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La Cour de cassation affirme que la révocation d’une adoption simple ne peut être prononcée qu’en cas de motifs graves résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption. Elle casse donc l’arrêt d’appel qui avait considéré que l’insanité d’esprit de l’adoptant au moment du prononcé de l’adoption permettait une telle révocation.

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Auteur d'origine: babonneau

Il résulte de la combinaison des articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et 1er de l’arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel que, pour les litiges nés à l’occasion d’un contrat de collaboration ou d’un contrat de travail d’un avocat, relevant de la compétence du bâtonnier et portés devant la cour d’appel, la déclaration d’appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la cour d’appel par la voie électronique par le biais du RPVA. 

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Auteur d'origine: Thill

Un arrêté du 20 mai 2020 a été publié au Journal officiel du 21 mai 2020 : il abroge les deux arrêtés « cour d’appel » de 2010 et 2011 et ouvre heureusement la CPVE avec le premier président… au 1er septembre 2020. Il laisse malheureusement encore subsister des incertitudes.

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Auteur d'origine: Thill

L’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 intéresse à plusieurs égards le droit des personnes et de la famille. Le texte étudié tente de concilier deux intérêts contradictoires : d’une part l’urgence imposée par les dossiers familiaux, liés aux majeurs protégés ou hospitalisés sans consentement et d’autre part la distanciation sociale, préalable nécessaire au recul de l’épidémie dans le temps. 

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Auteur d'origine: chelaine

L’action négatoire de nationalité régie par l’article 29-3 du code civil n’est soumise à aucune prescription.

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Auteur d'origine: fmelin

Parmi les éléments du compromis, l’expérimentation des cours criminelles départementale sera étendue de 10 à 18 départements (le gouvernement souhaitait initialement en avoir 30). Par ailleurs, pour la réorientation des affaires pénales, les procureurs devront s’assurer que la procédure retenue permettra aux victimes de demander et d’obtenir une indemnisation. En l’absence de victime, le classement sans suite sera possible pour les procédures contraventionnelles.

L’entrée en vigueur de plusieurs dispositions a été repoussée. Citons le code de justice pénale des mineurs (31 mars 2021), la réforme du divorce (1er janvier 2021), ou l’application au lobbying envers les collectivités locales du registre des représentants d’intérêts de la HATVP (1er juillet 2022).

Immigration, consommation et trésorerie des CARPA

La CMP a validé un article adopté par le Sénat prévoyant la dématérialisation des récépissés de demande de titre de séjour ou de renouvellement. Elle a également prévu que les étrangers titulaires d’un visa de court séjour ou exemptés de visa, contraints de demeurer en France pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, bénéficieraient d’une autorisation provisoire de séjour.

En droit de la consommation, la CMP a conservé la transposition de la nouvelle procédure ad hoc de transaction administrative et la création d’un nouveau mécanisme d’indemnisation des consommateurs sous l’égide de la DGCCRF. A noter, le Sénat a rejeté un amendement gouvernemental qui prévoyait de permettre la DGCCRF d’enjoindre des restrictions d’accès à une interface en ligne qui proposait des contenus manifestement illicites.

La commission a rétabli plusieurs articles qui avaient été supprimés par le Sénat. Elle a ainsi réintroduit l’habilitation permettant au gouvernement de centraliser, par ordonnances, certains dépôts vers le compte du Trésor, en excluant explicitement les caisses de retraite et les CARPA. Elle a aussi rétabli la disposition qui rend rétroactifs les critères restrictifs d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.

Le texte sera étudié dès ce mercredi à l’Assemblée. Il sera le 10 juin au Sénat.

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Comme la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 l’y a autorisée, l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a adapté les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement notamment de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant ces juridictions (art. 11, I, 2°). Cette première ordonnance est modifiée et complétée par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, afin, selon le rapport fait au président de la République, « de faciliter la reprise de l’activité juridictionnelle malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus covid-19 ».

Le champ d’application de ces règles doit retenir l’attention. Tout d’abord, contrairement à ce qui a été envisagé, elles restent limitées à la matière non pénale. Ensuite, l’article 1 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2010 prévoit que ses dispositions sont applicables pendant une période s’étendant du 12 mars jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Or, conformément au I de l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, l’état d’urgence sanitaire, déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus. Les règles prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance du 20 mai 2020, doivent donc recevoir application jusqu’au 10 août 2020.

Ceci étant précisé, les modifications apportées par le décret du 20 mai 2020 s’articulent autour de deux grandes idées : la limitation des contacts au sein des juridictions et la recherche d’une information effective.

La limitation des contacts au sein des juridictions

Accès aux juridictions

Cette limitation passe tout d’abord par un encadrement de l’accès aux juridictions. L’ordonnance du 20 mai 2020 insère un nouvel article 6-1 à l’ordonnance du 25 mars 2020, qui précise, dans son I, que les « les chefs de juridiction définissent les conditions d’accès à la juridiction, aux salles d’audience et aux services qui accueillent du public » tout cela dans le respect des règles sanitaires en vigueur et en informant le public par voie d’affichage.

Juge unique

Ensuite, l’ordonnance du 20 mai 2020 apporte trois précisions quant à la possibilité offerte aux présidents de juridiction, par l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020, de recourir au juge unique.

En premier, elle précise les règles applicables devant le conseil de prud’hommes et le recours à la formation restreinte – tenant lieu de juge unique devant cette juridiction paritaire – recours qui semble d’ailleurs être imposé. En effet, alors que l’alinéa précédent précise que, devant le tribunal de commerce, le président du tribunal peut recourir à la formation d’un juge unique, l’alinéa 4 de l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020, indique expressément que « le conseil de prud’hommes statue en formation restreinte ». Le présent de l’indicatif sonne comme un impératif qui ne laisserait pas le choix au président de la juridiction. L’ordonnance du 20 mai 2020 précise alors qu’en cas de départage, un juge du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud’hommes statue seul, après avoir recueilli l’avis des conseillers prud’homaux. Mais s’il n’a pas tenu l’audience de départage avant le 10 août 2020, alors l’affaire est renvoyée devant la formation restreinte présidée par ce juge. Cette dernière disposition est intéressante car elle prévoit, au-delà de la période d’application des règles exceptionnelles d’organisation juridictionnelle, la mise en œuvre d’une formation extraordinaire qui n’est pas prévue par le code du travail. Selon son article L. 1454-2, en cas de départage, l’affaire est tranchée par le bureau de jugement présidé par un juge du tribunal judiciaire, même si le départage est intervenu devant le bureau de conciliation ou d’orientation. La formation de départage comporte donc habituellement cinq membres (C. trav., art. R. 1423-35, 4°), sauf en cas de référé (C. trav., art. R. 1423-35, 2°) et, maintenant, sauf si le départage est intervenu pendant la période de crise sanitaire augmentée d’un mois, mais n’a pas pu être résolu dans cette même période.

La deuxième précision concerne la possibilité pour le juge de la mise en état ou le magistrat chargé du rapport de tenir seul l’audience de plaidoiries dans une procédure écrite ordinaire. Cette faculté n’est pas nouvelle, puisqu’après avoir longtemps figuré à l’article 786 du code de procédure civile, elle se trouve, depuis le 1er janvier 2020, à l’article 805 du même code. On notera toutefois que l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 modifié par l’ordonnance du 20 mai 2020 a écarté l’absence d’opposition des avocats, laissant le juge décider seul de l’opportunité d’entendre seul les plaidoiries. Il doit toutefois en informer les parties par tout moyen et en rendre compte au tribunal. On peut alors imaginer que la mention dans l’arrêt que les débats ont eu lieu devant un seul magistrat qui a fait rapport à la formation collégiale, devrait alors suffire à établir qu’il a bien rendu compte des débats à ses collègues, comme c’est le cas lorsqu’il met en œuvre le mécanisme prévu aujourd’hui à l’article 805 du code de procédure civile (Com. 20 janv. 1998, Procédures 1998, n° 90, obs. Laporte).

Enfin, la troisième précision concerne le champ d’application de l’extension du recours au juge unique et plus exactement la désignation des affaires concernées. Il s’agit des affaires dans lesquelles l’audience de plaidoirie ou la mise en délibéré de l’affaire dans le cadre de la procédure sans audience a lieu entre le 12 mars et le 10 août 2020.

Publicité des débats

Enfin, l’ordonnance du 20 mai 2020 confie, non plus au président de juridiction, mais au juge ou au président de la formation de jugement, le rôle de prendre les mesures qu’il estime nécessaires en termes de publicité des débats. On peut alors imaginer des approches différentes au sein d’une même juridiction, chaque juge pouvant adapter l’exigence de publicité aux cas qui lui seront soumis, soit en la restreignant, soit en l’écartant en décidant que les débats se dérouleront en chambre du conseil. Lorsque le nombre de personnes admises à l’audience est limité, les personnes qui souhaitent y assister saisissent par tout moyen le juge ou le président de la formation de jugement (ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, art. 6-1). Enfin, c’est également au juge ou au président de la formation de jugement d’autoriser la présence de journalistes, que l’audience soit publique ou non.

Présence des protagonistes

Mais la possibilité de limiter la présence physique aux audiences ne se cantonne pas à celle du public. Le juge, le président de la juridiction ou le juge des libertés et de la détention peuvent limiter la présence des protagonistes des affaires.

Ainsi, ils ont la faculté, sans qu’ils aient à exposer de circonstances particulières, de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle, pour tenir une audience, mais aussi éventuellement, et c’est un ajout de l’ordonnance du 20 mai 2020, pour tenir une audition (ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, art. 7, al. 1). La seule condition est que l’on puisse s’assurer de l’identité des personnes y participant et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Plus encore, le juge peut décider, si la visioconférence est impossible, de recourir à tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, pour entendre les parties, leur avocat ou les personnes à auditionner. C’est ce qui se pratique notamment dans le cadre des hospitalisations d’office. Là, encore, il faut que le média utilisé permette de s’assurer de l’identité des personnes et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges. Mais comment peut-on s’assurer de l’identité d’une personne par téléphone ? Et comment garantir la qualité des échanges ? Ces questions sont d’autant plus importantes que la décision du juge, du président de la formation de jugement ou du juge des libertés et de la détention est insusceptible de recours. Toutefois, dans son ordonnance de référés du 10 avril 2020 (nos 439883 et 439892, AJDA 2020. 814 ; AJ fam. 2020. 265 et les obs. ), le Conseil d’État énonce qu’en autorisant, sous les conditions prévues, le recours dérogatoire à des moyens de communication à distance pendant la période prévue à l’article 1er de l’ordonnance, dans le but de permettre une continuité d’activité des juridictions de l’ordre judiciaires statuant en matière non pénale, l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n’a pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense (M. Kebir, Coronavirus et adaptation du fonctionnement des juridictions judiciaires : rejet des référés devant le Conseil d’État, Dalloz actualité, 20 avr. 2002).

Les questions restent toutefois nombreuses. Le dernier alinéa de l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 tel que modifié par l’ordonnance du 20 mai 2020 prévoit que « les membres de la formation de jugement, le greffier, les parties, les personnes qui les assistent ou les représentent en vertu d’une habilitation légale ou d’un mandat, les techniciens et auxiliaires de justice ainsi que les personnes convoquées à l’audience ou à l’audition peuvent se trouver en des lieux distincts ». Ce que l’ordonnance du 25 mars 2020 avait prévu pour les avocats et les interprètes est ainsi largement étendu. Mais dans quelles hypothèses pourra-t-on avoir affaire à ce tribunal déstructuré ? Le dernier alinéa précise « dans les cas prévus par le présent article ». Or l’article 7 ne semble prévoir aucun cas particulier… cela dépendrait de la volonté du juge. En outre, peut-on imaginer une audience où chaque protagoniste est chez soi ? Et même si les moyens de communication utilisés par les membres de la formation de jugement garantissent le secret du délibéré, garantissent-ils leur qualité ?

Procédure sans audience

Enfin, c’est également la technique du jugement sur dossier qui est développée, par l’ordonnance du 20 mai 2020. Elle précise qu’à tout moment de la procédure, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider qu’elle se déroulera sans audience. Les parties ont quinze jours pour s’opposer à cette décision, sauf dans les procédures caractérisées par la célérité (notamment les procédures de référés et les procédures accélérées au fond). L’ordonnance du 20 mai 2020 apporte toutefois des précisions en matière de soins psychiatriques sans consentement. « La personne hospitalisée peut à tout moment demander à être entendue par le juge des libertés et de la détention », sans pouvoir toutefois exiger une rencontre physique. Il lui est garanti une audition par tout moyen permettant de s’assurer de son identité et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.

Ces dispositions s’appliquent aux affaires dans lesquelles la mise en délibéré de l’affaire est annoncée pendant la période s’étendant du 12 mars au 10 août 2020.

La recherche d’une information effective

Notification

Concernant de décisions de justice, l’ordonnance du 25 mars 2020 semblait doubler les dispositions relatives à leur notification, de l’obligation de les porter à la connaissance des parties par tout moyen. L’ordonnance du 20 mai 2020 précise qu’il s’agit là d’une simple faculté qui concerne la notification des décisions aux parties et à toute personne intéressée (ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, art. 10, al. 1).

L’ordonnance du 20 mai 2020 précise également que « les convocations et les notifications qui sont, à la charge du greffe sont adressées par lettre simple lorsqu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception est prévue » (ord. n° 2020-304, 25 mars 2020, art. 10, al. 2). L’idée est d’augmenter la possibilité de porter à la connaissance effective des parties ladite décision.

Communication

Enfin, l’ordonnance du 20 mai 2020 insère un article 11-4 dans un nouveau chapitre de l’ordonnance du 25 mars 2020 intitulé « Dispositions relatives au SAUJ ». Les agents de ce service peuvent assurer la réception et la transmission, par voie électronique, d’un certain nombre d’actes, jouant pleinement leur rôle d’intermédiaires entre la justice et les justiciables. Tout d’abord, il s’agit de tous les actes en matière civile, lorsque la représentation n’est pas obligatoire. Ensuite, il en est de même en matière prud’homale pour les requêtes et les demandes de délivrance de copie certifiée conforme, d’un extrait ou d’une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire. Enfin, c’est aussi le cas des demandes d’aide juridictionnelle. Là, à nouveau, un doute peut apparaître quant à la signification du verbe « pouvoir » (« les agents de service de greffe […] peuvent assurer […] »). Il semble toutefois qu’il n’offre pas une faculté des agents du SAUJ, mais reconnaît leur capacité lorsque le justiciable fera le choix de la communication électronique.

Dans tous les cas, le dernier alinéa de l’article 11-4 prévoit que, s’il a été reçu par voie électronique, le document original établi sur support papier doit être produit par son auteur avant qu’il ne soit statué sur sa demande.

Une réflexion

Ces mesures ont des airs de déjà-vu. La plupart, à l’image de la procédure sans audience, ont été promues ces dernières années pour assurer la célérité de la justice et le respect du délai raisonnable, conduisant à un inexorable éloignement physique des acteurs de la justice. La preuve en est que ces mesures sont aujourd’hui accentuées pour assurer la distanciation sociale que le covid-19 impose. Il est alors à souhaiter que le juge ne fasse usage de ces possibilités que dans des circonstances exceptionnelles, même lorsque les textes ne prévoient rien de tel, et que les pouvoirs publics ne prolongent pas ces mesures au-delà de ce qui est nécessaire, car une justice de qualité ne saurait se passer de présentiel.

L’article 15 du code civil dispose qu’« un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ».

À l’instar de l’article 14 qui vise le Français demandeur, ce texte instaure un privilège de nationalité fondé sur la nationalité française : le défendeur, dès lors qu’il a cette nationalité, peut être assigné en France, même si le litige n’a pas d’autre rattachement avec la France que cette nationalité.

Ce principe est bien connu en droit international privé. Depuis l’arrêt Cognacs et Brandies du 19 novembre 1985 (B. Ancel et...

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L’arrêt rendu le 13 mai 2020 par la première chambre civile de la Cour de cassation intervient dans un domaine, la révocation de l’adoption simple, qui a rarement les honneurs de la haute juridiction et encore moins parmi les arrêts publiés (moins d’une dizaine en cinquante ans…). Sa motivation « nouvelle génération », loin de priver le commentateur de toute matière (sur ces débats, v. B. Dondero, Nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation : panique à l’Université !, D. 2020. 145  ; D. Houtcieff, Motivation enrichie des arrêts de la Cour de cassation : sans commentaire ?, D. 2020. 662 ), offre l’occasion de revenir sur quelques fondamentaux de cette institution.

En l’espèce, un homme avait adopté en la forme simple l’enfant de son épouse. Passés quelques mois, le couple avait effectué diverses donations en faveur de l’adopté. Quatre ans plus tard, l’époux demandait le divorce et, dans la foulée, la révocation de l’adoption et des donations.

La configuration est classique et la jurisprudence des juges du fond en la matière, d’abord rare, puis de plus en plus riche en raison du nombre croissant de recompositions familiales (en ce sens, v. P. Salvage-Gerest, in P. Murat [dir.], Droit de la famille, Dalloz Action, 2019, § 225.41 ; F. Gasnier, Réflexion sur la pratique de l’adoption simple de l’enfant du conjoint, LPA 20 juin 2011, n° 121, p. 4), en témoigne. Très souvent, l’adoption simple est le fait du conjoint du parent de l’adopté et la séparation du couple entraîne une volonté de remettre en cause cette adoption (en ce sens, v. P. Salvage-Gerest, in P. Murat [dir.], Droit de la famille, Dalloz Action, 2019, § 224.213 ; C. Neirinck, note ss Versailles, 9 sept. 2010, Dr. fam. 2010. Comm. 185), en particulier quand celle-ci s’est accompagnée de libéralités, les considérations patrimoniales s’ajoutant alors au désamour.

La particularité de l’espèce, outre le fait qu’elle mènera à une cassation – rarissime, nous y reviendrons –, réside dans le motif invoqué pour la révocation. Dans l’arrêt sous examen, il était avéré par différents documents médicaux qu’au moment où l’adoption avait été prononcée, l’adoptant souffrait de multiples troubles mentaux. Probablement sensibles à l’ampleur de ces troubles et à la concordance des avis médicaux, les juges du fond avaient alors cru pouvoir prononcer la révocation de l’adoption simple au motif que l’ensemble des éléments démontrait que l’adoptant n’était pas sain d’esprit au moment où il avait donné son consentement à l’adoption, ce qui, selon eux, constituait un motif grave justifiant la révocation de celle-ci.

Sans véritable surprise, la Cour de cassation, au visa des articles 353, alinéa 1, et 370, alinéa 1, du code civil, casse cette décision pour violation de la loi.

Le premier texte, l’article 353, alinéa 1, du code civil, prévoit que l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal (de grande instance à l’époque, judiciaire désormais) qui vérifie dans un délai de six mois à compter de sa saisine si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Il est en effet fondamental de rappeler que l’adoption découle d’un jugement : cela implique qu’elle ne peut être attaquée qu’en tant que décision judiciaire. En l’espèce, la cour d’appel avait d’ailleurs pris soin de rappeler que le jugement prononçant l’adoption était susceptible d’appel et de relever que l’adoptant n’avait pas formé de recours contre la décision.

S’il y a pu y avoir un temps un flottement sur la question des « modalités » de remise en cause de l’adoption (sur ce flottement, v. Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 119 ; S. Mornet, note sous Civ. 1re, 27 nov. 2001, Gaz. Pal. 31 oct. 2002, p. 25), notamment sur le fondement de la qualité du consentement à l’adoption, la première chambre civile a mis fin à toute ambiguïté dans un arrêt du 27 novembre 2001 (Civ. 1re, 27 nov. 2001, n° 00-10.151, Bull. civ. I, n° 292 ; D. 2002. 39, et les obs. ; AJ fam. 2002. 63, et les obs. ; RTD civ. 2002. 82, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2002. Comm. 57, note P. Murat ; RJPF 2002-2/32, note A.-M. Blanc ; Gaz. Pal. 30-31 oct. 2002. Somm. 26, note J. Massip) dans lequel, appliquant l’adage « Voies de nullité n’ont lieu contre les jugements », elle a affirmé que « le consentement à l’adoption et le jugement qui le constate et prononce l’adoption sont indivisibles » et qu’« en conséquence, la contestation du consentement ne pouvait se faire qu’au moyen d’une remise en cause directe du jugement par l’exercice des voies de recours en conformité avec l’article 460 du nouveau code de procédure civile ». C’est quasiment au mot près ce que la Cour de cassation affirme dans l’arrêt rapporté.

Il convient toutefois de préciser ici que, si la question de la qualité du consentement de l’adoptant n’est pas inexistante en jurisprudence (v., par ex., l’hypothèse d’une personne mise sous tutelle peu après le dépôt de la requête, Civ. 1re, 10 juin 1981, Bull. civ. I, n° 202 ; RTD civ. 1984. 303, obs. J. Rubellin-Devichi ou encore cet arrêt dans lequel l’adoptant soutenait avoir consenti à l’adoption par erreur, Civ. 1re, 28 févr. 2006, n° 03-12.170, RTD civ. 2006. 296, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2006. Comm. 126, obs. P. Murat), elle reste assez exceptionnelle. Lorsque l’adoption est contestée sur le fondement d’un consentement vicié, voire absent, c’est le plus souvent le consentement des parents de l’adopté (par hypothèse mineur) qui est concerné.

Pour autant, il est admis que le candidat à l’adoption doit lui aussi avoir manifesté sans équivoque sa volonté d’adopter (en ce sens, v. Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 57 ; F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, Droit de la famille, 9e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, spéc. § 789).

Ce consentement résulte concrètement de la demande d’adoption qu’il doit formuler pour déclencher la procédure et saisir le tribunal. C’est d’ailleurs au moment de la requête en adoption que la capacité s’apprécie (Civ. 1re, 10 juin 1981, préc.), signe que c’est à ce moment-là que le consentement doit être présent et intègre. En outre, quoique les faits de l’espèce puissent faire douter (il semble établi que l’adoptant souffrait de troubles mentaux depuis 2003 avec une aggravation fin 2006, or l’adoption a été prononcée fin 2007…), on aime à penser que, comme le souligne la Cour de cassation en l’espèce, « en tant que condition légale à l’adoption », l’intégrité du consentement de l’adoptant fait partie des éléments vérifiés lors de l’instruction de la demande par le tribunal. Il reste que, même dans l’hypothèse où le consentement des uns ou des autres serait vicié, il est acquis que le prononcé de l’adoption par le juge, une fois la décision passée en force de chose jugée, « purge » la procédure de ses vices (en ce sens, v. Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 119), ce qui exclut qu’on puisse demander, comme le faisait M. T…, la « nullité de l’adoption » pour insanité d’esprit.

Cette impasse explique sans doute que, face à l’évidente insanité d’esprit de l’adoptant au moment de l’adoption, les juges du fond aient accepté de se placer non pas sur le terrain, menant tout droit à l’échec comme nous venons de le voir, de la validité de l’adoption mais sur celui de sa révocation. L’échec était pourtant tout aussi prévisible.

Le second texte visé, l’article 370, alinéa 1, du code civil, prévoit que l’adoption peut être révoquée s’il est justifié de motifs graves. Comme souvent lorsqu’un texte prévoit des « motifs graves », c’est vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner pour dessiner les contours de la notion.

Les motifs graves retenus par les juges du fond sont très disparates (F. Gasnier, Réflexion sur la pratique de l’adoption simple de l’enfant du conjoint, LPA 20 juin 2011, n° 121, p. 4). Il reste que, conformément à la volonté du législateur de 1966, les juges s’attachent en principe à ne révoquer l’adoption simple que dans des situations exceptionnelles (en ce sens, v. J. Hauser, note sous Paris, 28 janv. 2010 et Versailles, 9 sept. 2010 ; C. Neirinck, L’irrévocabilité de l’adoption en question, RDSS 2006. 1076 ; F. Monéger, note sous Versailles, 9 déc. 1999, RDSS 2000. 437 ; H. Fulchiron, note sous Civ. 1re, 11 oct. 2017, Dr. fam. 2017. Comm. 241 ; F. Granet, Les motifs de révocation d’une adoption simple, AJ fam. 2002. 24 ). On citera à titre d’exemples (pour d’autres illustrations, v. F. Granet, art. préc.) : des voies de fait sur la personne de l’adoptant (Civ. 1re, 20 mars 1978, Bull. civ. I, n° 144), la liaison de l’adopté avec sa mère adoptive ayant entraîné le suicide du père adoptif (Grenoble, 15 déc. 2004, Dr. fam. 2005. Comm. 129, note P. Murat) ou encore l’attitude de l’adopté délibérément blessante, vexatoire, méprisante, offensante, voire attentatoire à l’honneur de l’adoptant (Pau, 10 juill. 1997, Juris-Data n° 046308).

Ainsi, les simples aléas et vicissitudes des relations familiales ne suffisent pas à constituer ces motifs. Selon les analyses, il est admis que les motifs graves nécessitent la preuve de conflits majeurs entre adoptant et adopté (en ce sens, v. R. Le Guidec, note sous Civ. 1re, 9 juill. 2014, JCP N 2014. 1385 et la jurisprudence citée) et d’une altération irrémédiable des liens affectifs entre eux (Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 500), voire d’une absence totale de tels liens (F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, op. cit., spéc. § 814, et la jur. citée) de nature à rendre moralement impossible le maintien des liens créés par l’adoption, ou tout au moins éminemment souhaitable leur cessation (Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 500 ; M. Le Bihan-Guénolé, La révocation de l’adoption, JCP 1991. 3539 et la jur. citée).

À cela s’ajoute parfois le critère de l’ingratitude (C. Neirinck, note préc. ss Versailles, 9 sept. 2010 ; M. Le Bihan-Guénolé, art. préc).

En l’espèce, rien de tout cela, du moins dans les éléments exposés par les parties et retenus par les juges du fond. En effet, les juges de la cour d’appel de Nancy avaient retenu comme unique élément constitutif de motifs graves l’insanité d’esprit de l’adoptant au moment de l’adoption. On ne peut que constater que cet élément, même avéré, est sans lien avec l’attitude de l’adopté envers l’adoptant et réciproquement ou les liens les unissant. Compte tenu de ce qui précède, la cassation ne surprend donc pas et doit être approuvée.

En revanche, on peut être plus réservé sur la justification apportée par la Cour de cassation.

Dans ce type d’affaires, les cassations sont rares, la Cour de cassation s’en remettant en principe à l’appréciation souveraine des juges du fond sur l’existence ou non de motifs graves (en ce sens, v. Rép. civ., v° Adoption, par F. Eudier, n° 500 ; C. Neirinck, note préc. ss Versailles, 9 sept. 2010) et ce en vertu d’une jurisprudence constante et ancienne (Civ. 1re, 10 juill. 1973, Bull. civ. I, n° 243 ; JCP 1974. II. 17689, 5e esp., note E.S. de la Marnierre ; 20 mars 1978, n° 76-13.415, Bull. civ. I, n° 114). La Cour de cassation tenait donc l’occasion de préciser les contours de la notion, notamment grâce à la « motivation enrichie ».

Elle aurait ainsi pu confirmer (ou non) que, schématiquement, les motifs graves résidaient dans l’attitude des intéressés ou la nature de leurs liens et ne pouvait donc découler de l’existence d’une maladie mentale. Or, loin de revenir sur la « substance » du motif grave, sans doute trop protéiforme, elle préfère souligner un critère temporel et affirme, suivant en cela le premier moyen du pourvoi, que l’adoption ne peut être révoquée que si est rapportée la preuve d’un motif grave « résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption ».

Une telle affirmation interroge. Le critère semble nouveau, même si on peut citer un précédent, plus mesuré, dans une décision du tribunal de grande instance de Paris du 21 novembre 1995 (inédit, rapporté par J. Hauser, RTD civ. 1996. 138 ) qui avait retenu que l’action en révocation de l’adoption est fondée « sur des comportements en général postérieurs à son établissement ».

En l’espèce, on pressent qu’il s’agissait pour les juges de la haute juridiction d’insister sur la distinction entre les conditions de l’adoption – qui doivent être vérifiées en amont du jugement et dont les éventuels défauts sont purgés par celui-ci – et les motifs graves susceptibles de justifier en aval la révocation, lesquels, en principe, résultent schématiquement d’une dégradation des relations entre adopté et adoptant.

Tout de même, avec une telle définition, qu’en serait-il si on découvrait quelques mois, années, après l’adoption, que l’adopté avait tenté de tuer l’adoptant avant l’adoption ou que l’adoptant avait un temps abusé de l’adopté avant le jugement d’adoption ? Il n’est pas certain qu’une telle limite « temporelle » générale à la prise en compte des éléments susceptibles de caractériser des motifs graves soit totalement opportune…

Compte tenu de la rareté des décisions de la Cour de cassation en matière de révocation de l’adoption, on ne devrait pas avoir de précisions de sitôt. Une preuve de plus que, décidément, l’adoption simple… ne l’est pas tant que ça !

« Là où il y a les tuyaux, il y a le droit ! ». L’arrêt rendu le 19 mars 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en matière de communication par voie électronique met en œuvre cet « adage » qui nous est cher. Si nous nous en réjouissons, il faut cependant reconnaître que la décision illustre une fois de plus les difficultés que la détermination du champ d’application de la CPVE, notamment en appel, a pu susciter (Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et européen, S. Guinchard (dir.),  9e éd., Dalloz Action, 2016/2017, nos 161.221 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. janv. 2016] ; C. Bléry et J.-P. Teboul, Une nouvelle ère pour la communication par voie électronique, in 40 ans après… Une nouvelle ère pour la procédure civile ?, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2016, p. 31 s. et Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., LexisNexis,  2018, nos 485 s.). 

Rappelons à cet égard que, jusqu’au 20 mai 2020, deux arrêtés techniques concernaient les cours d’appel : l’arrêté du 5 mai 2010 applicable devant les cours d’appel en procédure sans représentation obligatoire et l’arrêté du 30 mars 2011 relatif aux procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel ; et que les arrêtés techniques, régis par l’article 748-6, alinéa 1er, du code de procédure civile, déterminent non seulement les garanties techniques, mais aussi le domaine de la CPVE, lorsqu’elle est facultative. Faute d’un cadre juridique autorisant le recours systématique à cette voie et même en présence de « tuyaux » (RPVA/RPVJ), la CPVE était, selon le cas, facultative, obligatoire ou interdite devant la cour d’appel.

Précisons aussi qu’un arrêté « CA » vient d’être publié, de sorte que le contentieux de la détermination du domaine de la CPVE va se tarir, même si de nouvelles questions vont se poser (C. Bléry, Arrêté du 20 mai 2020 relatif à la CPVE en matière civile devant les cours d’appel : entre espoir et déception…, Dalloz actualité, 2 juin 2020)…

L’arrêt du 19 mars 2020 concerne un recours contre une décision prise par un bâtonnier à propos d’un litige né à l’occasion d’un contrat de travail d’un avocat ; la solution serait la même dans l’hypothèse d’un contrat de collaboration. Ce recours, relevant de l’article 16 du décret du 27 novembre 1991 (par renvoi des art. 142 et 152 du même décret de 1991), a été jugé éligible à la CPVE, parce que porté devant la cour d’appel elle-même. A l’inverse, le recours formé, en application de l’article 176 du même décret, contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d’honoraires et débours, s’était vu refuser cette éligibilité à la CPVE, parce qu’il relevait du premier président (PP) de la cour d’appel (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-20.047, F-P+B, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; JCP 2018. 1174, obs. N. Gerbay) : ce recours – procédure « autonome » devant le PP – n’entrait pas dans le champ d’application de l’arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel, tel que fixé par son article 1er…

Un avocat salarié saisit un bâtonnier du différend l’opposant à la société qui l’employait après son licenciement par cette dernière. Débouté de l’intégralité de ses demandes par une ordonnance du 22 mai 2018, il interjette appel de cette décision, d’abord par une première déclaration « papier » faite au greffe de la cour d’appel le 11 juin 2018, puis par la voie du réseau privé virtuel des avocats (le RPVA) le 12 juin 2018.

La cour d’appel déclare les deux déclarations d’appel irrecevables, considérant notamment que « les règles prévues par l’article 16 du décret du 27 novembre 1991 avaient seules vocation à s’appliquer en l’espèce, à l’exclusion des dispositions de l’article 748-1 du code de procédure civile ». L’avocat se pourvoit en cassation pour contester l’irrecevabilité des deux DA : à propos de la DA dématérialisée, il estime au contraire que l’envoi ou la remise au greffe de la cour d’appel, en application des articles 152 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, de la déclaration d’appel formée contre la décision du bâtonnier rendue dans le cadre d’un litige né à l’occasion du contrat de travail d’un avocat salarié, peut être effectué par voie électronique (première branche du moyen).

Seule cette branche est examinée par la deuxième chambre civile, qui casse l’arrêt d’appel au visa des articles et avec un attendu rappelés ci-dessus, en chapô.

L’arrêt commenté n’est pas surprenant. En effet, il y a équivalence entre les actes de procédure effectués par voie électronique et ceux sur support papier (v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile, nos 161.08 et 161.221 ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, n° 6). Il en a d’ailleurs été jugé ainsi le 18 janvier 2017 (Soc. 18 janv. 2017 FS-P+B, n° 14-29.013, Dalloz actualité, 6 févr. 2017, nos obs.). Dans cette affaire de 2017, le pourvoi prétendait que l’article R. 1461-1 du code du travail (dans sa version antérieure au décret du 12 mai 2016) imposait une déclaration d’appel « papier », qu’une déclaration d’appel par voie électronique devait donc être jugée irrecevable ; cependant, le législateur ayant mis en œuvre la dématérialisation des procédures selon une démarche d’équivalence, la voie électronique pouvait être utilisée pour la déclaration d’appel. La Cour de cassation avait donc affirmé que « l’article 748-1 du code de procédure civile et l’arrêté du 5 mai 2010 y relatif, qui n’ouvrent en matière prud’homale qu’une faculté, ne dérogent pas au principe d’égalité de traitement de l’article 16 de la DDH dès lors que les prescriptions des articles 58 et 933 du même code demeurent applicables ». Ici, il devait être fait application de l’article 16 du décret de 1991 ; or celui-ci dispose que « le recours devant la cour d’appel est formé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d’appel ou remis contre récépissé au greffier en chef […] » (al. 1er). Dans l’affaire donnant lieu à l’arrêt du 19 mars 2020, la DA ou plus rigoureusement la déclaration de recours « papier » par LRAR, prévue à l’article 16, pouvait tout à fait être effectuée par voie électronique en raison de l’équivalence de l’écrit papier et de l’écrit dématérialisé.

Cette équivalence joue cependant dans les limites du domaine de la CPVE, ce que l’arrêt du septembre 2018, précité (parmi d’autres) affirme. Dans l’affaire de 2018, le demandeur au pourvoi avait tenu le raisonnement d’équivalence, ce qui paraissait logique… sauf que, on l’a dit, la Cour de cassation a élaboré une jurisprudence sur des procédures « autonomes » qu’elle exclut de la communication par voie électronique : rappelons que le 6 juillet 2017 (Civ. 2e, 6 juill. 2017, n° 17-01.695 P, Dalloz actualité, 20 juill. 2017, obs. M. Kebir ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 61, obs. C. Bléry), la deuxième chambre civile a considéré que la procédure de récusation et/ou de renvoi pour cause de suspicion légitime est autonome ; dès lors, elle n’entre pas dans le champ d’application des arrêtés existants, qui visent la cour d’appel et non le premier président – juridiction au sein de la juridiction –, de sorte que la requête en récusation, adressée au premier président par RPVA, est irrecevable. Comme un arrêté technique est nécessaire pour fixer les modalités techniques, tant en CPVE facultative qu’obligatoire et qu’il n’en existe pas pour la juridiction du premier président de la cour d’appel, celui-ci ne peut être saisi d’actes dématérialisés (É. de Leiris, D. 2018. 692, n° 3 ; Adde J.-L. Gallet et É. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, préc., n° 491)… Or, dans l’arrêt de 2018, le recours en cause était régi par l’article 176, alinéa 1er, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui dispose : « la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception »… PP et non CA, donc recours autonome.

Dans notre arrêt de 2020, le recours en cause est porté devant la cour d’appel et non le premier président. Ce n’est pas une procédure autonome, mais une procédure visée par l’arrêté du 5 mai 2010 alors encore en vigueur, puisque ce recours « est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire » (Décr. 1991, art. 16, al. 1erin fine). Comme il s’agit de saisir la cour d’appel, l’acte entre dans les prévisions de l’article 1er de l’arrêté technique de 2010, qui vise « la déclaration d’appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées ». Tout au plus, pourrait-on dire que ce n’était pas exactement une DA, mais une déclaration de recours. Mais, et c’est plutôt heureux, la Cour de cassation a déjà fait preuve de souplesse dans un cas similaire : elle a ainsi pu juger, à propos du recours contre une décision du directeur général de l’INPI, que « les tuyaux sont ouverts »… (Com. 13 mars 2019, n° 17-10.861, F-P+B et Civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-10.861, FS-D, Dalloz actualité, 28 mars 2019, obs. C. Bléry).

Une nouvelle fois, avec l’arrêté du 20 mai 2020 précité, de tels arrêts appartiennent à l’histoire du droit, ce dont on ne peut que se réjouir, même si d’autres difficultés risquent de se présenter. 

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Si 2019 a été une année riche, pour ne pas dire foisonnante, en matière de communication par voie électronique, 2020 est déjà marquée par des textes concernant la matière : outre le droit d’exception régi par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, permettant les audiences virtuelles et allégeant les normes de sécurité dans certaines transmissions d’actes, des arrêtés, en février, ont été des étapes de la communication par voie électronique version 2 (CPVE v. 2), alors que l’arrêté commenté du 20 mai 2020 constitue un énième petit pas dans le long et tortueux cheminement de la dématérialisation des procédures en version 1 (CPVE v. 1 ; Sur ces notions, v. C. Bléry et J.-P. Teboul, De la communication par voie électronique au code de cyber procédure civile, JCP 2017; 665 ; Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s.).

En effet,

deux arrêtés du 18 février 2020 ont modifié deux précédents arrêtés des 6 et 28 mai 2019 relatifs au Portail du justiciable : depuis le 21 février 2020, ce Portail permet au justiciable, outre la consultation du dossier d’une affaire, d’adresser des requêtes par voie électronique à certaines juridictions civiles. Le portail, créé par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 (v. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 24 mai 2019), qui a réécrit l’article 748-8 du code de procédure civile, ne se limite donc plus à des flux sortants de la juridiction à destination du justiciable, il accueille le flux entrant des actes de saisine, que sont les requêtes, soit le flux allant du justiciable vers la juridiction (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dématérialisation des procédures : saisine d’une juridiction par le Portail du justiciable, Dalloz actualité, 5 mars 2020). Le Portail est bel et bien une première mise en œuvre concrète de la CPVE v. 2 ;
 l’arrêté du 20 mai 2020, au contraire, est une contribution à la CPVE v. 1. Il concerne en effet les « antiques » RPVA et RPVJ. Son apport n’est pas négligeable. Il laisse cependant le « cépévéiste » sur sa faim.

I - Situation antérieure à l’arrêté du 20 mai 2020

Antérieurement à l’arrêté du 20 mai 2020, faute d’un cadre juridique autorisant le recours systématique à cette voie et même en présence de « tuyaux » (RPVA/RPVJ), la CPVE était, selon le cas, facultative, obligatoire ou interdite devant la cour d’appel : c’était la conséquence de la combinaison des dispositions du code de procédure civile, des arrêtés techniques et de la jurisprudence. Cette situation était contraire à un « adage » qu’il serait souhaitable d’instituer, selon lequel « dès lors qu’il y a les “tuyaux”, il y a le droit »…

Pourtant, juridiquement, l’article 748-1 envisageait et envisage toujours la transmission (envoi, remise, notifications) par voie électronique de tous les actes du procès, qu’il énumère ; le principe étant qu’elles sont permises, dans les conditions posées par les articles suivants, et parfois imposées. Pour la cour d’appel, l’article 930-1 rend obligatoire la remise des actes au greffe, et par ce greffe, par voie électronique – ceci à peine d’irrecevabilité et sauf cause étrangère, lorsque la représentation est obligatoire : plus précisément il s’agit de représentation obligatoire par avocat (ROA), à l’exclusion de représentation par le défenseur syndical en matière prud’homale, puisque celui-ci n’a pas accès au RPVA (C. pr. civ., art. 930-2 et 3).

Pour compléter ces articles 748-1 et 930-1, des arrêtés techniques sont nécessaires. Ils sont régis par l’article 748-6, alinéa 1er, du code de procédure civile : ils déterminent les garanties techniques, mais aussi le domaine de la CPVE, lorsqu’elle est facultative. L’exigence d’arrêté est la « clé de voute » du système de 2005. Parmi ces arrêtés, deux concernaient les cours d’appel : l’arrêté du 5 mai 2010 applicable devant les cours d’appel en procédure sans représentation obligatoire et l’arrêté du 30 mars 2011 relatif aux procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel.

A - Procédure sans ROA

L’arrêté du 5 mai 2010, abrogé, permettait la communication par voie électronique de certains actes seulement. Du fait de cet arrêté, lorsque la procédure était sans représentation obligatoire, la CPVE était facultative, mais limitée.

Cela s’explique par l’« histoire » : en procédure orale classique, la formulation à l’audience des prétentions des parties, de « vive voix », interdisait a priori toute notion de dématérialisation procédurale. De fait, lorsqu’il s’est agi de permettre le recours à la communication par voie électronique dans les procédures sans représentation obligatoire, donc orales, devant les cours d’appel, les rédacteurs de l’arrêté technique se sont heurtés à cette antinomie entre oralité et dématérialisation : faute de régime réglementaire de l’écrit à l’époque, ils n’ont pu ouvrir largement ce mode de communication (J.-P. Teboul, Les métamorphoses des procédures orales. Le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 : une métamorphose de la procédure devant le tribunal de commerce impliquant une stratégie de conduite du changement, Gaz. Pal. 30-31 juill. 2014, p. 28). Pour cette raison, le recours facultatif à la communication par voie électronique a été limité aux « envois et remises des déclarations d’appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associées » : ces actes étaient prévus par le code et conçus par lui comme devant être réalisés ou constatés par écrits sur support papier ; ils avaient une valeur autonome, l’antinomie n’existait pas pour eux. Les autres écrits, qui jouaient pourtant de fait un rôle en procédure orale, tout particulièrement les échanges entre parties, échappaient à la communication par voie électronique au sens du titre XXI ; en effet, ils n’étaient pas soumis à un régime particulier du code de procédure civile, de sorte qu’aucune démarche par équivalence ne pouvait leur être appliquée. Le décret du 1er octobre 2010, en créant les articles 446-1 à 4 a permis le passage de l’oralité classique à l’oralité moderne : l’écrit a acquis une valeur autonome, indépendamment de la parole prononcée à l’audience et a pu être dématérialisé. La communication par voie électronique est ainsi devenue praticable, à condition qu’une dispense de présentation soit possible et effective (C. pr. civ., art. 446-1, al. 2 : c’est l’oralité moderne). Par la suite, la Cour de cassation est allée plus loin. Elle a ajouté à l’article 446-2 en donnant une certaine autonomie aux écrits indépendemment d’une dispense de présentation, dès lors que des échanges écrits avaient été organisés par le juge (C. pr. civ., art. 446-2, al. 1er, et jurisprudence, Civ. 2e, 22 juin 2017, n° 16-17.118 P, D. 2017. 1588 , note C. Bléry et J.-P. Teboul ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; Procédures 2017. comm. 228, obs. Y. Strickler ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 60, obs. L. Mayer : c’est l’oralité « post-moderne »).

Malgré l’avènement de l’oralité moderne, l’arrêté du 5 mai 2010 n’a pas été actualisé et la faculté de transmission des actes par voie électronique est restée limitée à ses prévisions. Or, ce caractère limitatif a posé des difficultés. Ainsi, le 10 novembre 2016, la deuxième chambre civile a jugé que la cour d’appel n’était pas saisie d’un mémoire remis par RPVA dans une procédure d’expropriation, procédure sans représentation obligatoire. Dans un arrêt du même jour elle a estimé en revanche qu’un avocat pouvait remettre à la cour d’appel une déclaration d’appel en matière de procédure d’expropriation par RPVA (V. Civ. 2e, 10 nov. 2016, nos 15-25.431 et 14-25.631 P, D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; D. avocats 2017. 72, obs. C. Lhermitte ; et, sur le premier, Dalloz actualité, 1er déc. 2016, obs. R. Laffly). La deuxième chambre civile a confirmé la recevabilité d’une déclaration d’appel par voie électronique dans une procédure sans représentation obligatoire, toujours en matière d’expropriation, dans un arrêt rendu le 19 octobre 2017 (Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-24.234, D. 2017. 2353 , note C. Bléry ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ). Cette jurisprudence s’expliquait parce que l’article 1er de l’arrêté technique cantonnait l’utilisation du réseau privé virtuel des avocats à certains actes. Le texte était limitatif, mais clairement rédigé : il n’y avait aucune ambiguïté sur ce qu’il permettait ou pas. La Cour de cassation l’avait, dès lors, appliqué strictement, validant la remise de la déclaration d’appel par voie électronique, mais pas celle d’un mémoire en matière de procédure d’expropriation. Remarquons que, si le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a transformé la procédure d’expropriation en procédure avec représentation obligatoire tant en première instance (C. expr., art. R. 311-9) qu’en appel (C. expr., art. R. 311-17), le raisonnement de la Cour n’a pas été modifié dès lors que la procédure d’appel est (de moins en moins souvent) sans représentation obligatoire. Un arrêt du 19 mars 2020 en atteste : il a été rendu à propos d’un recours contre une décision prise par un bâtonnier à propos d’un litige né à l’occasion d’un contrat de collaboration ou d’un contrat de travail d’un avocat. Ce recours, relevant de l’article 16 du décret du 27 novembre 1991, a été considéré comme éligible à la CPVE, parce que porté devant la cour d’appel elle-même ; dès lors la déclaration d’appel formée par RPVA a été jugée recevable (Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.450, F-P+B+I, Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Bléry).

La Cour de cassation a par ailleurs fait preuve d’une étonnante souplesse en faisant jouer l’arrêté là où on ne l’aurait pas forcément pensé, ainsi à propos du recours formé contre une décision du directeur général de l’INPI en application de l’article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle (Com. 13 mars 2019, n° 17-10.861 F-P+B et Civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-10.861 FS-D, Dalloz actualité, 28 mars 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 583 ; ibid. 2020. 451, obs. J.-P. Clavier ; RTD com. 2019. 370, obs. J. Passa ).

Quoi qu’il en soit, selon l’acte à accomplir, la CPVE était facultative ou interdite… malgré l’existence de « tuyaux ».

B - Procédure avec ROA

L’arrêté du 30 mars 2011, abrogé, énumérait des actes, mais pas tous les actes, susceptibles d’être transmis par voie électronique, ce qui – là aussi – a entraîné des hésitations.

Cet arrêté était lié à l’article 930-1 du code de procédure civile, qui s’appliquait, et s’applique toujours, aux procédures ordinaires et à jour fixe. L’alinéa 1er dispose qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». Les alinéas 2 et 3 prévoient le retour au papier en cas de cause étrangère : l’acte est remis ou adressé par LRAR – depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 – au greffe. De même, selon l’alinéa 4, « les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur ». Enfin, l’alinéa 5 précise qu’« un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique ». C’était donc l’arrêté du 30 mars 2011, d’ailleurs modifié à plusieurs reprises.

Souvent appelée à se prononcer, la Cour de cassation a estimé que certaines transmissions « avocat-greffe », non visées par l’arrêté technique du 30 mars 2011, devaient être accomplies par voie électronique : ainsi de la saisine de la cour par voie électronique en cas de renvoi après cassation (Civ. 2e, 1er déc. 2016, n° 15-25.972 P, Dalloz actualité, 14 déc. 2016, obs. C. Bléry ; D. 2016. 2523 ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; D. avocats 2017. 28, obs. C. Lhermitte ; 17 mai 2018, n° 17-15.319 NP), du déféré (Civ. 2e, 26 janv. 2017, n° 15-28.325 NP, Procédures 2017. Comm. 57, obs. H. Croze ; 1er juin 2017, n° 16-18.361 P ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 70, obs. C. Bléry). Elle a statué de la même manière à propos des transmissions « greffe-avocat » : par exemple pour un avis d’audience en rectification d’erreur matérielle, alors que la décision rectifiée était issue d’une procédure avec ROA (Civ. 2e, 7 déc. 2017, n° 16-18.216 P, Dalloz actualité, 8 janv. 2018, obs. F. Mélin ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, p. 56, obs. C. Bléry) ; elle a encore jugé que si la requête aux fins d’assignation à jour fixe devait être faite sur support papier (v. infra), l’assignation à jour fixe, elle, devait emprunter la voie électronique… sauf cause étrangère (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-20.930 P, Dalloz actualité, 3 oct. 2018, obs. C. Bléry ; D. 2018. 1919 ; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero ; 9 janv. 2020, n° 18-24.513 P, Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. F. Kieffer ; D. 2020. 88 ; Rev. prat. rec. 2020. 8, chron. O. Salati ).

M. de Leiris (E. de Leiris, D. 2017. 607 ) justifie cette jurisprudence de la manière suivante : l’auteur écrit qu’en matière de communication par voie électronique obligatoire, et en l’état de l’article 930-1, « il n’y a pas lieu de se pencher sur l’arrêté le mettant en œuvre pour déterminer le domaine d’application de cette obligation ».

Notons encore que l’article 959 prévoit que « la requête [de l’art. 958] est présentée par un avocat dans le cas où l’instance devant la cour implique constitution d’avocat dans les conditions prévues à l’article 930-1 ».

La Cour de cassation a en revanche précisé que certaines procédures « autonomes », qui relèvent du premier président de la cour d’appel – juridiction au sein de la juridiction – et qui n’étaient donc soumises ni à l’arrêté de 2010, ni à celui de 2011, étaient exclues de la communication par voie électronique : dès lors, une requête en récusation (Civ. 2e, 6 juill. 2017, n° 17-01.695 P, Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 61, obs. C. Bléry ; Dalloz actualité, 20 juill. 2017, obs. M. Kebir), une requête aux fins d’assigner à jour fixe (Civ. 2e, 7 déc. 2017, n° 16-19.336 P, Dalloz actualité, 14 déc. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2542 ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ; Gaz. Pal. 15 mai 2018, p. 77, obs. N. Hoffschir), adressée au premier président par le réseau RPVA, ont été déclarées irrecevables … De même du recours porté devant le premier président de la cour d’appel, en matière de contestation des honoraires de l’avocat (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-20.047 P, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; JCP 2018. 1174, obs. N. Gerbay)… à la différence du recours contre une décision du même bâtonnier, mais porté devant la cour elle-même (v. Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.450, F-P+B+I, préc.). Le moins que l’on puisse dire c’est que les arrêts ont interrogé quant à l’autonomie de certaines procédures « condamnées » par cette jurisprudence à être « papier ».

Dès lors qu’il s’agissait de la remise d’actes à la cour d’appel ou par la cour d’appel, la communication par voie électronique était obligatoire. Elle était interdite devant le premier président, exclu de la communication par voie électronique.

C’est en cet état complexe, pour ne pas dire byzantin, du droit que l’arrêté du 20 mai 2020 a été publié.

II - Apports de l’arrêté du 20 mai 2020

L’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel concerne, on l’a dit, le RPVA et le RPVJ. Il est des plus classiques dans son découpage (conditions de forme des actes de procédure remis par la voie électronique, système de communication électronique mis à disposition des juridictions et du ministère public, sécurité des moyens d’accès des avocats au système de communication électronique mis à leur disposition, identification des parties à la communication électronique et de sa fiabilité), ses solutions techniques inchangées…

Son apport original tient donc dans ses deux premiers articles, qui disposent respectivement : « l’arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures sans représentation obligatoire devant les cours d’appel et l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel sont abrogés » (art. 1er) ; et, « lorsqu’ils sont effectués par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d’une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté » (art. 2).

Un autre article, aussi important que peu heureux, doit être mentionné, à savoir l’article 24 qui prévoit l’entrée en vigueur de l’arrêté en deux temps : immédiatement (« à la date de sa publication », soit le 21 mai 2020), pour la plupart de ses dispositions et au 1er septembre 2020, pour les « dispositions de l’article 2, en ce qu’elles portent sur la transmission des actes de procédure au premier président près la cour d’appel ».

Si le texte suscitait l’espoir, il faut bien admettre que toutes les difficultés ne sont pas pour autant derrière nous, car l’arrêté est imprécis.

A - CA : procédures avec et sans ROA

Il résulte des articles 1er et 2 qu’il n’y a plus qu’un seul arrêté, là où il y en avait deux – sans distinction selon la nature de la procédure devant la cour d’appel, c’est-à-dire qu’elle soit avec ou sans représentation obligatoire.

L’arrêté du 20 mai 2020 généralise la CPVE facultative dans l’hypothèse d’une procédure sans ROA : il abandonne heureusement la liste limitative de l’article 1er de l’arrêté de 2010. Il est cependant permis de se demander dans quelles conditions ? Plus précisément le texte joue-t-il seulement en oralité moderne, dans laquelle les écrits sont autonomes en raison de la dispense de présentation ou aussi en oralité classique, dans laquelle les écrits ne sont pas autonomes sauf ceux qui étaient énumérés à l’arrêté du 5 mai 2010… ce qui nous ferait « basculer » en oralité post-moderne ?

La question se pose si l’on compare avec l’arrêté « TC » du 21 juin 2013, portant communication par voie électronique entre les avocats et entre les avocats et la juridiction dans les procédures devant les tribunaux de commerce. Dans l’arrêté « CA », il n’est fait nulle référence à l’oralité moderne. L’article 12 de l’arrêté « TC » du 21 juin 2013, lui, prévoit que « pour permettre aux avocats, en application de l’article 861-1 du code de procédure civile, d’accomplir les notifications directes prévues à l’article 673 dudit code, la remise de l’acte à l’avocat destinataire s’opère par sa transmission au moyen du RPVA » (rappelons que, selon l’article 861-1, « la formation de jugement qui organise les échanges entre les parties comparantes peut, conformément au second alinéa de l’article 446-1, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais qu’il impartit » – l’article 861-3 donnant les mêmes pouvoirs au juge chargé d’instruire l’affaire). Autrement dit, c’est parce qu’une partie est dispensée de se présenter que les échanges organisés par le TC peuvent être effectués par voie électronique. Il existe aussi une dispense de présentation judiciaire devant la cour d’appel en procédure sans représentation obligatoire, donc orale : c’est l’article 946-1 qui permet donc la mise en œuvre d’une oralité moderne devant cette juridiction. Comme l’arrêté du 20 mai 2020 n’y fait pas référence, faut-il admettre que la CPVE sera valide pour tous les actes – y compris sans dispense de présentation ? Même si ce n’est pas totalement rigoureux, sans doute faut-il considérer que, dès lors qu’un écrit est formalisé par un avocat qui assiste une partie en cas de procédure sans représentation obligatoire l’usage du RPVA est possible. La jurisprudence, qui octroie une autonomie aux écrits indépendamment d’une dispense – et qui consacre ainsi l’oralité « post-moderne » – , va plutôt dans ce sens (Civ. 2e, 22 juin 2017, n° 16-17.118, P, préc.)…

Au passage, notons qu’un précédent arrêté technique « CA » a été pris qui a peut-être inspiré les rédacteurs de l’arrêté de 2020 : c’est l’arrêté du 20 décembre 2017 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures devant la cour d’appel de Papeete, applicable depuis le 1er janvier 2018. Selon l’article 1er, « le présent arrêté s’applique à la communication par voie électronique dans toutes procédures devant la cour d’appel de Papeete » : c’est ainsi que « peuvent être effectués par voie électronique, entre avocats représentant une partie ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles » (art. 2). Ceci alors qu’un article 440-6 du code de procédure civile de Polynésie française, applicable devant la cour d’appel de Papeete, lorsque la procédure est avec représentation obligatoire impose la voie électronique. La communication par voie électronique facultative semble donc générale lorsque la représentation n’est pas obligatoire (à la différence de ce que prévoyait l’arrêté du 5 mai 2010) sans précision sur les conditions ; de son côté, la communication par voie électronique obligatoire concerne toutes les transmissions avocats/juridiction… le premier président, non visé, paraissant exclu.

Il semble bien que les arrêtés techniques de 2017 et 2020 soient conçus plutôt pour les procédures écrites que pour les procédures orales. La notion d’écrit dématérialisé autonome a été perdue de vue par le pouvoir réglementaire, alors qu’elle était incluse dans l’arrêté « TC » du 21 juin 2013. L’arrêté du 20 mai 2020 est, en procédure sans ROA, source d’incertitude… Elle sera cependant sans doute dissipée par la Cour de cassation qui admettra l’usage du RPVA pour tout acte écrit même en l’absence de dispense de présentation, donc, une nouvelle fois, en oralité « post-moderne ».

Par ailleurs, quid de la nature de la CPVE devant le premier président (PP) ?

B - PP : faculté ou obligation ?

Il résulte de l’article 2 que les tuyaux seront ouverts devant le premier président le 1er septembre 2020 ! L’ouverture est une bonne nouvelle. Notre adage est décliné dans ce cas de figure : puisqu’il y a les tuyaux devant le PP, il y a le droit…

Mais pourquoi l’article 24 reporte-t-il l’entrée en vigueur ? La règle devrait déjà être en vigueur tant la jurisprudence sur les procédures autonomes a causé de difficultés inutiles et rien ne justifie un retard plus grand à l’appliquer : la technique est bien opérationnelle (au moins devant certains greffes), la meilleure preuve étant les erreurs d’aiguillage commises et ayant donné lieu à la jurisprudence évoquée…

Par ailleurs, ce n’est pas parce que les tuyaux vers le PP pourront être utilisés que l’on sait selon quelles modalités. La remise des actes au PP sera-t-elle obligatoire ou seulement facultative ? Il nous semble que la CPVE sera seulement facultative ; ceci, compte tenu de la rédaction de l’article 930-1 visant la juridiction, de la place de l’article dans le code de procédure civile et de la jurisprudence qui a toujours vu dans le PP une juridiction autonome. Cela n’est cependant pas absolument certain et la prudence sera de mise : mieux vaudra systématiquement utiliser le RPVA en procédure avec ROA, ce qui aura d’ailleurs le mérite d’unifier la procédure, surtout la procédure à jour fixe : la demande d’autorisation d’assigner à jour fixe, l’assignation en cas d’autorisation, les conclusions,… les actes adressés par le greffe, seront dématérialisées. Cette CPVE avec le PP sera nécessairement facultative en procédure sans ROA : par exemple pour une demande en référé en matière de sécurité sociale…

III - Difficultés subsistantes

La publication de l’arrêté « cour d’appel » conduit à revenir sur la CPVE devant le tribunal judiciaire et son président (C. Bléry, 1er septembre 2019 : communication par voie électronique obligatoire devant le tribunal de grande instance, Dalloz actualité, 2 sept. 2019 ; Nouveaux modes d’introduction de la procédure et communication par voie électronique, D. avocats 2020. 57 ; E. Vergès, Réforme de la procédure civile 2020 – Procédures écrite, orale et sans audience, la transformation du modèle procédural, Lexbase hebdo, éd. privée, 23 janv. 2020, p. 14 s., spéc. p. 16 ; E. Raskin, Synthèse des nouvelles règles régissant les modes de saisine en procédure civile, Gaz. Pal. 28 janv. 2020, p. 74) : il faut en effet se (re)poser des questions car l’arrêté technique « tribunal judiciaire » n’est pas rédigé de la même façon que le texte nouveau…

A - Tribunal judidiaire (TJ)

Jusqu’au 31 août 2019, aucun article spécifique du code de procédure civile ne concernait le tribunal de grande instance (TGI). Cette juridiction était régie par le régime général de la matière : par application combinée des articles 748-1, 748-6 et de l’arrêté technique « TGI ». Le 1er septembre 2019, a été mis en application un article 796-1, venu rendre obligatoire l’usage du RPVA/RPVJ pour les avocats et les greffes des TGI en procédure ordinaire et à jour fixe (hors requête au président ?) en matière contentieuse (ceci compte tenu de la place de l’art. 796-1 c. pr. civ.). Cet article 796-1 était calqué sur l’article 930-1 applicable devant les cours d’appel en procédure avec représentation obligatoire. L’arrêté technique du 7 avril 2009 s’était « glissé » dans les prévisions de l’alinéa 4 de l’article 796-1 créé en 2017 et appelant un tel arrêté. Il semblait qu’une CPVE facultative pouvait jouer dans certaines procédures orales, hors du domaine de l’article 796-1, grâce aux articles 748-1 et 6 et grâce à la généralité de l’arrêté : ainsi en matière de sécurité sociale. Mais, ne fallait-pas être en oralité moderne ? Rien n’est précisé par l’arrêté de 2009 (d’ailleurs pas conçu dans cette optique).

Devant le TJ, l’article 850 a reconduit les dispositions de l’article 796-1 en précisant expressément son domaine, à savoir « en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe […] à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 » (al. 1er) : la remise des actes à et par la juridiction est donc obligatoire sauf cause étrangère autorisant le retour au papier. L’arrêté technique du 7 avril 2009 continue son office devant le TJ, par la grâce de la consolidation effectuée par le décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 (art. 8) qui a changé son intitulé : c’est désormais l’arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux judiciaires. C’est l’arrêté appelé par l’article 850, alinéa 4, et il semble qu’une CPVE facultative peut encore jouer hors du domaine de l’article 850, toujours grâce à la généralité de l’arrêté… Là encore, sans doute que tout écrit formalisé par un avocat peut emprunter le RPVA, sans qu’il soit besoin d’avoir été dispensé de se présenter.

B - Président

En l’état initial du droit devant les TGI, deux décisions notables avaient été rendues, dont il résulte que des juges ayant un pouvoir juridictionnel sont cependant « englobés » dans le TGI : ils étaient donc éligibles à la communication par voie électronique générale et facultative évoquée. Ainsi devant le juge aux affaires familiales (impl., Civ. 2e, 15 oct. 2015, n° 14-22.355 NP) et devant le juge de l’exécution, spécialement pour les procédures de saisies immobilières (Civ. 2e, 1er mars 2018, n° 16-25.462 P, Dalloz actualité, 13 mars 2018, obs. C. Bléry ; D. 2018. 517 ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ; JCP 2018. 514, obs. L. Raschel). Avec l’entrée en vigueur de l’article 796-1, la question a donc été de savoir si la jurisprudence « englobant » le JAF ou le JEX n’a pas été remise en cause ? Et quid du président statuant en référé ou sur requêtes – autres qu’aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe ? Si la CPVE ne s’imposait pas devant ces juges (président, JAF, JEX), l’utilisation du RPVA nous semblait devoir rester facultative et non interdite, toujours en vertu de l’ « adage » : « Là où il y a les tuyaux, il y a le droit » ! Devant le TJ, l’article 850 exclut expressément les requêtes aux fins d’assigner à jour fixe devant le président du TJ : l’article 840 vise en effet la requête adressée au président du TJ pour… assigner à jour fixe, tout en disant que les procédures à jour fixe sont concernées par la CPVE obligatoire. Est-ce alors une CPVE facultative ou interdite ? Quid des référés ? De la procédure accélérée au fond (PAF) ? Une nouvelle fois, dès lors que nous sommes hors CPVE obligatoire, les textes nous semblent permettre une CPVE facultative… sous réserve (qui devrait n’être que provisoire) de tuyaux.

L’incertitude est donc encore plus grande devant le président du TJ que devant le PP où la future permission d’utiliser le RPVA est un point acquis… à moins que ce ne soit une obligation (v. supra).

L’arrêté du 20 mai 2020 apporte des améliorations que nous n’allons pas bouder. Il est quand même permis de regretter qu’il arrive bien tard et qu’il ne mette pas fin à toutes les incertitudes qui sont le lot du « cépévéiste ».

On peut essayer de résumer ainsi l’état actuel de la CPVE v. 1 devant les cours d’appel :

en procédure écrite/ROA : remise obligatoire de tous les actes du procès à et par le greffe (sauf anomalie) ;en procédure orale/sans ROA : remise facultative de tous les actes du procès à et par le greffe ;devant le PP : remise facultative des actes.

À quand une remise à plat globale, une réglementation intelligible et simple, de la CPVE ? C’était pourtant le cas en 2005 lorsque le Titre XXI a été inséré dans le code de procédure civile. Il est vrai que la question se pose tout autant pour toute la procédure civile, qui sort toute meurtrie de la récente réforme d’ampleur qui vient de lui être infligée…

L’article 18 TFUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’opposent pas à une règlementation nationale habilitant les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi, à rendre des ordonnances d’exécution ne pouvant pas être reconnues et exécutées dans un autre État membre.

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Les présentes affaires – jointes aux fins de la procédure écrite et de l’arrêt – conduisent la Cour de justice de l’Union européenne à connaitre de nouveau d’une spécificité du droit croate de l’exécution forcée permettant aux notaires locaux d’émettre des ordonnances d’exécution sur la base de « documents faisant foi » (ex. factures).

Auparavant, dans deux arrêts prononcés le 9 mars 2017, elle avait jugé que, dans le contexte de cette procédure, lesdits notaires ne relevaient pas de la notion de « juridiction », au sens du règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 « Titre exécutoire européen » (CJUE, 2e ch., 9 mars 2017, aff. C-484/15, Ibrica Zulfikarpašić, Dalloz actualité, 22 mars 2017, obs. F. Mélin ; Rev. crit. DIP 2017. 472, note L. Pailler ; D. 2018. 966, obs. F. Jault-Seseke ; JDI, oct. 2018, chron. 9, spéc. n° 13, obs. J.-S. Quéguiner ; Europe, mai 2017. Comm. 216, obs. L. Idot ; Procédures, mai 2017. Comm. 90, obs. C. Nourissat) et du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 « Bruxelles I bis » (CJUE, 2e ch., 9 mars 2017, aff. C-551/15, Pula Parking, Dalloz actualité, 24 mars 2017, obs. F. Mélin ; Rev. crit. DIP 2017. 472, note L. Pailler ). Pour parvenir à cette conclusion, après avoir indiqué que le terme de juridiction se prêtait à une interprétation « autonome » et insisté sur la nécessaire préservation du principe de confiance mutuelle dans l’administration de la justice dans les États membres de l’Union, les hauts magistrats européens ont principalement pris appui sur le caractère non contradictoire de la procédure litigieuse. En effet, en droit croate, la demande qui saisit le notaire aux fins de délivrance d’une ordonnance d’exécution sur le fondement d’un « document faisant foi », n’est pas communiquée préalablement au débiteur, de sorte que cette procédure ne saurait être qualifiée de contradictoire.

Dans l’arrêt sous commentaire, la Cour de justice de l’Union européenne complète son analyse de cette procédure croate, en raisonnant à l’aune du principe de non-discrimination et du droit à un procès équitable, respectivement fondés sur l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Dans la première espèce, sur la base d’un relevé de comptes certifiés conformes attestant de l’existence d’une créance (qualifié, pour l’occasion de « document faisant foi »), une société de droit croate introduit, auprès d’un notaire établi dans ce même État, une procédure d’exécution forcée contre une société de droit slovène. Suite à la notification de l’ordonnance d’exécution délivrée par ledit notaire lui réclamant le paiement d’une certaine somme, la société débitrice forme opposition – dans le délai imparti – devant la juridiction croate compétente (en l’occurrence, le tribunal de commerce de Zagreb). On retrouve des faits similaires dans la seconde espèce, à la différence que la demande – fondée sur une liste de factures – est formée par une société établie en Slovaquie contre une société de droit croate. Dans les deux affaires, la juridiction croate de renvoi – saisie de l’opposition – nourrit des doutes sur la conformité, avec le droit de l’Union européenne, de la procédure suivie en amont de sa saisine. En ce sens, dès lors qu’il résulte de la jurisprudence précitée de la Cour de justice que lesdits notaires ne peuvent être considérés comme des « juridictions », les ordonnances qu’ils délivrent en Croatie ne sauraient être reconnues dans les autres États membres en tant que « titres exécutoires européens », au regard du règlement (CE) n° 805/2004, ou en tant que « décisions judiciaires », au sens du règlement (UE) n° 1215/2012. Pour la juridiction de renvoi, il y a là une différence de traitement entre les personnes physiques ou morales établies en Croatie et celles situées dans les autres États membres de l’Union constitutive d’une discrimination prohibée par l’article 18 du Traité. De plus, le caractère non contradictoire de la procédure de recouvrement de créances impayées suivie devant ces notaires constituerait, toujours selon la juridiction de renvoi, une violation du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Sur le fond, en réponse aux demandes de décisions préjudicielles introduites par le tribunal de commerce de Zagreb et reformulées par ses soins (arrêt, pts 40 à 42), la Cour de justice dit pour droit que « l’article 18 TFUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale habilitant les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi, à rendre des ordonnances d’exécution qui, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking […], ne peuvent pas être reconnues et exécutées dans un autre État membre ».

- Principe de non-discrimination. En faveur de la comptabilité de la procédure croate avec cet important principe, il est tout d’abord mis en évidence que cette législation n’établit pas de traitement différencié fondé sur la nationalité des parties (arrêt, pts 45 et 46). Ensuite, est indifférent le fait que les notaires hongrois soient expressément qualifiés de « juridictions », à l’article 3 du règlement « Bruxelles I bis », faisant ainsi bénéficier les ordonnances qu’ils émettent du dispositif européen de reconnaissance et d’exécution transfrontières. Comme le rappelle fort opportunément les hauts magistrats européens, « la qualification des notaires dans divers États membres demeure liée aux spécificités des ordres juridiques respectifs, le règlement n° 1215/2012 n’ayant pas vocation […] à imposer une organisation déterminée de la justice » (arrêt, pts 47 et 48). Enfin, pour la Cour de justice de l’Union européenne – qui rappelle que les créanciers disposent d’autres voies de droit offertes par l’ordre juridique croate pour obtenir leur dû –, aucune situation de discrimination à rebours n’est à déplorer (arrêt, pts 49 et 50).

- Droit à un procès équitable. Alors que la demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de justice entend raisonner sur le fondement du droit à un recours effectif, tel que protégé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; article dont l’examen relève de sa compétence (arrêt, pt 37). Pour conclure au respect de ce droit, elle envisage la procédure de recouvrement croate dans son intégralité. Pour ce faire, après avoir indiqué que la phase procédurale se déroulant devant les notaires est effectivement unilatérale, la Cour constate que l’accès au juge n’en demeure pas moins garanti, les débiteurs ayant la possibilité de former opposition contre les ordonnances d’exécution délivrées (arrêt, pt 52).

- Notion de litige transfrontière. Au-delà de la réponse apportée sur le fond – qui intéresse au premier chef l’ordre juridique croate –, l’arrêt du 7 mai 2020 retient l’attention pour ses développements visant à démontrer l’existence d’un lien de rattachement des affaires au principal avec le droit de l’Union, au moyen de la justification de l’applicabilité du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (arrêt, pts 27 à 36). Ce préalable était nécessaire pour établir la compétence de la Cour de justice. Sans entrer dans le détail de la motivation avancée, on relève surtout les précisions apportées sur la notion de « litiges transfrontières ».

On le sait, l’applicabilité du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 – comme des autres actes législatifs européens adoptés à ce jour dans le domaine de la coopération judiciaire civile (TFUE, art. 81) – suppose que le litige en cause présente un élément d’extranéité, en plus de s’inscrire en « matière civile et commerciale » (arrêt, pts 29 et 30). Les termes « litiges transfrontières » y sont d’ailleurs employés au considérant n° 26, sans toutefois être définis. Or, dans l’affaire Interplastics s.r.o. c/ Letifico d.o.o. (aff. C-323/19), toutes les circonstances de l’affaire étaient circonscrites à l’intérieur de la Croatie, à l’exception de l’établissement en Slovaquie du demandeur à l’exécution. Cette donnée était-elle suffisante pour caractériser l’élément d’extranéité du litige ? La Cour de justice de l’Union européenne répond par l’affirmative, en transposant, dans le contexte du règlement « Bruxelles I bis », la définition de la notion de « litiges transfrontières » énoncée dans le règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 « Injonction de payer européenne » ; le droit commun de la coopération judiciaire civile s’inspirant, pour l’occasion, d’une règle spéciale.

Conformément à l’article 3, paragraphe 1er, du règlement « Injonction de payer européenne », un litige peut être ainsi qualifié lorsqu’au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre différent de celui de la juridiction saisie. Ainsi en est-il lorsque le demandeur dans la procédure d’injonction de payer européenne a son siège dans un autre État membre que celui du for (en ce sens, CJUE 19 déc. 2019, aff. jtes C-453/18 et C-494/18, Bondora AS c/ Carlos V.C., XY, pt 35, Dalloz actualité, 30 janv. 2020, obs. F. Mélin ; D. 2020. 23 ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard ; Europe 2019. Comm. 87, obs. L. Idot ; JDI avr. 2020. Chron. 5, spéc. n° 13, obs. K. Mehtiyeva ; RTD eur. 2020/2, obs. G. Payan, à paraître). Pour la Cour de justice, « une telle interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2006 sert également, en principe, à établir le caractère transfrontalier et, partant, l’élément d’extranéité, d’un litige aux fins de l’application du règlement n° 1215/2012. En effet, ces règlements relevant tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il convient d’harmoniser l’interprétation des notions équivalentes auxquelles le législateur de l’Union a eu recours dans ceux-ci » (arrêt, pt 35).

Sans doute, le litige en cause dans l’affaire Interplastics s.r.o. c/ Letifico d.o.o. présentait-il un élément d’extranéité. Cependant, la Cour de justice aurait pu l’affirmer sans opérer un détour par le règlement (CE) n° 1896/2006. La justification avancée est surprenante en ce qu’elle laisse penser qu’il y aurait une définition unique de la notion centrale de litiges transfrontières – ou de litiges transfrontaliers – dans le domaine de la coopération judiciaire civile. Or, s’il est vrai que l’on retrouve une définition commune dans le règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 « Injonction de payer européenne » (spéc. art. 3) et le règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 « Petits litiges » (spéc. art. 3), d’autres actes législatifs européens retiennent des définitions différentes, tels que la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (spéc. art. 2) ou le règlement (UE) n° 655/2014 du 15 mai 2014 instituant une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (spéc. art. 3).

Avec cette transposition, dans le droit commun de la coopération judiciaire civile, de la définition de litiges transfrontières jusque-là circonscrite dans le domaine de la procédure d’injonction de payer européenne, on est amené à penser que cette définition sera retenue à chaque fois que le règlement ou la directive applicable ne contient pas de dispositions spécifiques – et, par hypothèse, dérogatoires – sur cette notion.

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Le statut des baux d’habitation est d’ordre public, nul ne saurait l’ignorer. Mais caractériser ainsi la relation contractuelle qui lie locataire et bailleur ne doit pas faire oublier au praticien que certains agissements sont également source de responsabilité civile extracontractuelle. Plus précisément, les manquements contractuels du bailleur peuvent également mettre en jeu sa responsabilité quasi délictuelle.

Dans les faits, une bailleresse d’habitation condamnée par feu le tribunal d’instance de Roanne suivant jugement rendu le 4 septembre 2018, a interjeté appel devant la cour d’appel de Lyon. L’appel de la bailleresse était à la fois formé à l’encontre de sa locataire et de son compagnon, qui n’était pas partie à la relation locative, et qui était donc un tiers au contrat (il n’était pas en l’espèce question de cotitularité du bail – mariage ou PACS). Si le quantum des préjudices a été quelque peu modifié par les juges d’appel, qui ont par ailleurs condamné la bailleresse au titre du préjudice moral subi par la locataire, la décision du juge d’instance a été confirmée pour l’essentiel.

De première part, au terme d’un raisonnement classique, la bailleresse a été condamnée pour avoir consenti à bail un logement impropre à l’habitation. Le bien, qui avait fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant interdiction de mise à disposition à des fins d’habitation, était en outre présumé pollué, le logement ayant été aménagé dans un local industriel anciennement exploité par une activité textile polluante. 

De seconde part, sur le fondement extracontractuel, la bailleresse a été condamnée pour défaut d’entretien du mur du garage inclus au bail, en ce que son effondrement avait causé d’importants dommages au véhicule qui y était entreposé. Véhicule qui appartenait au compagnon de la locataire.

En l’espèce, c’est bien ce dernier aspect qui nous intéresse, et qui nous amènera à apprécier la qualification de la faute quasi délictuelle tout d’abord, puis la causalité et le dommage, ensuite.

Identité du manquement contractuel et de la faute quasi délictuelle de la bailleresse

Pour la Cour : « […] si le propriétaire des lieux n’était pas lié par un contrat de dépôt et les obligations qui en découlent, il n’en demeure pas moins que la bailleresse a commis une faute quasi délictuelle en laissant une partie du mur de son garage s’effondrer par manque d’entretien sur un véhicule » qui y était entreposé.

Si les fondements de l’action de la locataire et de son compagnon ne font pas l’objet de développements, il est expressément indiqué qu’ils ont ensemble « assigné Madame G. [ndlr : la bailleresse] devant le tribunal d’instance de Roanne pour demander la condamnation de cette dernière à leur verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts suite à la mise à disposition d’un logement structurellement indécent ».

En d’autres termes, le compagnon de la locataire, tiers au contrat de bail, aurait invoqué l’indécence du logement consenti à bail – et donc, la violation par la bailleresse de son obligation contractuelle de délivrer un logement décent – pour obtenir la réparation de son préjudice. 

Ainsi, le défaut d’entretien du mur qui incombe à la bailleresse au titre de son obligation locative contractuelle engage sa responsabilité civile extracontractuelle à l’encontre du tiers dont le véhicule a été endommagé par la chute dudit mur (s’agissant des notions de responsabilité quasi délictuelle et de responsabilité extracontractuelle, v. J.-S. Borghetti, Responsabilité des contractants à l’égard des tiers : pas de pitié pour les débiteurs, D. 2020. 416 ). Dans ce contexte, il n’est pas exclu que cette décision illustre le principe de l’identité entre le manquement contractuel et la faute quasi délictuelle. L’apport de cet arrêt pourrait dès lors être rapproché du principe dégagé par l’arrêt d’assemblée plénière rendu le 6 octobre 2006 (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Sté Myr’Ho, D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister , note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295 , obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain ), récemment réaffirmé par un arrêt rendu le 13 janvier 2020 (Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, D. 2020. 416, et les obs. , note J.-S. Borghetti ; ibid. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 394, point de vue M. Bacache ; AJ contrat 2020. 80 , obs. M. Latina ; RTD civ. 2020. 96, obs. H. Barbier ), dans le cadre duquel la Cour de cassation a jugé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». 

Dès lors, le tiers voit sa charge probatoire allégée, à partir du moment où le manquement contractuel est la cause de son dommage. En effet, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Réaffirmation par l’assemblée plénière de la jurisprudence Boot shop / Myr’Ho, CCC 2020, n° 58, obs. L. Leveneur ; v. aussi G. Viney, La responsabilité du débiteur à l’égard du tiers auquel il a causé un dommage en manquant à son obligation contractuelle, D. 2006. 2825 ).

Causalité et dommage : la charge de la preuve incombe au tiers qui s’était vu autoriser à entreposer son véhicule dans le parking loué à la locataire 

La Cour poursuit ensuite, déclarant que le véhicule était « légitimement entreposé par la volonté conjuguée de son propriétaire et de la locataire ».

La présence « légitime » du véhicule dans le garage est alors une condition à la réparation du dommage subi par son propriétaire (v. M. Bacache, L’assimilation des fautes délictuelle et contractuelle réaffirmée par l’assemblée plénière, D. 2020. 394 ).

En d’autres termes, la locataire avait accepté que son compagnon entrepose son véhicule dans le garage qu’elle avait loué : il était donc régulièrement utilisé, conformément à sa destination. Les magistrats rappellent alors de manière induite que le locataire d’habitation peut vivre avec qui il souhaite dans le logement loué. Sans doute cette mention est ainsi liée à la protection de la vie privée et familiale des locataires de baux soumis à la loi du 6 juillet 1989, qui ne peuvent se voir reprocher le fait d’héberger des proches. Aussi, la locataire avait le droit de jouir de sa place de parking, en autorisant son compagnon à y entreposer sa voiture. Tel n’aurait sans doute pas été le cas en présence d’une sous-location irrégulière du parking par la locataire, ou d’un prêt du logement en présence d’une clause l’interdisant (Civ. 3e, 10 mars 2010, n° 09-10.412, Bull. civ. III, n° 57 ; D. 2010. 1531, obs. Y. Rouquet , note J.-M. Brigant ; ibid. 2011. 1181, obs. N. Damas ; AJDI 2010. 808 , obs. N. Damas ; RTD civ. 2010. 343, obs. P.-Y. Gautier ). 

Dès lors, le tiers devait prouver que les dommages causés à son véhicule résultaient de l’effondrement du mur du parking. Les magistrats ont alors conclu en ce sens, réduisant cependant de manière franche le quantum de l’indemnisation prononcée au profit du propriétaire du véhicule par feu le tribunal d’instance de Roanne, considérant que rien n’indiquait qu’il s’agissait d’un véhicule de collection et que l’indemnisation allouée ne pouvait dès lors être supérieure à sa valeur marchande.

D’un point de vue pratique, nous retiendrons que la relation contractuelle ne fait pas obstacle à l’engagement de la responsabilité extracontractuelle, que la mise en œuvre de cette responsabilité soit le fait du bailleur contre un occupant (Civ. 3e, 20 déc. 2018, n° 17-31.461, D. 2019. 7 ; ibid. 1129, obs. N. Damas, spéc. 1138 ; AJDI 2019. 630 , obs. N. Damas ; AJ contrat 2019. 93, obs. K. Magnier-Merran ; RTD civ. 2019. 338, obs. P. Jourdain ; ibid. 360, obs. P.-Y. Gautier  ; LEDC févr. 2019. 4, obs. G. Guerlin) ou, comme en l’espèce, de l’occupant légitime contre un bailleur. S’agissant particulièrement du manquement contractuel d’une partie qui cause un dommage à un tiers : la responsabilité extracontractuelle du contractant peut être engagée, sur la base de ce seul manquement. La preuve de la causalité et du dommage incombe néanmoins toujours au tiers qui se prétend lésé. 

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Les sociétés de classification des navires délivrent des certificats de classification qui attestent que les navires ont été conçus et construits conformément aux règles de classe établies en considération des principes de l’Organisation maritime internationale. L’obtention de ces certificats constitue un préalable à la délivrance des certificats réglementaires par l’État du pavillon ou par une société de certification, agissant sur sa délégation. Les deux activités peuvent être exercées par une même société.

Ces sociétés sont à l’origine d’un certain contentieux en matière de responsabilité.

Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 17 avril 2019 s’est penché sur les aspects de droit international privé de cette responsabilité, en retenant que les activités de certification et de classification sont dissociables et que seule la première autorise une société de droit privé à se prévaloir de l’immunité juridictionnelle de l’État du pavillon qui l’a spécialement habilitée à délivrer, en son nom, la certification statutaire au propriétaire du navire (Civ. 1re, 17 avr. 2019, n° 17-18.286, Dalloz actualité, 17 mai 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 885 ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ). La Première chambre civile s’est alors fondée sur le droit international privé commun : les sociétés en cause relevant du droit des États-Unis et exerçant leur activité de certification au nom de l’État des Bahamas, il n’avait pas en effet été nécessaire de mettre en oeuvre le droit international privé de...

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Entre le 25 mars et le 21 mai 2020, ce sont plus d’une trentaine d’ordonnances relatives à l’épidémie de covid-19 qui ont été publiées au Journal officiel, ce qui pourrait laisser penser que leurs rédacteurs ont méprisé les conseils que donnait Nicolas Boileau dans le « Chant I » de L’art poétique (Boileau, Satires. Epîtres. Art poétique. Poésie, Gallimard, éd. 1985, p. 228-229) :

Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile,
Et ne vous chargez point d’un détail inutile.
Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant ;
L’esprit rassasié le rejette à l’instant.

Dans les semaines à venir, il appartiendra aux praticiens de bien maîtriser ce foisonnement de textes pour éviter des lendemains douloureux (La lettre de la SCB, Avocats, tous à vos agendas !, avr. 2020, n° 22).

Pour ne pas tomber dans le même travers, il ne semble pas opportun de répéter ce qui a déjà été écrit à propos de la suspension des délais en matière de saisie-immobilière (F. Kieffer, Saisie immobilière et covid-19 : Ô temps suspends ton vol…, Dalloz actualité, Le droit en débats, 31 mars 2020 ; Nouvelle ordonnance « délai covid-19 » : impact sur la saisie immobilière, Dalloz actualité, 18 mai 2020) mais uniquement d’aborder les conséquences de la dernière ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (JO 21 mai) sur la matière.

Panorama de la situation

Il est utile de rappeler quelques-unes des ordonnances qui se sont succédé et qui sont susceptibles d’influencer la procédure de saisie-immobilière, il s’agit de :

• l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété ;

• l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;

• l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;

• l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire ;

• l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

Pour la procédure de saisie immobilière, avec la dernière ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, le doute n’est désormais plus permis et c’est rassurant.

Il faut ici signaler que si le rapport au président de la République annonce une modification de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-304, cette modification annoncée ne figure pas dans l’ordonnance n° 2020-595.

En effet, l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifie la rédaction de l’article 2, II, 3°, de l’ordonnance n° 2020-304 qui dispose désormais ce qui suit : « Les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution sont suspendus pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ».

En effet, alors que la plupart des délais de procédures ont été soumis à un régime sui generis qui n’est « ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée » (circ. de présentation des dispositions du titre I de l’ord. n° 2020-306, 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, publiée le 26 mars 2020, rectifiée le 30 mars 2020), la saisie immobilière a été dotée d’un régime de faveur : la suspension des délais.

Curieusement, alors que la Cour de cassation avait précisé que la saisie immobilière et la distribution du prix étaient les deux phases d’une même procédure (Cass., avis, 15 mai 2008, n° 0080003 P), la procédure de distribution n’est pas concernée par ce régime de faveur et est donc soumise au régime dérogatoire de l’article 2, I, de l’ordonnance n° 2020-304.

Pour mémoire, la suspension d’un délai en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, alors qu’en cas d’interruption, un nouveau délai recommence à courir à compter de la date de l’acte interruptif.

La suspension se distingue donc de l’interruption laquelle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

Il est donc désormais établi que pour la procédure de saisie immobilière tous les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution, suspendus depuis le 12 mars 2020, reprendront leur cours le 24 juin à 0 heure.

Dès lors, les praticiens vont devoir se soumettre à un travail considérable en se livrant dans tous les dossiers, en fonction de l’état d’avancement de leurs procédures, à des calculs du temps déjà écoulé avant la suspension, pour déterminer le temps restant à courir pour ne pas se heurter à une caducité.

Et il n’existe à ce jour pas d’outil permettant de faciliter ce travail, comme celui proposé par le réseau Lexavoué, qui n’est utilisable que pour les délais concernés par l’article 2, I, de l’ordonnance n° 2020-304 (hors délais de prescription), dont la saisie immobilière est exclue.

Il appartiendra donc au praticien de calculer le temps déjà écoulé entre l’acte concerné et le 12 mars, pour déterminer le temps qui lui restera pour respecter le délai légalement imparti à partir du 24 juin.

C’est encore un nouvel exercice de gymnastique cérébrale (Dalloz actualité, 18 mai 2020, préc.) auquel devront se livrer les praticiens concernés.

Il est bien sûr impossible d’envisager ici toutes les situations, puisqu’en la matière, a minima, six délais des plus variées sont prescrits à peine de caducité (C. pr. exéc., art. R. 311-11), pêle-mêle, sans que cette énumération ne soit exhaustive :

vingt-quatre heures (C. pr. exéc., art. R. 321-1, dernier alinéa du code des procédures civiles d’exécution) ;
 trois jours (C. pr. exéc., art. R. 322-52) ;
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Les avocats vont désormais pouvoir recevoir plus facilement les copies numérisées des dossiers pénaux. À la mi-mai, le Conseil national des barreaux (CNB) a salué la signature avec la Chancellerie d’un protocole en ce sens, qui suivait la finalisation, à la fin avril, d’un premier protocole sur la communication électronique pénale. « Grâce à ces protocoles, nous pourrons demander et obtenir une copie numérique, et nous voir notifier numériquement les actes prévus par l’article 803-1 du code de procédure pénale », se félicite Me Vincent Penard, vice-président de la commission libertés et droits de l’homme du CNB.

Si l’envoi par mail d’un dossier pénal numérisé était déjà possible, l’exercice était compliqué en cas de pièces jointes trop volumineuses. La nouvelle plateforme, appelée Plex, un mix d’une messagerie et d’un service de téléchargement, va permettre l’envoi de fichiers pouvant atteindre un giga-octet. « Tout ce qui peut rendre l’accès au dossier plus rapide et facile est bon à prendre, même si cela fait longtemps que je reçois tous mes dossiers pénaux sous format dématérialisé », remarque un avocat lorrain. Toutes les robes noires ne feront pas la fine bouche. Exemple avec ce juriste qui demandait un renvoi le 11 mai, le jour du déconfinement à l’une des chambres correctionnelles du tribunal judiciaire de Paris, faute d’avoir pu avoir accès au dossier de son client pendant le confinement.

Alors que le protocole sur la communication électronique pénale était discussion depuis deux ans, il n’a fallu, de source avocat, qu’une poignée de semaines durant le confinement pour que les parties trouvent finalement un terrain d’entente. Mais si la crise sanitaire a boosté ce dossier, elle a cependant avant tout mis en lumière le retard inquiétant pris par la justice française sur le numérique. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, défend Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique, place Vendôme. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » L’Hexagone part de loin. Dans le tableau de bord 2019 de la justice dans l’Union européenne, la France est ainsi classée dix-neuvième sur vingt-huit pays en matière de disponibilité de moyens électroniques.

Le confinement a permis l’aboutissement de deux protocoles encadrant les communications électroniques pénales et le transfert de dossiers pénaux entre avocats et juridictions.

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Auteur d'origine: babonneau

Dalloz actualité a publié, le 20 mai 2020, les deux ordonnances présentées en conseil des ministres. Elles ont été publiées depuis au Journal officiel.

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Auteur d'origine: babonneau

Dalloz actualité a publié, le 20 mai 2020, les deux ordonnances présentées en conseil des ministres. Elles ont été publiées depuis au Journal officiel.

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Les ordonnances « moratoire de procédure » nos 2020-304, 2020-306 et 2020-427 de mars et avril 2020 sont désormais bien connues des praticiens. La dernière-née l’est un peu moins, il s’agit de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire qui modifie plusieurs ordonnances et, pour ce qui concerne la présente réflexion, qui propose une nouvelle rédaction de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et détermine désormais avec précision la date de la période juridiquement protégée.

Cet enchevêtrement de textes nécessite une petite gymnastique digne d’un programme d’entraînement cérébral d’une célèbre marque de jeux vidéo, laquelle nous permettra ensuite d’aborder les effets de la suspension sur la saisie immobilière (v. sur le sujet F. Kieffer, Saisie immobilière et covid-19 : Ô temps suspends ton vol…, Le droit en débats, Dalloz actualité, 31 mars 2020).

Gymnastique cérébrale

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (modifié par l’ord. n° 2020-427, 15 avr. 2020) pose le principe en matière d’acte et formalité : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit.
Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits ».

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 transpose ce principe aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale : « I. Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ».

Mais, il prévoit trois exceptions et l’une d’elles concerne la procédure de saisie immobilière.

« II. Par dérogation aux dispositions du I :
1° Les délais de procédure applicables devant le juge des libertés et de la détention et devant le premier président de la cour d’appel saisi d’un appel formé contre les décisions de ce juge courent selon les règles législatives et réglementaires qui leur sont applicables ;
2° Les délais de procédure applicables devant les juridictions pour enfants sont adaptés dans les conditions prévues par le chapitre III du présent titre ;
3° Les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution sont suspendus pendant la période mentionnée à l’article 1er ».

Enfin, pour parachever cet entraînement cérébral, l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 met fin au terme glissant et vient fixer définitivement (?) les dates de la période juridiquement protégée qui débute le 12 mars 2020 (à 0h00) pour s’achever le 23 juin 2020 à minuit. Cependant, le lecteur assidu des textes juridiques aura immédiatement constaté que ce nouveau texte ne vise à aucun moment l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. Certes, au premier abord, il aura raison, mais c’est sans compter sur le souci des rédacteurs de faire travailler nos méninges. En effet, et là est la véritable gymnastique à laquelle il faut se livrer, car les deux ordonnances sont liées, puisque l’article 2 de l’ordonnance n° 2006-304 renvoie, en miroir, elle aussi dans son article 2, à l’article 2 de l’ordonnance n° 2006-306 lequel fait référence à la période mentionnée à l’article 1er qui dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 est ainsi libellé : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ».

En résumé, puisque l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-304 précise que les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et que ce même article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, renvoie à son article 1er modifié par l’article 1er, a, de l’ordonnance n° 2020-560, il s’en déduit que la période juridiquement protégée pour les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale s’étend entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, et ce sans même que l’ordonnance n° 2020-560 fasse référence à l’ordonnance n° 2020-304.

Les effets de la suspension sur la saisie immobilière

Il résulte de cette gymnastique cérébrale que les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution sont suspendus entre les 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.

Cette analyse ne fait pas l’unanimité puisque l’article 2, II, 3°, de l’ordonnance n° 2020-304 déroge à l’article 1, aussi le renvoi opéré par l’article 2, I, vers l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, désormais modifié par l’ordonnance n° 2020-560, vaudrait pour toutes procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale sauf la saisie immobilière.

Ce serait étrange, pourquoi tant de haine à l’égard de cette procédure ?

Si tel était le cas, la seule procédure qui resterait liée au terme de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, désormais fixée au 10 juillet 2020 inclus, en application de l’article 1, I, de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (date qui coïncide avec la nouvelle date des vacations judiciaires) serait… la saisie immobilière pour laquelle les délais seraient alors suspendus jusqu’au 10 août 2020 inclus.

Quelle que soit l’interprétation retenue, quelles sont les conséquences de cette suspension ?

Après recherches et réflexions, il est raisonnable d’affirmer que la suspension des délais pour agir n’empêche pas d’accomplir les actes mais allonge simplement le temps pour le faire.

Le raisonnement de certains auteurs (C. Laporte, Covid-19, Procédure civile d’exécution et état d’urgence sanitaire, Procédures n° 5, mai 2020, comm. 93) est peut-être influencé par le fait que la suspension des délais est habituellement associée à une impossibilité d’agir.

Or la suspension des délais n’a pas pour effet d’empêcher d’agir, c’est au contraire l’impossibilité d’agir qui est une des causes de la suspension des délais (v. R. Laher et C. Simon, Les délais de procédure civile face à l’épidémie de covid-19, Lexbase, éd. Hebo privée, 9 avr. 2019, ou encore C. civ., art. 2234l).

Mais c’est loin d’être la seule cause.

À titre d’exemples, les articles 2235 à 2239 code civil, les causes de suspension peuvent être des contraintes morales (dettes entre époux), voire de pure opportunité (MARD).

Ces contraintes peuvent inciter à ne pas agir, raison pour laquelle il faut suspendre les délais, mais ce n’est clairement pas une impossibilité.

Donc, la délivrance des actes en saisie immobilière reste possible pendant la période juridiquement protégée puisque suspension des délais ne veut pas dire impossibilité d’agir.

Cette question a récemment rebondi à la suite de la note diffusée par la Chancellerie le 5 mai 2020 (ci-jointe).

En effet, la page 23 de cette note indique les priorités juridictionnelles, mais précise aussi qu’au 11 mai, les plans de continuation d’activité (PCA) doivent être levés, ce qui signifie que toutes les activités doivent reprendre.

Cependant, elles doivent reprendre tout en respectant les préconisations de sécurité sanitaire imposées par l’épidémie et, pour cette raison, la note énumère ce qui semble prioritaire mais ne signifie pas pour autant que ce qui n’est pas énuméré est exclu.

En ce qui concerne le juge de l’exécution, la page 26 indique que ce qui est prioritaire est :

Juge de l’exécution (JEX) : toutes les contestations de mesures d’exécution forcée portées devant le juge de l’exécution et, au-delà, les requêtes au juge de l’exécution urgentes ou ayant des incidences économico-sociales (par ex. demande de mainlevée d’une saisie-rémunération).

Il serait insensé d’en déduire que cela signifie que, jusqu’à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire (aujourd’hui sans influence sur la durée de la période juridiquement protégée fixée dans l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020), les juges de l’exécution devront se limiter à ces seules priorités.

En réalité, les PCA étant levés, toutes les activités doivent reprendre.

Aussi, comme peut-être certains ont pu le penser, bien que cette énumération ne vise pas la saisie immobilière, elle ne l’exclut pas.

La conséquence est incontestable : l’article 2, II, 3°, de l’ordonnance précitée ne remet pas en cause la validité et la régularité des actes réalisés durant le cours de la période de suspension, soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus (ou entre le 12 mars et le 10 août inclus).

Cette position est d’ailleurs confirmée par la DACS (v. le compte rendu de la réunion CNB/DACS du 7 mai 2020) :

Le directeur des affaires civiles et du Sceau nous a par ailleurs confirmé que, « contrairement à certaines interprétations erronées des ordonnances », les procédures d’exécution n’étaient pas suspendues.

Certes, le terme employé n’est pas très heureux, mais il signifie que, quelle que soit la procédure civile d’exécution, la formalité peut être effectuée que le délai soit aménagé ou suspendu (pour la saisie immobilière).

Une des conséquences de cette analyse est que le maintien des ventes au cours de la période juridiquement protégée et surtout depuis la fin du confinement (le 11 mai 2020) n’est pas interdit, mais l’audience devra être aménagée pour respecter les préconisations sanitaires.

Ce qui est tout à fait possible en utilisant les alinéas 2 et 3 de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 :

Le président de la juridiction peut décider, avant l’ouverture de l’audience, que les débats se dérouleront en publicité restreinte.

En cas d’impossibilité de garantir les conditions nécessaires à la protection de la santé des personnes présentes à l’audience, les débats se tiennent en chambre du conseil.

Pour certaines juridictions, des ventes ont été effectuées le 14 mai 2020 et, pour d’autres, il a été envisagé la reprise des ventes à partir du 4 juin, ce qui permettra d’effectuer les visites en toute sérénité.

Pendant quelque temps, le plus souvent, le public ne sera pas autorisé à venir (ventes en chambre du conseil), seuls les avocats poursuivants et les avocats munis d’un mandat et d’un chèque de banque pourront accéder à la salle dont la taille permet généralement de respecter la distance recommandée.

Ce n’est pas un obstacle puisque seul un avocat peut porter les enchères.

De surcroît, dans ce contexte très particulier, les avocats pourront être en relation avec leur client par téléphone pendant le déroulement des enchères.

Quant à la consultation des cahiers des conditions de vente, elle se fera au cabinet de l’avocat poursuivant ou sur leur site internet, sur lequel ce document, préalablement anonymisé (ce qui n’est pas le cas au greffe) sera consultable.

D’ailleurs, parmi les nombreuses propositions de modernisation de la procédure de saisie immobilière adressées par le CNB à la DACS en avril 2018, dans le souci de décharger le greffe d’un certain nombre de tâches, il est préconisé la consultation du cahier des conditions de vente au seul cabinet de l’avocat poursuivant, sur son site internet ou sur la future plateforme de ventes aux enchères par avocats (dont le développement est en cours de finalisation) projet voté par l’assemblée générale du CNB des 13 et 14 décembre 2019.

Aussi, sauf à commettre un excès de pouvoir, le juge de l’exécution confronté à une adjudication requise après le 11 mai 2020 et après avoir vérifié que les publicités et les visites ont été effectuées dans les délais requis ne pourra pas d’office sanctionner le maintien de la vente.

En revanche, si la partie saisie élève une contestation dans les formes imposées par le code des procédures civiles d’exécution, il appartiendra au juge de l’exécution d’apprécier au cas par cas le bien fondé des arguments soutenus.

Dans le même temps, si le créancier poursuivant n’a pas effectué les publicités légales ou pu maintenir les visites, il lui appartiendra de faire signifier des conclusions de report de l’adjudication, sur le fondement combiné des dispositions des ordonnances n° 2020-304, 2020-306, 2020-560 et de l’article R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution.

Il n’en demeure pas moins que tout cela est tout de même très compliqué et que déjà se profile à l’horizon la procédure devant le tribunal judiciaire avec prise de date, applicable au 1er septembre 2020… Est-ce bien raisonnable ?

Une nouvelle ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire a été publiée au Journal officiel du 14 mai. Décryptage de son impact sur le jeu des délais en général et de la suspension des délais de saisie immobilière en particulier.

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Auteur d'origine: Dargent

Le déconfinement ouvert le 11 mai 2020 ne va pas à lui seul compenser le choc économique considérable subi par les entreprises françaises depuis mars 2020. Du fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 aux prêts garantis par l’État, en passant par les nombreuses mesures sectorielles, les régimes d’aides et de soutien au secteur économique se sont multipliés1 en France depuis deux mois.

C’est dans ce courant interventionniste que s’inscrit l’ordonnance n°2020-538 du 7 mai 2020 qui vient apporter un soutien spécifique aux entreprises des secteurs du spectacle vivant et du sport.

L’impossibilité d’organiser des spectacles et événements sportifs depuis le 13 mars 2020

Les mesures restrictives prises depuis mi-mars 2020, destinées à lutter contre la propagation du virus covid-19, ont empêché depuis cette date les spectateurs de se rendre dans les salles de spectacles, les stades et autres salles dédiées à l’organisation de rencontres sportives.

Dès le 13 mars 20202 en effet ont été prohibés les rassemblements de plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert.

Puis, les arrêtés du 14 mars 2020 et du 15 mars 2020, ont interdit aux salles de spectacles, aux établissements sportifs couverts ou de plein air, d’accueillir du public, initialement jusqu’au 15 avril 2020. Dans la valse printanière des textes législatifs et réglementaires à laquelle on assiste, ces interdictions ont été confirmées et prolongées initialement jusqu’au 11 mai 2020 par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (art. 3 et 8), modifié plusieurs fois, puis désormais par le décret n° 2020-548 du 11 mai 20203. 

Par ailleurs, le décret du 16 mars 2020, modifié par celui du 23 mars, a interdit le déplacement hors du domicile de toute personne, sauf pour des motifs expressément énumérés. Le fait d’assister à un spectacle ne faisant évidemment pas partie des exceptions autorisées.

S’il n’est plus nécessaire, depuis le 11 mai 2020, de se munir d’une attestation pour sortir de chez soi4, ni d’invoquer l’un des motifs qui était prévu à l’article 3 du décret du 23 mars (lequel décret a été presque intégralement abrogé par la première version du décret du 11 mai), demeurent malgré tout trois types de contraintes pour les entreprises de la culture et du sport : l’interdiction déplacements au-delà de 100 kms de son domicile (sauf exceptions5), l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes sauf, là encore, rares exceptions6, de même que l’interdiction d’ouverture des établissements sportifs et salles de spectacle7.

Dès lors, et ainsi que l’indique le rapport relatif à l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 présenté au président de la République, ces contraintes exceptionnelles ont conduit de très nombreux clients des entrepreneurs de spectacles vivants, organisateurs de manifestations sportives ou exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives, à demander des annulations et des remboursements de leurs billets ou abonnements. D’autres événements ont été annulés par les entreprises elles-mêmes. Dans le même temps, elles ont eu à subir une baisse drastique des commandes et réservations, en l’absence de toute possibilité de reprogrammer avec suffisamment de visibilité les manifestations. La conséquence de ce cercle vicieux est évidente et fait peser sur ces opérateurs des tensions de trésorerie risquant d’aller jusqu’à leur défaillance.

Comment ces entreprises pouvaient-elles réagir avant l’ordonnance commentée ?

Droit positif, covid-19 et force majeure

La force majeure, dont la nouvelle définition figure à l’article 1218 du code civil, peut conduire à la suspension ou à la résiliation d’un contrat dont l’exécution est empêchée en raison de la survenance d’éléments extérieurs à la volonté des parties.

Au cas présent, tant les spectateurs que les organisateurs de spectacles vivants et sportifs peuvent invoquer l’épidémie de covid-19, ou ses conséquences réglementaires, comme cas de force majeure empêchant les manifestations prévues, et ce à compter des premiers textes restrictifs, notamment l’arrête du 13 mars 2020 prohibant les rassemblements de plus de cent personnes.

La suspension du contrat, jusqu’à ce que cesse le motif d’empêchement, est alors l’hypothèse normale puisque la force majeure est ici liée à un événement temporaire (la crise du « covid-19 »).

En droit cependant, l’empêchement même s’il est temporaire, peut donner lieu à la résolution du contrat, si le retard qui en résulte le justifie. C’est ce que prévoit le deuxième alinéa de l’article 1218.

Pour le dire autrement, si la date initialement retenue pour le spectacle (ou l’évènement sportif) ne peut être reportée, quel qu’en soit le motif8, alors l’empêchement, certes temporaire lié au covid-19, peut donner lieu à résolution du contrat.

C’est là que le bât blesse pour les organisateurs.

L’annulation d’un spectacle ou d’un événement sportif oblige l’organisateur à rembourser ses clients

Certes, en application du principe général de liberté contractuelle, les parties à un contrat peuvent écarter tout remboursement, même en cas de force majeure. En pratique, on relève toutefois que c’est généralement dans des contrats conclus entre professionnels que la force majeure, comme possible cause exonératoire de l’exécution du contrat, est écartée.

Pour un contrat conclu entre un professionnel et un particulier, comme c’est le plus souvent le cas pour les spectacles vivants et événements sportifs, à supposer qu’il existe une clause écartant la force majeure (et permettant donc à la structure de ne pas rembourser les billets annulés), celle-ci pourrait, à la lumière des dispositions du nouveau code civil, être jugée comme créant un déséquilibre significatif et en conséquence être réputée non écrite9.

Dès lors, dans la majorité des cas les entreprises de spectacles et du sport seront contraintes de rembourser les spectateurs en cas d’annulation de leur fait, ou par leurs clients.

En effet, par application des articles 1229 et 1352-8 du code civil, il existe un droit au remboursement du contractant qui se voit privé de la prestation de service qu’il a déjà payée.

Ainsi, par principe, les opérateurs du spectacle vivant et du sport devront rembourser les spectateurs en cas d’annulation définitive des spectacles ou, si pour une raison ou une autre, les spectateurs font légitimement valoir qu’ils ne seront pas en mesure d’assister à un événement similaire à une date ultérieure.

En outre, conformément à l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats, qui est d’ordre public (C. civ., art. 1104), le délai pour effectuer ces remboursements devra être « raisonnable » (comprendre deux ou trois mois).

Enfin, à droit constant, le spectateur qui a droit au remboursement ne peut être contraint d’accepter un avoir10.

Il était donc nécessaire de prendre un nouveau texte afin de traiter le risque exceptionnel et systémique auquel sont confrontées les entreprises du spectacle vivant et sportif, et de modifier les règles imposées par le droit des contrats.

Le fondement juridique de l’ordonnance n° 2020-538

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorise le gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances toute mesure afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et notamment de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi.

Dans ce cadre, la mesure prévue au c) l’habilite à modifier : « dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties (…) ».

C’est sur la base de cette habilitation législative que la nouvelle ordonnance a été promulguée.

Contenu et portée de l’ordonnance n° 2020-538

En synthèse, l’ordonnance vient déroger (temporairement) au droit des contrats tel que rappelé ci-dessus.

On se situe ici dans l’hypothèse où soit le client, soit l’organisateur, invoque la résolution du contrat, en application du second alinéa de l’article 1218 du code civil.

Pour déroger au droit au remboursement qui s’impose alors à l’organisateur, sur la base de l’article 1229 du code civil, l’ordonnance modifie ses obligations juridiques habituelles pour lui permettre de proposer à ses clients un remboursement sous forme d’avoir, valable sur une période adaptée à la nature de la prestation.

Ces nouvelles modalités s’appliqueront aux résolutions de contrat notifiées, soit par le client soit par le professionnel, entre le 12 mars11  et le 15 septembre 202012  inclus.

Attention, le professionnel qui propose un avoir devra en informer ses clients, « sur un support durable »13, au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, au plus tard trente jours après cette date d’entrée en vigueur, ce délai expirant donc le 9 juin 2020.

Ensuite, une nouvelle proposition d’événement (de prestation) devra être adressée aux clients dans les trois mois de la résolution du contrat, notifiée entre le 12 mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020 inclus. Prudence donc, car pour les billets annulés le 12 mars par exemple, cette proposition devra être faite par les professionnels avant le 12 juin 2020.

Ces avoirs devront donner lieu à la conclusion d’un contrat, portant sur la nouvelle prestation - au plus tard – dans les six mois de la proposition faite par le professionnel pour les contrats d’accès à un établissement d’activités physiques et sportives14, douze mois pour les spectacles vivants ou dix-huit mois pour les manifestations sportives15.

L’ordonnance fixe plusieurs conditions, protectrices des clients, pour l’émission de ces avoirs et propositions :

la prestation proposée en remplacement devra être « de même nature et de même catégorie que la prestation prévue par le contrat résolu » ;son prix ne devra pas être supérieur à celui de la prestation initiale ;et la nouvelle offre ne pourra donner lieu à aucune majoration tarifaire16.

Si un client demande une prestation dont le prix est supérieur à celui de son achat initial, alors l’organisateur sera tenu d’imputer l’avoir émis sur ce prix.

Finalement, si l’avoir n’est pas utilisé par le client, - c’est-à-dire si un nouveau contrat n’est pas conclu -, dans les délais fixés selon la nature de la prestation, alors l’entreprise devra rembourser.

Ce régime permet donc aux entreprises du spectacle et du sport, qui prennent l’initiative ou sont confrontées à la résolution des contrats conclus avec leurs clients, de leur proposer un avoir au lieu d’être contraintes de les rembourser immédiatement.

Si les clients utilisent cet avoir dans les délais fixés (6, 12 ou 18 mois, selon les cas)16, les entreprises devront donc simplement fournir la prestation prévue, pour laquelle, par définition, elles ont déjà été payées. Si les clients ne donnent pas suite, les remboursements devront donc finalement intervenir, mais ils sont décalés dans le temps, pour la durée maximale applicable à chaque type de situation.

Notons enfin que l’ordonnance écarte de son champ d’application les entreprises relevant spécifiquement du code du tourisme (« tour operators »). Mais celles-ci bénéficient déjà d’un régime de faveur équivalent depuis l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 (Dalloz actualité, 28 mars 2020, art. J.-D. Pellier). Pour les entreprises du secteur du tourisme, on notera que la plage temporelle est un peu plus large puisqu’elle démarre à compter du 1er mars (et non du 12). Il est vrai que de nombreuses annulations de voyages ont été constatées avant même le confinement.

En conclusion, souhaitons que l’ordonnance du 7 mai 2020, qui offre un réel soutien à la trésorerie des entreprises du spectacle vivant et du sport, soit suffisante pour leur permettre de récupérer, dans les mois à venir, du choc financier aussi brutal qu’inédit qu’elles subissent.

Notes

1. V. le site du ministère de l’économie.

2. Arr. du 13 mars 2020, dans sa version initiale.

3. Le premier décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020 aura vécu à peine 24h alors que son art. 27 lui en donnait 48… Mais la nouvelle loi d’urgence ayant été retardée par l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, le gouvernement a dû publier deux décrets du 11 mai : le décr. n° 2020-545, publié le 11 et abrogé le 12, et le décr. n° 2020-548, en vigueur.

4. Sauf si le préfet de tel département en décidait autrement, v. l’art. 25 du décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020.

5. Décr. n° 2020-548, art. 3 ; se rendre à un spectacle ou un évènement sportif ne figure pas dans les exceptions autorisées.

6. Décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020, art. 6.

7. Décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020, art. 10.

8. Ex : spectacle donné par une troupe étrangère n’ayant pas la possibilité de revenir en France, même après la fin de la crise.

9. C. civ., art. 1171.

10. Sauf si le contrat (ou ses CGV) prévoit expressément cette modalité, mais alors on retombe sur le risque qu’une telle clause soit jugée « abusive », sur le fondement de l’art. 1171 c. civ.

11. C’est-à-dire la veille des première mesure restrictives.

12. En l’état, sans doute par cohérence avec les déclarations du premier ministre ayant annoncé un report à septembre de tous les festivals ou grands rassemblements.

13. Email par exemple.

14. Ord. n° 2020-538 du 7 mai, art. 2. 

15. Ord. n° 2020-538 du 7 mai, art. 3.

16. Autre que celles résultant de l’achat de services associés, que le contrat résolu prévoyait.

17. On comprend que c’est le nouveau contrat qui devra être conclu dans le délai applicable à la catégorie d’évènement concernée, mais que l’évènement en lui-même pourra se tenir au-delà. 

Dalloz actualité publie trois ordonnances présentées en conseil des ministres aujourd’hui. D’autres sont à venir.

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Précisions sur les mesures reportées

Le projet de loi, contenant trente-six demandes d’habilitations à légiférer par ordonnances, a été déposé jeudi 7 mai, étudié en commission lundi et mardi et sera en séance dès jeudi 14 mai.

L’article premier vise à reporter jusqu’à fin 2021 un certain nombre de mesures qui devaient entrer en vigueur entre mars et décembre 2020. Le texte est flou sur les mesures concernées par l’ordonnance. Le gouvernement s’est donc engagé, d’ici la séance, à supprimer l’habilitation et inscrire directement dans la loi, la liste des mesures dont il souhaite le report.

Dès la commission, les députés ont tenu à préciser le texte. L’entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs est ainsi reportée du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021. La réforme du divorce est décalée du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021. Enfin, la juridiction unique des injonctions de payer sera créée en septembre 2021 (et non en janvier). Par ailleurs, à l’initiative de plusieurs députés dont la présidente de la commission des lois, il a été exclu que la prolongation de loi SILT et de la surveillance algorithmique prévue par la loi renseignement puisse se faire sans passage spécifique par le Parlement, d’ici la fin de l’année.

Par amendements du rapporteur Guillaume Kasbarian, d’autres habilitations ont été transformées en article de loi, comme la mesure qui vise à restreindre le champ de l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.

Cours criminelles et réorientation des procédures

L’article premier prévoit aussi une ordonnance pour adapter la justice en matière criminelle, notamment l’extension de l’expérimentation des cours criminelles. Décriées par les avocats, ces cours jugent certains crimes, sans juré populaire, uniquement avec des magistrats professionnels. En écho, le député LR Antoine Savignat a souligné que l’extension dans ce contexte constituait un aveu sur l’aspect essentiellement budgétaire de cette réforme.

Le projet de loi va étendre de sept à trente le nombre de département dans lesquels l’expérimentation est conduite. Neuf tribunaux se sont déjà déclarés volontaires (Aube, Essonne, Guyane, Maine-et-Loire, Paris, Sarthe, Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise, Val-de-Marne). Le secrétaire d’état aux relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a tenu à rassurer sur la conduite de l’expérimentation. Il a aussi donné quelques éléments de bilan provisoire, indiquant que le taux d’appel n’était que de 25 % dans les cours criminelles (contre 32 % pour les cours d’assises).

Une autre ordonnance permettra aux procureurs de la République de réorienter les procédures contraventionnelles et correctionnelles dont avaient été saisis des juridictions avant cette loi. La date limite de report est fixée au 1er novembre 2020 et le classement sans suite a été exclu des mesures pouvant être proposées.

La trésorerie des CARPA

L’article 3 vise à obliger à déposer sur le dépôt sur le compte du Trésor certaines trésoreries d’organismes publics ou d’organismes privés chargés d’une mission de service public. Le conseil national des barreaux a alerté les députés sur cet article, proposant plusieurs amendements repris par les députés, pour exclure les CARPA du champ de l’ordonnance.

Le gouvernement a souhaité rassurer : il ne s’agit pas de capter les trésoreries des structures, uniquement d’imposer leur dépôt sur le compte du Trésor. La trésorerie resterait la propriété de chaque structure. Enfin, les caisses des retraites et les CARPA ne sont pas concernées par cette habilitation.

Dès les premières semaines de confinement, certains centres d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ont alerté sur le fait qu’ils ne recevaient pas autant de femmes qu’à l’accoutumée1. Cette situation, qui ne semble pas avoir radicalement évolué depuis quelques semaines, est certainement à mettre en rapport avec une moindre sollicitation générale du système de santé hors cas de covid-19. Que ce soit par peur de l’infection nosocomiale, par crainte de ne pas être correctement pris·e en charge ou encore par volonté de « ne pas déranger », il est constant que les patient·es s’adressent actuellement moins au système de soins qu’en temps normal. Ceci ne peut qu’inquiéter : les patient·es actuellement « absent·es » des services de santé risquent fort d’y affluer, dans des états de santé dégradés, au moment de la levée du confinement.

En ce qui concerne l’avortement, l’inquiétude est redoublée par deux facteurs. D’une part, il est à craindre qu’en plus des motifs communs à tout·es les patient·es, certaines femmes ne se soient pas rendues dans les centres d’accès à l’avortement parce qu’elles ne pouvaient pas s’y rendre en toute confidentialité pendant le confinement. Celles qui souhaitaient cacher leur démarche aux personnes avec lesquelles elles vivent (parents, compagnon, etc.) pouvaient se trouver sans aucune bonne raison pour sortir plusieurs heures et se rendre dans un service d’orthogénie. D’autre part, la durée importante du confinement fait craindre qu’un grand nombre de femmes se trouvent dans la situation d’avoir dépassé, au moment où elles pourront se mouvoir librement, le délai de douze semaines de grossesse que leur accorde le droit français pour avorter. À ces femmes s’ajouteront celles qui, en temps habituels, seraient parties à l’étranger pour recourir à un avortement hors délai et que la fermeture de frontières et la raréfaction des moyens de transport auront privées de cette possibilité. Rappelons ici que le fait de devoir se déplacer loin de son domicile pour accéder à une IVG n’est pas une spécificité de cette période d’épidémie : dans certains départements, même en temps habituels, il est parfois extrêmement difficile de trouver des lieux pratiquant des avortements entre dix et douze semaines de grossesse2.

Dans cette situation exceptionnelle, quelques normes habituellement applicables à l’IVG ont été ponctuellement assouplies. Mais ces adaptations semblent insuffisantes pour garantir durablement les droits des femmes.

Adaptations marginales des normes en vigueur

Face aux difficultés d’accès à l’IVG signalées par les professionnel·les du secteur dès les premières semaines du confinement, le gouvernement a rapidement sollicité un avis de la Haute Autorité de santé sur la possibilité d’étendre le délai de sept semaines d’aménorrhée habituellement appliquée à une IVG médicamenteuse effectuée à domicile. Rendu le 9 avril 2020, cet avis détaille le protocole à suivre pour pratiquer ainsi une interruption de grossesse jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée3.

Outre cette extension de délai, un arrêté du 14 avril4 adapte la procédure habituelle de recours à l’IVG hors établissement de soin afin de l’ouvrir à la téléconsultation. Permise aux médecins et aux sages-femmes5, cette téléconsultation induit plusieurs dérogations aux normes de droit commun, la plus importante d’entre elles6 étant que le médicament peut, évidemment, être pris en dehors de la présence du ou de la professionnel·le qui l’a prescrit7. La délivrance des médicaments elle-même s’effectue, à titre exceptionnel, par la transmission de l’ordonnance auprès d’une officine désignée par la patiente, qui les reçoit donc directement8. L’ordonnance ne pouvant être exécutée qu’après cette transmission électronique, espérons que les femmes n’auront pas à subir l’attitude de certaines officines, parfois réticentes à délivrer des produits contraceptifs ou abortifs.

Applicable jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire, soit a priori jusqu’au 10 juillet 2020 minimum, ce protocole n’est cependant pas sans soulever quelques interrogations, moins dans son fonctionnement que dans ses insuffisances.

Refus de penser une démarche plus radicale d’élargissement des droits des femmes

Faciliter l’accès à l’avortement par l’assouplissement du protocole d’avortement médicamenteux peut être un premier pas. Mais cela est loin d’être suffisant.

Tout d’abord parce que l’avortement médicamenteux à domicile, s’il peut parfaitement être un choix des femmes, n’est pas adapté à toutes. Souvent douloureux, en particulier dans une phase un peu avancée de la grossesse, il conduit par ailleurs à des saignements qui peuvent être difficiles à gérer à domicile, en particulier si la femme est isolée ou, à l’inverse, ne peut pas bénéficier de l’intimité qu’elle pourrait souhaiter. C’est pourquoi cette méthode devrait toujours être librement choisie par les femmes après avoir reçu une information complète sur cette méthode et les alternatives existantes. On sait que la méthode médicamenteuse est parfois privilégiée en temps normal par certains centres d’IVG9 car moins coûteuse en matériel, temps et personnel. On peut craindre que les circonstances particulières de la crise sanitaire conduisent parfois à des incitations appuyées à recourir à cette méthode plutôt qu’à des méthodes instrumentales, qui nécessitent notamment la présence de personnel d’anesthésie – particulièrement sollicité durant cette crise. Or rappelons que le libre choix de la méthode d’avortement est un droit des femmes, formellement reconnu par le code de la santé publique10, et rappelé par la Haute Autorité de santé dans son avis du 9 avril 2020. Espérons donc que ce droit soit respecté durant la période de crise sanitaire mais aussi que cet assouplissement du recours à l’IVG médicamenteuse ne soit pas vu par certains centres comme une opportunité permettant de privilégier durablement le recours à l’IVG à domicile, forcément moins coûteuse.

En outre, les assouplissements apportés par le gouvernement à la procédure d’IVG pratiquée en ville sont loin de répondre aux alertes des professionnel·les du secteur. Dans un texte publié dès les premières semaines du confinement, certain·es suggéraient, outre l’extension du délai d’IVG médicamenteuse, deux autres adaptations du droit de l’avortement auquel il n’a pas été répondu. Il est ainsi suggéré que le délai de quarante-huit de réflexion imposé aux mineures soit provisoirement supprimé. Ce délai prévu à l’article L. 2212-5 du code de la santé publique, impose, de fait, deux consultations11 à ces femmes alors qu’elles sont plus susceptibles que d’autres de souhaiter dissimuler leur recours à l’avortement à leur famille.

Enfin, il eût été possible au gouvernement d’entendre l’appel des professionnel·les à étendre provisoirement le délai de recours à l’IVG de quatorze à seize semaines d’aménorrhée. Cette extension permettrait de répondre aux demandes des femmes qui n’auraient pu recourir à temps à l’avortement étant donné les circonstances sanitaires et qui ne pourraient, de fait, se rendre à l’étranger pour en bénéficier. Un amendement a été présenté en ce sens lors de la discussion de la loi établissant l’état d’urgence sanitaire12, mais a été rejeté sur avis négatif de la commission et du gouvernement.

La conséquence de cette inaction pourrait bien être une augmentation importante de grossesses poursuivies alors qu’elles n’étaient pas désirées : situation d’autant plus violente que les femmes seront, à n’en pas douter, les premières victimes des situations de précarité et de chômage qui risquent de frapper toute une partie de la population dans les prochains mois. Alors oui : certaines situations seront peut-être « rattrapées » par des interruptions médicales de grossesse lorsque les femmes argueront de difficultés psychiques graves. Mais on ne peut s’en satisfaire. Les femmes ne devraient pas avoir à mendier l’accès à leurs droits – encore moins en période de crise qu’en temps normal. Elles ne devraient pas avoir à négocier leur droit à l’intégrité corporelle. Au contraire, cette crise pourrait être le moment de repenser radicalement la question de l’accès à l’avortement en posant cette question nécessaire : pourquoi un délai13 ?

 

 

Notes

1. Pour s’informer sur l’accès à l’avortement. Pour rechercher un·e soignant·e attentif·ve aux femmes quelle que soit leur situation.

2. Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l’avortement, 17 janv. 2017, p. 31.

3. Réponses rapides dans le cadre du covid-19 : interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse à la 8e et à la 9e semaine d’aménorrhée (SA) hors milieu hospitalier.

4. Arr. du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

5. De façon générale, la téléconsultation des sages-femmes a été ouverte par l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, JO 24 mars 2020, art. 8.

6. On pourrait également s’interroger sur la possibilité, par téléconsultation, de recueillir le consentement de la patiente par écrit, normes à laquelle l’arrêté de semble pas souhaiter déroger puisqu’il énonce que le consentement est donné « dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique » (art. 1).

7. Dérogation à l’art. R. 2212-17, CSP.

8. Par dérogation à l’art. R. 2212-16, CSP, qui énonce que « seuls les médecins, les sages-femmes, les centres de planification ou d’éducation familiale et les centres de santé [conventionnée] peuvent s’approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse ».

9. Sénat, Rapport d’information n° 592, 2 juill. 2015, p. 54.

10. CSP, art. L. 2212-1.

11. Le fait que la procédure « de droit commun » nécessite également deux consultations est sous-entendu par le texte de l’article L. 2212-5, CSP, qui évoque le « renouvellement » du consentement. Mais, formellement, rien n’interdit que ce « renouvellement » se fasse le même jour…

12. N° 2 rect. bis visant à l’intégration d’un article additionnel après l’art. 7 de la loi ainsi rédigé : « Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 31 juill. 2020, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse. »

13. En faveur de la suppression de tout délai pour le recours à l’interruption volontaire de grossesse v. L. Carayon, La catégorisation des corps. Étude sur l’humain avant la naissance et après la mort, LGDJ, 2019, n° 883 ; M.-X. Catto, Le principe d’indisponibilité du corps humain, limite de l’usage économique du corps, thèse, Paris Ouest Nanterre-La Défense, 2014, n° 502 ou encore L. Marguet, Le droit de la procréation en France et en Allemagne : étude sur la normalisation de la vie, thèse, Université Paris-Nanterre, 2018, p. 443.

Les entreprises du spectacle vivant et du sport sont confrontées depuis début mars 2020 et la crise du covid-19 à l’annulation de nombreux événements. En droit, la résolution du contrat de vente de billets, par l’organisateur ou le spectateur, pour cause de force majeure, oblige à rembourser les clients. L’ordonnance du 7 mai vient soulager la trésorerie des entreprises en créant une alternative temporaire au remboursement.

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Auteur d'origine: nmaximin

Dalloz actualité publie trois ordonnances présentées en conseil des ministres aujourd’hui. D’autres sont à venir.

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Auteur d'origine: babonneau

Comme Dalloz l’avait dévoilé, le gouvernement veut faire adopter au pas de charge un projet de loi fourre-tout contenant une quarantaine de mesures d’urgence. Un projet de loi vite surnommé « loi gloubi-boulga », ne contenant au départ que des habilitations à légiférer par ordonnances. Le monde judiciaire est concerné par ce texte à de nombreux titres (justice des mineurs, cours criminelles, CARPA). En commission, les députés ont précisé plusieurs points.

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Auteur d'origine: babonneau

Dans une période où l’accès libre à l’avortement est considérablement complexifié pour les femmes, les normes applicables à l’interruption volontaire de grossesse ont été provisoirement assouplies. Mais ces règles provisoires garantissent-elles vraiment les droits des femmes ?

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Auteur d'origine: Thill

En présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du code civil.

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Auteur d'origine: fmelin

Sensible à sa base électorale, le Sénat a introduit un amendement sur l’irresponsabilité pénale des élus dans le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence. Depuis, ce sujet complexe a enflammé les débats.Au final, l’Assemblée puis la commission mixte paritaire ont fortement amoindri le dispositif. Le Parlement est également revenu sur les prolongations automatiques des détentions provisoires.

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Auteur d'origine: babonneau
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Une ressortissante australienne, mariée à une ressortissante française, a recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni. Suite à la naissance de l’enfant, un acte de naissance est dressé dans ce pays mais le consulat de France à Londres refuse de le transcrire sur les registres de l’état civil consulaire, au motif que la filiation n’état pas établie à l’égard de l’épouse de la mère.

Au visa de l’article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 47 du code civil, la première chambre civile énonce, sans surprise, le principe reproduit en tête de ces observations.

Ce faisant, elle ne fait que reprendre, dans les mêmes termes, la solution qu’elle a déjà retenue par un arrêt du 18 décembre 2019 (n° 18-14.751). Il s’agit donc d’une simple confirmation de la jurisprudence. Si cette évolution jurisprudentielle a donné lieu à des appréciations diverses, il est suffisant de renvoyer, ici, aux commentaires qui ont été élaborés à propos de ce précédent arrêt (Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. T. Coustet ; Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-14.751, D. 2020. 426 , note S. Paricard ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2020. 133, obs. J. Houssier ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer ).

Il est néanmoins utile de noter que cette orientation nouvelle, qui concerne au premier abord uniquement une difficulté de transcription d’un acte d’état civil, s’inscrit en réalité dans un débat plus large, en droit interne, relatif à la délimitation des personnes pouvant bénéficier d’une assistance médicale à la procréation (pour une présentation des conditions actuelles à remplir pour en bénéficier et des évolutions prévisibles, V. Egéa, Droit de la famille, 3e éd., LexisNexis, 2020, nos 867 s.). C’est ainsi que l’état du droit français pourrait prochainement évoluer en ce domaine, si le projet de loi relatif à la bioéthique actuellement en discussion devait être adopté devant le Parlement, suite au vote du projet par l’Assemblée Nationale en première lecture et aux modifications opérées par le Sénat. Il est en effet question d’introduire dans le code de la santé publique un nouvel article L 2141-2-1, selon lequel tout couple formé de deux femmes ou toute femme non mariée répondant à certaines conditions aurait accès à l’assistance médicale à la procréation. Dans cette hypothèse, de nouvelles dispositions seraient introduites dans le code civil pour prévoir les incidences d’une telle évolution en matière de filiation (nouv. art. 342-9 s.). Or, il est évident que l’élargissement des conditions d’accès à cette assistance à la procréation dans le cadre interne modifie l’appréhension des situations juridiques constituées à l’étranger.

Cet amendement vise à répondre à l’angoisse des élus locaux et des chefs d’entreprise, contraints de déconfiner, mais qui craignent de devoir rendre des comptes judiciaires en cas d’infection. Même si la législation est plutôt protectrice pour les élus locaux, une mise en examen peut être traumatisante, les maires ne bénéficiant pas du filtre de la Cour de justice de la République

Le Sénat a donc saisi l’occasion du projet de loi de prorogation, étudié en urgence, pour imposer un amendement et en a fait une ligne rouge : si le gouvernement souhaite une étude rapide du texte, il devra transiger.

Un amendement de Philippe Bas pour protéger les maires

L’irresponsabilité pénale sur les fautes intentionnelle des décideurs est encadrée, depuis vingt ans, par la loi Fauchon, codifiée à l’article 121-3 du code pénal. L’élu, ou le chef d’entreprise, qui, par ses décisions, aurait causé non intentionnellement et indirectement un dommage est responsable pénalement, s’il a « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou s’il a « commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. »

L’amendement Bas, prévoit d’exonérer la responsabilité pénale des personnes ayant exposé autrui à un risque de contamination au coronavirus, sauf s’il a commis ces faits « intentionnellement », « par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative » de l’état d’urgence sanitaire, ou « en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application » de l’état d’urgence ou « d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ».

Cette rédaction fait donc disparaître la notion de « faute caractérisée » présente dans la loi Fauchon, ainsi que « l’imprudence » et la « négligence ». Les décideurs (maires, chefs d’entreprise) devraient avoir causé le dommage intentionnellement ou avoir violé une mesure de l’état d’urgence sanitaire ou une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement

La rédaction sénatoriale isole les préfets et les ministres, qui eux, pourraient être poursuivis en cas d’imprudence ou de négligence dans l’exercice des pouvoirs prévus par l’état d’urgence sanitaire.

Autre point, il ne concerne que la période de l’état d’urgence sanitaire (qui a débuté le 23 mars), et pas toute la crise sanitaire.

L’Assemblée réduit l’amendement à un neutron législatif

Au Sénat, l’amendement Bas a reçu une belle unanimité. Mais les amnisties d’élus sont rarement appréciées par l’opinion.

Le Sénat qui veut pouvoir revendiquer cette disposition devant ses électeurs, ne souhaite pas forcément l’assumer devant l’opinion. Et c’est le gouvernement, qui s’est pourtant opposé à l’amendement du Sénat, qui se retrouve accusé de vouloir une « loi d’autoamnistie ». Le débat déborde alors, la complexité juridique favorisant la confusion.

Au final, les mêmes groupes parlementaires (PS, LR, PCF) qui ont soutenu l’amendement au Sénat se sont déclarés choqués à l’Assemblée de ces dispositions. Les députés sont élus par le peuple, les sénateurs par les élus locaux.

En commission, les députés LREM et Modem ont totalement réécrit le dispositif. La nouvelle rédaction se contente de préciser dans le code pénal qu’il doit être « tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. » Un neutron législatif, destiné à envoyer un signal politique sans modifier les décisions judiciaires.

Si ce neutron n’est qu’un signal, pour certains il reste un mauvais signal. D’autant que la notion d’« état des connaissances scientifiques au moment des faits » est discutable, en cette époque où les experts s’entre-déchirent. Presque autant que les juristes.

Le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, s’est opposé à cette rédaction, ne souhaitant pas d’atténuation pour ceux qui posent les règles (préfets et ministres). Il reste pourtant confiant pour aboutir à un compromis en commission mixte paritaire. Le gouvernement va donc tenter de satisfaire les sénateurs sans mécontenter l’opinion.

Ce texte contient des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets très divers.

Le premier article vise notamment à permettre le report ou la prolongation de nombreuses mesures qui devaient entrer en vigueur (loi Économie circulaire) ou qui devaient expirer (loi Renseignement, SILT) dans l’année 2020. Les mandats, sauf issus d’élections politiques, pourront tous être prolongés, tout comme la durée de mandat des conseillers de prud’hommes.

Sur la justice, deux nouvelles ordonnances sont prévues : une en matière criminelle (extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales), l’autre en matière délictuelle et contraventionnelle (permettant aux procureurs de la République de réorienter les procédures).

Le texte prévoit aussi des ordonnances pour assouplir l’activité partielle ou le recours aux CDD (par convention d’entreprise). Il contient également des mesures faisant suite à l’annulation des saisons sportives. Le dernier article est consacré aux conséquences du Brexit et de l’accord transitoire.

Un couple, domicilié en France, souhaite procéder à l’adoption simple d’un enfant né et résidant à Haïti.

Cette situation, très simple, soulève alors deux difficultés, qui sont examinées par la première chambre civile dans le cadre d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par le procureur général près la Cour de cassation.

1. La première difficulté concerne la compétence du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) saisi.

L’article D. 211-10-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que le siège et le ressort des tribunaux compétents pour connaître des actions aux fins d’adoption ainsi que des actions aux fins de reconnaissance des jugements d’adoption rendus à l’étranger, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, sont fixés conformément au tableau VIII-I annexé au code. La spécialisation de certaines juridictions s’explique par la technicité du régime juridique de l’adoption internationale, qui impose que le juge ait une pratique suffisante de la matière pour sécuriser les situations.

Si la juridiction saisie n’est pas l’une de celles qui figurent dans ce tableau, la question de son incompétence se pose, étant précisé qu’en l’espèce, les adoptants n’avaient évidemment pas soulevé l’incompétence du tribunal qu’ils avaient eux-mêmes saisi, pas plus que le parquet.

À ce propos, il est nécessaire de rappeler que l’article 76 du code de procédure civile dispose que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas et qu’elle ne peut l’être qu’en ces cas (il est à noter, pour être complet que ce même article 76 ajoute que, devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française).

Or l’article D. 211-10-1 concerne, selon les termes mêmes du code de l’organisation judiciaire, la compétence matérielle du tribunal. Les dispositions de cet article 76 étaient donc bien applicables.

Par suite, le tribunal disposait d’une simple faculté de se déclarer incompétent, du moins si l’on admettait que l’on se trouvait dans le cadre de l’un des deux cas visés par cet article, s’agissant d’une liste limitative, sous réserve de textes spéciaux (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, LGDJ, 2019, n° 1028).

Le cas tenant à l’absence de comparution du défendeur n’avait aucune pertinence en l’espèce, s’agissant d’une procédure d’adoption et donc de la matière gracieuse (sur cette qualification, v. V. Egéa, Droit de la famille, 3e éd., LexisNexis, 2020, n° 1008).

En revanche, la qualification de règle de compétence d’ordre public s’impose. Il est vrai que la notion de règle de compétence d’ordre public est incertaine (Rép. pr. civ., v° Incompétence, par G. Chabot, n° 76). Néanmoins, cette qualification est d’autant plus adaptée qu’une règle de compétence prévoyant une spécialisation de certains tribunaux judiciaires pour certains contentieux peut sans doute être considérée comme s’apparentant, au moins en partie, à une règle d’organisation judiciaire. Or il est admis que les règles relatives à l’organisation judiciaire sont d’ordre public (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, 2018, n° 60).

C’est ce qui explique que l’arrêt rejette le moyen soulevé par le procureur général et retienne qu’un tribunal non spécialement désigné « pour connaître des actions aux fins d’adoption, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, s’il peut toujours se déclarer d’office incompétent en application de l’article 76 du code de procédure civile, n’y est jamais tenu ».

2. La seconde difficulté concernait l’absence de contrôle par le tribunal du respect de la procédure prévue par la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Sans qu’il soit nécessaire ici de présenter de manière approfondie cette convention (sur l’ensemble du régime juridique applicable en matière d’adoption internationale, v. P. Salvage-Gerest, in P. Murat (dir.), Droit de la famille, 8e éd., Dalloz Action, 2020/2021, chap. 226), rappelons simplement, très schématiquement, qu’elle prévoit que, lorsqu’un enfant résidant dans un État contractant doit être déplacé vers un autre État dans le cadre d’une adoption (art. 2.1), les autorités de l’État d’origine doivent établir que l’enfant est adoptable (art. 4), que les autorités de l’État d’accueil doivent constater que les futurs parents sont aptes à adopter (art. 5) et que les États contractants doivent instituer des autorités centrales (art. 6.1). Une telle organisation a été rendue nécessaire compte tenu du développement très important du nombre d’adoptions internationales au cours des dernières décennies et des problèmes juridiques et humains corrélatifs (sur ce, M.G. Parra-Aranguren, Rapport explicatif sur la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, § 6), surtout dans un contexte où il est à craindre que des contreparties financières importantes soient exigées ou proposées.

Or, en l’espèce, le tribunal avait indiqué que les conditions légales de l’adoption étaient remplies et que celle-ci était conforme à l’intérêt de l’enfant, sans toutefois vérifier d’office si la procédure et les mécanismes prévus par la convention du 29 mai 1993 avaient été appliqués.

Il s’agissait dès lors de déterminer si le tribunal avait failli, en s’abstenant de procéder à une telle vérification. L’arrêt retient que tel a été le cas, en prononçant une cassation dans l’intérêt de la loi, une telle cassation ne permettant pas, il est vrai, aux parties de « s’en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée », selon l’expression retenue par l’article 17 de la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation.

Cette solution est, semble-t-il, consacrée pour la première fois. Elle s’impose avec évidence, dès lors que la France est partie à la convention du 29 mai 1993 et que ce texte s’impose donc au juge en application des principes qui régissent la hiérarchie des normes. Il ne fait ainsi aucun doute que ce sont des considérations tenant à la portée des engagements internationaux de la France qui constituent le fondement profond de cette solution (sur la problématique des liens entre le droit international public et le droit international privé, v. P. de Vareilles-Sommières, La compétence internationale de l’État en matière de droit privé, LGDJ, 1997).

La note rédigée par les directions de la Chancellerie, qui encadre les conditions et modalités de la reprise d’activité au sein des juridictions judiciaires à compter du 11 mai, distingue trois phases : celle de préparation, en cours ; celle qui démarrera le 11 mai et la période à compter du 2 juin. Ainsi, « sous réserve de la confirmation de la date de déconfinement au regard de la situation sanitaire, les plans de continuité d’activité (actuellement en vigueur) seront levés à compter du 11 mai », est-il écrit.

En préambule, la note rappelle que chaque juridiction, à partir du 11 mai, pourra adapter le rythme et le périmètre de reprise d’activité, à la situation sanitaire régionale et la situation des personnels de la juridiction. L’adaptation pourra se poursuivre au-delà du 2 juin : « Vous rechercherez l’équilibre le plus juste permettant de concilier les impératifs de santé des personnels et des justiciables et l’accomplissement de missions judiciaires », dit la note. Et il est également précisé que la période dite de « service allégé », autrement dénommée « vacations judiciaires », pourra être réduite et, dans le cadre d’une concertation locale, l’activité judiciaire pourra poursuivre son fonctionnement normal jusqu’au 10 juillet, voire jusqu’au 17 juillet, si la situation le justifie.

Sur la mise en œuvre des mesures sanitaires

La distanciation physique est la règle, lorsqu’elle est impossible à faire respecter, le port du masque est obligatoire. Lorsqu’elle est possible, le port du masque est une mesure complémentaire vivement conseillée, tout comme l’hygiène des mains, les « gestes barrières » et la désinfection des surfaces. Les personnels recevront des masques en dotation, quatre par personne, lavables vingt fois, auxquels viendra s’ajouter une dotation de masques jetables pour les autres personnels de justice (magistrats honoraires, à titre temporaire, jurés d’assises, etc.). Les justiciables devront également porter leur propre masque, lorsque le respect de la distanciation physique serait impossible. Le gel hydroalcoolique, qui désormais coule à flots, sera disponible pour chacun.

Sur les modalités pratiques d’organisation, la note préconise toujours d’assurer une distanciation physique, et ainsi de choisir des salles d’audience permettant d’assurer cette distanciation, que cela soit dans le cadre d’une prise d’actes, d’une présentation, d’une audition, d’un procès ; salle dont la porte doit rester ouverte « lorsque cela est rendu possible au regard de la sécurité ou de la confidentialité des échanges ». La visioconférence est vivement encouragée.

Ces modalités d’organisation sont détaillées pour chaque domaine. « Le contrôle et la régulation des personnes accédant à la juridiction constituent un élément essentiel participant à la lutte contre la propagation du virus. » L’accès aux juridictions sera permis aux personnes convoquées et directement intéressées par une affaire, aux avocats et, « dans le respect des dispositions civiles et pénales relatives à la publicité des débats », aux journalistes. Le « public », au sens large, sera exclu des salles d’audience. Il pourra notamment accéder au service d’accueil unique du justiciable, le bureau d’exécution des peines et le bureau d’aide juridictionnelle. Tout doit être fait « dans le respect des règles de distanciation physique instituées ».

Les justiciables et avocats étaient jusqu’alors convoqués, en général, à un horaire unique. La note demande aux juridictions d’éviter cela, pour réguler le flux des justiciables et auxiliaires de justice. Il pourrait y avoir deux horaires de convocation par audience. Également, les parties pourront être informées d’une heure de passage indicatif.

Aux audiences correctionnelles, le président devra faire la police (de l’audience), et faire respecter les règles ci-dessus évoquées. Les prévenus comparaissant libres pourront patienter en dehors de la salle ; les détenus pourront comparaître en dehors du box, si le président l’estime nécessaire. Les audiences de cabinet devront se tenir en dehors des cabinets, s’ils sont trop exigus, par exemple dans les salles d’audience prévues pour accueillir du public. Celles-ci verront leurs capacités d’accueil chuter : des sièges seront condamnés (eux aussi), voire arrachés, pour que chaque personne soit placée loin des autres. Dans la même logique, les délibérations de cours d’assises pourront se tenir dans la salle d’audience, si cela s’avère nécessaire. Toujours aux assises, la note encourage (encore davantage) un recours accru à la visioconférence, notamment pour les experts et les enquêteurs.

La note détaille ensuite les mesures de soutien à l’organisation, comme l’information des justiciables et des professionnels, préconisant par exemple le marquage au sol et l’information par affichettes, détaillant la méthode à respecter pour nettoyer les locaux, matériels et équipement, point si crucial que les chefs de juridiction « définiront un plan de nettoyage des locaux » (secteurs, fréquence, conditions). Par exemple, il faudra se laver les mains entre chaque manipulation de carton, de dossier, d’archives, de post-it.

Sur les personnels des juridictions

La justice se mettra également au télétravail, « lorsque cette modalité est compatible avec le bon fonctionnement du service », et il sera « largement privilégié » du 11 mai au 2 juin. Les personnes vulnérables, dont la liste est définie par le Haut Conseil de la santé publique, ne devront pas se rendre dans les locaux de leur juridiction. Cette liste inclut les personnes âgées de plus de 65 ans. Les parents d’enfants de moins de 16 ans et les agents soumis à des difficultés de transport seront également invités à rester chez eux, pour télétravailler selon les modalités déjà mises en place dans la note SJ-95-DSJ du 31 mars.

La note prévoit des adaptations des horaires de travail des fonctionnaires, « moyen efficace de lutte contre les risques de contamination et de propagation du virus », qui relèvent de la responsabilité des chefs de service. L’adaptation ne peut se faire que dans le respect des règles fondamentales sur le temps de travail, rappelées dans la note.

Cette dernière rappelle ensuite que les juridictions doivent « redémarrer », tant en matière civile que pénale, un certain nombre d’activités (procédures, contentieux), dont la liste est détaillée. « En fonction du contexte sanitaire et de la situation des effectifs présents », les juridictions pourront aller au-delà.

Les aménagements de peine doivent être privilégiés

Enfin, l’activité juridictionnelle pénale, fortement « impactée » par les mesures de confinement, devra reprendre de manière progressive. « Une politique de juridiction doit conduire à une priorisation des procédures à juger, en adéquation avec les politiques pénales développées par les parquets, en lien avec la reprise d’activité des partenaires concourant à son action. » Le jugement des affaires criminelles reprendra normalement à partir du mois de juin. Celui des affaires correctionnelles donnera la priorité aux affaires renvoyées, nombreuses depuis le début de l’année. Afin de gérer le retard pris depuis ce temps, les parquets pourront réexaminer certaines procédures, afin de leur faire prendre un chemin différent. Les délits de faible gravité devront, encore plus qu’à l’habitude, faire l’objet d’alternatives aux poursuites.

Point notable : l’administration n’entend pas remplir les prisons tout de suite. « Afin de poursuivre les efforts visant à limiter la population carcérale, il importe que les parquets, en lien avec les services de l’administration pénitentiaire […] veillent à requérir la réalisation d’enquêtes sociales rapides et le prononcé de peines alternatives à l’incarcération, en privilégiant notamment la détention à domicile sous surveillance électronique et le travail d’intérêt général. En outre, requérir un mandat de dépôt n’est pas conseillé avant d’avoir envisagé un aménagement ab initio (« par principe »). Les mises à exécution des écrous pourront également être reconsidérées. S’agissant des personnes « condamnées incarcérées, les sorties accompagnées anticipées devront être privilégiées dans les réquisitions dès lors que les conditions légales sont réunies », dit notamment la note de la DACG, qui, enfin, demande que des règles semblables soient appliquées à la justice des mineurs.

 

Reprise du travail au tribunal judiciaire de Paris

Nous n’en ferons pas état, le tribunal de Paris ayant sélectionné quelques médias pour une rencontre informelle. Dalloz actualité a demandé à être reçu, ce qui lui a été refusé. Il lui a été proposé de reprendre les éléments donnés aux consœurs et confrères invités. Malgré une confraternité évidente et séculaire entre les membres de la presse judiciaire, le journalisme ne se pratique pas en recopiant les notes de ses camarades. Nous regrettons fortement ces méthodes car les détails de la reprise du travail dans la plus importante juridiction de France nous paraissent importants et dignes d’être publiés dans nos colonnes, pour nos lecteurs.

Marine Babonneau

Plus de juges et de greffiers qu’anticipé

Les débats en 2019 ont été marqués par l’adoption d’une loi d’orientation sur la justice. Pour cette année, l’exécution est globalement conforme à cette loi d’orientation. Sur les 1 300 créations d’emplois prévus, 1 086 ont été réalisées. Le différentiel s’explique principalement par des difficultés de recrutement des personnels de surveillance pénitentiaire et d’insertion et de probation, alors qu’il y a eu plus de recrutement des magistrats, de juristes assistants et de greffiers que prévus.

Toutefois, les délais de traitement continuent globalement d’augmenter. Certaines juridictions sont moins saisies. Ainsi, en 2019, les cours d’appel ont enregistré 223 500 affaires, soit 3 % de moins qu’en 2018. Même chose pour les conseils de prud’hommes qui, avec 120 000 saisines, sont à un point bas. Mais d’autres, comme les tribunaux de grande instance ont connu une forte augmentation de leur activité, avec la prise en charge des contentieux de la sécurité sociale.

Motif récurent d’inquiétude, les frais de justice sont stables (480 millions d’euros). Toutefois, les économies engendrées par la PNIJ sont absorbées par l’augmentation du recours aux expertises génétiques et toxicologiques. La dépense moyenne de frais de justice « par affaire faisant l’objet d’une réponse pénale » est de 374 € en 2019, largement supérieure aux 315 € prévus par la loi de finances. Pour la Cour des comptes, la consommation des frais de justice diverge entre cours d’appel analogues. Elle encourage donc la DSJ, « tout en respectant l’autonomie des magistrats, à diffuser et à développer les bonnes pratiques, comme le devis judiciaire ».

Même si la hausse est moindre qu’anticipée, le budget consacré à l’aide juridictionnelle continue d’augmenter de 5 %, pour atteindre 490 millions d’euros. Le coût moyen d’une mission est passé de 351 € TTC en 2015 à 438 € en 2019.

Une loi d’orientation 2019 déjà caduque

Le budget 2019 prévoyait une augmentation importante du budget informatique et les crédits ont été largement exécutés. Le ministère met en avant l’augmentation des infrastructures : en 2019, 813 sites disposent du haut débit contre 267 en 2018.

Le déploiement de Cassiopée aux cours d’appel, chambres correctionnelles et chambre spéciale des mineurs devrait se faire en 2020. Le projet de procédure pénale numérique (PPN) est expérimenté dans deux tribunaux de grande instance (Amiens et Blois). Mais « ces expérimentations ont démontré la nécessité de réaliser des travaux d’infrastructure complexes ainsi que la formation et l’acculturation du personnel à ces nouvelles technologies, retardant ainsi le déploiement ». Fin 2019, le module de Portalis permettant la saisine en ligne des juridictions pénales par le justiciable est en attente de mise en service. Une procédure CNIL en cours.

Si la trajectoire de la loi de programmation a été globalement respectée en 2019, ce ne sera pas le cas en 2020. Déjà, depuis l’été, il est acté que le programme de construction pénitentiaire souffrira de retards. Fin 2019, le lancement des travaux n’était effectif que pour 29 % des 7 000 places de prisons qui doivent être livrées en 2022. Surtout, la grave crise que connaît la justice depuis le début de l’année (grève des avocats, crise covid-19) devrait rendre caduque la loi d’orientation votée l’an dernier.

Dalloz actualité publie le projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 » qui sera débattu au Conseil des ministres aujourd’hui. L’étude à l’Assemblée nationale, en séance, aura lieu dès le jeudi 14 mai.

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Auteur d'origine: babonneau

Par un arrêt du 18 mars 2020, la première chambre civile se penche, pour la première fois, sur deux questions de procédure en matière d’adoption internationale, l’une relative au respect de la compétence des juridictions spécialisées, l’autre concernant la mise en œuvre de la convention de La Haye du 29 mai 1993.

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Auteur d'origine: fmelin

À partir du 11 mai, les juridictions reprendront peu à peu une activité normale, dans un contexte sanitaire exceptionnel. La Chancellerie a d’ores et déjà diffusé une note, dont voici une présentation.

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Auteur d'origine: Bley

En 2019, l’État français a consacré 8,9 milliards d’euros à sa justice. C’est 310 millions de plus qu’en 2018. Budget prioritaire depuis des années, la justice et l’administration pénitentiaire peinent pourtant à rattraper leur retard humain et technologique, comme le révèle cruellement la crise sanitaire. Plongée dans le rapport annuel de performance de la justice.

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Auteur d'origine: babonneau

Ce lundi a débuté l’étude par le Sénat du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. En commission, les sénateurs ont imposé des garanties aux mesures proposées par le gouvernement. Mais ils insistent également pour introduire une exonération de la responsabilité pénale des élus et des décideurs. Un sujet explosif.

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Auteur d'origine: Bley

Les juridictions ultramarines sont elles aussi affectées par la crise sanitaire. Nouvelles de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et Mamoudzou (Mayotte).

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Auteur d'origine: babonneau

En l’absence de contestation touchant à l’intégrité du consentement, la disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d’une épouse par une procuration n’est pas manifestement incompatible avec l’ordre public, au sens de l’article 4 (de la convention franco-marocaine du 10 août 1981), dès lors que le droit français n’impose la présence de l’époux à son mariage qu’à l’égard de ses seuls ressortissants.

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Auteur d'origine: fmelin

L’indivisaire qui occupe un bien indivis en qualité de locataire ne porte pas atteinte aux droits égaux et concurrents des coïndivisaires, de sorte qu’il n’est pas tenu au paiement d’une indemnité d’occupation en application de l’article 815-9 du code civil. Il importe peu que la valeur locative de l’immeuble occupé soit nettement supérieure au montant du loyer acquitté.

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Auteur d'origine: qguiguet

En raison des circonstances provoquées par l’épidémie de coronavirus, la révision du tarif des professions réglementées du droit est reportée. Les nouveaux tarifs s’appliqueront aux prestations effectuées à compter du 1er janvier 2021, au lieu du 1er mai 2020.

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Auteur d'origine: Dargent