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La CEDH condamne la France en raison de l’absence de motivation du rejet d’une demande de question préjudicielle à la CJUE : la formule utilisée par la Cour de cassation ne permet pas d’établir laquelle des trois hypothèses prévues par l’arrêt Cilfit fonde ce rejet, en violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne.

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Auteur d'origine: ccollin

Le procureur de Grenoble, Éric Vaillant, anime un groupe créé sur la messagerie WhatsApp pour informer les journalistes sur les affaires judiciaires en cours. Une pratique unique dans le réseau des cent soixante-six procureurs français.

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Auteur d'origine: babonneau

Un contredit ne peut être dirigé contre un jugement d’une juridiction ayant, non pas statué sur la question de sa compétence, mais déclaré irrecevable sa saisine par une déclaration au greffe.

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Auteur d'origine: gsansone

La sanction de la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts conventionnels ne saurait être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’article R. 313 -1 du Code de la consommation.

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Auteur d'origine: jdpellier
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Alors que la doctrine et les professionnels du droit s’essoufflent dans l’exercice délicat de compréhension des nouvelles réformes de la procédure civile (sur chacun des éléments de cette réforme, v. Dalloz actualité, dossier Réforme de la procédure civile, 20 janv. 2020, reprenant les articles thématiques publiés au mois de décembre 2019 ; adde, pour un aperçu d’ensemble, S. Amrani-Mekki, Nouvelles réformes de la procédure civile. Vous avez dit simplification ?, JCP 2020. 75 ; N. Fricero, Tout ce que vous voulez savoir sur la réforme de la procédure civile sans oser le demander, Procédures 2020. Étude 1), la Cour de cassation vient rappeler à nos bons souvenirs des institutions que l’on croyait oubliées. Ce voyage dans un passé – pas si lointain – est l’occasion, pour elle, de rappeler ce que doit être la nature de la sanction de l’emploi d’un acte introductif d’instance à la place d’un autre : l’irrecevabilité de la saisine de la juridiction. Toutefois, cette constance ne doit pas dissuader le lecteur de questionner l’opportunité de cette qualification.

Une solution classique

Le temps est ici celui où la justice de proximité s’incarnait encore dans une juridiction et des juges distincts (sur cette disparition, v., parmi d’autres, S. Guinchard, A. Varinard et T. Debard, Institutions juridictionnelles, 15e éd., Dalloz, 2019). La juridiction de proximité connaissait, en matière civile, des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 4 000 € en dernier ressort ainsi que, à charge d’appel, des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 4 000 € (COJ, art. L. 231-3 ancien). Lorsque le montant de la demande n’excédait pas cette somme, la juridiction pouvait être saisie par une déclaration au greffe (C. pr. civ., art. 843, al. 1er ancien).

En l’espèce, c’est précisément par ce mode de saisine qu’un justiciable a sollicité la convocation d’un juge de proximité devant la juridiction de proximité de Versailles. Il souhaite le voir condamner à lui payer la somme de 315 000 € à titre principal pour faute détachable de son service. S’estimant confronté à une « difficulté juridique sérieuse », le juge de proximité a renvoyé le dossier au juge d’instance (C. pr. civ., art. 847-4 ancien). À l’audience, le justiciable a modifié sa demande en sollicitant uniquement la reconnaissance de la faute détachable du service de la partie adverse, faisant d’elle une demande indéterminée. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal d’instance a déclaré irrecevable la saisine de la juridiction de proximité par voie de déclaration au greffe. Dénonçant l’aptitude de cette juridiction à exercer son pouvoir de juger de préférence à une autre juridiction, le justiciable a formé un contredit (depuis le 1er septembre 2017, cette voie de recours a laissé place à un appel particulier : sur cette réforme de « simplification » du règlement des incidents de compétence, v., parmi d’autres, L. Mayer, Le nouvel appel du jugement sur la compétence, Gaz. Pal. 25 juill. 2017, p. 71, n° 1 ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., 2018, LexisNexis, nos 520 s. ; D. d’Ambra, Droit et pratique de l’appel, 3e éd., 2018, Dalloz, spéc. n° 234.31 ; C. Laporte, Appel du jugement sur la compétence : un nouveau jour fixe imposé, Procédures 2017. Étude 29). Au terme d’une argumentation pour le moins confuse, il demande le renvoi des parties devant la Cour de cassation (sic).

Pour déclarer ce contredit irrecevable, les juges de la cour d’appel rappellent que la saisine de la juridiction de proximité par déclaration au greffe ne peut s’opérer que pour les demandes dont le montant n’excède pas 4 000 € (C. pr. civ., art. 843, al. 1er ancien). Or tel n’est pas le cas en l’espèce puisque la demande est indéterminée (v. déjà, refusant ce mode de saisine du juge de proximité pour une demande indéterminée, Civ. 1re, 26 janv. 2016, n° 14-29.117 P, Dalloz actualité, 11 févr. 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 320 ; Gaz. Pal. 17 mai 2016, p. 61, obs. L. Raschel ; Procédures 2016, n° 84, note Y. Strickler). Sans surprise, le justiciable forme alors un pourvoi en cassation en formulant deux moyens distincts. Premièrement, il critique la nature de la sanction retenue par les juges du fond. Lorsque la demande excède le taux de compétence, la juridiction ne pourrait que se déclarer incompétente par une décision relevant du contredit. En conséquence, c’est à tort que les juges ont déclaré la saisine irrecevable, et non porté celle-ci devant la juridiction compétente. Deuxièmement, il reproche aux juges d’avoir déclaré le contredit irrecevable au motif que cette voie de recours aurait été supprimée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, alors que les dispositions nouvelles moins avantageuses relatives à une voie de recours ne devraient s’appliquer qu’aux recours formés après la date de leur entrée en vigueur.

Si, en l’espèce, le contredit n’était pas encore devenu un vestige du passé en ce que la décision objet du recours avait été rendue avant le 1er septembre 2017 (décr. n° 2017-891, art. 53, disposant que cette voie n’est plus permise pour les décisions rendues à compter du 1er sept. 2017), la Cour de cassation n’en a pas moins confirmé la nature de la sanction. La raison de cette confirmation est simple. Le contredit a été dirigé « contre un jugement d’une juridiction ayant, non pas statué sur la question de sa compétence, mais déclaré irrecevable sa saisine par une déclaration au greffe ». En d’autres termes, cette voie de recours exclusivement destinée à trancher les questions de compétence a été improprement employée puisqu’il n’existait pas de problème de compétence.

Finalement, le justiciable voit son initiative processuelle irrémédiablement condamnée en raison de l’emploi d’un acte introductif d’instance à la place d’un autre. L’acte existe bel et bien, mais il n’est pas celui qui aurait dû être fait. À vrai dire, la solution est classique. Parmi les arrêts qui traitent de cette violation de la légalité procédurale, un grand nombre concernait l’hypothèse du plaideur qui n’avait pas adressé l’acte de procédure au destinataire désigné par le code de procédure civile. C’est notamment le cas de la déclaration d’appel adressée au greffe de la cour d’appel alors qu’elle aurait dû l’être au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. À vrai dire, la nature de la sanction n’a jamais vraiment fait de doute. À l’exception d’un arrêt où la nullité avait été implicitement retenue (Civ. 2e, 9 mai 1985, n° 83-15.986 P, D. 1985. IR 467, obs. P. Julien), les différentes chambres de la Cour de cassation ont systématiquement sanctionné cette irrégularité par l’irrecevabilité de l’appel interjeté (Civ. 2e, 15 oct. 1980, n° 78-13.288 P, Gaz. Pal. 1981. I. 29, note J. Viatte ; RTD civ. 1981. 687, obs. J. Normand ; Soc. 9 mars 1989, n° 87-16.095 P ; Civ. 2e, 29 mars 1995, n° 93-13.849 P ; 22 oct. 1997, n° 94-15.305 P, D. 1997. 245 ). Si la teneur de l’irrégularité s’est depuis renversée (C. pr. civ., art. 932 ; exception faite de l’appel contre les décisions du juge des tutelles et les délibérations du conseil de famille, art. 1242), la haute juridiction continue à la sanctionner ainsi (v. not. Civ. 2e, 17 déc. 2009, n° 07-44.302 P, D. 2010. 99 ; ibid. 532, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin ; JCP S 2010. 1192. note A. Martinon ; Procédures 2010. n° 34. note R. Perrot). Plus récemment, on a pu voir se multiplier d’autres exemples de défaut de saisine régulière. Ils ont été l’occasion pour la Cour de cassation de réaffirmer la nature de la sanction. Ainsi, elle a jugé irrecevable l’appel du jugement d’orientation lorsque l’appelant a appliqué la procédure ordinaire, et non la procédure à jour fixe (Civ. 2e, 22 févr. 2012, n° 10-24.410 P, Dalloz actualité, 6 mars 2012, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2012. 690 ; Procédures 2012. n° 146. note R. Perrot ; ibid. Focus. 31. obs. C. Laporte ; ibid. Chron. 1. n° 19, obs. A. Leborgne ; Gaz. Pal. 15 mai 2012, p. 13, obs. C. Brenner ; RDBF 2012, n° 94. note S. Piédelièvre ; 25 sept. 2014, n° 13-19.000 P, Dalloz actualité, 7 oct. 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1945 ; ibid. 2015. 1339, obs. A. Leborgne ; RTD civ. 2015. 194, obs. N. Cayrol ). De même, elle a jugé irrecevable l’appel interjeté par la voie électronique dans une matière où son recours n’est pas autorisé (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 14-25.631 P, Dalloz actualité, 6 déc. 2016, obs. R. Laffly ; D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; ibid. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; AJDI 2017. 94, étude S. Gilbert  ; Procédures 2017, n° 1, note H. Croze ; 6 sept. 2018, n° 17-20.047 P, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; JCP G 2018. 1174. note G. Gerbay ; Gaz. Pal. 27 nov. 2018, p. 76, obs. H. Herman). En définitive, qu’importe l’irrégularité de la saisine constatée (pour une énumération exhaustive de ces cas, v. C. Bléry, « Sanction des règles de formation des actes de procédure », in S. Guinchard [dir.], Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et européen 2017/2018, 9e éd., Dalloz, 2016, p. 583 s., spéc. n° 162.15, p. 587 s.), la haute juridiction la sanctionne par une irrecevabilité (cependant de très rares arrêts préfèrent la sanction de nullité pour vice de forme ; pour un exemple récent, v. Civ. 1re, 15 mai 2019, n° 17-20.072 NP, Gaz. Pal. 23 juill. 2019, p. 56, obs. C. Bléry). À terme, on peut espérer que la généralisation de la communication par voie électronique (sur son champ d’application, v. E. de Leiris, Rép. pr. civ., v° Communication électronique, nos 10 s.) et l’unification des modes de saisine (sur les changements apportés par le décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, Dalloz actualité, 19 déc. 2019, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; S. Amrani-Mekki, Nouvelles réformes de la procédure civile. Vous avez dit simplification ?, art. préc., spéc. n° 15) contribuent à réduire les risques de commettre de telles violations de la légalité procédurale.

Appréciation critique

Ici, la Cour de cassation élève l’emploi de la bonne forme de l’acte au rang de condition de recevabilité de l’action en justice. Or on ne peut raisonnablement défendre son rattachement aux autres conditions de recevabilité « par nature » (sur la distinction entre les conditions de recevabilité « par nature » et « par destination », v. E. Putman, « Un mot du droit dans le contexte du code de procédure civile : la recevabilité », in I. Pétel-Teyssié et C. Puigelier [dir.], Quarantième anniversaire du Code de procédure civile (1975-2015), 2016, éd. Panthéon-Assas, p. 191 s., spéc. nos 5 s., p. 193 s.). Le droit d’agir ne devrait pas dépendre de la forme de l’acte par laquelle il s’exprime. Mais alors, quelle autre sanction procédurale retenir ?

Pour certains auteurs (D. Tomasin, Remarques sur la nullité des actes de procédure, art. préc., spéc. p. 873 ; J. Normand, Les excroissances des fins de non-recevoir, RTD civ. 1981. 684 s., spéc. p. 687-688), la sanction d’inexistence aurait été bien plus respectueuse de la logique procédurale. En effet, dès lors que l’acte accompli n’est pas celui légalement requis, il doit être considéré comme juridiquement inopérant. En cela, il est privé d’existence juridique ! Pour d’autres, au contraire, « aucun acte juridique, au sens plein de ce terme, n’a été omis, puisqu’une manifestation de volonté a bien été émise. Seule la forme empruntée a fait l’objet d’une substitution. À partir du moment où l’acte accompli dans une autre forme que la forme requise possède tous les éléments constitutifs de l’acte juridique, il n’est pas objectivement inexistant (L. Mayer, Actes du procès et théorie de l’acte juridique, IRJS, 2007, n° 356, p. 383). En réalité, puisqu’il s’agit plutôt de sanctionner le non-respect d’une condition d’extériorisation de la volonté de l’auteur de l’acte, la nullité pour irrégularité de forme paraît être une sanction plus respectueuse de la logique juridique.

Malheureusement, l’emploi d’un mode de saisine déterminé n’a pas toujours à voir avec l’organisation de la défense des parties. Dans ces hypothèses, la démonstration d’un grief se trouverait alors compromise, rendant l’application de cette sanction totalement impossible (C. pr. civ., art. 114). À ce titre, le temps ne serait-il pas venu d’interroger l’application systématique de la règle du grief… ?

On sait que le taux effectif global doit être mentionné dans l’offre de prêt, sous peine d’une déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts (V. à ce sujet, D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, 2018, n° 297), cette sanction ayant été généralisée par l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, L’harmonisation des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, CCC 2019. Focus 43). Toutefois, la jurisprudence écarte la sanction lorsque l’erreur dans le taux est inférieur à une décimale, en se fondant sur l’ancien article R. 313-1 du code de la consommation (devenu l’art. R. 314-2 suite au décr. n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 février 2020 illustre cette tendance. En l’espèce, le 16 décembre 2010, M. M. et Mme A. ont accepté l’offre de crédit immobilier émise le 20 novembre 2010 par une banque, au taux effectif global de 3,363 % par an. Par la suite, invoquant le caractère erroné de ce taux et l’absence de mention du taux de période, les emprunteurs ont assigné la banque en déchéance des intérêts conventionnels et, subsidiairement, en annulation de la stipulation d’intérêts.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 15 novembre 2018, a prononcé la nullité de la stipulation d’intérêts, en retenant le défaut de communication du taux de période, élément déterminant du taux effectif global. Mais l’arrêt est censuré au visa des articles L. 312-8, 3°, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, L. 313-1 du même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, L. 312-33 de ce code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, et R. 313-1, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002. La Cour régulatrice considère qu’’« En application de ces textes, l’offre de prêt immobilier doit mentionner le taux effectif global, qui est un taux annuel, proportionnel au taux de période, lequel, ainsi que la durée de la période, doivent être expressément communiqués à l’emprunteur. Le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels. Une telle sanction ne saurait cependant être appliquée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le...

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Une diversité de genre contrastée, une diversité sociale occultée

Depuis le début des années 2000, la proportion de femmes parmi les étudiants dans les filières de sciences juridiques est stable (autour de 66 %). Mais cette proportion ne se retrouve pas dans toutes les professions judiciaires. Si les femmes sont majoritaires dans la magistrature et les greffes et si les professions d’avocat et de notaire pourraient devenir féminines, d’autres « paraissent demeurer des bastions masculins » : les femmes ne représentent ainsi que 23 % des administrateurs judiciaires, 27 %, des commissaires-priseurs judiciaires, 27 % des avocats aux conseils, 35 % des conseillers d’État et 38 % des huissiers.

Sur les questions de mixité sociale, le rapport s’est heurté à l’absence de données, sauf quelques exceptions (Dalloz actualité, 29 nov. 2019, art. P. Januel). L’absence de chiffres permet de masquer le problème. C’est pourquoi, « convaincu que le traitement d’un déficit de diversité constitue un travail de long terme requérant une continuité autant dans le diagnostic que dans l’action, le CND propose de constituer un Observatoire de la diversité des professions du droit ». Plus largement le CND préconise de développer la recherche sur les thématiques de diversité de genre et d’origine sociale des professions du droit, par des appels d’offres financés.

Accroître la mixité et la diversité

Le rapport s’interroge ensuite sur la faible attractivité de certaines professions juridiques en fonction du genre. Une enquête menée à la demande du CND par les étudiants d’un master 2 de Paris II Panthéon-Assas et intitulée « La magistrature fait-elle fuir les hommes ? » (publiée en annexe du rapport) propose deux explications. Interrogés « sur les obstacles de la mixité dans la magistrature, les étudiants ont mis en avant deux causes : la rémunération insuffisante (52 %) et la dévalorisation de la profession (31 %) ». « La faible attractivité pour les hommes du métier de magistrat ne procède en effet pas tant de sa sur-féminisation que du manque de prestige dans la représentation qu’ils se font de la profession ». Pour contrer ce phénomène, le CND préconise notamment de développer des actions de communication. Autre suggestion : mettre en œuvre une politique effective d’égalité entre les femmes et les hommes dans le déroulement des carrières (en particulier dans les professions réglementées).

Sur la mixité sociale, le CND relève que les étudiants en fac de droit sont moins homogènes socialement que dans les grandes écoles : 40 % des étudiants inscrits en licence de droit bénéficient d’une bourse sur critères sociaux (35 % en master), soit des taux bien supérieurs aux écoles de commerce (13,5 %) ou aux grands établissements publics (21,5 %).

Pour casser les barrières sociales à l’entrée des professions, le CND n’est pas favorable à l’abandon de l’épreuve écrite de culture générale. Il souhaite plutôt développer l’enseignement des humanités à l’université et le tutorat pour les étudiants les plus modestes. Autre proposition : « développer des filières sélectives dans les facultés de droit, avec prise en compte, outre le mérite, de critères sociaux dans le choix des étudiants sélectionnés », qui serait un moyen de réduire la fracture entre université et grandes écoles.

Les recrutements en cours de carrière doivent être encouragés. Concernant la magistrature, des réflexions sont d’ailleurs en cours, à l’ENM et à la DSJ pour refondre la troisième voie d’accès à la magistrature, afin de renforcer son attractivité.

Enfin, « une des raisons de la désaffection des métiers du droit relevant de la fonction publique pourrait tenir à une insuffisance, réelle ou supposée, de leur rémunération comparée à celle des professions réglementées qui serait, suivant un stéréotype répandu, plus élevées. » Le CND préconise d’engager une réflexion sur l’adéquation des rémunérations aux niveaux de responsabilité et que les étudiants soient mieux informés sur ce sujet. De manière générale, pour conjurer les fausses représentations des étudiants sur les métiers du droit, le CND recommande la création d’un module obligatoire en licence sur les métiers du droit.

En 2014, un propriétaire consent à un couple une donation portant sur une parcelle de terrain, donnée à bail. Le locataire du terrain assigne le propriétaire, ainsi que les donataires, en indemnisation et annulation de la donation, au motif qu’une promesse de vente lui a été consentie par le propriétaire en 2007. La vente n’avait pu alors se concrétiser, en raison de la stipulation dans l’acte de donation consenti au propriétaire par ses parents, d’une interdiction de vendre et d’hypothéquer, ainsi que d’un droit de retour. Cet obstacle juridique est ensuite devenu sans objet, au jour du décès du dernier parent du propriétaire (entre 2007 et 2014). Les juges du fond annulent la donation litigieuse et déclarent le locataire propriétaire de la parcelle. Donateur et donataire forment alors un pourvoi en cassation.

Ils font grief à la cour d’appel d’avoir violé les dispositions des articles 900-1 (relatif à la clause d’inaliénabilité), 1128 (relatif à la vente des choses dans le commerce) et 1589 (relatif aux promesses de vente) du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause. Ils rappellent qu’une promesse synallagmatique de vente portant sur un bien rendu indisponible, du fait de l’application d’une clause d’inaliénabilité, est de nul effet, sauf à ce que le donataire ait été...

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Il est fréquent qu’un contrat de crédit immobilier fasse l’objet d’une renégociation (v. à ce sujet D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, 2018, nos 2061 s.). L’article L. 313-39 du code de la consommation (anc. art. L. 312-14-1, issu de L. n° 99-532, 25 juin 1999, relative à l’épargne et à la sécurité financière, art. 115) prévoit à cet égard, en son alinéa 1er, qu’« en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de crédit initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant établi sur support papier ou sur un autre support durable » (sur la portée de cet avenant, v. Civ. 1re, 3 mars 2011, n° 10-15.152, Dalloz actualité, 14 mars 2011, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2011. 814, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2012. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 1908, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2011. 265, obs. H. Heugas-Darraspen ; RTD com. 2011. 402, obs. D. Legeais ). L’alinéa 2 du même texte fixe, quant à lui, les informations devant être fournies au consommateur, sans toutefois que des sanctions soient prévues par le code, ce qui incite naturellement les emprunteurs à tenter d’obtenir la nullité de la stipulation d’intérêts en cas d’irrégularité affectant l’avenant. Encore faut-il, pour que la question se pose, que le professionnel ait véritablement manqué à ses obligations, comme en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile le 5 février 2020. En l’espèce, le 20 août 2011, M. V… et Mme D… ont accepté une offre de crédit immobilier consentie par une banque, portant sur un prêt au taux nominal de 3,7 % et au taux effectif global de 4,66 %. Puis, par avenant du 30 septembre 2014, ratifié le 11 octobre de la même année, le taux nominal a été fixé à 3,25 % et le taux effectif global à 3,29 %. Les emprunteurs ont par la suite assigné la banque en nullité de la stipulation d’intérêts du prêt initial et de l’avenant. La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 31 octobre 2018, a prononcé la nullité de la stipulation d’intérêt figurant à...

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Depuis plusieurs années, un conflit oppose le Conseil national des barreaux (CNB) et la société Demander Justice. L'affaire a rebondi le 29 janvier avec une décision du juge de l'exécution de Paris enjoignant à la legaltech de s'acquitter de l'astreinte à laquelle elle a été condamnée. Didier Adjedj a suivi ce dossier de près lorsqu'il présidait la commission Exercice du droit du CNB. Il nous livre son analyse de la décision.

Par un jugement du 29 Janvier 2020, le juge de l'exécution de Paris vient de rappeler à l'ordre la société Demander Justice. Celle-ci a pour objet de proposer aux internautes la saisine de juridictions en ligne, en leur laissant miroiter des taux de réussite meilleurs qu'avec un avocat, et à un prix dérisoire.

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Suite à une demande des ministres de la Justice et de l’Enseignement supérieur, le Conseil national du droit (CND) s’est interrogé sur l’attractivité et la mixité des différentes professions du droit. Son rapport formule 27 propositions.

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Auteur d'origine: babonneau

Une promesse synallagmatique de vente conclue sur un bien indisponible produit ses pleins effets au jour de la levée de la clause d’inaliénabilité, intervenue ultérieurement, dès lors que la promesse n’était assortie d’aucune condition lui faisant encourir la caducité, ni d’aucun délai, et que les parties n’avaient pas entendu la dénoncer.

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Auteur d'origine: dpelet

En cas de renégociation du prêt, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période.

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Auteur d'origine: jdpellier

Après six semaines de grève des barreaux français, qui contestent la réforme des retraites du gouvernement, et sans signe d’amélioration de la situation, les magistrats sont inquiets.

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Auteur d'origine: babonneau

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Aussi, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

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Auteur d'origine: laffly

Voici venu le temps de l’enlisement. Les avocats entament leur septième semaine de grève, les négociations avec le gouvernement n’ont guère avancé, les magistrats et les greffiers tirent la langue, les incidents d’audience ont émaillé la chronique judiciaire, la justice – malmenée par des années de moyens insuffisants – est « au bord de l’implosion », comme l’a déclaré l’USM dans un communiqué du 13 février, ou le syndicat de la magistrature dans plusieurs textes, évoquant « l’asphyxie » des tribunaux.

Les renvois s’enchaînent, les stocks de dossiers s’aggravent, les réponses pénales sont inadaptées et le contentieux familial malmené par l’absence des avocats. À Paris, les audiences correctionnelles – 300 par mois, actuellement une centaine, selon le parquet de Paris – sont renvoyées à 2021. Le président du tribunal judiciaire de Bobigny, Renaud Le Breton de Vannoise estime qu’il « est certain que ces renvois, représentant 30 à 40 % de nos audiences pénales et peut-être un peu moins au civil, vont peser très lourd dans les mois qui viennent et obèrent l’action de déstockage que nous menons notamment avec l’aide d’un contrat d’objectif passé avec la cour d’appel ». Concernant les décriées demandes de mise en liberté massives, Sophie Legrand, du syndicat de la magistrature, reconnaît que la pratique peut « crisper » les collègues.

À la cour d’appel de Paris, un magistrat de cours d’assises ne peut nier l’évidence : « je subis de plein fouet l’immense désorganisation que ce mouvement cause et c’est voulu. Aux assises, peut-être plus qu’ailleurs, nous sommes obligés de prendre en considération le fait que l’avocat est nécessaire même si l’accusé peut, en théorie, être assisté par quelqu’un d’autre. Nous pourrions également commettre d’office un autre avocat mais il s’agit ici d’une grève, c’est différent. » La semaine dernière un procès d’une semaine a dû être renvoyé, ce qui, à Paris, est une gageure organisationnelle.

Le procureur de la République de Dijon, Éric Mathais, président le Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), estime que l’impact sur les services pénaux « est massif ». « À Dijon, on renvoie 80 % des dossiers, et au civil, c’est à près au même niveau. Les situations sont très différentes selon les juridictions mais le stock de certaines d’entre elles vont avoir du mal à s’en remettre », prévoit-il à l’instar de nombreux de ses collègues. Pour résumer, « la situation est relativement préoccupante pour les greffiers et les magistrats, avec un service public gravement perturbé et des effets durables difficilement rattrapables ». 

Au tribunal judiciaire de Laval, sa présidente fait en fonction des circonstances locales et de l’état de la juridiction. « Les critères évoluent chaque semaine. Nous pouvons renvoyer un gros dossier correctionnel et le refuser pour un autre dossier si, matériellement et procéduralement, par exemple c’est impossible. Je laisse chaque président d’audience décider. Il est évident que nous ne raisonnons pas de la même manière la sixième semaine que la première ». À Laval, 80 % des dossiers JAF ont sauté, les affaires civiles et mineurs ont été totalement renvoyées. Les correctionnelles collégiales pourront être audiencées à nouveau en avril, détaille Sabine Orsel mais pas les audiences à juge unique. Pour ces dernières, il faudra attendre septembre. Les demandes de mise en liberté en masse ? « C’est mortifère », dit la magistrate. « C’est en train de nous anéantir, ajoute-t-elle, en un mois, on perd un an. Nous n’avons pas les moyens de doubler les audiences. Par exemple, pour les contentieux non régulés, comme les référés, nous prendrons ce qui est prêt. Au lieu de trois ou quatre dossiers, nous en aurons 20 d’un coup. Soit nous imposerons le renvoi, soit nous jouerons sur les dates de délibérés parce que, vous l’aurez compris, la grève des avocats, ce n’est pas comme une grève SNCF. Le train repart et c’est oublié. Là, c’est un peu différent. Sur l’état des stocks des dossiers, cette situation met à néant les efforts que nous avons fournis pendant plus d’un an »

Des réactions « officielles » de chefs de juridictions ont crispé des relations parfois déjà tendues. Le 21 janvier, à Lille, le président déplorait certaines formes du mouvement, notamment « des prises à partie personnelle ». Même son de cloche le 29 janvier à Toulouse. Le 12 février, le tribunal judiciaire de Tours, dans un « communiqué » (et non une motion) faisant suite à une assemblée générale extraordinaire, le président, le procureur de la République et le directeur de greffe, « s’inquiètaient » de la poursuite du mouvement, de certaines « modalités d’action », « regrettaient les inutiles tensions récemment apparues », notamment les manifestations au sein du palais et « s’émouvaient » aussi de la présence massive des avocats en audience. Interrogé, Christophe Régnard, président du tribunal, explique. « Nous avons été très coulants les 15 premiers jours de la grève, nous avons beaucoup renvoyé mais au bout de six semaines, cela commence à poser des problèmes. Nous avons été obligés de resserrer un peu, nous avons expliqué aux avocats et avons décidé, quand la loi nous l’autorisait, de juger sans avocat. Quand les désignations ont repris, nous avons eu bon espoir et voilà que la grève reprend avec des demandes de mise en liberté en masse, des plaidoiries sans aucun rapport avec le fond, les applaudissements de dizaines d’avocats en pleine audience… Je vous assure qu’avoir 30 à 40 avocats en permanence quand vous jugez, avec certains d’entre eux qui s’approchent, c’est une pression redoutable ». Le magistrat est en contact permanent avec le bâtonnier pour éviter « que l’irréparable ne soit commis, d’un côté comme de l’autre ». Bref, « on ne va pas attendre le vote du projet de loi pour renvoyer le moins possible. Tout cela est très inconfortable pour nous aussi. Nous n’avons qu’une envie, que cela s’arrête ». Plus virulents, le président du tribunal de Paris et le procureur de Paris qui ont affirmé au Monde et au Figaro, ont proclamé à l’unisson « ça suffit ! ».

Le gouvernement invité à prendre « enfin la mesure du désarroi » 

Et pourtant, dans ce fatras judiciaire, dans cet emballement vers « l’implosion », l’exaspération de certains chefs de juridiction ne suffit pas à écraser une communauté, certes désordonnée et terriblement épuisée. Il est indéniable que la grève a provoqué des tensions entre professions, que « ce ne sont pas les avocats qui sont comptables devant le ministère de l’activité des juridictions », cingle une parquetière, que les avis ne sont pas invariablement uniformes. Mais les magistrats contactés savent que « leurs inquiétudes » ne sont pas toutes nées il y a six semaines, quand les barreaux se sont mis en grève. Cette dernière est la cerise maudite. Car, cela a été dit de nombreuses fois, le mouvement des avocats est aussi l’occasion de montrer de façon désespérante au ministère de la justice, au-delà des statistiques qu’il garde jalousement, que la machine va mal. En prend-il la mesure alors que la septième semaine de grève débute, que les instances de la profession le disent toujours aussi « sourd » à tout dialogue ?

L’USM, syndicat majoritaire, a appelé, cette semaine, « le gouvernement à prendre enfin la mesure du désarroi exprimé par l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire et à trouver rapidement la voie d’une sortie de crise ». Le syndicat de la magistrature a lui aussi, dans plusieurs textes, officiellement soutenu le mouvement et rappelé que « l’exaspération et l’inquiétude des avocats » intervenait dans un contexte « d’asphyxie des juridictions liée à la charge de travail » et « l’absence totale de moyens d’anticipation ». Pour Sabine Orsel, « on sent la détresse des avocats. J’espère qu’ils s’en relèveront tous, ce mouvement, c’est la mesure de leur désespoir ». « Nous souhaitons avec le bâtonnier que cette grève n’entraine pas dans les rapports avec les avocats une dégradation qu’il serait ensuite difficile de surmonter car nos missions respectives n’ont pas de sens sans une vision convergente et respectueuse de nos valeurs professionnelles. Je formule le vœu que cette grève, qui j’imagine, doit aussi fragiliser les avocats qui sont dans des situations précaires, trouve au plus vite une issue », a également espéré le président du tribunal de Bobigny.

Comme à Laval, « on ne dédoublera pas les audiences », prévient Christophe Régnard, à Tours. Hervé Bonglet, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes - Services judiciaires, abonde, « dans six ou huit mois, qu’on ne vienne pas nous mettre une pression impossible du fait du retard pris. Ce qui nous fait peur, ce n’est pas tellement le retard mais les situations humaines derrière tout cela…. Et ce n’est pas que du fait des avocats. Nous sommes un collectif ». Et puis, selon Christophe Régnard, « nous sommes laissés tout seuls, il n’y a aucune instruction, aucune information sur les avancées des négociations. On se débrouille alors que la Chancellerie nous demande des remontées hebdomadaires – au début du mouvement, c’était quotidien ! ». « Le château s’écroule. Essayer de nous faire croire que la situation n’était pas déjà catastrophique avant cette grève, c’est de la foutaise. Pourra-t-on résister à une explosion nucléaire et une tempête tropicale ? »

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Alors que les avocats pouvaient s’estimer définitivement à l’abri de la sanction d’une absence d’effet dévolutif au regard d’une déclaration d’appel qui ne mentionnerait pas les chefs de jugement critiqués, aidés en cela par les décisions des cours d’appel et une interprétation, hâtive, des avis du 20 décembre 2017 de la Cour de cassation, voilà un arrêt d’une importance capitale.

Cet arrêt, rendu en formation de Section et destiné à une très large publication, a indiscutablement une première valeur formelle puisqu’il adopte la nouvelle norme de rédaction souhaitée par la Cour de cassation elle-même, son ancien Premier président et l’actuel Président de la deuxième chambre civile. Aristote et le syllogisme juridique cèdent du terrain au profit de paragraphes numérotés et d’un style direct, bref plus moderne. Si d’aucuns le regretteront inévitablement, d’autres salueront cette nouvelle motivation développée qui permet d’entrer au cœur du raisonnement de la Haute juridiction. Exit donc les attendus et leur part de mystère, tantôt redoutés tantôt chéris par les étudiants et les universitaires. C’est la loi de la modernité que de comprendre tout et vite. En un battement de cils, la solution doit sauter aux yeux.

Faisons œuvre de synthèse et condensons le rappel des faits, la procédure et l’énoncé du moyen (§§ 1, 2 et 3), citons donc la réponse in extenso de la Cour puisqu’elle permet de tout comprendre (§§ 4 à 16), et risquons-nous tout de même à un commentaire.

Déclarée responsable et condamnée pour insuffisance d’actif, une partie régularise deux actes d’appel d’un jugement du tribunal de commerce. Sur les deux déclarations d’appel, en date des 15 et 18 décembre 2017, l’appelant avait mentionné qu’il formait appel « total », sans plus de précisions. Par arrêt en date du 31 mai 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence juge qu’elle n’est saisie d’aucune demande, constate l’absence de régularisation d’une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti pour conclure et confirme purement et simplement le jugement entrepris. Devant la Cour de cassation, le demandeur au pourvoi faisait grief à la cour d’appel de ne pas avoir pris en compte ses conclusions qui précisaient pourtant les chefs de jugement critiqués et ajoutait que, constatant que l’appel total n’était pas nul, faute de grief allégué par l’intimé, l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales avait été violé.

La deuxième chambre civile répond :

« 4. En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
5. En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
6. Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
7. Par ailleurs, l’obligation prévue par l’article 901, 4°, du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
8. Enfin, la déclaration d’appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

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La Cour de cassation vient de se prononcer sur la question de savoir qui, du conseil de l’Ordre ou du conseil de discipline peut refuser l’honorariat à un avocat.

Rappelons pour mémoire que dans cette concurrence entre les deux instances : conseil de discipline et conseil de l’Ordre, cette même Cour a estimé le 6 février 2019 (Civ.1re, 6 févr. 2019, n° 17-28.878, Dalloz actualité, 19 févr. 2019, obs. D. Landry ; D. 2019. 314 ; ibid. 2020. 108, obs. T. Wickers ; JCP 2019, n°509, note Beignier ; Gaz. Pal. 28 mai 2019, p. 28 obs. Villacèque) que seul le conseil de discipline pouvait retirer l’honorariat à l’avocat, lorsqu’il intervient « pour infraction aux règles régissant le statut de l’avocat honoraire » (V. le texte de l’arrêt du 6 févr. 2019), et ce pour le motif qu’il s’agit en ce cas d’une peine disciplinaire.

Or donc, en ce nouvel arrêt la Cour suprême énonce qu’il résulte des textes, soit l’article 109 du décret du 27 novembre 1991 et l’article 13-1 du RIN, que « l’attribution de l’honorariat n’est pas de droit et que son refus ne constitue pas une sanction disciplinaire relevant de la compétence exclusive du conseil de discipline. » Cette affirmation ne paraît pas pouvoir être contestée ; ce d’autant que l’avocat, qui désire se voir attribuer le titre d’avocat honoraire ne peut saisir que le conseil de l’Ordre, et qu’il n’est dit nulle part que, si ce conseil envisage une réponse négative, il devrait se déclarer incompétent au profit d’une autre instance ; étant...

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Une partie du conseil de l’ordre de Paris, des représentants des syndicats (SAF, ACE, CNA, MAC, UJA), de la Conférence du stage et de l’association des avocats pénalistes (ADAP) et les avocats présents ont pris la parole. « Vous êtes magnifiques, s’est réjoui Me Cousi devant le dédale de robes, cette assemblée générale est historique, c’est une première dans l’histoire de notre barreau. […] Vous êtes chez vous rassemblés pour démontrer notre force et notre détermination ! […] Je vous défendrai, […] nous sommes à vos côtés, notre combat est juste ».

[Applaudissements]. Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre, en charge du dossier retraite, a rappelé à grands traits le contenu de la réforme. « Toutes les simulations du gouvernement concernent les avocats nés à partir de 2004 donc cela ne concerne personne ici », conclut-il devant un hall hilare. Arrive l’ovation pour Xavier Autain, « Monsieur Foutez-nous la paix ! ». « Nous avons face à nous un pouvoir inflexible. Ce qui est proposé ici n’est rien d’autre que ce qui est contenu dans le rapport Delevoye. […] Nous avons dès le début compris que les discussions allaient être compliquées. […] Lors des différentes réunions, ils enquillaient incohérence, ignorance et incompréhension. » Les avocats acquiescent. Ce gouvernement fait preuve « d’un dogmatisme et d’une surdité redoutables ». Hourra ! Xavier Autain cotinue. Oui, mais les avocats parisiens ne sont pas assez investis dans ce combat. « C’est vrai ! », crient certains. « Les confrères provinciaux nous regardent spécialement ce soir. Notre exemplarité doit être sans faille et notre unité aussi. [Applaudissements]   Il faut aller plus loin, ce gouvernement ne comprend que la force mais la force doit rester au droit. On a besoin de tout le monde pour y travailler. […] On a déjà une liste d’actions procédurales. […] Nous allons écrire une lettre qu’il serait bien que 70 000 avocats adressent à la Chancellerie ! [Acclamations] Ce sera une lettre d’avocat qui va dire quelque chose de juridique ! [Applaudissements] Nous avons besoin de vous en amont et en aval ». « On est là ! », hurle un avocat. « Ils commencent à nous craindre parce que nous sommes ensemble ! ». Le vestibule de Harlay approuve.

Dans cette ruche solidaire, un grain de sable sur la forme des actions à venir. Pour la Conférence du stage, l’arrêt total des désignations « est très problématique car elle touche les justiciables et les avocats les plus fragiles ». Une partie de la salle hue à demi-mot. « Ne pas désigner, c’est une omission, pas une action ! », continue Gaspard Lindon, premier secrétaire de la Conférence. Il est soutenu par Christian Saint-Palais, président de l’ADAP, qui fait part lui aussi de cette « préoccupation ». « Un avocat n’est pas un facilitateur mais un perturbateur. Si nous désertons toutes les audiences, alors le travail des juges est plus facile. Pour être entendus, nous devons perturber les audiences. Nous ne pouvons laisser les bancs de la défense pénale désertés ! Affrontons la réalité ! Ce sont les plus démunis qui sont sur ces bancs. Il faut une défense massive tous les jours, que les cabinets d’affaires qui se disent ce soir solidaires en mal de sensations fortes nous rejoignent ! Soyons solidaires ! Nous sommes là pour les défendre tous ! Nous sommes suffisamment nombreux, sinon nous n’aurons pas été à la hauteur du mouvement ! » Les avocats applaudissent. Une avocate brandit son carton rouge et répète à chaque parole du pénaliste : « Rouge ! Rouge ! Rouge ! » Elle n’est manifestement pas d’accord.

Les avocats sont invités à prendre la parole pour proposer des actions et les faire voter par l’assemblée. Se présenter aux municipales ? Non, cartons rouges ! Faire venir tous les membres du conseil de l’Ordre et du Conseil national des barreaux aux audiences dans le cadre de la défense massive ? Oui, cartons blancs ! Un rapprochement avec les syndicats de magistrats et de greffiers ? Oui, cartons blancs ! Se déplacer dans tous les commissariats et dire aux gardes à vue de ne pas parler tant que la grève est maintenue ? Oui, cartons blancs ! Exonération partielle des cotisations ordinales du fait de la grève ? Oui, cartons blancs ! Agir en responsabilité de l’État pour délai déraisonnable ? Oui, cartons blancs ! Certains avocats s’enflamment. La vice-bâtonnière Nathalie Roret clôt les ardeurs.

L’assemblée générale extraordinaire vote pour la reconduction de la grève totale jusqu’au 19 février. Olivier Cousi a annoncé que le conseil de l’ordre devrait mettre en place d’une caisse de solidarité afin de venir en aide aux avocats les plus affaiblis par la grève.

 

Les actions judiciaires votées en assemblée générale extraordinaire

Action en responsabilité de l’Etat pour délais déraisonnables : le Conseil de l’Ordre centralisera et mettra à disposition les modèles d’actes préparés par les différents groupes d’action permettant les recours évoqués pendant l’AG
 Sur la base du volontariat des confrères, mise en place d’une assistance bénévole des greffiers pour le paiement de leurs heures supplémentaires
 Communication générale de l’Ordre sur la nécessité de (i) demander et d’accepter les demandes de renvoi à chaque fois que possible ou (ii) de formuler des demandes de collégialité (articles 814 et 815)
 Appel général aux anciens membres du conseil de l’Ordre afin de renforcer la présence de référents lors des audiences pour soutenir les confrères dans leurs demandes de renvoi
 Renforcement des actions de défense massive au bénéfice des justiciables : le Conseil de l’Ordre prend acte de la proposition de généralisation des actions de défense massive proposée en assemblée générale. L’Ordre procèdera à un appel au volontariat et à la mobilisation auprès de l’ensemble du barreau pour mettre en œuvre ces actions. Les avocats pourront se rapprocher du bureau pénal et de l’antenne des mineurs pour se porter volontaires pour les actions de défense massive qui seront organisées
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Le refus d’attribution de l’honorariat relève de la compétence du conseil de l’Ordre.

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Auteur d'origine: Dargent

C’était un peu la foire, comme toujours avec les avocats, mais le barreau de Paris a montré, hier, en se réunissant dans le vestibule de Harlay du vieux palais de justice – ils étaient un millier selon le bâtonnier Olivier Cousi –, qu’il n’était « ni absent ni à la traîne » dans la contestation contre la réforme des retraites. Il s’agissait hier soir de choisir les modalités de la grève à venir. Des avocats revigorés, tous armés d’un carton rouge, une sonorisation puissante. Ce qui ressemblait à un tribunal révolutionnaire pouvait débuter.

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Auteur d'origine: babonneau

Est impliqué, au sens de l’article 1er de la loi Badinter, dans un accident, le véhicule qui répand involontairement de l’huile rendant la chaussée glissante.

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Auteur d'origine: ahacene

Lorsque le mandataire judiciaire à la protection des majeurs demande une indemnité supplémentaire sur le fondement de l’article 419, alinéa 4, du code civil, le juge des tutelles reste compétent même après le décès de la personne vulnérable.

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Auteur d'origine: Dargent
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Si plus de « trente ans de mise en œuvre jurisprudentielle et d’étude doctrinale n’ont pas suffi à dessiner tous les contours de la notion d’implication dans l’accident » (S. Carval, L’implication et la causalité, RCA 2015. Doss. 15, n° 17), aujourd’hui, celle-ci présente toutefois « moins de mystère » (L. Bloch, L’auto, la moto, la chèvre et l’implication…, RCA 2020. Alerte 3) qu’au jour de l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985.

Par une démarche casuistique, la Cour de cassation continue son travail d’interprétation de ce que recouvre cette notion phare de la loi Badinter (v. l’étude de F. Leduc, L’évolution de l’implication, RCA 2019. Doss. 8). L’arrêt de rejet du 16 janvier 2020 en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, après que son véhicule a dérapé, un homme est victime d’un accident de la circulation des suites duquel il décède. Ses proches demandent réparation de leurs préjudices par ricochet au propriétaire du tracteur duquel provient la fuite d’huile et au conducteur de celui-ci sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985. La cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion fait droit à leur demande et condamne in solidum le propriétaire et le conducteur du véhicule à réparer les conséquences de l’accident dans lequel, selon elle, il est impliqué.

Les responsables se pourvoient en cassation et contestent l’implication du tracteur dans la réalisation de l’accident. Ils reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir tenu compte du procès-verbal établi par la gendarmerie qui indique que l’accident s’est produit à quelques centaines de mètres de l’endroit où était immobilisé le véhicule. Cette distance démontrerait que la fuite d’huile n’est pas à l’origine de l’accident et les juges du fond auraient dû rechercher si elle n’excluait pas le lien de causalité entre la fuite d’huile et l’accident.

La Cour de cassation était amenée à s’interroger sur le point de savoir si la cour d’appel aurait dû tenir compte de cette distance pour exclure tout lien de causalité entre la perte d’huile et la survenance de l’accident, excluant, par là même, l’implication du véhicule. Ce à quoi la deuxième chambre civile répond par la négative en rejetant le pourvoi.

Dans un premier temps, cette dernière approuve la cour d’appel d’avoir procédé au rappel selon lequel « est impliqué, au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d’un accident ». La formule, employée maintes fois, est désormais classique.

À l’instar des autres conditions exigées par la loi Badinter, l’implication, visée à l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, n’a pas été définie par le législateur. L’absence de définition légale a cet avantage de ne pas enfermer le juge dans un système figé et de lui laisser une marge de manœuvre pour lui-même circonscrire le domaine de l’implication. Sans qu’il en donne une définition précise, c’est à ce dernier que l’on doit la conception souple et extensive de la notion d’implication.

Si « la seule présence d’un véhicule sur les lieux d’un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication » (Civ. 2e, 25 mai 1994, n° 92-19.200, Bull. civ. II, n° 133 ; 18 mars 1999, n° 97-14.306, Bull. civ. II, n° 51 ; RCA 1999. Comm. 173 ; 8 juill. 2004, n° 03-12.323, Bull. civ. II, n° 345 ; 13 déc. 2012, n° 11-19.696, Dalloz actualité, 11 janv. 2013, obs. I. Gallmeister ; D. 2013. 12, obs. I. Gallmeister ; RTD civ. 2013. 390, obs. P. Jourdain ; 15 janv. 2015, n° 13-27.448, D. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RCA 2015. Comm. 118, obs. H. Groutel ; 19 mai 2016, n° 15-16.714, Dalloz jurisprudence), il n’est pas nécessaire que celui-ci ait eu un rôle perturbateur ou ait joué un rôle actif pour être impliqué dans l’accident. Il suffit que le véhicule ait joué « un rôle quelconque » ou qu’il soit intervenu « à quelque titre que ce soit ». Sur ce point, l’arrêt du 16 janvier n’est qu’un simple rappel. Récemment, la Cour de cassation a d’ailleurs reconnu l’implication d’un tracteur, lequel, par son emplacement et sa vitesse réduite, a imposé le dépassement d’un motard victime, ensuite, d’un accident (Civ. 2e, 18 avr. 2019, n° 18-14.948, Dalloz actualité, 13 mai 2019, obs. A. Tani ; D. 2019. 887 ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2019. 600, obs. P. Jourdain ).

De la même façon qu’en matière de responsabilité du fait des choses, l’absence de contact entre le véhicule et le siège du dommage n’empêche pas l’implication (Crim. 30 oct. 1989, RCA 1989. Comm. 414). En l’espèce, le tracteur n’est pas entré en contact avec le véhicule de la victime sans que, pour autant, l’implication soit exclue. Après quelques « vicissitudes » (F. Leduc, art. préc.), il semble désormais acquis que la présence ou non de contact influe seulement sur le mode de preuve de l’implication. En cas de contact, l’implication est présumée. Il revient au défendeur de démontrer l’absence d’implication. En l’absence de contact, la présomption cède. C’est au demandeur – la victime ou ses ayants droit – d’établir l’implication du véhicule dans l’accident.

S’il n’existe pas de définition précise de l’implication, le consensus semble régner sur le fait qu’elle n’est pas un substitut à la causalité – laquelle, en droit commun, rattache le fait générateur au dommage – mais qu’elle s’en distingue (v. JO Sénat, débats, 11 avr. 1985, p. 193 ; S. Carval, L’implication et la causalité, art. préc. ; P. Jourdain, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, JCP 1994. 3794 ; R. Raffi, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, D. 1994. 158 ).

Les deux notions se distinguent mais comment et jusqu’à quel point ?

Constante de tout régime de responsabilité, la causalité n’est pas absente du régime prévu par la loi Badinter. Le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage n’est pas remplacé par l’implication du véhicule dans l’accident mais conserve sa propre place. À travers la condition d’imputabilité du dommage à l’accident, un lien de causalité est exigé par la Cour de cassation, ce qui atteste que la loi de 1985 n’est pas un régime d’indemnisation mais un régime, spécial certes, de responsabilité. Sans que la loi l’exige de façon explicite, la jurisprudence impose que le dommage soit la conséquence de l’accident pour que ce régime spécial s’applique. Si on veut bien admettre que l’accident, en tant que fait dommageable, est aussi le fait générateur de la responsabilité du conducteur et/ou gardien du véhicule (en ce sens, v. J.-S. Borghetti, L’accident fait générateur, RCA 2015. Doss. 3, nos 15 s.), alors il faut reconnaître que la loi ne fait pas l’économie de la condition du lien de causalité.

Si elle n’est pas l’imputabilité, l’implication du véhicule dans l’accident renvoie donc à autre chose qu’au lien de causalité. Certains la voient comme le critère d’imputation de l’accident à un débiteur (en ce sens, v. J.-S. Borghetti, art. préc., nos 22 et 23). Elle est, en tout cas, un élément constitutif de l’accident de circulation nécessaire à la mise en œuvre du régime. Elle est devenue, « plus qu’un critère d’application du dispositif, la condition de fond de cette responsabilité spéciale » (P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, 5e éd., LexisNexis, 2018, n° 694, p. 481).

Parce qu’il n’est pas nécessaire que le véhicule ait été la cause prépondérante de l’accident ni qu’il l’ait provoqué pour être considéré comme impliqué dans sa survenance, l’implication s’entend plus largement que la causalité. Il peut s’agir d’une simple causalité éventuelle. « Il suffit qu’il ait eu une incidence sur son déroulement, qu’il en ait modifié le cours, bref que, sans le véhicule, l’accident n’ait pu se produire ou être identique » (RTD civ. 2017. 671, obs. P. Jourdain ). En ce sens, « s’il fallait placer l’implication sur une échelle, elle serait plus qu’un simple hasard spacio-temporel mais moins qu’un rapport de causalité » (L. Bloch, L’auto, la moto, la chèvre et l’implication…, art. préc.) stricto sensu. Sans être synonymes, particulièrement dans l’hypothèse des accidents complexes, causalité et implication ont toutefois un lien de parenté étroit. Moins exigeante que peut l’être la causalité en droit commun, l’implication n’en demeure pas moins une variété de causalité. Seulement, celle-ci renvoie à « la causalité de l’accident, c’est-à-dire du lien entre le véhicule et l’accident » plutôt qu’à « la causalité du dommage » (P. Jourdain, art. préc. et Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, JCP 1994. 3794, n° 7).

Dans un second temps, la deuxième chambre civile vient préciser en quoi le tracteur a bien eu un rôle dans la réalisation de l’accident. Elle constate que la cour d’appel a justement reconnu que le véhicule de la victime avait dérapé sur la chaussée parce que celle-ci avait été rendue glissante par la présence d’huile « répandue involontairement » par le tracteur conduit par un des responsables. Si le véhicule de la victime a dérapé, c’est parce que la chaussée était glissante et, si la chaussée était glissante, c’est en raison de la présence d’huile provenant du tracteur conduit par l’un des demandeurs au pourvoi et appartenant à l’autre. Il y a là un lien de cause à effet assez net entre la présence de l’huile sur la route et le dérapage du véhicule de la victime. Le déversement d’huile a bien été une condition à l’accident. Il en résulte que l’intervention du tracteur est caractérisée quand bien même l’huile n’a pas été répandue de façon volontaire par l’un ou l’autre des responsables. Ce qui confirme d’ailleurs le caractère objectif du régime issu de la loi Badinter.

Cette affaire n’est pas sans rappeler l’arrêt dans lequel la Cour de cassation avait reconnu l’implication d’une balayeuse municipale qui avait projeté des gravillons sur la chaussée à l’origine de la chute d’un piéton (Civ. 2e, 24 avr. 2003, n° 01-13.017, Bull. civ. II, n° 104 ; D. 2003. 1267 ; RTD civ. 2003. 515, obs. P. Jourdain ; RCA 2003. Comm. 199).

La Cour de cassation conclut, sans surprise, que la cour d’appel n’avait pas à rechercher si la distance pouvait empêcher tout lien de causalité entre l’accident et le véhicule et qu’elle en a déduit, à bon droit, que le tracteur était impliqué dans l’accident.

En somme, même si la deuxième chambre civile rejette le pourvoi soutenant qu’un lien de causalité fait défaut entre le véhicule duquel émane la fuite d’huile et l’accident, et qu’elle rappelle que l’implication n’est pas de la causalité stricto sensu, elle approuve toutefois la cour d’appel d’avoir constaté que le déversement de l’huile était bien une condition de la chaussée glissante à l’origine de l’accident. En d’autres termes, par une application de la théorie de l’équivalence des conditions, la présence d’huile est bien une cause de l’accident puisque, sans elle, celui-ci ne se serait pas produit ou dans une autre mesure.

Prenant le contrepied d’une réponse ministérielle donnée par la Chancellerie le 7 mai 2013, la Cour de cassation confirme la compétence du juge des tutelles. Elle évite ainsi la transformation de la potentielle indemnité en une dette successorale ordinaire.

Tout en restant un principe structurant le droit des majeurs vulnérables, la gratuité est parfois battue en brèche selon les circonstances de l’accomplissement de la mesure de protection (P. Malaurie, Droit des personnes. La protection des mineurs et des majeurs, 9e éd., LGDJ, coll. « Droit civil », 2018, p. 282, n° 534). Ainsi, la mission du mandataire judiciaire à la protection des majeurs s’effectue à titre onéreux contrairement à celle du curateur ou du tuteur ordinaire. Mais, lorsque sa mission s’avère plus difficile que prévu initialement, le mandataire peut demander une indemnité supplémentaire sur le fondement de l’article 419, alinéa 4, du code civil (sur ce point, v. B. Teyssié, Droit des personnes, 20e éd., Lexis Nexis, coll. « Manuels », 2018, p. 546, n° 1044). L’arrêt du 15 janvier 2020 permet à la Cour de cassation de préciser utilement les frontières de cette demande, notamment lorsque le décès du majeur intervient en cours d’instance. Un enseignement explicite, d’abord : la compétence du juge des tutelles perdure même après le décès du majeur vulnérable pour pouvoir allouer au mandataire cette indemnité exceptionnelle. Une hésitation s’était cristallisée entre compétence du juge des tutelles et compétence du juge de droit commun si la demande d’indemnité s’était intégrée dans le passif successoral du de cujus. Plus implicitement, ensuite : une réponse ministérielle est dénuée de toute force normative et la Cour de cassation reste tout à fait libre d’interpréter la loi autrement. Elle s’éloigne ainsi de la position du ministère de la justice dans la réponse à une question...

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La lecture de l’article 775 du code de procédure civile, auquel nous invite le présent arrêt, fournit un parfait exemple du fait que le droit est avant tout un phénomène linguistique :

prenez ce texte qui prévoit, depuis le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, une règle relativement claire : les ordonnances du juge (ou du conseiller) de la mise en état n’ont pas autorité de chose jugée au principal, « à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance » ;interrogez-vous sur la signification de chacun des mots qui le composent ; vous obtiendrez une incertitude sur le véritable sens qu’il convient de donner à la règle qu’il renferme.

Un exercice concret pour illustrer le propos : isolons la formule « mettant fin à l’instance ». Doit-elle s’appliquer aux « incidents » - terme qui précède immédiatement cette formule - ou concerne-t-elle à la fois ces derniers (sur les incidents mettant fin à l’instance visés définis comme ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du code de procédure civile, V. not. : Cass., avis, 13 nov. 2006, Bull. civ. n° 10 ; D. 2006. 2949 ; ibid. 2007. 1380, obs. P. Julien ; RTD civ. 2007. 177, obs. R. Perrot ) et les décisions relatives aux exceptions de procédure ?

Prenons en outre le verbe « statuer » employé par le texte. Il s’agit a priori d’un terme neutre qui couvre aussi bien le cas où il est fait droit à la demande que celui où elle est rejetée (V. en ce sens, R. Perrot, Procédures n° 5, mai 2008, comm. 134). Faut-il en déduire que le texte confère une autorité de chose jugée à toute décision relative à ces exceptions de procédure et à ces incidents d’instance ?

Difficile à dire à la seule lecture du texte.

Fort heureusement, l’un des rôles essentiels de la Cour de cassation consiste à interpréter les textes, c’est-à-dire à leur donner un sens précis. C’est précisément ce que fait sa deuxième chambre civile dans cette décision du 9 janvier 2020 à laquelle elle a donné une large diffusion (F-P+B+I).

En l’espèce, une société avait confié à divers entrepreneurs la réalisation de travaux de construction de lots vendus sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement. Arguant de divers désordres, le syndicat des copropriétaires a obtenu en référé la désignation d’un expert puis a fait assigner au fond la société devant un tribunal de grande instance. Le juge de la mise en état désigné pour instruire l’affaire a été saisi d’une exception de nullité de l’assignation tirée du défaut d’habilitation du syndic. Il a cependant rejeté l’incident par ordonnance. Par jugement, le tribunal a déclaré irrecevable l’exception de nullité de l’assignation et...

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Les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu’elles mettent ou non fin à l’instance.

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Auteur d'origine: MKEBIR

Il résulte de l’article R. 211-26 du code du tourisme que la garantie financière spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l’opérateur de voyages au titre des engagements qu’il a contractés à l’égard de sa clientèle, ne bénéficie qu’aux consommateurs finaux, de sorte qu’un comité d’entreprise qui intervient en qualité d’organisateur ou de revendeur de voyages, et non en seule qualité de mandataire des salariés auprès d’une agence de voyages, ne peut en bénéficier.

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Auteur d'origine: jdpellier

À moitié vide ou à moitié plein, selon l’expression consacrée. Les sénateurs ont adopté, le 4 février, le projet de loi relatif à la bioéthique et notamment l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes.

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Auteur d'origine: pastor

Avant de prononcer la démolition d’une maison d’habitation empiétant sur une servitude de passage, la cour d’appel doit, si cela est invoqué devant elle, examiner la proportionnalité d’une telle mesure au regard du droit au respect du domicile protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

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Auteur d'origine: Agailliard

15 000 avocats, selon le Conseil national des barreaux, ont défilé dans les rues de Paris pour protester contre le projet de réforme des retraites, lundi 3 février.

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Auteur d'origine: babonneau

Le client d’un établissement de crédit est réputé avoir accepté les frais et commissions portés sur les relevés de compte non contestés et affirme que le coût de la réalisation d’une étude réalisée à l’initiative du plaideur par un cabinet de conseil ne constitue pas la suite directe et immédiate de la faute de la banque.

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Auteur d'origine: Delpech

La Cour de cassation admet un recours pour excès de pouvoir contre une ordonnance de radiation, mesure d’administration judiciaire.

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Auteur d'origine: laffly
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On connaît l’importance de la garantie financière dont le principe est prévu par l’article L. 211-18, II du code du tourisme et qui constitue, selon l’article R. 211-26 du même code, un cautionnement (V. à ce sujet C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis, 2014, nos 93 s. V. égal., D. Bazin-Beust, Voyages organisés et garantie financière : une réglementation chaotique, Revue dr. transp., nov. 2010, étude 13 ; E. Llop, La garantie financière des agents de voyage dans la tourmente, JT 2015, n° 173, p. 17 ). On insiste bien volontiers sur les professionnels tenus de la souscrire, mais plus rarement sur ses bénéficiaires, raison pour laquelle l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 janvier 2020 est intéressant. En l’espèce, le 18 juin 2012, un comité d’entreprise a conclu avec une agence de voyages un contrat portant sur un voyage de quarante personnes au Vietnam, du 10 au 21 novembre 2013. Dans cette perspective, ledit comité d’entreprise a versé un acompte de 32 660 €, sur un prix total de 69 496 €. Par la suite, le 29 mai 2013, l’agence a été placée en liquidation judiciaire. Au titre de la mise en œuvre de la garantie financière bénéficiant aux clients de celle-ci, l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (l’APST) a mandaté une société pour prendre en charge l’exécution des voyages aux lieu et place de la société. Le 7 octobre 2013, la société en question a sollicité le paiement du solde du prix du voyage réservé par le comité d’entreprise, déduction faite des acomptes versés. Puis, le 15 octobre, elle a réclamé le règlement de l’intégralité du prix du voyage. Le 24 octobre, l’APST, qui avait été informée de l’immatriculation du comité d’entreprise en qualité d’opérateur de voyages, lui a notifié son refus de garantie. Enfin, le 4 décembre de la même année, le comité d’entreprise a assigné l’APST en garantie et en paiement. Il s’agissait donc de savoir si le comité d’entreprise pouvait se prévaloir de la garantie financière.

La cour d’appel de Paris ayant...

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C’est en séance publique que les sénateurs ont paru les plus divisés en adoptant un texte considérablement modifié, tant vis-à-vis du projet provenant de l’Assemblée nationale que de celui de la commission spéciale. Ainsi, ils ont adopté l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes mais en réservant le remboursement aux seuls couples infertiles, en excluant de fait les couples de femmes. Ils se sont, en outre, opposés...

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Six indivisaires obtiennent l’attribution, sur leur parcelle, d’une servitude de passage. Cette servitude grevait deux parcelles appartenant à l’un des indivisaires et sa fille. Cette dernière, après avoir entrepris la construction d’une maison d’habitation sur sa parcelle, se voit assignée par l’un des cinq autres indivisaires en suppression de sa construction qui empiéterait sur l’assiette de la servitude.

La cour d’appel ordonne la démolition de la construction, laquelle, par l’empiétement, réduirait le passage de moitié. Or, le déplacement de l’assiette de la servitude était impossible pour les juges du fond, un tel déplacement ne pouvant être imposé au propriétaire du fonds dominant – en l’occurrence, les six indivisaires – que dans les conditions prévues à l’article 701, dernier alinéa, du code civil.

L’affaire aurait pu s’arrêter là, si les demandeurs au pourvoi n’avaient pas invoqué la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH). Au visa de l’article 8 de la Conv. EDH, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, car cette dernière aurait dû rechercher, « comme il le lui était demandé, si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du domicile ».

Cet arrêt s’inscrit dans un contexte de contrôle de proportionnalité du droit de propriété, qui alimente ces dernières années la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Il est fréquent désormais qu’une personne concernée par une mesure prise au nom du respect du droit de propriété – démolition en cas d’empiétement, expulsion en cas d’occupation sans droit ni titre – invoque une atteinte à un droit subjectif protégé par la Conv. EDH. Les juges doivent effectuer un tel contrôle dès lors qu’ils en sont saisis par une partie.

On peut se demander, ici, pourquoi les juges ne l’avaient pas effectué.

Dans un arrêt du 21 décembre 2017, la troisième chambre civile (Civ. 3e, 21 déc. 2017, n° 16-25.406, Dalloz actualité, 26 juil. 2019, obs. D. Pelet ; D. 2018. 7 ; ibid. 1328, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp ; ibid. 1772, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2018. 375 , obs. F. Cohet ; ibid. 582, étude H. Leyrat ; RDI 2018. 215, obs. E. Gavin-Millan-Oosterlynck ) avait de façon assez laconique dispensé la cour d’appel d’effectuer un tel contrôle dans un cas d’atteinte au droit de propriété par empiétement car elle considérait que la question même de ce contrôle ne pouvait pas se poser, l’auteur de l’empiétement n’étant pas « fondé à invoquer les dispositions de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’ouvrage qu’il a conduit méconnaît le droit au respect des biens de la victime de l’empiétement ». Dans un autre arrêt, elle avait fait un obstacle radical à toute démarche similaire, considérant qu’une ingérence dans le droit au respect du domicile résultant d’une mesure d’expulsion « ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété », c’est-à-dire dans le cas d’espèce, une occupation sans droit ni titre (Civ. 3e, 4 juill. 2019, n° 18-17.119, Dalloz actualité, 26 juill. 2019, obs. C. Dreveau ; D. 2019. 2163 , note R. Boffa ; ibid. 2199, chron. L. Jariel, A.-L. Collomp et V. Georget ).

Si les faits concernaient également un empiétement dans cet arrêt, deux différences se constatent par rapport à l’arrêt du 21 décembre 2017.

Premièrement, l’objet de l’atteinte n’est pas à proprement parler le droit de propriété mais une servitude de passage. Or, l’ampleur de l’atteinte n’est pas absolue, dans la mesure où l’empiétement avait pour effet de réduire le passage de moitié. Un tel argument est en principe inopérant en cas d’empiétement sur le droit de propriété. L’empiétement, considéré comme l’atteinte la plus grave, fait l’objet, depuis la fin du XIXe siècle, d’une jurisprudence sévère envers son auteur, n’admettant aucun aménagement possible outre la démolition...

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Tout le monde cherche François. « C’est le grand absent, on a beau le chercher, personne ne l’a trouvé. » L’affaire est sérieuse et tout le monde aimerait qu’il apparaisse enfin, mais les espoirs sont ténus. « Vous avez déjà vu ça, vous, un avocat de 23 ans qui gagne 40 000 € par an », demande Me Sophie Mathieu, du barreau de Saint-Étienne, foulard vert au vent qui coiffe son rabat d’avocate « en colère ». François, c’est l’avocat type de « La République en marche », celui qui peuple l’imaginaire du gouvernement lorsqu’il échafaude la réforme des retraites qui, ce lundi 3 décembre, a envoyé des milliers d’avocats dans la rue, provenant de la plupart des barreaux – 15 000 selon le Conseil national des barreaux, 7 400 selon la police. Parmi eux, quelques autres professions libérales, repérables par leurs blouses de médecin ou leur casquette de commandant de bord, mais la plupart étaient avocats. Tous exigent le retrait du projet, tous veulent garder l’autonomie de leur régime de retraite.

« Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner »

Entre la place de la Bastille et celle de l’Opéra, aucun François à l’horizon. On trouve d’abord Renée Rimbon, avocate en Seine-Saint-Denis qui piétine en queue de cortège. La réforme prévoit de doubler les cotisations retraite des avocats. Résultat ? « Moi, installée, travaillant seule, je ferme au bout de six mois, alors on ne lâchera rien, même si ça doit durer un an. » Me Thomas Mertens, du barreau de Paris, estime que, « pour la plupart des justiciables, les honoraires de l’avocat vont augmenter ou, pire, l’aide juridictionnelle ne suffira pas pour payer les charges de fonctionnement d’un cabinet. Cela entraînera la fermeture de petits cabinets de proximité que les justiciables les plus pauvres ont encore la possibilité de saisir pour assurer leur défense ».

Dans son barreau de la Haute-Marne, la bâtonnière Céline Gromek prévoit une hécatombe. « On pense que 40 % des avocats disparaîtront », précisément 13 sur 33, car, dans le ressort de ce barreau, beaucoup ne travaillent qu’à l’aide juridictionnelle ou presque, car beaucoup de justiciables y sont éligibles. À Cambrai, dont les deux tiers du barreau (20 sur 30) sont venus défiler dans les beaux quartiers, les prévisions ne sont pas moins funestes. « Cela annonce des déserts judiciaires, on redoute la fermeture du tribunal », expose la bâtonnière Cathy Beauchart. Les collaborateurs aussi sont sur la sellette. Sophie Mathieu explique : « La rétrocession de base, à Saint-Étienne, c’est 2 100 €, ceux-là ne pourront pas tenir », car bien souvent les associés ne pourront pas augmenter la rémunération de leurs collaborateurs, dont les faibles revenus vont encore diminuer. « On ne pourra plus assurer un certain nombre de missions, on devra faire des choix au détriment de la défense des plus démunis », se désole Me Marjorie Farre, elle aussi stéphanoise, qui annonce tout de suite : « si la réforme passe, je suis obligée de licencier ma secrétaire, oui, il faut penser à ça aussi, aux 55 000 emplois générés par notre activité », assure-t-elle.

« On lâche rien », scandent des Bretons venus en nombre. « Oui, abonde Marjorie Farre, même s’il faut constater que des confrères sont terriblement impactés par la grève », à force de renvois. « Mais c’est ça aujourd’hui, ou sinon on crève demain. » Pour sauver les petits courageux, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) envisage de faire un geste. La commission de redistribution des aides sociales dispose de réserves importantes. Me Anne Salzer, administratrice à la CNBF, l’annonce : « Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner », assure-t-elle. Pas besoin de cagnotte, la CNBF finance le mouvement de grève qui veut la sauver.

« Pirouette Belloubette ! »

La tête de cortège est sur la place de la République, nous sommes à mi-parcours. Me Louise Tort (barreau de Paris) sautille en diffusant « Cypress Hill » dans un haut-parleur qu’elle tient sur son épaule ; « Bella ciao » version opéra s’élève au-dessus de la foule du boulevard Beaumarchais, une avocate du barreau de Montpellier s’égosille sur un camion du cortège, et partout des grappes d’avocats reprennent des classiques (YMCA, We will rock you, Pirouette cacahuète), avec des paroles adaptées. « Pirouette Belloubette ! », entend-on, pour illustrer l’attitude dédaigneuse à leur encontre, disent-ils, de la ministre. « C’est le mépris absolu du gouvernement, le rictus de la garde des Sceaux quand les confrères jettent leur robe à Caen, c’est le mépris de nos souffrances », ne craint pas d’affirmer Cathy Beauchart. « Cela fait vingt-cinq ans que je fais ce métier, tempête Céline Gromek, je n’ai jamais eu le sentiment d’être à ce point méprisée. On est très très en colère, c’est un seuil jamais atteint ! » Un vieil avocat incognito, qui défile par solidarité, pense que Nicole Belloubet n’a pas voulu négocier, car elle « ne comprend pas, n’aime pas les avocats ». Me André Buffard, de Saint-Étienne, pense du haut de ses 71 ans que « tout cela, ça ressemble à un hold-up ». Il précise : « Ma génération a cotisé pour ceux qui n’avaient pas cotisé, et aujourd’hui on nous dit merci pour la cagnotte ! »

Les avocats croisés sont unanimes : l’État se nourrit sur la bête, car « la bête », ce régime autonome créé après la Seconde Guerre mondiale, fonctionne – il est même excédentaire. Pire ! Il veut ruiner la solidarité, car la CNBF, depuis 1948, verse des pensions de retraite (de base) identiques aux avocats ayant cotisé suffisamment longtemps, sans prise en compte des revenus professionnels. Me Philippe Paingris, du barreau de Paris, estime que « c’est l’honneur de la profession de donner une retraite digne à ceux qui dédient leur vie à la défense de la veuve et de l’orphelin ».

À voir cette foule des robes noires, Me Christian Saint-Palais pense que la détermination de ses confrères est grande. « Les confrères de province abandonnent leur cabinet, leurs affaires personnelles pour venir manifester, c’est très enthousiasmant ! » L’avocat parisien, président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), très impliquée dans le mouvement, réagit aux propos s’indignant des incendies de codes civils périmés (Dalloz). « Je suis solidaire de tous les modes d’action qui restent dans le cadre de la loi. » Mais pourquoi en arriver à des modes d’action si démonstratifs ? « Ces confrères ont tiré les leçons du passé, où des discussions trop polies les ont mis à terre. Ce sont des situations qui montrent la désespérance, cela révèle l’État de la préoccupation de certains pénalistes », analyse-t-il.

Place de l’Opéra, la nuit tombe et les avocats sont toujours debout. Tous les accès à la place Vendôme sont bloqués par les forces de l’ordre, alors, rue de la Paix, un petit groupe d’irréductibles fait un peu de fumée rouge, masque sur la tête, la colonne Vendôme et les CRS dans leur dos. Mais une dizaine d’avocats, dont certains avaient participé à l’opération de vendredi dernier, est parvenue à accéder à la place. On les voit, goguenards devant la Chancellerie, filmés par le journaliste Taha Bouhafs, avant de se carapater à l’approche des CRS qui ont tenté, en vain, de les encercler.

Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l’Ordre de Paris sont reçus à 19h30 aujourd’hui à Matignon, pour une deuxième entrevue.

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Une société avait ouvert un compte courant auprès d’un établissement de crédit, qui lui consentit également une autorisation de découvert. Par la suite, la société cliente, invoquant une mention par la banque d’un taux effectif global (TEG) erroné, assigna cette dernière en justice. Déboutée en première instance, la société emprunteuse obtint gain de cause en appel à la suite d’une expertise judiciaire ordonnée par les juges du second degré. L’établissement de crédit se pourvoit alors en cassation. Se désistant par la suite du deuxième moyen de son pourvoi, la banque ne critique finalement pas la décision sur le calcul du TEG ou la sanction de la mention erronée. Elle conteste la décision des juges du fond sur deux autres points.

Le relevé de compte et l’accord tacite sur la tarification bancaire

D’une part, la société cliente affirmait n’avoir pas été dûment informée par la banque de certains frais et commissions qui lui avaient été facturés, aussi en demandait-elle la restitution, qui lui fut accordée par les juges du fond. La cliente s’appuyait simplement sur les conditions générales de la convention de compte courant, qui stipulaient que les divers frais et commissions applicables étaient ceux qui figuraient aux conditions générales de banque, celles-ci étant portées à la connaissance du client entre autres par des dépliants mis à sa disposition. Or la société cliente niait avoir reçu cette information. La banque ayant été incapable de prouver qu’elle avait bien communiqué ces conditions à sa cliente, les juges du fond estimèrent donc qu’à défaut d’accord les frais et commissions litigieux n’étaient pas dus.

Statuant sur le premier moyen du pourvoi, la Cour de cassation censure cette condamnation pour défaut de base légale au double visa de l’article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016) et de l’article R. 312-1 du code monétaire et financier (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-229 du 30 mars 2018 relatif à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier).

Le visa de l’ancien article 1134 du code civil répond à la solution de la cour d’appel fondée sur la loi des parties. Quant à l’article R. 312-1 du code monétaire et financier, son second alinéa disposait dans la rédaction applicable au litige que « lorsqu’ils ouvrent un compte, les établissements de crédit doivent informer leurs clients sur les conditions d’utilisation du compte, le prix des différents services auxquels il donne accès et les engagements réciproques de l’établissement et du client ». Ces obligations reposent sur le banquier indépendamment du statut du client, contrairement aux règles du code de la consommation. Leur méconnaissance est du reste susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire de l’établissement de crédit (v. T. Bonneau, Droit bancaire, 12e éd., LGDJ, 2017, n° 508).

Pour juger la cour d’appel mal fondée, la chambre commerciale s’appuie sur sa propre jurisprudence, reprenant l’attendu de principe inauguré dans une décision remarquée de 2001 (Com. 13 mars 2001, n° 97-10.611, D. 2001. 1239 , obs. V. Avena-Robardet ; RTD com. 2001. 743, obs. M. Cabrillac ) : « l’établissement de crédit qui n’a pas porté à la connaissance d’un client auquel il ouvre un compte le prix de ses différents services n’est pas déchu du droit de percevoir le prix de ses prestations et les frais y afférents, dès lors qu’il a, a posteriori, recueilli l’accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant, un tel accord pouvant résulter, pour l’avenir, de l’inscription d’opérations semblables dans un relevé dont la réception par le client n’a été suivie d’aucune protestation ou réserve de sa part ».

La solution, bien reçue à l’époque par la doctrine, permet en effet de pallier les difficultés de la preuve de l’information et d’éviter le succès de prétentions de clients de mauvaise foi qui chercheraient à tirer parti de ce flou probatoire pour remettre en cause des commissions appliquées de longue date à l’occasion d’un litige avec leur banque sur une autre question. En l’espèce, on se rappellera du reste que la demande était nouvelle en cause d’appel dans un contentieux noué autour du TEG de l’autorisation de découvert.

Par rapport à la jurisprudence de 2001, la Cour de cassation rajoute ici que les stipulations de la convention de compte portant sur des moyens spécifiques de communication de l’information au client ne remettent pas en cause cette solution, puisqu’elle repose sur un accord tacite du client rapporté par la réception de relevés sans contestation ultérieure.

Cet accord n’est valable que pour l’avenir à compter de la réception non contestée du relevé de compte. Aussi, la haute juridiction précise-t-elle que les juges du fond auraient dû rechercher si les frais dont la restitution était demandée avaient été perçus avant que la société cliente « n’ait connu, par des inscriptions sur ses relevés de compte, les exigences de la banque pour des opérations semblables ».

La modification apportée à la rédaction de l’article R. 312-1 du code monétaire et financier par le décret du 30 mars 2018 est-elle de nature à infléchir cette jurisprudence établie ? Pris en application de l’ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier, ce décret adapte les dispositions réglementaires des divers codes concernés. Quant à l’article R. 312-1 du code monétaire et financier, les établissements de crédit n’y sont plus tenus d’« informer leurs clients » sur les conditions en cause, mais de « fournir à leurs clients, sur support papier ou sur un autre support durable », ces informations.

Les dispositions issues de l’ordonnance consacreraient une distinction entre des informations que le professionnel peut se contenter de mettre à la disposition de ses clients et du public et des informations qui doivent être fournies au client (v. G. Parleani et A.-C. Rouaud, Impact de la digitalisation sur la relation contractuelle. L’entrée en relation, RDBF 2019, dossier 51). La fourniture serait a fortiori une exigence supplémentaire par rapport à la simple mise à disposition. Elle reposerait sur un rôle plus actif du prestataire ; corrélativement, une certaine passivité ne pourrait être reprochée au client. La communication par voie de support durable autre que le papier fait d’ailleurs l’objet de précisions importantes au sein du code monétaire et financier (v. C. mon. fin., art. L. 311-7 s.).

En d’autres termes, ces changements paraissent susceptibles de jouer sur les conditions générales des conventions de compte, puisque les modalités de fourniture des informations sont désormais plus strictement encadrées, laissant une place proportionnellement réduite à la liberté contractuelle. En revanche, la situation ne semble pas changer quant à la sanction de la méconnaissance de la règle. Le rôle du relevé du compte paraît demeurer entier.

La prise en charge de la rémunération d’un expert officieux

D’autre part, la société ayant fait appel à un cabinet de conseil pour la réalisation d’une étude sur le calcul du taux effectif global, elle demandait l’indemnisation par la banque de cette dépense. La cour d’appel ayant fait droit à cette demande, la banque attaque également cette condamnation devant la haute juridiction. En effet, le troisième moyen du pourvoi affirme que les juges du second degré auraient violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 (v. aujourd’hui C. civ., art. 1231-1).

Au soutien de la condamnation prononcée, la cour d’appel énonçait que la société avait dû exposer ces frais pour la défense de ses intérêts. Les termes utilisés évoquent ostensiblement la jurisprudence classique sur la définition des frais non compris dans les dépens fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Pourtant, la demande en question avait été présentée et a été accueillie par les juges indépendamment d’une demande parallèle au titre de l’article 700, pour d’autres frais liés au litige.

C’est pourquoi le pourvoi invoque une violation par la cour d’appel de l’ancien article 1147 du code civil. La nature du fait générateur du préjudice reproché à la banque étant de nature contractuelle (la mention d’un TEG erroné), c’est sur le fondement de la responsabilité contractuelle que les juges du fond ont ordonné réparation. Or l’établissement de crédit prétend que le lien de causalité entre les inexactitudes qui lui étaient reprochées et le préjudice représenté par le coût de l’étude réalisée par les consultants pour le compte de sa cliente faisait défaut.

La chambre commerciale valide le raisonnement du pourvoi et censure la décision rendue en appel sur ce point. Elle énonce que « le coût de l’étude litigieuse […] ne constituait pas une suite immédiate et directe de la faute de la banque » et ajoute que ce coût « ne pouvait être mis à la charge de la banque qu’en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».

Le refus d’indemniser des frais supportés par un plaideur pour la défense de ses intérêts en dehors de l’article 700 n’est pas une position nouvelle de la Cour de cassation. Depuis une décision de la deuxième chambre civile de 2004, qui se prononçait alors sur des frais d’avocats et conseils spécialisés en propriété intellectuelle (Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 03-15.155, D. 2004. 2195 ), ce principe a été affirmé à plusieurs reprises par différentes formations de la haute juridiction. Qu’il s’agisse d’honoraires d’avocats ou de conseils privés (Civ. 2e, 17 nov. 2011, n° 10-20.400 ; Com. 14 mars 2018, n° 16-24.635, Dalloz jurisprudence), de frais de constat d’huissier (Soc. 16 sept. 2009, n° 07-45.725, Dalloz jurisprudence), de la rémunération d’un géomètre expert (Civ. 2e, 8 déc. 2011, n° 10-27.408, Dalloz jurisprudence), de frais de courrier et de déplacements personnels (Civ. 1re, 11 mai 2017, n° 16-10.959, D. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ), ou plus largement des « tracas et frais occasionnés par la procédure » (Civ. 1re, 10 avr. 2019, n° 17-13.307, Dalloz actualité, 9 mai 2019, obs. G. Payan ; D. 2019. 812 ), ce principe s’impose.

Ces nombreuses décisions se contentaient d’affirmer au soutien de la solution que « les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ». La doctrine avait donc spéculé sur la justification de la solution : lien de causalité, lex specialis, relativité aquilienne (F.-X. Licari, Les frais d’avocat comme dommage réparable, RLDC, oct. 2006, n° 31, p. 66) ? La plupart des commentateurs y voyaient une application de la règle specialia generalibus derogant (P. le Tourneau [dir.], Droit de la responsabilité et des contrats 2018/2019, Dalloz Action, n° 2124.32, p. 559 ; F. Vinckel, note sous Civ. 2e, 8 juill. 2004, Dr. et proc. 2005, p. 29 ; S. Hocquet-Berg, ss Soc. 16 sept. 2009, RCA 2010. Comm. 45), la règle spéciale de l’article 700 du code de procédure civile l’emportant face aux dispositions à portée générale sur la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle.

La Cour de cassation se montre ici plus loquace et semble ainsi prendre un autre parti. Saisie par un pourvoi invoquant l’absence de lien de causalité, c’est le raisonnement qu’elle retient. Cependant, force est de constater que la chambre commerciale prend soin d’ajouter que l’article 700 était le fondement approprié à la prétention du défendeur au pourvoi, ce qui tend plutôt à rappeler les décisions précédemment évoquées.

Une conception rigoureuse de la causalité, dans l’esprit de la théorie de la cause adéquate, a pour effet de restreindre le champ de la responsabilité. À ce titre, il est admis que, lorsque la volonté de la victime vient s’intercaler entre le fait générateur initial et la survenance d’un préjudice, ce dernier ne constitue plus la « suite immédiate et directe » du fait imputé à celui dont la responsabilité est recherchée. En l’espèce, la société cliente de l’établissement de crédit a décidé par elle-même d’avoir recours aux services d’un cabinet de conseil afin de l’aider à déterminer si le TEG indiqué par la banque correspondait à la réalité. Ceci suffit pour la Cour de cassation à rompre le lien de causalité.

Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile en 2017 (Civ. 2e, 8 juin 2017, n° 16-19.185, Dalloz actualité, 27 juin 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 2224, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2224, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ) avait déjà suivi un raisonnement similaire. Il s’agissait d’une victime du Distilbène qui avait fait rédiger par un médecin-conseil une note critiquant le rapport d’expertise judiciaire et cherchait à en obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité civile. La haute juridiction avait approuvé les juges du fond qui, retenant souverainement que ladite note « n’était pas indispensable dans le cadre de la présente procédure », démontraient ainsi « que le coût de cette prestation résultant de l’initiative de [la victime] n’était pas la conséquence de la faute de la société ».

La solution, à la lumière de ce précédent arrêt, semble ouvrir la porte à une certaine casuistique, ou du moins focaliser le débat sur les circonstances factuelles – d’où la référence à l’appréciation souveraine des juges du fond – puisqu’il s’agirait de déterminer si chaque démarche était indispensable ou non. Sur ce fondement, il semblerait que les honoraires d’un avocat soient bien pour le plaideur une dépense indispensable au succès de ses prétentions et donc à la défense de ses intérêts. Le défaut de lien de causalité serait alors impuissant à justifier toutes les hypothèses couvertes par la jurisprudence qui affirme l’exclusivité de l’article 700 du code de procédure civile.

Reste donc à voir la postérité de ce fondement juridique, qui suscite sans doute plus de questions qu’il ne fournit de réponses. Il n’en demeure pas moins que le plaideur n’a donc d’autre choix que de se tourner vers l’article 700. Il perd le bénéfice du principe de réparation intégrale, puisque l’indemnité forfaitaire accordée par souci d’équité y est laissée à l’appréciation du juge. D’aucuns décrient d’ailleurs la tendance de la pratique judiciaire à des condamnations parcimonieuses comme peu équitable eu égard à la réalité des montants encourus.

Il est certain que la question des frais liés au procès impose la mise en balance de différents types de raisonnement et de différents enjeux. Il s’agit tout à la fois de garantir les droits des plaideurs (dont le libre accès à la justice ou encore le droit à réparation intégrale de son préjudice) et d’éviter une inflation des frais de justice tout en ménageant la liberté de fixation des honoraires des auxiliaires de justice. Même sous le seul angle de l’analyse économique, les opinions et experts divergent sur la solution à y apporter (v. F.-X. Licari, art. préc.).

Deux appelants voient leur appel radié pour défaut d’exécution de la décision de première instance par application de l’article 526 du code de procédure civile. Aucun déféré n’étant possible contre cette mesure d’administration judiciaire, ils forment alors un recours contre l’ordonnance afin de voir constaté l’excès de pouvoir du Conseiller de la mise en état. Mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence le juge irrecevable dès lors que la mesure de radiation du rôle, prise en application de l’article 526 du code de procédure civile, est une mesure d’administration judiciaire, sans aucun caractère juridictionnel et sans aucune incidence sur le lien d’instance qui subsiste. Au visa des articles 526, 537 et 916 du code de procédure civile, ensemble l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation accueille le pourvoi, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt et renvoie les parties à nouveau devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée dès lors « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il était allégué que la radiation de l’affaire procédait d’une méconnaissance par le conseiller de la mise en état de l’étendue de ses pouvoirs, dès lors que le jugement attaqué n’était pas assorti de l’exécution provisoire à l’égard de Monsieur Bandachowicz, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cet arrêt de la deuxième chambre civile, destiné à une large publication, qui autorise un recours-nullité contre une mesure d’administration judiciaire est-il un revirement ? Disons-le d’emblée, pas véritablement, mais la solution dégagée, audacieuse, doit être saluée.

Les praticiens savent en effet que si, en cas d’absence de voie de recours, toute décision peut faire l’objet d’un recours-nullité immédiat si le juge a commis un excès de pouvoir, ils savent aussi (sans doute un...

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Sur le marché français de la vente à emporter et de la livraison de pizzas, deux concurrents s’opposent vivement depuis plusieurs années. Speed Rabbit Pizza (ci-après la société SRP), qui a subi une baisse significative de son chiffre d’affaires en raison de la fermeture d’une trentaine de points de vente, impute effectivement ses difficultés aux pratiques illicites de la société Domino’s Pizza France (ci-après la société DPF). Elle reproche à cette enseigne, exclusivement exploitée sous forme de franchise, d’accorder à ces franchisés des avantages illicites comme des délais de paiement anormalement longs, des prêts contrevenant au monopole bancaire, des effacements de dettes ou encore des possibilités de racheter les fonds à vil prix.

Avant de porter l’affaire devant la juridiction commerciale, le dirigeant de la société SRP, M. K…, a exprimé publiquement son mécontentement. Dès 2010, à l’occasion d’un salon professionnel sur la franchise, il s’est permis de diffuser un quizz invitant à choisir, parmi plusieurs concurrents sur le marché considéré, celui qui pratique « des délais de paiement très largement supérieurs à la loi, preuve de la faible rentabilité du concept ». Puis, parallèlement à son action judiciaire, M. K… a vertement critiqué, sur Twitter et Amazon, un ouvrage dans lequel il est écrit que les produits de la société DPF sont frais alors que beaucoup d’entre eux seraient en réalité « décongelés ». En 2013, le dirigeant a également affirmé sur son blog que de nombreuses pratiques illicites imputables à la société DPF étaient couvertes par la presse, la politique et la justice.

Ces propos ont justifié que, devant la juridiction de première instance alors saisie par la société SRP d’une action en concurrence déloyale à l’encontre de la société DPF, cette dernière agisse de son côté en dénigrement à l’encontre de la demanderesse. C’est d’ailleurs cette prétention reconventionnelle qui a emporté la conviction du tribunal de commerce de Paris qui, dans un jugement du 7 juillet 2014, a condamné la société SRP à verser 2 300 000 € de dommages-intérêts au bénéfice de la société Domino’s pour dénigrement, procédure abusive et désorganisation de réseau. Observons que la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile est également particulièrement élevée puisqu’elle s’élève à 500 000 €. En appel, les demandes de la société Speed Rabbit sont à nouveau rejetées dans leur ensemble, même si la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 25 octobre 2017, diminue le montant des dommages-intérêts alloués pour dénigrement à la somme de 500 000 €.

Cette décision est contestée par le présent recours et notons que deux autres arrêts font l’objet de pourvois à l’initiative de franchisés de la société SRP. Fondée sur de nombreux moyens, l’action invite la haute juridiction à se positionner sur deux axes : la réalité des comportements illicites imputés à la société DPF et la caractérisation du dénigrement que cette dernière estime avoir subi.

La réalité des comportements illicites constitutifs d’une concurrence déloyale

La Cour de cassation demande à la juridiction d’appel de revoir sa copie sur la question de l’existence de pratiques illicites imputables à la société Domino’s. Elle reproche plus particulièrement aux juges du fond de ne pas avoir pris en considération les pièces versées en cause d’appel par la société SRP dans l’appréciation de l’existence de l’octroi de délais de paiement anormalement longs et de ne pas avoir recherché « si les facilités de paiement en cause ne revêtaient pas la qualification de prêts prohibés par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, sans pouvoir entrer dans la dérogation prévue par l’article L. 511-7, I, 3°, du même code ». Il semble que la Cour de cassation reproche sa méthodologie à la cour d’appel, cette dernière ayant déduit de l’absence d’effet des pratiques éventuellement critiquées le défaut de déloyauté contrairement à ce que la jurisprudence pertinente exige. Le cadre principiel exclut effectivement cette façon de raisonner. Une action en concurrence déloyale est bien fondée dès lors qu’elle repose sur la démonstration d’un comportement fautif à l’origine d’un préjudice, comportement fautif qui peut trouver son origine dans l’inobservation d’une réglementation appliquée par les entreprises concurrentes (Com. 19 juin 2001, n° 99-15.411, Bull. civ. IV, n° 123 ; D. 2001. 2824 , obs. E. Chevrier ). Ainsi, si des réglementations ont été violées par la société DPF, cette violation est à l’origine d’un trouble commercial préjudiciable. Il convenait donc de se positionner sur le terrain de la réalité des pratiques illicites plutôt sur celui de leurs effets.

Concernant les délais de paiement illicites, la cour d’appel s’est contentée de relever qu’en l’absence de lien systématique entre l’existence de cette pratique et la présence d’un point de vente concurrent de la société SRP dans les zones de chalandise en cause, aucune stratégie d’éviction imputable à la société DPF ne pouvait être retenue. C’est pour cette raison que la cassation est encourue. Il lui faudra, lors du second examen, vérifier si la société DPF a effectivement violé les dispositions de l’article L. 441-6-8 du code de commerce au détriment de ses concurrents.

Concernant l’octroi illicite de prêts, la cour d’appel retient que les prêts litigieux ne sont pas illicites car ils ont été accordés à titre onéreux et qu’ils ne présentent pas de caractère anormal dès lors que seules des facilités financières ont été octroyées en application de l’exception au monopole des établissements financiers à ses franchisés avec lesquels elle entretient un lien capitalistique (exception prévue dans C. mon. fin., art. L. 511-7 I, 3° : une société est autorisée à « procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres »). La cour observe par motifs adoptés que la société DPF étant la seule à approvisionner à titre exclusif ses franchisés en denrées, il lui est permis d’accorder en contrepartie de cette exclusivité des facilités de paiement. Or, à nouveau, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si, en l’espèce, les facilités ne sont pas en réalité des prêts qui n’entrent pas dans le cadre de la dérogation. La cour d’appel de renvoi aura donc à rechercher si les facilités financières litigieuses ont été accordées à titre habituel et auprès de plusieurs franchisés (v., sur ce point, Com. 8 mars 2017, n° 15-25.491, Dalloz jurisprudence) et, dans l’affirmative, si la société DPF détient effectivement un pouvoir de contrôle sur ces franchisés compte tenu de sa participation dans le capital des franchisés concernés lui permettant de se prévaloir d’une dérogation.

Si l’une ou l’autre de ces deux pratiques devait être qualifiée d’illicite, alors une situation de concurrence déloyale pourrait en être déduite dès lors que la société concurrente aura nécessairement subi un préjudice en appliquant des dispositions légales volontairement ignorées par la société DPF. C’est en tout cas ce que semble affirmer la Cour de cassation, reprenant sur ce point une jurisprudence constante (v. réc. Com. 11 janv. 2017, n° 15-18.669, Légipresse 2017. 64 et les obs. ), en affirmant que, dès lors qu’« il s’infère nécessairement un préjudice d’un acte de concurrence déloyale », la cour d’appel aurait dû rechercher « si l’octroi de délais de paiement illicites et de prêts en méconnaissance du monopole bancaire n’avait pas pour effet d’avantager déloyalement les franchisés de la société DPF au détriment des franchisés de la société SRP, et ainsi de porter atteinte à la rentabilité et à l’attractivité du réseau concurrent ».

La caractérisation d’un dénigrement

La Cour de cassation confirme en revanche le raisonnement de la cour d’appel, qui a retenu à l’encontre de la société SRP un comportement dénigrant. La demanderesse contestait la qualification de dénigrement car les propos litigieux ne concernent que la société SRP et non ses produits ou ses services de sorte que seule la diffamation pouvait être retenue à son encontre. Il a effectivement été jugé que, si des propos jettent le discrédit uniquement sur une personne morale déterminée, y compris lorsque ceux-ci rejaillissent sur l’activité de cette dernière, alors seule une action en diffamation est ouverte (v. sur ce point Com. 7 mars 2018, n° 17-12.027, D. 2019. 216, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2018. 249 et les obs. ). A contrario, le dénigrement peut être retenu sur le fondement de l’article 1382 du code civil (actuel art. 1240) s’il porte sur les produits ou services d’une entreprise (Com. 26 sept. 2018, n° 17-15.502, Dalloz jurisprudence).

La question ne porte donc ni sur le caractère public ni sur le caractère avéré des propos litigieux mais sur leur objet. Or, comme le souligne la Cour de cassation, les juges du fond ont logiquement déduit des termes du dirigeant de la société SRP, selon lesquels les produits alimentaires de la société DPF n’étaient pas frais mais congelés, mais également de ceux selon lesquels les services rendus par la tête de réseau à ses franchisés étaient illicites l’existence d’un dénigrement. En dehors des propos visant les produits servant à la fabrication des pizzas, qui auraient suffi à emporter la qualification de dénigrement au profit de celle de diffamation, on retiendra de cette décision que les « produits ou services » d’une entreprise sont, dans le cadre d’une action en dénigrement, aussi bien ceux destinés aux utilisateurs finals de l’enseigne (consommateurs) que ceux profitant aux membres du réseau (franchisés).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation apporte des précisions sur la distinction entre dénigrement et diffamation et rappelle l’incidence de pratiques illicites sur la caractérisation d’un acte de concurrence déloyale.

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Auteur d'origine: cspinat

Dans la situation où un titre est corroboré par une possession d’état ayant duré au moins cinq ans, nul ne peut attaquer la filiation ainsi établie conformément à l’article 333, alinéa 2, du code civil. Ce délai est préfix, i.e. un délai de forclusion insusceptible de suspension puisque non soumis au titre XXe du livre III du code civil. Les éléments constitutifs d’une possession d’état sont des éléments laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond. Doit donc être rejeté le pourvoi qui arguait de la suspension du délai de cinq ans de l’article 333, alinéa 2. 

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Auteur d'origine: Dargent

La Cour de cassation se prononce ici, principalement, sur une question discutée depuis longtemps concernant l’interprétation de l’article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative aux conditions d’interruption de la prescription quadriennale.

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Auteur d'origine: Dargent

Le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de curatelle ne fait pas obstacle à l’action en nullité pour insanité d’esprit. 

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Auteur d'origine: GOETZ

Si, en application du règlement Rome II, en matière non contractuelle, la victime peut agir directement contre l’assureur du responsable si la loi applicable, à l’obligation non contractuelle ou au contrat d’assurance, le prévoit, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi de ce contrat.

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Auteur d'origine: Dargent

La Cour de cassation, appliquant pour la première fois l’article 1199-3 du code de la procédure civile, s’est prononcée sur la répartition des rôles entre le juge des enfants et le gardien de l’enfant quant aux modalités d’organisation d’un droit de visite médiatisé sur un enfant placé au titre de l’assistance éducative.

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Auteur d'origine: Dargent

Par un arrêt du 19 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur l’étendue de l’office du juge dans la procédure européenne d’injonction de payer.

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Auteur d'origine: fmelin

La nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d’assurance automobile conclu par un souscripteur étant, depuis un revirement de jurisprudence récent, inopposable à la victime ou ses ayants droit, le FGAO ne peut être appelé à prendre en charge tout ou partie de l’indemnité versée par l’assureur.

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Auteur d'origine: Dargent

La Cour de cassation se prononce, par deux arrêts du 15 janvier 2020, sur la mise en œuvre de l’Accord franco-camerounais de coopération en matière de justice du 21 février 1974, à propos de différents aspects de droit international privé.

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Auteur d'origine: fmelin
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1. Voici une solution montrant l’emprise du temps sur le droit de la filiation. L’arrêt en date du 15 janvier 2020 rappelle la distinction entre prescription et forclusion dans le contentieux familial. En l’espèce, les faits trouvent comme point de départ une action en contestation de maternité d’enfants nés à l’étranger. En appel, la personne ayant engagé l’action initialement se voit déboutée car le délai de forclusion de l’article 333, alinéa 2, était écoulé. La demanderesse souhaitait, toutefois, voir reconnaître un empêchement à agir ce qui aurait entraîné une suspension de l’écoulement du temps juridique. Le raisonnement de la Cour de cassation est clair : le rejet du pourvoi résulte de la nature du délai de forclusion insusceptible de suspension. La possession d’état ayant été appréciée souverainement par les juges du fond, le spectre de la cassation paraissait bien lointain. Cette solution invite à quelques précisions sur la nature du délai et sur le rôle de la possession d’état en tant que révélateur de la vérité sociologique.

2. L’article 333, alinéa 2, du code civil édicte-t-il un délai de prescription ou un délai de forclusion ? La Cour de cassation rappelle un arrêt précédent dans sa motivation : c’est la seconde branche de l’option qui doit être préférée (Civ. 1re, 1er févr. 2017, n° 15-27.245, D. 2017. 298 ; ibid. 599, chron. I. Guyon-Renard ; ibid. 729, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 2018. 528, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 641, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 1664, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2017. 203, obs. J. Houssier ; RTD civ. 2017. 363, obs. J. Hauser )....

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