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La mesure d’instruction ordonnée en référé ne suspend pas la prescription de l’action en nullité d’un contrat construction lorsque son objet portait sur les causes et conséquences des désordres de l’ouvrage.

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Auteur d'origine: Garcia

Le juge judiciaire, depuis le 1er janvier 2013, est compétent pour connaître des irrégularités dont serait entachée une décision administrative d’hospitalisation psychiatrique sous contrainte dès lors qu’elle n’a pas été préalablement soumise au contrôle du juge administratif. La réparation du dommage résultant d’une décision illégale n’est pas subordonnée à l’exercice préalable des voies de recours permettant d’en contester la légalité.

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Auteur d'origine: npeterka

L’acquéreur d’une parcelle enclavée ne peut se voir refuser le bénéfice d’une servitude légale de passage au motif que son vendeur a renoncé au droit de passage qui lui avait été consenti. Une telle renonciation ne peut avoir qu’un effet relatif strict.

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Auteur d'origine: dpelet

En application des articles 251 du code civil et 1106 du code de procédure civile, des conclusions déposées postérieurement à la requête en divorce ne peuvent en affecter la régularité, même si elles mentionnent des griefs étrangers aux demandes formulées au titre des mesures provisoires.

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Auteur d'origine: abolze
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L’un autorise la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données personnelles dénommé « PLINE » et « PLEX », l’autre est relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via la plateforme sécurisée d’échange de fichiers « PLINE » et « PLEX ». S’ils semblent apporter des améliorations informatiques, leurs dispositions sont cependant assez mystérieuses et laissent le processualiste bien perplexe.

 

2019 est une année riche, pour ne pas dire foisonnante, en matière de communication par voie électronique. Deux nouveaux arrêtés techniques viennent compliquer un peu plus l’édifice réglementaire. Si l’un des deux évoque la « communication par voie électronique » (CPVE), le lecteur reste perplexe sur l’objet de ces arrêtés. À première vue, il semble s’agir de contributions à la « cyberprocédure civile » – ou communication par voie électronique 2.0 – mais aussi à la CPVE version 1 (C. Bléry et J.-P. Teboul, De la communication par voie électronique au code de cyber procédure civile, JCP 2017. 665 ; « Numérique et échanges procéduraux », in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s.) ; plus généralement, les deux textes paraissent régir toutes sortes d’échanges – et non pas seulement des échanges procéduraux… alors pourtant qu’ils sont pris au visa du titre XXI du livre 1er du code procédure civile, visa curieusement tronqué, puisque limité aux seuls six premiers articles de ce titre, qui en compte neuf, sans que l’on ait compris pourquoi. La procédure pénale est d’ailleurs également concernée mais nous laisserons cet aspect de côté. Tentative de décryptage pour la procédure civile.

Contexte

Rappelons qu’au Journal officiel du 4 mai 2019 a été publié un décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 portant diverses mesures relatives à la communication électronique en matière civile et à la notification des actes à l’étranger. L’essentiel résidait dans une première mise en œuvre concrète de cette « communication par voie électronique 2.0 » (sur cet aspect numérique, v. Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, et Communication par voie électronique : publication d’un décret, D. 2019. 1058 ), surtout pour les personnes morales visées à l’article 692-1 du code de procédure civile, mais aussi pour les particuliers : en effet, selon sa notice, le décret « adapte les règles de la communication électronique à l’utilisation d’une plateforme d’échanges dématérialisés utilisée avec les personnes mentionnées à l’article 692-1 du code de procédure civile. Il ouvre aux justiciables qui y consentent la possibilité de recevoir sur le Portail du justiciable du ministère de la justice les avis, convocations et récépissés qui leur sont adressés par le greffe ».

En particulier, le décret a inséré un alinéa 2 nouveau à l’article 748-3. Sans que soit remis en cause l’alinéa 1er prévoyant que les envois, remises et notifications au sens de l’article 748-1 font l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire, un tempérament pour les personnes morales de droit privé ou public (art. 692-1) est désormais prévu. Lorsque les transmissions par voie électronique interviennent par l’intermédiaire d’une plateforme d’échanges dématérialisés, elles font l’objet d’un avis de mise à disposition adressé au destinataire à l’adresse qu’il aura choisie : les actes seraient téléversés à un dossier dématérialisé. Le décret a également modifié l’article 748-6, alinéa 1er, en ajoutant la date de la mise à disposition dans la liste des éléments qui doivent être garantis par un procédé technique défini par arrêté. Avec l’avis de mise à disposition – notion inédite –, le décret s’est détaché de la règle de l’équivalence fonctionnelle qui avait inspiré l’article 748-3, alinéa 1er, tout en précisant que le nouvel avis de mise à disposition tient « lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception ». Précisons que les arrêtés existant à ce jour ne comportant pas de notion d’« avis de mise à disposition », ils devront probablement être modifiés sur ce point…

Le décret du 3 mai 2019 avait aussi fait subir une modification très importante à l’article 748-8. L’article ne réglemente plus les courriels et les textos transmettant des avis. Il régit désormais le Portail du justiciable (v. Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, préc.). Celui-ci est défini comme « une application fondée sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles utilisant le réseau internet » (arr. 6 mai 2019, art. 1er), « un système d’information fondé sur les procédés techniques d’envoi automatisé de données et d’éditions » (Arr. 6 mai 2019, art. 2 ; v. aussi arr. 28 mai 2019, art. 1er). Ce portail concerne les justiciables des juridictions judiciaires à l’exclusion de ceux des tribunaux de commerce (disposant de leur propre « tribunal digital », v. Dalloz actualité, 19 avr. 2019, obs. C. Bléry et T. Douville) et de la Cour de cassation : c’est ainsi qu’« il permet la communication par voie électronique au justiciable des avis, convocations et récépissés émis par le greffe d’un tribunal d’instance, d’un tribunal paritaire des baux ruraux, d’un tribunal de grande instance, d’un conseil de prud’hommes ou d’une cour d’appel dans les conditions fixées par le présent arrêté » – demain, le justiciable d’un tribunal judiciaire.

C’est d’abord le Portail du justiciable qui a occupé la Chancellerie. Deux arrêtés techniques relatifs à cette plateforme (sur lesquels, v. Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry), qui étaient appelés par l’article 748-8 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret, ont été publiés au Journal officiel du 6 juin 2019, l’un date du 6 mai, l’autre du 28 mai. Nous constations que le Portail ne permet qu’une CPVE assez limitée, à but essentiellement informatif pour le justiciable qui ne peut, notamment, transmettre lui-même des actes de procédure, ce qui constituait pourtant une brique pour la cyberprocédure civile. En effet, l’alinéa 748-8, alinéa 3, nouveau avait intégré la logique plateforme : « la partie est alertée de toute nouvelle communication par un avis de mise à disposition envoyé à l’adresse électronique indiquée par elle qui indique la date et, le cas échéant, l’heure de celle-ci ». « De sorte », disions-nous (C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, art. préc.) « que le courriel reprend du service, mais n’est plus le support de l’acte de procédure lui-même : il est seulement celui de l’information que cet acte est à disposition sur une plateforme […] ». L’article 8 de l’arrêté du 6 mai évoque donc ces courriels adressés via le « Portail du justiciable » : il précise en outre qu’ils « sont formatés par l’application et émis au nom du service compétent par les utilisateurs authentifiés », tandis que l’article 9 redonne de son côté du service aux textos pour rafraîchir la mémoire du justiciable sur le modèle des rappels de rendez-vous chez le médecin ou le dentiste : « les rappels d’audience ou d’auditions sont envoyés au numéro de téléphone portable déclaré par le justiciable ».

Les deux arrêtés du 24 octobre 2019 (ci-après arrêté traitement automatisé et arrêté CPVE) sont d’ores et déjà en vigueur faute de dispositions transitoires. Ils régissent deux plateformes, de telle sorte qu’ils semblent constituer une nouvelle brique pour la cyberprocédure civile. En particulier, l’article 10 de l’arrêté CPVE prévoit que « les envois, remises et notifications [sur lesquels, v. infra] déposés sur les plateformes PLINE et de PLEX provoquent l’envoi automatique d’un avis de mise à disposition au destinataire ». Ils semblent donc liés à l’article 748-3 dans sa version issue du décret du 3 mai 2019, qui a créé cette notion inédite et dépourvue d’équivalence avec la procédure civile papier.

Textes

Il a pu être écrit que « PLEX (plateforme d’échanges externe) est ce système qui va permettre aux avocats et aux greffes de s’adresser des pièces au-delà de 10 mégaoctets, de manière sûre. En pratique, il s’agit d’une plateforme d’échange, hébergée dans les datacenters de la Chancellerie.

PLINE (plateforme d’échanges interne État) est, pour sa part, une version interne à l’État, entre agents du ministère de la justice et agents d’autres ministères, dont l’objectif est de permettre l’échange de pièces entre enquêteurs et greffes » (v. Actualités du droit, PLINE et PLEX, Les plateformes d’échange de documents entre acteurs de la justice bientôt mises à disposition ?, art. G. Marraud des Grottes).

Pour intéressants qu’ils soient, ces éléments d’analyse ne figurent pas dans les arrêtés, qui n’évoquent ni les avocats, ni le RPVA, ni les tailles de fichiers et qui ne semblent pas réserver PLINE aux seuls « enquêteurs »…

Déjà, et de manière générale, et comme pour le Portail du justiciable (C. Bléry, art. préc.), on s’interrogera « sur la pertinence du choix d’édicter deux arrêtés et non pas un seul : la lisibilité des textes en est réduite, dans une matière pourtant déjà assez complexe ! »

Ensuite, on l’a dit, l’objet procédural de ces arrêtés ne nous apparaît pas clairement. En effet, selon l’article 1er de l’arrêté CPVE, « PLINE […] est une plateforme d’échanges sécurisés de fichiers entre les agents du ministère de la justice et les agents d’autres ministères, mise en œuvre par le ministère de la justice » et « PLEX […] est une plateforme d’échanges sécurisés de fichiers entre les agents du ministère de la justice et les personnes extérieures à l’État, mis en œuvre par le ministère de la justice » ; l’article 2, alinéa 1er, du même arrêté précisant que « PLINE sous la forme d’un site intranet [sic ; ne manque-t-il pas un morceau de phrase ?], PLEX se présente sous la forme d’un site internet ». Mais, de son côté, l’article 1er de l’arrêté traitement automatisé dispose qu’« est autorisée la mise en œuvre, par le ministère de la justice, d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé plateforme d’échanges interne État (PLINE) et plateforme d’échanges externe (PLEX), ayant pour finalités la mise en place d’un système d’échanges sécurisés de fichiers entre, d’une part, les agents du ministère de la justice et les agents d’autres ministères et, d’autre part, entre les agents du ministère de la justice et les personnes extérieures à l’État ». Dès lors, PLINE et PLEX sont-elles des plateformes d’échange, de simples traitements automatisés de données personnelles, des sites internet, voire les trois à la fois ? Faut-il considérer que « traitement de données », « plateforme » et « site » sont synonymes ? La fluctuation dans la terminologie des arrêtés le laisse en effet penser. On peut, une nouvelle fois, regretter que la notion de « plateforme » ne soit pas définie (v. déjà, en ce sens, notre art. préc. à propos du décret du 3 mai 2019).

Si la nature des objets PLINE et PLEX interroge, il n’est pas simple de comprendre qui sont les utilisateurs. L’article 1er des deux arrêtés évoque les « agents des ministères » et des « personnes extérieures à l’État ». De son côté, l’article 2, alinéa 2, de l’arrêté CPVE précise que « ces deux plateformes permettent l’échange d’informations entre les acteurs déclarés au préalable et les juridictions judiciaires, à l’initiative de l’une ou l’autre des parties ». Si l’on se fie à la rédaction d’arrêtés précédents (par exemple, ceux du 7 avr. 2009 ou du 5 mai 2010), les magistrats et les greffiers sont englobés dans la notion d’« agents du ministère de la justice ». Quels seront les autres ministères concernés et donc quels agents ? Et qui sont les « personnes extérieures à l’État » ? On peut penser aux greffes des tribunaux de commerce déjà destinataires, via PLEX, des décisions à publier au fichier national des interdits de gérer (FNIG) prononcées par les juridictions répressives, aux personnes morales de l’article 692-1 du code de procédure civile, puisque le décret du 3 mai 2019 a adapté l’article 748-3 pour elles et que l’article 5 de l’arrêté CPVE évoque le rôle des représentants légaux ; y en a-t-il d’autres ? En particulier, nous posons une nouvelle fois la question de savoir si les avocats sont concernés.

Et comment s’articuleront les deux plateformes ? Imaginons que l’État soit partie à un procès civil, il intervient par l’agent judiciaire du Trésor, la CPVE s’organisera à son égard via PLINE et à l’égard des autres parties au procès par PLEX ?

Par ailleurs, si, selon l’alinéa 3 de l’article 2 de l’arrêté CPVE, « la liaison avec le site [PLINE ou PLEX] s’effectue au moyen d’un protocole sécurisé standard et détaillé à l’article 6 », l’article 3 prévoit que « les agents du ministère de la justice y accèdent via le réseau privé virtuel [de la] justice (RPVJ) dont les fonctions sont spécifiées par l’arrêté du 31 juillet 2000 susvisé. Cet accès est contrôlé par un identifiant et l’usage d’un mot de passe strictement personnels », ce qui renvoie à la CPVE version 1. Or il n’existe pas de « tuyaux » (RPVJ) devant toutes les juridictions… Notons également le visa des articles 748-1 à 6. (Où sont passés les articles 748-7 à 9 ?)

Cela veut-il dire que PLINE et PLEX ne sont pas utilisables par tous les « agents du ministère de la justice » ?

À propos de l’identification, l’article 4 de l’arrêté CPVE prévoit une procédure plutôt floue : la vérification est effectuée par le ministère de la justice… mais comment ? Quelle est la nature de ces vérifications. L’alinéa 1er dispose en effet que, « pour les utilisateurs mentionnés à l’article 1er du présent arrêté, l’utilisation de PLINE et de PLEX est conditionnée à la déclaration préalable de leur identité, leur organisation d’appartenance et de leur adresse de messagerie électronique dans l’annuaire de la plateforme. Cette déclaration est effectuée par le ministère de la justice, en lien avec l’organisation du partenaire, après vérification de la fiabilité de ces informations, les données enregistrées permettant d’authentifier l’utilisateur de la plateforme ». Or qu’est-ce que l’organisation du partenaire ? Qui plus est : qui est le partenaire ? Est-ce la personne morale ? Quel est le lien avec cette organisation ?

Quoi qu’il en soit, l’article 4 semble faire supporter au ministère la vérification de la fiabilité des informations, tandis que, de son côté, l’article 5 dispose que « la procédure d’enregistrement, de modification et de désinscription des données d’identification et d’habilitation est effectuée à l’initiative des représentants légaux des utilisateurs visés à l’article 1er et sous leur contrôle ». Il semblerait ici que les représentants légaux des utilisateurs assument le contrôle de la procédure d’enregistrement. N’y a-t-il pas contradiction avec l’article 4 ?

Si l’on considère que le contrôle opéré par le représentant légal d’une personne morale pour l’enregistrement de cette dernière est suffisant, cela paraît revenir à investir du pouvoir de contrôle celui-là même dont les déclarations sont à vérifier…

Pour mémoire, le système de contrôle du lien de représentation légale existant entre une personne physique et une personne morale a été organisé, devant le tribunal de commerce et pour la mise en œuvre de l’arrêté du 9 février 2016 (C. Bléry, Securigreffe : l’identité numérique judiciaire opposable est née, JCP 2016. 256), par le recueil d’une copie de pièce d’identité et le rapprochement de cette identité déclarée avec celle du représentant légal figurant au registre du commerce et des sociétés, laquelle est juridiquement opposable par le jeu de l’article L. 123-9 du code de commerce ; c’est le système dénommé Monidenum (v. https://www.monidenum.fr/).

N’y aurait-il pas intérêt à ce que la vérification du rapport de représentation légale entre une personne physique et une personne morale soit assurée, pour l’accès électronique aux autres juridictions que le tribunal de commerce, selon un mécanisme similaire, voire, puisqu’il existe déjà, le même ? Cela faciliterait les choses…

Selon les alinéas 2 et 3 de l’article 4, « une fois ces identifiants enregistrés dans les plateformes PLINE et de PLEX, l’utilisateur reçoit un courriel l’invitant à se connecter sur celles-ci à l’aide du mot de passe fourni et généré par ces applications puis à changer ce mot de passe » et « l’utilisation de l’adresse de messagerie enregistrée et du mot de passe strictement personnels permet de garantir l’identité des parties concernées, d’authentifier leur qualité et de contrôler leur habilitation à utiliser les plateformes PLINE et de PLEX ». Est-ce à dire que l’authentification de la personne en tant que représentant légal d’une personne morale de 692-1 résulte du simple fait de l’utilisation de l’adresse de messagerie et du mot de passe ? Ici et comme dit supra, le rapprochement de l’identité déclarée avec celle du représentant légal figurant aux registres légaux serait de nature à sécuriser l’authentification de la personne agissant sur PLEX pour le compte d’une personne morale.

L’article 10 de l’arrêté CPVE, précité, suscite aussi des interrogations. Il évoque « les envois, remises et notifications déposés sur les plateformes PLINE et PLEX »… Mais :

• ces envois, remises et notifications, à défaut de précisions, sont-ils ceux de l’article 748-1 ? Visent-ils d’autres transmissions ? La pratique montre en effet que, par exemple, un jugement émanant d’une juridiction pénale et portant interdiction de gérer, est transmis au greffier de tribunal de commerce concerné aux fins d’inscription au fichier national des interdits de gérer via PLEX. Quant aux objets à transmettre, les arrêtés visent des « fichiers » et des « informations » ? Mme Marraud des Grottes (art. préc.) évoque des « documents […]. Il ne s’agirait donc pas nécessairement d’actes de procédure au sens de l’article 748-1 du code de procédure civile ou plutôt, les actes de procédure stricto sensu seraient englobés dans cette notion non procédurale de « fichiers » ou « informations » ? Dès lors, il semble que la CPVE évoquée par l’arrêté ne soit pas celle du code de procédure civile : ni la version 1 ni la version 2, qui sont toutes les deux « de la procédure civile avant tout » (C. Bléry et J.-P. Teboul, La communication par voie électronique, de la procédure civile avant tout !, JCP 2012. 118) ?

• quelle est cette notion de « dépôt », inconnue de 748-1 ? Si le mot « dépôt » est souvent utilisé en pratique pour « remise », il y a ici quelque chose d’étrange : les remises, comme les envois et notifications, sont… déposées ! Un acte (de procédure, de l’article 748-1) peut être déposé – et faire l’objet d’un avis de mise à disposition, mais comment une « transmission » (pour employer un terme générique) peut-elle être déposée ? N’y a-t-il pas d’ailleurs confusion entre CPVE 1 et CPVE 2 (dans la mesure où elles sont bien régies par les arrêtés (?), v. supra) : en effet, on peut imaginer que les actes de procédure sont tous déposés sur une plateforme, mais alors, dans ces conditions, les notions de remise et d’envoi n’ont plus de sens… Si certains actes de procédure sont « déposés », à l’instar de la demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, ce n’est qu’en raison de la prévision de ce « dépôt » par un texte, ici l’article R. 621-1 du code de commerce.

Pour le reste, l’arrêté CPVE, comme les autres arrêtés techniques et conformément à l’article 748-6, alinéa 1er, du code de procédure civile, prévoit « les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire ». Est-il aussi permis de penser que l’alinéa 2 du texte s’applique, qui prévoit que l’identification vaut signature des mystérieux « fichiers », « informations » « déposés »…

(Pour les caractéristiques informatiques, v. Actualités du droit, PLINE et PLEX, les plateformes d’échange de documents entre acteurs de la justice bientôt mises à disposition ?, art. G. Marraud Des Grottes).

Finalement, ces textes sont-ils de la procédure civile ?

Alors que les deux réformes entrent en vigueur pour l’essentiel au 1er janvier 2020, nous vous proposons d’ores et déjà de prendre connaisance des projets de décrets sur la réforme de la procédure civile et de divorce dans leur version telle que transmise au Conseil d’État.

 

V. déjà la présentation de ces deux décrets par M. de Montgolfier, Directeur des affaires civiles et du Sceau.

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L’on sait que la demande en justice, même en référé, est interruptive de prescription en application de l’article 2241 du code civil et le référé-expertise in futurum est suspensif de prescription au sens de l’article 2239 du code civil. Toutefois, nombre de questions afférentes au cours des délais de prescription se posent toujours en droit de la construction depuis la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008 (P. Malinvaud, Les difficultés d’application des règles nouvelles relatives à la suspension et à l’interruption des délais. Code civil, art. 2220, 2233 à 2246, RDI 2010. 105 ; S. Bertolaso, Le contentieux des désordres de construction à l’épreuve de l’article 2239 du code civil, Constr.-Urb. 2012. Étude 4).

En particulier, la décision reproduite interroge sur le fait de savoir si la suspension opère de plein droit après une mesure d’instruction in futurum ou s’il faut que l’action au fond intentée par la suite poursuive le même but que l’action en référé-expertise pour qu’elle bénéficie du mécanisme de suspension de son délai de prescription.

En l’espèce, il s’agissait d’examiner la recevabilité de l’action en nullité d’un contrat de construction de maison individuelle, intentée après une assignation en référé-expertise en vue de déterminer les causes et conséquences de désordres affectant l’ouvrage, avant réception. Le maître d’ouvrage ayant conclu un contrat avec une société de construction en 2006, l’action en nullité se prescrivait en 2011 (délai de prescription de cinq ans en application de l’ancien article 1304 du code civil). Or, avant les opérations de réception, le maître d’ouvrage avait intenté une action en référé-expertise au vu des nombreuses malfaçons affectant la construction afin d’en déterminer les causes et les conséquences. À cet endroit, en vertu de l’application de l’article 2239, alinéa 1er, du code civil, la prescription se trouvait a priori suspendue puisque le juge avait fait droit à une demande de mesure d’instruction in futurum. L’expert judiciaire désigné en 2009 avait déposé son rapport en 2011. Dès lors, en application de l’article 2239, alinéa 2, du code civil, « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ». En pratique, les deux ans restants sur les cinq initiaux restaient à courir, à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise, et menaient la prescription fin 2013 (C. civ., art. 2230 : « la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru »). L’assignation du constructeur par le maître d’ouvrage en 2012, en vue d’obtenir l’annulation du contrat de construction, subsidiairement la résolution ou la réparation des désordres litigieux, semblait donc ne pas être prescrite.

Suivant cette logique, les juges du fond ont fait droit à la demande en nullité du contrat, précisant qu’il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription prévue par l’article 2239 du code civil, à savoir, exiger une identité de but des actions successives. Ils ont jugé l’expertise sollicitée en référé utile à l’appréciation de la demande en nullité du contrat, « les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction ». La cour d’appel a fait le choix audacieux d’articuler les deux actions, considérant que la seconde (au fond) était à défaut de la prolonger, à tout le moins utile, à l’appréciation de la première (en référé). Le maître d’ouvrage pouvait ainsi bénéficier du mécanisme interruptif de prescription.

En ce sens, c’était outrepasser le fait que l’action en nullité se rapporte à la formation du contrat et partant à son anéantissement, alors que l’action en détermination des causes et conséquences des désordres a trait à l’exécution du contrat et davantage à l’éventuelle mise en œuvre de la responsabilité et/ou des garanties des constructeurs (même si la sanction par la résolution reste envisageable).

Au visa de l’article 2239 du code civil, la Cour de cassation a censuré la décision rendue en appel, établissant que la demande d’expertise relative aux désordres ne tendait pas au même but que la demande d’annulation du contrat. Dès lors, la mesure d’instruction ordonnée n’avait pas suspendu la prescription de l’action en annulation du contrat. Cette dernière était donc en l’espèce, prescrite.

Au gré du renouvellement des questions contentieuses, la Cour de cassation échafaude peu à peu le régime de l’article 2239 du code civil. Il ressort, au-delà de la lettre du texte, quatre enseignements majeurs pour le domaine de la construction.

En premier lieu, la suspension de prescription n’est pas applicable au délai de forclusion (Civ. 3e, 3 juin 2015, n° 14-15.796, Bull. civ. III, n° 55 ; Dalloz actualité, 12 juin 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 1208 ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero ; RDI 2015. 400, étude S. Becqué-Ickowicz ; ibid. 414, obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire ; ibid. 422, obs. P. Malinvaud ; 2 juin 2016, n° 15-16.967, Dalloz actualité, 10 juin 2016, obs. Y. Rouquet ; D. 2016. 1254 ; AJDI 2016. 843 , obs. Y. Rouquet ; 10 nov. 2016, n° 15-24.289, Dalloz jurisprudence ; 23 févr. 2017, n° 15-28.065, Dalloz jurisprudence).
 En deuxième lieu, la suspension est applicable aux actions dérivant d’un contrat d’assurance (Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15-19.792, Bull. civ. II, à paraître ; Dalloz actualité, 1er juin 2016, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2016. 1133 ; ibid. 1886, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, O. Becuwe et N. Touati ; RDI 2016. 418, obs. D. Noguéro ).
 En troisième lieu, la suspension n’opère qu’en cas d’identité du demandeur aux actions (la suspension de la prescription tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité l’expertise durant le délai de son exécution, elle ne joue qu’à son profit: Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 18-10.011, Bull. civ. II, Dalloz actualité, 7 mars 2019, obs. M. Kebir ; D. 2019. 254 ).
 En dernier lieu, et c’est l’apport inédit de l’arrêt soumis, qui a sans doute justifié l’importante publicité de la décision (au Bulletin civil des arrêts des chambres civiles, Bulletin d’information et sur le site internet de la Cour de cassation) : une identité de but des actions est requise. Cette exigence ne ressort pas expressément des dispositions de l’article 2239 du code civil mais paraît inhérente à la logique procédurale. La décision du 17 octobre 2019 l’établit clairement.

Si le droit de la construction y gagne en clarté, il n’en reste pas moins en pratique que le maître d’ouvrage victime de nombreuses malfaçons graves lors de l’exécution d’un contrat de construction de maison individuelle (dont un défaut d’implantation altimétrique de 69 cm empêchant l’accès aux personnes à mobilité réduite alors que le maître d’ouvrage a un enfant handicapé) n’est pas suffisamment protégé.

Il semblerait opportun, voire impérieux, au vu du contentieux sans cesse renouvelé en matière de nullité du CCMI, de confier aux notaires le monopole d’établissement de ces actes, à l’instar du régime de la VEFA. À défaut et a minima, une obligation de formation des constructeurs de maisons individuelles et de contrôle de leurs activités, sur le modèle imposé par la loi dite « Hoguet » pour les intermédiaires immobiliers (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce; plus amplement pour les dernières réformes M. Thioye, « La loi ELAN et l’intermédiation immobilière », AJDI 2019. 54), serait bienvenu.

L’indivision crée une apparente opposition entre la multiplicité des droits individuels et l’unité matérielle du bien indivis. La présence de plusieurs propriétaires devrait conduire à exiger un accord unanime pour réaliser un acte concernant le bien indivis. Afin d’éviter les risques de blocage en résultant, la réforme de 1976 a atténué cette règle. Le principe a même été renversé par la loi du 23 juin 2006, laquelle retient le principe majoritaire dans le but de faciliter la gestion du bien indivis. L’indivision est ainsi « prise en tension entre une conception individualiste qui exalte les droits de chaque indivisaire, et une conception collective qui la rapproche de la société » (R. Libchaber, La recodification du droit des biens, in Le Code civil 1804-2004. Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, n° 18 ; J. Patarin, La double face du régime juridique de l’indivision, in Mélanges Holleaux, Litec, 1990, p. 331).

Depuis la loi du 23 juin 2006, l’unanimité n’est plus présentée, à l’alinéa 3 de l’article 815-3 du code civil que comme une dérogation à la règle majoritaire consacrée à l’alinéa 1. Le consentement de tous les indivisaires reste seulement requis concernant les actes les plus graves, c’est à dire « pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition » autre que la vente des biens meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision.

En outre, la possibilité pour un indivisaire de réaliser seul des actes conservatoires sur le bien indivis a été...

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L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 octobre 2019 est appelé à une diffusion des plus larges, ainsi qu’en témoigne la mention FS-P+B+I dont il est revêtu. La Haute juridiction apporte, par cette décision, des précisions cruciales sur l’application dans le temps des dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 transférant aux juridictions de l’ordre judiciaire le contrôle de la régularité des décisions administratives d’admission en soins psychiatriques contraints et les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant de l’irrégularité de ces décisions (CSP, art. L. 3216-1, al. 3) (1°), ainsi que sur les conditions d’exercice de cette action en réparation (2°).

1. Sur le premier point, le pourvoi reprochait à la cour d’appel d’avoir condamné l’Agent judiciaire de l’État à payer à un homme ayant fait l’objet en 2012 de trois décisions irrégulières d’admission en soins psychiatriques contraints une indemnité en réparation du préjudice résultant de sa privation de liberté et à sa compagne une indemnité au titre de son préjudice moral.

Pour contester cette décision, le pourvoi soutenait, dans son premier moyen, « qu’antérieurement au 1er janvier 2013, seul le juge administratif était compétent pour connaître de la légalité externe des arrêtés préfectoraux relatifs à l’hospitalisation sous contrainte ; que, pour cette période, la compétence du juge administratif s’impose, non seulement en cas de recours contre l’arrêté, mais également en cas d’exception d’illégalité soulevée devant le juge judiciaire ; qu’en s’arrogeant le pouvoir de statuer sur la légalité externe d’arrêtés préfectoraux antérieurs au 1er janvier 2013, quand ils étaient tout au plus en présence de questions préjudicielles devant être renvoyées au juge administratif, les juges du fond ont violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 6 fructidor an III, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble l’article L. 3216-1 du code de la santé publique entré en vigueur le 1er janvier 2013 ». Il ajoutait « que, si le juge judiciaire peut apprécier la légalité externe d’un acte administratif, notamment dans le cadre d’une exception d’illégalité, c’est à la condition qu’il constate au préalable que l’irrégularité invoquée peut être constatée sur la base d’une jurisprudence établie ; que, faute d’avoir constaté que tel était le cas s’agissant des différentes irrégularités invoquées, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 6 fructidor an III, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble l’article L. 3216-1 du code de la santé publique entré en vigueur le 1er janvier 2013 ».

L’arrêt balaie ce raisonnement sur le fondement de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, ainsi que des dispositions de droit transitoire résultant de l’article 18 de cette loi et du principe de la séparation des pouvoirs. Le rejet est parfaitement orthodoxe. Rappelons, en effet, que le premier texte donne au tribunal de grande instance compétence pour statuer sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant des décisions administratives d’admission en soins psychiatriques sous contrainte et lui confère le pouvoir de connaître, à cette fin, des irrégularités dont ces décisions seraient entachées. Le second texte précise, lui, que ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2013, la juridiction administrative étant compétente pour statuer sur les recours dont elle est saisie antérieurement à cette date. Or, en l’espèce, non seulement le juge judiciaire avait été saisi du recours en réparation après le 1er janvier 2013 mais, encore, l’irrégularité des décisions d’admission en soins contraints n’avait pas été soumise au juge administratif. La Haute juridiction en déduit « qu’en retenant la compétence du juge judiciaire, lequel ne statue pas sur une exception d’illégalité, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche inopérante, n’a pas méconnu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ». La solution mérite d’être pleinement approuvée, en ce qu’elle confère un rayonnement maximal aux dispositions de la loi de 2011. Il serait, en effet, incohérent de laisser subsister le système antérieur à cette loi, alors que ce dernier a été censuré par le Conseil constitutionnel comme étant contraire à l’article 66 de la Constitution, lequel érige le juge judiciaire en gardien des libertés individuelles (Cons. const. 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC, JORF 27 nov., p. 21119, texte n° 42 ; AJDA 2011. 174 , note X. Bioy ; ibid. 2010. 2284 ; D. 2011. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2565, obs. A. Laude ; RFDA 2011. 951, étude A. Pena ; RDSS 2011. 304, note O. Renaudie ; Constitutions 2011. 108, obs. X. Bioy ; RTD civ. 2011. 101, obs. J. Hauser ).

On soulignera enfin que, pour écarter l’argument tiré d’une prétendue méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs, l’arrêt prend soin de préciser que le juge judiciaire, appréciant l’irrégularité d’une décision administrative d’admission en soins contraints, ne statue pas sur une exception d’illégalité. Là encore, la solution emporte l’approbation. La décision du juge judiciaire statuant sur l’irrégularité de la décision ou ses conséquences dommageables n’a pas pour objet d’écarter, à l’occasion d’un litige, l’application un acte réglementaire illégal ni d’apprécier la validité d’un tel acte, mais de se prononcer sur le bien-fondé de la mesure de soins contraints au regard des conditions posées par la loi. Il ne s’agit donc pas d’apprécier un acte mais une situation juridique individuelle (A. Darmstädter-Delmas, Les soins psychiatriques sans consentement, LexisNexis, 2017, n° 232).

2. Sur le second point, l’arrêt apporte une double précision.

Il rejette, d’abord, le second moyen du pourvoi lequel reprochait à la cour d‘appel d’avoir retenu la responsabilité de l’État sans avoir recherché si l’intéressé avait exercé devant le juge administratif les recours qui lui étaient ouverts pour faire constater l’illégalité des arrêtés qui le concernaient. La Cour de cassation écarte cet argument sur le fondement de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique, au motif que ce texte « ne subordonne pas la réparation des conséquences dommageables d’une décision administrative relative aux soins psychiatriques sous contrainte à l’exercice préalable par l’intéressé des voies de recours lui permettant de contester la légalité de cette décision ».

L’arrêt précise, ensuite, les irrégularités aux conséquences dommageables susceptibles d’affecter une décision administrative d’admission en soins contraints. La cour d’appel avait relevé en l’espèce que, malgré l’annexion d’un certificat médical, les arrêtés préfectoraux étaient rédigés en termes généraux, de telle sorte qu’ils ne permettaient pas de s’assurer que la personne présentait des troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l’ordre public. C’est dire que les conditions du placement sous soins contraints sur décision du Préfet n’étaient pas caractérisées par la décision administrative (CSP, art. L. 3213-1). La mesure de soins contraints s’en trouvait inexorablement entachée d’irrégularité et la privation de liberté qui en était résulté injustifiée.

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 octobre 2019 porte sur l’interprétation du deuxième alinéa de l’article 922 du code civil. Ce texte vise l’hypothèse de la subrogation réelle dont il doit être tenu compte pour déterminer s’il y a ou non atteinte à la réserve héréditaire lorsque le bien donné a permis d’acquérir un nouveau bien. Selon ce texte, en cas de subrogation, il faut tenir compte de la valeur des « nouveaux biens » acquis au stade de la réunion fictive des donations. Quid alors lorsque l’objet de la donation initiale est une somme d’argent qui a permis l’acquisition non d’un nouveau bien en pleine propriété, mais de la nue-propriété d’un bien ?

Dans l’espèce que la Cour de cassation a eu à connaître, une mère a donné à son fils, par préciput et hors part, une somme d’argent qui a été employée pour acquérir la nue-propriété d’un immeuble. Dans le même temps, la donatrice a acquis l’usufruit du même immeuble. La donatrice décède en laissant pour lui succéder sa fille et son fils donataire, ainsi que son petit-fils, lui-même descendant du donataire, désigné légataire universel de la quotité disponible et légataire à titre particulier de ses parts sociales. Compte tenu des différentes libéralités réalisées, la fille de la de cujus a assigné son frère et son neveu en partage de la succession et réduction des libéralités excessives.

La cour d’appel de Riom rejette partiellement les demandes au titre de la réduction des libéralités. Elle considère, d’abord, que le testament peut recevoir pleine et entière application. C’est déjà considérer que le legs de la quotité disponible s’entend non de la quotité disponible à la date du décès telle que déterminée par application des articles 913 et suivants du code civil, mais de la quotité restante après l’imputation du legs à titre particulier des parts sociales. À défaut, les deux legs seraient nécessairement excessifs et réductibles. La cour d’appel considère, ensuite, que la donation de somme d’argent est réductible à la quotité disponible, mais dans la limite de son montant. Les juges du fond refusent, en effet, de faire application de la subrogation réelle au motif que le donataire n’a pas acquis un bien mais un droit réel sur un bien dont la donatrice était usufruitière et que l’on n’était pas en présence d’une donation déguisée de l’immeuble. À lire la décision de la Cour de cassation comme le moyen annexé à l’arrêt, les juges du fond ont estimé que la somme reçue par donation, bien qu’affectée à l’acquisition de la nue-propriété du bien, n’a pas servi à acquérir un bien.

De prime abord, notons que les juges du fond font complètement fi de l’ordre de réduction des libéralités posé par l’article 923 du code civil en ordonnant la réduction de la donation de somme d’argent et l’exécution pleine et entière des différents legs. Ce texte prévoit pourtant qu’« il n’y aura jamais lieu à réduire les donations entre vifs qu’après avoir épuisé la valeur de tous les biens compris dans les dispositions testamentaires ». L’arrêt d’appel n’est toutefois pas critiqué sur ce point.

Surtout, les juges du fond méconnaissent le jeu de la subrogation réelle. L’arrêt, critiqué sur ce point, est logiquement cassé au regard de la première branche du moyen unique et au visa de l’article 922 du code civil.

Dans un attendu liminaire, la Cour de cassation reprend le contenu ses deux premiers alinéas en précisant que « la subrogation prévue par ce texte inclut toutes les donations, y compris celles de sommes d’argent ». Là n’est pas tant la divergence avec la cour d’appel, à la différence des juges de première instance qui, à en croire le moyen annexé, ont considéré que l’intérêt d’une donation de somme d’argent était d’échapper au valorisme monétaire. La solution rendue sur ce point n’est pas nouvelle (Civ. 1re, 4 juin 2007, n° 06-14.473, Dalloz jurisprudence). Elle comble une lacune importante des textes puisque, bien que la subrogation soit prévue expressément en cas de donation d’une somme d’argent en matière de rapport (C. civ., art. 860-1), rien n’est dit pour la réduction. La haute juridiction suit ici les préconisations de la doctrine qui défend une application des règles par analogie (v. not. M. Grimaldi, Les successions, 7e éd, LexisNexis, 2017, n° 886).

Il faut s’en remettre au dernier attendu qui applique la règle posée à l’espèce en présence pour apprécier véritablement la divergence qui existe entre la cour d’appel et la Cour de cassation. Pour cette dernière, en effet, le donataire « avait employé la somme d’argent donnée par sa mère à l’acquisition de la nue-propriété d’un bien immobilier, ce dont il résultait que c’est la valeur de ce bien au jour de l’ouverture de la succession, d’après son état à l’époque de son acquisition, qui devait être réunie fictivement à la masse de calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, en vue de déterminer une éventuelle réduction ».

Pour la haute juridiction, la subrogation réelle joue donc bien lorsque la somme d’argent reçue par donation a servi à acquérir la nue-propriété d’un immeuble et non la pleine propriété de celui-ci. Pour défendre cette position, les différentes branches du moyen unique du pourvoi, dont la première sur laquelle la cassation est réalisée, soutenaient que la subrogation réelle devait jouer dès lors que les fonds avaient été donnés « dans le but de permettre cette acquisition ». En ne reprenant pas cette condition psychologique conduisant à faire jouer aux mobiles juridiques ayant conduit à la donation un rôle qui n’est pas le leur, la Cour de cassation écarte implicitement cette condition.

Il reste à déterminer le montant dont il doit être tenu compte dans les opérations de liquidation. L’hésitation est permise entre la valeur de l’immeuble en pleine propriété ou la valeur de la nue-propriété de celui-ci. Sur cette question, l’arrêt n’est pas des plus explicites. La troisième branche du pourvoi invitait pourtant la Cour de cassation à se positionner en défendant que c’est la valeur de la pleine propriété qu’il convenait de retenir puisque l’usufruit s’était éteint à la mort de la de cujus.

La Cour de cassation reprenant scrupuleusement la lettre de l’article 922 du code civil se borne à préciser qu’il fallait réunir fictivement la valeur de l’immeuble au jour de l’ouverture de la succession d’après son état à l’époque de son acquisition. La décision est susceptible de plusieurs lectures.

Selon une première lecture, en visant la valeur de l’immeuble, la haute juridiction retiendrait implicitement – mais nécessairement – celle de la pleine propriété. Deux raisons au moins militent contre une telle interprétation. D’abord, si la Cour de cassation avait voulu retenir la solution défendue par la troisième branche du pourvoi, elle n’aurait pas cassé l’arrêt sur sa seule première branche mais aurait également visé celle-ci. Ensuite, en raison de sa généralité, l’attendu ne paraît pas distinguer, à la différence du pourvoi, selon que l’usufruit est éteint ou non au jour de l’ouverture de la succession (ce qui ne sera pas le cas dans la situation d’une réversion d’usufruit ou lorsque l’usufruit sera constitué au profit d’un tiers toujours en vie). Or il n’est possible de retenir la valeur de la pleine propriété que si celle-ci est véritablement reconstituée à la date du décès.

Selon une seconde lecture, en renvoyant à l’état du bien au jour de l’acquisition, la Cour de cassation viserait l’état de démembrement juridique de celui-ci. Dans ce cas, ce serait la valeur de la nue-propriété du bien qu’il conviendrait de réunir fictivement. Là encore, deux raisons au moins militent contre une telle approche. D’abord, la notion d’état du bien renvoie davantage à un état matériel que juridique. La règle permet surtout de déterminer qui, du donataire ou de la succession, profite ou souffre des plus ou moins-values affectant le bien entre son acquisition et l’ouverture de la succession. Or, à retenir qu’il peut s’agir d’un état de démembrement du bien, celui-ci avait disparu en l’espèce au jour de l’ouverture de la succession. Ce faisant, la plus-value consécutive à la reconstitution de la pleine propriété aurait pour origine un cas fortuit (le décès de l’usufruitier) et devrait donc profiter à la succession, d’où une prise en compte de la valeur de la pleine propriété. Ensuite, ce n’est pas la solution traditionnellement admise en cas de donation de la nue-propriété d’un bien avec réserve d’usufruit au profit du donateur. La Cour de cassation retient, en effet, que c’est la valeur de la pleine propriété dont il doit être tenu compte, qu’il s’agisse des règles de la réduction (Civ. 1re, 14 oct. 1981, n° 79-15.946, RTD civ. 1982. 641, obs. J. Patarin) ou du rapport (Civ. 1re, 5 févr. 1975, n° 72-12.624, D. 1975. 673, note R. Guimbellot ; JCP 1976. II. 18249, note M. Dagot ; 28 sept. 2011, n° 10-20.354, Dr. famille 2011. Comm. 172, obs. B. Beignier). On rétorquera peut-être que la situation n’est pas exactement la même. La différence n’est pourtant que de degré et non de nature. De surcroît, pour motiver deux de ses précédents arrêts, la Cour de cassation retient que « le bien donné [doit] être évalué à la date de la donation, mais compte tenu des droits que l’héritier gratifié possède sur ce bien au jour où il doit en être fait rapport » (Civ. 1re, 5 févr. 1975, préc.) ou « au jour où naîtra le droit à la réserve héréditaire (Civ. 1re, 14 oct. 1981, préc.). Par analogie, une même solution s’impose en cas de subrogation réelle, et ce d’autant plus qu’en l’espèce, au regard du montage réalisé, la de cujus avait souhaité que son fils devienne plein propriétaire d’un immeuble à son décès. On comprend alors la référence par les juges d’appel à une éventuelle donation déguisée de l’immeuble, qu’ils ont néanmoins écartée.

Enfin, on peut encore penser que la Cour de cassation botte en touche et ne se prononce pas sur ce point laissant à la cour d’appel de renvoi le soin d’esquisser sa propre jurisprudence. Que cette dernière statue dans un sens ou dans l’autre, il y a fort à parier que la Cour de cassation sera de nouveau saisie de la question tant la solution retenue aura son importance sur le sort des différentes libéralités réalisées par la de cujus. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, les hauts magistrats auraient pu faire l’économie d’une nouvelle navette en motivant leur décision plus clairement.

Un propriétaire a procédé à la division de son fonds en six parcelles et en a transféré la propriété à trois propriétaires différents. L’un d’eux a volontairement enclavé ses parcelles moyennant rémunération, en renonçant conventionnellement au bénéfice de la servitude légale de passage grevant les autres parcelles, que le propriétaire à l’origine de la division lui avait consentie.

Le propriétaire des parcelles enclavées les cède à un acquéreur, qui se heurte ainsi à l’impossibilité d’accéder à son domicile avec un véhicule automobile. Cela étant, ce dernier assigne les deux autres propriétaires des parcelles issues de la division, aux fins d’obtenir, à titre principal, un passage sur l’une des parcelles et, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert chargé d’examiner la possibilité d’un éventuel passage par une autre parcelle.

L’affaire est portée une première fois devant la Cour de cassation (Civ. 3e, 17 nov. 2016, n° 15-23.140, Dalloz jurisprudence), qui casse l’arrêt ayant retenu que l’auteur du demandeur s’était volontairement enclavé, en renonçant conventionnellement à un droit de passage en voiture sur la parcelle voisine. Au visa de l’article 55 du code de procédure...

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À la suite d’une opération chirurgicale, une patiente contracte dans une polyclinique un syndrome infectieux dont elle gardera un lourd handicap. Avant son décès, survenu cinq ans plus tard, son mari, son fils et elle-même assignent en responsabilité et en indemnisation le praticien, la polyclinique, son assureur et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Après le décès de la victime directe, les ayants droit demandent réparation de ses préjudices ainsi que de leurs préjudices par ricochet.

Les juges du fond retiennent le caractère certain et direct du lien de causalité entre l’infection nosocomiale et le décès de la patiente. Ils indemnisent, en outre, le préjudice moral de l’époux de la victime résultant de la vue de la déchéance de son épouse et de ses souffrances, ainsi que le préjudice tenant à la perte de la qualité de vie du fait de l’hospitalisation de celle-ci puis lors de son retour à domicile. Ils indemnisent aussi l’époux de son préjudice d’accompagnement de son épouse jusqu’à son décès. Les mêmes juges refusent, par ailleurs, de relever le caractère indemnitaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

L’ONIAM forme alors un pourvoi composé de deux moyens.

Dans le premier, le demandeur reproche aux juges du fond de ne pas avoir relevé le caractère indemnitaire de l’APA. Sur le fondement des articles L. 1142-1-1 du code de la santé publique et L. 232-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, l’auteur du pourvoi remet en cause la qualification opérée par la cour d’appel en faisant valoir qu’elle contrarie le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Dans le second moyen, l’ONIAM reproche aux juges du fond d’avoir violé le même principe en ayant accordé des indemnités différentes visant en fait la réparation de mêmes préjudices découlant, en l’occurrence, de l’accompagnement de la victime jusqu’à son décès.

Les arguments développés par l’auteur du pourvoi permettront une cassation partielle de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

L’arrêt a les honneurs de la Cour de cassation et contribuera sans doute à dissiper les incertitudes entourant la qualification de l’APA (v. Riom, 13 nov. 2018, n° 17/00920 ; Paris, 4 sept. 2014, n° 13/21806 dans le sens d’une indemnité déductible ; Versailles, 22 juin 2018, n° 16/08736 ; Chambéry, 17 mars 2011, n° 08/02565, qui qualifient l’APA en prestation d’assistance non déductible). Les juges du droit affirment clairement qu’elle revêt bien un caractère indemnitaire et qu’elle doit être déduite du montant de la réparation totale dû à la victime.

L’arrêt permettra aussi de mieux discerner les chefs de préjudice réparables par la distinction opérée ici entre le préjudice d’accompagnement et ceux résultant du bouleversement des conditions de vie de l’aidant causés par la maladie de la victime.

La qualification problématique de l’APA

Lorsqu’une personne contracte une infection nosocomiale dans un des établissements énumérés par la loi, elle peut demander réparation à l’ONIAM de l’intégralité de ses préjudices. En l’espèce, le principe de la réparation sur le fondement de l’article L. 1142-1-1 ne posait pas de problèmes. Dès lors, l’office a dû adresser à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis....

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L’arrêt rendu par la Cour de cassation, promis à une large diffusion, condamne des pratiques procédurales autoritaires suivies par certains juges du fond. En l’espèce, une requête en divorce est déposée par le mari. Aux termes des dispositions des articles 251 du code civil et 1106 du code de procédure civile, cette requête initiale doit être muette à propos des raisons du divorce, ce qui était le cas en l’espèce. Cependant, dans la perspective de l’audience de tentative de conciliation obligatoire, le mari avait déposé des conclusions dans lesquelles il faisait état de très nombreux griefs à l’encontre de son épouse, lesquels avaient des liens plus ou moins directs avec les mesures provisoires sollicitées. L’épouse soulève alors l’irrecevabilité de ces écritures, ainsi que l’irrecevabilité de la requête initiale. Cette double irrecevabilité est accueillie par le juge aux affaires familiales dont l’ordonnance est confirmée par la cour d’appel. Selon les juges du fond, s’agissant d’une procédure orale, les conclusions doivent être assimilées à la requête et obéir aux mêmes principes. Dès lors que ces conclusions contiennent des griefs étrangers aux mesures provisoires, elles contreviennent aux exigences légales. La Cour de cassation n’est pas d’accord. D’une part, la teneur des conclusions ne pouvait affecter la régularité de la requête. D’autre part, l’interdiction de faire état, dans la requête en divorce, des motifs du divorce ne s’applique pas aux écritures déposées par les parties à l’appui de leurs observations orales lors de l’audience de conciliation. Selon les juges du droit, la solution adoptée par les juges du fond était donc doublement contraire à la loi.

Depuis la loi du 26 mai 2004 et son décret d’application du 29 octobre 2004, la procédure de divorce fait l’objet d’un tronc commun pour les divorces contentieux. Dans un objectif d’accélération de la procédure et de pacification de la séparation, le législateur a souhaité que la requête initiale ne contienne pas les griefs qui justifient la séparation. Par conséquent, la requête doit être neutre (A. Lienhard, La requête initiale unique. Première phase du tronc commun, AJ fam. 2004. 435 ). Il reste que cette volonté de pacification relève souvent de la quadrature du cercle en matière de contentieux familial. En effet, si la requête doit être purgée de tout grief, elle doit être complète et précise en ce qui concerne les mesures provisoires. Or les demandes des parties sur ces mesures provisoires sont parfois difficilement séparables des griefs ayant conduit l’un des époux à saisir le juge. Un mari toxicomane et alcoolique peut-il bénéficier du droit de garde des enfants ? Si l’on doit, dans la requête, présenter à part les motifs exposés au titre des mesures provisoires, il n’en demeure pas moins que, pour espérer les obtenir, certains praticiens n’hésitent pas à développer certains griefs dans leurs conclusions déposées en vue de l’audience de conciliation obligatoire. Dans ces écritures, ils sont amenés d’une manière ou d’une autre à faire état d’éléments de faits qui se présentent naturellement comme des infractions aux règles du mariage. Autrement dit, il arrive que, par le biais des moyens développés à l’appui des demandes formées au titre des mesures provisoires, certaines requêtes ou des conclusions subséquentes viennent à exposer plus ou moins volontairement des griefs laissant clairement apparaître les motifs du divorce. C’est ce glissement subreptice que refusent les juges du fond : la requête doit à tout prix rester neutre car, à ce stade, le juge ne doit pas entrer dans le débat de fond sur l’imputabilité du divorce.

Après l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, la question s’était posée de savoir quelle était la sanction en cas de non-respect du principe de neutralité de la requête : nullité de forme, inexistence des mentions relatives aux griefs ou fin de non-recevoir ? Dans le silence de la loi et du décret, une circulaire d’application du ministère de la justice avait opté pour une méthode douce : si la requête contenait des indications qu’elle ne devait pas contenir, il ne fallait pas en tenir compte (n° CIV/16/04, § 2.1.1.1). Pourtant, dans une ordonnance du juge des affaires familiales du 22 novembre 2005, c’est la sanction la plus dure, à savoir celle de l’irrecevabilité, qui avait été choisie (TGI Bordeaux, 22 nov. 2005, RTD civ. 2006. 288, obs J. Hauser ). L’arrêt d’appel censuré par la Cour de cassation témoigne que cette interprétation très stricte est encore présente dans l’esprit de certains magistrats. Peut-on leur en vouloir ? En vérité, cela est difficile si l’on part du constat que la volonté des juges du fond est que l’objectif des textes, celui de prohiber toute motivation sur les causes du divorce, soit parfaitement assuré. Il n’en demeure pas moins que, vis-à-vis du justiciable, dont les intérêts sont en principe censés être défendus par les textes, la requête en divorce sans motif est un objet de perplexité, pour utiliser un euphémisme. L’avocat doit ainsi expliquer à son client qui demande le divorce que l’on ne peut pas raconter l’histoire du couple ni les préjudices subis, pas même à l’appui des mesures provisoires. Il faut se taire pour ne pas cristalliser une atmosphère contentieuse et agressive qui n’est pas de nature à favoriser la conciliation et l’orientation des époux vers un accord. Cet angélisme du législateur est loin des réalités sociales auxquelles sont confrontés les praticiens du divorce. En effet, pour satisfaire à la fois la volonté de leurs clients et respecter les exigences idéalistes de la loi, les avocats sont parfois conduits à contorsionner leurs écritures pour éviter l’irrecevabilité. De plus, le principe conduisant à purger la requête de tout grief ne fait que retarder le moment où, après l’audience de conciliation obligatoire, les époux se jetteront à la figure les pires reproches dans l’assignation en divorce et les conclusions en réponse. Au final, le législateur s’est aperçu que sa logique idéaliste qui passe par un sas de pacification entre les époux était une perte de temps. Il a donc été supprimé par la loi du 23 mars 2019.

La procédure est parfois bien mise à mal pour satisfaire des intérêts confus et contradictoires qui placent le juge et les avocats dans la difficulté. C’est bien le problème de la procédure de divorce qui est orale et partiellement écrite, ce qui engendre de nombreuses complications comme l’illustre l’arrêt commenté. Au fond, la position des juges du fond est rigoureusement conforme aux buts poursuivis par la loi. Sans que la lettre soit aussi explicite, le message peut être compris par certains juges comme une injonction, celle de briser la pratique de certains avocats qui perturbent le bon déroulement de la procédure et sa rapidité. Lors de la requête, rien ne doit transparaître des motifs de la demande en divorce. Les avocats doivent plier, même si cela défie un peu trop le sens commun. En rétablissant celui-ci, la Cour de cassation défend une autre idée de la bonne application de la loi. Pour les juges du droit, il ne faut pas sanctionner outre mesure une pratique qui consiste à déposer des conclusions en vue de l’audience de conciliation. D’autant que la base juridique de la sanction qui consiste à déclarer les conclusions irrecevables et la requête irrégulière est fragile. En effet, déclarer que l’irrecevabilité de conclusions entraîne rétroactivement l’irrégularité d’une requête conforme aux exigences légales reste un raisonnement très discutable. Enfin, aussi condamnable soit-elle, cette pratique est vouée à disparaître en raison de la réforme attendue de la procédure de divorce. Autrement dit, la Cour de cassation suit aussi, à sa façon, la bonne application de la loi. Il ne s’agit donc pas d’une jurisprudence contra legem puisque les positions des juges du fond et de la Cour de cassation peuvent toutes les deux se recommander d’être conformes aux textes. L’autre leçon que l’on peut tirer de l’arrêt est de vérifier le principe qu’il n’existe pas de jurisprudence claire sans texte clair. Si le juge doit appliquer la règle de droit, encore faut-il que son sens soit explicitement énoncé. Lorsque la loi exprime les idées peu lucides du législateur sur les réalités judiciaires et lorsque celui-ci est animé par des motifs électoralistes commodes et complaisants, les praticiens, magistrats et avocats, doivent en permanence s’adapter, ce qui ne facilite pas l’exercice de leur métier. C’est pourquoi on attend avec impatience les nouvelles dispositions qui s’appliqueront à la procédure de divorce, en espérant qu’elles seront plus adaptées aux réalités.

La commission, composée de huit membres, sous la présidence de l’ancien garde des Sceaux en décembre dernier, a rendu ses conclusions. Ce document, intitulé Pour une réforme du pourvoi en cassation en matière civile, fait émerger quatre propositions.

Principalement, le texte prône le « renforcement de la procédure d’admission en instaurant un traitement différencié selon la nature des pourvois ». Concrètement, il s’agirait d’adopter un circuit accéléré pour les affaires « relevant de la fonction unificatrice et disciplinaire de la Cour de cassation », et inversement.

Cette solution « aurait l’avantage d’alléger au maximum la procédure d’admission pour permettre aux membres de la Cour de cassation de se concentrer sur les pourvois ayant une portée normative », retient la commission. L’option s’inspire ici de ce qui vaut pour le Conseil d’État, qui n’examine pas les pourvois « non fondés sur un moyen sérieux de cassation » (COJ, art. L. 136-1).

Ensuite, la commission invite à ne pas « isoler » cette procédure. Elle propose de solliciter de la commission des lois une évaluation de cette procédure renforcée d’admission et de traitement différencié des pourvois et débattre de ses conséquences.

Troisièmement, l’assemblée plénière serait une voie réservée aux seules affaires posant une question de principe.

Et enfin, elle appelle à réformer le statut du parquet général afin d’afficher son indépendance – qui existe déjà mais est mal comprise, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme.

La commission s’écarte ainsi de la proposition, formulée par Bertrand Louvel dès décembre 2014 de soumettre les pourvois à autorisation délivrée par chaque chambre en fonction de son intérêt pour le droit ou l’unification de la jurisprudence.

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Alors que la doctrine s’interroge sur une éventuelle consécration du principe de concentration des moyens dans les textes (A. Donnier, « Faut-il codifier le principe de concentration des moyens dans le Code de procédure civile ? », in I. Pétel-Teyssié et V. Puigelier, Quarantième anniversaire du Code de procédure civile 1975-2015, 2e éd., Éditions Panthéon-Assas, 2016, p. 147), le législateur a préféré jusqu’à présent ignorer ce dernier. La Cour de cassation continue donc d’en dessiner seule les contours. C’est notamment le cas dans l’arrêt du 11 avril 2019 de la deuxième chambre civile (n° 17-31.785), qui durcit le principe en précisant le temps procédural durant lequel la partie doit présenter l’ensemble de ses moyens à l’appui de sa demande.

En l’espèce, deux époux, en juin 2007, consentent au petit-fils de l’épouse une promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble, pour un prix de 350 000 € payable pour 130 000 € à titre de bouquet et une rente mensuelle et viagère de 2 377,40 €. En attendant la régularisation de l’acte authentique, les vendeurs donnent à bail l’immeuble à l’acheteur et son épouse. En septembre 2007, le vendeur décède. La régularisation de promesse de vente n’étant pas intervenue, le 5 octobre 2009, la veuve signifie aux locataires un congé pour vente à moins pour eux d’exercer leur droit de péremption pour un prix de 350 000 €. La veuve décède moins de deux semaines plus tard et les locataires assignent les héritiers des bailleurs devant le tribunal d’instance, en nullité du congé pour insanité d’esprit. Dans un premier jugement du 12 décembre 2011, le tribunal d’instance déclare cette demande irrecevable en vertu de l’article 414-2 du code civil : seuls les héritiers de la personne protégée peuvent agir en nullité pour insanité d’esprit. En outre, le tribunal d’instance se déclare incompétent au profit du tribunal de grande instance pour apprécier la validité de la promesse de vente et sursoit à statuer sur la validité du congé. Le tribunal de grande instance et la cour d’appel ayant déclaré la promesse de vente nulle pour insanité d’esprit, l’instance reprend devant le tribunal d’instance. Les locataires font alors valoir l’irrégularité de l’acte de congé qui n’a pas été délivré par l’ensemble des coïndivisaires mais le tribunal les déclare irrecevables à contester la validité du congé en raison de l’autorité de la chose jugée. Ces derniers font appel et la juridiction du second degré infirme le jugement. Les héritiers des bailleurs se pourvoient en cassation.

L’autorité de la chose jugée peut-elle être invoquée quand, dans une même instance, un demandeur fonde sa demande sur un moyen différent de son moyen initial ? Pour répondre, la Cour de cassation reprend le principe de concentration des moyens et précise le temps imparti au demandeur pour présenter l’ensemble de ses moyens.

Le chapeau de l’arrêt rappelle qu’« il incombe au demandeur […] d’exposer l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder [sa demande] ». En l’espèce, la demande des locataires était la nullité du congé délivré par le bailleur. Dans un premier temps, ils ont fondé cette demande sur l’insanité d’esprit de l’auteur du congé, puis, plus tard, sur les modalités de délivrance du congé. C’est cette latence qui est incompatible avec le principe de concentration qui impose aux parties d’invoquer tous les moyens de fait et de droit qui fondent et étayent leurs prétentions dans un même trait de temps. L’idée est de purger le procès de tout stratagème dilatoire qui consisterait à garder en réserve un moyen, en obligeant les parties et leurs conseils à une analyse approfondie de la demande sous tous ses aspects. Ce principe vise à empêcher qu’une partie ne ruine, par un élément révélé tardivement, tout le travail qui a pu être accompli précédemment et aide également le juge dans son office, en lui offrant une approche cohérente et globale de la situation juridique.

Or, jusqu’à présent, la Cour de cassation avait pris l’habitude de préciser que tous les moyens doivent être présentés « dès l’instance relative à la première demande » (Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 18-11.734, Dalloz jurisprudence ; Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 17-14.302, Dalloz jurisprudence ; Civ. 3e, 3 mai 2018, n° 17-16.506, AJDI 2018. 541 ; ibid. 549 ; et autres), ce qui pouvait raisonnablement laisser penser que le « trait de temps » était celui de cette instance. L’arrêt du 11 avril 2019 nuance cette idée : « il incombe au demandeur, avant qu’il ne soit statué sur sa demande, d’exposer l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ». Ce qui importe n’est pas tant la fin de l’instance que le moment où le juge statue sur la demande. En l’espèce, les deux temps ne coïncident pas. Par le jugement du 12 décembre 2011, le juge avait statué sur la demande de nullité du congé des locataires, la déclarant irrecevable, puis avait sursis à statuer. L’instance s’est trouvée ainsi suspendue (C. pr. civ., art. 378) puis a repris. C’est lors de ce second temps que les demandeurs présentent le nouveau moyen au soutien de leur demande. Mais il est trop tard. Toujours dans son chapeau, la Cour de cassation précise que « dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement ». Les parties n’ont pas nécessairement le temps de l’instance pour présenter tous les moyens au soutien de leur demande, mais le temps de la réponse judiciaire. Or, comme elles ne maîtrisent pas ce dernier, on ne peut que leur conseiller, dans la mesure du possible, de soulever tous leurs moyens simultanément. La solution est sévère, d’autant plus qu’en l’espèce, la question qui restait à trancher, à la suite du sursis, était en lien direct avec cette prétention. Les locataires ont succombé à la charge processuelle (H. Motulsky, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, Dalloz, p. 87-88, spéc. n° 85) que faisait peser sur eux le principe de concentration des moyens, charge sanctionnée par l’irrecevabilité des moyens négligés (G. Bolard, L’office du juge et le rôle des parties : entre arbitraire et laxisme, JCP 2008. I. 156, spéc. n° 3). Or, si le nouveau moyen est irrecevable, rien n’est nouveau et l’autorité de la chose jugée s’impose.

Le 14 septembre 2017, la cour d’appel de Dijon déclare irrecevable une action en contestation de filiation dans la mesure où l’appelant avait limité son appel au rejet d’une demande d’expertise génétique aux fins de contester sa paternité, sans référence au rejet par le premier juge de sa demande d’annulation de la reconnaissance. Un pourvoi est formé contre l’arrêt et la deuxième chambre civile, au visa de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour de Dijon motif pris qu’en statuant ainsi, alors qu’en déférant le chef du jugement rejetant sa demande d’expertise, l’appelant critiquait implicitement celui relatif à la demande d’annulation de sa paternité, la cour a violé le texte susvisé.

L’arrêt ni les moyens au soutien du pourvoi n’apportent de précision sur la date de l’appel mais, s’agissant d’un arrêt de cour d’appel du 14 septembre 2017, on en déduira volontiers que l’acte d’appel avait été formé avant l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. Et cette précision est d’importance et éclaire bien sûr la portée de cette cassation. En effet, dans sa version antérieure, l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile disposait que « l’appel...

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En l’espèce, des particuliers deviennent propriétaires de parts d’une société civile d’attribution ayant pour objet l’acquisition d’un terrain. Celui-ci est donné à bail à construction, pour une durée de vingt-cinq ans, à une société de HLM, qui s’engage à faire édifier des logements, à les entretenir et à les louer pour la durée du bail, qui expire le 19 juillet 2010. À son terme, les ayants droit des porteurs des parts sociales deviennent propriétaires des trois appartements construits mais ces derniers sont encore occupés par les locataires de la société de HLM. Celle-ci est alors assignée en indemnisation, pour manquement à son obligation de restituer les lieux libres de tout occupant.

À la suite de sa condamnation au fond, la société de HLM forme un pourvoi en cassation. Elle soutient qu’en tant que preneur d’un bail à construction, sa responsabilité n’est susceptible d’être engagée que s’il est rapporté qu’elle a consenti des contrats de location pour une période allant au-delà de l’échéance de son propre bail, sans avertir en temps utile les locataires que leur contrat s’éteindrait à cette date. Or, selon la demanderesse, la cour d’appel n’a pas été amenée à constater qu’elle avait conclu des baux pour une période allant...

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Une défunte laisse pour lui succéder ses seuls neveux et nièces : cinq sont issus de son frère prédécédé, le dernier issu de sa sœur exhérédée par testament olographe. Faisant jouer la représentation en ligne collatérale, le notaire liquidateur règle la succession en divisant celle-ci en deux pour chacune des souches. Au terme du partage amiable, les cinq neveux et nièces issus du frère se répartissent donc cette moitié par tête, soit un dixième chacun. La succession est déclarée à l’administration fiscale sur la base de ce règlement. Les héritiers espèrent alors bénéficier des articles 777 et 779 du code général des impôts. Le premier fixe les droits de mutation dus en ligne collatérale en distinguant entre les frères et sœurs ou leurs représentants (35 % ou 45 % selon la part reçue) et les parents jusqu’au quatrième degré (55 %). Les neveux et nièces venant de leur propre chef à la succession appartiennent à cette seconde catégorie. Le second texte fixe, quant à lui, un abattement pour chacun des frères et sœurs ou leurs représentants et eux seuls. L’administration fiscale estimant que la représentation successorale ne jouait pas, que chacun des héritiers devait venir à la succession de son propre chef, de sorte que la part de chacun aurait dû être fixée à un sixième de la succession, a émis un avis de recouvrement supplémentaire. L’un des héritiers a contesté cet avis, ce qui a donné lieu à l’affaire commentée.

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 1er décembre 2016, fait droit à la demande de l’héritier. Au soutien de leur solution, les juges du fond procèdent à une double interprétation. D’abord, les juges procèdent à une interprétation de l’esprit de la loi (ici des lois n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 et n° 2006-728 du 23 juin 2006) qui fait jouer la représentation pour les indignes et les renonçants. En ayant recours à l’analogie, les juges estiment que « l’indignité successorale s’assimile à une exhérédation légale » de sorte que « l’exhérédation par voie testamentaire ne peut produire pour les enfants de l’exhérédé des conséquences juridiques et fiscales plus sévères que pour les enfants de l’indigne ». Ensuite, les juges versaillais interprètent la volonté de la testatrice de laquelle il ne découlerait pas qu’elle ait souhaité faire peser sur le fils de sa sœur les conséquences de l’exhérédation de celle-ci. La cour d’appel en déduit que le neveu peut venir à la succession de la de cujus par représentation de sa sœur, de sorte que sa souche n’est pas éteinte. Pour la cour d’appel, les conditions de la représentation en ligne collatérale étaient donc remplies dans la mesure où l’on était en présence d’une pluralité de souches (condition sine qua non pour que la représentation joue en matière civile, v. Civ. 1re, 25 sept. 2013, n° 12-17.556, en ligne descendante, Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. T. Douville ; D. 2013. 2273 ; ibid. 2014. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2013. 652, obs. N. Levillain ; RTD civ. 2013. 875, obs. M. Grimaldi ; 14 mars 2018, n° 17-14.583, en ligne collatérale, Dalloz actualité, 5 avr. 2018, obs. F. Sauvage ; D. 2018. 615 ; ibid. 2384, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2018. 305, obs. J. Casey ; RTD civ. 2018. 716, obs. Michel Grimaldi ; contra en matière fiscale pour la seule ligne descendante, v. BOI-ENR-DMTG-10-50-80-20170824, n° 330). Au cas d’espèce, l’abattement et le tarif prévus au profit des représentants des frères et sœurs avaient vocation à s’appliquer.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. L’arrêt est cassé au visa des articles 777 et 779 du code général des impôts, ensemble les articles 751, 752-1, 754 et 755 du code civil relatifs à la représentation successorale. Dans un attendu liminaire, la Cour de cassation affirme que « les dispositions fiscales relatives au calcul des droits de succession dus en ligne collatérale par les frères et sœurs ne s’appliquent à leurs représentants que s’ils viennent à la succession par l’effet de la dévolution légale ». Or, après avoir relevé que la loi ne prévoyait pas la représentation de « l’exhérédé par testament », la Cour de cassation estime que la cour d’appel a violé les textes précités.

La cassation était inévitable bien que l’argument par analogie retenu par la cour d’appel fût séduisant.

La représentation, à l’image de la fente successorale, est conçue par le code civil comme une exception à la règle du degré (C. civ., art. 744, al. 3). Selon cette règle, dans chaque ordre l’héritier le plus proche en degré exclut l’héritier plus éloigné (C. civ., art. 744, al. 1er). Toutefois, les exceptions sont d’interprétation stricte et ne sauraient être étendues au-delà de leur champ d’application. Les textes sont clairs : la représentation joue en ligne directe descendante (C. civ., art. 752) comme dans l’ordre des collatéraux privilégiés (C. civ., art. 752-2). Elle joue lorsque l’auteur commun est prédécès (C. civ., art. 752, 752-2 et 754), renonçant (C. civ., art. 754) ou indigne (C. civ., art. 755). Les cas d’indignité sont clairement identifiés dans la loi (C. civ, art. 726 et 727). Ils sont également d’interprétation stricte (Civ. 1re, 18 déc. 1984, n° 83-16.028).

Au contraire, la représentation ne saurait jouer en cas d’exhérédation testamentaire (par opposition à « l’exhérédation légale » constituée par l’indignité successorale) ou en cas de renonciation d’un légataire ou de son prédécès (en ce sens, v. Civ. 2 juill. 1924, DP 1926. 1. 102).

En l’espèce, les implications de la décision étaient fiscales. Faute de représentation, les héritiers ne pourront profiter de l’abattement prévu à l’article 779 du code général des impôts et seront assujettis au taux de 55 % par l’article 777 du même code. En revanche, civilement, il est trop tard pour remettre en cause le partage amiable que ce soit sur le fondement, à l’admettre, de la nullité pour erreur de droit sur la quotité des droits des copartageants (C. civ., art. 887, al. 2 ; comp. M. Grimaldi, Droit des successions, 7e éd., LexisNexis, 2017, note n° 646 sous n° 1053), qui est enfermée dans un délai de cinq ans (C. civ., art. 2224) ou de l’action en complément de part (ici les enfants du fils prédécédé ont effectivement été lésés de plus du quart) qui se prescrit par deux ans (C. civ., art. 889).

Mais au-delà du cas d’espèce, les conséquences d’une telle décision sont évidemment avant toutes choses civiles. L’exhérédation d’un des successibles conduit à une répartition de la succession totalement différente de ce qu’elle aurait dû être normalement. Dans le cas d’espèce, la représentation était susceptible de jouer que dans une seule souche, la seconde étant considérée comme éteinte faute de représentation possible. L’unicité de souche excluant la représentation, tous les héritiers du même degré (le troisième) auraient donc dû venir à la succession de leur propre chef et se partager la succession par tête (C. civ., art. 744, al. 2), soit un sixième chacun. Avantageuse pour les enfants du frère prédécédé (qui ne pouvait bénéficier que d’un dixième de la succession en cas de représentation), la règle appliquée à la lettre se retourne contre le fils de la sœur exhérédé. L’égalité de souche, pourtant défendue par le législateur, est ici clairement atteinte. On comprend alors la tentation des juges du fond de combler ce qu’ils considèrent comme étant une lacune de notre droit.

La solution pourrait même s’avérer plus radicale. Ajoutons au cas d’espèce une souche supplémentaire. La de cujus laisse pour lui succéder ses cinq neveux et nièces issus de son frère prédécédé, un neveu issu de sa sœur exhérédée et un frère adoptif. On serait alors en présence de trois souches. Dans la souche constituée par le frère prédécédé, ses descendants viendraient en représentation de ce dernier et seraient considérés fictivement comme étant du deuxième degré. Dans la souche constituée par le frère adoptif, ce dernier viendrait de son propre chef au deuxième degré. En revanche, dans la souche constituée par la sœur exhérédée, faute de représentation, son fils serait susceptible de venir à la succession de son propre chef et donc au troisième degré. Par application de la règle du degré, il serait exclu de la succession. De là, on voit que la décision rendue par la Cour de cassation pourrait avoir de lourdes conséquences selon la configuration familiale : l’exhérédation d’un héritier peut aboutir à l’exhérédation de sa souche.

Les testateurs et leurs conseils doivent désormais être vigilants et envisager les conséquences attachées à l’exhérédation expresse d’un héritier présomptif, en prévoyant au besoin une répartition de la succession par souche, mais cette fois par voie testamentaire.

Compte tenu de sa portée, la présente décision aurait sans doute mérité une plus large diffusion.

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C’est une espèce connue que l’on retrouve ici. Le lecteur se souviendra qu’elle avait donné lieu, en 2017, à un arrêt de cassation qui revenait utilement sur la subtile notion « d’implication » d’un véhicule terrestre à moteur (VTAM) en l’absence de contact (Civ. 2e, 2 mars 2017, n° 16-15.562, Dalloz actualité, 2116-15.562mars 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 902 , note D. Mazeaud ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2017. 671, obs. P. Jourdain ; RCA 2017, comm. 162, H. Groutel). Il semble que l’arrêt rendu sur renvoi (Limoges, 15 févr. 2018) n’ait cependant pas satisfait toutes les parties, obligeant la Cour de cassation à avoir une nouvelle fois à connaître de cette affaire.

Rappelons-nous les faits qui témoignaient, s’il était besoin, des dangers de la route. Alors qu’il circulait, de jour, dans de bonnes conditions de visibilité, sur une route départementale qu’il connaissait bien pour l’emprunter quatre fois par jour pour se rendre et revenir de son travail, un motocycliste aperçut un tracteur du conseil général ; ce dernier était positionné en partie sur sa voie de circulation et en partie sur l’accotement droit, il circulait à allure très réduite et il procédait au fauchage du bas-côté de la route. Tentant de dépasser le tracteur, le motocycliste perdit le contrôle de son engin et chuta lourdement sur la chaussée. L’accident ayant entraîné sa paraplégie, la victime assigna le département et son assureur pour obtenir réparation de ses préjudices.

Les dispositions favorables de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 s’appliquent, selon son article 1er, « aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur » (nous soulignons). Si elle n’est pas légalement définie et si elle fit l’objet d’évolutions dans son interprétation jurisprudentielle (v. la fine étude de F. Leduc, L’évolution de l’implication, RCA 2019. Doss. 8), la notion « d’implication » se distingue à bien des égards de celle de « causalité » : la première est unanimement tenue comme plus large que la seconde (S. Carval, L’implication et la causalité, RCA 2015. Doss. 15 ; P. Jourdain, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, JCP 1994. 3794 ; R. Raffi, Implication et causalité dans la loi du 5 juillet 1985, D. 1994. 158 ). Cependant, à l’instar de la causalité en matière de responsabilité générale du fait des choses (C. civ., art. 1242, al. 1er), l’implication fait l’objet d’un traitement différent selon que le véhicule est entré en contact avec le siège du dommage (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2019, coll. « Précis », p. 1247, 1178 et 1179) ; et l’arrêt du 18 avril 2019 en offre une nouvelle illustration.

La cour d’appel de renvoi avait déclaré le département intégralement responsable des préjudices subis par la victime, puis ordonné une expertise médicale aux fins d’évaluer ces préjudices et enfin condamné solidairement le département et son assureur à payer à la victime la somme de 50 000 € à titre de provision à valoir sur son indemnisation définitive. Le pourvoi formé par le département et son assureur était, en vérité, assez mal formulé et avait, dans ces conditions, bien peu de chances de prospérer. Il tentait de faire valoir que la cour d’appel avait violé l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 en déduisant l’implication du tracteur de sa seule présence sur la voie de circulation ; tout en reconnaissant – et c’est là ce qui le trahissait – que cette présence avait contraint la victime à une manœuvre de dépassement.

La Cour de cassation ne pouvait que rejeter ce pourvoi. En effet, les juges d’appel avaient déduit l’implication du tracteur non pas uniquement de sa présence sur le lieu de l’accident ; mais du fait que cette présence contraignait nécessairement le motocycliste à opérer un dépassement. C’est ce que confirme très nettement l’arrêt commenté : « ayant retenu par des constatations souveraines qu’il était établi que [le motocycliste] avait perdu le contrôle de sa motocyclette au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c’est la présence du tracteur qui, alors qu’il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétant sur la voie de circulation, l’avait contraint à cette manœuvre de dépassement, la cour d’appel a exactement décidé que ce tracteur était impliqué dans l’accident ». Ce faisant, cette décision revient sur l’appréciation de l’implication d’un VTAM dans le cas particulier de l’accident survenu à l’occasion d’un dépassement.

C’est peu dire qu’il est délicat d’établir l’implication d’un VTAM en l’absence de contact avec la victime (ou son véhicule). Autant, s’il est acquis qu’en cas de contact, le véhicule – qu’il soit en mouvement, à l’arrêt ou en stationnement (Civ. 2e, 25 janv. 1995, n° 92-17.164, RTD civ. 1995. 382, obs. P. Jourdain ; RCA 1995. Comm. 162 ; 12 juin 1996, n° 94-14.600, D. 1996. 175 ; 6 nov. 1996, n° 93-20.318, Dalloz jurisprudence ; 29 avr. 1998, n° 96-18.421, Dalloz jurisprudence ; 30 avr. 2014, n° 13-16.291, Dalloz jurisprudence) – est forcément impliqué, chacun sait qu’il en va différemment en l’absence de contact : dans ce dernier cas, les juges retiennent que la victime doit démontrer que le véhicule « a joué un rôle quelconque dans l’accident » (Civ. 2e, 13 sept. 2018, n° 17-24.112, D. 2019. 38, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; 29 mars 2018, nos 17-10.976 et 17-11.198, n° 17-10.976, D. 2019. 38, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; 2 mars 2017, n° 16-15.562, préc. ; 19 mai 2016, n° 15-16.714, Dalloz jurisprudence ; 1er juin 2011, n° 10-17.927, Dalloz actualité, 6 juill. 2011, obs. G. Rabu ; D. 2011. 1618 ; ibid. 2150, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et O.-L. Bouvier ; AJCT 2011. 578, obs. É. Péchillon ) ou encore – mais la formule tend à se faire plus rare – qu’il « est intervenu à quelque titre que ce soit dans la réalisation de l’accident » (Civ. 2e, 24 avr. 2003, n° 01-13.017, D. 2003. 1267 ; RTD civ. 2003. 515, obs. P. Jourdain ; 14 nov. 2002, n° 00-20.594, Dalloz jurisprudence ; 11 juill. 2002, n° 01-01.666, Dalloz jurisprudence ; 21 juin 2001, n° 99-15.732, D. 2001. 2243 ; RTD civ. 2001. 901, obs. P. Jourdain ; 25 janv. 2001, n° 99-12.506, D. 2001. 678 ; 18 mai 2000, n° 98-10.190, RTD civ. 2000. 853, obs. P. Jourdain ; 24 févr. 2000, n° 98-12.731, D. 2000. 86 ; RTD civ. 2000. 348, obs. P. Jourdain ; 24 juin 1998, n° 96-20.284, Dalloz jurisprudence ; 18 mars 1998, n° 96-13.726, Dalloz jurisprudence ; 24 janv. 1996, n° 94-11.977, Dalloz jurisprudence). On avait pourtant pu être troublé lorsqu’en 2015, la Cour de cassation rendit deux décisions dissonantes : écartant l’implication en l’absence de « manœuvre perturbatrice » (Civ. 2e, 5 févr. 2015, n° 13-27.376, D. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; Gaz. Pal. 28 avr. 2015, n° 118, p. 11, M. Ehrenfeld) après avoir, quelques jours auparavant, formulé une solution radicalement opposée en refusant de subordonner l’implication à un « fait perturbateur de la circulation » (Civ. 2e, 15 janv. 2015, n° 13-27.448, D. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RCA 2015. Comm. 118, H. Groutel). Malgré ces errements, il semble dorénavant acquis que « l’implication d’un véhicule n’est pas subordonnée à la condition qu’il ait joué un rôle perturbateur » (Civ. 2e, 29 mars 2018, nos 17-10.976 et 17-11.198, D. 2019. 38, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RCA 2018. Comm. 165, H. Groutel ; LEDA 2018, n° 6, p. 4, F. Gréau). La Cour de cassation considère désormais que toute autre solution revient à « ajout[er] une condition à la loi » (Civ. 2e, 2 mars 2017, préc. ; cassation de l’arrêt d’appel qui retenait que la victime devait démontrer que le véhicule avec lequel il n’y avait eu aucun contact avait eu un « comportement perturbateur »).

Le cas particulier du dépassement de véhicule n’en est pas moins délicat car on sait que « la seule présence d’un véhicule sur les lieux d’un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication » (Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15-16.714, Dalloz jurisprudence ; 13 déc. 2012, n° 11-19.696, Dalloz actualité, 11 janv. 2013, obs. I. Gallmeister ; D. 2013. 12, obs. I. Gallmeister ; RTD civ. 2013. 390, obs. P. Jourdain ; 17 févr. 2011, n° 10-14.658, Dalloz jurisprudence ; 8 juill. 2004, n° 03-12.323, Dalloz jurisprudence ; 18 mars 1999, n° 97-14.306, Dalloz jurisprudence ; 25 mai 1994, n° 92-19.200, Dalloz jurisprudence). Pour retenir l’implication du véhicule au sens de la loi Badinter, il faut démontrer que celui-ci a joué un rôle quelconque – entendons même non fautif (Civ. 2e, 18 nov. 1987, n° 86-14.701, Dalloz jurisprudence ; retenant l’implication malgré l’absence d’irrégularité du stationnement) – dans la réalisation de l’accident. Ainsi que cela fut relevé, « en cas de dépassement, ce n’est pas seulement la présence du véhicule dépassé qui implique celui-ci, c’est le fait qu’il oblige un autre véhicule à une manœuvre de dépassement » (P. Jourdain, L’implication du véhicule dépassé, RTD civ. 2017. 671 ). Tel est précisément ce que souligne ici la Cour de cassation : ce ne fut pas la présence du tracteur sur les lieux de l’accident qui révélait son implication dans la survenance de l’accident mais son positionnement (empiétant sur la voie de circulation) et sa vitesse (circulant à faible allure), qui obligeaient les autres véhicules à entreprendre un dépassement.

En conclusion, la décision commentée rassure car elle s’inscrit dans une compréhension large de la notion d’implication qui semble – et c’est sans doute heureux – dorénavant prévaloir en jurisprudence. Tout porte finalement à raisonner de manière négative (et non positive) en se demandant, pour établir l’implication d’un véhicule, si, sans lui, l’accident aurait eu lieu : lorsque, comme ici, la réponse est négative, son implication pourra être retenue.

On connaît l’extraordinaire développement du devoir de mise en garde en matière de crédit (V. à ce sujet, D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, 2018, nos 641 s.). Mais, pour important qu’il soit, ce devoir demeure étroitement lié à son objet qui réside dans le risque d’endettement de l’emprunteur non averti. Il ne pèse donc pas sur le dispensateur de crédit en l’absence d’un tel risque, comme le montre l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 avril 2019. En l’espèce, par acte du 16 juin 2008, M. et Mme D. ont souscrit, auprès d’une société, un prêt de restructuration d’un montant de 66 000 €, remboursable en 144 mensualités de 781,37 € chacune. Les emprunteurs ayant été défaillants, la société les a assignés en exécution de leur engagement. Cette dernière s’est alors vue opposer un manquement à son devoir de mise en...

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Si l’on dénombre plusieurs règlements européens adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire civile (TFUE, art. 81) qui sont à l’origine d’un important contentieux, le règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 n’en fait assurément pas partie. Du moins, les affaires soumises à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (v., cependant, dernièrement, CJUE 14 févr. 2019, aff. C-554/17, Dalloz actualité, 4 mars 2019, obs. F. Mélin ) ou à la Cour de cassation le concernant sont très peu nombreuses. Par contraste, le présent arrêt de la première chambre civile retient donc particulièrement l’attention.

Entré en vigueur le 1er janvier 2009 dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark, ce règlement a été réformé depuis par le règlement (UE) n° 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 (JOUE n° L 341, 24 déc. 2015, p. 1). Applicable en matière civile et commerciale dans les – seuls – litiges transfrontières, il institue une procédure européenne de règlement des litiges qui n’excèdent pas 5 000 €. Il s’agit d’une procédure contradictoire, écrite, jalonnée de formulaires types multilingues et pouvant être mise en œuvre sans que les parties soient représentées par un avocat ou tout autre professionnel du droit. Bien qu’elle soit présentée comme une procédure européenne uniforme, des renvois – spécifiques ou plus généraux – sont néanmoins opérés aux législations nationales. À cet égard, il est notamment prévu que « sous réserve des dispositions [du règlement (CE) n° 861/2007], la procédure européenne de règlement des petits litiges est régie par le droit procédural de l’État membre dans lequel la procédure se déroule » (Règl. (CE) n° 861/2007, art. 19).

En l’espèce, il est précisément question du respect du droit procédural français et, singulièrement, du principe de la contradiction, à l’occasion de la mise en œuvre en France de la procédure européenne de règlement des petits litiges.

Un ressortissant français avait réservé en ligne un véhicule de location auprès d’une société de droit espagnol. Or, lors de la prise en main du véhicule en Espagne, celui-ci a conclu une assurance complémentaire auprès de cette société. De retour en France, estimant qu’il a été contraint de souscrire inutilement cette assurance afin de pouvoir prendre possession du véhicule loué, il saisit le tribunal d’instance compétent en application de la procédure européenne de règlement des petits litiges. Il réclame à la société de location le remboursement du montant de l’assurance litigieuse ainsi que le paiement d’une certaine somme au titre des frais de procédure. La société de droit espagnol forme, à son tour, une demande reconventionnelle, conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 861/2007. En réponse à cette demande reconventionnelle, son adversaire formule une nouvelle demande, développe des moyens nouveaux et produit des pièces complémentaires.

Dans l’un des moyens de cassation invoqués à l’appui de son pourvoi, avec succès, la société de location fait grief au jugement du tribunal d’instance d’avoir accueilli les demandes de son cocontractant, sans que les éléments nouveaux avancés par ce dernier lui soient préalablement transmis. Le jugement attaqué est ainsi cassé au visa de l’article 16 du code de procédure civile et de l’article 19 (susmentionné) du règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007.

Selon la Cour de cassation, il « résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu’il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction ». Dans le prolongement de cette affirmation, ils poursuivent en précisant que, « si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 5.6 du règlement précité, l’auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d’en assurer la transmission préalable à la partie adverse ».

La solution retenue emporte l’approbation au regard du nécessaire respect des droits de la défense de la partie contre qui ces nouveaux « éléments » sont invoqués. Plus généralement, elle permet de souligner que l’examen et la mise en œuvre du règlement (CE) n° 861/2007 ne peuvent être envisagés indépendamment des droits procéduraux nationaux. En ce sens, tout comme la procédure européenne d’injonction de payer instituée par le règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 (JOUE n° L 399, 30 déc. 2006, p. 1) et la procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires créée par le règlement (UE) n° 655/2014 (JOUE n° L 189, 27 juin 2014, p. 59), la procédure européenne de règlement des petits litiges s’analyse en réalité en une procédure « semi-uniforme ».

La fréquence et l’importance des renvois aux droits internes des États membres ne sont pas neutres. Elles ont probablement facilité l’adoption des règlements précités, mais rendent indispensable la diffusion d’informations par les institutions européennes – notamment via le Portail e-justice européen – sur les règles procédurales nationales, auprès des justiciables européens.

Pour conclure, il y a lieu d’ajouter que l’arrêt attaqué a également été cassé au visa non seulement de l’ancien article L. 120-1 du code de la consommation (devenu l’article L. 121-1 de ce même code) mais également de l’ancien article 1382 du code civil (devenu l’article 1240 de ce même code), ensemble l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le premier de ces fondements, il est reproché à la juridiction de première instance d’avoir retenu l’existence d’« une pratique commerciale déloyale » (du fait notamment des imprécisions du bon de réservation et du contrat de location du véhicule sur la nécessité de verser un dépôt de garantie et sur le caractère obligatoire de l’assurance complémentaire en cas de renonciation à ce dépôt), « sans expliquer, comme il le lui incombait, en quoi [le bon de réservation et le contrat de location] n’étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ». Autrement dit, en la matière, il convient de raisonner au regard du comportement d’un consommateur moyen et non en prenant seulement en considération le manque supposé de précisions des documents contractuels.

Sur le second de ces fondements, le jugement attaqué encourt la cassation en ce qu’il a condamné la société de droit espagnol à verser au locataire du véhicule une somme d’argent, à titre de dommage-intérêts, en réparation du « préjudice lié aux tracas et frais occasionnés par la procédure qu’il a dû engager pour faire valoir ses droits ». En effet, selon la Cour de cassation, les frais irrépétibles ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et, partant, ne sauraient constituer un « préjudice réparable » pour celui qui les a exposés. Il est à souligner que cette solution – qui est parfois critiquée (v. not. F.-X. Licari, Les frais d’avocat comme dommage réparable, RLDC 2006/31, p. 66) – n’est pas inédite. Elle a déjà été adoptée à l’égard d’honoraires d’avocat (Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 03-15.155, Bull. civ. II, n° 365 ; D. 2004. 2195 ; Dr. et proc. 2005. 29, note F. Vinckel), de frais d’huissier de justice (Soc. 16 sept. 2009, n° 07-45.725, RCA 2010. Comm. 45, obs. S. Hocquet-Berg) ou encore de frais exposés par une partie ayant constitué sa défense devant une juridiction de proximité (v. égal. Civ. 1re, 11 mai 2017, n° 16.10-959, Dalloz jurisprudence). Le régime juridique applicable est d’ailleurs bien différent d’une base juridique à l’autre, dès lors notamment que l’application de l’article 700 du code de procédure civile n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute à la charge de la partie condamnée (Civ. 2e, 21 juill. 1980, n° 78-16.033, Bull. civ. II, n° 189).

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Deux semaines jour pour jour après son arrêt du 3 avril 2019 (Civ. 1re, 3 avr. 2019, n° 18-13.890, Dalloz actualité, 7 mai 2019, obs. J. Boisson ), la première chambre civile vient préciser, peut-être malgré elle, les zones d’ombre découlant de son premier arrêt, tout en en créant de nouvelles.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 2019, deux époux, mariés sous le régime légal, avaient consenti à leur fille une donation de la nue-propriété d’un immeuble commun. Ils s’étaient réservé l’usufruit de cet immeuble. Les époux ont ensuite changé leur régime matrimonial et ont adopté la communauté universelle avec attribution intégrale au dernier vivant. En l’espèce, l’épouse est décédée d’abord, suivie quelques années après par son époux. Ce dernier laisse pour lui succéder ses deux enfants, au rang desquels la donataire de l’immeuble. Des difficultés se sont élevées entre les héritiers lors des opérations de liquidation sur la valeur de la donation à rapporter à la succession de leur père. L’hésitation était permise en l’absence de stipulation particulière dans l’acte de donation entre la totalité de la valeur du bien ou une partie seulement de celle-ci.

La cour d’appel de Pau tranche en faveur de la première option. Dans un arrêt du 12 mars 2018, elle estime que le rapport devait se faire à la succession du père pour la totalité de la valeur dans la mesure où il était « attributaire de l’intégralité de la communauté ». Pour justifier leur décision, les juges du fond retiennent qu’en l’absence de stipulation contraire, il résulte des articles 1438 et 1439 du code civil qu’en présence d’une donation conjointe de biens communs comme d’une donation réalisée par un seul époux avec le consentement de l’autre à un enfant issu du mariage, la charge de celle-ci incombe définitivement à la communauté.

La Cour de cassation retient une lecture radicalement différente des articles 1438 et 1439 du code civil. L’arrêt d’appel est donc cassé au visa de ces deux textes et de l’article 850 du même code, que la Cour de cassation vise, par excès de zèle, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006. Pourtant, cette loi (précisément son article 3) n’a pas touché à la rédaction de cet article, mais a simplement modifié le plan et l’intitulé des sections dans lequel celui-ci se trouve. La rédaction de l’article 850 d’hier est celle d’aujourd’hui. La solution retenue a donc vocation à s’appliquer en droit positif. La haute juridiction aurait pu faire l’économie de cette précision qui trouble, sans véritable raison, la portée de la décision.

Dans un chapeau liminaire, la Cour de cassation précise qu’en vertu de l’article 850 du code civil, le rapport des dons et legs ne se fait qu’à la succession du donateur.

Quant aux deux autres articles, il en résulte, pour la haute juridiction, que « la donation d’un bien commun est rapportable par moitié à la succession de chacun des époux codonateurs ».

Appliquant la règle énoncée à l’espèce, la Cour de cassation, constatant l’absence de clause particulière, considère que « seule la moitié de la valeur du bien objet de la donation était rapportable à la succession » du père. L’arrêt est donc cassé sur ce point pour violation de la loi. Par voie de conséquence, la cassation s’étend à la question du rapport des frais afférents à la donation. Ce n’est que l’application de l’article 624 du code civil invoqué par la Cour. Selon ce texte, la censure n’est pas limitée à la portée du moyen en cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La motivation retenue par la Cour de cassation n’est pas nouvelle. Son visa comme son attendu introductif font strictement écho à une précédente solution (Civ. 1re, 18 janv. 2012, n° 11-12.863, D. 2012. 283 ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2012. 235, obs. E. Buat-Ménard ; RTD civ. 2012. 307, obs. J. Hauser ; ibid. 353, obs. M. Grimaldi ), surtout restée célèbre pour imposer aux juges du fond de caractériser l’intention libérale pour qualifier de libéralité un avantage indirect.

Il est vrai que la solution rendue par la Cour de cassation dans cette espèce paraît constante, ce qui explique sans doute sa faible publicité. La Cour a déjà eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises qu’il convenait de retenir un rapport par moitié d’une donation conjointe de biens communs dans le régime légal, que ce soit en présence de donations ostensibles (Civ. 1re, 12 juill. 1989, n° 88-13.446), de donations déguisées (Civ. 1re, 22 juin 2004, n° 01-18.030, RTD civ. 2005. 171, obs. B. Vareille ; 4 déc. 2004, n° 01-01.946, AJ fam. 2005. 151, obs. F. Chénedé ) ou encore de donations indirectes (Civ. 1re, 18 janv. 2012, préc.).

Cependant, l’originalité de l’espèce tenait à ce que les époux avaient opté, certes après la date de la donation, pour un régime de communauté avec clause d’attribution intégrale au dernier vivant. La cour d’appel avait ainsi estimé que le rapport n’était dû qu’à la succession du survivant, attributaire de l’intégralité de la communauté. La solution de la cour d’appel est loin d’être fantaisiste. Outre qu’il a déjà été proposé en doctrine de « ne tenir compte dans la succession de chacun [des époux que] d’une proportion de [la valeur du bien] correspondant à leurs droits respectifs dans la communauté » (v. J.-Cl. civ. code, art. 912 à 930-5, par C. Brenner, n° 28), un arrêt du 22 juin 2004 établit expressément un lien entre la charge définitive de la donation et le rapport (Civ. 1re, 22 juin 2004, préc.). Dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation considère, en effet, qu’il résulte des articles 1438 et 1439 du code civil que la charge définitive de la donation de biens communs pèse sur la communauté sauf clause contraire de sorte « qu’il s’ensuit qu’à défaut d’une telle stipulation », le rapport se fait par moitié. Il y aurait donc un lien intrinsèque entre le passif définitif et le rapport. Or, en présence d’une clause d’attribution intégrale de la communauté, il ne saurait y avoir de partage du passif définitif.

Ce n’est pourtant pas la solution retenue par la Cour de cassation, sans que celle-ci fournisse d’explications. Cette solution éclaire néanmoins l’arrêt du 3 avril 2019 précité rendu également présence d’une communauté universelle assortie d’une clause d’attribution intégrale. Dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation avait insisté sur la date de la donation, comme antérieure au changement de régime matrimonial, et sur le fait que le bien donné n’était pas entré dans la communauté. Elle en déduisait que le rapport de la donation était dû à la succession du conjoint prédécédé, auteur de libéralité. Nous nous étions interrogés sur les raisons de cette insertion et nous nous étions demandé si le rapport aurait été dû également si la donation avait porté sur des biens communs. La Cour de cassation met un terme à l’ambiguïté.

Sa solution est lourde de conséquences. Si la donation de biens communs est rapportable pour moitié à la succession du père de la donataire, c’est qu’elle aurait dû l’être pour l’autre moitié à la succession de la mère prédécédée. Plusieurs conséquences pratiques en découlent. D’abord, les cohéritiers auxquels le rapport est dû ne doivent pas attendre l’ouverture de la succession de l’attributaire de la communauté intégrale mais doivent être vigilants et réclamer le règlement de la succession du prémourant, fût-elle une coquille vide. Ensuite, faute de recevoir des biens dans la succession du prémourant, du fait de la clause d’attribution intégrale (sauf l’existence de biens propres), le donataire ne pourra exercer son rapport en moins-prenant et devra nécessairement une indemnité en nature à ses cohéritiers si l’égalité est atteinte. La solution, concrètement favorable à la donataire dans cette espèce (elle ne rapportera que la moitié de la donation reçue), s’avère abstraitement défavorable au donataire en général.

En précisant que la donation de biens communs est rapportable pour moitié à la succession de chacun des époux, l’arrêt du 17 avril 2019 apporte donc une précision utile malgré un libellé qui porte en lui-même d’inutiles imprécisions. La portée de la décision peine à se révéler, compte tenu des fondements invoqués à son soutien.

La solution est, en effet, rendue sur le fondement des articles 1438 et 1439 du code civil, qui, pour reprendre certains auteurs, « ne sont pas d’une grande clarté » (M. Grimaldi [dir.], Droit patrimonial de la famille, Dalloz, 2018, n° 312.171). Ces textes sont relatifs à la dot de l’enfant commun et au régime des récompenses qui en découlent. Pour la Cour de cassation, « une donation ne peut être qualifiée de dot qu’à la condition de pourvoir à l’établissement autonome du donataire » (Com. 24 avr. 1990, n° 88-14.365). La Cour de cassation n’impose donc pas que cette donation soit réalisée à l’occasion du mariage d’un enfant commun comme l’entend pourtant la conception traditionnelle de la « constitution de dot » (v. Rep. civ., v° Dot, par A. Colomer et E. Berry, nos 3 et 4).

En l’espèce, la qualification de dot n’était pas dans la cause. Pis, à la lecture des moyens annexés, on apprend que la cour d’appel aurait jugé qu’en l’espèce, la « situation était régie par les articles 1438 et 1439 du code civil, applicables aux donations autres que les dots » (sic). Sans doute la Cour de cassation décide-t-elle que ces textes sont applicables non seulement à la constitution de dot, mais plus largement par analogie dès que la donation adressée à un enfant commun porte sur des biens communs comme une partie de la doctrine le défend (J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., 2001, Armand Colin, n° 565, note n° 3). Cela pourrait expliquer l’erreur commise par la cour d’appel de Pau. Une telle interprétation se commande des termes mêmes de l’attendu introductif qui visent, sans distinction, la « donation d’un bien commun » (dans le même sens, v. Civ. 1re, 22 juin 2004, préc. ; comp. Civ. 1re, 18 janv. 2012, préc., où la donation profitait également au gendre des donateurs). L’article 850 du code civil ne suffisait-il pas pour aboutir à une telle solution sans que l’on cherche à dévoyer les articles 1438 et 1439 du code civil (rendu sur le fondement de ce seul texte, v. Civ. 1re, 12 juill. 1989, préc. ; 4 déc. 2004, préc.) ? L’économie des règles relatives aux récompenses contenues dans ces textes révèle pourtant le particularisme de la dot de sorte que ces textes ne devraient pas être étendus au-delà de cette hypothèse (v. C. Brenner, « La donation de biens communs », in Mélanges Champenois, Defrénois, 2012, p. 91 s, n° 18)

De surcroît, l’article 850 du code civil est invoqué au soutien de la solution. La Cour de cassation, dans son chapeau, précise que le rapport n’est dû que dans la succession du donateur. Ce faisant, elle se borne à reprendre expressis verbis le contenu de cet article. La précision peut paraître inutile tant elle est évidente. Et pourtant, elle est source d’incertitudes au regard de la qualité de donateur de biens communs.

La cour d’appel de Pau assimile, en effet, la donation de biens communs conjointe et la donation de l’un des époux avec le consentement de l’autre (consentement requis par application de l’article 1422 du code civil) pour les dire rapportables à la succession des deux époux selon les mêmes modalités. Ce faisant, les juges palois s’inscrivent dans la lignée d’une précédente décision de la Cour de cassation (Civ. 1re, 22 juin 2004, préc.) qui retient les mêmes modalités au regard du rapport, sur le fondement des articles 1438 et 1439 du code civil, « lorsque deux époux conjointement, ou l’un d’eux avec le consentement de l’autre ».

Or, en principe, la donation de biens communs à un tiers non conjointe, mais consentie par l’autre, n’est rapportable qu’à la succession du seul époux auteur nonobstant le consentement du second (M. Grimaldi [dir.], op. cit., n° 312.171). Cela s’explique par le fait que le consentement donné par un époux à un acte soumis à cogestion ne le rend pas partie à l’acte – ici codonateur.

La solution est-elle différente sur le fondement des articles 1438 et 1439 du code civil ? Dans l’affirmative, l’exception est-elle limitée à la dot (ce que l’économie des textes imposerait) ou est-elle applicable par analogie à toutes les donations de biens communs à un enfant commun ? La décision de la Cour de cassation, au visa de l’article 850 du code civil répond-elle à la cour d’appel sur ce point ? Faut-il voir dans cette décision un revirement ou un encadrement de la jurisprudence issue de l’arrêt de 2004 ?

À toutes ces questions, il est difficile d’apporter des réponses. On guettera avec intérêt les prochains arrêts de la Cour de cassation en espérant y trouver de nouvelles précisions.

Dès lors qu’en l’absence de répartition des fonds, la procédure de distribution n’a pas produit d’effet attributif à l’égard des créanciers, la survenance d’une procédure collective pendant le cours de la procédure de distribution entraîne sa caducité. L’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance d’homologation du projet de distribution n’empêche pas le mandataire judiciaire d’agir pour faire constater cette caducité et se faire remettre les fonds.

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La Cour de cassation précise que, s’il incombe au demandeur d’exposer l’ensemble des moyens de nature à fonder sa demande, il doit le faire avant qu’il ne soit statué sur sa demande. Ainsi, dans une même instance, une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement.

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L’appelant qui limite sa déclaration d’appel à une demande d’expertise afin de contester sa paternité critique implicitement le rejet par le premier juge de sa demande d’annulation de sa paternité.

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Le preneur d’un bail à construction est condamné pour avoir manqué à son obligation de restituer le bien libre de tout occupant à l’expiration du bail. Conformément à l’article L. 251-6 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version antérieure à celle issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, tous les contrats de location conclus par le preneur d’un bail à construction s’éteignent lorsque le bail arrive à terme. Cette règle fait désormais l’objet d’une dérogation pour les baux d’habitation.

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Auteur d'origine: dpelet

La représentation successorale ne joue pas en faveur des descendants de l’exhérédé par testament. L’exhérédé n’est pas l’indigne. Telle est la règle posée par la Cour de cassation dans cet arrêt du 17 avril 2019. Rendue en matière fiscale, la solution a vocation à s’appliquer en matière civile.

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L’implication d’un tracteur dans la survenance d’un accident est établie dès lors qu’en empiétant sur la voie de circulation et en circulant à une allure très réduite, il contraint nécessairement les autres conducteurs à entamer un dépassement. La Cour de cassation confirme que, même dans le cas du dépassement de véhicule, la notion d’implication est entendue largement.

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Un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l’emprunteur, ne crée pas de risque d’endettement nouveau, et n’implique donc pas un devoir de mise en garde.

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Lorsqu’il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges instituée par le règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, le juge est tenu de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction.

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Auteur d'origine: gpayan

À quelle succession une donation de biens communs doit-elle être rapportée lorsque les deux époux donateurs ont adopté le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au dernier vivant ? À cette question, la Cour de cassation répond dans un arrêt du 17 avril 2019 : en l’absence de clause particulière, à chacune des successions pour moitié.

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Auteur d'origine: jboisson

Cet arrêt de la chambre commerciale se situe aux confins du droit des procédures collectives et de la saisie immobilière. Il statue sur les conditions dans lesquelles la caducité d’une procédure de distribution du prix d’adjudication, en raison de la survenance d’une procédure collective du débiteur saisi, peut être prononcée et, plus particulièrement, sur la notion d’effet attributif de la saisie immobilière.

Les faits étaient les suivants : dans le prolongement d’une procédure de saisie immobilière mise en œuvre à l’encontre d’une société civile immobilière (SCI), l’avocat d’une banque établit le projet de distribution du prix d’adjudication. Quelques jours après, la SCI, débitrice saisie, est placée en redressement judiciaire, de sorte que l’avocat de la banque notifie le projet de distribution au mandataire judiciaire ès qualités.

La procédure de distribution se poursuit sans contestation du mandataire et l’ordonnance d’homologation du projet de distribution rendue par le juge de l’exécution lui est notifiée, là encore sans susciter de réaction de sa part.

Quelques mois plus tard, et alors semble-t-il que les fonds sont toujours entre les mains du bâtonnier séquestre, le mandataire judiciaire (devenu liquidateur judiciaire à la suite de la conversion du redressement judiciaire en liquidation) assigne la banque, le bâtonnier séquestre, l’adjudicataire et le syndicat des copropriétaires (créancier privilégié) devant le juge de l’exécution pour voir déclarer caduque la procédure de distribution du prix de vente et voir ordonner au bâtonnier de lui remettre la totalité du prix.

Le juge de l’exécution déclare ses demandes irrecevables (comme se heurtant à l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance d’homologation, devine-t-on à la lecture de l’arrêt).

La cour d’appel, aux termes d’un arrêt infirmatif, déclare caduque depuis la date du jugement d’ouverture la procédure de distribution et ordonne la remise du prix d’adjudication par le bâtonnier séquestre au liquidateur.

La banque se pourvoit en cassation et soutient, d’une part, que les demandes du mandataire se heurtaient à l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance d’homologation, non frappée de pourvoi en cassation et donc devenue irrévocable et, d’autre part, que l’effet attributif de la saisie immobilière s’étant produit avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, la caducité avait été prononcée à tort.

Le pourvoi est rejeté. Les deux moyens soulevés par la banque et la réponse qu’y apporte la chambre commerciale méritent l’attention.

La banque se prévalait donc, en premier lieu, de l’autorité de chose jugée attachée selon elle à l’ordonnance d’homologation du projet de distribution. En effet, dès lors que le mandataire judiciaire, pourtant informé de la procédure de distribution (le projet de distribution et l’ordonnance d’homologation lui ayant été notifiés) ne s’était pas manifesté et n’avait pas formé de pourvoi en cassation contre l’ordonnance d’homologation, la banque estimait que cette dernière était devenue irrévocable et, avec elle, le projet de distribution.

Pour répondre à ce premier moyen, la Cour de cassation fait, si l’on peut dire, un pas de côté : elle ne conteste pas l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge de l’exécution homologuant le projet de distribution du prix de vente ni le fait qu’elle soit devenue irrévocable en l’absence de recours exercé par le mandataire judiciaire mais elle considère que cette autorité de chose jugée ne fait pas obstacle à l’exercice, par ce dernier, d’une action dont l’objet et la cause sont distincts comme tendant non à critiquer l’ordonnance d’homologation mais à voir constater, aux conditions des articles L. 622-21, II, et R. 622-19 du code de commerce, la caducité de la procédure de distribution.

Il est vrai que n’a autorité de chose jugée que ce qui est tranché (la matière litigieuse) par une décision et qu’en l’espèce, en l’absence de contestation du projet de distribution comme de l’ordonnance d’homologation, l’autorité de chose jugée ne pouvait être opposée au mandataire. C’est, au fond, une application assez classique de la notion d’autorité de chose jugée.

La question peut en revanche se poser du point de vue de la loyauté et du principe de concentration… N’appartenait-il pas au mandataire de dévoiler ses intentions et de revendiquer le prix d’adjudication pour le répartir dès qu’il a eu connaissance de la procédure de distribution plutôt que de la laisser se poursuivre pour venir ensuite soulever sa caducité ? Mais l’absence d’information sur les circonstances de l’espèce ne permet pas de se prononcer sur cet aspect.

En second lieu, pour défendre sa procédure de distribution, la banque faisait valoir que l’effet attributif de la saisie immobilière s’était produit avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, de sorte que la caducité de la procédure n’était pas encourue.

Cette notion d’effet attributif est en effet au cœur des textes qui édictent le principe d’arrêt des procédures d’exécution.

Selon l’article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des créanciers antérieurs tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

L’article R. 622-19 précise quant à lui que les procédures de distribution du prix de vente d’un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. Les fonds sont remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui, par cette remise, est libéré à l’égard des parties.

Quand considère-t-on que la saisie immobilière a produit un effet attributif ? Au jour de la consignation du prix ? de la publication du jugement d’adjudication ? de l’homologation du projet de distribution par le juge de l’exécution ? de la répartition des fonds ?

Pour répondre à cette question, la banque proposait une autre option, s’appuyant habilement sur les dispositions des articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Selon l’article L. 334-1 du code des procédures civiles d’exécution, si la distribution du prix n’est pas intervenue dans un délai fixé par voie réglementaire (ce délai est fixé à six mois par l’article R. 334-3), son versement ou sa consignation produit, à l’égard du débiteur, tous les effets d’un paiement à hauteur de la part du prix de vente qui sera remise aux créanciers après la distribution.

La banque a cru voir dans ces dispositions le siège de l’effet attributif : elle soutenait que l’effet attributif de la saisie immobilière d’un immeuble dont le jugement d’adjudication a été publié, se produit, au profit des créanciers privilégiés et hypothécaires de l’immeuble saisi, six mois après la consignation du prix d’adjudication par l’acquéreur si bien qu’à cette date, l’immeuble est sorti du patrimoine du débiteur et la procédure d’exécution est opposable aux organes de la procédure collective ouverte postérieurement à l’égard du débiteur saisi.

Au demeurant, à notre sens, la question n’était pas tant de savoir à quelle date l’immeuble était sorti du patrimoine du débiteur.

En effet, nous savons que l’adjudicataire est propriétaire du seul fait de l’adjudication (sous réserve d’une résolution par la surenchère).

La question était, en revanche, de savoir à partir de quelle date la distribution du prix d’adjudication, homologuée par le juge de l’exécution, figeait les droits des créanciers colloqués et ne pouvait plus être impactée par la survenance d’une procédure collective.

Sur ce point, la cour d’appel et la Cour de cassation ne suivent pas la banque dans son raisonnement, estimant que les dispositions des articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d’exécution ne bénéficient qu’au débiteur. C’est en effet la lettre et l’esprit de ces textes qui tendent à éviter que le débiteur saisi soit victime d’une distribution tardive qu’il ne maîtrise pas et, ainsi, de limiter, l’hémorragie du cours des intérêts.

Ainsi, la Cour de cassation approuve-t-elle la cour d’appel d’avoir retenu qu’aux termes mêmes des articles L. 334-1 et R. 334-3 du code des procédures civiles d’exécution, c’est à l’égard du seul débiteur que la consignation du prix d’adjudication par l’acquéreur produit les effets d’un paiement si la distribution du prix n’est pas intervenue dans les six mois, de sorte que les créanciers inscrits ne peuvent se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu’un effet attributif de la procédure de distribution a eu lieu à leur profit avant l’ouverture de la procédure collective ; qu’en conséquence, dès lors qu’elle a constaté que le prix de vente n’avait pas été réparti entre les créanciers avant l’ouverture du redressement judiciaire, la cour d’appel a décidé à bon droit que la procédure de distribution était caduque et que les fonds séquestrés devaient être remis au mandataire judiciaire pour être répartis conformément aux règles de la procédure collective.

Cet arrêt, qui consacre la primauté du droit des procédures collectives, peut avoir des incidences pratiques importantes, par exemple, si un créancier, se croyant « à l’abri » de la procédure collective pour avoir été colloqué dans le projet de distribution homologué (même si les fonds n’ont pas encore été répartis), omet de déclarer sa créance au passif de la procédure collective de son débiteur.

Rappelons en effet que le liquidateur judiciaire qui distribue le prix d’adjudication d’un immeuble ne colloque que les créanciers inscrits admis au passif.

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À quelques pas de l’École nationale de la magistrature (ENM) se dresse le « nouveau » palais de justice de Bordeaux, avec ses curieuses salles d’audience suspendues dans le vide, censées évoquer à la fois « des ruches, des cuves vinicoles et des verres de vin ». Nous y avons justement goûté quelques bons crus, mais surtout suivi une trentaine d’audiences. Dans le couloir recouvert de dessins d’enfants et de fleurs de crépon se côtoient pêle-mêle des « mineurs non accompagnés » sous escorte, des enfants qui trouvent là une occasion de croiser leurs parents… et des parents, justement, rarement ravis de cette intrusion de la justice dans leur vie.

Le juge des enfants au civil

Une première mission du juge des enfants est civile, et consiste à protéger les mineurs en danger ou, disons – moins dramatiquement –, à aider les parents à assumer leur rôle : c’est l’assistance éducative. Illustration dans le cabinet d’une première juge, où Ismaël, âgé d’une douzaine d’années, entre tout seul, comme un grand. C’est classique, et c’est même un principe posé par la Convention de New York de 1990 : « l’enfant qui est capable de discernement est en droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant » (art. 12). Cette juge-ci fixe personnellement le seuil de discernement autour de cinq ans, pour protéger la parole des jeunes comparants : « avant cet âge, les enfants sont une mine d’information, mais ça sort tout seul, un peu dans tous les sens, et je ne veux pas les conduire à rompre la confiance avec leurs parents ».

« Ce n’est pas aux enfants d’être inquiets pour les parents »

Ismaël semble avoir parfaitement compris les raisons de son placement (« maman allait pas bien avec papa ») dans le même foyer que ses deux frères (« on fait un foot de temps en temps »). Il aimerait bien aller chez son père de temps en temps… mais pas chez sa mère, pour une raison qu’il a étonnamment bien intériorisée : « elle a pas de maison », puisqu’elle vit dans la rue ou au mieux dans des squats. Sa sœur Yasmine, quant à elle, n’a « pas trop compris » la mesure de placement et ajoute qu’elle est « inquiète pour maman ». La juge saisit la balle au bond : « ce n’est pas aux enfants d’être inquiets pour les parents. Quand c’est le cas, c’est que les enfants ont besoin d’être aidés et les parents aussi ». La jeune fille sort à son tour, cédant la place aux parents et aux éducateurs. Ces derniers planchent d’abord sur le cas de Yasmine : « dans sa famille d’accueil, elle a été repositionnée à sa place d’enfant, parce qu’au départ, elle était “parentifiée” et voulait tout le temps faire le ménage. Elle a récemment annulé une rencontre avec sa mère pour se rendre à une compétition de gymnastique, ce qui est intéressant, car elle s’individualise. Elle avait cinq caries, qui sont maintenant soignées, et porte enfin les lunettes dont elle a besoin ». Au sujet d’Ismaël, on disserte longuement sur une tentative de défenestration et le référent du foyer explique : « c’était au retour d’une visite compliquée, où madame n’était pas venue. Mais, selon les médecins, il n’avait pas conscience que sauter de cette hauteur mettait sa vie en jeu et n’avait donc pas mesuré son acte ».

À la suite du dernier jugement, l’ensemble de la fratrie (trois garçons, deux filles) rencontre théoriquement chacun des parents une fois par semaine, ce qui ne se passait pas toujours très bien dans les premiers temps : « Monsieur arrivait fréquemment en retard aux visites et laissait les enfants s’autogérer, parce qu’il pouvait par exemple être au téléphone, ou partir brutalement sans donner la moindre explication ». Quant à la mère, au sujet de laquelle les éducateurs parlent pudiquement d’une « irrégularité de disponibilité psychique », elle « parlait beaucoup de ses problèmes à elle, ce qui s’est répercuté sur le bien-être des enfants, et a annulé beaucoup de rencontres ». Sacrément en retard, l’avocate des enfants arrive juste à temps pour plaider un monument de rien, et totalement dans le vide, puisque la juge a déjà discrètement gribouillé sa décision sur un bout de papier. Elle fait dans la dentelle, en renouvelant tous les placements pour un an, avec pour chaque parent un droit de visite mensuel de la fratrie au grand complet, en alternance avec un droit hebdomadaire en tête-à-tête avec chacun des enfants mais aussi avec des rencontres ponctuelles entre enfants sans parents, et entre Ismaël et Yasmine seulement (« les deux aînés ont besoin de temps pour parler ensemble de ce qui s’est passé dans leur enfance »). Une usine à gaz . « Dans les premières semaines, toutes ces rencontres se feront en lieu neutre et en présence d’un tiers pour travailler sur l’histoire familiale. Ensuite, on pourra envisager des sorties et, dans quelques mois, on essaiera peut-être un week-end chez papa, mais je ne vous promets rien, hein. »

« Je te concède que les résultats ne sont pas terribles jusqu’ici »

Dans un cabinet voisin entre Jason, rondouillard, cheveux en brosse, en jeans de la tête aux pieds. Il se hisse sur une chaise installée à trois bons mètres du bureau du juge et balance nerveusement les jambes dans le vide. Placé chez une tante, il passe un week-end sur deux chez son père. L’autre week-end, il est censé voir sa mère, mais ce n’est arrivé qu’une seule fois en presque six mois, pour son anniversaire : « elle sentait l’alcool ce jour-là ? », demande le magistrat. « Je sais pas », rétorque Jason. « Je ne veux pas que tu ailles chez ta mère, parce que c’est trop violent avec son compagnon… mais je ne lui ai jamais interdit de venir te voir », semble se justifier le juge. La tante et les éducateurs arrivent, ainsi que la mère. Le juge commence par s’adresser à elle : « on a parlé de vous évidemment, pour dire qu’il n’y a pas eu beaucoup de rencontres. Il est très loyal là-dessus, il ne dit pas grand-chose, mais je n’ai pas l’impression que vous en parliez beaucoup ». Bien vu : « on répond aux questions qu’il nous pose, c’est tout ». Sentant d’emblée poindre un peu d’agacement, le juge crève l’abcès comme il peut : « et vous, Madame, vous allez comment ? » Il doit se contenter d’un « très bien merci » crispé qui, à l’évidence, veut dire le contraire, alors il insiste un peu : « qu’est-ce que vous pensez de cette mesure ? » Elle ouvre les vannes : « vous voulez vraiment savoir ? Ben c’est tout pourri, on me propose d’aller le voir en point rencontre avec un tiers, et c’est hors de question. Pourquoi son père a le droit de l’avoir, et on me juge moi ? »

On comprend finalement que, si les rencontres n’ont pu avoir lieu, c’est aussi parce qu’aucun technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF) ne s’est rendu disponible pour les médiatiser. L’éducatrice mandatée par le département et la mère se renvoient la balle. « On a vraiment du mal à la rencontrer », lance sèchement la première ; « j’arrive jamais à la joindre, elle est toujours en vacances », rétorque tout aussi sèchement la seconde. Et d’ajouter : « pour vous, je ne vois pas mon fils et je ne m’implique pas, mais comment ça se fait que j’arrive à élever mes deux autres enfants ? » Le juge ne se laisse pas démonter : « Travailler la relation, ce n’est pas impossible, même dans ce cadre-là, sinon Jason va continuer à avoir le même mal-être. Ce n’est pas que de votre faute, il y a des problèmes, notamment de tiers, qui ne sont pas acceptables. Mais si on n’arrive pas à travailler le fond, je vais devoir changer de mesure ! ». À Jason, il explique que « c’est comme si on t’avait découpé en plusieurs morceaux, et moi j’essaie de les réunir pour que tu sois toi-même… mais je te concède que les résultats ne sont pas terribles jusqu’ici ». La mère est en train de bouillir, et quand le juge lui demande pourquoi, elle clôt la discussion d’un tonitruant « j’ai rien à vous dire ! » Il renouvelle la mesure dans les mêmes conditions et expliquera plus tard à quel point il marche sur des œufs dans ce genre de dossier : « la mère est susceptible, narcissiquement c’est une catastrophe, alors, si j’insiste trop, je sais qu’elle ne verra plus du tout Jason. Les services éducatifs aussi se braquent facilement ».

« Votre déménagement confine à l’abandon, c’est un acte manqué »

C’est au tour d’Elena, une blondinette tout de rose vêtue accompagnée non seulement de son avocat, mais aussi de son chien en peluche, qu’elle installe soigneusement contre elle, sur son accoudoir. Le juge rame pour instaurer le dialogue, puis rend les armes : « est-ce que tu veux rester là pendant que je reçois tout le monde ? » Ce n’est pas juste une façon de parler car, dans la cohue, ce sont pas moins de dix personnes supplémentaires qui prennent place en rang d’oignon, dont trois éducateurs et trois avocats de plus. Sans compter Maureen, la petite sœur de la blondinette, qui babille depuis son berceau et donnera donc moins de fil à retordre au juge. D’emblée, rien n’est clair dans ce dossier et dans cette famille, qui semble reposer sur un « trouple » (un couple à trois) : on saisit juste que la femme, lourdement handicapée, aurait porté successivement les enfants de chacun de ses deux compagnons, dont un seul est présent à l’audience. Même le juge est largué : « ce qui me fascine dans votre fonctionnement, c’est toutes ces zones d’ombre, on ne comprend rien ! Il y a quelque chose de vraiment pathologique dans le lien ». Le père le coupe (« qu’est-ce que vous comprenez pas ? »), et le juge cingle : « on va vous faire une liste ! Le vrai problème, c’est que vous ne compreniez pas qu’on ne comprenne pas ». La plus petite des filles ayant vocation à suivre la grande, un peu comme l’accessoire suivrait le principal, c’est sur Elena que vont se concentrer les débats, mais aucun de ses parents biologiques n’est présent : sa mère ne peut se déplacer (« les trajets, ça l’abîme ») et son père est hospitalisé en psychiatrie (« il ne faisait plus rien »). Les deux filles font l’objet d’une mesure d’action éducative en milieu ouvert (AEMO), une dénomination qui sonne tout de même un brin application des peines : elles ont été placées chez des tiers dignes de confiance (TDC), des tantes vivant en Île-de-France. Pour ne rien simplifier, les polyamoureux présumés ont quitté récemment (et semble-t-il précipitamment) la Gironde pour une bourgade du fin fond de l’Armorique. Ce n’est pas du goût du juge, qui soupçonne une forme de dumping judiciaire, consistant pour les parents à aller voir si, d’aventure, leur mode de vie ne serait pas mieux accepté au nord de l’estuaire de la Loire. Il s’agace aussi du traquenard que représente le fait d’aller s’enterrer dans un coin paumé pour se plaindre ensuite de l’éloignement géographique. Pour lui, ce déménagement sans vraie bonne raison « confine même à l’abandon, quelque chose de l’ordre de l’acte manqué ».

Quoi qu’il en soit, le magistrat sait bien que, plus aucune partie n’ayant sa résidence dans le département, il n’a plus de compétence territoriale (C. pr. civ., art. 1181). Dans la foulée de cette ultime décision, il devra nécessairement se dessaisir au profit d’un collègue, breton ou francilien. En attendant, les liens d’attachement s’effilochent à vue d’œil. Certaines visites partiellement ou totalement médiatisées ont été annulées au dernier moment, en raison des états de santé des uns et des autres. Les deux pères rejettent les moyens de communication classiques, trop ringards : eux aimeraient mieux mailer, textoter, whatsapper, facetimer, ou on ne sait quoi encore. Des outils peu adaptés pour créer une vraie relation… et que la justice, restée au fax, considère même avec de grands yeux ronds. Les parents sont prêts à confier les filles à quasiment n’importe qui n’appartenant pas à cette branche de la famille avec laquelle ils sont brouillés : le père présent propose même comme tiers de confiance une femme dont il peine à déchiffrer le nom dans son bloc-notes. Le juge s’adresse justement à lui : « je considère que la rupture du lien dont vous souffrez, vous en êtes responsable. On peut toujours idéaliser le retour, et au départ c’était mon projet, mais vous avez mis tout ça en échec. Si vous voulez une relation avec ces enfants, ce n’est pas au monde entier de s’adapter à qui vous êtes ». Dans la foulée, il rend sa décision : maintien du placement pour deux ans. Elena la grande pourra aller chez ses parents en Bretagne un week-end par mois, mais pas Maureen la petite (« le trajet est trop long pour elle »). Il se dessaisit au profit d’un tribunal de grande instance de Bretagne, mais prévient à toutes fins utiles : « si vous continuez à déménager comme ça, à un moment, le juge des enfants sera celui du domicile du tiers de confiance, c’est un critère tout à fait possible ».

Le juge des enfants au pénal

Le juge des enfants est aussi (à de rares exceptions près) le seul à pouvoir rendre une décision pénale à l’encontre d’un mineur, seul ou au sein d’un tribunal pour enfants (TPE) : il peut s’agir d’une mesure éducative (admonestation, remise à parents, etc.), d’une sanction éducative (interdiction, mesure de réparation, etc.) ou d’une peine à proprement parler (amende, emprisonnement, etc.). Cette exclusivité (COJ, art. L. 251-1 et L. 252-5) ne date pas de la fameuse ordonnance de 1945, puisqu’elle ressortait déjà d’une série de lois du tout début du XXe siècle, dont on a depuis déduit plusieurs principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (Cons. const., 29 août 2002, n° 2002-461 DC, D. 2003. 1127 , obs. L. Domingo et S. Nicot ; AJDI 2002. 708 ; RSC 2003. 606, obs. V. Bück ; ibid. 612, obs. V. Bück ). Un même juge des enfants n’est pas vraiment censé procéder à l’instruction d’une affaire, puis présider le TPE devant lequel elle serait éventuellement renvoyée (Cons. const. 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC, D. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ fam. 2011. 435, obs. V. A.-R. ; ibid. 391, point de vue L. Gebler ; AJ pénal 2011. 596, obs. J.-B. Perrier ; RSC 2011. 728, chron. C. Lazerges ; ibid. 2012. 227, obs. B. de Lamy ; RTD civ. 2011. 756, obs. J. Hauser ) mais cela reste assez théorique. Plusieurs astuces permettent même de contourner franchement cette règle, ne serait-ce que les tribunaux de grande instance qui disposent… d’un seul juge des enfants. Bref, toujours est-il que, dans le premier de ces deux rôles, le juge des enfants est une sorte de juge d’instruction… même si chaque tribunal de grande instance a aussi un « véritable » juge d’instruction des mineurs.

« Ce n’est pas si grave, les assurances sont faites pour ça »

Le juge des enfants passe donc son temps à mettre en examen. Ce matin, c’est le sort d’Aymeric qui, avec sa vague moustache, fait connerie sur connerie pour provoquer ses parents séparés. Non sans succès, même si les deux ont encore une fois fait le déplacement pour l’audience (« c’est suffisamment rare pour être souligné », précise le juge à Aymeric). On lui reproche d’avoir volé en réunion une voiturette sans permis, ce qu’il reconnaît. C’est en se baladant avec « des collègues » qu’il a repéré le fier bolide, avec les clés sur le contact. Mais, pendant la virée, ils ont croisé la fille de la propriétaire : elle a prévenu les gendarmes, qui sont arrivés fissa. Le conducteur a paniqué et accéléré, déclenchant une rocambolesque course-poursuite à deux à l’heure, jusqu’au bord d’un ravin. Marche arrière, dans la voiture de gendarmerie ; marche avant, dans un arbre : fin de la balade. « Pas de blessé, c’est l’essentiel, qu’est-ce que tu en penses ? », demande le juge. « Que ce n’est pas malin », répond Aymeric, « mon père, il m’a fâché, parce que la voiture elle appartenait à une vieille dame qui ne peut plus aller faire ses courses. Je la contrains à rester chez elle, du coup je regrette un peu ». Un peu ou beaucoup ? « Ouais beaucoup. » Contre toute attente, le juge lui remonte le moral : « ce n’est pas si grave, les assurances sont faites pour ça » (il se tourne vers la greffière, précisant au cas où : « euh… ce n’est pas la peine de noter ça »).

Déscolarisé depuis plusieurs mois (il s’est introduit dans son lycée pendant une exclusion temporaire, ce qui lui en a valu une définitive), Aymeric a commencé à fumer du shit pour s’occuper. Mais il a du recul sur la problématique : « je pense avoir un problème d’anxiété, depuis tout petit ». Sa mère, qui l’interrompt intempestivement depuis le début de l’audience, confirme un sérieux passif de terreurs nocturnes. Comme les parents ne peuvent plus s’encadrer depuis des années et qu’Aymeric se retrouve souvent pris en étau entre les deux, le juge s’adresse à eux : « vous avez travaillé sur votre rupture ? » Les deux regards interloqués qui lui répondent veulent tout dire, alors il fait un peu de forcing pour une médiation familiale : « je ne suis pas le juge de la rupture, c’est le juge aux affaires familiales, mais au bout de quinze ans, il va quand même falloir faire quelque chose, dans l’intérêt d’Aymeric ». Lequel fait une fois encore preuve d’une maturité déconcertante : « visiblement, vous associez mes colères à mes délits, sauf que ces colères, c’est surtout le résultat de l’accumulation de plusieurs années de non-dits. Elles sont rares quand même, et je redescends vite ». Il n’empêche, pour le juge, « ce trop-plein que tu vides, il faut travailler dessus. Et les stupéfiants, tu t’en sers comme d’un anxiolytique, c’est-à-dire pour calmer tes peurs. La boucle est bouclée ». L’éducateur recommande « une mise au vert », ce que le magistrat envisage « comme prise en charge au pénal, donc coercitive, au moins jusqu’à la rentrée prochaine ».

Aymeric ne veut pas en entendre parler et son avocate résume bien les tiraillements qu’implique la représentation des mineurs : « je dois m’exprimer en fonction de ses intérêts, et j’entends bien qu’il ne veut pas être confié, mais en même temps je trouve que c’est une bonne idée et que, pour retrouver sa place dans sa famille, des fois, il faut prendre un peu de distance. Je rejoins donc votre position ». Le juge part donc là-dessus mais (un peu comme avec une éventuelle « césure pénale » pour un majeur) ne rendra sa décision finale que dans plusieurs mois. Après avoir levé l’audience, il en remet une couche sur la médiation familiale, proposant aux parents d’aller au moins passer une tête à une réunion d’information. Ils font semblant de ne pas avoir entendu.

« Je ne vous cache pas, Maître, que je pense l’accrocher »

Le juge des enfants peut aussi à l’occasion porter une casquette qui ressemble bigrement à celle du juge des libertés et de la détention (JLD). C’est le cas avec la « PIM » ou « présentation immédiate » (ord. de 1945, art. 14-2), à ne pas confondre avec la « comparution à délai rapproché » (art. 8-2). À condition d’avoir des éléments précis de personnalité et un certain quantum d’emprisonnement encouru, le parquet peut demander au juge des enfants une incarcération avant jugement, pour dix jours à deux mois. La procureure concède que « c’est un OVNI procédural. On l’utilise beaucoup pour les sans-papiers mineurs non accompagnés (MNA), parce qu’on n’a pas beaucoup d’autres leviers possibles ». Le parcours de Brahim commence donc par un défèrement. Classiquement, il vit dans un squat avec d’autres « MNA » et commet beaucoup de vols tantôt astucieux, tantôt violents, défoncé au Rivotril ou à l’Erika, une mystérieuse spécialité locale. Tout aussi classiquement, il refuse sans doute une fois sur deux de « palucher ». Aujourd’hui, on lui reproche d’avoir volé en réunion une sacoche contenant un ordinateur portable à la terrasse d’un café. En tout cas, il a été interpellé avec. Il arrive avec une interprète, se laisse lourdement tomber sur la chaise et regarde ailleurs avec un sourire en coin. Ce qui n’est pas du goût de la proc’ : « j’aimerais bien qu’il me regarde dans les yeux, parce que déjà hier en visio, ça m’a saoulée ». Date, lieu de naissance, alias… Il répond aux premières questions en français tandis que l’interprète, au chômage technique, hausse les épaules. « Est-ce que vous reconnaissez les faits, Monsieur ? », demande la magistrate. « Ce n’est pas moi qui ai fait ça, je peux tout vous expliquer depuis le début… », répond Brahim, qui se fait sèchement rabrouer : « alors non, on ne va pas y passer trois heures, vous n’avez pas changé de version, quoi ». La procédure continue dans le bureau du juge. Brahim ne le sait pas, mais le magistrat a d’ores et déjà prévenu son avocat, pendant la remontée du dépôt : « je ne vous cache pas, Maître, que je pense l’accrocher ».

On passe rapidement sur les faits (« vol ou recel, ça ne change pas les choses du tout au tout non plus »), pour se pencher sur la personnalité. Et notamment sur l’enquête sociale rapide (ESR), dont il ressort une déficience intellectuelle : « on dit qu’il a un niveau de compréhension très bas, qu’est-ce qu’il en pense ? » L’interprète ouvre des yeux ronds comme des billes : « vous voulez vraiment que je lui traduise ça ?! » Elle prend finalement tellement de pincettes qu’on n’en saura guère plus. Le juge reste intimement persuadé que Brahim n’est pas un second couteau, mais qu’il dirige son squat : « il a des vêtements neufs, il est propre et il a une coupe et des mèches, ce qui dénote un certain goût ». Cela expliquerait au passage pourquoi, si d’aventure la version de Brahim devait être exacte, le véritable voleur de la sacoche serait immédiatement venu la lui remettre.

La procureure, qui jongle avec la permanence téléphonique, passe une tête pour requérir en vitesse : « ce sont des faits de subsistance, qui pourraient donner lieu à une certaine mansuétude, mais on lui a donné des chances, qu’il n’a pas saisies ». Elle invoque l’absence de garanties de représentation et le risque de renouvellement, puis tourne les talons pour retourner s’occuper de ses officiers de police judiciaire. L’avocat y croit encore : « il ne me semble pas que la détention soit une fatalité. Il conteste les faits et on ne peut tenir pour acquis que l’infraction soit caractérisée. Il a manifestement des capacités intellectuelles très inférieures à la moyenne, nous pourrions débattre d’une irresponsabilité, en raison d’un discernement obéré. Et il a toujours été comparant dans les procédures précédentes ». Lorsqu’on lui pose des questions sur sa santé, Brahim se dit « allergique à la clim’ ». Cela ne devrait pas poser de problème, car il n’y en a pas à la maison d’arrêt : c’était en fait pour remplir la notice de détention et Brahim s’écroule en pleurs lorsqu’il le comprend. La paperasse terminée, le juge lance (à l’attention de l’escorte) une phrase pas très heureuse dans le contexte : « je vais vous libérer ».

« Mes parents, ils sont dans la merde depuis toujours, vous savez pas comment c’est dur »

Beaucoup d’affaires sont jugées en chambre du conseil, mais plus les infractions sont graves et les auteurs âgés, plus les chances de renvoi (par ordonnance) devant un tribunal pour enfants (TPE) sont grandes. C’est en fait le cas dès lors que la réponse pénale envisagée est véritablement répressive (sanction éducative ou peine). Composé d’un président juge des enfants et de deux assesseurs non professionnels, il statue toujours dans le huis clos le plus absolu. On regarde même un peu nos chausures lorsque la présidente refuse l’accès à la sœur de Karim (« je ne laisse entrer que les titulaires de l’autorité parentale »), détenu pour autre cause : « une sorte de braquage correctionnalisé », lâchera-t-elle sans s’attarder. Karim entre donc sous bonne escorte, et entravé, pour être jugé pour deux dossiers de conduite sans permis, remontant à près de deux ans (il est devenu majeur et a passé son code dans l’intervalle). Dans le premier, on lui reproche aussi un usage de stups, un refus d’obtempérer (avec mise en danger) et des violences (sans ITT) sur dépositaire. Il faut remonter au printemps 2018. Après avoir grillé un feu rouge dans le centre-ville, Karim est pris en chasse par deux motards, grille beaucoup d’autres feux, prend plusieurs rues à contresens, percute plusieurs terre-pleins centraux : la voiture fait même des étincelles. Puis il file vers la zone industrielle, qu’il traverse à 140 km/h, et s’engage sur la rocade, où il monte à 170. Il ne s’arrête finalement, au bout de 13 km, que lorsque l’un des motards tire dans sa direction. Karim reconnaît à peu près tout, à l’exception notable des violences, c’est-à-dire de l’intention de faire chuter les policiers : « avec le stress, je ne savais plus ce que je faisais, j’allais à droite et à gauche, mais en aucun cas je ne voulais les faire tomber. Je savais que même pour un simple contrôle d’identité, comme j’étais en contrôle judiciaire, je risquais d’aller en prison, mais je n’ai jamais voulu me servir de la voiture comme d’une arme ». D’ailleurs, Karim affirme avoir fini par s’arrêter volontairement, un point sur lequel son avocate pinaille longuement sans aller nulle part.

La présidente s’agace : « je veux bien que ça colore le dossier mais, après tous ces kilomètres de course-poursuite et ces embardées, je pense que ça n’importe pas beaucoup ». Karim se plaint aussi de violences policières lors de son interpellation : « si vous essayez de minimiser votre conduite, je ne pense pas que ce soit une bonne stratégie. Vous pouvez déposer plainte mais ça ne concerne pas le tribunal. Il y a un avocat obligatoire dès le début de la garde à vue pour les mineurs, et un examen médical ». Pour la seconde conduite sans permis, deux mois plus tard, il a eu la bonne idée de s’arrêter, mais a présenté un permis qui n’était pas le sien : il est donc également poursuivi pour prise du nom d’un tiers. On ne comprend toujours pas bien où compte aller l’avocate de la défense sur les faits : elle reprend longuement les thèses du ministère public, entame de vagues contradictions, mais les conclut invariablement par « bon, dont acte ». Elle fait mieux sur la personnalité, évoquant « un père absent, une mère qui s’est mariée à 13 ans et a eu son premier enfant à 14, qui est massivement dépressive et a depuis longtemps abandonné son rôle éducatif. Ce garçon a déclaré que “la maison est triste depuis toujours”, il vit dans un vide sidéral. Lui qui manquait de maturité en a pris d’un coup, en passant son dix-huitième anniversaire en prison ». Sa plaidoirie, se termine sur le « besoin d’un corset judiciaire » et sur le fait qu’une peine « sans obligations, moi ça me gêne » : sans jamais le formuler clairement, elle demande donc sans doute un sursis avec mise à l’épreuve (SME). Karim écope de six mois, dont quatre de sursis simple « qui seront soit mis à exécution, soit aménagés, mais c’est le juge de l’application des peines qui sera compétent, pas le juge des enfants ». Une peine qui ne lui fait ni chaud ni froid, contrairement aux 1 400 € alloués à chacun des motards. À Karim, qui demande à les devoir lui-même, la juge explique que « vous pourrez les rembourser, mais c’est le principe de la responsabilité civile parentale et un des dommages collatéraux de votre infraction ». Il entre dans une colère noire, se débat lorsque l’escorte l’empoigne, et se met à hurler : « mes parents, ils sont dans la merde depuis tout petit, vous savez pas comment c’est dur pour notre famille ! ». Le père, qui était lui aussi resté impassible au moment du prononcé de la peine d’emprisonnement et qui vient apparemment seulement de découvrir le concept d’autorité parentale, hurle encore plus fort que lui : « normalement, c’est à lui de payer ! »

Pour le dernier dossier de la journée, on se retrouve absolument seuls dans la salle. Pas un badaud en vue, forcément, mais pas non plus de comparant ni d’avocat… même l’huissier a baissé le rideau. Trois « MNA » ont été interpellés alors qu’ils se disputaient un sac, comportant des ordinateurs et des consoles provenant d’un vol. Deux sont majeurs et ont déjà été condamnés depuis en comparution immédiate. Reste donc un mineur, « X, se disant Abdel », également confondu dans l’intervalle par ses empreintes laissées sur le lieu du cambriolage. Pendant le dialogue, un peu artificiel, qui s’installe entre le parquet et le tribunal, on ne peut s’empêcher de se demander comment l’audience se serait déroulée sans nous. Bordeaux oblige, auraient-ils débouché tous ensemble quelques (excellentes) bouteilles, comme ils le firent quelques heures auparavant ? Le parquet requiert essentiellement à notre attention : « on a aussi retrouvé l’ADN d’un autre, jugé en comparution immédiate parce qu’on avait des éléments permettant de le dire majeur. Or il a toujours mis Abdel en cause comme coauteur, y compris en confrontation. On peut se féliciter qu’il ait accepté la signalisation mais, comme d’habitude, il a refusé toutes les mesures d’assistance éducative ». Le délibéré symbolique dure une douzaine de secondes à tout casser et, comme on s’en doutait un peu, on était resté debout au milieu des bancs déserts : reconnu coupable sans surprise, « Abdel » prend deux mois ferme.

Le bénéficiaire d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir ou d’une déclaration préalable doit procéder à l’installation sur son terrain d’un panneau d’affichage conformément à l’article A. 424-15 du Code de l’urbanisme.

Ce panneau doit respecter des dimensions et son contenu est strictement réglementé.

L’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme précise les mentions obligatoires telles que le nom du bénéficiaire, le nom de l’architecte, la date de délivrance, la nature du projet et la superficie du terrain, la surface de plancher autorisée, la hauteur de la construction…
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Depuis le 1er janvier 2018, le Forfait Post Stationnement (FPS) a remplacé l’amende de stationnement de 17 € depuis la loi de dépénalisation du stationnement payant.

Ainsi, les automobilistes qui n’ont pas ou insuffisamment payé leur stationnement sont passibles d’un avis de paiement du forfait post-stationnement, dont le montant est variable selon les communes.

La contestation du FPS doit être effectuée dans le délai d’un mois à compter de la date d’envoi de l’avis de paiement.
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La question de l'octroi du bénéfice d'une prestation compensatoire n'est pas aussi simple que cela. Une différence de revenus entre deux époux n'entraîne pas nécessairement le bénéfice d'une prestation compensatoire. Pour pouvoir bénéficier du principe d'une prestation compensatoire, la condition est que la rupture du mariage créée une disparité dans les conditions de vie de l'un ou de l'autre des époux. Si cette conséquence n'existe pas, aucune prestation compensatoire ne sera accordée par le Magistrat. Pour savoir si disparité il y a, il faut prendre en compte les revenus et charges de chaque époux mais aussi l'ensemble du capital détenu par chacun des époux. Mais, là encore, tous les revenus et toutes les charges n'ont pas à être pris en considération pour apprécier le bien fondé ou pas d'une prestation compensatoire. Ainsi, le bénéfice d'une prestation compensatoire ne dépend ni de la durée du mariage, ni de l'âge et de l'état de santé des époux, ni des choix effectués en perspective du développement de sa famille et de l'entretien des enfants…ces critères ne sont pris en considération que dans le cadre de l'évaluation du montant de la prestation compensatoire. Ce n'est pas parce que l'un des époux a consacré une partie de sa vie maritale à l'entretien et à l'éducation de la famille qu'il pourra pour autant prétendre au bénéfice d'une prestation compensatoire.

D'où la nécessité de prendre conseil auprès d'un Avocat compétent, Maître Didier ADJEDJ pratiquant le droit de la famille depuis 25 ans.

Ayant vu le jour avec la loi sur les 35 heures du 19 janvier 2000 avec un seul et unique article inséré dans le Code du Travail, ce dispositif a été considérablement précisé avec la recodification du Code du Travail de 2008 lequel consacre désormais près de 13 articles à ce type de convention (articles L.3121-53 à L.3121-66). Pourtant, cette catégorie particulière de contrat de travail, avantageuse pour le salarié comme pour l'employeur, nécessite une vigilance certaine au moment de sa rédaction et de sa signature. A qui s'adresse-t-elle? La convention de forfait en jours ne s'adresse pas à tout salarié mais à seulement deux catégories de salariés à savoir les Cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'entreprise ainsi que les salariés disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Quelles sont les conditions de validité de cette convention de forfait jours? Il faut un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut une convention ou un accord de branche. Il faut ensuite l'accord exprès du salarié qui doit nécessairement être retranscrit dans le cadre d'une convention écrite. Si ces conditions ne sont pas réunies, la convention est nulle et de nul effet et le salarié peut saisir le juge en paiement d'heures supplémentaires. L'employeur est également tenu, tout au long de la relation de travail, de s'assurer du caractère raisonnable de la charge de travail de son salarié, au risque de se voir condamné au versement d'une indemnité pour non respect de la santé et de la sécurité de son salarié au travail. Il faut donc être très vigilant en qualité d'employeur au moment de la rédaction et au cours de l'exécution d'une convention de forfait en jours. Le salarié, quant à lui, a intérêt à vérifier et à s'assurer que cette convention est convenablement appliquée par son employeur….

D'où la nécessité de prendre conseil auprès d'un Avocat compétent, Maître Didier ADJEDJ pratiquant le droit social depuis 25 ans.

Si vous avez confié à une entreprise la réalisation de travaux de rénovation de votre toiture, ou la réfection totale de cette toiture et si celle-ci a interrompu les travaux en cours alors que vous êtes à jour des paiements.

Vous avez intérêt dans un premier temps, à lui adresser une lettre recommandée avec avis de réception lui faisant sommation de terminer les travaux ou de vous indiquer ce qui s’y oppose.

Faute de réponse de sa part, il faudra saisir le Juge des Référés, par l’intermédiaire d’un Avocat de préférence, pour demander la désignation d’un expert judiciaire, qui sera en charge de déterminer le coût des travaux restant à exécuter.
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L'adultère, encore de nos jours, peut constituer une injure grave.

C'est ce qu'à jugé la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation le 25 octobre 2017 (n°16-21136) en annulant pour cause d'ingratitude la donation au dernier vivant consentie à la belle mère de deux frères, par leur père.
Dans cette espèce, en plus, l'amant était un ami intime du couple et la situation avait fait naitre des ragots dans le village.

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Ces dernières années les clauses sociales d’insertion ont pris une importance grandissante dans les marchés publics. Cet outil contractuel a pour objectif d’inciter les entreprises répondant aux marchés publics à recruter des personnes rencontrant des difficultés à trouver un emploi.

Ce dispositif concerne :

- les bénéficiaires de minima sociaux (RSA, ASS, AAH) ;

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La décision est historique, et place l’Allemagne à l’avant-garde en Europe en matière de reconnaissance des droits des personnes intersexuelles : la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe vient en effet, mercredi 8 novembre, de reconnaître la nécessité de faire figurer dans les registres de naissance, aux côtés des genres masculin et féminin, une troisième case « inter » ou « divers ». Dans ses attendus, la Cour constitutionnelle a donné au législateur jusqu’au 31 décembre 2018 pour légiférer à ce sujet.

À l’origine de la plainte, V…, 27 ans, inscrite dans le registre des naissances sous le genre féminin, est atteinte du syndrome de Turner, une affection génétique rare liée à l’absence totale ou partielle d’un chromosome X. Ne pouvant de ce fait se retrouver dans l’assignation féminine ou masculine, cette personne souhaitait faire modifier son état civil en faisant valoir auprès de l’administration la reconnaissance de son genre sous la dénomination « inter » ou « divers ». Sa demande ayant été refusée et son appel ayant échoué, la question est remontée jusqu’à la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe.

Si, depuis 2013, la législation allemande prévoit la possibilité – selon l’article 22 de la loi relative à l’état civil (Personenstandsgesetz) – de ne pas mentionner de genre sexuel dans le registre des naissances, la Cour constitutionnelle a estimé cette disposition insuffisante : cette définition négative du genre aboutirait à nier purement et simplement leur genre. Ce qui est incompatible avec la loi fondamentale allemande, en particulier de son article 2, qui stipule dans son premier paragraphe que « chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité », et de son article 3, qui précise que « nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison de son sexe ».

Or la Cour souligne que « l’un des devoirs du droit de la personnalité consiste à assurer les conditions élémentaires permettant à chaque personne de développer d’elle-même son individualité et de la préserver ». Si elle note qu’il n’est pas pour autant concevable que la loi envisage tous les événements pouvant freiner le libre développement de l’identité de chacun, la Cour relève que la protection offerte par le droit de la personnalité se révèle défaillante « si le développement de la personnalité est spécifiquement menacé ».

Or, « parce que leur identité intersexuelle est non équivoque et durable, [ces personnes] ont droit à une reconnaissance égale de leur genre en tant qu’expression de leur droit personnel global » : « leur assignation de force au genre masculin ou féminin empiète sur leur droit personnel en les contraignant à se placer dans un système binaire qui ne correspond pas à leur sentiment identitaire propre ».

À la différence de la Cour fédérale de justice allemande, qui avait refusé en 2016 cette évolution par crainte de voir l’administration créer un « troisième sexe », la Cour constitutionnelle juge qu’« avec cette catégorie, le législateur ne créera pas nécessairement “un troisième genre” […] mais simplement une désignation générique destinée à toutes les personnes qui ne peuvent être assignés au genre masculin ou féminin, sans pour autant souhaiter être qualifiés de “sans genre” ».

Après l’audition d’un panel d’associations et de représentants de la société civile, allant des associations de défense des droits des personnes intersexuelles aux représentants ecclésiastiques, la Cour souligne par ailleurs que la législation doit tenir compte de l’évolution des connaissances actuelles sur les problématiques d’indétermination sexuelle : « les variantes du développement du genre ne sont pas des maladies. Il est exclu par exemple d’envisager leur “guérison”. Aucune intervention médicale ou psychologique ne pourra changer quoi que ce soit à cette situation d’indétermination en tant que telle. L’enjeu de la place des personnes faisant preuve d’une variante dans le développement du genre relève d’une problématique sociale globale et c’est dans ce cadre précis qu’elle doit être envisagée ».

Le ministère fédéral de l’intérieur, chargé de l’état civil, a d’ores et déjà annoncé son intention de mettre en œuvre les préconisations de la Cour constitutionnelle.

Les faits de l’espèce, à défaut d’être simples, étaient classiques et témoignaient d’une dispute entre des héritiers. Un de cujus, père de deux enfants mineurs issus d’un mariage dissous par divorce, avait confié à sa sœur la gestion des biens revenant à ses enfants. Évoquant un conflit d’intérêts entre la sœur et les enfants, l’ex-épouse, mère desdits enfants, a sollicité la prolongation de la mission du mandataire successoral. Les juges du fond ayant fait droit à sa demande, la sœur s’est pourvue en cassation.

Aux termes de l’article 813-9 du code civil, « le jugement désignant le mandataire successoral fixe la durée de sa mission ainsi que sa rémunération », étant précisé que cette durée peut être prolongée. Le texte précise également que cette « mission cesse de plein droit par l’effet d’une convention d’indivision entre les héritiers ».

À ce propos, rappelons que, dans la mesure où la convention a pour effet de surseoir au partage, le consentement de...

Le législateur a jusqu’au 31 décembre 2018 pour faire évoluer le droit de l’état civil en ce sens.

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Auteur d'origine: babonneau

La signature d’une convention d’indivision par une seule personne, agissant en des qualités différentes alors qu’existe un conflit d’intérêts, ne met pas fin de plein droit à la mission du mandataire successoral.

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Auteur d'origine: nkilgus

En présence d’enfants d’une précédente union du défunt, son conjoint survivant, donataire de la quotité disponible spéciale entre époux, bénéficie de sa vocation légale, augmentée de la portion de la libéralité excédant cette vocation, dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux.

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Auteur d'origine: Dargent