’il y a indivisibilité et que la mise en cause d’un tiers s’impose, l’intervention est toujours recevable en cause d’appel sans qu’il soit besoin d’une évolution du litige.

L’argumentaire a convaincu la Cour de cassation. Au visa des articles 332 et 552 du code de procédure civile, et l’article R. 643-2 du code de la sécurité sociale, dans un paragraphe aux allures de principe, elle juge que « lorsqu’une même personne est susceptible de relever de plusieurs régimes de sécurité sociale, le juge du litige ne peut se prononcer sans avoir appelé en la cause tous les organismes en charge des régimes intéressés ». Or, en disant irrecevable l’intervention forcée de la CIPAV, alors qu’il ressortait de leur constatation que le litige portait sur un conflit d’affiliation entre deux sections professionnelles distinctes de l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

D’une faculté à une obligation d’appeler en la cause. En constatant l’emploi du verbe « pouvoir » à l’article 332, alinéa 1er, du code de procédure civile, l’invitation des parties à mettre en cause les intéressées apparaît comme une simple faculté pour le juge. Cette lecture a été confirmée par la Cour de cassation (Com. 11 déc. 2007, n° 06-18.618, RTD civ. 2008. 154, obs. R. Perrot ). Pour autant, il est des cas où la mise en cause d’un tiers est rendue obligatoire par la loi (P. Hoonaker, Intervention, in S. Guinchard (dir.), Droit et pratique de la procédure civile 2017-2018, 9e éd., 2016, n° 312.45, p. 926). À titre d’exemples, on citera les articles L. 622-22 et L. 622-23 du code de commerce par lesquels la reprise d’une instance suspendue en raison de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire exige la mise en cause du représentant des créanciers et, le cas échéant, de l’administrateur. On citera aussi l’article L. 376-1, alinéa 8, du code de la sécurité sociale imposant à l’intéressé ou ses ayants droit d’appeler les caisses en déclaration de jugement commun en matière d’accidents non professionnels, ou l’article L. 455-2, alinéa 3, par lequel la victime ou ses ayants droit sont tenus à une obligation identique en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Mais là où une loi spéciale peut déroger à une règle de portée générale, en va-t-il de même pour une jurisprudence ? C’est ce à quoi s’autorise, en l’espèce, la Cour de cassation en matière de conflits d’affiliation. Censurant la décision tranchant un tel conflit sans avoir mis en cause tous les organismes de sécurité sociale susceptibles d’être intéressés, la Haute juridiction transforme un simple pouvoir d’initiative du juge en une obligation d’appeler en cause les tiers intéressés.

À bien y regarder, cette solution n’est pas inédite ; elle est même classique si l’on se cantonne à l’enceinte de la chambre sociale (Soc. 19 juin 1975, n° 74-10.548, Bull. civ. V, n° 343 ; 6 juill. 1976, n° 75-10.370, Bull. civ. V, n° 425 ; 13 janv. 1977, n° 75-13.382, Bull. civ. V, n° 30 ; 30 mars 1978, n° 77-10.908). À l’inverse, et sauf à remonter très loin (v. par ex., Req., 2 août 1876, DP 1877. 1. 224 ; S. 1877. 1. 306), les autres chambres de la Cour de cassation se sont toujours refusées à permettre au juge d’ordonner d’office l’intervention forcée d’un tiers (Civ. 2e, 30 avr. 1954, Bull. civ. II, n° 114 ; Civ. 3e, 5 nov. 1975, n° 74-11.546, Bull. civ. III, n° 318), même lorsqu’elles statuaient en matière de conflits d’affiliation (Civ. 2e, 14 oct. 1959, Bull. civ. II, n° 648 ; 22 nov. 1961, JCP  1962. II. 12464 ; D. 1962. 546, note Brunet). Dans l’arrêt commenté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation fait donc tomber la cloison qui la séparait jusqu’à alors de la chambre sociale. Dans la matière considérée, en dehors même des cas où la loi le prescrit, le juge doit ordonner l’intervention forcée d’un tiers. Sa saisine est conditionnée au fait d’avoir préalablement appelé en la cause tous les organismes de sécurité sociale susceptible d’être intéressés (sur la notion de saisine, v. N. Cayrol, Procédure civile, 3e éd., 2020, n° 414 s., p. 189 s.). La justification de cette solution est à rechercher dans la spécificité de la matière litigieuse (CSS, art. R. 643-2). Mais à la lecture de l’arrêt, il est un doute dont on a dû mal à se départir : la mise en cause du tiers demeure-t-elle soumise à la volonté des parties ?

Appeler en la cause et volonté des parties. « […] on oublie trop facilement que toute intervention forcée passe nécessairement par la volonté des parties, même lorsqu’elle est suscitée par un juge. Ce n’est pas lui, en effet, qui se charge d’accomplir les formalités requises pour appeler le tiers dans la cause. La mission du juge se limite simplement à une incitation plus ou moins pressante qui, pour se réaliser dans les faits, a besoin du concours de l’une des parties » (Civ. 3e, 6 oct. 1993, n° 91-15.728, RDI 1994. 75, obs. G. Leguay et P. Dubois ; RTD civ. 1994. 163, obs. R. Perrot ). La lecture de cette affirmation suffit à dissiper le doute. L’intervention forcée est une demande en justice ; elle prend la forme d’un acte de procédure, et ce même lorsqu’elle intervient en cause d’appel (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, op. cit., n° 361, p. 290). Sans le concours de l’une des parties, le juge ne peut appeler en cause de son propre chef.

De là, deux situations sont possibles. Premièrement, l’une des parties réalise les formalités nécessaires à la mise en cause et l’instance se poursuit en présence de tous les organismes de sécurité sociale intéressés. Deuxièmement, les parties ignorent l’initiative du juge. Si cette dernière hypothèse paraît d’école, elle n’en demeure pas moins possible. Quelle conséquence sur le déroulement de l’instance ? À première vue, pas grand-chose… Le juge ne disposerait d’aucun moyen d’action pour contraindre les parties à une mise en cause qu’elles ne désirent pas (RTD civ. 1994. 163, préc.). Mais se comporter de la sorte à l’égard de celui qui va devoir apprécier l’opportunité des prétentions soulevées, c’est adopter une stratégie audacieuse dont on ne voit pas comment elle peut être profitable. Surtout, la lecture d’un arrêt récent fait craindre de voir le juge conditionner l’examen au fond à la mise en cause du tiers intéressé (dans une espèce où l’objet du pourvoi était indivisible, Com. 16 janv. 2019, n° 16-26.989, publié au Bulletin). Ainsi, illustrant une tendance lourde observée dans le déroulement de l’instance (L. Mayer, La maîtrise du procès par les parties et les contraintes procédurales, L. Flise et E. Jeuland (dir.), Le procès est-il encore la chose des parties, Actes des 5e rencontres de procédure civile, 2015, IRJS, p. 51 s.), en matière d’intervention forcée, les parties seraient de plus en plus sous la menace du juge.

L’arrêt présenté a été rendu sur renvoi après cassation (en réalité, c’est le troisième arrêt rendu par la Haute juridiction dans ce dossier). Il éclaire le moment auquel s’apprécie la bonne foi dans le contentieux post-annulation d’un contrat.

L’annulation d’un contrat produit, on le sait, un effet rétroactif. L’acquéreur est réputé n’avoir jamais été propriétaire du bien litigieux. Cependant, s’il doit rendre le bien, les loyers qu’il a produits et que l’acquéreur a perçu dans l’intervalle, peuvent être conservés par lui, à la mesure toutefois de sa bonne foi. De sorte que si un possesseur de bonne foi doit en effet restituer la chose à son légitime propriétaire, il peut conserver les fruits qu’elle a généré (v. C. civ., art. 549).

En droit des biens, la bonne foi suppose de celui qui s’en prévaut, d’ignorer les vices qui affectent l’acte dont il pense tirer son droit : la bonne foi est « la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable...

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Le 5 avril 2012 un acquéreur (Monsieur Z) acquiert un véhicule d’occasion affichant au compteur un certain kilométrage, auprès de Monsieur Y, qui l’avait lui-même acheté, le 18 octobre 2011, à Monsieur X, qui s’en était rendu propriétaire, le 18 août 2011, auprès de Monsieur W.

Alléguant une modification du kilométrage au compteur, l’acquéreur obtient, par ordonnance de référé, l’instauration d’une mesure d’expertise au contradictoire de Monsieur Y et de Monsieur X.

À la suite du dépôt du rapport d’expertise, l’acquéreur assigne son vendeur, Monsieur Y, à l’effet d’obtenir la résolution de la vente pour défaut de délivrance.

Ce dernier exerce alors une action récursoire à l’encontre de Monsieur X, lequel a attrait aux mêmes fins Monsieur W.

Le tribunal de grande instance déboute l’acquéreur de ses prétentions et rejette les demandes à être relevés et garantie indemne, présentées par Messieurs Y et X.

Sur appel de l’acquéreur devant la cour d’appel de Grenoble à l’encontre de l’ensemble des parties, seul Monsieur Y a comparu. Monsieur X, cité à sa personne, et Monsieur W, cité à la personne de son épouse, n’ont pas constitué avocat.

Par arrêt daté du 3 avril 2018 rendu par défaut, la cour d’appel de Grenoble a accueilli la demande de résolution de la vente présentée par l’acquéreur ainsi que la demande tendant à être relevé et garantie formulée par Monsieur Y à l’encontre de Monsieur X.

Monsieur X a formé une opposition à l’encontre de cet arrêt laquelle a été déclarée irrecevable par arrêt du 11 décembre 2018.

Monsieur X...

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On sait que le dépôt hôtelier, qui « doit être regardé comme un dépôt nécessaire » selon l’article 1952 du code civil, est soumis à des règles spécifiques, en partie issues de la loi n° 73-441 du 24 décembre 1973 (V. à ce sujet, F. Collart Dutilleul et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, coll. « Précis », 11e éd., 2019, nos 824 s., spéc. n° 827 ; P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Droit des contrats spéciaux, 11e éd., 2020, LGDJ, n° 630. V. égal., C. Lachièze, Droit du tourisme, 2e éd., LexisNexis, 2020, nos 541 s., spéc. nos 550 s.). En particulier, l’hôtelier est soumis à une responsabilité de plein droit, qui n’est donc pas fondée sur la faute, mais encore faut-il rapporter la preuve de la valeur des objets volés ou détériorés, preuve qui est toutefois libre puisque l’hôtelier est un commerçant (V., D. Houtcieff, Droit commercial, 4e éd., Sirey, 2016, n° 151). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 septembre 2020 rappelle ces principes élémentaires de manière très pédagogique. En l’espèce, un couple qui séjournait au sein d’un hôtel a été victime d’un vol d’effets personnels dans sa chambre. Les intéressés ont alors assigné...

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L’arrêt rendu le 23 septembre 2020 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en matière de communication par voie électronique, ne surprend pas… tout au moins sur le fond car sa forme – plus précisément sa publicité – apparaît plus étonnante.

Dès le 10 novembre 2016, la deuxième chambre civile avait statué dans des termes identiques à ceux rapportés en chapô, déjà à propos d’une procédure d’expropriation (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 15-25.431 P ; D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; D. avocats 2017. 72, obs. C. Lhermitte ; Dalloz actualité, 1er déc. 2016, obs. R. Laffly. À combiner avec Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 14-25.631 P, D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; ibid. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; AJDI 2017. 94, étude S. Gilbert ). Dans cette lignée, la décision de la troisième chambre civile illustre les difficultés suscitées par la détermination du champ d’application de la CPVE, notamment en appel (Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et européen, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 9e éd., 2016/2017, nos 161.221 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. janv. 2016] ; C. Bléry et J.-P. Teboul, Une nouvelle ère pour la communication par voie électronique, in 40 ans après… Une nouvelle ère pour la procédure civile ?, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2016, p. 31 s. et Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, nos 485 s.).

La surprise vient, en revanche, de la grande diffusion à laquelle l’arrêt est appelé… puisqu’il met en œuvre une règle qui appartient aujourd’hui à l’histoire du droit ! Certes, lorsque la cour d’appel a rendu son arrêt, elle a appliqué le droit positif d’alors, mais il en va heureusement autrement à la date de la décision de la Cour de cassation qui n’est dès lors plus qu’un cas d’espèce.

Comme dans l’arrêt de 2016 (n° 15-25.431), c’est l’exproprié qui forme appel à l’encontre du jugement indemnitaire rendu par le juge de l’expropriation, à la suite de l’ordonnance d’expropriation. Postérieurement à la déclaration d’appel, son avocat transmet à la cour d’appel les conclusions d’appel de l’appelant par voie électronique dans le délai de trois mois de l’article R. 311-26 (al. 1er) du code de l’expropriation, puis par voie papier, au-delà du délai. La cour d’appel prononce la caducité de l’appel, faute de transmission de conclusions, qui soit compatible avec les exigences de l’article R. 311-26 (al. 1er) du code de l’expropriation. L’exproprié se pourvoit. Les quatre branches de son moyen invoquent une violation ou un manque de base légale au regard de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles R. 311-26 et R. 311-29 du code de l’expropriation, des articles 748-1 et 748-6 du code de procédure civile et de l’arrêté du 5 mai 2010, ou encore des articles 114 et 16 du code de procédure civile – les textes étant visés ensemble ou séparément : en substance, selon le pourvoi, la communication par voie électronique facultative est permise devant toutes les juridictions, rien ne justifie une dérogation en matière d’expropriation et un accès au juge, inhérent au droit à un procès équitable, lui a été indûment refusé par la cour d’appel ; celle-ci s’est en outre trompée quant à la sanction, qui tout au plus, aurait été une nullité pour vice de forme et non une caducité.

La Cour de cassation rejette le pourvoi dans les termes rappelés ci-dessus, identiques – comme déjà dit – à ceux de 2016 (arrêt n° 15-25.431)… Elle ajoute que « la caducité étant encourue, non pas au titre d’un vice de forme de la déclaration d’appel, mais en application de l’article R. 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique imposant un délai pour déposer ou adresser au greffe les conclusions et pièces, la cour d’appel n’avait pas à rechercher si cette irrégularité avait causé un...

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Aux termes de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme sur le fondement d’un titre exécutoire à titre provisoire. Ce principe connait une exception et un aménagement, tous deux visés dans ce même article. L’exception a trait à la saisie immobilière, laquelle peut être engagée en vertu d’une décision de justice exécutoire par provision, mais pas être menée à son terme sur ce fondement ; la vente forcée de l’immeuble saisi ne pouvant intervenir qu’après une décision définitive passée en force de chose jugée (C. pr. exéc., art. L 311-4, al. 1er). L’aménagement est quant à lui relatif à l’hypothèse d’une modification ultérieure du titre servant de base aux poursuites. Dans une telle situation, il incombe au créancier de rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent. Plus généralement, il est affirmé que l’exécution d’un tel titre est poursuivie aux risques du créancier.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle les conditions de l’engagement de la responsabilité civile du créancier lorsque le titre exécutoire à titre provisoire est ultérieurement modifié. Si, dans son principe, la solution retenue est bien établie, sa portée doit désormais être envisagée dans le contexte de la réforme opérée par l’importante loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation...

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Le 23 novembre 2017 un salarié relève appel d’un jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence lequel le déboutait des demandes qu’il formait contre son ancien employeur. L’appel a été effectué par l’intermédiaire de son avocat inscrit au barreau de Nîmes.

Le 4 décembre 2017 un avocat inscrit au barreau de Marseille, membre d’une société d’exercice libéral inter-barreaux dont le siège est établi à Lyon, se constitue pour l’employeur et notifie sa constitution à l’avocat du salarié.
Le 2 février 2018, l’appelant envoie ses conclusions par lettres recommandées adressées au greffe de la cour d’appel et à la société d’avocats, à l’adresse de son siège à Lyon.

L’avocat de l’employeur soulève la caducité de la déclaration d’appel au motif que la notification des conclusions a été effectuée au siège de la société d’exercice libérale inter-barreau alors qu’elle aurait dû l’être au cabinet de Marseille auprès duquel il est domicilié.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence prononce la caducité de la déclaration d’appel au motif que seul dispose d’un mandat de représentation devant la cour d’appel, emportant pouvoir et devoir d’accomplir au nom de son mandant les actes de procédure, l’avocat constitué devant la cour, soit l’avocat inscrit au barreau de Marseille, dont le cabinet se trouve dans cette ville et qu’en conséquence, c’est à juste titre que l’intimée fait valoir que la notification faite au siège de la société d’exercice à Lyon est inopérante.

Le salarié invoquait notamment au soutien de son pourvoi que « chaque avocat associé exerçant au sein d’une société d’exercice libéral exerce les fonctions d’avocat au nom de la société de sorte que le mandat donné à un avocat associé d’une société d’exercice libéral d’avocats vaut pour la société et pour tous les avocats membres de celle-ci ».

Trois textes méritent d’être reproduits pour analyser la solution de l’arrêt et la portée de celui-ci.

L’article 8, Ill, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (dans sa rédaction issue de l’ord. n° 2019-964 du 18 sept. 2019) : « L’association ou la société peut postuler auprès de l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel un de ses membres est établi et devant ladite cour d’appel par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près l’un de ces tribunaux ».

L’article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 : « Chaque avocat associé exerçant au sein d’une société d’exercice libéral exerce les fonctions d’avocat au nom de la société ».

L’article 690 du code de procédure civile : « La notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. À défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilités à la recevoir ».

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence aux motifs suivants : « La cour d’appel ayant constaté que l’avocat de l’employeur agissait au nom de la société d’avocats dont il était membre, il s’en déduit que seule cette société avait été constituée par l’intimé.
Or, en application de l’article 690 du code de procédure civile, les notifications entre avocats sont régulièrement accomplies, à l’égard d’une société d’avocats, au siège de celle-ci. Il n’est dérogé, s’il y a lieu, à cette règle que pour les affaires soumises à une postulation par avocat, hypothèse dans laquelle il résulte de l’article 8, Ill, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016, que les notifications sont, à peine de nullité pour vice de forme, adressées au lieu où est établi l’avocat membre de la société d’avocats par le ministère duquel celle-ci postule.
En statuant comme elle l’a fait, dans une affaire prud’homale qui n’était pas soumise aux règles de la postulation par avocat, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La solution rendue par la Cour de cassation a une triple portée :

1 - Les règles de la postulation devant la cour d’appel en matière prud’homale

La Cour de cassation confirme ses avis rendus le 5 mai 2017 lesquels énoncent que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71- 1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire (Cass., avis, 5 mai 2017, n° 17-70.004 et n° 17-70.005, Dalloz actualité, 10 mai 2017, obs. C. Bléry).

Pour rappel, le premier alinéa de l’article 5 dispose que « les avocats peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions, et de celles du deuxième alinéa de ce même texte, qu’ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel, sous réserve des règles relatives à la multipostulation prévue à l’article 5-1 de la même loi ».

Ainsi, en matière prud’homale, les parties peuvent être représentées devant la Cour par tout avocat si elles ne font pas le choix d’un défenseur syndical.

2 - Les règles de notification des actes à destination d’une société d’exercice libérale d’avocats

Il convient de distinguer deux types de situations dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire :

En droit commun, l’article 8, III, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 doit recevoir application. L’acte devra obligatoirement être notifié à la société au lieu où est établi l’avocat membre de la société d’avocats par le ministère duquel celle-ci postule ;En matière prud’homale, la notification est régulièrement accomplie au siège de la société d’avocats.

3 - Les modes de notification des actes entre avocats de ressorts différents dans une procédure d’appel en matière prud’homale

Dans les procédures d’appel en matière prud’homale, jusqu’à présent les textes ne semblaient autoriser que trois modes de notification pour l’avocat extérieur hors ressort : « la notification par RPVA, qui est possible entre avocats de ressorts différents, bien qu’impossible avec une juridiction hors ressort (C. pr. civ., art. 748-1 s.) ; par acte d’huissier (C. pr. civ., art. 672) ; ou par remise directe en double exemplaire (C. pr. civ., art. 673 ; R. Laffly, Avocat extérieur au ressort de la cour d’appel et appel par lettre recommandée, Dalloz actualité, 25 juin 2019) ».

L’arrêt de la Cour de cassation, en validant la notification des conclusions par lettre recommandée, dégage ainsi un quatrième mode de notification.

Il est tout de même vivement recommandé d’utiliser le mode de notification par RPVA qui reste le moyen de notification offrant le plus de sécurité.

Lorsqu’une même personne est susceptible de relever de plusieurs régimes de sécurité sociale, le juge saisi du litige ne peut se prononcer sans avoir appelé en la cause tous les organismes en charge des régimes intéressés.

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Auteur d'origine: gsansone

Un possesseur peut conserver les fruits de la chose qu’il a à restituer aussi longtemps qu’il est de bonne foi. Dès qu’il est informé d’une demande portée devant un juge en vue de contester son droit sur la chose, peu important à ce sujet que ce soit une partie ou un tiers qui le poursuit en justice, le possesseur est constitué de mauvaise foi à compter de cette demande.

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Auteur d'origine: Dargent

La première chambre civile est saisie dans un arrêt du 23 septembre 2020 de deux questions procédurales nées de la même cause tenant pour l’une aux conditions d’ouverture de la voie d’opposition et pour l’autre à l’obligation faite à un intimé de notifier ses conclusions à l’égard d’un co-intimé non comparant.

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Auteur d'origine: Dargent

La responsabilité de l’hôtelier n’est pas soumise à la preuve d’une faute, qui n’est prise en compte que lors de la fixation de l’indemnisation. En outre, la preuve est libre en matière commerciale.

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Auteur d'origine: jdpellier

En matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, les conclusions des parties ne peuvent pas être valablement adressées au greffe de la cour d’appel par la voie électronique. En conséquence, une cour d’appel, qui prononce la caducité de la déclaration d’appel après avoir retenu que les conclusions et les pièces n’ont pas été déposées au greffe dans le délai imparti par la loi, n’a pas à rechercher si cette irrégularité a causé un grief à l’intimé.

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Auteur d'origine: Dargent

Le consommateur, partie à un contrat international, doit-il faire l’objet d’une protection spécifique en présence d’une clause compromissoire ? C’est une réponse positive qu’apporte la Cour de cassation, mettant un terme à une jurisprudence vieille de plus de vingt ans. 

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Auteur d'origine: jjourdan

Au visa de l’article L. 111-10 du code des procédures civiles d’exécution, la Cour de cassation rappelle qu’il n’est pas nécessaire de rapporter que le créancier commet une faute en poursuivant l’exécution provisoire d’une décision de justice frappée d’appel, ultérieurement infirmée, pour pouvoir engager sa responsabilité civile.

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Auteur d'origine: gpayan

Les règles de la postulation par avocat prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71- 1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale. En conséquence, la notification des conclusions auprès d’une société d’exercice libéral hors ressort est régulièrement effectuée à son siège sans considération du barreau d’inscription de l’avocat postulant.

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Auteur d'origine: Dargent
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C’est une décision qui fera grand bruit (Civ. 1re, 30 sept. 2020, n° 18-19.241, PWC). Assurément une des décisions les plus importantes de la Cour de cassation depuis longtemps. La solution est simple et s’énonce en quelques mots : l’effet négatif du principe compétence-compétence n’impose pas, dans un contrat international, de renvoyer le consommateur devant l’arbitre pour discuter la compétence. Les conséquences sont vertigineuses. Nous profiterons également de cette chronique pour commenter les autres arrêts rendus en matière d’arbitrage. La période est calme, puisque nous n’évoquerons que cinq autres arrêts, parmi lesquels seul l’arrêt Samwell présente un véritable intérêt (Paris, 15 sept. 2020, n° 19/09058).

I – Arbitrage et consommateur

Avant de revenir sur l’arrêt, rappelons le droit positif tel qu’il existait au 29 septembre 2020.

Le point de départ est simple : qui du juge étatique ou de l’arbitre doit trancher les contestations des parties sur la compétence en présence d’une clause compromissoire ? La compétence de l’arbitre pour en connaître n’est pas discutée depuis bien longtemps ; on parle d’effet positif du principe compétence-compétence. Reste à savoir si cette compétence de l’arbitre pour examiner sa compétence est exclusive ou alternative à celle du juge étatique. La réponse figure à l’article 1448 du code de procédure civile, qui énonce que « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». Tel est le sens de l’effet négatif du principe compétence-compétence : seul l’arbitre est compétent pour examiner sa propre compétence, le juge étatique ayant seulement la faculté de réaliser un examen prima facie très limité de cette question (E. Gaillard, L’effet négatif de la compétence-compétence. Études de procédure et d’arbitrage en l’honneur de Jean-François Poudret, Lausanne, 1999, p. 387 ; M. Boucaron-Nardetto, Le principe compétence-compétence en droit de l’arbitrage, préf. J.-B. Racine, PUAM, 2013).

La solution, déjà discutée dans son principe, soulève de sérieuses objections dans certains domaines, au premier rang desquels le droit du travail et le droit de la consommation. En effet, le salarié ou le consommateur, s’il entend se prévaloir des dispositions protectrices du droit du travail ou de la consommation, est contraint de saisir l’arbitre afin d’obtenir de sa part une sentence d’incompétence avant de revenir devant les juridictions judiciaires pour qu’elles puissent examiner le fond. On comprend aisément que la solution ne satisfait pas ceux favorables à une protection accrue des parties réputées faibles.

C’est donc logiquement que la jurisprudence s’est saisie de cette situation depuis longtemps. En droit du travail, la réponse diverge selon que l’on se retrouve en matière interne ou internationale. En matière internationale, c’est l’inopposabilité de la clause compromissoire qui est retenue (Soc. 16 févr. 1999, n° 96-40.643, Bull. civ. V, n° 78 ; Rapport Cour de cassation 1999, p. 328 ; D. 1999. 74 ; Dr. soc. 1999. 632, obs. M.-A. Moreau ; Rev. crit. DIP 1999. 745, note F. Jault-Seseke ; Rev. arb. 1999. 290 [1re esp.], note M.-A. Moreau ; JCP E 1999, p. 1685, note P. Coursier ; JCP E 1999, p. 748, obs. F. Taquet ; Gaz. Pal. 2000. Somm. p. 699 [1re esp.], obs. M.-L. Niboyet ; LPA 2000, n° 158, p. 4 [1re esp.], obs. F. Jault-Seseke ; J. Pelissier, A. Lyon-Caen, A. Jeammaud et E. Dockes, Les grands arrêts de droit du travail, Dalloz, 3e éd. 2004., n° 26). Elle permet au travailleur de saisir le juge étatique en se prévalant de l’inopposabilité de la clause, ce qui escamote la discussion sur la compétence. En matière interne, le principe compétence-compétence est inapplicable (Soc. 30 nov. 2011, nos 11-12.905 et 11-12.906, D. 2011. 3002 ; ibid. 2012. 2991, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2012. 309, obs. B. Gauriau ; RTD com. 2012. 351, obs. A. Constantin ; ibid. 528, obs. E. Loquin  ; Rev. arb. 2012. 333, note M. Boucaron-Nardetto [1re décis.] ; JCP 2012. 843, § 2, obs. C. Seraglini ; ibid. 2011. 2518, obs. N. Dedessus-Le-Moustier ; JCP S 2012, n° 5, p. 42, note S. Brissy ; Procédures 2012. Comm. 42, obs. L. Weiller ; ibid. Comm. 75, obs. A. Bugada ; RDC 2012. 539, note X. Boucobza et Y.-M. Serinet). Le juge étatique est pleinement compétent pour connaître de la validité de la clause.

En revanche, la situation est plus complexe en droit de la consommation. En matière interne, le consommateur bénéficie, depuis la loi du 18 novembre 2016 et en plus du code de la consommation, de la règle de l’inopposabilité de la clause compromissoire, prévue par l’article 2061 du code civil (C. Jarrosson et J.-B. Racine, Les dispositions relatives à l’arbitrage dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, Rev. arb. 2016. 1007, n° 23). En revanche, le contrat international, quand bien même il s’agit d’un contrat de consommation, ne bénéficiait pas d’un régime spécifique. Par deux arrêts, Jaguar (Civ. 1re, 21 mai 1997, nos 95-11.429 et 95-11.427 [2 arrêts], RTD com. 1998. 330, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. crit. DIP 1998, 87, note V. Heuzé ; NY. L. J. 4 déc. 1997, obs. E. Gaillard ; Dr. et patr. 1997, n° 1800, obs. P. Laroche de Roussane ; RGDP 1998. 156, obs. M.-C. Rivier ; Rev. arb. 1997. 537, note E. Gaillard ; JDI 1998. 969, note S. Poillot-Peruzzetto) et Rado (Civ. 1re, 30 mars 2004, n° 02-12.259, D. 2004. 2458 , note I. Najjar ; ibid. 2005. 3050, obs. T. Clay ; RTD com. 2004. 447, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2005. 115, note X. Boucobza ; JCP 2005. I. 134, § 3, obs. C. Seraglini), la Cour de cassation renvoyait l’examen de la compétence au tribunal arbitral, appliquant ainsi strictement l’effet négatif du principe compétence-compétence. C’est précisément sur ces deux solutions que revient l’arrêt PWC.

L’affaire est relative à une succession en Espagne. Afin de se faire assister pendant cette procédure, l’un des héritiers fait appel à une société de conseil espagnole appartenant à une société d’avocats ayant une activité internationale. À la suite d’un litige avec cette dernière, l’héritier saisit les juridictions françaises. En défense, la société d’avocats soulève une exception d’incompétence au profit du tribunal arbitral (et subsidiairement, au profit des juridictions espagnoles. Ce point ne sera pas discuté, mais fera sans aucun doute l’objet de commentaires par les spécialistes du droit international privé). Au soutien de son argument, le défendeur se prévaut du principe compétence-compétence et demande à ce que l’examen de la compétence soit réalisé par l’arbitre dès lors que la clause n’est pas manifestement nulle ou inapplicable. Pourtant, devant la cour d’appel de Versailles, l’exception d’incompétence est écartée et la compétence des juridictions françaises retenue (Versailles, 15 févr. 2018, n° 17/03779, LPA 2018, n° 135, p. 13, obs. C. Jalicot). La cour d’appel de Versailles n’a pas fait de mystère sur sa démarche. Elle a énoncé que « la cour […] examinera […] la valeur et la portée de la clause compromissoire contenue dans cette première convention pour statuer sur l’exception d’incompétence soutenue par la société PWC ». Ce faisant, elle se place en violation du principe compétence-compétence. Une fois émancipée de l’effet négatif du principe, elle examine a validé de la clause. Là encore, le raisonnement est marquant. En substance, la cour d’appel énonce que la clause n’a pas fait l’objet d’une « négociation individuelle » et qu’elle présente un « caractère standardisé ». En conséquence, elle juge la clause abusive. Pour finir, la cour d’appel de Versailles se reconnaît compétente pour trancher le litige, en application du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit Bruxelles 1 bis, au motif que la société PWC « dirige ses activités vers plusieurs États dont la France et l’Espagne, États membres de l’Union européenne, ce qui justifie l’application à l’espèce des dispositions combinées des articles 17 c et 18 du règlement Bruxelles I bis et permet de retenir la compétence d’une juridiction française ».

Un pourvoi est logiquement formé contre cet arrêt et aurait dû entraîner la cassation, la cour d’appel de Versailles ayant ouvertement violé le principe compétence-compétence. Il n’en est rien et le pourvoi est rejeté. En synthèse (la motivation est touffue), la Cour énonce que « la règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder ». En conséquence, le principe compétence-compétence est ignoré. Elle ajoute ensuite que le défendeur « ne démontrait pas que la clause standardisée obligeant le client non-professionnel à saisir, en cas de différend, une juridiction arbitrale, avait fait l’objet d’une négociation individuelle ». La clause est donc écartée. Enfin, elle confirme la compétence des juridictions françaises, au motif que « la société d’avocats PWC dirigeait son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en France, de sorte qu’en sa qualité de consommateur, [la demanderesse], domiciliée en France, pouvait porter son action devant les juridictions françaises ».

Certains voient dans cette décision une nouvelle hypothèse de nullité manifeste de la clause. Ce n’est pas l’analyse que nous en faisons, même si la lecture de l’arrêt est loin d’être évidente. L’articulation de l’arrêt nous semble révélatrice. Dans l’examen de la première branche du premier moyen, la Cour écarte implicitement l’effet négatif du principe compétence-compétence ; cela lui permet, dans l’examen des autres branches du moyen, de conforter l’analyse de la cour d’appel de Versailles pour écarter la clause. Il y a donc deux temps dans le raisonnement : d’une part, l’éviction du principe compétence-compétence (A) et, d’autre part, la condamnation de la clause (B). Néanmoins, on peut se demander si une autre approche n’est pas envisageable (C).

A - L’éviction du principe compétence-compétence

La consécration d’une solution nouvelle dans les contrats internationaux de consommation n’est pas étonnante. Elle était pressentie depuis longtemps et il est probable que seule l’occasion manquait. En doctrine, plusieurs travaux remarquables ont soutenu une évolution en la matière (M. de Fontmichel, Le faible et l’arbitrage, préf. de T. Clay, Économica, 2013 ; J. Clavel, Le déni de justice économique dans l’arbitrage international. L’effet négatif du principe de compétence-compétence, ss la dir. de G. Khairallah, thèse Paris II, nos 331 s. ; C. Seraglini, Les parties faibles face à l’arbitrage international, à la recherche d’un équilibre, Gaz. Pal. 2007, n° 349, p. 5, n° 26 ; en dernier lieu, C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, Domat, Droit privé, LGDJ, 2019, n° 662). Par ailleurs, on ne peut ignorer que la Cour de justice, sans le dire expressément, invitait à l’adoption d’une telle solution (CJCE 26 oct. 2006, aff. C-168/05, Mme Mostaza Claro c/ Centro Movil Milenium SL, D. 2006. 2910, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 3026, obs. T. Clay ; ibid. 2007. 2562, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RTD civ. 2007. 113, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 633, obs. P. Théry  ; JDI 2007. 581, note A. Mourre ; Rev. arb. 2007. 109, note L. Idot ; JCP 2007. I. 168, § 1, obs. C. Seraglini ; Gaz. Pal. 29 avr.-3 mai 2007, p. 17, obs. F.-X. Train ; LPA 2007, n° 152, p. 9, obs. C. Legros ; ibid., n° 189, p. 9, note G. Poissonier et J.-P. Tricoit ; RDAI 2007, n° 14, p. 55, obs. C. Nourissat ; Europe 2006, n° 378, p. 28, obs. L. Idot). Pour analyser la décision, il convient de revenir sur la motivation exprimée (1), les fondements suggérés (2) et la portée indéterminée (3).

1 - La motivation exprimée

Le droit européen est au cœur du raisonnement de la Cour de cassation. En effet, la législation française sur les clauses abusives est issue d’une transposition de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993. La Cour de cassation reprend in extenso la motivation d’une décision rendue par la Cour de justice à propos de ce texte (CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17, § 89, D. 2018. 1861 ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; AJ contrat 2018. 431, obs. E. Bazin ) : « étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs, l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public ». D’ores et déjà, on peut signaler deux éléments intéressants. Premièrement, la législation sur les clauses abusives n’est pas considérée comme étant simplement protectrice des intérêts privés des consommateurs. Elle garantit également l’intérêt public. Deuxièmement, c’est cette préservation des intérêts publics qui justifie une intégration au sein des normes d’ordre public (v. en ce sens en matière d’arbitrage, J. Jourdan-Marques, Le contrôle étatique des sentences arbitrales internationales, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2017, n° 160, préf. T. Clay, nos 503 s.).

Une fois ce point établi, la Cour de cassation déroule son raisonnement. Elle énonce qu’il est nécessaire de « prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats » et que, « au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un recours effectif doit figurer la possibilité d’introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l’exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l’exercice des droits garantis par la directive 93/13/CEE ». Or il convient que les modalités procédurales « ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ». À ce stade, la Cour sonne déjà le glas du principe compétence-compétence. Il ne lui revient plus que de conclure. C’est ce qu’elle fait, en soulignant que « la règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder » et que, dès lors, « la cour d’appel qui, après en avoir examiné l’applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l’article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur ».

On est doublement frustré par la motivation. D’une part, la Cour de cassation s’efforce de poser les fondements de sa décision, en rappelant dans plusieurs paragraphes successifs, que nous avons présentés, la valeur de la protection du consommateur contre les clauses abusives et le sens de la jurisprudence européenne. On peut se réjouir de cette motivation enrichie, soigneusement choisie. Néanmoins, à aucun moment la Cour de cassation n’explique en quoi l’effet négatif du principe compétence-compétence a pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés au consommateur. Alors certes, on pourra dire que la réponse est évidente, et elle l’est sûrement. En effet, on peut difficilement attendre du consommateur qu’il saisisse l’arbitre dans le seul et unique but d’obtenir une décision d’incompétence afin de saisir le juge étatique. Toutefois, pourquoi ne pas le dire explicitement ? D’autre part, on est un peu surpris par la conclusion sur cette première branche du premier moyen. Alors que le raisonnement précédent visait essentiellement à mettre en lumière l’importance d’un droit à un recours effectif pour le consommateur et la problématique révélée par l’effet négatif du principe compétence-compétence, la Cour répond uniquement sur le fond en approuvant la cour d’appel d’avoir écarté la clause compromissoire. Or ce n’est pas la même chose de s’interroger, d’un côté, sur l’application du principe compétence-compétence à un consommateur et, d’un autre côté, sur la validité de la clause à son égard.

C’est ce qui rend l’analyse de l’arrêt particulièrement délicate. La Cour a-t-elle véritablement décidé d’écarter le principe compétence-compétence ? Il nous semble que la réponse est positive. À aucun moment une inapplicabilité ou une nullité manifeste n’est envisagée. C’est au contraire un examen approfondi de la clause qui est réalisé, la Cour de cassation retenant que la cour d’appel a tenu compte « de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait ». Si la cour d’appel n’a pas « méconn[u] les dispositions de l’article 1448 du code de procédure civile », c’est que la Cour de cassation a dû estimer que l’effet négatif était sans application dans de telles circonstances. Mais quel est le mécanisme à l’œuvre ?

2 - Le fondement suggéré

Si l’on comprend que la législation européenne de protection du consommateur présente une valeur particulière aux yeux de la Cour de cassation et que l’effet négatif du principe compétence-compétence est un obstacle à son effectivité, on reste tout de même, à la lecture de l’arrêt, dubitatif sur le mécanisme à l’œuvre pour aboutir au résultat. Pour l’essentiel, la Cour de cassation met en lumière « l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection » du consommateur et qualifie donc la règle « de normes d’ordre public ». Néanmoins, cette motivation est insuffisante à expliquer la mise à l’écart des dispositions du code de procédure civile.

Certains seront sans doute tentés de voir à l’œuvre des techniques issues du droit international privé, notamment une loi de police. En effet, ce ne serait pas la première fois qu’une disposition européenne revêtirait une telle qualification (CJCE 9 nov. 2000, aff. C-381/98, Rev. crit. DIP 2001. 107, note L. Idot  ; JDI 2001. 517, note J.-M. Jacquet). Cependant, la qualification ne nous semble pas adaptée : la loi de police a vocation à intervenir dans une situation de conflit de lois, écartant de façon anticipée la règle de conflit. Rien de tel en l’espèce, puisque c’est une règle procédurale française qui est évincée !

En revanche, deux explications plus satisfaisantes, et finalement plus simples, peuvent être avancées. La première consiste à retenir une application du principe specialia generalibus derogant : la nécessité d’assurer au consommateur un droit à un recours effectif dans des conditions procédurales raisonnables constitue une règle spéciale qui déroge à la règle générale fixée par l’article 1448 du code de procédure civile. La seconde est un peu différente, mais entraîne des conséquences similaires. Il s’agit de considérer que la Cour de cassation réalise un banal examen de conventionnalité. La directive, droit européen dérivé, et son interprétation par la Cour de justice, étant supérieures au code de procédure civile, texte de nature réglementaire, la contrariété du second aux premières permet d’écarter l’effet négatif du principe compétence-compétence. C’est sans doute le sens du § 13 de l’arrêt, où la Cour énonce que « la règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder ».

En réalité, ni l’une ni l’autre de ces explications ne nous paraît pleinement conforme à la lettre de la décision. La première ne nécessite pas l’identification d’une règle ayant une valeur particulière (d’ordre public) pour être mise en œuvre, alors que la Cour insiste particulièrement sur cet aspect. La seconde conduit à retenir uniquement un conflit entre une norme européenne et une norme interne, là où la Cour semble hésiter entre l’utilisation la directive ou le droit de la consommation (elle parle ainsi de la valeur de la règle dans « l’ordre juridique interne »). Autrement, la Cour de cassation a presque trop motivé sa décision, ce qui rend délicat l’identification de la solution. Reste à en déterminer la portée.

3 - La portée indéterminée

a. Un champ d’application incertain

La détermination du champ d’application de la solution présente un enjeu considérable. Il convient en effet qu’elle ne se répande pas, par capillarité, à d’autres domaines. À défaut, il en serait fini d’un des principaux mécanismes de protection de la compétence arbitrale.

Fort logiquement, il convient en premier lieu de déterminer le champ d’application personnel du principe. A priori, la réponse n’est pas difficile : il s’applique dans une relation entre un professionnel et un consommateur. Pourtant, la solution n’est peut-être pas si évidente. D’une part, on constate que la définition des consommateur et professionnel est distincte entre l’article 2 de la directive et l’article liminaire du code de la consommation. Laquelle des deux faut-il retenir ? D’autre part, on rappellera que l’article L. 212-2 du code de la consommation étend le bénéfice du dispositif sur les clauses abusives au non-professionnel. Doit-il, en conséquence, bénéficier de l’éviction du principe compétence-compétence ? En toute logique, si c’est bien un contrôle de conventionnalité qui a été réalisé, il devrait être nécessaire de s’en tenir au texte européen (sauf à réaliser un contrôle de légalité entre l’art. L. 212-1 c. consom. et l’art. 1448 c. pr. civ. ?). Il en va différemment si la Cour a opté pour une articulation entre règle générale et règle spéciale…

En deuxième lieu, il faut s’interroger sur un éventuel champ d’application spatial de la solution. Pour le dire simplement : le principe compétence-compétence doit-il être écarté dans l’intégralité des contrats de consommation au monde lorsqu’il se présente devant le juge français ? Prenons un exemple pour illustrer la problématique. Un consommateur américain acquiert le produit d’un professionnel français exerçant une activité sur le sol américain. Le contrat contient une clause compromissoire. Le consommateur peut-il se prévaloir du droit européen pour faire écarter le principe compétence-compétence et saisir les juridictions françaises ? Derrière, il y a une véritable question de champ d’application du texte. Or le risque est de tomber dans un raisonnement de recherche de la loi applicable au contrat. Un tel raisonnement serait, d’abord, éminemment complexe pour un consommateur, et surtout, parfaitement illogique. Il conduit non seulement à faire dépendre la compétence du juge du droit applicable au contrat (ce qui est une problématique classique), mais surtout à faire litière de l’indépendance juridique de la clause compromissoire par rapport au contrat principal. Il est donc préférable de fixer un champ d’application sans obliger les parties et le juge à des circonvolutions.

b. Un potentiel d’extension à craindre

Du point de vue de l’arbitrage, cette décision est un coup de canif supplémentaire à l’effet négatif compétence-compétence, qui commence à être sérieusement fragilisé (v. égal. l’utilisation du principe d’estoppel pour faire échec au principe, Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 16-27.823, D. 2018. 2448, obs. T. Clay ; RTD civ. 2018. 482, obs. N. Cayrol  ; Gaz. Pal. 2018, n° 27, p. 19, obs. D. Bensaude ; JDI 2018. Comm. 18, note J. Jourdan-Marques). Il y a l’exception, déjà évoquée, du contrat de travail, qui constitue déjà une première entorse. Mais n’y a-t-il pas à craindre qu’une lame de fond finisse par emporter l’ensemble ? En effet, on ne peut ignorer que les tentatives de remise en cause de la clause au stade pré-arbitral sont de plus en plus importantes. Ainsi, on connaît les discussions autour de la clause en présence d’une partie impécunieuse ou d’un tiers non-signataire. La jurisprudence laisse d’ailleurs entendre que le déséquilibre significatif pourrait être de nature à remettre en cause, au moins au stade du contrôle de la sentence, la clause compromissoire (J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage : l’arbitrage à l’épreuve du déséquilibre significatif, Dalloz actualité, 29 juill. 2020).

On peut également redouter que le principe finisse par céder en présence de législations européennes. Dans le présent arrêt, la mise à l’écart du principe compétence-compétence repose autant, si ce n’est plus, sur la source européenne de la législation protectrice du consommateur que sur la fragilité du consommateur. L’un des passages-clés est la mention du principe d’effectivité (§ 11). Celui-ci énonce que les dispositions procédurales des États membres ne doivent pas rendre « impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ». Or c’est justement ce principe qui est repris dans le paragraphe décisif (§ 13). Le problème vient du fait que le principe d’effectivité ne concerne pas que le consommateur. Ainsi, dans un arrêt du 7 juillet 2017 ( Cass., ch. mixte, 7 juill. 2017, n° 15-25.651, D. 2017. 1800, communiqué C. cass. , note M. Bacache ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2017. 829, obs. L. Usunier ; ibid. 872, obs. P. Jourdain ; ibid. 882, obs. P.-Y. Gautier ; RTD eur. 2018. 341, obs. A. Jeauneau ; RLDC 2017, n° 151, p. 4, obs. B. Bernard ; JCP 2017. 1580, note C. Quézel-Ambrunaz ; Gaz. Pal. 2017, n° 34, p. 30, obs. N. Blanc ; ibid. n° 37, p. 65, obs. N. Hoffschir ; CCC 2017, n° 11, p. 24, obs. L. Leveneur), la Cour de cassation a, au visa du principe d’effectivité, consacré une obligation pour le juge judiciaire de relever d’office l’applicabilité des dispositions relatives aux produits défectueux. Faut-il dès lors considérer que le principe compétence-compétence doit également être écarté en présence d’une action relative à un produit défectueux, sur le fondement du principe d’effectivité ? À suivre une telle direction, on risque d’aboutir rapidement à une inarbitrabilité généralisée des litiges relevant du droit européen, ce qui constituerait un retour en arrière considérable.

Il est essentiel de se rappeler que si l’on veut protéger le consommateur, ce n’est pas parce que le droit européen l’impose, mais parce qu’il mérite une protection particulière. Autant assumer ce postulat et prévoir un cadre protecteur pour ce dernier, autonome du droit européen, mais respectueux de celui-ci !

B - La condamnation de la clause

Une fois l’effet négatif du principe compétence-compétence écarté, la Cour examine les critiques relatives à la validité de la clause compromissoire. Rappelons-en les modalités, qui ne sont pas évoquées dans l’arrêt. L’examen d’une clause compromissoire, qui est en principe réalisé au stade post-arbitral, s’inscrit dans le cadre de l’arrêt Dalico : « en vertu d’une règle matérielle du droit international de l’arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et que son existence et son efficacité s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique » (Civ. 1re, 20 déc. 1993, n° 91-16.828, Rev. crit. DIP 1994. 663, note P. Mayer ; RTD com. 1994. 254, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1994. 116, note H. Gaudemet-Tallon ; JDI 1994. 432, note E. Gaillard). Cet arrêt entraîne deux conséquences essentielles : d’une part, l’examen de la clause compromissoire est réalisé à l’aune de la seule règle matérielle posée par la décision ; d’autre part, aucune loi nationale ne s’applique à la clause, pas même le droit interne français (sous réserve de l’exception posée par l’arrêt). Cette seconde précision est importante. Elle conduit la jurisprudence, dans l’arrêt Zanzi, à énoncer que « l’article 2061 du code civil est sans application dans l’ordre international » (Civ. 1re, 5 janv. 1999, n° 96-21.430, Zanzi c/ Coninck, D. 1999. 31 ; Rev. crit. DIP 1999. 546, note D. Bureau ; RTD com. 1999. 380, obs. E. Loquin  ; Rev. arb. 1999.260, note P. Fouchard ; RCDIP 1999.546, note D. Bureau ; D. aff. 1999.291, obs. X. Delpech ; RGDP 1999.409, obs. M.-C. Rivier ; Dr et patr., 2000. 2514, obs. P. Mousseron ; RDAI 1999.823, obs. C. Imhoos ; RJDA 1999.360 ; Gaz. Pal. 9-11 janv. 2000, p. 64 ; ibid. 13-14 oct. 2000, p. 10, obs. E. du Rusquec).

Dès lors, de deux choses l’une : soit la Cour entend, pour écarter la clause, réaliser un examen de la commune volonté des parties, soit elle souhaite se prévaloir d’une règle impérative du droit français et de l’ordre public international. Pourtant, l’examen des deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen ne révèle pas vraiment un choix au profit de l’une ou de l’autre de ces solutions.

Assez spontanément, on s’attendait à ce que la Cour reprenne le travail de qualification réalisé dans l’examen de la première branche et se prévale du « rang de normes d’ordre public » du dispositif relatif aux clauses abusives. La Cour s’est elle-même créé un boulevard pour examiner la validité de la clause au regard du droit de la consommation, règle impérative du droit français. Pourtant, telle ne semble pas être la démarche retenue, la Cour ne visant ni le droit de la consommation ni un quelconque caractère abusif de la clause. Autrement dit, la Cour semble plutôt à la recherche de la commune volonté des parties.

Pour ce faire, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel de Versailles, qui tient en trois temps : d’abord, elle regrette l’absence de preuve d’une négociation sur la clause ; ensuite, elle constate que la clause est une simple traduction de la clause type espagnole ; enfin, elle souligne que le consommateur n’était pas en mesure de négocier la clause dans un rapport équilibré. La Cour de cassation, tout en précisant que cette question relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, énonce que « la société PWC ne démontrait pas que la clause standardisée obligeant le client non-professionnel à saisir, en cas de différend, une juridiction arbitrale, avait fait l’objet d’une négociation individuelle, a légalement justifié sa décision de ce chef ».

Les spécialistes de l’arbitrage feront le rapprochement entre cette motivation et celle de l’arrêt Prunier. Il y a 177 ans, la Cour de cassation signait le début de la cryogénisation de la clause compromissoire en expliquant notamment que « si l’on validait dans le cas d’assurances contre l’incendie la simple convention ou clause compromissoire, il faudrait reconnaître et consacrer sa validité dans tous les contrats […] que cette stipulation deviendrait en quelque sorte banale et de pur style » (Civ. 10 juill. 1843, Prunier, S. 1843. 1. 561 ; D. 1843. 1. 343 ; Rev. arb. 1992. 399 ; Les grandes décisions du droit de l’arbitrage commercial, Dalloz, n° 1). Une fois encore, la clause compromissoire est stigmatisée pour ne pas avoir fait l’objet d’une négociation ad hoc.

On est tout de même étonné de voir que la critique des deux cours s’articule autour de l’absence de négociation individuelle de la clause. Cette approche semble confirmer que la Cour ne se situe pas sur le terrain de clauses abusives (v. égal., à propos de l’arrêt d’appel, C. Jalicot, obs. ss Versailles, 15 févr. 2018, LPA 2018, n° 135, p. 13). En effet, ce n’est aucunement le critère retenu par les textes. L’article L. 212-1 du code de la consommation retient une approche différente : « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Pire, le droit français de la consommation n’interdit pas qu’une clause négociée soit finalement qualifiée d’abusive. De plus, l’article 3 de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993, s’il vise bien les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, ne les condamne pas ipso facto : « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ». En définitive, ce n’est pas l’absence de négociation qui condamne une clause ; et fort heureusement d’ailleurs, car le consommateur négocie rarement les clauses de ses contrats ! Cependant, si le raisonnement ne se tient pas en termes de clause abusive, on comprend mal pour quelle raison la charge de la preuve pèse sur le professionnel, alors que c’est précisément l’intérêt d’une classification au sein des clauses grises.

Faut-il comprendre qu’il n’y a pas de consentement à une clause si elle n’a pas fait l’objet d’une négociation ? La solution est déroutante, même pour un consommateur. Elle deviendrait effrayante en dehors du droit de la consommation, dès lors que la plupart des clauses compromissoires intégrées dans les contrats sont des clauses types et qu’elles ne font l’objet d’aucune négociation individuelle.

La solution paraît d’autant plus étonnante qu’il nous semble que certaines clauses compromissoires, sans pour autant faire l’objet d’une négociation, ne sont pas nécessairement génératrices d’un déséquilibre. Que doit-on penser d’une clause par laquelle le professionnel s’engage à prendre à sa charge l’intégralité des frais d’arbitrage avec une procédure dématérialisée et une sentence rendue dans des délais raisonnables ? Naturellement, on peut être hostile, par principe, à l’arbitrage en matière de droit de la consommation ; mais lorsqu’on ne l’est pas, est-il véritablement satisfaisant de considérer que le critère pertinent est celui de l’absence de négociation ?

On est donc particulièrement mal à l’aise face à cette solution, d’autant qu’un raisonnement classique en termes de déséquilibre significatif, appuyé par la présomption fixée par le code de la consommation, permet d’aboutir à une solution identique.

C - Une solution alternative ?

On peut sans doute se satisfaire du revirement opéré par la Cour de cassation. La solution était attendue. Mais son fondement inquiète. D’abord, l’arrêt contribue à émousser le principe compétence-compétence et ouvre la voie à de nouvelles contestations. Ensuite, il maintient une différence de régime pour les consommateurs, entre le consommateur dans un contrat interne (lequel peut se prévaloir de l’inopposabilité de la clause compromissoire de l’art. 2061 c. civ.) et le consommateur dans un contrat international. La même différence de régime se retrouve d’ailleurs entre le contrat de travail international (la clause est inopposable) et le contrat de consommation international. Enfin, il laisse potentiellement sur le bord du chemin des parties qui ne pourraient pas prétendre à la qualification de consommateur et qui, pourtant, mériteraient de faire l’objet d’une protection.

Une autre approche était-elle envisageable ? Sans doute. Au XXIe siècle, les contrats sont de plus en plus internationaux. En effet, tout un chacun conclut au quotidien – ou presque – des contrats contenant des éléments d’extranéité. Ainsi du passager de transport aérien qui achète un voyage avec une compagnie nationale vers une destination étrangère. Ainsi de l’internaute qui s’inscrit sur un réseau social dont le siège est situé à l’étranger. Ainsi du e-shopper qui achète un produit auprès d’un marchand implanté dans un pays voisin. Dans ces hypothèses, la partie n’a quasiment jamais conscience de conclure un contrat international. Et d’ailleurs, l’est-il vraiment ?

En droit de l’arbitrage, le critère de l’internationalité n’est pas le critère juridique. L’article 1504 du code de procédure civile retient le critère économique : « Est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international ». Plus précisément, la jurisprudence évoque anciennement le « mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières, des conséquences réciproques dans un pays et dans un autre » (Civ., 17 mai 1927, DP 1928. I. 25, concl. Matter, note H. Capitant). Très concrètement, il est peut-être temps de se demander si ce critère, qui date de près d’un siècle, ne doit pas être nouvellement interprété à l’aune des évolutions de notre société (sur ces critères, C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, Domat, Droit privé, LGDJ, 2019, n° 30 [pour le critère de la commercialité] et n° 35 [pour l’internationalité]). Le critère n’est d’ailleurs, en lui-même, absolument pas discutable. Très simplement, et sans faire de publicité, pour l’achat d’une paire de chaussures à 50 € sur le site Zalando, dont les mentions légales indiquent un siège en Allemagne, le contrat met-il vraiment en cause les intérêts du commerce international et entraîne-t-il des conséquences réciproques dans un pays et dans l’autre ? N’est-il pas nécessaire de prévoir une appréciation mesurée de l’internationalité (dont les critères exacts restent à déterminer) afin d’éviter un déclenchement trop brusque du régime de l’arbitrage international ? D’ailleurs, l’arbitrage Tapie n’a-t-il pas ouvert la voie, en retenant une appréciation restrictive de l’internationalité (Paris, 17 févr. 2015, n° 13/13278, Sté CDR créances c/ Sté CDR-Consortium de réalisation, Dalloz actualité, 20 févr. 2015, obs. X. Delpech ; ibid. 18 déc. 2015, obs. F. Mélin ; D. 2015. 1253 , note D. Mouralis ; ibid. 425, édito. T. Clay ; ibid. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée  ; Rev. arb. 2015. 832, note P. Mayer ; JCP 2015. 289, note S. Bollée ; Procédures avr. 2015. Étude 4, obs. L. Weiller ; Cah. arb. 2015. 281, note A. de Fontmichel ; Gaz. Pal. 2015, n° 94, p. 17, note M. Boissavy ; ibid., n° 167, p. 22, obs. M. Nioche ; Bull. ASA 2016. 207, note M. Henry ; Civ. 1re, 30 juin 2016, nos 15-13.755, 15-13.904, 15-14.145, Dalloz actualité, 30 août 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 1505 ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2589, obs. T. Clay ; Rev. crit. DIP 2017. 245, note J.-B. Racine  ; JCP 2016. 954, note S. Bollée ; Procédures 2016, n° 290, obs. L. Weiller ; Rev. arb. 2016. 1123, note P. Mayer ; Cah. arb. 2017. 339, note M. Henry) ?

Naturellement, cette évolution du critère a des conséquences bien au-delà du consommateur. Mais est-ce pour autant un mal ? Ce faisant, on peut réaliser un tri plus fin entre les contrats pour lesquels l’internationalité est « fortuite » et ceux qui résultent d’une véritable dynamique. D’ailleurs, rien n’interdit de s’approprier les critères posés par l’article 6 du Règlement Rome I (le professionnel « a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci ») pour éviter une admonestation de la Cour de justice.

Quel est l’intérêt de cette démarche ? Il n’est pas seulement de faire bénéficier du régime de l’arbitrage interne des articles 1442 et suivants du code de procédure civile. Il est surtout dans la faculté retrouvée d’appliquer l’article 2061 du code civil ! En effet, on l’a rappelé, l’internationalité de l’arbitrage interdit l’application de cette disposition en vertu de la jurisprudence Dalico/Zanzi. Si l’arbitrage redevient interne, l’article 2061 du code civil permet au consommateur de se prévaloir de l’inopposabilité de la clause compromissoire. Les intérêts de la solution sont multiples.

Premièrement, on peut retrouver une unité de régime. Ainsi, le travailleur, le consommateur, mais aussi celui qui n’a « pas contracté dans le cadre de son activité » bénéficient tous de l’inopposabilité de clause, sans besoin de recourir à un texte spécial. Il suffit pour cela que le contrat soit qualifié d’interne au regard du nouveau critère.

Deuxièmement, on peut exclure du bénéfice de ces dispositions les hypothèses où le contrat est international en application de ce nouveau critère. Le consommateur qui irait acheter son véhicule de luxe à l’étranger ne pourrait pas se prévaloir, comme c’est le cas aujourd’hui, de l’article 2061 du code civil et ne pourrait pas non plus obtenir la mise à l’écart de l’effet négatif.

Troisièmement, on préserve le principe compétence-compétence. D’une part, l’application de l’article 2061 du code civil ne remet aucunement en cause le principe, puisque l’inopposabilité évite un débat sur la compétence. D’autre part, on peut maintenir l’application du principe dans toutes les hypothèses où le contrat est international, sans aucune exception.

Reste à savoir si une telle voie est plus simple à suivre que celle retenue par la Cour de cassation. Difficile à dire avec certitude. Néanmoins, elle nécessite uniquement de répondre à deux questions : d’abord, le contrat est-il interne ou international ; ensuite, si et seulement si le contrat est interne, l’une des parties est-elle un non-professionnel (formule retenue par l’article 2061 du code civil) ? L’une et l’autre de ces questions sont tranchées en application du droit français, puisqu’il s’agit d’une simple question de qualification, réalisée lege fori.

En tout état de cause, cette piste, comme de nombreuses autres, doit être explorée. Il est désormais temps pour la doctrine arbitragiste de se saisir de cet arrêt afin de préserver au mieux la cohérence du droit de l’arbitrage.

II - Le principe compétence-compétence

L’arrêt PWC n’est pas le seul rendu le par la Cour de cassation le 30 septembre 2020. Un autre arrêt est également rendu, à nouveau sur le principe compétence-compétence (Civ. 1re, 30 sept. 2020, n° 19-15.728, Matisa). Dans le cadre de la fourniture d’un train, la société ETF a eu recours à la société Matisa Suisse. Elle a ensuite commandé à la société Matisa France, filiale de Matisa Suisse, de nouveaux ressorts d’essieux. À la suite d’un déraillement, elle a assigné ces sociétés et son assureur devant le tribunal de commerce. La société Matisa Suisse a soulevé l’existence d’une clause compromissoire contenue dans ses conditions générales de livraison.

La question posée est celle de l’application de la clause à l’ensemble du litige. La cour d’appel a fait application du principe compétence-compétence et accueilli l’exception d’incompétence. Le pourvoi est rejeté. Pour l’essentiel, la Cour de cassation relève l’appréciation souveraine des juges du fond sur cette question. Néanmoins, elle illustre, de la part de la cour d’appel, une méconnaissance du principe compétence-compétence. La Cour de cassation retient que « la cour d’appel a souverainement admis l’existence d’un engagement, à l’initiative de la société ETF, des trois parties dans des opérations techniques impliquant le recours au savoir-faire des deux sociétés Matisa. Elle a pu en déduire que la clause d’arbitrage stipulée dans les conditions générales de la société Matisa Suisse, dont la société ETF avait pleinement connaissance pour les avoir acceptées lors de la commande du train, s’appliquait manifestement au litige ayant son origine dans l’intervention des sociétés Matisa ». Ainsi, la cour ne caractérise pas l’absence d’inapplicabilité manifeste ; à l’opposé, elle caractérise une « applicabilité manifeste » en appliquant la jurisprudence relative à l’extension de clause. Ce faisant, elle tranche de façon anticipée le débat sur la compétence et viole l’effet négatif.

L’arrêt est néanmoins cassé, en ce que la cour d’appel a désigné la cour d’arbitrage de la chambre de commerce internationale de Paris, en violation de l’article 81 du code de procédure civile. Toutefois, la Cour de cassation use de la faculté offerte par l’article L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire pour renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

III – Les cas d’ouverture du recours

A - Le caractère contradictoire de la procédure

Le respect du calendrier d’arbitrage justifie-t-il rejeter une demande de production d’une attestation de témoin ? Telle est en substance la question posée à la cour d’appel de Paris (Paris, 29 sept. 2020, n° 19/11695, Periscoop). L’une des parties conteste le refus de l’arbitre de faire droit à sa demande de produire une déclaration de témoin, là où son adversaire a pu produire une telle déclaration. Dans le cadre de la procédure, l’arbitre, en accord avec les parties, a fixé une date limite pour la production de telles attestations. C’est postérieurement à cette date que la demande discutée a été formulée. L’arbitre, après avoir soumis cette question à la discussion des parties, a rejeté la demande, au motif qu’« en l’absence d’un accord entre les Parties postérieurement à l’Ordonnance de procédure n° 1 afin de déroger à ce calendrier procédural et en l’absence d’un troisième jeu d’écritures prévu ou convenu entre les Parties, le Tribunal arbitral ne peut pas accepter que la Défenderesse produise des attestations de témoins avec son Deuxième Mémoire ».

Le moyen est rejeté. La cour retient que la décision a été prise « au regard des dates impératives du calendrier de la procédure, soumis de surcroît aux dispositions de la procédure accélérée, auquel il n’y avait pas lieu de déroger dès lors que les parties avaient sur un pied d’égalité disposé du même temps et de l’opportunité de produire des attestations de témoins dans des délais acceptés ». La cour fait ainsi prévaloir la sécurité de la procédure et évite de faire droit aux manœuvres dilatoires dans le cadre d’une procédure accélérée. Deux questions se posent néanmoins. D’une part, la solution aurait-elle été identique en dehors du cadre spécifique de la procédure accélérée ? D’autre part, la cour fait deux fois mention de l’absence d’explications de la partie sur sa demande. La solution aurait-elle été différente en présence de telles explications ?

On évoquera aussi rapidement un autre arrêt de la cour d’appel (Paris, 15 sept. 2020, n° 18/01360), dans le contentieux sériel avec l’entreprise Subway. La cour rappelle que « le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débat contradictoire ». À ce titre, une partie qui n’a pas participé à la procédure, mais qui a reçu « par e-mail », « via UPS » ou « via Federal Express » l’ensemble des actes de la procédure arbitrale ne peut invoquer une violation du contradictoire.

B - Arbitrage et procédures collectives

L’articulation d’une procédure arbitrale avec une procédure collective requiert une vigilance accrue de la part des arbitres qui, dans le cadre de leur mission, ne doivent pas empiéter sur la compétence exclusive du juge de la faillite (D. Cohen, note ss Civ. 1re, 6 mai 2009, Rev. arb. 2010. 299, spéc. p. 305 : « L’arbitrage entretient des rapports complexes et subtils avec la matière des faillites : si l’arbitrabilité du droit des procédures collectives ne fait plus aujourd’hui de doute, il n’en reste pas moins que l’arbitre ne saurait empiéter sur la compétence exclusive du juge de la faillite – notamment pour ouvrir une procédure collective du débiteur, recevoir les déclarations de créances ou nommer des représentants de la procédure – et qu’il ne saurait violer des règles d’ordre public interne, voire international, du droit des faillites, teinté de considérations d’intérêt général manifestes »). La violation de certaines règles relatives aux procédures collectives est de nature à entraîner l’annulation de la sentence arbitrale. Si l’arbitre est compétent pour déterminer le montant d’une créance à l’égard d’une société en procédure collective, il ne peut condamner le débiteur à payer cette somme (v. sur cette question P. Ancel, Arbitrage et procédures collectives, Rev. arb. 1983. 275 ; P. Ancel, Arbitrage et procédures collectives après la loi du 25 janvier 1985, Rev. arb. 1987. 127 ; P. Fouchard, Arbitrage et faillite, Rev. arb. 1998. 471).

C’est ce principe qui est rappelé par la cour d’appel de Paris (Paris, 15 sept. 2020, n° 19/09580, Sharmel). Elle énonce que « le principe de l’arrêt des poursuites individuelles qui est à la fois d’ordre public interne et international, interdit après l’ouverture de la procédure collective la saisine du tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, sans qu’il se soit soumis, au préalable, à la procédure de vérification des créances et en tout état de cause, que la décision rendue puisse conduire au prononcé d’une condamnation, seule la fixation de la créance étant admise ».

En l’espèce, la cour reconnaît implicitement que le tribunal arbitral a été saisi postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Pour cela, elle fixe la date de saisine du tribunal à la signature de l’acte de mission (le 3 juillet 2017), postérieurement à l’ouverture de la procédure (le 15 mai 2017). Néanmoins, la demande d’arbitrage date du 26 septembre 2016. On peut se demander s’il n’était pas possible de retenir une date antérieure à la conclusion de l’acte de mission pour l’acceptation par l’arbitre unique de sa mission.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce grief qui emporte la conviction de la cour. En effet, l’arbitre unique a condamné la société placée en redressement judiciaire au paiement de certaines sommes, « au mépris du principe d’égalité des créanciers et d’arrêt des poursuites individuelles ». La sanction est donc inévitable : la sentence viole l’ordre public international et l’ordonnance d’exequatur est infirmée.

C - Arbitrage et corruption

La corruption est désormais une question classique du droit de l’arbitrage. Force est de constater que les arbitres y sont de plus en plus sensibilisés, puisqu’ils n’hésitent pas à sanctionner un contrat qu’ils estiment entaché de telles circonstances. C’est le cas d’une sentence déférée à la cour d’appel de Paris (Paris, 15 sept. 2020, n° 19/09058, Samwell). Dans le cadre de la vente d’hélicoptères en Chine, un opérateur a eu recours à un intermédiaire. Finalement, le vendeur a refusé de payer le montant des factures et l’intermédiaire a saisi une juridiction arbitrale. L’arbitre a retenu l’existence d’indices de corruption de sorte que l’exécution des contrats viole l’ordre public international. Le débat devant la cour d’appel, s’il est articulé autour de plusieurs moyens, est centré autour de la question de la mission de l’arbitre.

Le contrat prévoit l’application du droit français. Or le demandeur au recours estime que l’arbitre devait se tenir aux critères de la corruption prévus par l’arrêt Alstom (Paris, 10 avr. 2018, n° 16/11182, D. 2018. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin  ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard ; Paris, 28 mai 2019, n° 16/11182, D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; ibid. 2435, obs. T. Clay ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard ; Cah. arb. 2018. 465, note A. Pinna) et lui reproche d’avoir fait application de critères issus du droit américain, tirés de la doctrine des red flags. La cour rejette fermement le moyen. Elle énonce, d’une part, que « le fait pour le tribunal arbitral d’avoir, pour caractériser la corruption, examiné des indices de corruption avancés par la société Airbus H., fussent-il inspirés des “red flags” issus de la liste annexée à l’US Foreign Corrupt Practices Act de 1977, loi fédérale américaine et/ou résultant d’un guide établi en 2012 par la division criminelle du Département de Justice américain, ne peut conduire à considérer qu’il a fait, même partiellement, application de la loi américaine pour trancher ce litige ». Elle retient, d’autre part, qu’« il ne ressort nullement de cette décision [Alstom] que cette liste devrait être regardée comme limitative en droit français » et ajoute que « quand bien même aurait-elle été envisagée comme telle par la cour en 2018, elle ne saurait en aucune manière lier une autre juridiction, à défaut de consécration par la loi d’une liste limitative s’imposant au juge quant aux indices à prendre en compte pour caractériser une corruption, à l’exclusion de tout autre ». La solution est heureuse. Il est paradoxal d’interdire à un arbitre d’user de tous les outils existants pour identifier un contrat de corruption à une époque où la lutte contre ce fléau est considérée comme une priorité.

Néanmoins, le raisonnement, tel qu’il est mené par la cour d’appel, présente une sérieuse limite. La cour prend en effet la peine de mentionner l’usage de la notion de « faisceau d’indices », du recours à la preuve par indices « graves, précis et concordants » pour juger que « le tribunal arbitral a bien fait une application exclusive du droit français quand bien même il a pu considérer que certains indices, aujourd’hui aussi retenus par la législation américaine, pouvaient être pris en compte pour caractériser la corruption, sans se départir de l’application du droit français ». Cette motivation nous paraît dangereuse. À la suivre, dès lors que les parties ont fait le choix d’un droit applicable au contrat, l’examen de la corruption doit être réalisé en contemplation de ce droit. À défaut, l’arbitre viole sa mission. On comprend alors immédiatement qu’il suffit aux parties de choisir, lors de la conclusion du contrat, un droit beaucoup plus permissif pour échapper à la corruption. La cour d’appel se retrouve face à une situation insoluble : l’arbitre qui a refusé d’appliquer le droit étranger pour établir des faits de corruption viole sa mission (mais la sentence est conforme à l’ordre public international) ; l’arbitre qui a appliqué scrupuleusement le droit étranger permissif viole l’ordre public international (mais il a respecté sa mission !). Cette voie n’est évidemment pas sérieusement envisageable. La solution réside sans doute dans l’alinéa 2 de l’article 1511 du code de procédure civile, selon lequel l’arbitre « tient compte, dans tous les cas, des usages du commerce ». Il est tout à fait admissible de considérer que la lutte contre la corruption intègre désormais ces usages et que les arbitres sont libres d’y piocher les outils pour y faire face, indépendamment de l’État les ayant forgés.

Deux griefs supplémentaires sont écartés. Si l’arbitre doit naturellement motiver sa sentence en appréciant l’existence d’un faisceau d’indices susceptibles de caractériser des faits de corruption, il n’a pas nécessairement à entrer dans le détail pour chacun des indices qu’il retient, la cour précisant que « le juge de l’annulation [ne peut] en apprécier la suffisance ou la pertinence ». Enfin, l’arbitre peut évidemment se fonder sur des circonstances dans les débats, quand bien même les parties n’ont pas insisté sur ce point, sans violer le contradictoire.

Toute personne ayant droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, un juge aux affaires familiales qui a rendu la décision contestée ne saurait figurer dans la composition de la cour d’appel saisi du recours à l’encontre de cette même décision.

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