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Retrouvez ici tous les articles sur le coronavirus publiés sur Dalloz actualité. 

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Auteur d'origine: Bley

L’avocat Vincent Nioré, délégué du bâtonnier aux perquisitions, est accusé d’avoir proféré des insultes à l’encontre de trois juges d’instruction lors d’une audience JLD. L’audience disciplinaire qui devait se tenir jeudi 19 mars est repoussée. Une histoire de « ton » et de « virulence » entre avocats et magistrats.

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Auteur d'origine: babonneau

Les projets de loi coronavirus, débattus aujourd’hui et demain par le Parlement, contiennent de nombreuses dispositions exceptionnelles : état d’urgence sanitaire, conséquences financières, sociales ou électorales… Les textes contiennent notamment plusieurs habilitations à légiférer par ordonnances qui concernent directement les juridictions.

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Auteur d'origine: babonneau

Lorsque plusieurs avocats sont désignés successivement pour prêter leur concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, c’est la notification de la désignation initiale qui sert de point de départ au nouveau délai d’appel prévu à l’article 38 du décret du 19 décembre 1991. 

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Auteur d'origine: gmaugain

La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955, est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

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Auteur d'origine: babonneau

« Aux termes de l’article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant.Ce texte, qui énonce une règle de conflit bilatérale et neutre, n’exclut pas le renvoi. »

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Auteur d'origine: fmelin

En retenant que la partie se prévalait pour la première fois en appel de la prescription des intérêts pour juger irrecevable cette demande, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

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Auteur d'origine: laffly

La Cour de cassation réaffirme la responsabilité de plein droit du producteur d’un produit de santé dès lors qu’est caractérisé la défectuosité de ce dernier et la nécessité d’établir la faute du praticien qui a fait usage de ce produit sur le patient. 

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Auteur d'origine: Dargent

La loi du 3 janvier 1972 sur la filiation a introduit dans le code civil des règles de conflit de lois et notamment l’article 311-14, qui dispose que « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant ».

Depuis lors, les meilleurs auteurs se sont interrogés sur la compatibilité de cette disposition avec la théorie du renvoi. Rappelons qu’en droit international privé, cette théorie vise l’hypothèse dans laquelle la règle de conflit de lois de l’État A donne compétence à la loi de l’État B pour régir un litige et que la règle de conflit de lois de cet État B donne compétence soit à la loi de l’État A soit à la loi d’un État C : si l’on admet que la théorie du renvoi doit être mise en application, le juge de l’État A saisi du litige peut alors appliquer non pas la loi de l’État B mais sa propre loi ou la loi de l’État C (sur l’ensemble de la question, v. W.J. Kassir, Le renvoi en droit international privé, technique de dialogue entre les cultures juridiques, Rec. cours La Haye, vol. 377). Rappelons également que cette théorie du renvoi a été...

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Et un nouvel arrêt relatif aux demandes nouvelles en cause d’appel ! On le dit et on le répète, les différentes chambres de la Cour de cassation restent toujours autant occupées à rappeler ce qu’est, ou n’est pas plutôt, une demande nouvelle. Destiné à une large publication, rendu cette fois en formation de section, la position de la Haute cour, n’est pourtant pas, elle, nouvelle.

Pour la première fois devant la cour d’appel, une partie soulève la prescription des intérêts échus sollicités par la partie adverse. La cour de Douai juge irrecevable comme nouvelle en cause d’appel une telle demande par application de l’article 564 du code de procédure civile. Au visa de ce même article, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt, seulement en ce qu’il avait déclaré irrecevable la demande relative aux intérêts, et renvoie les parties devant la même cour autrement composée dès lors qu’en retenant que la partie se prévalait pour la première fois de la prescription des intérêts pour juger irrecevable cette demande, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale.

Les faits étaient simples : une société civile de construction poursuivait, après avoir obtenu gain de cause par un précédent arrêt de cour d’appel, une condamnation à hauteur de 71 845,96 €, avec intérêts au taux contractuel, contre son adversaire. Il avait fait pratiquer une saisie-vente et une saisie-attribution sur le compte bancaire de son débiteur qui l’avait contestée devant le Juge de l’exécution. Pour la première fois donc devant la Cour, celui-ci opposait la prescription des intérêts échus mais cette demande fut jugée nouvelle comme nouvelle en cause d’appel par la cour d’appel de Douai au visa, repris par la deuxième chambre civile, de l’article 564 du code de procédure civile.

L’article 564 dispose qu’« À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Plusieurs raisons objectives pouvaient, et devaient, conduire la deuxième chambre civile a censuré une telle motivation.

On sait déjà que l’article 564 souffre plusieurs exceptions au principe qu’il pose puisque « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » (C. pr. civ., art. 565) et, dans sa version issue du décret du 6 mai 2017, que « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire (C. pr. civ., art. 566).

Aussi, si la prétention présentée pour la première fois avancée en appel se rattache aux demandes initiales formulées en première instance, la demande présentée devant la cour n’est pas nouvelle en cause d’appel. Il en est ainsi des demandes présentées pour la première fois en appel au titre d’intérêts, de capitalisation ou de frais d’agios mais encore de multiples préjudices dès lors qu’ils se rattachent au même fait originaire (en ce sens, Civ 3e, 6 sept. 2018, n° 17-21.329, Dalloz actualité, 2 oct. 2018, obs. R. Laffly ; Civ. 2e, 16 mai 2013, n° 12-13.859, D. 2013. 2058, chron. H. Adida-Canac, R. Salomon, L. Leroy-Gissinger et F. Renault-Malignac ). Rappelons encore que l’action en nullité d’une vente tend aux mêmes fins que la demande de résolution initiée en première instance, la Cour de cassation utilisant en réalité le critère de la contradiction entre les prétentions pour dire une demande nouvelle en cause d’appel. La demande de nullité contractuelle présentée pour la première fois en appel est ainsi nouvelle devant la Cour d’appel si une demande tendant à l’exécution du contrat était poursuivie en première instance. Ainsi, bien que les articles 565 et 566 n’étaient pas en débat, il pouvait être soutenu que la demande de voir juger prescrite celle formulée par la partie adverse au titre des intérêts échus se rattachaient bien, même sur un fondement juridique différent, aux éléments de contestation soumis au juge de l’exécution, sans qu’aucune contradiction ne puisse être opposée.

Bien plus, selon la lettre même de l’article 564, une partie ne peut soumettre à la cour de nouvelles prétentions « si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses », ce que faisait précisément en l’espèce le débiteur en opposant une défense à la demande adverse. C’est ce que censure la deuxième chambre civile en relevant que la cour d’appel n’avait pas examiné si les conditions du texte étaient réunies.

Enfin, bien que la question ne soit pas abordée sous cet angle, on cherchera vainement pour quelle raison une fin de non-recevoir serait qualifiée de demande nouvelle en cause d’appel. Sur ce point, la position de la cour de Douai ne pouvait que surprendre tant il était évident que la demande tendant à voir juger prescrite la prétention adverse relative aux intérêts s’analysait en une fin de non-recevoir par application de l’article 122 du code de procédure civile. Non seulement l’article 122 n’est pas limitatif, mais la prescription y est mentionnée expressément ! Or, par application de l’article 123, les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause… c’est-à-dire pour la première fois en cause d’appel.

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Après la pause de prothèses de hanche droite et gauche, respectivement en 2004 et 2005, un homme est victime, en 2007, d’une chute due à un dérobement de sa jambe droite consécutif à une rupture de la tige fémorale de sa prothèse de la hanche droite. Si la tige fémorale est remplacée par le chirurgien, la victime conserve toutefois des séquelles de sa chute et assigne, après expertise, en responsabilité et indemnisation tant le chirurgien que le producteur de la prothèse.

La cour d’appel de Versailles, le 4 octobre 2018, déclare la société productrice de la prothèse entièrement responsable du préjudice subi par la victime, rejetant, en revanche, toute responsabilité du chirurgien en l’absence de la démonstration d’un acte fautif.

Tant le producteur que la victime de la chute forment un pourvoi en cassation. Le premier soutient qu’aucun défaut inhérent à la prothèse n’a été démontré. La victime, quant à elle, fait grief à l’arrêt de ne pas avoir retenu la responsabilité du praticien, alors que celle-ci serait « encourue de plein droit en raison du défaut d’un produit de santé qu’il implante à son patient ». Enfin, dans un second moyen, la victime sollicite, dans l’hypothèse où la cassation serait encourue sur le chef de dispositif qui a condamné le producteur à l’indemniser, la cassation par voie de conséquence, du chef du dispositif par lequel les juges du fond l’ont débouté de son action en responsabilité contre le chirurgien, alors même que celui-ci a commis des fautes dans la conservation de l’explant.

Deux questions distinctes se posaient ainsi devant la Cour de cassation. Tout d’abord, il s’agissait de caractériser la défectuosité d’une prothèse de hanche s’étant rompue prématurément. Ensuite, il était question de la possibilité d’engager la responsabilité sans faute du praticien ayant implanté la prothèse.

La Cour de cassation rejette les pourvois principal et incident, considérant, d’une part que les juges du fond, souverains dans leur appréciation, ont pu déduire « que la rupture prématurée de la prothèse était due à sa défectuosité, de sorte que se trouve engagée la responsabilité de droit du producteur » et, d’autre part, que la responsabilité du chirurgien ne pouvait être engagée qu’en présence d’une faute de celui-ci. Elle ajoute également que la cassation par voie de conséquence soulevée par le second moyen du pourvoi incident est sans portée dès lors que les moyens du pourvoi principal contestant la responsabilité du producteur ont été rejetés.

Les juges de cassation réaffirment ainsi, à la fois la responsabilité de plein droit du producteur d’un produit de santé dès lors qu’est caractérisé la défectuosité de ce dernier, et la nécessité d’établir, en revanche, la faute du praticien qui a fait usage de ce produit sur le patient.

Le rappel de la responsabilité de plein droit du producteur. La première partie de l’arrêt permet d’apporter des précisions quant à l’appréciation de la défectuosité d’un produit de santé. Pour rappel, celle-ci a été définie par l’article 6 de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985, repris désormais par l’article 1245-3 du code civil. La défectuosité d’un produit s’entend ainsi de l’absence de sécurité « à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Toutefois, l’appréciation de la défectuosité d’un produit de santé est particulière. Sont en effet prises en compte les attentes légitimes des patients, lesquelles sont particulières en raison de la vulnérabilité de ces victimes, blessées par ce qui devait les guérir, mais également certains éléments comme les antécédents médicaux ou encore la prédisposition au dommage. En outre, souvent appliqué aux médicaments, ce régime de responsabilité doit également prendre en compte la balance thérapeutique de ces produits aux fins de caractériser leur défectuosité. La spécificité de cette appréciation a d’ailleurs également été mise en avant, concernant des dispositifs médicaux, par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 5 mars 2015, qui a indiqué, concernant des stimulateurs cardiaques et des défibrillateurs automatiques implantés que « le défaut potentiel de sécurité, qui engage la responsabilité du producteur, réside, s’agissant de ces produits, dans la potentialité anormale de dommage que ceux-ci sont susceptibles de causer à la personne » (CJUE 5 mars 2015, Boston Scientific Medizintechnik (Sté) c/ AOK Sachsen-Anhalt - Die Gesundheitskasse, aff. jtes n° C-503/13 et C-504/13, D. 2015. 1247 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2015. 406, obs. P. Jourdain ; JCP 2015. 543, note L. Grynbaum ; ibid. 1409, obs. M. Bacache ; Europe 2015, n° 203, obs. F. Rigaux).

L’arrêt du 26 février 2020 vient ainsi préciser, une nouvelle fois, les modalités de détermination de la défectuosité d’un produit de santé en présence d’un dispositif médical. Celle-ci relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, lesquels peuvent se fonder sur des présomptions graves, précises et concordantes (V. not. Civ. 1re, 18 oct. 2017, n° 15-20.791, D. 2018. 490 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RDSS 2017. 1140, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2018. 140, obs. P. Jourdain ; JCP 2017. 1220, note G. Viney). Dans cette affaire, la cour d’appel a procédé par voie d’élimination eu égard aux conclusions de l’expertise qui indiquaient : « les fractures d’une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d’un défaut majeur de conception, et sont estimées en littérature à 0,23 %. L’obésité est une cause de surcharge de la prothèse, néanmoins n’a été constatée aucune augmentation du taux de fracture d’implant proportionnelle à la progression du nombre de patients obèses implantés ». La difficulté tenait notamment au fait que le chirurgien avait commis des fautes dans la conservation de l’explant en renseignant, de manière erronée, les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance (V. l’art. R. 665-48 du CSP qui énonce que « la matériovigilance a pour objet la surveillance des incidents ou des risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispositifs médicaux ») de sorte que la trace de l’explant avait été perdue. Les juges du fond ne pouvaient donc s’appuyer que sur les dires de l’expert, lequel excluait tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la rupture de la prothèse et relevait l’absence de faute dans son choix et dans sa pose. Aussi, dès lors qu’a été constaté que « le point de facture se situe à la base, dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche », la cour d’appel a pu déduire de la rupture prématurée de la prothèse sa défectuosité. En effet, si tout produit de santé, en raison de sa complexité, peut présenter des dangers sans que ceux-ci ne suffisent, en soi, à caractériser leur défectuosité, il en va toutefois différemment lorsque l’aléa attaché au produit se réalise anormalement (V. not. sur la notion de dangerosité anormale, P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, coll. « Manuel », 5e éd., 2018, n° 751 ; G. Viney et P. Jourdain, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, coll. « Traités », 4e éd., 2013, n° 774-1). En l’espèce, c’est bien la prématurité de la réalisation du risque de fracture de la prothèse qui a permis de déterminer l’existence d’un défaut, le patient à qui a été implanté une prothèse de hanche étant légitime à attendre du produit que celui-ci ne cède pas moins de trois ans après sa pose.

La réaffirmation de l’exigence d’une faute du praticien. L’obligation de sécurité de résultat pesant sur les membres du corps médical et les centres de soins, reconnue initialement en jurisprudence (V. not. Civ. 1re, 15 nov. 1988, n° 86-16.443, Bull. civ. I, n° 319 ; 9 nov. 1999, n° 98-10.010, D. 2000. 117 , note P. Jourdain ; Defrénois 2000. 251, note D. Mazeaud ; 7 nov. 2000, n° 99-12.255, D. 2001. 2236 , obs. D. Mazeaud ; ibid. 570, chron. Y. Lambert-Faivre ; ibid. 3085, obs. J. Penneau ; RDSS 2001. 526, obs. G. Mémeteau et M. Harichaux ; RTD civ. 2001. 151, obs. P. Jourdain ), a par la suite été remise en cause. La Cour de cassation, par le recours à une motivation développée, expose cette évolution. En effet, à la suite de plusieurs condamnations par la Cour de justice de Communauté européenne de la France pour mauvaise transposition de la directive n° 88-389 du 19 mai 1988 relative aux produits défectueux, est prévue, à l’article 1245-6 du code civil, l’application du régime de responsabilité de plein droit du fournisseur professionnel en l’absence d’identification ou de désignation du producteur. Rappelant également les dispositions de l’article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, issues de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, la Cour de cassation se prononce explicitement sur l’articulation de ces textes : « la responsabilité de plein droit d’un professionnel de santé ou d’un établissement de santé, sur le fondement [de l’article 1245-6 du code civil], ne peut être engagée que dans le cas où le producteur n’a pu être identifié et où le professionnel de santé ou l’établissement de santé n’a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans le délai imparti ». Est ainsi confirmée la jurisprudence judiciaire antérieure (V. les arrêts cités par la décision, Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.510, D. 2012. 2277 , note M. Bacache ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2013. 292-36, obs. N. Rias ; JCP 2012, n° 40, 1036, note P. Sargos ; ibid. 2013. 484, obs. C. Bloch ; 14 nov. 2018, n° 17-28.529, Dalloz actualité, 11 déc. 2018, obs. A. Hacene et M. Kebir ; RCA 2019, n° 2, p. 51, note S. Hocquet-Berg) selon laquelle la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé privés ne peut être engagée, hormis le cas prévu par l’article 1245-6 du code civil, que pour faute.

La Haute juridiction n’hésite pas, en outre, à exposer les éléments entrant en dissonance avec la solution retenue. Elle cite ainsi l’arrêt de la CJUE du 21 décembre 2011 qui répondait à la question préjudicielle soulevée par le Conseil d’État (CE 12 mars 2012, n° 327449, Centre hospitalier universitaire de Besançon, Lebon ; AJDA 2012. 575 ; ibid. 1665, étude H. Belrhali ; D. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RDSS 2012. 716, note J. Peigné ; RTD eur. 2012. 925, obs. D. Ritleng ) relativement à la compatibilité de sa jurisprudence Marzouk (CE 9 juill. 2003, n° 220437, Lebon ; AJDA 2003. 1946 , note M. Deguergue ; D. 2003. 2341 ) avec la directive du 19 mai 1988. Cette décision semble appuyer, de prime abord, la solution retenue par la Cour de cassation en ce qu’elle a indiqué que « la responsabilité d’un prestataire de services qui utilise dans le cadre d’une prestation de services, telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n’est pas le producteur […] et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d’application de la directive ». Toutefois, elle poursuit en précisant que cette directive ne s’oppose pas à la mise en œuvre d’un régime de responsabilité, même sans faute, à l’encontre du prestataire à condition que soit sauvegardée la faculté de mettre en cause la responsabilité du fait des produits défectueux du producteur. Cette décision avait ainsi permis au Conseil d’État, dans une affaire également relative à une prothèse défectueuse, de retenir la responsabilité sans faute du service hospitalier (CE 25 juill. 2013, n° 339922, Falempin, Lebon ; AJDA 2013. 1597 ; ibid. 1972 , chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2013. 2438 , note M. Bacache ; ibid. 2014. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; RDSS 2013. 881, note J. Peigné ; RTD civ. 2014. 134, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2014. 952-24, obs. A. Bouveresse ; et v. déjà en ce sens, CE 12 mars 2012, n° 327449, Centre hospitalier universitaire de Besançon, Lebon ; AJDA 2012. 575 ; ibid. 1665, étude H. Belrhali ; D. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RDSS 2012. 716, note J. Peigné ; RTD eur. 2012. 925, obs. D. Ritleng ), au contraire de la Cour de cassation qui imposait le recours à un régime de responsabilité subjective (Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.510, préc. et 14 nov. 2018, n° 17-28.529, préc.). Le rappel de l’ensemble de ces éléments s’apparente à un véritable cours de droit, mais la Cour va également plus loin et explicite, en paragraphe 14, les raisons du maintien de sa jurisprudence antérieure malgré la dissension manifeste avec la jurisprudence administrative. Plusieurs éléments soutiennent ainsi sa solution : tout d’abord, des raisons juridiques, tenant à l’articulation entre le régime de responsabilité des produits défectueux et le régime d’indemnisation prévu par l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Ensuite, la solution repose, et c’est là surtout l’intérêt de la décision, sur des considérations pragmatiques, à savoir : « le fait que les professionnels de santé ou les établissements de santé privés peuvent ne pas être en mesure d’appréhender la défectuosité d’un produit, dans les mêmes conditions que le producteur » et le fait que le choix d’une responsabilité sans faute à l’égard de ces professionnels « serait, en outre, plus sévère que celle applicable au producteur, lequel, bien que soumis à une responsabilité de droit, peut bénéficier de causes exonératoires de responsabilité ».

L’harmonisation des jurisprudences judiciaire et administrative dans un sens favorable à la réparation des victimes et appelée de ses vœux par une large partie de la doctrine, n’a donc pas été opérée par la Cour de cassation. Si la lecture des textes et leur articulation n’interdisent aucunement d’opter pour une responsabilité sans faute ou pour faute, il semble que le choix de la Cour de cassation soit désormais figé, l’argument décisif tenant à éviter que le producteur du produit de santé soit mieux protégé que le simple praticien de santé (V. déjà en ce sens, P. Véron et F. Vialla, La nouvelle lecture de l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique à la lumière des évolutions jurisprudentielles relatives aux produits défectueux, D. 2012. 1558 ). 

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Entre dans le ministère ordonné aux notaires l’obligation d’instrumenter. En effet, l’article 13 de la loi du 25 ventôse an XI dispose que « les notaires sont tenus de prêter leur ministère lorsqu’ils en sont requis ». Il est souligné que « de la sorte, ils ne peuvent en principe refuser d’accomplir un acte pour lequel leur intervention est nécessaire. Ceci est la conséquence du monopole dont ils sont investis. Toutefois, il appartient au client de formuler particulièrement la demande d’instrumentation » (H. Slim, Étude 438 - La responsabilité des notaires, Lamy Droit de la responsabilité, 2020, n° 438-30).

A ce titre, dans l’exercice de leurs vastes missions, le champ de mise en cause de la responsabilité des notaires est très étendu. Leur contrat d’assurance collective de responsabilité civile professionnelle à adhésion obligatoire leur apporte en contrepartie, ainsi qu’aux clients, des garanties exceptionnelles (R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, Avant-propos H. Slim, Préf. D. Noguéro, Defrénois, coll. Doctorat & Notariat, tome 53, 2014, n° 73).

Ces garanties génèrent une protection importante du patrimoine de l’assuré, au titre de sa dette de responsabilité, et mise à part la participation du notaire au titre du découvert obligatoire jouant en principe une fonction normative et prophylactique. Elles sont surtout censées mettre en place une sécurité juridique et financière à l’égard des clients des études et des tiers – les victimes des fautes, erreurs et négligences des notaires donc –, a fortiori depuis que l’assurance de responsabilité civile professionnelle des notaires a été rendue obligatoire, en 1955, et qu’a été consacrée légalement l’action directe de la victime à l’encontre de l’assureur de responsabilité.

Ces institutions juridiques ont permis un déplacement de valeurs et de priorité dans le rôle affecté à l’assurance obligatoire de responsabilité civile professionnelle. Il s’agit désormais davantage de sécuriser la créance d’indemnisation de la victime que la dette de responsabilité de l’assuré, même si ces deux objectifs demeurent très interdépendants.

Or, faut-il encore que les acteurs de l’assurance ne dévoient pas ce mécanisme en un outil de pure défense professionnelle, par une résistance judiciaire d’une vingtaine d’années comme dans l’affaire présentement commentée, qui décourage certes la plupart des victimes mais est très coûteuse pour la mutualité et imprègne une mauvaise image à la profession notariale qui, paradoxalement, investit par ailleurs beaucoup dans la promotion de celle-ci, en particulier dans la publicité.

En l’espèce, un notaire a instrumenté, le 22 décembre 2000, un acte authentique portant sur un emprunt bancaire. Cet emprunt a été contracté par le gérant d’une société civile immobilière familiale. Ce dernier est décédé après la souscription de cet emprunt. Ses héritiers ont été assignés par l’établissement de crédit aux fins de remboursement du crédit. L’établissement bancaire a également sollicité le règlement d’indemnités supplémentaires de remboursement aux motifs de l’absence d’adhésion du de cujus à sa police d’assurance décès-invalidité qui était mentionnée dans l’acte de prêt. À leur tour, les héritiers ont assigné en responsabilité et indemnisation l’officier public et ministériel instrumentaire de l’acte de prêt. Ils ont ainsi formulé une demande de condamnation du notaire à leur verser la somme de 330 177,14 €. À ce titre, ils lui ont reproché de ne pas avoir apporté des conseils utiles, notamment à l’occasion de la passation de cet acte. Selon eux, le devoir de conseil qui incombe au notaire aurait dû le conduire à expliquer la portée de la non-adhésion à l’assurance de groupe mise en place par l’établissement de crédit.

Par un arrêt du 21 août 2018, la cour d’appel d’Agen a rejeté la demande héritiers. À cet effet, l’arrêt a retenu, d’abord, qu’ils reprochent au notaire de n’avoir pas attiré l’attention du défunt sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance facultative, ce qu’il leur appartient de prouver. Il a relevé, ensuite, que, s’il n’est pas écrit dans l’acte qu’une information a été donnée par le notaire sur les conséquences d’une non-souscription de l’assurance décès facultative, exiger un tel degré de précision revient à faire peser sur le notaire instrumentaire, non plus une obligation de conseil pour un acte donné, mais une obligation de mise en garde sur l’opportunité économique. Les héritiers ont donc formé un pourvoi en cassation.

Ils ont soutenu, en premier lieu, que le notaire est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique. Selon eux, quand bien même l’assurance invalidité décès ne serait pas obligatoire et ne constituerait pas une condition du prêt, et quand bien même il n’aurait pas connaissance de l’état de santé de l’emprunteur, le notaire ne peut se contenter de rappeler dans l’acte de prêt la souscription par la banque d’une assurance de groupe destinée à couvrir ses clients contre les risques de décès invalidité avec référence aux documents correspondant. Par conséquent, les héritiers ont estimé qu’il incombe au notaire requis de donner la forme authentique à un acte de prêt d’attirer l’attention de l’emprunteur sur les risques liées à l’absence de souscription de l’assurance décès invalidité et qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien devenu 1240 du code civil.

En second lieu, les demandeurs au pourvoi ont rappelé que la charge de la preuve de l’accomplissement de son devoir de conseil incombe au notaire, et non, comme l’a décidé la cour d’appel, au client de l’étude d’avoir à établir que le notaire n’avait pas attiré son attention sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance invalidité décès.

Par un arrêt du 8 janvier 2020 rendu sur le fondement de la responsabilité délictuelle du notaire (C. civ., art. 1240 ; anc. art. 1382), la première chambre civile de la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel. Les magistrats du quai de l’horloge ont précisé que « le devoir d’information et de conseil du notaire rédacteur d’un acte authentique de prêt lui impose d’informer l’emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l’exécution de cette obligation lui incombant » (Civ. 1re, 8 janv. 2020, n° 18-23.948).

Le fondement de la responsabilité extracontractuelle en matière notariale est prédominant. En effet, l’authentification d’actes, au sens large – avec ses prolongements –, entre dans les attributions du notaire en qualité d’officier ministériel et de sa mission d’ordre public. À ce titre, elle participe d’une obligation statutaire dont la méconnaissance est sanctionnée par une responsabilité de nature délictuelle (R. Bigot, Le prolongement de la mission de rédaction d’actes : nouveau critère pour la responsabilité notariale, RLDC 2008/45, n° 2810, p. 16).

Gardien de la sécurité juridique, le notaire authentificateur d’actes est tenu de les imprégner de la plus grande efficacité juridique. Dans cette mission, il doit apporter les renseignements utiles, les informations nécessaires, les conseils de nature à éclairer les parties – toutes les parties, quelle que soit leur qualité ou leurs compétences personnelles, ce qui imprègne le devoir de conseil d’un caractère absolu (Civ. 1re, 22 févr. 2017, n° 16-13.096 ; 13 déc. 2012, n° 11-19.098, Bull. civ. I, n° 258 ; D. 2013. 13 ; AJ fam. 2013. 132, obs. A. Cousin ; RTD civ. 2013. 95, obs. J. Hauser ; ibid. 657, obs. B. Vareille ; 5 avr. 2012, n° 11-15.056, AJDI 2012. 454 ; Civ. 3e, 14 mai 2009, n° 08-12.093, AJDI 2009. 649 ; Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, Bull. civ. I, n° 556 ; D. 2007. 304, obs. I. Gallmeister ; 12 juill. 2005, n° 03-19.321, Bull. civ. I, n° 323 ; 12 juill. 2005, n° 03-19.321, D. 2005. 2340, obs. X. Delpech ; AJDI 2005. 758 ; 4 avr. 2001, n° 98-19.925, Bull. civ. I, n° 104 ; 25 nov. 1997, n° 95-18.618, Bull. civ. I, n° 329 ; 4 juin 1996, n° 94-12.170, Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 325) – et les mettre en garde (Civ. 1re, 4 nov. 2011, n° 10-19.942, D. 2011. 2793 ; AJDI 2012. 52 ) d’éventuels dangers ou risques d’une opération ou d’un montage contractuel, en d’autres termes porter à la connaissance des clients les effets et plus largement la portée de l’acte envisagé (Civ. 1re, 3 mai 2018, n° 16-20.419, D. 2018. 1010 ; AJDI 2019. 228 , obs. J.-P. Borel ; AJ fam. 2018. 401, obs. S. Ferré-André ; RTD civ. 2018. 691, obs. P.-Y. Gautier ).

Autrement dit, il s’agit d’éclairer les clients sur les conséquences de leurs actes (Civ. 3e, 10 juill. 1970, nos 68-13.508 et 68-13.564, Bull. civ. III, n° 484). À cet effet, le notaire devra leur livrer toute information permettant de leur expliquer la nature et la portée de leurs actes ou de leurs engagements (Civ. 1re, 20 juill. 1994, n° 92-16.159, Bull. civ. I, n° 260 ; RTD civ. 1995. 365, obs. J. Mestre ; 28 oct. 1997, n° 95-21.629, Bull. civ. I, n° 300 ; AJDI 1998. 188 ; ibid. 189, obs. G. Teilliais ). Selon une formulation assez détaillée adoptée par la Cour de cassation, les notaires sont ainsi « tenus d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique » (Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, préc.). La doctrine autorisée relève qu’il appartient également à ces officiers ministériels de mettre en garde les clients contre une omission ou une négligence éventuelle (H. Slim, op. cit., n° 438-7).

Il est justement souligné qu’ « il ne peut donner une authenticité à un acte sans avoir, dans le même temps, porté à la connaissance de ses signataires tout ce qui pourrait venir par la suite en perturber sa juste exécution. L’acte efficace est celui qui remplit les objectifs que se sont fixées les parties. C’est la raison pour laquelle la mission du notaire, en sa qualité de rédacteur d’acte, ne peut se borner à donner à l’acte instrumenté une forme écrite (Civ. 1re, 18 mai 2004, n° 01-11.956) : elle s’étend à l’exécution d’un devoir d’efficacité justifiant qu’un devoir de conseil renforcé lui soit imposé, celui-ci ayant pour but de saisir l’occasion de son intervention pour que l’acte soit enrichi de tous les éléments lui permettant de traduire le plus efficacement possible la volonté des parties. Les diverses déclinaisons du devoir de conseil répondent d’ailleurs toujours à ce même objectif d’efficacité : informer, conseiller ou mettre en garde, chacune de ces obligations est censée garantir, dans toute situation, l’expression fidèle, dans l’acte, du but poursuivi par les parties » (M. Hervieu, Être de bon conseil : une lourde tâche pour le notaire, Dalloz étudiant, 25 févr. 2020).

Le potentiel du devoir de conseil des notaires, décortiqué par la doctrine, « inclut incontestablement les obligations substantielles nécessaires à assurer la validité et l’efficacité de l’acte et non pas seulement celles qui leur sont complémentaires et qui visent uniquement à informer ou avertir le client de la portée de l’acte ou de l’existence d’un risque » (C. Biguenet-Maurel, Le devoir de conseil des notaires, préf. J. de Poulpiquet, Defrénois, 2006, n° 450).
Le rédacteur d’actes supporte ainsi le poids, sur chacune de ses épaules, d’une obligation de conseil et d’une obligation d’efficacité « tant technique que pratique », lesquelles sont en définitive indissociables (P. le Tourneau, La responsabilité des professionnels du droit, in La responsabilité. Aspects nouveaux, LGDJ, 2003, p. 421).

Une perte d’efficacité de l’acte dans sa globalité peut dès lors résulter d’un manquement du notaire à son obligation de mise en garde. S’il n’attire pas l’attention, comme en l’espèce, de son client sur les risques que les engagements par lui consentis sont susceptibles de produire, un préjudice peut directement en découler pour ce dernier. Dès lors, l’officier ministériel doit se réserver un rôle plus actif en amont de la formation de l’acte. À tout le moins, s’il n’invite pas l’emprunteur à souscrire à cette assurance qui lui apporterait, ainsi qu’à ses ayants droit, plus de sécurité en aval, le notaire doit-il l’avertir des risques encourus s’il n’entend pas souscrire pareille assurance.

Sur le fond, rappelons que l’assurance d’un prêt immobilier n’est pas obligatoire. Toutefois l’organisme prêteur peut l’exiger, en particulier en ce qui concerne les risques liés au décès, l’incapacité, l’invalidité et la perte totale et irréversible d’autonomie. Néanmoins, l’emprunteur n’est pas obligé de choisir l’assurance proposée par le prêteur.

Sur la forme, une assurance emprunteur peut donc être souscrite soit de façon individuelle, soit de manière collective, par adhésion facultative, où chaque assuré consent à devenir membre du groupe (v. R. Bigot et A. Cayol (dir.), Droit des assurances, Ellipses, 2020, à paraître). Dans ce dernier cas, il s’agit d’un contrat d’adhésion, formé aux conditions prédéfinies dans l’accord-cadre conclu en amont entre l’assureur et le souscripteur. Ce contrat-cadre définit donc les conditions du contrat d’adhésion qui se formera en aval entre l’assureur et chaque adhérent (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-21.822, D. 2008. 1954, obs. X. Delpech , note D. R. Martin ; ibid. 2447, chron. C. Goldie-Genicon ; ibid. 2009. 253, obs. H. Groutel ; ibid. 393, obs. E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2008. 477, obs. B. Fages ; ibid. 478, obs. B. Fages ; Com. 13 avr. 2010, n° 09-13.712, D. 2010. 1208, obs. X. Delpech ; ibid. 2011. 1643, obs. D. R. Martin et H. Synvet ). Avant d’adhérer, les conditions de la garantie doivent être portées à sa connaissance de l’adhérent, de même que doit lui être délivré par la banque tout conseil relatif à l’adéquation de l’assurance envisagée à sa situation personnelle (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, D. 2007. 985 , note S. Piédelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais ). Lorsque l’acte d’emprunt se retrouve entre les mains d’un notaire aux fins d’authentification, ce dernier se fait le doublon ou le relais avisé des conseils à l’attention des parties.

Côté prêteur, il a été jugé, en matière d’actes de prêts hypothécaires, que bien qu’il n’ait aucunement négocié l’acte, le notaire reste tenu d’aviser des prêteurs sur l’insuffisance ou la faiblesse des garanties acceptées, s’il est en mesure de les connaître ou de les suspecter (Civ. 1re, 26 nov. 1996, n° 94‐18.582, Bull. civ. I, n° 419 ; D. 1997. 7 ; 5 oct. 1999, n° 97‐14.545, Bull. civ. I, n° 258 ; D. 1999. 244 ).

Côté emprunteur, il a été relevé que « lorsque le prêteur propose à l’emprunteur l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, l’article L. 312‐9 du code de la consommation (en vigueur jusqu’au 30 juin 2016, remplacé, à compter du 1er juill. 2016, par l’art. L. 313‐14, nouv., issu de l’ord. n° 2016‐301 du 14 mars 2016, JO 16 mars) précise qu’au contrat de prêt doit être annexé « une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance ». Dès lors engage sa responsabilité le notaire qui omet d’annexer ladite notice à un acte de prêt auquel il a prêté son concours dès lors que l’article L. 312‐9 est applicable au prêt en question (Civ. 1re, 14 janv. 2010, n° 07‐22.043) » (H. Slim, op. cit.). Le devoir de conseil du notaire a cependant des racines plus profondes.
Pour exécuter pleinement et de manière circonstanciée son devoir de conseil des parties sur toutes les suites, favorables et défavorables, en particulier celles à haut risque, que peuvent produire l’acte instrumenté, le notaire doit parfois préalablement solliciter de leur part des informations utiles à son efficacité. À cet effet, il doit être en quête de la connaissance de la situation personnelle des clients (Civ. 2e, 2 avr. 2009, n° 07-16.670).

Dans l’affaire sous arrêt, non seulement l’aspect familial de l’entreprise que l’emprunteur dirigeait aurait dû être pris en compte, mais encore l’état de santé de ce dernier. Par conséquent, il était du devoir du notaire d’ « aviser son client de l’adéquation des risques couverts par la banque prêteuse à sa situation personnelle et l’avertir des conséquences, pour les autres membres de la SCI, d’un refus de
garantie » (M. Hervieu, op. cit.).

Dès lors, la mention portée à l’acte de prêt de la possibilité de souscription de cette garantie constitue une simple information qui s’avère insuffisante sous l’angle du devoir de conseil (ibid.). Certes, une même obligation de conseil pèse sur l’établissement de crédit (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, préc.). Mais le banquier qui délivre conformément cette information ne libère pas le notaire, dans son rôle statutaire de clef de voûte soutenant l’efficacité juridique de l’opération, de la réitérer et de l’accompagner si nécessaire d’explications et de conseils, puis si besoin d’alerter le client d’un risque que l’acte présente. La présente affaire confirme que l’information ou l’avis qu’un tiers a délivré au client ne dispense pas le notaire de son propre devoir de conseil (Civ. 1re, 26 oct. 2004, n° 03-16.358).

La décision du 8 janvier 2020 illustre enfin parfaitement, après de nombreuses autres, l’intensité du devoir de conseil qui pèse sur le notaire, devoir dont il doit nécessairement se pré-constituer la preuve de la bonne exécution (Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 16-19619 ; M. Latina, Le notaire doit prouver qu’il a délivré un conseil concret et adapté à la situation des parties, Defrénois flash 22 oct. 2018, n° 147q0, p. 12). Si cette règle n’est pas nouvelle, elle a pu être différente par le passé. Auparavant, le principe était même interverti. La preuve de la faute notariale incombait à celui qui l’invoque, aux parties ou aux tiers donc (Civ. 1re, 10 juill. 1984, n° 83-11.601, Bull. civ. I, n° 225 ; 28 nov. 1995, n° 93-17.836, Bull. civ. I, n° 436).

Puis la jurisprudence, pour enfin s’adapter à l’obstacle quasi insurmontable pour un tiers ou un client d’établir la preuve d’un fait négatif, en somme de ne pas avoir été informé ou conseillé, a déplacé la charge de la preuve du client demandeur au notaire défendeur (H. Slim, op. cit., n° 438-87).

Par un revirement important, la Cour de cassation a décidé depuis le fameux arrêt Hédreul que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. Ainsi, il incombe au médecin, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il a exécuté cette obligation (Civ. 1re, 25 févr. 1997, n° 94-19.685, Bull. civ. I, n° 75 ; D. 1997. 319 , obs. J. Penneau ; RDSS 1997. 288, obs. L. Dubouis ; RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain ; ibid. 924, obs. J. Mestre ).

Cette solution a immédiatement été étendue à d’autres professionnels, notamment avocats ou notaires, en leur imposant désormais de prouver le conseil donné (Civ. 1re, 3 févr. 1998, n° 96-13.201, Bull. civ. I, n° 44 ; RTD civ. 1998. 381, obs. P. Jourdain ; ibid. 1999. 83, obs. J. Mestre ; JCP N 1998. 701, obs. J.-F. Pillebout). Avant 1997, la Haute juridiction avait lancé quelques signes avant-coureurs en faisant déjà peser sur le notaire la charge de la preuve d’une mise en garde de ses clients contre les risques encourus (Civ. 1re, 25 juin 1991, n° 89-20.338, Bull. civ. I, n° 212 ; RTD civ. 1992. 758, obs. J. Mestre ).

Il est à présent constant que tout professionnel doit être en mesure d’établir la bonne exécution de son obligation d’information s’il ne veut pas qu’une faute lui soit reprochée à ce titre (Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, préc.). Le professionnel est d’ailleurs le plus à même de pouvoir s’organiser dans cette voie préventive.

La Cour de cassation fait néanmoins montre de souplesse dans le contrôle des moyens de preuve, pouvant être déduits de toute circonstances de la cause (Civ. 1re, 6 juill. 2004, n° 02-20.388). Il est dans tous les cas dans l’intérêt supérieur des notaires, compte tenu de « ce glissement de la charge de la preuve » désormais acquis en droit positif, de « se pré-constituer des preuves permettant d’établir qu’ils ont respecté les obligations qui leur incombent » (H. Slim, op. cit., n° 438-90).

Là aussi, est-il permis de penser que l’option prise par la première chambre civile dans la décision du 8 janvier 2020 « n’est pas la plus mauvaise au plan de la justice distributive. Ne dit-on pas que la règle de droit se construit à partir du choix d’une valeur ? » (M. Beaubrun, L’absolutisme du devoir de conseil du notaire ou le choix d’une valeur, in Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert, Dalloz, p. 25 et s., spéc. p. 32).

L’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que les baux consentis par le débiteur après la saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur, la preuve de l’antériorité du bail pouvant être faite par tout moyen.

Il s’agit d’éviter que le saisi ne diminue la valeur vénale de son bien en consentant frauduleusement un bail pour décourager les futurs acheteurs.

La question du sort des baux grevant les biens faisant l’objet d’une saisie immobilière est souvent abordée sous l’angle de la preuve de l’antériorité du bail par rapport à la saisie.

À cet égard, la réforme de 2006 a substitué au système antérieur de l’article 684 de l’ancien code de procédure civile (pour mémoire, les baux ayant acquis date certaine avant la signification du commandement pouvaient être annulés, ceux conclus après la signification du commandement devaient être annulés), un système de preuve par tout moyen, plus souple mais peut être plus difficile à mettre en œuvre (comment prouver l’antériorité d’un bail qui n’a pas date certaine ?).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté, la question...

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Le devoir d’information et de conseil du notaire rédacteur d’un acte authentique de prêt lui impose d’informer l’emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l’exécution de cette obligation lui incombant.

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Auteur d'origine: Dargent

La délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, de sorte que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication.

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Auteur d'origine: Dargent

L’héritier de la victime d’un abus de faiblesse peut se constituer partie civile à raison de cette infraction dès lors qu’il  est en mesure de se prévaloir d’un préjudice personnel et direct.

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Auteur d'origine: Rouquet

L’ex-garde des Sceaux Dominique Perben devra présenter d’ici la fin du mois d’avril des propositions sur « l’avenir de la profession d’avocat, son équilibre économique et ses conditions d’exercice ».

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Auteur d'origine: babonneau

Le cours du délai de péremption de l’instance est suspendu, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, à compter de la date de la fixation de l’affaire pour être plaidée. Lorsque l’affaire fait ultérieurement l’objet d’une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.

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Auteur d'origine: MKEBIR
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Bien que non publié, l’arrêt rapporté de la chambre criminelle doit être signalé en ce qu’il semble ouvrir la voie à la reconnaissance des délits d’abus de faiblesse et d’abus de confiance, quand bien même les parents, victimes des actes délictueux, sont décédés et n’ont pas porté plainte de leur vivant.

Pour cela, il convient que l’héritier plaignant fasse valoir un préjudice direct (l’atteinte à ses droits d’héritier), ce que la chambre criminelle semble accepter en l’espèce, alors pourtant que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait estimé qu’il s’agissait là d’un préjudice indirect seulement, fondant sa décision sur une solution connue : sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction, de sorte que, quand l’action publique n’a été mise en mouvement ni par la victime ni par le ministère public, seule la voie civile est ouverte à l’enfant pour exercer le droit à réparation reçu en sa qualité d’héritière. Cette position pouvait s’autoriser de solides précédents de la Cour de cassation (Cass., ass. plén., 9 mai 2008, n° 06-85.751, Bull. ass. plén., n° 2 ; Dalloz actualité, 16 mai 2008, obs. M. Lena ; D. 2008. 1415 ; ibid. 2757, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2008. 366, étude C. Saas ; Crim. 20 mai 2008, n° 06-88.261, Bull. crim. n° 123, D. 2008. 1696 ; AJ pénal 2008. 421, obs. C. Duparc  : « Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le demandeur, en qualité de légataire universel, a porté plainte avec constitution de partie civile en alléguant que son auteur avait été victime de vols, d’abus de confiance et d’abus de faiblesse, et que ces délits lui avaient causé un préjudice personnel en diminuant la valeur de son héritage ; qu’à l’issue de l’information, le juge d’instruction, sur réquisitions conformes du ministère public, a prononcé non-lieu ; qu’appel a été relevé de cette décision par la partie civile ; Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile d’Ari X…, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ; Attendu qu’en statuant de la sorte, et dès lors que le demandeur se réclame d’un préjudice qui ne peut qu’être indirect, les juges ont justifié leur décision »).

Pourtant, la décision attaquée est censurée…

Alors que penser de la présente décision ?

Son absence de publication invite à la prudence, mais la censure de la chambre de l’instruction, qui s’était pourtant conformée à la position de la chambre criminelle telle qu’elle ressortait des arrêts précités de 2008 (et d’autres, de 1976…), ne peut être vue autrement que comme l’amorce d’un changement dans la position de la chambre criminelle.

Bien entendu, il faudra que cet arrêt soit confirmé (idéalement par une décision publiée), afin que les doutes soient levés. Mais il n’en demeure pas moins que c’est une décision qui ouvre des perspectives très intéressantes pour les litiges successoraux, lorsqu’une procuration ou un testament causent à un héritier un préjudice majeur, soit en l’exhérédant (totalement ou partiellement), soit en faisant « disparaître » des sommes importantes du patrimoine du défunt.

La menace, pour l’auteur des faits délictueux, ne sera plus seulement celle d’une action en réduction (laquelle se prescrit bien vite…) ou d’hypothétiques (et faibles) dommages-intérêts, mais celle d’une réelle action pénale.

La différence est majeure. 

On sait que l’intrusion du droit pénal dans les dossiers successoraux n’est pas toujours une bonne idée (pour « planter » le dossier civil, il n’y a pas mieux…), mais si l’auteur des faits peut se sentir personnellement menacé, peut-être y a-t-il une nouvelle voie à explorer… 

Jurisprudence à confirmer, et donc à suivre.

L’ex-garde des Sceaux Dominique Perben devra présenter d’ici la fin du mois d’avril des propositions sur « l’avenir de la profession d’avocat, son équilibre économique et ses conditions d’exercice ». Cette mission  – au nom évocateur, la mission Haeri, en 2017, avait également planché sur « l’avenir de la profession d’avocat » – a été proposée par Nicole Belloubet aux instances de la profession d’avocat en pleine crise sur les discussions autour de la réforme des retraites, dont les avocats ne veulent pas.

Parmi les objectifs du comité : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes.

Le groupe de travail, installé hier par la garde des Sceaux, sera composé de la députée Naïma Moutchou (LREM), du sénateur Philippe Bonnecarrère (UC), de Christine Maugüé, conseillère d’État et de la présidente du tribunal judiciaire de Marseille Isabelle Gorce. Côté avocats : Dominique de la Garanderie – ancienne bâtonnière de Paris et membre de la mission Magendie en 2008 – , Jean-Michel Darrois – auteur du rapport sur les professions du droit en 2009 (à l’origine notamment de l’acte d’avocat que la ministre a remis sur la table) –, l’ancien président du Conseil national des barreaux Thierry Wickers – fervent défenseur de l’acte d’avocat – et le professeur Christophe Jamin.

Rédigé en style direct et avec une structure apparente particulièrement appréciable, cet arrêt du 30 janvier 2020 porte sur la délicate question de la péremption d’instance, un incident qui peut avoir un effet considérable sur l’instance. Au cours du procès, la péremption n’est pas un simple coup d’arrêt comme peut l’être la radiation. Elle constitue une cause d’extinction de l’instance engagée.

Il s’agissait en l’espèce d’une société qui avait été condamnée à réaliser un certain nombre de travaux dans le logement de son locataire. Le juge de l’exécution d’un tribunal de grande instance a été saisi de diverses demandes et contestations relatives à ces travaux et au commandement délivré à cet effet par un huissier de justice, également attrait devant le juge de l’exécution par le locataire. Ce dernier a été débouté de ses demandes et s’est vu ordonner de laisser l’accès à son logement à son bailleur pour effectuer les travaux. Il a donc formé appel. L’affaire a été dépaysée devant la cour d’appel de Paris, en application de l’article 47 du code de procédure civile. Le greffe de cette juridiction a invité les parties à poursuivre l’instance et à se constituer dans le délai d’un mois, à peine de radiation, laquelle a été prononcée le 4 décembre 2013, avant que l’affaire soit réinscrite au rôle le 11 décembre 2013, à la demande de la société, formulée à l’occasion de sa constitution d’avocat.

L’affaire a fait l’objet, le 23 décembre 2013, d’un avis de fixation à l’audience du 6 novembre 2014, avant d’être, le 23 octobre 2014, à nouveau radiée. L’appelant a constitué un avocat le 13 octobre 2016 et sollicité le rétablissement de l’affaire. La cour d’appel a constaté l’extinction de l’instance d’appel par l’effet de la péremption au motif qu’entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle il a sollicité le rétablissement de l’affaire, plus de deux années s’étaient écoulées sans l’intervention d’aucune diligence des parties.

C’est ce que contestait le locataire devant la Cour de cassation. Il arguait que l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ; qu’à compter de la fixation de la date des débats, les parties n’ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l’instance. Selon lui, à compter du 23 décembre 2013, date de l’avis de fixation de l’audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu’à la radiation de l’affaire, le 23 octobre 2014, point de départ d’un nouveau délai de deux années qui n’était pas expiré le 13 octobre 2016. La question posée était relativement simple : lorsqu’une date d’audience a été fixée, est-il possible d’opposer la péremption d’instance pour le temps couru dans l’attente du jour où les débats pourront avoir lieu ?

La Cour de cassation se laisse convaincre par l’argumentation du demandeur à la cassation. Elle développe, au visa des articles 2 et 386 du code de procédure civile, une réponse en deux temps.

Dans un premier temps, elle observe que pour constater l’extinction de l’instance d’appel par l’effet de la péremption, l’arrêt a retenu qu’à compter de l’avis de fixation de l’affaire du 23 décembre 2013 et jusqu’à la déclaration du 13 octobre 2016 de l’appelant sollicitant le rétablissement de l’affaire, n’est intervenue aucune diligence des parties. L’avis de fixation pour l’audience du 6 novembre 2014 a été adressé avant la clôture de l’affaire qui devait intervenir le 23 octobre 2014, de sorte qu’entre l’envoi de cet avis et la date prévue pour la clôture, les parties n’étaient pas dispensées...

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Dans cette affaire, un litige s’est noué à l’occasion des opérations de liquidation-partage d’une succession. Un prêt ayant été consenti à l’un des héritiers par la de cujus, la difficulté est née au sujet du rapport de la somme prêtée à la succession. Plus précisément, la question s’est posée de savoir sur qui, de l’emprunteur ou de ses cohéritiers, pesait la charge de la preuve de l’obligation au rapport.

L’emprunteur, demandeur au pourvoi, reprochait aux juges du fond d’avoir jugé qu’il était tenu de rapporter à la succession du prêteur la somme empruntée, motif pris qu’il ne démontrait pas avoir remboursé cette somme. Invoquant la solution rendue par la Cour de cassation dans un précédent arrêt du 15 mai 2013 (Civ. 1re, 15 mai 2013, n° 12-11.577, Bull. civ. I, n° 97 ; D. 2013. 1208 ; AJ fam. 2013. 445, obs. C. Vernières ), le demandeur au pourvoi soutenait que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve car il appartenait aux cohéritiers de prouver l’existence, au jour de l’ouverture de la succession, des dettes envers le de cujus dont ils demandent le rapport.

Il fallait donc déterminer s’il appartient à l’héritier débiteur de démontrer qu’il a remboursé sa dette envers le de cujus ou à ses cohéritiers sollicitant le rapport de démontrer l’existence, au jour du décès, de la dette à rapporter.

La Cour de cassation a répondu à cette interrogation en deux temps : elle s’est d’abord prononcée sur l’applicabilité des règles du droit commun de la preuve avant d’en appliquer le contenu.

L’applicabilité du droit commun de la preuve

Dans un premier temps de son raisonnement, la Cour de cassation a identifié les règles de preuve applicables en s’appuyant sur la distinction entre le rapport des libéralités et le rapport des dettes. Ainsi, elle a pris le soin de rappeler qu’« en matière successorale, à la différence du rapport des libéralités, lequel, régi par les articles 843 à 863 du code civil, intéresse la composition de la masse partageable et constitue une opération préparatoire au partage, le rapport des dettes, prévu aux articles 864 à 867, concerne la composition des lots et constitue une opération de partage proprement dite ».

C’est la première fois que la haute juridiction décrit de manière aussi pédagogique la distinction que la doctrine avait déjà mise en lumière entre le rapport des libéralités et le rapport des dettes (v. not. M. Grimaldi, Droit des successions, 7e éd., LexisNexis, 2017, spéc. n° 982, p. 759), même si elle a déjà régulièrement affirmé que le rapport des dettes est une « opération de partage » (Civ. 1re, 5 déc. 1978, n° 77-10.692, Bull. civ. I, n° 377 ; 30 juin 1998, n° 96-13.313, Bull. civ. I, n° 234 ; D. 1998. 192 ; RTD civ. 1999. 161, obs. J. Patarin ; 12 juin 2001, n° 99-12.229, Dalloz jurisprudence ; Civ. 3e, 17 mai 2011, n° 09-11.750, AJDI 2011. 542 ; Civ. 1re, 28 mars 2018, n° 17-14.104, Dalloz actualité, 18 avr. 2018, obs. Q. Guiguet-Schielé ; AJ fam. 2018. 355, obs. J. Casey ) et opéré une très nette distinction entre les régimes applicables à ces deux techniques différentes (v. not. Civ. 1re, 29 juin 1994, n° 92-15.253, Bull. civ. I, n° 233 ; D. 1995. 88 , note M. Grimaldi ; RTD civ. 1995. 161, obs. J. Patarin , affirmant que « le rapport de dettes prévu par l’[ancien] article 829 du code civil n’est qu’une technique de règlement qui n’obéit pas aux règles de l’[ancien] article 869 du même code [devenu 860-1], lequel concerne exclusivement le rapport de dons » ; v. aussi Civ. 1re, 7 déc. 2011, n° 10-25.140, Dalloz jurisprudence).

De fait, il est admis qu’au-delà d’une dénomination commune, le rapport des dettes constitue un mécanisme très différent du rapport des libéralités. Cela tient à ce que le rapport des libéralités est essentiellement une opération de liquidation (lorsqu’il s’exerce en valeur), préalable au partage, et qui intéresse seulement la composition de la masse partageable : elle consiste à intégrer dans la masse à partager les libéralités faites aux héritiers, de façon à assurer une égalité entre eux en évitant que les biens à partager soient amputés des libéralités consenties par anticipation. Le rapport des dettes, quant à lui, intervient au moment du partage proprement dit. Il représente un mode simplifié de règlement des dettes consistant à attribuer à l’héritier débiteur la créance que la succession détient sur lui, de façon à ce qu’elle s’éteigne par confusion. Il permet également d’assurer l’égalité des héritiers, mais cette fois en évitant que l’un des copartageants se trouve confronté au risque d’insolvabilité de l’héritier débiteur, ce qui pourrait se produire si la créance était attribuée à l’un des copartageants plutôt qu’au débiteur lui-même.

Ayant rappelé cette distinction, la Cour de cassation en a tiré une conséquence de régime en énonçant que « les règles du droit commun de la preuve » s’appliquent au rapport des dettes, dont il était ici manifestement question puisque ce sont ces règles de droit commun dont il a été fait application.

Cette solution appelle deux observations.

D’abord, sur l’objet du rapport, les juges du fond, implicitement approuvés sur ce point par la Cour de cassation, avaient souligné que, « si la demande des [copartageants] porte littéralement sur “des libéralités rapportables” ce sont en réalité des dettes dont ils sollicitent le rapport par [l’héritier débiteur] ». La précision n’était pas inutile, car l’hypothèse du prêt consenti à un héritier qui n’a pas remboursé sa dette au jour de l’ouverture de la succession est susceptible de deux qualifications : il peut s’agir d’une simple dette de l’héritier envers la succession, en l’absence de remise de dette, ou bien d’une donation indirecte, dans l’hypothèse où l’héritier aurait bénéficié d’une remise de dette traduisant une intention libérale. En l’espèce, à défaut de remise de dette, il s’agissait bien d’une créance de la de cujus contre l’héritier, devant faire l’objet d’un rapport de dette et non d’une donation indirecte devant faire l’objet d’un rapport de libéralité.

Ensuite, sur les règles applicables, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation souligne que le rapport des dettes est soumis aux règles du droit commun, là où le rapport des libéralités obéit à des règles propres. Ainsi, elle a par exemple exclu en matière de rapport des dettes l’application de l’article 860-1 du code civil, posant le principe du valorisme monétaire pour le rapport des libéralités (Civ. 1re, 29 juin 1994, préc. ; 4 juin 2007, n° 05-15.253, Bull. civ. I, n° 226, jugeant que la dette devait être rapportée pour le montant nominal de la somme prêtée, quand bien même cette somme aurait servi à l’acquisition d’un bien). De la même façon, en l’absence de règles de preuve spécifiques prévues pour le rapport des dettes, la Cour de cassation affirme logiquement que les règles du droit commun trouvent à s’appliquer.

Pour autant, faut-il comprendre dans la formule retenue par la Cour de cassation que le rapport des libéralités ne répond pas aux règles du droit commun de la preuve, contrairement au rapport des dettes ? Il ne semble pas qu’une telle interprétation a contrario doive prévaloir ; ce n’est pas parce que le droit commun de la preuve s’applique au rapport des dettes qu’il est évincé en matière de rapport des libéralités. En effet, les articles 843 à 863 du code civil qui, comme le rappelle la Cour de cassation, régissent le rapport des libéralités ne comportent aucune règle spécifique ayant trait à la charge de la preuve des libéralités. Les règles du droit commun de la preuve devraient donc trouver à s’appliquer au rapport des dettes comme à celui des libéralités, la seule différence se situant ici au niveau de l’objet de la preuve (v. infra).

L’application du droit commun de la preuve

Répartissant la charge de la preuve suivant les principes posés par l’article 1353 du code civil, la Cour de cassation affirme que, « s’il appartient à l’héritier qui demande le rapport d’une dette par l’un de ses copartageants de prouver son existence, une fois cette preuve rapportée, le copartageant qui prétend s’en être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Classiquement, elle fait donc dépendre la charge de la preuve de son objet : si le débat porte sur l’existence de la dette, la charge pèse sur le créancier ; si le débat porte sur l’extinction de la dette, elle pèse sur le débiteur.

Or, en l’espèce, l’existence de la dette était établie par l’absence de contestation du débiteur. Il s’agit là d’une application de la théorie du fait constant, qui permet au juge (sans pour autant le lui imposer ; v. par ex. Civ. 2e, 10 mai 1991, n° 89-10.460, RTD civ. 1992. 447, obs. J. Normand ; Com. 30 nov. 2010, n° 09-70.810, Dalloz actualité, 10 déc. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2900, obs. X. Delpech ; Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-14.016, Dalloz jurisprudence) de considérer comme établi un fait affirmé par une partie et non contesté par la partie adverse. Son application fait pourtant l’objet d’une jurisprudence contrastée : à plusieurs reprises, la Cour de cassation a censuré les juges du fond pour avoir tenu un fait non contesté pour établi, alors que « le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait » (v. not. Com. 21 mars 2018, n° 15-27.213, Dalloz jurisprudence ; Soc. 8 nov. 2017, n° 16-18.190 ; 3 févr. 2017, n° 15-15.119 ; Civ. 1re, 19 nov. 2014, n° 13-27.449, AJ fam. 2015. 52, obs. S. Thouret ; 10 juill. 2013, n° 12-18.981 ; Com. 12 juin 2012, n° 11-17.042, Dalloz actualité, 20 juin 2012 obs. A. Lienhard ; D. 2012. 1609, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2012. 634, note B. Saintourens ; RTD com. 2012. 578, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ). En l’espèce, cette partie du raisonnement retenu par les juges du fond n’a fait l’objet d’aucune critique par le demandeur au pourvoi, de sorte que l’existence de la dette de litigieuse a pu être tenue pour établie. La solution s’explique probablement par les circonstances entourant l’absence de contestation : à en croire les motifs retenus par la cour d’appel, reproduits dans les moyens annexés, l’existence de la dette était établie par une reconnaissance de dette souscrite par le débiteur, lequel se défendait seulement en soutenant qu’il n’était pas prouvé que la dette existait encore au jour du décès de la de cujus. C’est donc qu’il admettait implicitement que la dette avait existé. C’est probablement la raison pour laquelle la Cour de cassation adopte une formulation marquant son approbation totale de la solution retenue par les juges du fond en indiquant qu’« après avoir relevé que [l’emprunteur] ne contestait pas que sa mère lui avait prêté 600 000 francs, la cour d’appel en a exactement déduit que, l’existence de sa dette étant établie, il lui appartenait de prouver qu’il l’avait remboursée ».

L’existence de la dette étant prouvée, le débat se reportait sur son extinction, emportant un transfert du fardeau de la preuve sur le débiteur qui se prétendait libéré. Par une application mécanique et incontestable de l’article 1353, alinéa 2, du code civil, la Cour de cassation a estimé que, dès lors que l’emprunteur n’apportait aucun élément de nature à démontrer qu’il avait remboursé la somme prêtée, il devait rapporter cette somme à la succession de sa mère. La solution rendue, qui est irréprochable au regard des textes appliqués, contraste toutefois avec celle retenue dans une précédente affaire ayant donné à un arrêt du 15 mai 2013 (Civ. 1re, 15 mai 2013, n° 12-11.577, Bull. civ. I, n° 97 ; D. 2013. 1208 ; AJ fam. 2013. 445, obs. C. Vernières ). Dans cette espèce, il avait été jugé en cause d’appel qu’il appartenait au débiteur du de cujus de rapporter la preuve du remboursement de la dette dont il s’était reconnu débiteur ; cette preuve n’ayant pas été rapportée, les juges ont estimé que le non-paiement constituait un avantage indirect rapportable à la succession du de cujus. La solution avait été censurée par la Cour de cassation, pour inversion de la charge de la preuve, au motif « qu’il appartenait à ses cohéritiers qui en demandaient le rapport, de prouver l’existence, au jour de l’ouverture des successions, des dettes envers leurs auteurs dont ils se prévalaient ».

S’agit-il d’un revirement de jurisprudence ? Dans le sens d’une réponse négative, on notera que les circonstances des deux espèces présentent une différence qui pourrait justifier la divergence des solutions. En effet, dans le présent arrêt du 12 février 2020, l’emprunteur ne contestait pas l’existence de la dette dont il s’était reconnu débiteur. À l’inverse, dans l’arrêt du 15 mai 2013, les moyens du pourvoi laissent penser que l’intéressé contestait être débiteur du de cujus et soutenait notamment que la reconnaissance de dette litigieuse portait sur une autre dette qui avait été remboursée par ailleurs. Il se pourrait donc que la Cour de cassation ait fait application de l’alinéa 1er de l’article 1353 dans l’arrêt du 15 mai 2013 en considérant que la preuve de l’existence de la dette n’était pas rapportée, alors qu’elle s’est fondée sur l’alinéa 2 de ce texte dans l’arrêt du 12 février 2020, dès lors que le débat s’était reporté sur la question de l’extinction de la dette litigieuse.

D’un autre côté, un autre argument, plus fort, pourrait faire pencher en faveur d’un revirement : la formulation retenue par la Cour de cassation a changé entre 2013 et 2020. En effet, en 2013, elle affirmait que l’existence de la dette « au jour de l’ouverture des successions » doit être prouvée par celui qui en demande le rapport. Cette référence temporelle a disparu dans la formulation de 2020, d’où il ressort simplement que l’héritier qui demande le rapport d’une dette par l’un de ses copartageants doit « prouver son existence ». Or cette différence est significative : prouver qu’une dette existe au jour de l’ouverture de la succession, c’est prouver non seulement qu’elle a existé du vivant du de cujus, mais aussi qu’elle n’a pas été éteinte avant son décès. C’est donc faire peser sur le créancier la charge de prouver l’absence de paiement ou d’un autre fait extinctif. De ce point de vue, la solution retenue en 2013 semble contredire la règle posée par l’article 1353, alinéa 2 (anciennement 1315), d’où il résulte que c’est au débiteur qu’il incombe de prouver le fait qui a conduit à sa libération. La solution du présent arrêt est donc plus conforme à la dynamique qui ressort du texte.

Revirement ou non, la solution rendue par l’arrêt du 12 février 2020 est extrêmement claire. Il en ressort qu’en présence d’une dette impayée d’un héritier envers le de cujus, il faut, pour identifier sur qui pèse la charge de la preuve, déterminer si les cohéritiers exigent le rapport d’une libéralité ou d’une simple dette. S’ils exigent le rapport de la dette, il leur incombe seulement de prouver que la dette a existé, à charge pour l’héritier débiteur de démontrer qu’elle est déjà éteinte au jour de l’ouverture de la succession. S’ils exigent le rapport d’une libéralité, l’arrêt suggère, à raison, que la solution pourrait être différente. En effet, dans ce cas, il appartiendra aux cohéritiers demandeurs au rapport de démontrer non seulement l’existence de la dette, mais également l’intention libérale du de cujus qui a conduit à un non-paiement. Le plus souvent, cette intention libérale se traduira par une remise d’une dette, ce qui conduira de facto les demandeurs à devoir prouver l’existence de la dette et la remise de dette qui a provoqué son extinction. Pour autant, une telle solution ne dérogerait pas aux règles du droit commun de la preuve. Simplement, si la charge de la preuve diffère, c’est parce que l’objet même de la preuve est distinct : celui qui invoque l’obligation de rapporter une dette doit seulement démontrer l’existence de la dette dont il se prévaut, tandis que celui qui invoque l’obligation de rapporter une libéralité doit démontrer l’existence de la libéralité dans tous ses éléments constitutifs, tant matériel (appauvrissement du disposant et enrichissement du gratifié) que moral (intention libérale du disposant).

La Cour de cassation applique les règles du droit commun de la preuve des obligations en matière de rapport des dettes successorales, tout en suggérant qu’il existe, sur cette question, une différence entre le rapport des dettes et le rapport des libéralités. Ainsi, c’est à l’héritier qui sollicite le rapport d’une dette à la succession de démontrer son existence, à charge pour le débiteur d’en démontrer le remboursement.

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L’article 748-8 du code de procédure civile, issu du décret du 3 mai 2019, appelait un arrêté technique. Deux arrêtés avaient été pris les 6 et 28 mai 2019. L’un et l’autre sont modifiés par deux arrêtés du 18 février 2020. Outre la consultation du dossier d’une affaire, le Portail du justiciable permet au justiciable de saisir certaines juridictions civiles en adressant une requête.

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« Vous êtes de ces magistrats qui ont, à la fin, une belle carrière »

La question des allers-retours des hauts magistrats parisiens entre les cabinets et les juridictions est récurrente. Ainsi, le député FI Ugo Bernalicis interroge Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris : « Vous êtes de ces magistrats qui ont servi à la fois au siège et au parquet, qui ont eu des responsabilités politiques dans les cabinets ministériels et qui sont passés par l’inspection, et qui ont, à la fin, une belle carrière. Est-ce que vous pensez que les postes de magistrat à l’administration centrale de la justice posent un problème d’indépendance ? »

Noël réplique : « Le passage en administration centrale n’obère pas l’indépendance du juge. » Au contraire, « il est important que le magistrat s’ouvre sur la société, ce que permet le passage en administration centrale ». Par ailleurs, « si des magistrats ne participaient à des cabinets, alors vous auriez des administrateurs civils, des membres du Conseil d’État qui porteraient eux l’appréciation sur le fonctionnement de la justice. Je préfère que ce soient des magistrats judiciaires ».

Les mêmes questions sont posées ensuite à François Molins, procureur général près la Cour de cassation. « J’ai été directeur de cabinet du garde des Sceaux pendant deux ans et demi. Quand je suis arrivé au parquet de Paris, il y a eu la polémique qu’on connaît. Tous ont dit : on ne critique pas vos qualités personnelles mais votre passage institutionnel ; je ne l’ai, pour autant, pas très bien vécu. […] En arrivant au parquet de Paris, j’aurais pu être tenté de protéger les gens avec lesquels j’avais travaillé quelque temps avant. Je ne l’ai pas fait. Je pense avoir ouvert des enquêtes ou des informations sur la quasi-totalité des mouvements politiques. »

« Le regard des politiques sur la justice devrait changer »

Autre question rituelle posée aux magistrats : les pressions politiques. François Molins cite une affaire datant du début des années 1980. « C’était dans un monde ancien avec une situation qui a beaucoup évolué. » « Depuis la loi de 2013, je n’ai jamais eu à subir, de quelque façon que ce soit, des instructions ou des tentatives d’instruction de la part du pouvoir politique. » « La seule affaire dont j’ai eu à connaître concernait un magistrat, je n’en dirai pas plus afin de ne pas trahir le secret de la procédure en cours, pour lequel on a découvert, à l’occasion de perquisitions effectuées après son départ à la retraite, qu’il y avait, au travers de ses relations avec certains élus, des éléments pouvant évoquer d’éventuelles corruptions ou trafics d’influence. J’ai saisi un juge d’instruction. »

Auditionné le même jour, le secrétaire général de l’USM, Jacky Coulon abonde : « Nous n’avons jamais eu de collègues qui se seraient plaints d’atteintes à l’indépendance. Il y a d’autres difficultés, comme la dépendance de la police judiciaire vis-à-vis du ministère de l’intérieur. » Pour Katia Dubreuil, du Syndicat de la magistrature, des problèmes viennent de la hiérarchie. « Ce sont des collègues déchargés de leur contentieux de manière unilatérale par un président à qui les décisions prises ne conviennent pas. Ce sont des convocations paradisciplinaires du président pour reprocher telle ou telle décision susceptible de déplaire en haut lieu. »

Pour François Molins, « le regard des politiques sur la justice devrait changer. Je suis personnellement frappé que, chaque fois qu’une enquête ou une instruction vise un homme ou une femme politique, sa stratégie de défense est de mettre en cause l’impartialité du procureur ou du juge, ou de l’accuser d’être à la solde du pouvoir ». Une manière de renvoyer la balle aux députés : les perquisitions au siège de la France insoumise figuraient dans les motifs de la résolution FI créant la commission d’enquête.

« L’image publique de la justice est entachée par le statut du parquet »

Pour Jacky Coulon : « Le statut du parquet qui met la nomination et la discipline des procureurs aux mains du pouvoir exécutif nuit à l’image d’indépendance de la justice, une indépendance que l’on constate pourtant concrètement dans les affaires individuelles. Je peux vous garantir que, depuis 2013, je n’ai pas eu d’instructions dans des dossiers individuels. […] Si le CSM nommait les procureurs et les procureurs généraux, on n’aurait pas comme procureur de la République celui qui était conseiller du ministre dans son cabinet. »

Il faut être plus ambitieux, pour François Molins, et « investir le CSM du pouvoir de proposer les nominations des procureurs généraux et des procureurs de la République ». Marie-Christine Tarrare, de la Conférence nationale des procureurs généraux, nuance : « La majorité des procureurs généraux sont pour le maintien du pouvoir de proposition du garde des Sceaux, pour veiller à l’uniformité au niveau national de la politique pénale. »

Autre piste, pour Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de Paris, il serait bon qu’après dix ans de carrière, les magistrats choisissent définitivement entre siège et parquet « avoir été juge d’instruction, puis ensuite magistrat au parquet, où l’on va rendre des rapports sur l’instruction, voilà qui me paraît un peu compliqué ! »

Dernier point, lancinant : les moyens. Pour Joëlle Munier, présidente de la Conférence nationale des présidents de TGI, certaines décisions sont ainsi contraintes. Ainsi, « il arrive que la protection judiciaire indique au juge des enfants qu’elle n’a pas de solution alternative à l’incarcération, faute de financements suffisants. C’est une atteinte à la décision juridictionnelle ».

fl_greve_greffe_bo…

Sur le parvis du tribunal de Bobigny, tandis que ses collègues chantent derrière une banderole « justice morte », Cyril Papon s’extirpe de la foule et, en passant, lance à sa collègue : « Les renseignements territoriaux nous disent que, pour des questions de sécurité, on ne doit pas être plus de cent sur la dalle. — Les risques tiennent plus du burn out que de l’effondrement de la dalle », persifle-t-elle en retour. À vue d’œil, ils sont une centaine, mais la dalle a tenu bon.

D’abord : les greffiers, remontés comme jamais, en grève pour cette journée du 4 mars, au tribunal judiciaire de Bobigny. À l’instruction : grève. Au JLD : grève. À l’application des peines : grève. Seule la cour d’assises tourne encore, mais la greffière a tout de même pris sur sa pause déjeuner pour se regrouper avec ses collègues. Le message est clair : « les moyens de Bobigny sont pitoyables », dit l’une. « Commençons par parler de l’état de santé des personnels », entame Cyril Dion, secrétaire général de la CGT services judiciaires. Dans les services, c’est : « qui n’a pas fait un burn out ou est sur le point d’en faire un ? » Le manque de moyens matériels et humains est énorme, aux trois cent cinquante fonctionnaires en poste, il faudrait selon lui en ajouter « au moins soixante ».

Une greffière de la cour d’assises explique qu’elles sont trois sur cinq dans son service et qu’en deux mois et demi à peine, la voilà à plus de quarante journées d’audience. « Nous sommes parfois obligés de venir le week-end et de rester tard le soir pour finir notre travail, ce qui ne plaît pas à la hiérarchie, car en théorie c’est interdit », pas les supérieurs directs, mais ceux qui ont la responsabilité de tous les services de greffe au tribunal. « Ceux-là ne sont pas solidaires », déplore une greffière, qui souhaite rester anonyme comme la plupart de ses collègues. Celle-là, en poste à l’instruction, explique que deux cabinets sur seize sont dépourvus de greffiers, ce qui ajoute une charge de travail importante aux quatorze greffiers de ce service. « Nous devrions être au moins vingt », dit-elle, mais auraient-elles le matériel suffisant ? Aujourd’hui, c’est un tampon pour deux (« pourtant, on Marianne à tout-va, toute la journée »), et une galère sans nom pour obtenir les fournitures de bureau nécessaires (« le manque de post it, ce n’est pas une légende »). Mais, l’esprit de service public chevillé au corps (« je suis venu travailler en décembre par 40 °C de fièvre »), les fonctionnaires du tribunal de Bobigny maintiennent à flot le deuxième tribunal de France. « Je suis à trente ou quarante heures par mois d’heures supplémentaires écrêtées », c’est-à-dire non payées, dénonce-t-elle.

Tout autour des greffiers, la famille judiciaire fait corps. « Nous voyons cette journée comme la première d’une union des professions judiciaires », lance l’avocat parisien Thibaud Cotta, du groupe Black robe brigade, association fondée dans le cadre du mouvement de grève contre le régime des retraites. Ils sont plusieurs du barreau de Paris à être venus apporter leur soutien, tout comme, naturellement, les irréductibles grévistes du barreau de Bobigny – qui, sur le parvis, chantent, dansent et rient. « On est solidaires des greffiers, car nous partageons tous le même diagnostic sur la situation de la justice », témoigne Frédéric Gabet, bâtonnier de Seine-Saint-Denis. Convergence des luttes : les avocats, en grève dure depuis deux mois, sont ravis de voir les greffiers battre le pavé à leur tour. Ceux-ci sont unanimes : ils ont toujours soutenu la grève des avocats, malgré une lettre de Nicole Belloubet qui, subtilement, a tenté de les dresser contre eux. « Ça nous a encore plus soudés », explique Cyril Dion, de la CGT.

Au-dessus de la foule, les drapeaux de syndicats flottent et il ne manque personne. L’union syndicale des magistrats est formelle : « Nous estimons que la grève des avocats est légitime et nous soutenons les greffiers », dit Lucie Delaporte, déléguée USM. 78 postes sont vacants, 10 autres sont inoccupés, donc : « les greffiers ne peuvent plus faire tourner la machine », constate-t-elle. Et sans greffier, la justice souffre. « J’ai déjà été obligée de placer quelqu’un sous contrôle judiciaire car je n’avais pas de greffier pour notifier une de mes décisions », déplore Lucie Delaporte, qui est juge d’instruction.

« Sans les personnels de greffe, il n’y a pas de justice », estime Sophie Combes, déléguée du syndicat de la magistrature. Depuis des années, des décennies que les greffes hurlent leur désarroi, la situation n’a fait qu’empirer. « Ils sont toujours aussi peu ou presque, pour faire de plus en plus », car ce qui pose problème, particulièrement ici en Seine-Saint-Denis, c’est que les besoins réels du département sont largement sous-évalués, donc chaque effort budgétaire est immédiatement englouti par un accroissement de la charge de travail. Les greffiers sont les plus exposés, et les autres professions, solidaires, ont tenu à l’exprimer en participant à ce rassemblement qui ne visait qu’une seule entité : le gouvernement.

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Nouvelle étape dans le cheminement à petits pas de la dématérialisation des procédures : le Portail du justiciable permet au justiciable, depuis le 21 février 2020, d’adresser des requêtes par voie électronique à certaines juridictions civiles. Cette fonction est une nouveauté, elle s’ajoute à :

• la communication au justiciable :

des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles,des avis, convocations et récépissés émis par le greffe,

• la consultation du dossier.

Le portail ne se limite donc plus à des flux sortants de la juridiction à destination du justiciable, il accueille le flux entrant des actes de saisine, que sont les requêtes, soit le flux allant du justiciable vers la juridiction. On peut y voir un progrès pour le justiciable, qui peut être plus actif. Pour autant, les arrêtés techniques qui mettent en œuvre cette avancée suscitent interrogations et étonnements de la part du processualiste.

Au nombre de ces derniers, notons, sans développer davantage, que les arrêtés trouvent désormais leurs fondements, non seulement dans les dispositions du titre XXI du livre Ier du code de procédure civile, mais aussi dans des articles du code de procédure pénale (dont art. 801-1, 803-1, D. 589, etc.) : le portail s’ouvre en effet à cette procédure.

 

I. Rappelons une nouvelle fois l’historique récent et dense de l’article 748-8 du code de procédure civile. De mars 2015 (décr. n° 2015-282, 11 mars 2015) à mai 2019 (décr. n° 2019-402, 3 mai 2019), il a permis que les « avis », dont la communication était prévue « par tout moyen », soient transmis par courriels et textos. En outre, l’article 748-8 dérogeait à l’article 748-6, en ce sens qu’un arrêté technique n’était pas nécessaire à sa mise en œuvre : le texte ne se préoccupait pas d’organiser techniquement la confidentialité de ces transmissions par courriels et textos (Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul ; mêmes auteurs, Communication par voie électronique : publication d’un décret, D. 2019. 1058 ; Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry). Cette rédaction a été abrogée en 2019, laissant planer un doute sur le régime juridique actuel des transmissions par courriels et textos.

L’article 748-8, dans sa rédaction issue du décret du 3 mai 2019, a constitué une première mise en œuvre concrète de ce que nous appelons « communication par voie électronique 2.0 » (CPVE 2.0 ; sur cet aspect numérique, v. Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, préc.), en faisant entrer le Portail du justiciable dans le code de procédure civile – dans sa rédaction issue du décret : il a ouvert « aux justiciables qui y consentent la possibilité de recevoir sur le Portail du justiciable du ministère de la justice les avis, convocations et récépissés qui leur sont adressés par le greffe » (notice du décret). La communication par voie électronique 2.0 (CPVE 2.0) instituée par ce décret résulte aussi de l’instauration, à l’article 748-3, de la notion de « plateforme d’échanges dématérialisés ». Il semble que cet objet juridique s’assimile à ce que nous avons pu appeler une juridiction plateforme.

Quoi qu’il en soit, le « Portail du justiciable » a été défini comme « une application fondée sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles utilisant le réseau internet » (arr. 6 mai 2019, art. 1er, inchangé en 2020), « un système d’information fondé sur les procédés techniques d’envoi automatisé de données et d’éditions » (arr. 6 mai 2019, art. 2 et arr. 28 mai 2019, art. 1er, inchangés à cet égard). Ce portail concerne les justiciables des juridictions judiciaires à l’exclusion de ceux des tribunaux de commerce (disposant de leur propre « tribunal digital » : v. Dalloz actualité, 19 avr. 2019, obs. C. Bléry et T. Douville) et de la Cour de cassation. Le système est aussi accessible aux greffes (arr. 6 mai 2019, art. 2 et arr. 28 mai 2019, art. 3).

L’article 748-8, alinéa 4, issu du décret de 2019 appelait un arrêté technique spécifique au portail : « les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi » (et seulement cette date).

De son côté, l’article 748-6, devenu alinéa 1er en 2018 (décr. n° 2018-1219, 24 déc. 2018), a toujours posé en règle la nécessité d’un arrêté technique – c’est même la clé de voûte du système de la CPVE « version 1 » : ce texte dispose aujourd’hui que « les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire » – soit trois dates à la différence de ce que demande l’article 748-8. Si la troisième est exigée depuis 2005, c’est le décret du 3 mai 2019 qui a intégré la logique de la plateforme et donc de l’avis de mise à disposition au texte qui vise désormais en plus l’établissement certain de la date de mise à disposition (Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, préc.).

En fait, deux arrêtés « 748-8 », relatifs au Portail du justiciable, ont été adoptés, l’un en date du 6 mai, l’autre du 28 mai 2019 (Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry, préc.). L’arrêté posant les garanties exigées à l’article 748-8 est celui du 6 mai 2019… L’arrêté du 28 mai 2019, bien qu’« autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Portail du justiciable” (suivi en ligne par le justiciable de l’état d’avancement de son affaire judiciaire) », décrit en réalité les informations pouvant être transmises, consultées (consentement, adresse électronique du justiciable, numéro Portalis, etc.) et conservées pendant une durée limitée (celle de la procédure, puis un an sauf modification), les personnes pouvant y avoir accès…

Si l’on pouvait douter de la pertinence du choix d’édicter deux arrêtés et non pas un seul, le dédoublement est reconduit : les deux arrêtés sont consolidés par deux nouveaux arrêtés publiés au Journal officiel du 20 février 2020 et entrés en vigueur au lendemain de leur publication faute de dispositions transitoires : ainsi les deux arrêtés du 18 février 2020 ont modifié, respectivement, « l’arrêté du 6 mai 2019 relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique des avis, convocations ou récépissés via le “Portail du justiciable” » (ci-après arrêté CPVE) et « l’arrêté du 28 mai 2019 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Portail du justiciable” (suivi en ligne par le justiciable de l’état d’avancement de son affaire judiciaire) » (ci-après arrêté traitement automatisé).

 

II. Si le portail ne permettait qu’une CPVE assez limitée, à but essentiellement informatif pour le justiciable qui ne pouvait pas, notamment, réaliser lui-même des actes de procédure (Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry, préc.), un progrès est accompli.

Dans la version de mai 2019, le portail autorisait :

• « la consultation à distance par le justiciable de l’état d’avancement de son affaire judiciaire sur un portail personnel et sécurisé ;

• l’accès, grâce à une transmission sécurisée sur le portail, à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures, tels que des avis, des convocations et des récépissés ;

• la consultation d’une affaire judiciaire, aux fins d’information du justiciable, par les agents de greffe visés à l’article 3, via le portail du service d’accueil unique du justiciable, service interne au ministère de la justice ;

• la réalisation de statistiques » (arr. 28 mai 2019, art. 1er).

La mise en œuvre du système par le ministère de la justice était « autorisée » par ce même article 1er.

Cette réglementation n’est pas substantiellement modifiée au fond. Le texte est cependant mieux rédigé, qui prévoit qu’« est créé par le ministère de la justice un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé “Portail du justiciable” » (al. 1er), « ce traitement permet[tant] au justiciable, depuis son espace personnel sécurisé accessible depuis justice.fr », les actions ci-dessus énoncées.

De même, les conditions d’inscription, d’acceptation, etc., ne sont pas modifiées pour ce qui est des flux sortants (arr. 6 mai 2019). Ainsi, pour l’essentiel, la communication par voie électronique sur le Portail du justiciable peut être utilisée seulement « à la condition que la partie y ait préalablement consenti » par déclaration, celle-ci mentionnant « notamment l’adresse électronique de la partie, à laquelle sera adressé l’avis de mise à disposition de toute nouvelle communication » (art. 748-8, al. 1er et 2). Or « le consentement est unique pour chaque affaire » (arr. 6 mai 2019, art. 5, al. 2), « le justiciable peut consentir à la communication par voie électronique à tout moment de sa procédure par écrit via le formulaire CERFA dédié ou par déclaration formulée par procès-verbal de greffe ou d’un agent assermenté. Le consentement donné est irrévocable » – autant dire que le justiciable n’a plus le droit d’être une « girouette » que dans un sens, à savoir du papier vers le numérique mais plus l’inverse (arr. 6 mai 2019, art. 5) et ce consentement préalable à la CPVE auprès de la juridiction permet au justiciable « de consulter son dossier sur son compte www.monespace.justice.fr » (arr. 6 mai 2019, art. 5).

L’article 7, alinéa 2, de l’arrêté du 6 mai 2019 reprend les exigences de l’ancien article 748-8 quant à la communication à la juridiction d’« un numéro de téléphone portable et une adresse courriel valides » et à l’obligation « de signaler à la juridiction toute modification ultérieure ».

Selon l’article 8 de l’arrêté du 6 mai 2019, le justiciable reçoit par courriels, adressés via le Portail du justiciable, « les notifications de mise à jour relatives à l’état d’avancement de la procédure le concernant », tandis que l’article 9 précise « les rappels d’audience ou d’auditions sont envoyés au numéro de téléphone portable déclaré par le justiciable »…

Dans la version de février 2020, comme déjà dit, il ne s’agit plus seulement de documents à consulter mais d’un rôle actif à jouer pour le justiciable, de « flux entrants », vers la juridiction, aux fins de sa saisine. Selon l’alinéa 3, nouveau, de l’article 1er de l’arrêté CPVE modifié, « le “Portail du justiciable” permet également au justiciable d’adresser une requête à une juridiction ». L’alinéa 4 précise ce qu’est cette requête : elle « est composée des informations saisies par le justiciable ainsi que des pièces qu’il souhaite joindre à sa demande » ; l’alinéa 5, quant à lui, en précise les suites : « la réception de la requête génère automatiquement un avis électronique de réception à destination du justiciable. Cet avis contient la date de la saisine, le numéro de la saisine ainsi que la juridiction saisie. Il tient lieu de visa par le greffe au sens de l’article 769 du code de procédure civile ».

Afin de pouvoir effectuer cette requête, des règles nouvelles sont posées : désormais, « le justiciable qui adresse sa requête via le “Portail du justiciable” doit accepter les conditions générales d’utilisation » (art. 5 consolidé, in limine) : c’est en effet un préalable. Comme hier, « afin de consulter son dossier sur son compte www.monespace.justice.fr, le justiciable doit au préalable consentir à la communication électronique auprès de la juridiction » mais, en plus, aujourd’hui il peut aussi le faire « depuis son espace personnel s’il a adressé sa requête via le “Portail du justiciable” lorsqu’il saisit la justice en ligne » (même art., nouvelle version), de sorte que la chronologie n’est plus évidente (comment concilier « s’il » et « lorsque » ?), même si le consentement doit nécessairement intervenir en début de procédure si le justiciable veut adresser sa requête par voie électronique… et pas nécessairement en début pour consulter l’affaire qui peut avoir été introduite par voie papier, ce qui ressort du nouvel article 6. Ce texte intègre aussi le dédoublement des flux en précisant que « le justiciable qui souhaite suivre son affaire en ligne et recevoir les avis, convocations et récépissés mentionnés à l’article 748-8 du code de procédure civile peut consentir à la communication par voie électronique à tout moment de sa procédure […] ». Sans changement, le consentement vaut aussi renonciation au papier (art. 6 in fine).

L’article 8 de l’arrêté du 6 mai 2019, consolidé, évoque toujours les courriels adressés via le Portail du justiciable, mais distingue « les notifications relatives au traitement de sa requête ainsi que les notifications de mise à jour relatives à l’état d’avancement de la procédure le concernant ».

De son côté, l’arrêté du 28 mai 2019 s’est enrichi de nouvelles dispositions. Notamment :

• dans « les catégories d’informations et de données à caractère personnel communes à toutes les procédures enregistrées dans le traitement », figurent maintenant des données tenant compte des flux entrants, à savoir :

le statut de la requête : brouillon, échec, envoyée, enregistrée ;les éléments constitutifs de la requête ;les pièces jointes complétant la requête ;les éléments identifiant les tiers mentionnés dans la requête : civilité, nom, nom d’usage, prénom(s), raison sociale et forme juridique pour les personnes morales, le titre pour les autorités administratives » (art. 2) ;

• dans « les personnes ou catégories de personnes qui peuvent directement accéder aux données enregistrées dans le traitement » sont indiqués, outre les justiciables et les agents du greffe « individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe », « les magistrats, individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe » (art. 3) ;

• une durée de conservation des données relatives aux requêtes est désormais prévue, différente de celle relative aux flux sortants (art. 4) ;

• enfin l’article 5 de l’arrêté traitement automatisé prévoit, de manière complexe et peu lisible, un droit d’accès et de rectification pour ce qui est des flux sortant et entrant… à moins qu’il ne l’écarte.

 

III. Les textes nouveaux suscitent diverses questions et réflexions.

Pourquoi l’article 1er de l’arrêté du 6 mai 2019 consolidé vise-t-il maintenant la CPVE émise par le greffe « d’un tribunal paritaire des baux ruraux, d’un conseil de prud’hommes, d’une cour d’appel ou de tribunaux de grande instance et d’instance » : quelle est l’utilité de l’exercice consistant à intervertir l’ordre des greffes ? Pourquoi maintenir la référence à des tribunaux disparus et ne pas plutôt mentionner leur successeur, le tribunal judiciaire ? De la même manière, l’article 1er de l’arrêté CPVE du 18 février 2020 supprime « avis, convocations et récépissés » de l’intitulé de l’arrêté du 6 mai 2019, qui devient « arrêté du 6 mai 2019 relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via le “Portail du justiciable” »… sans que cela apparaisse sur Légifrance (?).

Il est permis de regretter que la confusion entre plateforme, traitement automatisé, voire site internet (v. en ce sens Dalloz actualité, 18 nov. 2019, obs. C. Bléry et J.-P. Teboul) persiste.

Les deux arrêtés semblent curieusement être non seulement des arrêtés « 748-8 », mais aussi des arrêtés « 748-6 » : l’article 2 de l’arrêté CPVE ne vise en effet plus seulement l’article 748-8, mais les articles 748-1 à 8 (pourquoi pas 9 ?), dont l’article 748-6… On peut penser que, l’article 748-8 ne visant que l’aspect « flux sortants » (avis, convocation ou récépissé adressé par le greffe), il est nécessaire que l’arrêté ait une double casquette et se « raccroche » à l’article 748-6 pour les flux entrants (requête). Rappelons en outre, pour ajouter à la curiosité, que ces arrêtés sont aussi des arrêtés « 801-1 » du code de procédure pénale…

Que penser de l’alinéa 4 de l’article 1er de l’arrêté CPVE consolidé ? Mentionne-t-il l’article 769 du code de procédure civile propre au tribunal judiciaire (juridiction non visée à l’alinéa 1er de l’article) ? N’aurait-il pas été plus cohérent de mentionner le régime général de l’article 748-3, qui a posé le principe d’équivalence pour toutes les juridictions et toutes les procédures (sous réserve qu’un arrêté technique permette la CPVE) ?

Quid de l’articulation avec les articles 54 et 57 ?

• On se rappelle que, selon l’article 54, « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties » et que le texte indique les mentions communes aux assignations et aux requêtes, à peine de nullité (de forme). En particulier l’article 54, alinéa 2, prévoit que, « lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur ». Cette disposition est mal placée : en effet, bien que l’article 54 vise aussi les assignations, la demande « formée » par voie électronique semble n’être que la requête transmise par le Portail du justiciable : le Conseil d’État a en effet estimé que les avocats ne seront tenus d’indiquer leur numéro de téléphone portable que sur les actes réalisés par l’intermédiaire de la plateforme (CE, réf., 30 déc. 2019, n° 436941, Dalloz actualité, 8 janv. 2020, art. T. Coustet ; D. avocats 2020. 48, étude E. Raskin et R. Spitz )… Notons, une nouvelle fois, au passage que cette disposition semble résulter d’une confusion (en quoi est-il nécessaire de faire figurer dans un acte des données personnelles, alors que seule compte la possibilité pour la juridiction de communiquer avec le justiciable ou son avocat ? (C. Bléry, Nouveaux modes d’introduction de la procédure et communication par voie électronique, D. avocats 2020. 25 ; Dalloz actualité, 24 déc. 2019, obs. C. Bléry). Les requêtes envisagées par les arrêtés consolidés sont donc nécessairement soumises à l’article 54, alinéa 2.

• Si l’article 54 dispose que la requête peut être remise ou adressée, l’article 1er, alinéa 2, de l’arrêté CPVE, lui, évoque seulement la requête « adressée ». Faut-il en déduire que la remise est papier et que l’« adresse » se fait via le portail ? Cela donnerait une certaine autonomie – voire consistance – à la notion d’« adresse », guère usitée jusqu’alors : en particulier l’article 748-1 du code de procédure civile envisage les « envois, remises et notifications des actes de procédure, etc. » par voie électronique et pas leur « adresse » ;

• Les « informations saisies par le justiciable » qui, ainsi que les « pièces que le justiciable souhaite joindre à la demande », « composent » la requête selon l’article 1er, alinéa 3, de l’arrêté CPVE sont-elles les mentions des articles 54 et 57 ? « Informations » n’est pas un terme procédural connu et est bien imprécis. Les pièces sont sans doute celles visées à l’article 57, alinéa 2 : la requête doit en effet comporter la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée, à peine de nullité (de forme), alors que le texte ancien ne sanctionnait pas son absence. Nous nous étions posé la question de savoir si l’acte introductif d’instance sera annulable si des pièces sont produites plus tard et donc non mentionnées dans l’acte initial, dès lors qu’un grief serait prouvé. Et si était ainsi instauré un principe de concentration des pièces (D. avocat 2020. 25, préc. ; Dalloz actualité, 24 déc. 2019, obs. C. Bléry, préc.). La question reste posée mais, en plus, il est permis de s’étonner de la formulation « souhaite joindre à la demande » : ou le requérant doit joindre ses pièces, ou il ne le doit pas… mais un souhait, là encore, n’est guère juridique ;

En plus du renvoi qu’il fait à l’article 769, l’alinéa 4, de l’article 1er de l’arrêté CPVE suscite une interrogation : qu’est-ce que le numéro de saisine ? Sans doute un numéro « Portalis » (?), différent du numéro de répertoire général prévu à l’article 726 ? De son côté, l’article 2 de l’arrêté « traitement automatisé » consolidé distingue « le numéro d’affaire Portalis » et « le numéro de dossier ». Un vocabulaire plus précis serait infiniment souhaitable…

Sur le plan des notions, signalons encore que les « notifications » envisagées à l’article 8 s’éloignent de celles du code de procédure civile pour ressembler à des notifications Twitter ou Facebook, c’est-à-dire qu’elles réalisent la communication d’informations et ne portent plus à la connaissance des intéressés un acte (de procédure) (C. pr. civ., art. 751).

On se demande aussi comment sera reçu le nouvel article 3 de l’arrêté « traitement automatisé » en ce qu’il donne accès aux informations du Portail aux « magistrats, individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe » (art. 3)…

Il est permis de regretter cette légistique consistant en une avalanche de textes obligeant – une fois de plus – le processualiste et même le justiciable non averti à « digérer » de nouvelles règles, au risque d’en avoir le tournis. C’est d’autant plus gênant que, d’une part, la consolidation des textes plus anciens par les plus récents est difficilement compréhensible (v. infra) et que, d’autre part, on comprend que les textes sont parfois adoptés pour valider la technique ou au contraire sans avoir tenu compte de ce que la technique informatique ne suit pas (v. le mécanisme de « prise de date » de l’article 751 issu du décret n° 019-1333 du 11 décembre 2019 ; D. avocat 2020. 25, préc. ; Dalloz actualité, 24 déc. 2019, obs. C. Bléry, préc. ; v. aussi la formulation de l’article 54 dans sa rédaction issue du même décret, supra) : à cet égard, les arrêtés modificatifs du 18 février visent sans doute à entériner des progrès informatiques réalisés entre mai 2019 et février 2020. N’aurait-on pu attendre au lieu d’aller « plus vite que la musique » ?

Au-delà, cela pose la question de la collaboration entre les juristes et les informaticiens au sein de la Chancellerie. Rappel aux rédacteurs : si la procédure est un « droit servant », l’informatique doit n’être qu’une « technique servante »…

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Si on ne peut pas douter de la portée de cette annonce bien au-delà des seuls marchés publics de l’État, et de la réalité d’une situation d’empêchement majeur, compte tenu de l’importance mondiale de l’épidémie et des conséquences présentes et à venir sur tous les secteurs de l’économie, un rapide tour d’horizon de la jurisprudence judiciaire – hors aspects liés au contrat de travail – permet d’avoir une idée de la portée de la grippe et, plus généralement, des épidémies au regard de la notion de « force majeure ». Et donc de prendre les précautions – juridiques cette fois – adéquates.

Faisons d’abord un retour aux sources, avec l’article 1218 du code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

L’article 1218 a repris, lors de la réforme du droit des obligations, les critères jurisprudentiels antérieurs d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, délaissant le critère d’extériorité que la Cour de cassation avait également écarté précédemment de son appréciation (Cass., ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11.168 P, Dalloz actualité, 5 mai 2006, obs. I. Gallmeister ; D. 2006. 1577, obs. I. Gallmeister , note P. Jourdain ; ibid. 1566, chron. D. Noguéro ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2638, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2006. 904, obs. B. Bouloc ).

1. Pas de force majeure lorsque l’épidémie préexiste au contrat

L’imprévisibilité de l’événement qualifié de force majeure s’apprécie au jour de la conclusion du contrat. Un exemple : « il doit être souligné que l’épidémie de chikungunya a débuté en janvier 2006 et ne peut être retenue comme un événement imprévisible justifiant la rupture du contrat en août suivant après une embauche du 4 juin. […] Ainsi, dans les faits, la force majeure alléguée fait défaut » (Saint-Denis de la Réunion, 29 déc. 2009, n° 08/02114). Pour le coronavirus, si la question ne se pose pas pour des contrats anciens, il faudra s’interroger sur le moment à partir duquel l’intervention du coronavirus sur le contrat aura pu être anticipée (et donc des mesures prises en conséquence) : à partir du moment où l’épidémie a commencé en Chine ? de celui où elle est arrivée en Europe ? en France ? à compter de la date à laquelle l’OMS en a fait un risque grave ? Prudence pour les contrats récents et futurs.

2. Détermination de la zone touchée

La question se pose couramment pour le refus de voyager dans une zone à proximité d’une zone dangereuse – et elle est souvent réglée spécifiquement par les professionnels du tourisme. La détermination de la zone d’éviction n’est pas si simple : faut-il se baser sur les recommandations aux voyageurs ? Sur un principe de précaution entendu plus ou moins largement ?

Un jugement ancien a pu ainsi affirmer, dans le contexte du SRAS, que « le risque sanitaire n’était pas majeur en Thaïlande et il ne peut être admis que le voyage vers ce pays était impossible en raison du SRAS » (TI Paris, 4 mai 2004, n° 11-03-000869, cité par E. Llop, Contentieux des agences de voyages : de la sécurité au futile, Tourisme et Droit 2008, n° 102, p. 29) et un autre arrêt a considéré que l’escale dans un pays voisin d’une zone d’épidémie de peste ne représente pas un risque tenant à la force majeure (Paris, 25 juill. 1998, Tour Hebdo n° 944, 2 juin 2000, cité eod. loc.).

3. Pas de force majeure lorsque l’épidémie est connue, endémique et non létale

Ce qui n’est certainement pas le cas pour le coronavirus en 2020… Mais, surtout en matière touristique, la dangerosité de la maladie est prise en compte pour évaluer les pertes invoquées par les professionnels du tourisme ou apprécier la légitimité d’une annulation.

Ainsi on relèvera la motivation très détaillée d’un arrêt rendu à propos du virus chikungunya : « S’agissant de la présence du virus chikungunya, en dépit de ses caractéristiques (douleurs articulaires, fièvre, céphalées, fatigue, etc.) et de sa prévalence dans l’arc antillais et singulièrement sur l’île de Saint-Barthélemy courant 2013-2014, cet événement ne comporte pas les caractères de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1148 du code civil. En effet, cette épidémie ne peut être considérée comme ayant un caractère imprévisible et surtout irrésistible puisque, dans tous les cas, cette maladie soulagée par des antalgiques est généralement surmontable (les intimés n’ayant pas fait état d’une fragilité médicale particulière) et que l’hôtel pouvait honorer sa prestation durant cette période » (Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739 ; dans le même sens, pour la dengue en Martinique, qui n’est ni imprévisible ni irrésistible, Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003). Cet arrêt est utile pour construire la démonstration inverse pour le coronavirus qui, lui, est apparu récemment, ne comporte pas pour le moment de traitement efficace et peut être létal.

4. Un événement irrésistible : inévitable dans sa survenance et insurmontable dans ses effets

La question est résolue de longue date lorsque la maladie du débiteur l’empêche effectivement de fournir la prestation. C’est ainsi que dans l’arrêt précité du 14 avril 2006, l’assemblée plénière a pris en compte le fait que l’incapacité physique résultant de l’infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et que la chronologie des faits ainsi que les attestations relatant la dégradation brutale de l’état de santé du débiteur faisaient la preuve d’une maladie irrésistible.

Transposée au coronavirus, on peut supposer que, dès lors que le débiteur est personnellement affecté, la force majeure est envisageable puisqu’il n’est plus en mesure de fournir la prestation prévue (a fortiori si cette prestation suppose des déplacements et contacts, puisque les malades se voient confinés). Cette situation ne saurait cependant être invoquée comme un simple prétexte pour se dégager des obligations prévues, car il faut un véritable empêchement. Un exemple, hors contexte contractuel, mais pour apprécier si des conclusions arrivées tardivement peuvent être prises en compte en justice grâce à la force majeure : ceci impose de justifier d’une incapacité totale de l’avocat de fournir sa prestation dans le temps requis (pour une grippe, impossibilité non avérée en l’espèce, v. Rennes, 9 mars 2018, n° 18/01827). Relevons tout de même qu’il n’y a rien de commun entre le traitement d’une grippe ordinaire et le traitement du coronavirus, qui se verra certainement appliquer la solution selon laquelle l’hospitalisation imprévue d’un avocat et l’indisponibilité totale de ont présenté les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure (Nîmes, 6 nov. 2018, n° 18/04133).

Face à un proche du débiteur, à un salarié malade ou à des fournisseurs dans l’incapacité de livrer leurs propres marchandises, il faut apprécier la possibilité d’avoir recours à des remplaçants ou à des circuits de substitution : il est fort peu probable que la jurisprudence admette une force majeure générale et absolue si les effets peuvent être « évités par des mesures appropriées », comme le prévoit l’article 1218.

5. Conséquences de la grippe ou d’une épidémie sur le paiement de la dette contractuelle

Invoquer une épidémie, la grippe, des restrictions de circulation ou du confinement pour justifier le non-paiement ou le retard de paiement de loyers ou de cotisations ? Oui, peut-être, mais à condition de le prouver… On relèvera un arrêt, dans un contexte de confinement d’animaux liés à la grippe aviaire : « son impact sur les résultats de l’exploitation n’établit pas qu’il présentait un caractère insurmontable et irrésistible susceptible de lui conférer la qualification d’événement de force majeure » (Toulouse, 3 oct. 2019, n° 19/01579).

6. Sur le paiement des cotisations sociales

Citons ici un arrêt dans lequel l’entreprise invoquait des difficultés liées au non-paiement de redevances par des filiales africaines au cours de l’épidémie du virus Ebola pour justifier son retard de paiement. « Le caractère avéré de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest à partir du mois de décembre 2013, même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffit pas à établir ipso facto que la baisse ou l’absence de trésorerie invoquées par la société appelante, lui serait imputable, faute d’éléments comptables » (Paris, pôle 06, ch. 12, 17 mars 2016, n° 15/04263). Une fois de plus, le manque à gagner ou la difficulté doit être étayé.

7. Côté fiscal

La solution est la même, côté fiscal, avec un arrêt de la juridiction administrative (CAA Douai, 28 janv. 2016, n° 15DA01345) : la force majeure n’est pas retenue pour expliquer l’absence de location d’un bien immobilier dans le délai de six mois permettant de bénéficier d’une exonération fiscale, faute d’avoir précisé en quoi l’épidémie de chikungunya ayant sévi dans l’île de la Réunion aurait effectivement été de nature à faire obstacle à ce que le débiteur puisse donner son appartement à bail. Ici encore, il s’agit de mettre l’événement, l’épidémie, en rapport direct avec l’empêchement invoqué.

8. Conséquences d’une épidémie sur les relations commerciales établies entre partenaires commerciaux

Citons ici un arrêt assez original : les parties à un contrat de livraison d’animaux sont d’accord sur l’existence d’un cas de force majeure (en l’occurrence, l’interdiction temporaire d’importer ces animaux victimes d’une épidémie dans un pays étranger) mais pas sur les conséquences quant à leurs relations commerciales qui n’ont pas repris à la suite de cette crise sanitaire. La cour d’appel se livre à un minutieux examen des faits, des échanges, pour déterminer le responsable de la rupture de relations commerciales établies (Paris, 26 sept. 2018, n° 15/09123). Ces situations pourraient être fréquentes en raison de la nécessité de faire face à des ruptures d’approvisionnement par le recours à de nouveaux fournisseurs. Attention ici encore à prendre les précautions nécessaires.

9. Côté médical : l’urgence manifeste d’un transport sanitaire

S’il n’est pas directement question de force majeure dans cet arrêt, non plus que d’inexécution contractuelle d’ailleurs, il mérite cependant d’être cité compte tenu des circonstances actuelles : un médecin, dans un contexte d’épidémie de grippe dans sa clinique, avait pris la décision de faire rentrer une patiente chez elle en taxi, sans solliciter l’accord préalable de la sécurité sociale normalement requis dans ce cas compte tenu de la distance pour en obtenir le remboursement, sauf urgence. En première instance, le tribunal avait considéré qu’une situation d’urgence manifeste était caractérisée, compte tenu de la grippe, ce qui ne rendait pas nécessaire l’accord préalable de la caisse. Décision cassée au motif que « la prescription médicale de transport ne mentionnait pas l’urgence » (Civ. 2e, 13 févr. 2020, n° 18-22.529). Notons tout de même que les dispositions actuelles de prise en charge des malades du coronavirus sont totalement spécifiques, mais à retenir en cas de mesure de précaution pour d’autres patients, en particulier dans un contexte très individualisé. À bon prescripteur…

10. Pour les pharmaciens : et si les masques sont livrés trop tard ou ne sont pas conformes ?

Voici un arrêt qui pourrait être utile aux pharmaciens, pour l’illustration des conséquences de la livraison tardive de masques, ici dans un contexte de grippe saisonnière. Le pharmacien demandait le remboursement d’un acompte versé sur une commande tardivement livrée (et dont il avait refusé la livraison faute de conformité à la commande). La cour d’appel a jugé que pour le débiteur, importateur de masques, le fait que la marchandise ait été bloquée en douane en raison d’un défaut de conformité des masques concernés au regard de la norme applicable n’est pas constitutif d’une force majeure ou d’une cause exonératoire « dès lors qu’il lui appartient de choisir un fournisseur fiable et de vérifier que les masques allaient être fabriqués en respectant toutes les exigences normatives annoncées dans la référence des produits vendus » (Poitiers, 24 févr. 2012, n° 11/02200).

Ce qui fascine chez Todd Haynes, c’est sa capacité, à chaque film, à se réinventer, cette facilité qu’il a, au gré des œuvres qu’il propose, de filmer différemment, de faire quelque chose de radicalement neuf. Cette qualité indiscutable, qui fait la marque des grands cinéastes américains des dernières années – James Gray, Jeff Nichols, etc. –, se révèle avec éclat si l’on compare Dark Waters avec l’un de ses précédents films, Carol (2015), magistrale ode à la femme des années 1950, sublimée par une Cate Blanchett enfermée dans les liens d’un mariage bourgeois de l’époque, mais surtout par les frontières tragiques de l’homophobie et de la bienséance du temps. Dark Waters est totalement différent, la rupture est franche. Le nouveau film de Todd Haynes, tout juste sorti sur les écrans, s’attaque à un thème majeur : celui d’un scandale écologique de grande ampleur. Cela étant, comme Carol, là aussi, Mark Ruffalo, incarnant un avocat d’affaires qui voit sa vie transformée en raison d’un dossier environnemental qu’il peine pourtant à prendre en charge, se heurte à un mur : le mur de l’argent, de l’industrie chimique et du pouvoir, tout cela étant, en un certain sens, lié. Et il y a une forme de condescendance dans la réponse que l’on oppose à cet avocat, une condescendance qui pourtant ne saurait manquer de s’effriter au fur et à mesure que les preuves s’amoncellent.

Pourtant, avec Dark Waters, on bascule dans un tout autre univers que le road movie de Carol dans l’Amérique puritaine. Rob Bilott, excellemment campé par Mark Ruffalo, est un avocat plutôt corporate, c’est-à-dire spécialisé en droit des affaires, tout juste promu au rang d’associé dans une prestigieuse firme de Cincinnati, Taft. Bilott est, de ce point de vue, sur les rails. Une belle carrière s’ouvre à lui. Argent, reconnaissance, respectabilité : tout semble s’ordonner de manière admirable, sans heurt, le tout autour d’un foyer remarquablement tenu par son épouse, ici jouée par Anne Hathaway. C’était sans compter sur sa rencontre, un peu forcée, avec Tennant, un fermier peu amène de Virginie-Occidentale, un endroit dont Bilott est lui-même en partie originaire par sa grand-mère. En lui déposant un dossier, quelque peu virulemment, Tennant le renvoie à ses « champs meurtriers » de Virginie, pour reprendre l’expression du New York Times (M. Dargis, Dark Waters Review : The Killing Fields of West Virginia, New York Times, 21 nov. 2019), là où son bétail devient fou et meurt progressivement, emmenant avec lui tout espoir de faire repartir sa ferme qui tombe elle-même dans une déliquescence financière inexorable. Tennant met cela sur le compte du comportement de DuPont, une des plus grandes compagnies chimiques et, surtout, l’un des plus gros employeurs de la région. Il demande à Bilott de l’aider. Pour l’avocat, le dossier est complexe. La firme à laquelle il appartient est au cœur des jeux de pouvoir de cette industrie chimique. Envers et contre tout, au moins au début, il en fait l’affaire de sa vie, le combat de son existence, supporté par l’aide bienveillante de l’un de ses mentors et un associé influent au sein du cabinet (joué par Tim Robbins, excellent). Bilott dévoile sans nul doute l’un des plus grands scandales écologiques des dernières années : l’eau se trouve polluée parce la compagnie y déverse un produit chimique dangereux, dont la diffusion est d’ailleurs bien plus large, en raison de la présence de ce composant dans d’autres produits de consommation de grande ampleur. Le film se révèle ensuite la relation fidèle et sincère, dynamique et prenante, du long combat juridique que mène Bilott contre le grand groupe chimique. Les arguties de droit et les audiences défilent. L’affaire de l’avocat se confond avec sa vie.

L’approche de Todd Haynes est saisissante de vérité. D’abord, elle est évidemment basée sur des faits réels et s’inspire d’un article du New York Times Magazine, de Nathaniel Rich, publié en janvier 2016, au titre prometteur : The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare. Mais la vérité du film, qui accentue plus encore la sincérité du combat, procède surtout de la caméra de Todd Haynes. Avec une certaine virtuosité, le film revêt presque des accents de documentaire, la plupart des scènes ayant été tournées sur site. L’image semble affectée d’un certain grain, dans la photographie, qui confère aux premiers temps du film cette atmosphère un peu passéiste des premiers moments du combat de Bilott. De manière ingénieuse, on perçoit que le cours de la justice, dans ce dossier, est long, au gré des nouvelles versions des logiciels dont se sert Bilott avec son ordinateur. Et c’est précisément là l’une des premières injustices que pointe judicieusement Todd Haynes. Les êtres moraux, firmes et compagnie, ont une longévité que n’ont pas les personnes physiques. Le combat est bien loin d’être à armes égales, et Todd Haynes parvient à restituer cette asymétrie qui marque le conflit entre la compagnie et les plaignants.

D’une manière générale, sans artifice, la mise en scène ne dépasse jamais le propos et, sans surjouer, les acteurs restent au service de ce qui est, surtout, une cause (oui, Mark Ruffalo est « admirable d’abnégation », T. Sotinel, Dans Dark Waters, de Todd Haynes, le voyage d’hiver d’un avocat héroïque, Le Monde, 25 févr. 2020). Dark Waters offre des plans tragiquement magnifiques de cette campagne désertée, de cette campagne déchirée, détruite et sinistrée. Les petits monticules en dessous desquels repose le bétail de Wilbur Tennant demeurent à l’esprit longtemps. Dans la droite ligne d’Erin Brockovich (Steven Soderberg, 1999) ou de Révélations (Michael Mann, 2000), le réalisateur offre un film majeur pour l’histoire environnementale et écologique mondiale et poursuit, avec brio, cette série de films « lanceurs d’alerte » qui sont nécessaires. C’est une autre façon d’agir. Et Todd Haynes le fait bien.

 

Todd Haynes, Dark Waters, sorti en France le 26 février 2020.

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par Antoine Bolzele 3 mars 2020

Civ. 1re, 12 févr. 2020, FS-P+B+I, n° 19-10.088

En l’espèce, deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens sont engagés dans une procédure de divorce pour faute. Par jugement du 21 janvier 2009, le juge aux affaires familiales prononce le divorce aux torts exclusifs du mari et ordonne la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Le mari interjette appel de cette décision qui fait l’objet d’un retrait du rôle par ordonnance du 1er juin 2010. Le 17 juillet 2017, le mari demande la remise au rôle et sur le fondement de l’article 268 du code civil, l’homologation d’un acte de liquidation dressé le 16 février 2016. Le mari demandait aussi la confirmation du jugement de divorce. Contre toute attente, cette demande qui devait clore définitivement le litige fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité de la part des juges du fond. Selon la cour d’appel, cette homologation ne peut intervenir que si elle fait l’objet d’une demande conjointe de la part des deux époux. Or, manifestement l’épouse s’était désintéressée de la procédure et son avocat n’avait pas conclu pour demander ou s’opposer à l’homologation. N’ayant formé aucune demande, quel pouvait être son avis ? Le juge aux affaires familiales peut-il homologuer une convention aussi importante sans une manifestation procédurale de la partie concernée ? Le droit de la famille étant tout entier sous tutelle judiciaire, les juges du fond ont considéré que devant le silence de l’épouse il fallait déclarer irrecevable la demande du mari. La Cour de cassation censure la décision : une demande d’homologation d’une convention réglant tout ou partie des conséquences du divorce présentée par un seul époux étant recevable, il appartient au...

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Le 16 juin 1995, une jeune fille, alors âgée de onze ans, a été percutée par un véhicule au volant duquel était assise une conductrice non couverte par une assurance. Par ordonnance du 6 mai 2004, le juge des référés a confié une mission d’expertise aux fins d’évaluation de ses préjudices, dont le rapport a été déposé le 16 octobre 2006. Les 17 avril, 21 avril et 6 mai 2009, la victime, assistée de son curateur, et ses parents ont assigné la conductrice et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) aux fins de liquidation de leurs préjudices.

Par un arrêt rendu le 24 mai 2018, la première chambre civile de la cour d’appel d’Amiens a décidé, en premier lieu, que le versement de la rente trimestrielle viagère d’un montant de 4 680 € allouée au titre de l’assistance par une tierce personne à compter du 31 juillet 2015 ne pourrait intervenir que sur présentation dans le premier mois de chaque année civile d’un justificatif d’absence de demande de prestation de compensation du handicap (PCH) ou du montant des sommes perçues au titre de cette prestation. En deuxième lieu, la cour d’appel a fixé les sommes dues en réparation des préjudices subis par la victime à hauteur notamment de 5 499,90 € au titre des frais divers et à hauteur de 94 302 € au titre de l’assistance par tierce personne temporaire. Elle a aussi établi les sommes dues en réparation des préjudices subis par les victimes par ricochet, en limitant la somme due au titre du préjudice professionnel de la mère de la victime à hauteur de 30 000 €. En dernier lieu, la juridiction du fond a débouté la victime, son curateur et ses proches de leur demande de condamnation du FGAO à leur verser des intérêts au double du taux d’intérêt légal, à titre principal, du 16 février 1996 (soit à l’expiration du délai de huit mois suivant l’accident) au jour du jugement définitif, et à titre subsidiaire, du 16 mars 2007 (soit à l’expiration du délai de cinq mois suivant la diffusion du rapport judiciaire de l’expert du 16 octobre 2006) au jour du jugement définitif, sur le fondement des articles L. 211-13 et L. 211-14 du code des assurances.

Le curateur et les proches de la victime ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens, dans le litige les opposant à la conductrice non assurée et au FGAO, défendeurs à la cassation. Le FGAO a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La Cour de cassation, par un arrêt du 6 février 2020, a partiellement censuré l’arrêt d’appel.

S’agissant du quatrième moyen du pourvoi principal, soutenu sur le fondement des articles L. 211-13 et L. 211-14 du code des assurances et relatif aux pénalités de retard en cas de non-respect du délai pour présenter l’offre, la haute juridiction a précisé qu’« aux termes de l’article R. 421-15 du code des assurances, en aucun cas, l’intervention du FGAO dans les instances engagées entre les victimes d’accidents corporels ou leurs ayants droit, d’une part, et les responsables ou leurs assureurs, d’autre part, ne peut motiver une condamnation conjointe ou solidaire du fonds de garantie et du responsable ; que selon l’article L. 211-22, alinéa 2, du même code, l’application au FGAO de l’article L. 211-13 prévoyant la pénalité du doublement du taux de l’intérêt légal lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9 ne fait pas obstacle aux dispositions particulières qui régissent les actions en justice contre le Fonds ; qu’il en résulte que le FGAO ne peut être condamné à cette pénalité au cours des instances susmentionnées mais seulement au cours de celles introduites par la victime ou ses ayants droit à l’encontre du Fonds dans les conditions prévues par l’article R. 421-14 du code des assurances ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ».

La haute juridiction a ainsi rappelé aux juridictions du fond qu’il ne leur appartient pas de condamner le FGAO conjointement ou solidairement avec le responsable. Par le passé avait ainsi été censuré, pour violation de l’article R. 421-15 du code des assurances, l’arrêt d’appel ayant jugé qu’il revient au FGAO d’indemniser les ayants droit de la victime, après avoir énoncé que la réparation incombe in solidum au FGAO et aux ayants droit du conducteur responsable de l’accident (Civ. 2e, 6 mars 2008, n° 07-11.887, Dalloz jurisprudence).

Les juges du fond sont tenus de limiter à déclarer au FGAO sa décision opposable, sans que l’intervention du fonds puisse justifier sa condamnation (Crim. 13 janv. 2009, n° 08-82.103, RCA 2009. Comm. 90, note H. Groutel). La chambre criminelle avait retenu que l’article L. 211-22 du code des assurances ne fait aucune distinction entre le FGAO et les assureurs quant à l’assiette de la pénalité (Crim. 3 mai 2016, n° 14-84.246 P, Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. N. Kilgus). Ces pénalités sont source de difficultés régulières. Dernièrement, la Cour de cassation a dû répondre à la problématique de « l’office du juge pour le bornage dans le temps de la sanction de doublement des intérêts légaux prévu en matière d’absence d’offre en matière d’accident de la circulation. Quant au doublement des intérêts légaux, il est prévu par l’article 16 de la loi du 5 juillet 1985 « à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif ». En l’espèce, l’assureur par convention en charge du dossier estimait dans ses écritures que le doublement des intérêts ne devait pas lui être imposé, dans la mesure où le délai de huit mois pour faire une offre n’avait pu courir à son encontre, puisqu’il contestait sa responsabilité ; les victimes indirectes demandaient la confirmation du jugement entrepris qui avait prononcé cette sanction. L’arrêt d’appel a confirmé le principe de la sanction, mais l’a limitée dans le temps, à la date où ont été signifiées par l’assureur des propositions indemnitaires subsidiaires. La Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir relevé d’office ce moyen, sans le soumettre préalablement à la discussion des parties, ce qui constitue une violation de l’article 16 du code de procédure civile » (C. Quézel-Ambrunaz, La Cour de cassation intègre les prestations sociales dans le calcul de la perte de revenus des proches, ss Civ. 2e, 24 oct. 2019, n° 18-14.211, RLDC/177, janv. 2020, p. 14 s.).

À ce titre, la doctrine relève que « la sanction du doublement des intérêts légaux est un mécanisme de peine privée, qui, en tant que telle, est aux mains des parties. Les hauts magistrats l’avaient déjà laissé entendre, dans un arrêt apparaissant comme le reflet inversé de celui sous commentaire (Civ. 2e, 24 oct. 2019, préc.), en rejetant un moyen critiquant un arrêt d’appel de ne pas avoir prononcé cette sanction, alors que la victime ne l’avait pas demandée dans ses conclusions (Civ. 2e, 24 mai 2018, n° 17-12.470, Dalloz actualité, 7 juin 2018, obs. J.-D. Pellier) » (ibid.).

En ce qui concerne l’arrêt du 6 février 2020, ensuite, sur le premier moyen du pourvoi principal, et au visa des articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dite Badinter, et des articles L. 421-1 et R. 421-13 du code des assurances, la deuxième chambre civile a tout d’abord énoncé « qu’il résulte des deux premiers textes que seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ; que, n’étant pas mentionnée par le premier de ces textes, la prestation de compensation du handicap ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation et ne peut donc être imputée sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime ; que, selon les deux derniers textes, lorsque le FGAO intervient, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l’accident ouvre droit à réparation ; que les versements effectués au profit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre » (Civ. 2e, 6 févr. 2020, préc.).

La haute juridiction a alors décidé « que, pour dire que le versement de la rente trimestrielle viagère due au titre de la tierce personne ne pourra intervenir que sur justification par [la victime] auprès du FGAO, dans le premier mois de chaque année civile, de l’absence de demande de prestation de compensation du handicap ou du montant des sommes perçues à ce titre, l’arrêt retient que nonobstant le caractère subsidiaire de l’indemnisation opérée par le FGAO, la personne handicapée n’a aucune obligation de solliciter la prestation de compensation du handicap mais peut le faire à tout moment et qu’en raison du caractère indemnitaire de cette prestation, il convient, afin d’éviter une double indemnisation, de prévoir que les sommes dont [la victime] pourrait être amenée à bénéficier devront être déduites des sommes allouées au titre de l’assistance par une tierce personne » (ibid.).

Elle a conclu qu’en statuant ainsi, « alors que la prestation de compensation du handicap définie aux articles L. 245-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles n’étant pas mentionnée par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, elle n’ouvre droit à aucune action contre la personne tenue à réparation du dommage et ne peut donc être imputée sur l’indemnité allouée, que celle-ci soit payée par la personne tenue à réparation ou prise en charge à titre subsidiaire par le FGAO, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (ibid.).

En 2017, le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la Constitution le terme « seules » inscrit au premier alinéa de l’article 29 de la loi Badinter est (Cons. const. 24 févr. 2017, n° 2016-613 QPC, Dalloz actualité, 6 mars 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 442 ; D. 2017. 504 ; ibid. 2224, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; AJ fam. 2017. 162 et les obs. ; Constitutions 2017. 189, chron. ). La chambre criminelle avait également estimé que la prestation de compensation du handicap versée par le conseil départemental n’entre pas dans la catégorie des prestations ouvrant droit à action contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur mentionnées aux articles 29 et 32 de la loi Badinter (Crim. 1er sept. 2015, n° 14-82.251 P, Dalloz actualité, 21 sept. 2015, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2015. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; RDSS 2015. 1123, obs. Y. Dagorne-Labbe ; RTD civ. 2015. 889, obs. P. Jourdain ). La deuxième chambre civile avait encore précisé, en 2015, que cette même prestation perçue par la victime, ne figurant pas à l’article 29 de la loi de 1985, ne donnait pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation (Civ. 2e, 2 juill. 2015, n° 14-19.797 P, Dalloz actualité, 1er sept. 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 1539 ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; RTD civ. 2015. 889, obs. P. Jourdain ). L’affaire commentée renouvelle la solution en précisant que la prestation de compensation du handicap n’ouvre droit à aucune action contre le débiteur de la compensation du dommage et ne peut donc être imputée sur l’indemnité allouée, que celle-ci soit payée par la personne tenue à réparation ou prise en charge à titre subsidiaire par le FGAO.

S’agissant du deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, la Cour de cassation a visé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

À ce titre, les hauts magistrats ont préalablement constaté que, « pour limiter à 5 499,90 € la somme due en réparation du préjudice subi par [la victime] au titre des frais divers, l’arrêt retient que l’examen neuropsychologique et le bilan psychiatrique réalisés respectivement par [deux experts] ne peuvent être assimilés à l’assistance d’un médecin conseil mais s’analysent comme des rapports d’expertise privés qui ne sauraient être indemnisés au titre des frais divers ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces examens n’avaient pas été indispensables à l’évaluation des préjudices de la victime et n’étaient pas, par conséquent, imputables à l’accident, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (Civ. 2e, 6 févr. 2020, préc.).

Enfin, sur le troisième moyen du pourvoi principal, au visa de l’article 4 du code de procédure civile, la cour d’appel est censurée pour violation de ce texte en limitant à une certaine somme l’évaluation du préjudice professionnel de la mère de la victime, après avoir retenu qu’il est démontré que cette dernière était déjà en disponibilité professionnelle avant l’accident pour élever l’ensemble de ses jeunes enfants et que, s’il est constant qu’elle s’est effectivement occupée de sa fille durant cette période, elle s’est également occupée de ses autres enfants, de sorte que la perte de revenus qu’elle a subie à hauteur de 126 129 € durant cette période de mise en disponibilité n’est pas en lien direct avec l’accident dont a été victime sa fille mais avec le fait qu’elle a décidé durant une certaine période de se consacrer à l’entretien et l’éducation de ses jeunes enfants. Dès lors, puisque la victime indirecte sollicitait l’allocation d’une somme de 126 129 € correspondant à la perte de revenus subie non pas entre l’accident et sa reprise d’activité mais entre la date à laquelle sa période de disponibilité aurait dû s’achever si l’accident n’était pas survenu, à savoir lorsque son dernier enfant a atteint l’âge de huit ans, et sa reprise effective d’activité, la cour d’appel a modifié les termes du litige (ibid.).

Pour la projection futuriste, il convient de noter que le projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017, par Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice, par suite de la consultation publique menée d’avril à juillet 2016, est susceptible de redistribuer les cartes du jeu indemnitaire au stade des recours.

Non seulement l’article 1273 du projet envisage que « les sommes versées à la victime à des fins indemnitaires par les tiers payeurs ne donnent lieu à recours subrogatoire contre le responsable ou son assureur que dans les cas prévus par la loi », mais encore l’article 1274 du projet prévoit que « seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d’un dommage corporel ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :

1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ;


2. Les prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’État et de certaines autres personnes publiques ;

3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;

4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité consécutive à l’événement qui a occasionné le dommage ;


5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et de la pêche maritime et les sociétés d’assurance régies par le code des assurances ;

6. Les prestations prévues à l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ».

Rappelons que cet article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, visé par le sixième point de l’article 1274 du projet de réforme de la responsabilité civile, a trait à la prestation de compensation du handicap. En d’autres termes, le projet de réforme de la responsabilité civile intégrerait la prestation de compensation du handicap dans les prestations ouvrant droit au recours, et donc changerait complètement la solution qui émane de l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 6 février 2020 (Civ. 2e, 6 févr. 2020, préc.). En l’état, d’aucuns pourraient s’inquiéter du risque de surindemnisation. Ce risque peut néanmoins paraître modéré, en ce que la prestation de compensation du handicap n’est versée qu’à titre subsidiaire. En définitive, on retombe sur un conflit de deux subsidiarités, celle du FGAO, d’un côté, celle de la prestation de compensation du handicap, de l’autre.

Relevons enfin que l’intention de l’actuel législateur est de faciliter l’accès à la prestation de compensation du handicap (proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap, 26 févr. 2020). Notamment, « les réclamations des bénéficiaires de la PCH dirigées contre une décision de récupération de l’indu auront un caractère suspensif. Un « droit à vie » à la PCH est prévu pour les personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement » (Dalloz actualité, 27 févr. 2020, obs. J.-M. Pastor).

Il y a parfois des annonces désarçonnantes. Vendredi, la garde des Sceaux, après trois heures de réunion avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris, a rappelé que les avocats n’auraient pas gain de cause dans leur bataille contre la réforme des retraites et a énoncé son plan d’attaque pour favoriser l’équilibre économique des cabinets d’avocat : la nomination de Dominique Perben qui devra remettre un rapport – encore un ! – d’ici la fin du mois avril. Les sujets prioritaires : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes. Dominique Perben pourra, s’il le souhaite, proposer d’autres pistes « pour améliorer les conditions d’exercice de la profession ».

Alors voilà ce qui désarçonne. La ministre de la justice jure que, cette fois-ci, la revalorisation sera vraiment significative. Faut-il un rapport pour annoncer des chiffres dont dispose la profession depuis des dizaines d’années ? Pour de nombreux avocats, le minimum serait de doubler les unités de valeur (32 € actuellement). Faut-il d’ailleurs rappeler que le futur « rapport Perben » s’ajoutera à la dizaine de rapports rendus pour sauver l’aide juridictionnelle. Le plus souvent cité est celui de l’ancien sénateur Roland du Luart (2007), qui avait évoqué un « système à bout de souffle » et « proche de l’implosion » (à l’époque, le budget de l’aide juridictionnelle était de 300 millions d’euros, contre 500 pour 2019). Mais il n’est pas inutile d’en citer quelques autres tant leur nombre est symptomatique d’un malaise à traiter le sujet : rapport Bouchet (2001), Cour des comptes (2008), Darrois (2009), Bocquillon (2009) Belaval (2010), Gosselin (2011), Haut Conseil des professions du droit (2013), Carré-Pierrat (2014), Le Bouillonnec (2014), Mézard-Joissains (2014), Moutchou-Gosselin (2019), etc., sans oublier plusieurs propositions de loi abandonnées dans un tiroir et les nombreux rapports du Conseil national des barreaux, dont celui de Myriam Picot de 2013. Ou encore le rapport plus global sur l’avenir de la profession, remis à Jean-Jacques Urvoas en 2017 par les avocats Kami Haeri, Sophie Challan-Belval, Éléonore Hannezo et Bernard Lamon.

« Conférer ensuite la force exécutoire à l’acte d’avocat, voilà une bravade qui pourrait réveiller l’endormie dissension entre avocats et notaires. » A-t-on oublié les mois de tension en 2010 qu’avait dû gérer la ministre de l’époque, Michèle Alliot-Marie, les notaires refusant net que « l’acte contresigné par avocat » – une idée de l’avocat Jean-Michel Darrois issue de son rapport de 2009 – ait la moindre force exécutoire ? La loi du 28 mars 2011 avait finalement créé un acte a minima, fort peu utilisé par la profession (134 actes d’avocat avaient été archivés via le site AvosActes, créé par le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers, en 2015). En 2014, nouveau « coup de chaud » : les notaires s’offrent deux pleines pages dans Le Monde et Les Échos pour mettre un coup d’arrêt aux propositions contenues dans le Livre blanc de la profession d’avocat, diffusé à l’occasion des débats sur la justice du 21e siècle.

Des propositions à l’intérêt « très catégoriel »

Interrogé à l’époque, Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat, avait été très clair : « Les avocats demandent, entre autres, à ce que l’acte d’avocat ait la force de l’acte authentique, ils réclament l’accès aux fichiers immobiliers et sollicitent de pouvoir faire des partages successoraux. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Déjà en 1967, dans un Livre bleu, ils réclamaient une profession unique ! La commission Darrois a repris cette idée. Les représentants des avocats sont dans l’empiétement permanent des prérogatives d’autres professions, deviennent agents sportifs, mandataires en transactions immobilières, etc. Ils ont la volonté permanente de faire le métier des autres. C’est pourquoi la profession de notaire, d’habitude discrète, est sortie de sa réserve car les propositions des avocats sont inacceptables. » Avec une entrée dans le code civil en 2016, et une utilisation imposée dans le cadre du divorce par consentement mutuel, l’acte d’avocat n’est peut-être pas tout à fait mort. Reste à savoir de quelle manière Dominique Perben va convaincre les notaires.

Troisième chantier à risque : l’application du taux de TVA réduit de 10 % aux honoraires d’avocats. C’est encore un vieux combat de la profession qui s’est systématiquement vu opposer par Bercy la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle « les services rendus par les avocats à leurs clients, y compris les particuliers et ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle, n’étaient pas des prestations susceptibles de se voir appliquer un taux de TVA réduit ». Sauf que, comme l’a rappelé une motion votée en novembre 2019 par le conseil de l’ordre de Paris, une proposition de directive modifiant la directive du 28 novembre, examinée par le Parlement européen, a été soumise au sein du Conseil européen en vue de son adoption : « cette proposition prévoit que seuls les biens et services énumérés dans une liste dite “négative” ne pourraient pas bénéficier de la part des États membres d’un taux réduit de TVA. Le projet actuel de cette liste ne mentionne pas les prestations d’avocats aux particuliers (B2C). En cas d’adoption de la nouvelle directive, les États membres pourront donc appliquer un taux réduit aux prestations des avocats ».

Dominique Perben a donc un mois pour résoudre ce qui a été, jusqu’à présent, insurmontable. Sa désignation a par ailleurs provoqué quelques interrogations. L’ancien garde des Sceaux, de 2002 à 2005 sous le gouvernement Raffarin, avait rassemblé contre lui une partie de la profession lors des votes de la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (dite loi Perben I) et de la loi portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dite loi Perben II) de 2004. À propos des robes noires qui avaient protesté devant le ministère, il avait ironisé : « il y a 17 000 avocats à Paris. Ils étaient 100, rue de la Paix ». Aujourd’hui avocat au sein du cabinet Betto Perben Pradel Filhol, certains confrères grincent des dents : il est avocat alors qu’il n’a pas de maîtrise en droit. Enfin, il est le beau-père du député Raphaël Gauvain (LRM), auteur du rapport de 2019 sur la protection des entreprises contre les lois et mesures à portée extraterritoriale, qui avait ressorti un sujet terriblement explosif, celui de l’avocat en entreprise. « L’avocat en entreprise, c’est un vrai casus belli pour une très large majorité de la profession qui craint que Perben ne s’en inspire », commente un avocat.

Un élu du Conseil national des barreaux estime que ces sujets annexes – hors retraite – « ne présentent en réalité qu’un intérêt très catégoriel. Pour faire simple : les avocats qui interviennent à l’aide juridictionnelle se fichent totalement de la force exécutoire de l’acte d’avocat, qu’ils ne pratiquent pas. Et ceux qui n’interviennent pas l’AJ considèrent à juste titre que l’augmentation des U.V. ne compensera pas l’augmentation de leurs cotisations retraite. L’idée de créer un comité Théodule sur ces sujets, alors que nos demandes sont définies et chiffrées depuis bien longtemps, passe très mal. Nous avons des tonnes de rapports démontrant que le budget de l’AJ doit être a minima doublé pour permettre au système de fonctionner. Nous n’avons pas besoin de nous réunir en commission pour en discuter ».

La présidente du Conseil national des barreaux a, sur Twitter, reconnu que la Chancellerie « avait fait un pas » et avait « envoyé un petit signal aux avocats », tout en regrettant, par exemple, qu’aucune donnée chiffrée n’ait été donnée concernant la revalorisation de l’aide juridictionnelle. « Mais cela ne change rien à notre mobilisation contre la réforme des retraites. Ni à ma détermination », a-t-elle conclu. Le mouvement de grève continue. L’examen et le vote prochain du projet de loi de réforme des retraites également, avec l’engagement de la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui va accélérer le calendrier.

Le dernier film du réalisateur Todd Haynes s’attaque, à travers le long combat judiciaire mené par un ancien avocat d’affaires de Cincinnati acquis à la cause environnementale, à l’un des plus grands scandales écologiques des dernières années aux États-Unis. Admirablement mis en scène, avec un jeu d’acteurs exceptionnel, Dark Waters compte aujourd’hui parmi les grands films lanceurs d’alerte.

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Auteur d'origine: babonneau

Viole l’article 268 du code civil le juge qui déclare irrecevable une demande en homologation d’un acte de liquidation des intérêts patrimoniaux au motif qu’elle est présentée que par un seul époux.

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Auteur d'origine: abolze

La prestation de compensation du handicap n’ouvre droit à aucune action contre la personne tenue à réparation du dommage et ne peut donc être imputée sur l’indemnité allouée, que celle-ci soit payée par la personne tenue à réparation ou prise en charge à titre subsidiaire par le FGAO.

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Auteur d'origine: Dargent

Vendredi 28 février, à l’issue d’une réunion avec les instances de la profession d’avocat, Nicole Belloubet a confié à l’ancien ministre de la justice Dominique Perben une mission pour plancher sur des sujets « hors retraite » concernant les avocats.

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Auteur d'origine: babonneau

Les romans s’enchaînent pour l’ancien magistrat Luc Frémiot. Après La Vengeance d’une femme, et Au clair de la lune, publié en décembre, les éditions Michalon viennent de sortir un nouvel ouvrage de l’ex-avocat général des Hauts-de-France.

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Auteur d'origine: babonneau

Lorsque l’immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l’acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages et intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.

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Auteur d'origine: CAYOL

En application de l’article 684 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.

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Auteur d'origine: Dargent

L’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 13 janvier 2020 n’est pas seulement un arrêt majeur du droit de la responsabilité civile. Il est également un important arrêt en droit de l’arbitrage. Pourtant, la décision est silencieuse sur ce sujet. L’apport de l’arrêt ne concerne pas ce qui est dit, mais ce qui ne l’est pas.

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Auteur d'origine: jjourdan

Adultère revient en 143 pages sur le procès aux assises d’un homme jugé pour avoir tué l’amant de son épouse. Au fil des pages, on découvre un président iconoclaste, un défenseur désemparé et un avocat général qui s’interroge sur la solitude de la compagne de l’accusé. Des faits réels rassemblés sous la plume de Luc Frémiot dans une seule et même scène.

Le magistrat honoraire, connu pour son engagement contre les violences conjugales, s’interroge dans ce livre sur la notion de crime passionnel. Peut-on vraiment tuer par amour ? Pour l’ancien magistrat, la réponse est non. « Je suis ulcéré d’entendre parler de crime passionnel, indique-t-il à Dalloz actualité. La passion, ce flot qui peut vous submerger, cela peut être de la colère, de la jalousie, mais pas de l’amour. » Pour déconstruire cette notion, l’auteur a choisi de raconter dans ce roman l’histoire d’un chef d’entreprise aux relations conjugales distendues, Jacques Decobert, qui va finir par tuer son chef d’atelier, Gilbert, coupable de s’être bien trop rapproché de son épouse.

Mais, derrière ces deux hommes, la plume de Luc Frémiot s’attarde d’abord sur les femmes. La discrète sœur de Gilbert, et Catherine, l’épouse qui pleure et qui dépose dans la douleur devant les jurés, sans un regard de son mari. Et, enfin, sur la jeune avocate de la partie civile, la voix de Gilbert désormais enterré, qui « avait figé la cour d’assises », écrit-il. « Je me suis levé à mon tour et j’ai fait mon réquisitoire, explique alors le narrateur, avocat général comme Luc Frémiot. Il n’y avait rien à en dire après ce que j’avais entendu. » L’ancien magistrat réserve enfin au lecteur une dernière surprise, une raison de plus de lire ce court roman jusqu’au bout.

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À la suite de l’apparition de divers désordres affectant une maison d’habitation, les acquéreurs ont assigné le vendeur en garantie des vices cachés, ainsi que le notaire ayant dressé l’acte de vente et l’étude notariale dont il était membre sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ces derniers ont appelé en garantie l’agent immobilier. La cour d’appel a condamné le vendeur à leur restituer une partie du prix de vente et à leur payer le coût des travaux de destruction et de reconstruction de la maison. Cette décision a cependant été cassée par la troisième chambre civile dans un arrêt du 14 décembre 2017 (Civ. 3e, 14 déc. 2017, n° 16-24.170, Dalloz actualité, 8 janv. 2018, obs. D. Pelet ; D. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2018. 378 , obs. F. Cohet ; AJ contrat 2018. 193, obs. C.-E. Bucher ; RTD civ. 2018. 421, obs. P. Jourdain ; ibid. 661, obs. H. Barbier ) concernant le montant de la réparation accordée. D’une part, la cour d’appel avait violé le principe de réparation intégrale du préjudice en condamnant le vendeur cumulativement à rendre une partie du prix et à rembourser les travaux. La Cour de cassation précise en effet que « la restitution d’une partie du prix de vente et l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensaient l’une et l’autre la perte de l’utilité de la chose ». D’autre part, la cour d’appel avait violé l’article 1644 du code civil en condamnant le notaire et l’agent immobilier à verser 10 % des sommes mises à la charge du vendeur, en ce compris la partie du prix restituée à l’acquéreur. La Cour de cassation rappelle sur ce point que « la restitution du prix de vente, à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction prévue à l’article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de l’acquéreur ». La cour d’appel de renvoi a de nouveau condamné le vendeur au paiement du coût des travaux de destruction et de reconstruction, et le notaire et l’agent immobilier à en supporter 10 % de la charge, sans prévoir toutefois de restitution d’une partie du prix de vente. Le pourvoi formé par les différents responsables est rejeté par la troisième chambre civile le 30 janvier 2020 aux motifs que, « lorsque l’immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l’acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages et intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction ».

L’article 1641 du code civil oblige le vendeur à garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose vendue. Il s’agit là d’un prolongement de l’obligation de délivrance (C. civ., art. 1604) : non seulement le vendeur doit vendre un bien conforme aux stipulations contractuelles, mais ce bien doit en outre être apte à l’usage auquel on le destine. Cette garantie ne joue que pour les vices cachés : l’acquéreur qui constate des vices apparents dispose de l’action en non-conformité, pour inexécution de l’obligation de délivrance. La mise en œuvre de la garantie contre les vices cachés suppose l’existence d’un défaut, rendant la chose impropre à sa destination, caché et antérieur à la vente (C. civ., art. 1642 ; v. par ex. Civ. 3e, 30 janv. 2008, n° 07-10.133 : « Au moment de la passation de l’acte authentique, les acquéreurs avaient été informés de la présence des termites et qu’ils avaient acquis un bien dont l’état parasitaire positif, porté à leur connaissance par le notaire, ne leur laissait aucun doute sur l’infestation de la majorité des éléments en bois, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’ils n’étaient pas fondés à invoquer la garantie des vices cachés », Dalloz actualité, 12 févr. 2008, obs. S. de la Touanne ; D. 2008. 546 ; ibid. 2390, obs. F. G. Trébulle ). L’existence d’un vice caché ne soulevait pas de problème particulier dans l’arrêt commenté, lequel se focalise sur la question des...

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Lorsqu’elle est accomplie à destination d’une personne résidant à l’étranger, la notification faite sur support papier est bien souvent plus longue et périlleuse que la notification faite à une personne résidant en France. Cela est particulièrement vrai lorsque la notification s’opère en vertu du droit commun des notifications internationales prévu par le code de procédure civile (dont il faut distinguer les notifications soumises à des conventions internationales et celles soumises au droit de l’Union européenne) : alors, l’acte est remis au parquet puis chemine via différents acteurs jusqu’à parvenir idéalement à son destinataire (pour une identification précise de ces acteurs, v. la version consolidée de la circulaire CIV/20/05 du 1er févr. 2006, p. 6 s.). Dès lors, de quel moment précis dater la notification, spécialement afin de faire courir certains délais à l’encontre du destinataire de l’acte ? Faut-il prendre en compte la remise de l’acte au parquet, première étape du processus qu’est la notification internationale de droit commun ? Faut-il au contraire s’attacher à la remise de l’acte au destinataire, qui peut constituer la dernière étape de ce processus ? Ou bien encore une étape intermédiaire doit-elle être retenue ? Schématiquement, plus la date sélectionnée se rapprochera de celle à laquelle le destinataire a effectivement eu connaissance de l’acte, plus ce dernier sera protégé ; plus elle s’en éloignera, plus les intérêts de celui qui fait procéder à la notification seront préservés.

Longtemps, la solution la plus sévère à l’égard du destinataire de l’acte a été retenue. Ainsi, sous l’empire de l’ancien code de procédure civile, la date de la remise de l’acte au parquet par l’huissier de justice était prise en compte, qui était parfois éloignée de plusieurs années de la réception de l’acte par son destinataire : « injustice, extravagance, absurdité, seule la courtoisie retenait les auteurs d’exprimer en termes plus véhéments la réprobation que suscitait l’application de l’article 69, 10°, du code de procédure civile » (J  Normand, La délivrance des actes à l’étranger et les délais de distance dans le décret n° 65-1006 du 26 nov. 1965, RCDIP 1966. 387 s., spéc. p. 388). En dépit de ces critiques virulentes, durant une longue période, la solution fut maintenue sous l’empire du nouveau code de procédure, en application de son article 684. Précisément, dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 30 janvier 2020, elle fut appliquée par les juges de fond.

En l’espèce, une société était assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de droit d’auteur et concurrence déloyale. Triomphant en première instance, le défendeur prit l’initiative de notifier le jugement rendu aux deux sociétés ayant succombé. Le siège de l’une d’elles se situant à l’étranger (à Taïwan, pays avec lequel la France n’est pas liée par une convention relative à la notification), l’acte fut remis au parquet le 21 septembre 2016, en vue de sa notification, en application de l’article 684 du code de procédure civile. Ayant eu connaissance de la décision à une date dont on ignore tout à la lecture de l’arrêt, son destinataire interjeta appel plusieurs mois après la remise de l’acte au parquet, le 20 juin 2017. Le 27 décembre de la même année, un appel provoqué fut formé par la seconde société succombante. Trop tardivement, pour le conseiller de la mise en état : le 22 février 2018, il les déclara irrecevables en leurs appels. Un déféré fut formé contre cette ordonnance ; il fut rejeté par la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 26 juin 2018. Or, ce rejet est fondé sur la date de la notification à prendre en compte, pour ce qui concerne le destinataire de l’acte résidant à l’étranger. Pour la cour d’appel, la date qui devait être prise en compte était celle de la signification régulièrement faite au parquet et non celle de la remise à l’intéressé d’une copie de l’acte par les autorités étrangères, si bien que le délai d’appel devait être considéré comme écoulé au jour où l’appel principal a été effectivement interjeté. La Cour de cassation désapprouve nettement les juges du fond : au visa de l’article 684 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 alors applicable aux faits de l’espèce, elle casse l’arrêt d’appel pour violation de la loi car, « en application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision ».

En vérité, cette solution n’est pas tout à fait surprenante. Elle s’inscrit dans le prolongement des changements initiés par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom. En vertu de ce décret, d’une part, l’expression de signification « faite au parquet » a été supprimée de l’article 684 du code de procédure civile, laissant entendre qu’il n’était plus question de considérer que, fictivement, la notification se terminait et devait prendre date lors de la remise de l’acte au parquet ; d’autre part, ce même texte a créé un article 647-1 dans le même code précisant que la date de notification d’un acte judiciaire à l’étranger est « à l’égard de celui qui y procède, la date d’expédition de l’acte par l’huissier de justice ou le greffe, ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent », laissant ouverte la possibilité qu’à l’égard du destinataire de l’acte, une date différente puisse être prise en compte. Il revint alors à la Cour de cassation de parachever l’évolution. Dans un arrêt de la première chambre civile rendu le 23 juin 2011, s’agissant d’une notification internationale effectuée selon les modalités de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, il fut précisé que la date de la signification d’un arrêt à l’adresse indiquée dans celui-ci « est, à l’égard de son destinataire, celle à laquelle l’autorité étrangère compétente lui a remis l’acte ; que, lorsque cet acte n’a pu lui être remis, la signification est réputée faite à la date à laquelle l’autorité étrangère compétente a tenté de remettre l’acte ou, lorsque cette date n’est pas connue, à celle à laquelle l’autorité étrangère a avisé l’autorité française » (Civ. 1re, 23 juin 2011, n° 09-11.066 P ; D. 2011. 1831 ; ibid. 2140, chron. B. Vassallo et C. Creton ; Rev. crit. DIP 2012. 102, note F. Cornette ). La solution semblait transposable à une notification effectuée selon les modalités du droit commun des notifications internationales car, la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 ne prévoyant pas de règle concernant la date des notifications internationales, c’est déjà le droit commun que l’on appliquait sur ce point et rien dans celui-ci n’invitait à distinguer selon que la notification ait été effectuée au titre du droit commun ou au titre d’une convention internationale (en ce sens, v. F. Cornette, note préc.). Par la suite, plusieurs arrêts s’inscrivirent dans cette lignée, l’un relatif à une notification effectuée en application de la Convention de La Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile (Civ. 1re, 18 déc. 2014, n° 13-25.745, Bull. civ. I, n° 214 ; rappr. Civ. 1re, 24 juin 2015, n° 14-21.382, Bull. civ. I, n° 155 ; Dalloz actualité, 23 juill. 2015, obs. M. Kebir), l’autre concernant une notification réalisée en application de l’article 684, alinéa 2, du code de procédure civile, c’est-à-dire à la notification d’un acte destiné à un État étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l’immunité de juridiction (Civ. 2e, 2 juin 2016, n° 14-11.576, Bull. civ. II, n° 147 ; Dalloz actualité, 21 juin 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016. 1261 ; ibid. 1886, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, O. Becuwe et N. Touati ; Gaz. Pal. 2016, n° 29, p. 71, obs. E. Piwnica). Toutefois, par la suite, la première chambre civile précisa sa position et vint troubler la ligne claire qui se dessinait jusqu’alors, n’excluant pas la prise en compte de la date de la remise de l’acte au parquet. Dans deux arrêts rendus le même jour, elle affirma en effet qu’« à l’égard des parties domiciliées à l’étranger, le délai de pourvoi de deux mois augmenté de deux mois court du jour de la remise régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d’une copie de l’acte par les autorités étrangères, sauf dans les cas où un règlement communautaire ou un traité international autorise l’huissier de justice ou le greffe à transmettre directement cet acte à son destinataire ou à une autorité compétente de l’État de destination » (Civ. 1re, 10 oct. 2018, nos 17-14.401 et 16-19.430, Dalloz actualité, 24 oct. 2018, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; RDSS 2018. 1105, obs. J. Peigné  ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau ).

En indiquant très nettement dans son arrêt du 30 janvier 2020 que « la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision », la deuxième chambre civile s’oppose à une telle distinction : y compris lorsque le droit commun des notifications internationales s’applique (comme en l’espèce), la date de la notification ne peut plus être celle de la remise de l’acte au parquet et l’on peut raisonnablement penser que la solution vaut pour tout type de délai de recours. En cela, toutes les conséquences sont tirées de la suppression par le législateur, en 2005, de l’expression de signification « faite au parquet » : la notification internationale est pleinement considérée comme une action qui se déploie dans le temps et dans l’espace jusqu’à ce qu’elle se termine sur le territoire de l’État de destination et on ne la réduit plus par une fiction à sa toute première étape qu’est la remise de l’acte au parquet (sur cette évolution, v. not. S. Jobert, L’organisation de la connaissance des actes du procès civil, LGDJ, 2019, nos 437  s., p. 360 s.). D’un point de vue notionnel, la solution est donc heureuse. Mais elle l’est également du point de vue de la protection des intérêts du destinataire de l’acte. De longue date, les travers de la prise en compte de la date de remise de l’acte au parquet ont été dénoncés, tant il est contestable qu’un délai puisse courir à l’encontre du destinataire d’un acte à un instant souvent très éloigné de la date à laquelle il en aura effectivement connaissance. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme n’a de cesse d’affirmer depuis un arrêt Miragall Escolano relatif à la question du point de départ des délais que « le droit d’action ou de recours doit s’exercer à partir du moment où les intéressés peuvent effectivement connaître les décisions judiciaires qui leur imposent une charge ou pourraient porter atteinte à leurs droits ou intérêts légitimes » (CEDH 25 janv. 2000, Miragall Escolano et autres c. Espagne, req. n° 38366/97, § 37 ; RFDA 2001. 1250, chron. H. Labayle et F. Sudre ). On peut penser que, sur ce fondement, l’application du droit antérieur français aurait pu être condamnée (S. Jobert, op. cit., n° 442, p. 363-364).

Tout au plus peut-on regretter que l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile se borne, négativement, à indiquer en des termes généraux ce qui ne constitue pas le point de départ du délai. Positivement, il aurait été intéressant de connaître concrètement les étapes de la notification en l’espèce et d’avoir quelques indications générales sur le point de départ du délai d’appel à retenir. Rien de tel ici : il ressort seulement de la décision de la cour d’appel qu’il y a eu « remise à l’intéressé d’une copie de l’acte par les autorités étrangères ». Cela laisse quelques questions sans réponse : quelle a été précisément la forme de cette remise ? Est-ce d’elle qu’il faut dater la notification pour la Cour de cassation ? Or ce sont sur ces points que les difficultés vont se focaliser à l’avenir. En effet, le visa ne doit pas tromper : viser l’article 684 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ne signifie pas que, depuis, la date de la remise de l’acte au parquet est de nouveau prise en compte. Tout au contraire : depuis le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 portant diverses mesures relatives à la communication électronique en matière civile et à la notification des actes à l’étranger, le législateur est venu indiquer plus clairement quelle date de la notification prendre en compte à l’égard du destinataire (répondant ainsi au vœu formulé par Mme Cornette dans sa thèse dès 2011 et s’inspirant en partie de la proposition d’article qu’elle y formulait ; v. F. Cornette, La notification internationale des actes, BoD, 2016, n° 606, p. 378), et la date de la remise au parquet n’est pas mentionnée. Ainsi, en vertu de l’article 687-2 du code de procédure civile. :

« La date de notification d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger est, sans préjudice des dispositions de l’article 687-1, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date à laquelle l’acte lui est remis ou valablement notifié.

Lorsque l’acte n’a pu être remis ou notifié à son destinataire, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’autorité étrangère compétente ou le représentant consulaire ou diplomatique français a tenté de remettre ou notifier l’acte, ou lorsque cette date n’est pas connue, celle à laquelle l’une de ces autorités a avisé l’autorité française requérante de l’impossibilité de notifier l’acte.

Lorsqu’aucune attestation décrivant l’exécution de la demande n’a pu être obtenue des autorités étrangères compétentes, nonobstant les démarches effectuées auprès de celles-ci, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte leur a été envoyé ».

De la sorte, bien qu’en application de l’alinéa 3 de cet article, une notification pourra semble-t-il être datée d’un moment proche de la remise de l’acte au parquet, ce ne sera que faute de mieux et, en toute hypothèse, la date de la notification sera désormais variable, au gré des diligences qui auront été accomplies pour faire connaître l’acte à son destinataire et dont on aura gardé la trace. Ainsi, de façon générale, se manifeste la tendance du droit contemporain à prendre en compte davantage la réalité de la connaissance de l’acte par son destinataire (S. Jobert, op. cit., spéc. n° 787, p. 605-606). Plus spécialement, il se confirme que la « signification faite au parquet » a fait son temps.

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Au-delà de cette décision, il est difficile de passer à côté de l’arrêt rendu le 18 février 2020 par la cour d’appel de La Haye dans l’affaire Loukos. Condamnant la Fédération de Russie à payer 50 milliards de dollars aux actionnaires de cet ancien groupe pétrolier par un tribunal arbitral, la sentence avait été annulée devant le tribunal du district de La Haye. La décision a été réformée par la cour d’appel et la sentence réhabilitée. La discussion portait en particulier sur la compétence du tribunal arbitral pour trancher le litige, un doute existant sur l’applicabilité du traité sur la charte de l’énergie à la Russie. C’est donc une réponse positive qui est donnée, dans l’attente d’un éventuel pourvoi (l’arrêt étant en néerlandais, nous ne nous hasarderons pas à le commenter). On signalera également que le premier arrêt de la CICAP relatif à un recours en annulation a été rendu (Paris, 7 janv. 2020, n° 19/07260, République Démocratique du Congo c. Divine Inspiration) et que la frégate l’Hermione pourrait ne pas avoir la chance de faire l’objet d’un arbitrage (Poitiers, 21 janv. 2020, n° 19/01458, l’Hermione).

Action extracontractuelle et arbitrage

La question des liens entre arbitrage et action extracontractuelle fait l’objet d’une jurisprudence foisonnante (v. J. Jourdan-Marques, Action extracontractuelle et arbitrage, Rev. arb. 2019. 685). Deux situations différentes peuvent être à l’origine des interrogations : d’une part, entre deux parties à un contrat, il est possible que des actions contractuelles et extracontractuelles se cumulent ; d’autre part, un tiers au contrat peut exercer une action présentant un lien avec celui-ci. C’est ce second cas de figure qui se retrouve au cœur de l’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 13 janvier 2020 (Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, QBE Insurance c. Sucrerie de Bois rouge, Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 416, et les obs. , note J.-S. Borghetti ; ibid. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 394, point de vue M. Bacache ; AJ contrat 2020. 80 , obs. M. Latina ; Gaz. Pal. 2020, n° 5, p. 15, obs. D. Houtcieff).

Les faits sont relativement simples. La société Industrielle sucrière de Bourbon, devenue la société Sucrerie de Bois rouge (la société de Bois rouge), et la société Sucrière de la Réunion (la société Sucrière) ont conclu un protocole aux fins de concentrer le traitement industriel de la production cannière de l’île de la Réunion sur deux usines, celle de Bois rouge appartenant à la société de Bois rouge et celle du Gol appartenant à la société Sucrière. Elles ont par ailleurs conclu une convention d’assistance mutuelle en période de campagne sucrière entre les deux usines de Bois rouge et du Gol « en cas d’arrêt accidentel prolongé de l’une des usines ». Un incendie s’est déclaré dans une usine électrique de la centrale thermique exploitée par la société Compagnie thermique de Bois rouge (la Compagnie thermique) qui alimentait en énergie l’usine de Bois rouge, entraînant la fermeture de cette usine pendant quatre semaines. L’usine du Gol a assuré une partie du traitement de la canne qui aurait dû l’être par l’usine de Bois rouge. La société QBE, assureur de la société Sucrière, ayant indemnisé son assuré de ses pertes d’exploitation, a, dans l’exercice de son action subrogatoire, saisi un tribunal à l’effet d’obtenir la condamnation de la Compagnie thermique à lui rembourser l’indemnité versée.

Dans le cadre de cette action, le demandeur se prévalait d’un manquement contractuel de la Compagnie thermique au soutien de son action extracontractuelle. À l’occasion de cet arrêt, la question du maintien de la très fameuse jurisprudence Bootshop était posée (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. ass. plén., n° 9 ; D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister , note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295 , obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain  ; JCP 2006. II. 10181, avis A. Gariazzo et note M. Billiau ; ibid. 2007. I. 185, n° 4, obs. P. Stoffel-Munck ; CCC 2007, n° 63, obs. L. Leveneur). La Cour de cassation confirme cette jurisprudence en énonçant dans une formule dépourvue d’ambiguïté que « le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement ». Elle casse l’arrêt d’appel au motif « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d’appel, qui a constaté la défaillance de la Compagnie thermique dans l’exécution de son contrat de fourniture d’énergie à l’usine de Bois rouge pendant quatre semaines et le dommage qui en était résulté pour la société Sucrière, victime de l’arrêt de cette usine, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».

Si la solution est d’envergure pour les spécialistes du droit des obligations, dans quelle mesure intéresse-t-elle les arbitragistes ? À première vue, aucunement. Toutefois, une analyse un peu plus approfondie de la décision permet d’en tirer des conséquences en droit de l’arbitrage. En effet, la relation contractuelle unissant la Compagnie thermique à la société de Bois rouge contenait une clause compromissoire. Dans l’instance d’appel, la Compagnie thermique avait tenté d’opposer à l’assureur cette clause (Saint-Denis, 5 avr. 2017, n° 15/00876, QBE Insurance c. Sucrerie de Bois rouge). La cour s’y opposa, dans une formule éclairante : « l’action du tiers au contrat est ainsi soumise à un régime propre et la clause limitative de responsabilité ou les clauses compromissoires contenues au contrat ne peuvent lui être valablement opposées ».

Ainsi, l’enjeu du litige n’est pas seulement de déterminer la faculté du tiers à se prévaloir d’un manquement contractuel dans le cadre de son action extracontractuelle. Il est également de se positionner sur la question de l’opposabilité des clauses contractuelles au tiers, au premier rang desquelles la clause compromissoire. L’avis de l’avocat général dans cette affaire met en relief cette problématique. Celui-ci reprend la solution de l’article 1234, alinéa 2, du projet de réforme de la responsabilité civile du 23 mars 2017. Il propose d’autoriser le demandeur à établir que le seul manquement contractuel lui a causé un dommage, à la condition de respecter les conditions et limites de la responsabilité prévues au contrat (J.-R. de la Tour, avis ss Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, préc.). Autrement dit, si le demandeur peut établir une faute extracontractuelle en apportant la preuve d’un manquement contractuel, c’est à la condition d’accepter de se voir opposer les clauses contractuelles. Cette solution n’est pourtant pas retenue par la Cour. Contrairement à l’avis de son avocat général, elle confirme – implicitement du moins – la position avantageuse dans laquelle se trouve le tiers, lequel peut se prévaloir du manquement contractuel sans se voir opposer les clauses. La formule sibylline selon laquelle « il importe de ne pas entraver l’indemnisation de ce dommage » pourrait d’ailleurs refléter cette approche. Dès lors, la solution de la cour d’appel tendant à écarter la clause compromissoire est confortée.

Il faudra être vigilant à la confirmation d’une telle solution. Devant la cour d’appel, l’incompétence des juridictions étatiques au profit des juridictions arbitrales était soulevée. Malheureusement, comme souvent, le principe compétence-compétence n’était pas invoqué au soutien de cette exception. L’articulation entre les deux principes peut être discutée. Faut-il faire primer la solution de l’assemblée plénière et écarter la clause compromissoire ou privilégier le principe compétence-compétence et renvoyer à l’arbitre pour qu’il statue prioritairement sur sa compétence ? En faveur de la première solution, deux approches sont envisageables. D’une part, comme en droit du travail interne, écarter purement et simplement le principe compétence-compétence (Soc. 30 nov. 2011, nos 11-12.905 et 11-12.906, D. 2011. 3002 ; ibid. 2012. 2991, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2012. 309, obs. B. Gauriau ; RTD com. 2012. 351, obs. A. Constantin ; ibid. 528, obs. E. Loquin ; Rev. arb., 2012 [1re décis.], p. 333, note M. Boucaron-Nardetto ; JCP G 2012. 843, § 2, obs. C. Seraglini ; ibid. 2011. 2518, obs. N. Dedessus-Le-Moustier ; JCP S 2012, n° 5, p. 42, note S. Brissy ; Procédures 2012. Comm. 42, obs. L. Weiller ; ibid. 2012. Comm. 75, obs. A. Bugada ; RDC 2012. 539, note X. Boucobza et Y.-M. Serinet). Toutefois, l’hypothèse est radicale et l’on voit mal ce qui justifierait de l’étendre au tiers. D’autre part, il est possible de voir dans la solution de l’assemblée plénière un cas d’inapplicabilité manifeste de la clause. Le principe compétence-compétence est préservé, mais le tiers peut se prévaloir de l’exception prévue à l’article 1448 du code de procédure civile pour soumettre son litige directement aux juridictions judiciaires.

Simples en apparence, aucune de ces approches n’est satisfaisante. Deux raisons peuvent au moins être avancées. D’abord, il est difficilement explicable qu’un tiers se prévalant d’un manquement contractuel dans le cadre d’une action extracontractuelle puisse bénéficier d’un régime plus favorable que des tiers dans des situations proches. Par exemple, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a retenu que l’action directe d’une victime contre l’assureur du responsable était soumise à la clause contenue dans le contrat d’assurance (Civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 17-28.951, Dalloz actualité, 28 févr. 2019, obs. V. Chantebout ; ibid., 6 mars 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; DMF 2019, n° 810, p. 114, obs. P. Delebecque ; RGDA 2019, n° 2, p. 39, note R. Schulz ; Gaz. Pal. 2019, n° 11, p. 34, obs. D. Bensaude). On peut évidemment objecter que la nature de l’action a une incidence sur la solution. Il n’en demeure pas moins que l’action directe, supposément instaurée au bénéfice du tiers, devient une contrainte par rapport à celui qui n’en bénéficie pas. Ensuite, et plus fondamentalement, une telle solution se heurte à la diversité des cas de figure dès lors que le litige est international, ce qui conduit à rechercher la loi applicable à l’action. Une discrimination entre les actions de tiers soumises à la loi française et celles soumises à une loi étrangère pourrait apparaître.

Dès lors, il est préférable de retenir la seconde solution, à savoir donner effet au principe compétence-compétence et renvoyer à l’arbitre les questions de compétence. En effet, dès lors qu’un tiers agit contre une partie à un contrat en se prévalant d’une violation contractuelle, l’action présente un lien avec la clause compromissoire et la compétence doit être tranchée prioritairement par l’arbitre (v. J. Jourdan-Marques, Action extracontractuelle et arbitrage, art. préc., nos 20 s.). Ce n’est pourtant pas la voie dans laquelle semble s’engager la Cour de cassation, et on peut regretter que le régime de la clause compromissoire soit sacrifié.

La clause compromissoire

La notion de clause compromissoire

La clause compromissoire doit être rédigée avec soin, faute de quoi elle sera inefficace, voire pathologique. On retrouve régulièrement dans les contrats des clauses selon lesquelles les parties contractantes doivent se consulter pour examiner l’opportunité de soumettre leur différend à un arbitrage ou pour refuser l’arbitrage. Cette clause est doublement inefficace. D’une part, elle n’est pas une clause compromissoire et n’impose aucunement de recourir à l’arbitrage. D’autre part, elle n’institue même pas un préalable obligatoire à la saisine du juge, dont le non-respect entraînerait l’irrecevabilité de la demande, à l’image de ce qui est prévu pour la clause de conciliation préalable (Bordeaux, 23 janv. 2020, n° 16/02240, Hôtel Merle).

Les effets de la clause compromissoire

Le principe compétence-compétence

Dans la lignée de l’arrêt d’assemblée plénière du 13 janvier 2020, et comme à chaque livraison de cette chronique, on perçoit la difficulté d’appropriation du principe compétence-compétence par les praticiens non spécialisés. D’abord, on peut regretter que l’article 1448 du code de procédure civile ne soit pas systématiquement invoqué par l’auteur de l’exception d’incompétence. Ensuite, les juridictions commerciales ont tendance à refuser de faire droit à l’exception d’incompétence, en violation du droit positif. Enfin, quand bien même l’appel permet souvent d’y remédier, c’est le plus souvent au prix d’approximations, le juge ayant une tendance à forte à trancher positivement la question de la compétence arbitrale.

Ceci étant, il n’est pas non plus rare de tomber sur une application scrupuleuse du principe. Un bel exemple est donné par la cour d’appel d’Aix (Aix-en-Provence, 16 janv. 2020, n° 19/06759, Patri Invest). Plusieurs actes de cession avaient été conclus, lesquels comportaient une clause compromissoire identique. Pour renvoyer au tribunal arbitral, la cour constate sobrement que « le tribunal de commerce de Nice ne pouvait statuer sur sa compétence en appréciant les clauses compromissoires par rapport à la nature délictuelle des demandes des parties, à l’étendue de la saisine du tribunal arbitral déjà saisi et au lien avec les procédures de sauvegarde, et ainsi statuer sur la compétence ou l’incompétence du tribunal arbitral ». Le raisonnement est simple et efficace : la clause compromissoire interdit au juge judiciaire, même en présence d’une action délictuelle, de se prononcer sur la compétence, en particulier lorsque le tribunal est déjà saisi, et impose de renvoyer aux arbitres.

Un autre exemple est offert par la cour d’appel de Toulouse (Toulouse, 8 janv. 2020, n° 18/01609, Airbus). Pour s’opposer à l’application de la clause, le demandeur ayant saisi les juridictions commerciales arguait que « l’inapplicabilité manifeste d’une clause d’arbitrage doit s’apprécier à l’aune de la commune intention des parties, l’inapplicabilité étant manifeste en cas d’absence de nécessité d’un examen approfondi de leurs relations contractuelles ». Il y avait de quoi rester perplexe face à cette argumentation. La cour y répond de façon parfaitement rigoureuse en décidant qu’« il ne peut être sérieusement soutenu que sans qu’il soit nécessaire de se livrer à un examen approfondi des relations contractuelles, la volonté des parties était manifestement d’exclure son application dans le cadre d’un litige concernant l’exigibilité des commissions ». Elle renvoie les parties à mieux se pourvoir en se limitant à considérer que la clause n’est pas manifestement inapplicable, et donc sans se prononcer sur l’applicabilité de la clause.

Ces exemples sont malheureusement trop rares. Le juge est souvent tenté de trancher la question de la compétence pour asseoir son incompétence. Dans un arrêt du 6 février 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait à se prononcer sur l’action exercée par un consultant dans le milieu aéronautique (Aix-en-Provence, 6 févr. 2020, n° 19/14154, Airbus Helicopters). Une exception d’incompétence avait été soulevée par le défendeur devant le tribunal de commerce saisi de l’action. En première instance, l’exception avait été rejetée au motif que « la résiliation des contrats entraîne l’extinction de l’ensemble des dispositions prévues par lesdits contrats et que par conséquent [le défendeur] ne peut donc se prévaloir des conditions prévues par les clauses compromissoires desdits contrats ». La motivation était doublement fantaisiste, en ce qu’elle faisait échec cumulativement au principe compétence-compétence (C. pr. civ., art. 1448) et au principe d’indépendance matérielle de la clause compromissoire (C. pr. civ., art. 1447). C’est tout naturellement que la cour d’appel corrige l’erreur du juge consulaire, mais uniquement partiellement. Sur l’indépendance de la clause, le demandeur ne faisait plus état de la résiliation du contrat principal, mais de sa novation. La question de l’effet d’une novation sur une convention d’arbitrage est d’une particulière complexité (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., Lextenso éditions/Montchrestien, coll. « Domat, Droit privé », 2019, n° 78 ; P. Ancel, Arbitrage et novation, Rev. arb. 2002. 3). Le moyen est ici écarté. Toutefois, la cour ne respecte pas le principe compétence-compétence dans sa pureté. En effet, pour renvoyer les parties à l’arbitrage, elle constate, premièrement, qu’« il ne ressort aucunement de ce document une volonté de nover de la société appelante, la lettre de résiliation ne pouvant être considérée comme une volonté d’effectuer une novation », et, deuxièmement, que « les clauses insérées dans les deux contrats sont applicables et notamment celles relatives aux clauses compromissoires précitées ». Par conséquent, la cour a déjà tranché la question de la compétence arbitrale, privant l’arbitre de sa priorité.

Un autre exemple est donné par la cour d’appel de Paris – dans une chambre non spécialisée (Paris, 5 févr. 2020, n° 19/11015, Euro Disney). En première instance, l’exception d’incompétence avait été écartée. Le jugement est infirmé et les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir. Si la solution finale est satisfaisante, le raisonnement pour y aboutir contient des d’approximations. D’une part, la cour ne se limite pas à un examen du caractère manifestement nul ou inapplicable de la clause et se prononce directement sur son applicabilité au litige. D’autre part, alors que le régime de la clause compromissoire est prévu par l’article 2061 du code civil, la cour se fonde sur les articles 1103 et 1104 du code civil pour établir la validité de la clause. Une fois de plus, la solution manque de rigueur.

Enfin, il faut faire état d’une affaire un peu particulière, car elle s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence discutable de la Cour de cassation (Poitiers, 21 janv. 2020, n° 19/01458, préc.). Le litige porte sur la reconstruction de la frégate « l’Hermione » et oppose l’association portant ce projet et l’entrepreneur chargé de la fabrication des « ensembles propulsifs pour navires ». L’arrêt est remarquable à deux titres. D’abord, il traite de la question, assez rare finalement, de l’activité professionnelle d’un signataire de la clause ; ensuite, il ouvre la discussion de son articulation avec le principe compétence-compétence.

Sur la première interrogation, l’article 2061 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle, énonçait que, « sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle ». La formule était malheureuse, en ce qu’elle laissait en suspens une question : fallait-il que la clause soit conclue à raison de deux activités professionnelles, ou suffisait-il qu’une seule partie s’engage à ce titre (T. Clay, « Une erreur de codification dans le code civil : les dispositions sur l’arbitrage », in 1804-2004. Le code civil, un passé, un présent, un avenir, Dalloz, 2004, p. 693, spéc. nos 54 s. ; P. Fouchard, La laborieuse réforme de la clause compromissoire par la loi du 15 mai 2001, Rev. arb. 2001. 397) ? Assez logiquement, la Cour de cassation a tranché en faveur de la première solution, à l’occasion d’un litige relatif à la cession d’un fonds de commerce par des retraités (Civ. 1re, 29 févr. 2012, n° 11-12.782, D. 2012. 1312, obs. X. Delpech , note A.-C. Rouaud ; ibid. 2991, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2012. 359, note M. de Fontmichel ; JCP 2012. Act. 310, obs. J. Béguin ; JCP E 2012. 1314, note J. Monéger ; ibid. 2012. 1498, obs. J. Ortscheidt ; Procédures 2012, n° 4, p. 21, obs. L. Weiller ; LPA 2012, n° 102, p. 11, note V. Legrand ; ibid. n° 135, p. 7, note A.-S. Courdier-Cuisinier ; ibid. n° 187, p. 14, note E. Faivre). Dans l’espèce soumise à la cour d’appel de Poitiers, il s’agissait de savoir si l’association Hermione - La Fayette exerçait une activité professionnelle. Pour exclure cette qualification, elle énonce en particulier que « le projet à vocation historique de l’association est la reconstruction d’une frégate ancienne. Cette association n’est pas un professionnel de la construction maritime ni de la propulsion motorisée des navires ». Sous toutes réserves, la solution semble conforme à l’article liminaire du code de la consommation.

Néanmoins, la Cour se hasarde ensuite sur le terrain de l’acceptation de la clause. Ce passage n’était pas indispensable, dès lors que la nullité était constatée, faute d’activité professionnelle d’une partie. Il l’était d’autant moins que la Cour retient la nullité de la clause au motif que les conditions générales n’ont pas été « annexées » à l’offre. Une telle motivation est insusceptible de caractériser une nullité de la clause. La clause compromissoire par référence est valable et il suffit que le contrat principal renvoie au document qui la contient (X. Boucobza, La clause compromissoire par référence en matière d’arbitrage international, Rev. arb. 1998. 495 ; B. Oppetit, La clause d’arbitrage par référence, Rev. arb. 1990. 551).

C’est en revanche sur la deuxième question que l’appréciation de la cour d’appel est discutable. Le principe compétence-compétence n’est pas évoqué par la cour – faute peut-être d’avoir été invoqué par les parties. Or le raisonnement tendant à déterminer si l’une des parties s’est engagée à la clause au titre d’une activité professionnelle ne devrait pas relever d’un cas d’inapplicabilité manifeste de la clause. Pour autant, il est difficile d’en vouloir à la cour d’appel de Poitiers. En effet, le (mauvais) exemple avait été montré par la Cour de cassation dans son arrêt du 29 février 2012. Cette erreur méthodologique avait d’ailleurs été signalée (T. Clay, note ss Civ. 1re, 29 févr. 2012, n° 11-12.782, préc. ; pour une approbation de la solution, v. M. de Fontmichel, note ss Civ. 1re, 29 févr. 2012, Rev. arb. 2012. 359, n° 7 ; pour une remise en cause plus générale de la rigueur du principe compétence-compétence, qui pourrait être particulièrement adaptée en ce genre de circonstances, v. J. Clavel, Le déni de justice économique dans l’arbitrage international. L’effet négatif du principe de compétence-compétence, thèse, ss la dir. de G. Khairallah, Paris 2, 2011, nos 331 s.). Au final, s’il est tout à fait envisageable que la clause ne soit pas valable, cette décision devrait revenir à prioritairement à l’arbitre, sous le contrôle du juge de l’annulation. On peut espérer un pourvoi sur cette question, afin de donner l’occasion à la Cour de cassation de se prononcer à nouveau sur la combinaison entre le principe compétence-compétence et l’examen de l’activité professionnelle d’une partie.

La désignation d’un arbitre par le juge d’appui

En cas de difficulté de constitution du tribunal arbitral, et à défaut d’institution chargée d’organiser la procédure, il revient au juge d’appui de procéder à la désignation. La seule exception est prévue à l’article 1455 du code de procédure civile, qui énonce que, « si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d’appui déclare n’y avoir lieu à désignation ». La caractérisation de cette nullité ou inapplicabilité manifeste ne peut résulter du comportement des parties. C’est ce que rappelle un arrêt, en retenant que la mauvaise volonté, la procrastination et la déloyauté ne sont pas suffisantes pour faire échec à la désignation d’un arbitre (Poitiers, 11 févr. 2020, n° 19/01756, Pharmacie du Géant Casino).

Le régime auquel la décision du juge d’appui est soumise dépend ensuite de la réponse apportée. L’article 1460, alinéa 3, du code de procédure civile prévoit que l’ordonnance n’est pas susceptible de recours en cas de désignation. En revanche, elle peut être frappée d’appel « lorsque le juge déclare n’y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l’article 1455 ». Néanmoins, cette disposition ne prévoit pas le cas où le juge d’appui refuse de désigner l’arbitre pour un autre motif que ceux énumérés à l’article 1455. C’est ce qui s’est produit dans une espèce soumise à la cour d’appel de Paris (Paris, 12 févr. 2020, n° 19/04488, La Sécurité). Le juge d’appui avait refusé la désignation au motif que le demandeur ne justifiait d’aucun litige. Quelle est alors la voie de recours ouverte ? La cour reprend une solution bien ancrée en jurisprudence : l’appel étant fermé, un appel-nullité peut être formé pour faire sanctionner l’excès de pouvoir du juge (v. par ex. Civ. 1re, 13 déc. 2017, n° 16-22.131, Garoubé, D. 2018. 18 ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; RTD com. 2019. 39, obs. E. Loquin ; Cah. arb. 2017. 701, note H. Barbier ; Procédures 2018, n° 2, p. 18, obs. L. Weiller ; Gaz. Pal. 2018, n° 11, p. 21, obs. D. Bensaude ; Rev. arb. 2018. 370, note V. Chantebout ; JDI 2019. 627, note K. Mehtiyeva ; C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 787). Logiquement, l’ordonnance refusant de désigner l’arbitre est annulée.

Les mesures provisoires étatiques en cas d’expiration du délai d’arbitrage

Le plus souvent, les questions relatives au délai d’arbitrage sont invoquées devant le juge du recours, l’une des parties reprochant à l’arbitre d’avoir rendu sa sentence hors délai. C’est donc une discussion relativement inédite à laquelle était confrontée la cour d’appel de Versailles, puisqu’elle devait trancher une difficulté relative à l’expiration du délai pour un arbitrage non terminé (Versailles, 16 janv. 2020, n° 19/04609). En effet, la cour était saisie d’une demande de mesure provisoire. L’article 1449 du code de procédure civile prévoit à cet égard que les juridictions judiciaires sont compétentes pour en connaître « tant que le tribunal n’est pas constitué ». L’argument du demandeur était de se prévaloir de l’expiration du délai d’arbitrage pour établir une compétence « retrouvée » du juge étatique. L’argument fait mouche, puisque la cour constate que le délai a expiré et qu’elle recouvre par conséquent sa compétence. En effet, malgré plusieurs prorogations consécutives, le tribunal arbitral avait laissé filer le délai. Cette erreur s’explique sans doute dans la croyance erronée que la désignation d’un expert est susceptible d’entraîner une suspension de l’instance. Néanmoins, cette possibilité offerte par l’article 1472 du code de procédure civile nécessite une décision du tribunal arbitral, laquelle faisait défaut. Dès lors, le juge constate l’expiration du délai et précise qu’il n’est pas « nécessaire qu’une décision du tribunal arbitral le constate expressément ».

À première vue, la décision est solide. Elle l’est d’autant plus que l’expiration du délai entraîne des conséquences limitées : elle permet, comme en l’espèce, au juge de prononcer des mesures provisoires ; en revanche, elle n’autorise pas le juge à se déclarer compétent sur le fond, l’expiration du délai n’entraînant pas l’anéantissement de la clause compromissoire (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 324). Cependant, il n’est pas impossible que le tribunal arbitral ait une perception différente de la situation. Rien n’exclut qu’il entende mener la procédure à son terme et rendre une sentence. Le recours en annulation conduira à discuter de nouveau de l’expiration du délai, avec le risque d’une décision contradictoire ! D’ailleurs, une éventuelle annulation de la sentence pourra donner lieu à une action en responsabilité contre les arbitres et à un nouvel examen du délai par un nouveau juge. Autrement dit, aucune de ces quatre décisions (juge des référés, tribunal arbitral, juge de l’annulation et juge de la responsabilité) n’a autorité de la chose jugée sur les autres. L’expiration du délai peut ainsi faire l’objet de discussions sans fin !

Clause compromissoire et arbitrage du bâtonnier

C’est une affaire résolument complexe qu’avait à résoudre la Cour de cassation dans sa décision du 15 janvier 2020 (Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-20.102, Fiacre La Bâtie Hoffman). L’arrêt est inédit, mais les questions posées sont essentielles. Un avocat au barreau du Val-de-Marne a conclu avec une société d’avocats inscrite au barreau de Paris une structure commune de moyens. Leur « convention d’exercice groupée » comportait une clause compromissoire stipulant, en cas de différend, la compétence ordinale du bâtonnier de Paris. Celle-ci n’a toutefois pas été signée. À l’occasion d’un litige, en 2005, chaque partie à la convention a saisi son propre bâtonnier. Puis… plus rien jusqu’en 2013. Finalement, le président du Conseil national des barreaux a désigné en 2014 le bâtonnier des Hauts-de-Seine comme tiers arbitre. Celui-ci a déclaré l’action prescrite.

Le raisonnement du bâtonnier est essentiel pour la compréhension de l’affaire. Il considère que, n’ayant pas été signée, la convention d’arbitrage n’est pas valable. Dès lors, la saisine du bâtonnier de Paris ne peut être assimilée à une citation en justice interruptive de prescription au sens de l’article 2244 (ancien) du code civil. En conséquence, la prescription est acquise. La cour d’appel valide en substance ce raisonnement (Versailles, 25 mai 2018, n° 16/05613) et le pourvoi est rejeté. La motivation ne convainc pourtant pas, à plusieurs titres.

D’abord, il est fait état du défaut de consentement des parties à la clause. Il n’est pas discuté que la convention d’exercice groupée contenait une clause compromissoire. Simplement, celle-ci n’a pas été signée. Afin de rechercher si les parties ont entendu s’y soumettre, le bâtonnier et la cour d’appel s’étaient logiquement attachés à leur comportement. Alors que la convention a fait l’objet d’une exécution continue par les parties – et que les demandes respectives sont fondées sur celle-ci – le bâtonnier considère qu’il en allait différemment de la clause compromissoire. En effet, en vertu de l’« autonomie juridique » de la clause, il conviendrait de rechercher une acceptation distincte. On s’étouffe. D’une part, ce n’est pas tant l’autonomie juridique que l’autonomie matérielle de la clause qui est concernée. D’autre part, cette autonomie vise justement à préserver la clause des vices pouvant affecter le contrat. Elle ne peut être utilisée pour exiger un consentement dissocié entre le contrat et la clause. À suivre un tel raisonnement, il faudrait exiger des parties une signature distincte entre le contrat et la clause. C’est pourtant une solution validée par la cour d’appel de Versailles. La Cour de cassation se retranche quant à elle derrière l’appréciation souveraine des juges du fond.

Ensuite, une fois qu’est constatée l’absence de clause compromissoire liant les parties, la question qui se pose est celle de l’effet interruptif de la prescription de la demande formée en 2005. Là encore, le raisonnement est discutable. Pour l’essentiel, la cour d’appel de Versailles valide le raisonnement du bâtonnier selon lequel « une demande d’arbitrage ne saurait être considérée comme interruptive de prescription et assimilée à une citation en justice que si elle intervient conformément à la clause compromissoire insérée dans le contrat et dans les formes prévues par le règlement d’arbitrage ». Or, faute de clause compromissoire, le demandeur a saisi une personne dépourvue de pouvoir juridictionnel et n’a donc pas interrompu la prescription. La Cour de cassation énonce, par un contrôle plein, que « la saisine [du bâtonnier] était dépourvue d’effet interruptif de prescription, faute d’être intervenue en exécution de la clause d’arbitrage stipulée au contrat qui, seule pouvait, alors, entraîner sa compétence ». Il ne faut absolument pas sous-estimer cette difficulté, dont les enjeux dépassent très largement ce litige. La question est simple : la saisine à tort d’une juridiction arbitrale interrompt-elle la prescription ? Le problème peut être envisagé sous plusieurs angles. Comme l’ont fait le bâtonnier, la cour d’appel et la Cour de cassation, on peut estimer que la demande adressée à une personne dépourvue de pouvoir juridictionnel n’est pas interruptive de prescription. La solution est séduisante. Elle est toutefois impraticable. À la suivre, il faudrait considérer que chaque fois que le tribunal arbitral se déclare incompétent, la prescription n’a pas été interrompue, en l’absence de saisine d’une juridiction par le demandeur. Pourquoi pas, diront certains. N’est-ce pas une bonne façon d’éviter les manœuvres dilatoires ? C’est cependant oublier que le principe compétence-compétence impose de faire constater par l’arbitre son incompétence avant de se présenter devant les juridictions étatiques. On ne peut sérieusement envisager que dans ces hypothèses, la saisine du tribunal arbitral ne soit pas interruptive de prescription. En conséquence, il n’est pas possible de faire autrement que de considérer qu’une demande en justice fondée sur une clause compromissoire défectueuse est bien une demande en justice au sens de l’article 2241, alinéa 1er, du code civil. À ce titre, la solution retenue nous paraît mal fondée.

Pour autant, le constat ne suffit pas à préserver la prétention du couperet de la prescription. En effet, il convient de s’assurer que la sentence d’incompétence n’a pas pour effet d’anéantir l’acte interruptif de prescription. Deux approches sont envisageables. Premièrement, on peut considérer que l’article 2241, alinéa 2, du code civil s’applique et qu’il s’agit d’une demande portée « devant une juridiction incompétente », préservant ainsi l’effet interruptif. Deuxièmement, on peut au contraire préférer l’article 2243 du code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence (Civ. 2e, avis, 8 oct. 2015, n° 14-17.952 et Com. 26 janv. 2016, n° 14-17.952, D. 2016. 310 ; Procédures 2016. Comm. 2, obs. H. Croze ; Procédures 2016, n° 5, p. 26, obs. B. Rolland ; Gaz. Pal. 2016, n° 14, p. 62, obs. N. Fricero ; JCP E 2016, n° 7, p. 37, note B. Brignon), qui considère que l’irrecevabilité d’une prétention anéantit l’effet interruptif de prescription. Assez simplement, il s’agit de savoir si l’arbitre qui rend une sentence d’incompétence se prononce, au sens du droit français, sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir. D’un point de vue théorique, la résolution de cette question est particulièrement complexe. Aucune des deux solutions n’est choquante, aucune n’est parfaitement satisfaisante. En revanche, d’un point de vue pratique, on ne peut envisager, pour les raisons évoquées auparavant, autre chose qu’un rattachement à l’alinéa 2 de l’article 2241 du code civil (sauf à supprimer l’art. 2243 C. civ., ce qui pourrait finalement être la solution la plus pertinente, v. J. Jourdan-Marques, Faut-il abroger l’article 2243 du code civil ?, Procédures 2016, n° 7, étude 7). En définitive, cette décision, si elle est juridiquement fort discutable, présente le mérite de mettre en lumière une difficulté rarement envisagée : celle de l’effet interruptif de la demande d’arbitrage.

L’arrêt révèle également la difficile articulation entre arbitrage du bâtonnier prévu par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et arbitrage du bâtonnier prévu par les parties. Selon l’avis n° 2010-032 du Conseil national des barreaux, «  le recours désormais obligatoire au bâtonnier rend par conséquent sans effet les clauses compromissoires pour les litiges non encore soumis à une juridiction à la date de publication du décret d’application de la loi de 2009  » (l’avis n’est pas accessible sur le site du Conseil national des barreaux, mais est reproduit dans l’arrêt de la cour d’appel de Versailles). Cette solution est problématique. On imagine mal la loi défaire la volonté des parties sans justifier d’un motif impérieux d’ordre public. D’ailleurs, dans un arrêt récent, la cour d’appel de Lyon a fait prévaloir la clause contractuelle sur l’arbitrage légal (Lyon, 11 avr. 2019, n° 18/05597, Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques). Une telle clause devrait, en toute rigueur, interdire que la mission du bâtonnier désigné soit déléguée et imposer l’application des articles 1491 et suivants du code de procédure civile pour l’exercice des recours contre la décision du bâtonnier-arbitre.

Les cas d’ouverture du recours contre la sentence

L’indépendance et l’impartialité de l’arbitre

Le devoir de révélation n’est pas l’alpha et l’oméga de l’obligation d’indépendance. Il est vrai que l’immense majorité du contentieux se cristallise désormais autour du caractère exhaustif de la déclaration. Il n’en demeure pas moins qu’une déclaration d’indépendance peut être parfaitement complète et l’impartialité du tribunal sujette à discussion. En réalité, le droit de l’arbitrage a tendance à ne pas distinguer les notions d’indépendance et d’impartialité, là où elles doivent l’être soigneusement. L’indépendance renvoie aux liens pouvant exister entre l’arbitre et les parties, conseils ou coarbitres alors que l’impartialité vise une disposition de l’arbitre de ne pas faire preuve de préjugé (en ce sens, v. C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 739). C’est précisément cette seconde acception qui était en cause dans une affaire soumise à la cour d’appel de Paris (Paris, 17 déc. 2019, n° 17/23073, Laser). À cet égard, la cour énonce dans une définition ciselée que « l’indépendance d’esprit est indispensable à l’exercice du pouvoir juridictionnel, quelle qu’en soit la source, et constitue l’une des qualités essentielles de l’arbitre qui assure à chaque partie un traitement égal ». La formule n’est pas tout à fait nouvelle, mais est rarement utilisée (Civ. 2e, 13 avr. 1972, n° 70-12.774 ; 18 déc. 1996, n° 94-10.573, RTD com. 1997. 435, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1997. 361, note A. Hory). On peut sans doute regretter la référence à « l’indépendance », qui maintient la confusion entre les notions d’impartialité et d’indépendance.

Un manquement à cette obligation est particulièrement délicat à établir. La cour signale que « le défaut d’impartialité doit résulter de faits précis et vérifiables de nature à faire naître un doute raisonnable sur cette impartialité ». C’est à la partie qui allègue un défaut d’impartialité d’en rapporter la preuve. Or il est impossible de sonder les reins et les cœurs. Il est donc indispensable que la partialité de l’arbitre ait fait l’objet d’une matérialisation qui puisse être établie (dans le même sens, v. M. Kebir, obs. ss CEDH 22 oct. 2019, req. n° 42010/06, Deli c. République de Moldavie, Dalloz actualité, 20 nov. 2019). Il suffit, à l’inverse, que l’arbitre conscient de sa partialité dissimule soigneusement son état d’esprit pour ne pas faire l’objet d’une sanction. C’est ce qui explique sans doute la sécheresse de la jurisprudence en la matière, quand bien même la Cour européenne des droits de l’homme a depuis longtemps mis en garde contre ce type de partialité (v. déjà CEDH 1er oct. 1982, Piersack c. Belgique, § 30, série A n° 53, AFDI 1985. 415, obs. Coussirat-Coustère ; JDI 1985. 210, obs. Rolland et Tavernier ; plus récemment CEDH 22 oct. 2019, req. n° 42010/06, Deli c. République de Moldavie, Dalloz actualité, 20 nov. 2019, obs. M. Kebir, préc.). Le plus souvent, c’est dans la décision du juge que ce manquement est identifié. Le défaut d’impartialité peut être caractérisé par une reproduction intégrale des conclusions d’une partie au titre de la motivation (Civ. 3e, 18 nov. 2009, n° 08-18.029, Procédures 2010, n° 1, p. 18, obs. B. Rolland ; Annales des loyers 2010. 936, obs. F. Bérenger) ou encore dans une motivation vexatoire à l’égard des parties (Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 04-20.524, D. 2006. 2346 ; ibid. 2007. 896, chron. V. Vigneau ; AJDI 2006. 932 , obs. F. Bérenger ; Procédures 2006, n° 11, p. 14, obs. R. Perrot ; JCP 2006. 2177, note R. Kessous).

C’est précisément dans la motivation de la sentence que le requérant a cherché à établir le manquement des arbitres. Toutefois, l’argumentation était acrobatique. La difficulté portait sur un rapport d’expertise et la confidentialité de sa motivation. Il semble que les experts se soient, dans un premier temps, abrités derrière la confidentialité pour ne pas communiquer la motivation avant, dans un second temps, d’exciper de l’absence d’obligation de motivation de leur rapport. Or il est reproché aux arbitres de s’être contredits. Dans la sentence, le tribunal arbitral a fait état de sa conviction selon laquelle aucune motivation n’existait, alors qu’ils auraient penché pour une solution inverse lors de l’instance arbitrale. Après une (très) longue motivation, la cour d’appel rejette le grief au motif qu’« il ne résulte pas en conséquence du rapprochement, d’une part, des écrits et du comportement procédural des arbitres, d’autre part, des termes de la sentence rendue, la marque manifeste d’un parti pris du tribunal arbitral susceptible de créer un doute légitime sur son impartialité, devant conduire à l’annulation de la sentence ». Si la conclusion est heureuse, on peut s’interroger sur la pertinence d’approfondir autant la motivation. En effet, la question essentielle à se poser est de savoir si une prise de position de l’arbitre durant l’instance arbitrale est de nature à faire douter de son impartialité. Il nous semble qu’il convient de répondre avec d’infinies précautions, sous peine de murer dans le silence les arbitres. L’arbitre ne doit pas faire état d’un préjugé – voire un préjugement – sur l’affaire qui lui est soumise. En revanche, il doit pouvoir exprimer librement des positions sur des aspects relatifs à l’instance et conserver la possibilité de faire évoluer sa position. Aussi, plutôt que de se lancer immédiatement dans une analyse de l’éventuelle contradiction des arbitres, il aurait été préférable de s’interroger sur la vocation de ce grief à faire douter de l’impartialité du tribunal. Potentiellement, la réponse pouvait être positive en l’espèce. Néanmoins, il convient de s’en assurer, afin de ne pas ouvrir une voie supplémentaire à la contestation des sentences arbitrales.

La mission de l’arbitre

Enfin ! Elle était attendue, la première décision de la toute nouvelle chambre internationale de la cour d’appel de Paris (CICAP) rendue sur un recours contre une sentence arbitrale (Paris, 7 janv. 2020, n° 19/07260, République démocratique du Congo c. Divine Inspiration). En effet, c’est désormais le pôle 5, chambre 16 qui connaît de l’intégralité des recours contre les sentences internationales. En revanche, le pôle 1, chambre 1 conserve sa compétence pour les recours contre les sentences internes, ce qui ne manquera pas de soulever des difficultés de coordination entre la jurisprudence de ces deux chambres.

Pour ce « crash-test », la question posée était relativement facile, tant le grief formulé à l’encontre de la sentence était fantaisiste. Il était reproché aux arbitres d’avoir violé leur mission et l’ordre public international en ne tenant pas compte d’une décision de la Cour suprême congolaise, le droit congolais étant applicable au fond. Le recours est rejeté, le moyen n’étant susceptible d’entraîner l’annulation de la sentence sur aucun des deux fondements. Ce que cherche à obtenir le demandeur, c’est une révision au fond de la sentence, interdite au juge de l’annulation.

On peut toutefois regretter que la motivation de la cour n’aille pas à l’essentiel. La bonne ou la mauvaise application d’un droit étranger n’est jamais un cas d’ouverture du recours en annulation. La seule obligation pesant sur les arbitres est de statuer en droit et de respecter, s’il a lieu, le choix des parties de voir un droit spécifique s’appliquer au litige (Paris, 10 mars 1988, Rev. arb. 1989. 269, note P. Fouchard). C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle arrive la cour, à la suite d’un raisonnement largement superfétatoire : « si le tribunal arbitral est tenu d’appliquer le droit de la République démocratique du Congo, il ne s’écarte pas de sa mission en se livrant à une interprétation de celui-ci ».

L’ordre public international

Une question originale était posée à la Cour de cassation (Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-18.088, Ministère de la justice de la République d’Irak c. Finmeccanica), faisant suite à un arrêt d’appel passé relativement inaperçu (Paris, 16 janv. 2018, n° 16/05996, D. 2018. 2448, obs. T. Clay ). L’arbitrage portait sur une demande dont il était allégué qu’elle était soumise à une mesure d’embargo. Le tribunal arbitral avait par conséquent déclaré les prétentions irrecevables. Le recours invoquait la contrariété de la sentence à l’ordre public international et un déni de justice. Le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation – comme la cour d’appel – raisonne en deux temps. Dans un premier temps, elle reprend l’analyse du tribunal arbitral quant au champ d’application des mesures d’embargo. Dans un second temps, elle constate que les parties ont été mises en mesure de discuter de la portée de ces sanctions devant le tribunal arbitral. Elle en déduit que la décision n’est pas contraire à l’ordre public international ni entachée de déni de justice.

La solution de la Cour de cassation n’est pas dépourvue d’ambiguïtés. Elle mêle deux aspects de l’ordre public, sans véritablement les dissocier. D’une part, la question se pose de savoir si la mauvaise application d’une mesure d’embargo par le tribunal arbitral est constitutive d’une violation de l’ordre public international. En creux, il s’agit de savoir si une loi d’embargo peut être considérée comme relevant de l’ordre public international de fond (pourquoi pas) et si une application trop extensive de cette loi est une violation de l’ordre public international (très incertain, v. not. Paris, 19 nov. 2019, n° 17/20392, Oc’Via, Dalloz actualité, 14 janv. 2020, obs. V. Chantebout ; ibid., 6 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques). D’autre part, il est nécessaire d’examiner si l’irrecevabilité de la demande est constitutive d’un déni de justice. Cette fois, le débat est placé sur le terrain de l’ordre public procédural.

Ceci étant, on peine à percevoir l’argument décisif. On aurait aimé savoir précisément si les lois d’embargo sont bel et bien une composante de l’ordre public international et l’intensité du contrôle réalisé. Certes, la cour d’appel a énoncé que la sentence « ne comporte aucune violation manifeste, effective et concrète de l’ordre public international ». Elle se rattache ainsi à une jurisprudence désormais bien implantée (Paris, 27 sept. 2016, n° 15/12614, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2017. somm. 325 ; ibid. 824, E. Gaillard ; JDI 2017. Comm. 20, note E. Gaillard ; 16 mai 2017, n° 15/17442, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; JDI 2017. Comm. 20, note E. Gaillard ; Rev. arb. 2018. 248, note J.-B. Racine ; 16 janv. 2018, n° 15/21703, D. 2018. 1635 , note M. Audit ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2018. 401, note S. Lemaire ; JDI 2018. Comm. 12, note S. Bollée ; ibid. Comm. 13, note E. Gaillard ; 27 févr. 2018, n° 16/01358, Rev. arb. 2018. somm. 299 ; 10 avr. 2018, n° 16/11182, D. 2018. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard), mais à laquelle la Cour de cassation refuse d’apporter sa bénédiction. Les deux cours reprennent in extenso la motivation de la sentence. Toutefois, on comprend mal la méthodologie utilisée. Il s’agit de savoir si le juge de l’annulation valide le raisonnement du tribunal arbitral ou s’il se limite à s’assurer de l’existence d’un débat sur cette question. L’enjeu est pourtant immense, à l’heure où le contrôle du juge étatique sur la conformité de la sentence à l’ordre public international subit de profondes mutations.

La responsabilité de l’avocat

Voilà une décision tout à fait originale, qui confirme la créativité des parties quand il s’agit d’engager la responsabilité d’un tiers à la suite d’une déception judiciaire. Après la responsabilité des arbitres, la responsabilité des institutions, le temps est venu de la responsabilité des conseils. Dans cette affaire, l’avocat avait omis de se prévaloir de la clause compromissoire lors de la saisine des juridictions étatiques par la partie adverse (Pau, 7 janv. 2020, n° 18/01797). La faute est établie et ne souffre pas véritablement de discussion : en omettant d’envisager la possibilité pour son client de se prévaloir d’une clause compromissoire, le conseil commet une faute de nature à engager sa responsabilité. En revanche, la question du préjudice est plus complexe. La victime en invoquait deux : d’une part, une perte de chance de voir un tribunal arbitral statuer différemment de la cour d’appel ; d’autre part, d’engager des frais irrépétibles moins élevés. Les deux sont rejetés, faute de preuve. On voit mal comment il aurait pu en aller différemment. Pour le premier, il est délicat d’établir que le tribunal arbitral aurait rendu une décision différente. Pour le second, on peine à voir comment une procédure arbitrale – même avec une renonciation à l’appel – peut être moins onéreuse qu’une procédure judiciaire. Il n’en demeure pas moins que cette procédure doit attirer l’attention des praticiens : le droit de l’arbitrage est un droit complexe et une erreur dans son maniement ouvre la voie à une action en responsabilité.

La réécriture de certains articles du code de procédure civile

Deux décrets de fin d’année ont eu un impact sur le droit de l’arbitrage. Il s’agit d’abord du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 qui prend acte de la création du tribunal judiciaire et modifie l’ensemble du code de procédure civile sur ce point (C. pr. civ., art. 1449, 1459, 1469, 1487, 1505 et 1516). Ensuite, le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 est plus important, puisqu’il conduit à supprimer la procédure « en la forme des référés » pour la remplacer par une procédure accélérée au fond. Cette réforme affecte la procédure devant le juge d’appui (C. pr. civ., art. 1460) et la procédure de demande de communication d’une pièce détenue par un tiers (C. pr. civ., art. 1469). Elle vise à mettre un terme à la confusion opérée par l’ancienne appellation, alors que la décision rendue n’a rien de provisoire (v. Dalloz actualité, 13 janv. 2020, obs. M. Kebir).

Une demande en justice contre l’assureur, même en référé pour obtenir la communication sous astreinte du contrat d’assurance, interrompt la prescription. La carence d’un syndic, sans la preuve d’un scénario prémédité, ne permet de démonter que sa faute simple, et non une faute dolosive au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances.

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Auteur d'origine: Dargent

La Cour de cassation précise à nouveau le régime des soins psychiatriques sans consentement à travers, cette fois-ci, la comparution du requérant. Le directeur d’établissement qui sollicite la prolongation de la mesure n’a pas à être présent physiquement pour que le juge de la liberté et des détentions ou le premier président de la cour d’appel puisse statuer. C’est une solution conforme à la lettre de l’article R. 3211-15 du code de la santé publique ainsi qu’à la ligne jurisprudentielle impulsée par la haute juridiction.

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Auteur d'origine: chelaine

L’absence de contestation de la saisie-attribution devant le juge de l’exécution n’interdit pas au débiteur d’agir en répétition de l’indu devant le juge de droit commun saisi en référé.

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Auteur d'origine: mpschreiber