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On sait que la liste des titres exécutoires prévue par l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution est limitative, réserve faite des titres du doit local envisagés par l’article L. 111-5 du même code (V. à ce sujet, R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz, 2013, n° 131). L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 27 mai 2021 rappelle ce principe élémentaire avec force et vigueur. En l’espèce, M. B., avocat, a défendu jusqu’au mois d’octobre 1996 les intérêts de René E. et des deux sociétés que celui-ci dirigeait. Puis, par décision du 1er août 2002, le bâtonnier de son ordre a fixé à une certaine somme le montant des honoraires que René E. et les deux sociétés restaient lui devoir et, par ordonnance du 3 décembre 2003, devenue irrévocable par suite de la déchéance du pourvoi en cassation introduit par ces derniers, le premier président de la cour d’appel a déclaré irrecevable le recours formé contre la décision ordinale, au motif que son auteur n’était ni identifiable, ni expressément mandaté par un pouvoir spécial. À la suite du décès de René E., le 16 avril 2012, son avocat, poursuivant le recouvrement de sa créance à l’encontre des ayants droit du défunt, a fait signifier une opposition à partage auprès du notaire chargé du règlement de la succession et inscrire une hypothèque judiciaire sur divers immeubles appartenant aux intéressées ou dépendant de la succession. Ces ayants droit, soutenant que l’avocat ne disposait pas d’un titre exécutoire, l’ont fait assigner devant un tribunal en vue d’obtenir la mainlevée des inscriptions d’hypothèque et l’annulation de l’opposition à partage. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 24 novembre 2016, a considéré que l’ordonnance du 3 décembre 2003 déclarant irrecevable le recours formé contre l’ordonnance du bâtonnier de Nice du 1er août 2002 a conféré à M. B. un titre exécutoire pour le recouvrement de sa créance d’honoraires arrêtée à la somme de 500 000 € HT et qu’en conséquence, les hypothèques judiciaires avaient été valablement prises dans les délais.

Naturellement, les ayant droits se pourvurent en cassation, avec succès, la Cour régulatrice censurant l’arrêt aixois au visa des articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 6°, du code des procédures civiles d’exécution, 502 du code de procédure civile et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat : après avoir rappelé le contenu de ces textes (pts 6 à 8) et énoncé les termes de la décisions des juges du fond (pts 9 à 11), les hauts magistrats considèrent qu’« En statuant ainsi, alors que la décision prise par le bâtonnier d’un ordre d’avocats sur une contestation en matière d’honoraires, fût-elle devenue irrévocable par suite de l’irrecevabilité du recours formé devant le premier président de la cour d’appel, ne constitue pas une décision à laquelle la loi attache les effets d’un jugement, de sorte qu’elle ne peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée qu’après avoir été rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire, seul habilité à cet effet, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La décision est tout à fait justifiée au regard des textes, qui ne confèrent nullement à la décision du bâtonnier la qualité de titre exécutoire. La Cour de cassation avait d’ailleurs déjà eu l’occasion d’affirmer « qu’il résulte de l’article 178 du décret du 27 novembre 1991 que le bâtonnier ne peut rendre de décision exécutoire » (Civ. 1re, 9 avr. 2002, n° 99-19.761, D. 2002. 1787, et les obs. , note B. Beignier ). Comme l’a justement affirmé un auteur : « L’autorité ordinale est dénué d’imperium et il en résulte, naturellement, que la décision du bâtonnier n’est pas normalement assortie de la force exécutoire » (Y. Strickler, Les pouvoirs du président du tribunal de grande instance relatifs à l’exécution provisoire de la décision du bâtonnier, Procédures n° 3, Mars 2015, comm. 66).

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De petites affaires débouchent parfois sur de « grands » arrêts. La décision rendue le 27 mai 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en livre une bonne illustration.

L’affaire était, somme toute, assez banale. L’auteur d’un pourvoi en cassation avait laissé expirer le délai de quatre mois qui lui était imparti pour remettre un mémoire ampliatif (C. pr. civ., art. 978). La déchéance de son pourvoi a donc été constatée. Dans un tel cas de figure, les défendeurs au pourvoi en restent généralement là ! Mais pas celui de la présente affaire, qui a saisi le tribunal d’instance de Vannes afin de solliciter notamment le paiement d’une somme de 1 200 € au titre des frais de constitution d’avocat à la Cour de cassation ainsi que celle de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal d’instance de Vannes a fait droit à ces demandes en soulignant que le demandeur avait commis une faute en s’abstenant de déposer un mémoire dans le délai de quatre mois, d’où un légitime pourvoi en cassation ! Sans doute aurait-il pu être soutenu que les frais de constitution d’avocat (qui constituent des frais irrépétibles) ne peuvent être sollicités au titre d’une procédure antérieure (Soc. 4 mars 2020, n° 18-24.405, à paraître au Bulletin ; D. 2020. 606 ; Civ. 2e, 19 oct. 1986, n° 85-14.941, Bull. civ. II, n° 171). Mais le demandeur au pourvoi a choisi une autre voie, qui s’est également avérée fructueuse, en soutenant tout à la fois que le défaut de remise du mémoire ne constituait pas une faute et que, en tout état de cause, elle ne constituait pas la cause du paiement des frais d’avocat exposés par le défendeur au pourvoi !

La Cour de cassation a fait droit à cette argumentation. Pour censurer le jugement breton au visa de l’article 1240 du code civil, elle se fend d’un attendu de principe finement ciselé : « le défaut d’accomplissement d’une charge de la procédure par la partie à laquelle elle incombe ne constitue pas, en l’absence d’abus, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur », de sorte que celui-ci « n’encourt d’autres sanctions que celles prévues par les règles procédurales applicables à l’instance en cause ». Il en découlait que la seule circonstance que l’auteur du pourvoi en cassation n’ait pas déposé son mémoire ampliatif ne pouvait constituer une faute justifiant le paiement de dommages-intérêts.

Ce faisant la Cour de cassation esquisse le régime des charges processuelles, tout en validant la pratique des pourvois formés à titre conservatoire.

Le régime des charges processuelles

C’est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation entreprend d’esquisser un régime juridique des charges processuelles. Et elle y procède en reprenant les enseignements d’une doctrine majoritaire.

La notion de charge irrigue toute la procédure civile. La simple lecture des principes directeurs du procès en témoigne : « les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent » et il incombe à chacune d’alléguer, puis de prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention (C. pr. civ., art. 6 et 9). À cet égard, en s’abstenant de remettre son mémoire dans le délai requis, le demandeur au pourvoi n’a pas accompli la charge et ne peut ainsi prétendre conduire l’instance.

Il est généralement dit de la charge processuelle qu’il s’agit d’ « une nécessité imposée par la loi au titulaire d’un droit dans la mise en œuvre de celui-ci » (N. Cayrol, Procédure civile, 3e éd., Dalloz, 2020, n° 561) dont le « non-accomplissement constitue non pas un fait illicite, mais un fait dommageable, que sa propre carence inflige, comme une sorte d’auto-sanction, à celui qui ne l’assume pas » (G. Cornu [dir.], Vocabulaire juridique, v° Charge, 13e éd., PUF, 2020). Ces définitions ont bien évidemment inspiré la Cour de cassation qui énonce de manière tout à fait juste que le défaut d’accomplissement d’une charge processuelle « ne constitue pas […] une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ». Par cette formule, elle reconnaît que la méconnaissance de ces prescriptions n’est pas susceptible de léser les droits d’autrui et, ainsi, d’engager la responsabilité de son auteur (G. Forest, Essai sur la notion d’obligation en droit privé, préf. F. Leduc, Dalloz, 2012, nos 492 s. ; N. Hoffschir, La charge de la preuve en droit civil, préf. S. Amrani-Mekki, Dalloz, 2016, nos 89 s.). En s’abstenant de remettre un mémoire dans le délai requis, il n’est lésé aucun autre intérêt que ceux du demandeur au pourvoi. Le défendeur ne dispose d’aucun droit d’exiger du demandeur qu’il dépose un mémoire et on serait bien en peine de dire lequel de ses intérêts est lésé lorsque le demandeur ne satisfait pas à sa charge procédurale. La lecture de l’arrêt pourrait même laisser entendre que la Cour de cassation admet même que le défaut d’accomplissement d’une charge ne peut constituer une faute, ce que certains auteurs ont mis en avant en faisant valoir que la charge n’est pas même un devoir (G. Forest, Essai sur la notion d’obligation en droit privé, op. cit., n° 511). Il n’est cependant pas certain que la Cour de cassation ait entendu aller jusque-là et qu’il soit de l’essence de la charge d’exclure toute idée de faute. Quoi qu’il en soit, voici ainsi dessiné les premiers traits du régime de la charge processuelle.

La Cour de cassation fixe toutefois une limite à l’absence d’illicéité du défaut d’accomplissement d’une charge processuelle : l’abus. Il y a là quelque chose, du moins de prime abord, d’assez déconcertant. Car ce qui est abusif est l’exercice d’un droit ; le défaut d’accomplissement de ce qu’il est permis de nommer, au sens large, un « devoir » semble en revanche se soustraire à tout abus. Mais, prérogatives et charges sont intimement mêlées. D’une part, l’accomplissement d’une charge passe fréquemment par la reconnaissance de prérogatives (v. à propos de la charge de la preuve, G. Goubeaux, Le droit à la preuve, in C. Perelman et P. Foriers [dir.], La preuve, Bruylant 1981, p. 277, n° 1), dont la mise en œuvre peut dégénérer en abus. D’autre part, celui qui est tenu d’accomplir une charge dispose d’un choix entre deux alternatives et on ne peut totalement exclure que l’exercice de ce choix dégénère en abus. En tout état de cause, le défaut d’accomplissement d’une charge peut constituer un indice révélant un abus (par exemple un pourvoi en cassation).

Sauvegarde de la pratique des pourvois à titre conservatoire

Au-delà de ses apports théoriques, l’arrêt n’en a pas moins une grande portée pratique puisqu’il ne met pas au ban la pratique des pourvois formés à titre conservatoire. Celui qui, ayant formé un pourvoi en cassation, s’aperçoit finalement qu’il n’a aucune critique sérieuse à faire valoir ou souhaite abandonner la procédure, ne commet aucune faute de nature à engager sa responsabilité en s’abstenant de remettre un mémoire dans le délai de quatre mois dont il dispose. Cette solution vaut à l’évidence pour les autres voies de recours dont l’exercice impose leur auteur de formaliser un acte de procédure dans un délai requis ; tel est le cas de la procédure d’appel ordinaire lorsque la représentation est obligatoire (C. pr. civ., art. 908 et 911). Sur le plan pratique, cette solution paraît assez opportune. Car il est fréquent que les plaideurs s’adressent à un avocat peu de jours avant qu’expire le délai de recours, de sorte que le professionnel ne dispose pas d’un temps suffisant pour instruire celui-ci et apprécier ses chances de succès. Certes, il est toujours possible d’affirmer qu’interdire les recours à titre conservatoire permettrait de réduire le volume du contentieux. Mais il n’est pas du tout certain que tel serait le cas ; il est tout aussi vraisemblable que cela conduise les avocats à soutenir des recours alors qu’ils n’ont aucun moyen sérieux à faire valoir… L’interdire paraitrait donc peu opportun et cela d’autant plus que cette pratique produit des effets semblables à un désistement d’instance, qui est largement admis.

Devant la Cour de cassation, le désistement d’instance, sauf s’il est assorti de réserves ou si le défendeur a formé un pourvoi incident, n’a pas besoin d’être accepté (C. pr. civ., art. 1024) et emporte acquiescement au jugement ou à l’arrêt attaqué (C. pr. civ., art. 403 et 1025). De manière assez similaire, la déchéance du pourvoi entraîne l’extinction de l’instance et prive son auteur de la possibilité de former un nouveau pourvoi à l’encontre du même arrêt et à l’égard des mêmes parties (C. pr. civ., art. 621).

En réalité, ce qui pourrait poser difficulté est que la partie qui a exposé des frais pour l’instance ainsi engagée ne puisse en obtenir le remboursement en raison du désistement de son adversaire ou de la déchéance du pourvoi de ce dernier. Le désistement emportant, pour son auteur, soumission de payer les frais de l’instance éteinte (C. pr. civ., art. 399 et 1025), il peut être condamné d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Civ. 2e, 20 mars 1992, n° 92-60.195, Bull. civ. II, n° 100). En ce qui concerne la déchéance du pourvoi, rien ne s’oppose à ce qu’il en aille de même (v. qui condamnent au paiement de frais irrépétibles et dépens après avoir constaté la déchéance du pourvoi, Civ. 2e, 14 nov. 2019, n° 18-20.653, inédit ; 16 mai 2019, n° 18-16.287, inédit ; 4 avr. 2019, n° 17-31.214, inédit ; Civ. 3e, 15 oct. 2014, n° 13-14.271, Bull. civ. III, n° 131). La seule petite incertitude tient au fait que la déchéance produit son effet extinctif dès l’expiration du délai de quatre mois (Civ. 1re, 16 janv. 2007, n° 06-10.120, Bull. civ. I, n° 20), à l’instar du désistement qui, lorsqu’il n’a pas à être accepté, emporte extinction de l’instance au moment de la notification de l’acte qui l’exprime (Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 02-15.921, Bull. civ. II, n° 354 ; D. 2004. 2544 ; RTD civ. 2004. 777, obs. R. Perrot ). Cela pourrait prendre de cours le défendeur et le priver de la possibilité de former une demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Mais la Cour de cassation a su prendre en considération cette difficulté pour admettre la recevabilité de telles demandes (Civ. 2e, 10 janv. 2008, n° 06-21.938, Bull. civ. II, n° 7 ; D. 2008. 362 ; ibid. 2373, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis ; 9 nov. 2006, n° 05-16.611, Bull. civ. II, n° 315 ; D. 2007. 896, chron. V. Vigneau ; 11 juill. 1994, n° 92-15.757, inédit).

En définitive, aucune raison n’imposait de mettre un terme à la pratique des recours formés à titre conservatoire. Ce n’est donc pas une mauvaise chose qu’elle n’ait pas été condamnée !

Chacun sait qu’aux termes de l’article 126 du code de procédure civile « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». L’application de ce texte peut toutefois soulever quelques difficultés en cas d’exercice d’un recours subrogatoire, comme en témoigne l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 27 mai 2021.

L’affaire débute tristement alors qu’un salarié décède des suites d’un cancer broncho-pulmonaire dont l’origine professionnelle a été reconnue. Ses ayants droit ayant accepté l’offre d’indemnisation formulée par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), ce dernier a décidé d’assigner l’employeur en reconnaissance d’une faute inexcusable devant (feu) le tribunal des affaires de la sécurité sociale. Mais ce n’est que postérieurement à l’introduction de l’instance que le FIVA a effectivement procédé au paiement des ayants droit, ce dont l’employeur assigné a tenté de se prévaloir en soutenant que les demandes du FIVA à son égard étaient irrecevables. La cour d’appel n’a pas fait droit à ce moyen et a condamné l’employeur à verser diverses sommes, ce qui l’a conduit à former un pourvoi en cassation. Devant la Cour de cassation, l’employeur a fait valoir que le FIVA était dépourvu du droit d’agir lorsqu’il a introduit l’instance et que le paiement fait ultérieurement entre les mains des ayants droit n’avait pu régulariser la situation. La Cour de cassation rejette le pourvoi : le « défaut de qualité à agir du FIVA, en l’absence de paiement à la victime ou à ses ayants droit de l’indemnité, préalablement à l’engagement de l’action subrogatoire, donnant lieu à une fin de non-recevoir, peut être régularisé jusqu’au jour où le juge statue », de sorte que la cour d’appel avait légalement justifié sa décision...

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En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, dont il est fait une « interprétation nouvelle », la partie appelante doit demander, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation ou l’annulation du jugement dont appel. À défaut, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement. Mais cette jurisprudence, de laquelle résulte une nouvelle règle de procédure, n’est applicable qu’aux appels formés à compter du 17 septembre 2020, de manière à ne pas priver les parties de leurs droits à un procès équitable.

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Auteur d'origine: clhermitte

À l’occasion de la vente d’un lot de copropriété par adjudication, si le paiement de la provision de charges incombe au copropriétaire saisi, en revanche, c’est l’adjudicataire qui est redevable du coût de l’état daté.

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Auteur d'origine: Rouquet

En début d’année, la Cour des comptes a publié un référé sur la fiscalité des dons aux associations. Elle se penchait sur la pratique du rescrit mécénat, qui permet aux associations de savoir si les dons qu’elles reçoivent peuvent être défiscalisés. Elle demandait la transparence de la note qui permet au fisc de traiter les associations à contenu idéologique. À la suite d’un avis CADA, Dalloz actualité a obtenu ce document.

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Auteur d'origine: Dargent

L’action en paiement du solde des travaux se prescrit à compter de la date d’achèvement des prestations par le professionnel. Si ce nouveau point de départ a pour effet de le priver du droit d’accès à un juge, il convient de revenir au point de départ anciennement fixé au jour de l’établissement de la facture.

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Auteur d'origine: Dargent

Lorsque l’emprunt de la procédure à jour fixe est imposé par la loi, l’irrecevabilité de l’appel qui découle de l’absence d’annexion à l’assignation d’une copie de l’ordonnance autorisant l’appelant à assigner son adversaire à jour fixe n’est pas contraire au droit à un procès équitable.

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Auteur d'origine: Dargent

L’héritière d’un tableau de Pissarro, volé par les nazis en France, a renoncé à tous ses droits à la veille de la décision du tribunal judiciaire de Paris l’opposant à l’université d’Oklahoma à qui la toile a été léguée en 2000 par un couple de collectionneurs américains.

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Auteur d'origine: Bley
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Dans le premier arrêt, un appel avait été formé le 6 juillet 2017, soit avant l’entrée en vigueur de la réforme issue du décret du 6 mai 2017, et dans le second arrêt, l’appel était du 6 mars 2018. Les appels étaient donc tous deux antérieurs au 17 septembre 2020.

Dans les deux affaires, la cour d’appel, au motif que le dispositif des conclusions ne contenait aucune demande d’infirmation du jugement, et faisant application de la nouvelle règle issue de l’arrêt du 17 septembre 2020, a refusé d’examiner les prétentions contenues dans le dispositif des conclusions de l’appelant, et confirmé le jugement.

Les arrêts sont cassés par la Cour de cassation pour laquelle admettre une telle solution aboutirait à priver les parties de leur accès à un procès équitable. Cette nouvelle interprétation des articles 542 et 954 ne peut donc concerner que les appels formés à compter de la date de l’arrêt publié.

Une « nouvelle interprétation » pour l’avenir

Le 17 septembre 2020, la Cour de cassation a opéré une « nouvelle interprétation » des articles 542 et 954, considérant que si l’appelant omet, dans son dispositif, de demander l’infirmation ou l’annulation du jugement dont appel, la cour n’est saisie d’aucune prétention, de sorte qu’elle ne peut alors que confirmer le jugement (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626 P, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, obs. C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal ; Gaz. Pal. 27 oct. 2020, p. 9, note P. Gerbay ; ibid. 8 déc. 2020, p. 41, note Ansault ; ibid. 26 janv. 2021, p. 79, note N. Hoffschir ; ibid. 26 janv. 2021, p. 82, note Lauvergnat ; Defrénois 2021, n° 3, p. 13, note Mazure).

Il s’agissait d’une solution nouvelle, voire innovante, et il faut être assez imaginatif pour trouver dans les articles 542 et 954 une telle charge procédurale.

La Cour de cassation fait supporter par la partie appelante une nouvelle obligation procédurale à laquelle le législateur n’avait vraisemblablement pas songé lorsqu’il a modifié les articles 542 et 954, avec le décret du 6 mai 2017.

Précédemment, la Cour de cassation avait jugé, dans un arrêt inédit, que « les conclusions d’appelant exigées par l’article 908 du code de procédure civile (sont celles) qui déterminent l’objet du litige », et constaté la caducité de la déclaration d’appel au motif que les conclusions qui « comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l’infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré (…) ne déterminaient pas l’objet du litige porté devant la cour d’appel » (Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 18-10.983, D. 2020. 576, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2019. 180, obs. M. Jean ; Gaz. Pal. 5 nov. 2019, p. 40, obs. A. Guyonnet).

Il ne nous apparaît pas que l’arrêt du 17 septembre 2020 constitue véritablement un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt du 31 janvier 2019, lequel continue de s’inscrire, dans une certaine mesure, dans cette jurisprudence concernant la nature des conclusions qui doivent déterminer l’objet du litige (Civ. 2e, 26 juin 1991, JCP 1992. II. 21821, note Estoup ; Cass., avis, 21 janv. 2013, n° 12-00.016 P, RTD civ. 2015. 199, obs. N. Cayrol  ; BICC 1er avr. 2013, p. 8, rapp. de Leiris et obs. Lathoud ; JCP 2013. 135, obs. Gerbay ; Gaz. Pal. 17-19 févr. 2013, p. 10, obs. Travier et Guichard ; ibid. 24-26 févr. 2013, p. 12, obs. Dary et d’Arjuzon ; ibid. 8-9 mars 2013, p. 25, note Pellerin). Ce qui était alors reproché en l’espèce n’était peut-être pas tant l’absence de demande d’infirmation ou d’annulation que l’absence de toutes prétentions.

Lorsque les conclusions ne contiennent aucune prétention, et qu’elles ne sont pas des conclusions au fond, et ce sera le cas si une partie se contente de demander le sursis à statuer par exemple, alors la partie ne satisfait à son obligation de conclure « au fond » dans son délai, et la sanction doit pouvoir être la caducité de la déclaration d’appel s’agissant d’un appelant.

Mais dès lors que les conclusions contiennent des prétentions, et sont véritablement des conclusions au fond, mais que l’appelant a (seulement) omis de demander l’infirmation ou l’annulation, la sanction ne peut qu’être la confirmation du jugement.

De cette manière, les deux arrêts se comprennent davantage, et celui du 31 janvier 2019 demeure d’actualité pour sanctionner la partie n’ayant pas régularisé des conclusions au fond.

Celui du 17 septembre 2020 apporte une nuance, une évolution d’une jurisprudence qui pourrait être trop radicale, en excluant que les conclusions soient regardées comme ne déterminant pas l’objet du...

par Yves Rouquetle 4 juin 2021

Civ. 3e, 20 mai 2021, FS-P, n° 20-15.633

Par l’arrêt de censure partielle rapporté, la Haute juridiction précise qui, du copropriétaire saisi ou de l’adjudicataire est redevable de la provision de charges et du coût de l’établissement de l’état daté.

Paiement de la provision sur charges

Au cas particulier, alors que la provision sur charges du 4e trimestre était exigible le 1er octobre et que l’adjudication avait eu lieu le 5, le copropriétaire saisi faisait grief au juge du fond de l’avoir condamné à verser au syndicat une certaine somme au titre d’un arriéré de charges.

Selon lui, si les articles 6-2 du décret du 17 mars 1967 et 14-1 de la...

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5 405 « rescrits mécénat » ont été traités par l’administration en 2019. Dans son référé, la cour notait que « le rescrit relève d’une procédure lourde avec une batterie de critères dont certains restent inconnus du public ». Par ailleurs, le rescrit ne constitue pas une autorisation : une association peut émettre des reçus fiscaux sans l’avoir demandé. De plus, il « n’est valable qu’à un moment donné, au vu de la situation de l’association et des pièces communiquées ».

La Cour constate « que l’administration fiscale peut être conduite, dans certains cas, à apprécier le message véhiculé par l’association concomitamment à l’activité qu’elle déploie », citant les organismes politiques, militants, revendicatifs ou religieux. Pour ces associations, la DGFIP s’appuie sur une note interne, non publiée, aux bases juridiques fragiles. Pour la Cour, la note laisse « une large part à l’appréciation, parfois subjective, de l’administration » et est appliquée de façon hétérogène sur le territoire. La Cour demandait la publication de cette note, « afin d’assurer la pleine information du public ». Ce que la DGFIP n’a pas fait.

Face au refus de l’administration, Dalloz actualité a saisi la CADA. La commission nous a donné un avis favorable et la note nous a alors été transmise. Les services fiscaux insistent sur le fait « que cette fiche n’est pas un élément de doctrine publiée mais un outil de travail interne établi par le service juridique en 2008, il y a donc plus de dix ans ». Le Service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal ne formulerait aujourd’hui pas tous les points de la même manière. Par ailleurs, un projet plus général d’actualisation de la doctrine publiée sur le mécénat devrait intervenir l’an prochain.

Une note pour orienter les demandes de rescrit

Comme nous l’indique la DGFIP, le but de la note « n’est pas tant de commenter la loi que d’organiser le traitement des demandes en rappelant que c’est la connaissance de l’activité effective de l’organisme qui permet de nous prononcer sur l’application de l’aide fiscale ».

La note rappelle d’abord que, s’agissant des associations qui diffusent des messages philosophiques, politiques, militants ou religieux, aucune réponse uniforme ne peut être dégagée. Mais elles ne peuvent être écartées sur ce seul fondement. Ainsi, dès lors que l’objet d’une association est culturel, le caractère d’intérêt général ne peut être refusé même si les œuvres présentent un caractère politique ou religieux.

Trois types d’association sont distingués : d’abord les associations véhiculant un message politique (think tank, cercle de réflexion, fondation). « Dès lors que son objet principal n’est pas de prôner l’idéologie politique dont il se réclame, mais de réaliser une activité présentant l’un des caractères visés par le texte, l’examen de l’organisme n’a rien de spécifique », quelle que soit la nature de l’idéologie affichée. Toutefois, « si l’organisme se place régulièrement dans l’illégalité du fait des idées qu’il véhicule (racisme, sexisme) ou des moyens qu’il utilise », le bénéfice du régime du mécénat pourra être écarté. « Les réductions d’impôt instituées par la loi ne peuvent avoir pour effet de permettre à un organisme de les transgresser ». Ne peuvent revêtir un caractère scientifique les travaux d’un organisme dont l’objet est avant tout de servir de tribune politique.

Deuxième type, les associations militantes ou revendicatives, qui ont pour objet de modifier la législation en vigueur sur des sujets particuliers (euthanasie, IVG, OGM, etc.). L’administration doit alors « faire abstraction des objectifs philosophiques politiques ou moraux » de l’organisme. Mais, pour bénéficier du rescrit mécénat, l’association ne peut avoir comme seule activité une action de lobbying, même si cela peut être une activité secondaire. Elle ne peut non plus enfreindre régulièrement la loi. Par ailleurs, elle recommande que les directions saisissent l’administration centrale.

Enfin, la note évoque les « associations religieuses ou sectaires », qui sont à distinguer de celles ayant un objet cultuel. Les associations ici visées exercent en effet une activité autre que cultuelle. Le rejet d’une demande ne peut être motivé du seul fait qu’elles présentent un caractère religieux ou fonctionne au profit de pratiquants. La note cite ainsi l’exemple d’un établissement sous contrat, qui resterait ouvert à des élèves de toute confession. Toutefois, il en ira différemment si l’organisme est réservé aux fidèles d’une religion. Par ailleurs, pour les organismes répertoriés comme sectaires, la saisine des services centraux est vivement recommandée.

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Ayant entrepris la construction d’une maison d’habitation, des maîtres de l’ouvrage consommateurs ont confié à une entreprise des travaux de gros œuvre, lesquels donnèrent lieu à un procès-verbal de réception avec réserves.

L’entreprise de gros œuvre a agi, par acte d’assignation délivré le 24 décembre 2015 à l’encontre des maîtres de l’ouvrage, en paiement d’une facture émise le 31 décembre 2013 correspondant au solde des travaux. Ces derniers lui opposèrent la prescription de son action.

La cour d’appel déclara l’action du professionnel irrecevable comme prescrite au motif que la facture avait été établie près de sept mois après l’exécution de la prestation en méconnaissance des délais d’établissement impartis par les articles L. 441-3 du code de commerce et 289 du code général des impôts, que sa date n’était pas certaine et que le délai de prescription avait commencé à courir le 1er septembre 2013, date à laquelle la facture aurait au plus tard dû être émise.

L’entreprise forma un pourvoi en cassation, soutenant que le point de départ du délai de prescription de son action en paiement ne pouvait commencer à courir qu’au jour de l’établissement de la facture, le 31 décembre 2013.

Dans cet arrêt d’une brillante pédagogie, la Cour de cassation offre deux enseignements : si en principe le délai de prescription court à compter de l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations par le professionnel, par exception l’ancien point de départ du délai au jour de l’établissement de la facture litigieuse retrouve matière à s’appliquer.

L’harmonisation du point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services

1. En l’espèce, la prescription biennale de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, était applicable en la cause puisque l’action en paiement avait été introduite par un professionnel contre des maîtres de l’ouvrage consommateurs.

À défaut pour un tel article de prévoir un point de départ du délai spécifique, il convient de se référer à l’article 2224 du code civil lequel, au-delà d’édicter un délai de prescription de droit commun, instaure un point de départ de droit commun.

Il en résulte que la prescription biennale du code de la consommation demeure soumise à un point de départ « glissant » au jour où le créancier professionnel a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.

Le point de départ du délai de prescription faisait l’objet d’une analyse divergente selon qu’il concernait l’action en paiement des prestations de service dans les relations consuméristes ou commerciales.

2. En matière d’actions en paiement introduites par un professionnel contre un consommateur, la jurisprudence constante de la Cour de cassation fixait jusqu’alors le point de départ de la prescription biennale au jour de l’établissement de la facture litigieuse (Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-10.908, Bull. civ. I, n° 136 ; Dalloz actualité, 23 juin 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 1269 ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2015. 410, obs. H. Heugas-Darraspen ; 9 juin 2017, n° 16-12.457 P, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 1245 ; ibid. 1859, chron. S. Canas, C. Barel, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, J. Mouty-Tardieu, R. Le Cotty, C. Roth et S. Gargoullaud ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2017. 653, obs. H. Barbier  ; Civ. 3e, 14 févr. 2019, n° 17-31.466, inédit).

3. En matière d’actions en paiement introduites entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, relevant de la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient une analyse contraire : « l’obligation au paiement du client prend naissance au moment où la prestation commandée a été exécutée [de sorte que la société] connaissait, dès l’achèvement de ses prestations, les faits lui permettant d’exercer son action en paiement de leur prix […] peu important la date à laquelle elle avait décidé d’établir sa facture » (Com. 26 févr. 2020, n° 18-25.036 P, D. 2020. 486 ; AJ contrat 2020. 337, obs. K. Magnier-Merran ; RTD civ. 2020. 389, obs. H. Barbier ; CCC 2020. Comm. 83, obs. N. Mathey ; JCP 2020. Comm. 857, note F. Buy ; JCP E 2020. Comm. 1265, obs. A. Bories ; Civ. 3e, 21 nov. 2019, n° 18-22.048, inédit).

4. Afin d’uniformiser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, la Cour de cassation décide dans cet arrêt de fixer la date de la connaissance des faits permettant au professionnel d’exercer son action au jour de « l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations ».

En d’autres termes, la haute juridiction aligne désormais la prescription biennale consumériste sur la prescription quinquennale en matière commerciale.

La solution de la Cour de cassation doit être approuvée en ce qu’elle s’avère conforme à la théorie générale de la prescription extinctive. En effet, une créance se prescrit à compter de l’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance. Dès lors, le droit de créance d’un professionnel devient exigible à la date d’achèvement des prestations qui lui ont été contractuellement confiées. Ceci explique que la créance correspondant au solde des travaux se prescrit à compter de l’achèvement desdits travaux. Cette analyse a également le mérite d’inciter les professionnels à faire diligence et à établir la facture dans de brefs délais.

La survivance exceptionnelle de l’ancien point de départ

5. Après avoir établi un point de départ de principe, la haute juridiction le dote aussitôt d’un tempérament. En l’espèce, le nouveau point de départ fixé au jour de l’achèvement des prestations aboutissait à faire expirer le délai de prescription de l’action de l’entreprise de gros œuvre.

Or, selon la Cour, « si la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, il en va différemment si la mise en œuvre de ce principe affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action ».

L’arrêt, poursuivant son analyse, énonce que le point de départ nouveau avait pour effet de priver le professionnel, qui n’avait pu raisonnablement anticiper une telle modification de la jurisprudence, d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, en lui interdisant l’accès au juge.

En d’autres termes, par exception au principe d’application immédiate de la jurisprudence, si le nouveau point de départ d’un délai de prescription a pour effet de rendre l’action du demandeur prescrite, le privant du droit d’accès à un juge, et alors que ce dernier, de bonne foi, ne pouvait pas raisonnablement l’anticiper, l’ancien point de départ du délai de prescription retrouve matière à s’appliquer.

En conséquence, la Cour de cassation décide de prendre en compte la date d’établissement de la facture, le 31 décembre 2013, comme constituant le point de départ du délai de prescription. L’action en paiement de l’entreprise de gros œuvre, introduite par exploit d’huissier du 24 décembre 2015, demeurait de ce fait recevable.

6. Un tel point de départ s’avère néanmoins contestable en ce que le créancier dispose finalement de la maîtrise du déclenchement du cours de la prescription biennale. S’il tarde à émettre sa facture, le point de départ du délai de prescription s’en retrouve conséquemment reporté (en l’espèce, la facture avait été établie par l’entreprise de gros œuvre près de sept mois suivant l’exécution de sa prestation). Or le consommateur n’a pas à pâtir de la carence du professionnel dans l’établissement de la facture. Cette situation s’avère contraire à l’objectif de protection du consommateur poursuivi par le droit de la consommation ainsi qu’à l’esprit de la prescription extinctive laquelle vise à sanctionner l’inertie du créancier qui néglige d’agir dans un délai déterminé.

Ce raisonnement n’est pas celui de la Cour de cassation qui entend faire primer le droit d’accès à un tribunal protégé par la Convention européenne des droits de l’homme – auquel on peut y adjoindre le droit à un recours effectif. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme estime de longue date que les délais de prescription, eu égard aux buts légitimes qu’ils poursuivent et la marge d’appréciation reconnue aux États quant à la réglementation de l’accès à un tribunal, n’ont pas pour effet de violer l’article 6, § 1, de la Convention européenne (CEDH 22 oct. 1996, Stubbings et a. c. Royaume-Uni, n° 22083/93, § 51, RSC 1997. 464, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 470, obs. R. Koering-Joulin  ; 11 mars 2014, Howald Moor et a. c. Suisse, n° 52067/10, § 72, D. 2014. 1019 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2362, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; Dr. soc. 2015. 719, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly ).

Pour aller plus loin : dans l’hypothèse où le contrat porterait sur une obligation à exécution échelonnée, la prescription se divise et court à l’égard de chacune des échéances successives appelées en cours du chantier à compter de son exigibilité. Le solde du prix se prescrit quant à lui au jour de l’achèvement des prestations.

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Chacun sait que celui qui souhaite interjeter appel d’un jugement d’orientation doit y procéder selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours qui suivent la notification du jugement (CPCE, art. R. 322-19). L’appelant doit alors respecter une procédure en deux temps. Dans un premier, il lui appartient de saisir le premier président de la cour d’appel d’une requête tendant à être autorisé à assigner son adversaire à jour fixe (C. pr. civ., art. 919). Dans un second, il doit assigner son adversaire pour le jour fixé, cette assignation devant comprendre les copies de la requête et de l’ordonnance rendue par le premier président ainsi qu’un exemplaire ou une copie (selon les cas) de la déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 920).

En ayant ces quelques notions à l’esprit, il est permis de se plonger dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté. Au cours d’une procédure de saisie immobilière, deux tiers avaient tenté d’intervenir volontairement au jour de l’audience d’orientation, puis au jour de l’audience d’adjudication. À chaque fois, le juge de l’exécution avait déclaré leur demande irrecevable.

Ils n’en restèrent pas là et décidèrent d’interjeter appel du jugement d’orientation. Après que le premier président eut rendu une ordonnance les autorisant à assigner leur adversaire à jour fixe, ils entreprirent de faire signifier l’assignation. Mais la copie de l’ordonnance qui y était jointe présentait quelques discordances avec celle conservée au dossier de la procédure : elle ne comportait aucune signature, la police de caractère de la date de l’ordonnance signée par la présidente était différente de celle apparaissant sur la copie et la date figurant sur l’ordonnance signée par la présidente était manuscrite de la façon suivante « le 04 SEP.2018 » alors que la date figurant sur la copie de l’ordonnance annexée à l’assignation à jour fixe est dactylographiée comme suit « le 4 septembre 2018 ». La cour d’appel a en conséquence jugé que l’acte annexé à l’assignation ne constituait pas une copie de l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel et a déclaré l’appel irrecevable.

Loin de se décourager, les deux tiers ont formé deux pourvois en cassation : l’un pour critiquer l’arrêt qui avait déclaré leur appel du jugement d’orientation irrecevable et l’autre dirigé à l’encontre du jugement d’adjudication et du jugement qui, rendu le même jour, avait déclaré leur demande d’intervention irrecevable.

Logiquement, le pourvoi dirigé contre l’arrêt ayant déclaré l’appel du jugement d’orientation irrecevable a été le seul à être reçu. À son soutien, les demandeurs au pourvoi ont bien fait valoir que la cour d’appel n’avait pas suffisamment caractérisé les différences entre la copie signifiée et l’ordonnance conservée au dossier du tribunal et que déclarer leur appel irrecevable pour des différences aussi minimes porterait une atteinte excessive à leur droit au juge. En vain ! Après avoir souligné qu’il résulte des articles R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution et 920 du code de procédure civile qu’il appartient à l’appelant de joindre à son assignation une « copie intègre » de l’ordonnance du premier président l’autorisant à assigner son adversaire à jour fixe, la haute juridiction juge que cette formalité ne procède d’aucun formalisme excessif dès lors qu’elle poursuit un but légitime qui est « d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel contre un jugement d’orientation rendu en matière de saisie immobilière et le respect du principe de la contradiction, en permettant aux autres parties de prendre connaissance en temps utile des prétentions de l’appelant ainsi que de l’ensemble des pièces de cette procédure accélérée et de vérifier sa régularité ».

Cette décision prend appui sur le fait établi que l’acte annexé aux conclusions des appelants ne constituait pas la copie de l’ordonnance délivrée par le premier président du tribunal. Il n’était pourtant pas si évident de considérer que les appelants avaient commis une erreur et annexé ce qui semblait être un projet de requête. Car l’ordonnance autorisant à assigner à jour fixe est rendue en double exemplaire, ce qu’indique l’article 498 du code de procédure civile lorsqu’il prévoit que « le double de l’ordonnance est conservé au greffe ». Or il n’est pas inconcevable que le contenu de la minute remise à l’appelant diffère sur quelques points – comme l’indication de la date – de l’original conservé au dossier de la procédure. Ce point n’a cependant pas été soulevé devant les juridictions.

En considérant que la copie annexée à l’assignation n’était pas celle de l’ordonnance du premier président, il restait encore à en déterminer les conséquences.

La Cour de cassation, comme la cour d’appel, considère que, faute pour les appelants d’avoir joint une copie de l’ordonnance, l’appel est irrecevable. Le pourvoi ne le contestait pas. Car, décide la Cour de cassation, lorsque le recours à la procédure à jour fixe est imposé par la loi, tout appel qui serait formé selon une forme différente doit être déclaré irrecevable (Civ. 2e, 5 janv. 2017, n° 14-21.908 NP ; 1er sept. 2016, n° 15-11.018 NP ; 16 oct. 2014, n° 13-24.634, Bull. civ. II, n° 217 ; Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 287, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2015. 194, obs. N. Cayrol ). Cela est rationnel. Ce qui l’est moins, en revanche, est que, comme par capillarité, les irrégularités affectant les actes qui émaillent la procédure à jour fixe sont alors sanctionnées par l’irrecevabilité de l’appel. La Cour de cassation en a décidé ainsi lorsque l’appelant ne remet pas sa requête adressée au premier président dans les huit jours de la déclaration d’appel (Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-24.140 NP ; AJDI 2017. 862 ; 19 mars 2015, nos 14-14.926 et 14-15.150, Bull. civ. II, n° 69 ; Dalloz actualité, 3 avr. 2015, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 742 ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; RTD civ. 2015. 461, obs. N. Cayrol ), si elle ne contient pas les conclusions au fond et ne vise pas ses pièces justificatives (Civ. 2e, 21 févr. 2019, n° 18-11.469 NP ; 7 avr. 2016, n° 15-11.042, Bull. civ. II, n° 104 ; Dalloz actualité, 6 mai 2015, obs. M. Kebir ; D. 2017. 1388, obs. A. Leborgne ) ou encore lorsque n’est pas jointe à l’assignation adressée à l’intimé une copie de la requête (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-21.833 P, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1920 ; ibid. 2019. 1306, obs. A. Leborgne ). En sanctionnant l’omission de l’annexion d’une copie de l’ordonnance à l’assignation par l’irrecevabilité de l’appel, la Cour de cassation s’inscrit dans ce sillon jurisprudentiel. Mais, il faut le dire, c’est vraisemblablement la circonstance que la loi impose le recours à la procédure à jour fixe qui fonde cette solution : l’omission d’une copie de l’ordonnance ou de la requête lorsque le recours à la procédure à jour fixe est décidé par le juge en considération du péril dont fait état l’une des parties serait vraisemblablement appréhendée comme un simple vice de forme (v., pour une assignation à jour fixe devant le tribunal judiciaire, Civ. 3e, 12 oct. 2005, n° 04-18.511, Bull. civ. III, n° 194 ; RTD civ. 2006. 150, obs. R. Perrot ; v. égal., à propos du non-respect du délai de huit jours pour présenter la requête, Civ. 1re, 23 févr. 1983, n° 81-14.731, Bull. civ. I, n° 74), comme peut l’être l’omission de la copie de l’autorisation délivrée par le juge de l’exécution dans l’acte de dénonciation d’une saisie conservatoire (Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 16-23.601, Bull. civ. II, n° 62 ; Dalloz actualité, 10 avr. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 675 ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ; ibid. 2048, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ).

La question centrale était dès lors de savoir si déclarer ainsi l’appel irrecevable était conforme au droit à un procès équitable. Le pourvoi soutenait que tel n’était pas le cas en prenant le soin de stigmatiser les divergences minimes entre l’original conservé au dossier de la procédure et la copie annexée à l’assignation. Logiquement, la Cour de cassation a refusé de procéder à un contrôle in concreto et n’a donc pas pris en considération ces données factuelles (A. Martinel, Le contrôle de proportionnalité dans la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de procédure civile, RJA, n° 24, déc. 2020, ENM, p. 60, spéc. p. 64). Cela ne l’a toutefois pas empêché de mener un contrôle in abstracto. À cet égard, chacun sait que le droit à un procès équitable est méconnu lorsque « l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche, de fait, l’examen au fond du recours exercé par l’intéressé » (CEDH 5 nov. 2015, req. n° 21444/11, Henrioud c. France, Dalloz actualité, 18 nov. 2015, obs. F. Mélin ; D. 2016. 1245 , note G. Bolard ; 29 mars 2011, req. n° 50084/06, RTBF c. Belgique, Dalloz actualité, 15 avr. 2015, obs. S. Lavric ; Légipresse 2011. 332 et les obs. ; ibid. 558, comm. C. Mas ; 24 juill. 2008, req. n° 17140/05, Kemp et a. c. Luxembourg). Pour qu’une formalité ne procède pas d’un formalisme excessif, il faut en conséquence qu’elle soit prévisible (CEDH 23 oct. 1996, req. n° 21920/93, Levages prestation services c. France, § 41, AJDA 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; D. 1997. 209 , obs. N. Fricero ), qu’elle poursuive un « but légitime » et qu’il existe « un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (CEDH 5 nov. 2015, préc., § 56). Assurément, l’irrecevabilité de l’appel tirée de l’omission d’une copie de l’ordonnance constituait une sanction prévisible pour un professionnel du droit (v. supra). La légitimité de cette formalité n’appelle pas davantage de longs commentaires : la notification de l’ordonnance permet à l’intimé de prendre connaissance des raisons qui ont justifié que l’appelant bénéficie d’une autorisation pour l’assigner à jour fixe (même si cette procédure est imposée par la loi) et participe de la célérité et de l’efficacité de l’appel (on pourrait simplement douter de la nécessité de joindre en outre la requête, mais telle n’était pas la question). En revanche, la proportionnalité entre ces objectifs et la sanction de l’irrecevabilité pouvait être débattue. Car sanctionner le défaut d’annexion d’une simple nullité pour vice de forme pourrait suffire à préserver les droits de la défense : au jour de l’audience, s’il apparaît que l’intimé a subi un grief en raison du défaut d’annexion d’une copie fidèle de l’ordonnance, il lui suffirait de demander la nullité de l’assignation. La Cour de cassation – peut-être en ayant à l’esprit que les actes nuls peuvent néanmoins parfois produire quelques effets – est cependant parvenue à une autre conclusion et a déclaré que le dispositif était conforme au droit à un procès équitable. Cela ne convainc qu’à moitié !

C’est un combat qui tenait de la croisade depuis trente et un ans. Léone Meyer, 81 ans, souhaitait obtenir la restitution de La Bergère rentrant des moutons, de Camille Pissarro, un tableau impressionniste spolié durant la Seconde Guerre mondiale à sa famille adoptive. Et, en faire don au musée d’Orsay où il est temporairement exposé. Elle a décidé d’y mettre fin mardi alors que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris devait se prononcer mercredi sur sa demande de restitution et d’exclusive propriété de cette peinture.

« Après tant d’années, je dois constater mon impossibilité à convaincre les différents intervenants auxquels je me suis adressée. J’ai été écoutée, mais jamais entendue. C’est pourquoi j’ai pris la décision de renoncer à tous les droits sur ce tableau. Et même de renoncer à mon titre de propriété […] en faveur de la Fondation de l’université d’Oklahoma », déclare-t-elle dans un communiqué.

Sans doute les deux ordonnances du 17 mai du juge des référés ont-elles pesé dans son choix. En effet, Mme Meyer s’est vue déboutée de sa demande de mise sous séquestre du tableau et de sa requête en opposition d’une injonction antiprocès (anti-suit injonction) prononcée par un juge américain (v. Dalloz actualité, 17 mai 2021).

Sa demande de restitution sur le fondement de l’ordonnance du 21 avril 1945 sur les biens spoliés et l’annulation de l’accord signé en 2016 avec la Fondation de l’université d’Oklahoma avait-elle une chance d’aboutir ? La question restera en suspens.

« Depuis presque dix ans, je me bats pour faire reconnaître le droit à la restitution d’une œuvre d’art spoliée, indépendamment de toute autre considération touchant à son trajet, à son histoire, ou à celle de ses “détenteurs” successifs », poursuit-elle dans ce communiqué.

L’histoire de cette peinture résume les difficultés et écueils auxquels ont été confrontées les familles juives spoliées, ou leurs héritiers, pour récupérer leurs biens. En 2012, Mme Meyer localise le tableau de Pissarro au Fred Jones Jr Museum of Art de l’université d’Oklahoma. Il a été volé en 1941, avec toute la collection familiale, à ses parents par les Allemands. À l’issue de la guerre, La Bergère manque à l’appel.

Elle refait surface chez un marchand d’art en Suisse en 1951. La justice helvétique rejette la demande de restitution. En 1956, elle se trouve aux États-Unis où un couple de collectionneurs, Clara et Aaron Weitzenhoffer, l’achète à un galeriste un an plus tard. En 2000, ils la lèguent, avec d’autres tableaux, au Fred Jones Jr Museum of Art de l’université d’Oklahoma. Pourtant, depuis 1947, ce tableau de Pissarro figure au Répertoire des biens spoliés en France, consultable par tous, en particulier galeristes ou institutions muséales.

En février 2016, Mme Meyer signe un accord avec la Fondation de l’université d’Oklahoma, ratifié par la justice américaine, et exequaturé en France en octobre de la même année. Elle devient propriétaire du tableau mais ne peut le vendre sans l’accord de la partie américaine. Le protocole prévoit une rotation tous les trois ans entre le Fred Jones Jr Museum of Art et une institution muséale française choisie par Mme Meyer. Le musée d’Orsay a décliné la proposition, estimant la mesure trop contraignante.

La volonté de Mme Meyer d’obtenir la restitution de cette peinture familiale pour en faire don au musée d’Orsay ne se réalisera donc pas. « Je me suis battue aussi pour tenter d’offrir ce tableau au musée d’Orsay qui avait accepté de l’exposer pendant cinq ans, et je gardais le secret espoir que la fondation de l’Oklahoma puisse se sentir fière de participer avec moi à ce don, ce qui aurait permis au musée de l’accepter sans réserve », regrette-t-elle.

Selon les termes d’un accord, rendu public mardi, et qui reprend en partie celui de 2016, Mme Meyer « transfère le titre, les intérêts et tous les droits afférents au tableau de Pissarro à la Fondation de l’université de l’Oklahoma », est-il indiqué dans un communiqué commun.

En retour, la Fondation américaine s’engage « à identifier et à transférer la propriété à une institution publique française ou au programme américain Art dans les ambassades, sous réserve de l’accord original des parties de rotation de trois ans pour une exposition publique », selon ce même communiqué. Le musée d’Orsay ayant refusé le principe de la rotation triennale, il est peu probable qu’un autre musée l’accepte.

Jusqu’au 21 juillet, le tableau restera accroché au musée d’Orsay avant de repartir aux États-Unis. D’ici là, une plaque devra rappeler sa provenance, « reconnaissant l’histoire de la famille Meyer ainsi que la bonne foi de la famille Weitzenhoffer et de l’université d’Oklahoma », toujours selon ce communiqué commun.

« La Fondation de l’université d’Oklahoma est désormais le seul propriétaire du tableau. En ce qui concerne Mme Meyer, l’université et ses représentants sont par conséquent libres d’en faire tout usage », a estimé Me Ron Soffer, le conseil de Mme Meyer.

Mercredi, le juge des référés s’est borné à constater dans son ordonnance le désistement des deux parties.

 

Sur l’affaire de La Bergère, Dalloz actualité a également publié :

• Bataille judiciaire franco-américaine autour d’une peinture de Pissarro volée sous l’Occupation, par Pierre-Antoine Souchard le 3 mars 2021

• Le juge des référés refuse la mise sous séquestre d’une peinture de Pissarro volée sous l’Occupation, par Pierre-Antoine Souchard le 17 mai 2021

L’intimé qui forme opposition contre un arrêt rendu par défaut dans une procédure avec représentation obligatoire doit, à peine d’irrecevabilité de sa défense, acquitter le timbre fiscal et la cour d’appel doit solliciter les observations des parties si elle entend relever d’office cette fin de non-recevoir.

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Auteur d'origine: laffly

La Cour de cassation réaffirme à nouveau que l’acte reçu par un notaire du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle peut donner lieu à exécution forcée dès lors qu’il contient tous les éléments qui permettent d’évaluer le montant de la créance au moment de l’exercice des poursuites.

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Auteur d'origine: Dargent

Le commissaire à l’exécution du plan n’a pas la qualité pour poursuivre une action exercée par le débiteur antérieurement à l’ouverture de sa procédure collective ou une action engagée pendant la période d’observation à laquelle le mandataire judiciaire n’avait pas à être appelé.

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Auteur d'origine: bferrari

La Cour de justice de l’Union européenne se penche sur la détermination des juridictions compétentes dans un litige opposant l’assureur du responsable d’un accident de la route au cessionnaire de la créance d’indemnisation détenue par la victime.

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Auteur d'origine: fmelin

Dans un arrêt du 20 mai 2021, la Cour de cassation rappelle l’interdiction faite au JEX de remettre en cause un titre exécutoire constitué par une décision de justice ainsi que les conditions de mise à exécution d’un tel titre, parmi lesquelles figure la présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire.

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Auteur d'origine: gpayan

Le versement du prix de vente effectué par le notaire sur son compte de dépôt obligatoire ouvert à la Caisse des dépôts et consignations n’équivaut pas à la consignation de ce prix prévue par l’article 2481 du code civil.

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Auteur d'origine: Rouquet
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Une partie forme appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’un jugement du tribunal de grande instance. Par arrêt rendu par défaut le 29 juin 2017, la cour d’appel confirme partiellement le jugement et l’intimé forme opposition le 9 août 2017, laquelle est déclarée irrecevable pour non-paiement du timbre fiscal selon arrêt du 23 mai 2019. L’intimé sollicite alors que la cour rapporte sa décision, laquelle, par arrêt du 14 novembre 2019, le déboute de sa demande. Le demandeur au pourvoi présentait deux moyens contre ces arrêts. Le premier articulait deux branches, la première estimant que l’article 1635 bis P du code général des impôts n’imposait pas le règlement du timbre fiscal de 225 € en cas d’opposition ; la seconde reprochant au juge d’appel d’avoir déclaré d’office l’appel irrecevable sans l’avoir invité à s’expliquer sur le défaut de paiement du timbre fiscal. Quant au second moyen, il sollicitait que le second arrêt statuant sur la rétractation soit annulé comme étant la suite du premier arrêt de la cour d’appel encourant la cassation. La deuxième chambre civile répond au premier moyen en rappelant que, par application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, le droit de 225 € est acquitté par l’avocat postulant pour le compte de son client, soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique, que « selon l’article 963 du code de procédure civile, lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article précité, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses, selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article », et que, « lorsqu’en raison de son absence de comparution, l’intimé a été jugé par défaut, il peut former une opposition qui, en application des articles 571, 572, 576 et 577 du code de procédure civile, remet en question devant la cour d’appel l’affaire qui a été tranchée, celle-ci étant alors instruite et jugée selon les règles applicables devant la cour d’appel. La recevabilité des prétentions respectives des parties dans l’instance d’appel qui recommence s’apprécie en fonction de la demande primitive, suivant les règles ordinaires ». L’arrêt dégage in fine la solution suivante : « Il s’ensuit que l’intimé qui forme opposition à l’arrêt rendu par défaut dans une procédure avec représentation obligatoire doit, à peine de l’irrecevabilité de sa défense, acquitter le droit prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts ». Mais la Cour de cassation, cassant et annulant les arrêts, accueille la seconde branche du pourvoi au regard de l’article 16 du code de procédure civile, motif pris qu’en statuant sans avoir invité l’appelant à s’expliquer sur le défaut de justification du paiement du droit et alors qu’il ne résulte pas des productions que le greffe l’ait invité à en justifier ou, à tout le moins, à présenter ses observations, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Dès lors, s’agissant du second moyen, la deuxième chambre civile juge classiquement, au visa de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, que la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire et que la cassation de l’arrêt du 23 mai 2019 entraîne l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêt de non-rétractation du 14 novembre 2019.

Commençons par l’évidence, donc par la fin

Comme en témoignent, chaque année, les arrêts de cassation censurant sur ce point les cours d’appel, lorsque le juge relève d’office un moyen de droit, il doit rouvrir les débats et interroger les parties. L’article 16 du code de procédure civile, rythmé par ses trois alinéas, est sans ambiguïté : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ». Le respect du contradictoire qui s’impose, aussi, au juge est généralement bien intégré et les cours d’appel ont l’habitude, lorsqu’elles entendent relever d’office un moyen de droit, de solliciter des parties qu’elles présentent leurs observations, mais il faut reconnaître que la problématique du timbre fiscal offre une illustration récurrente de ce qu’il ne faut pas faire. La raison est peut-être à trouver dans le fait qu’un avis du greffe, rappelant l’obligation de paiement, n’est pas toujours émis, que les événements permettant de retracer cette demande ou un règlement ne sont pas toujours appréhendés, tandis que l’irrecevabilité encourue est une fin de non-recevoir qui impose donc à la cour d’interroger les parties sur un défaut de règlement, lequel peut intervenir très tardivement, c’est-à-dire jusqu’à ce que le juge statue. Les cas de dispenses existent et une partie doit pouvoir justifier qu’elle avait déjà payé le timbre fiscal, qu’elle en était dispensée au bénéfice de l’aide juridictionnelle… ou encore parce qu’elle est tout simplement le ministère public !

La Cour de cassation l’avait déjà dit : une cour d’appel ne peut relever d’office le défaut de paiement du timbre fiscal et prononcer l’irrecevabilité de l’appel sans avoir préalablement invité l’appelant à fournir ses explications, le magistrat étant tenu de recueillir les observations des parties quand bien même l’appelant serait représenté par un avocat (Civ. 2e, 3 déc. 2015, n° 14-23.692). L’exigence a même été rappelée, alors que l’appelant n’avait pas été invité à s’expliquer sur l’irrecevabilité pour non-paiement du timbre fiscal, au visa des articles 16 et 963 du code de procédure civile mais surtout de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme (Civ. 2e, 11 mai 2017, nos 16-17.083 et 16-17.084, Dalloz actualité, 13 juin 201, obs. M. Kebir ; JCP 29 mai 2017, obs. R. Laffly). Cette demande d’explication est d’autant plus importante qu’à l’instar des autres fins de non-recevoir, une régularisation est toujours possible, de sorte que l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue conformément à l’article 126 du code de procédure civile (Soc. 28 mars 2012, n° 11-61.180, Dalloz actualité, 6 avr. 2012, obs. L. Dargent ; D. 2012. 952, communiqué C. cass. ; ibid. 1765, chron. P. Bailly, E. Wurtz, F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier et A. Contamine ; Dr. soc. 2012. 531, obs. F. Petit ; Procédures juin 2012, note R. Perrot). Si les parties ne peuvent s’emparer de l’irrecevabilité, l’article 963 précise bien que « l’irrecevabilité est constatée d’office par le magistrat ou la formation compétents », ce qui regroupe, aux termes de l’article 964, le premier président, le président de la chambre, le conseiller de la mise en état et la formation de jugement. Ainsi, si un conseiller de la mise en état juge irrecevable l’appel pour défaut de paiement du timbre fiscal, il a donc statué par application de l’article 126 précité, ce qui n’autorise plus une régularisation sur déféré contre l’ordonnance qui a constaté l’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 16 mai 2019, n° 18-13.434, Dalloz actualité, 3 juin 2019, obs. R. Laffly ; D. 2019. 1111 ), mais pourrait autoriser une régularisation en cours de délibéré, avant l’ordonnance ou l’arrêt à intervenir. La cassation était donc inévitable, tout comme la cassation de l’arrêt du 23 mai 2019 qui avait jugé irrecevable l’appel devait entraîner l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêt de non-rétractation du 14 novembre 2019 qui en était la suite et s’y rattachait bien sûr par un lien de dépendance nécessaire. Et si l’on pouvait s’étonner qu’un arrêt de rétractation ait pu intervenir, c’est que l’article 964 prévoit expressément la possibilité pour la cour rapporter sa décision d’irrecevabilité en cas d’erreur.

Paiement du timbre fiscal, des questions à trancher

La deuxième chambre civile raisonne par application combinée de l’article 1635 bis P du code général des impôts qui rappelle qu’est institué un droit d’un montant de 225 € dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel et de l’article 963 du code de procédure civile qui précise que lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article précité, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses, selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article.

Or l’opposition, qui tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut, doit être faite, selon l’article 573 du code de procédure civile, dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision, l’article 576 ajoutant que l’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition. La procédure ordinaire avec représentation obligatoire qui avait été initiée devant la cour d’appel imposait ainsi que l’opposition suive cette même procédure. Or, bien que la Cour de cassation ne le dise pas, l’intimé qui était défaillant n’avait pas, par définition, acquitté le timbre fiscal. Aussi, l’opposition qu’il exerçait lui imposait de le faire avant que le juge statue, non pas à peine d’irrecevabilité de son recours, mais « à peine de l’irrecevabilité de sa défense » comme prend la peine cette fois de le préciser la solution apportée et selon la lettre de l’alinéa 1er de l’article 963. Le demandeur au pourvoi prétendait que cet article n’imposait aucunement le paiement du timbre fiscal sur opposition. Bien sûr, l’article ne le dit pas expressément, mais il dit tout de même : « Il est institué un droit d’un montant de 225 € dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Le droit est acquitté par l’avocat postulant pour le compte de son client par voie électronique. Il n’est pas dû par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ». Alors, si l’opposition n’est pas un appel, elle s’inscrit bien dans une « instance d’appel ». On peut donc en déduire qu’en cas de constitution dans une procédure avec représentation obligatoire par avocat, comme en matière d’opposition, le timbre fiscal est dû. Et il est dû d’autant plus que l’intimé – et c’est peut-être ce qui doit guider les parties pour raisonner – n’avait jamais réglé de timbre fiscal dans une procédure dans laquelle il n’avait pas comparu. C’est pour cette raison que le timbre fiscal n’a pas à être acquitté devant la cour d’appel statuant sur renvoi de cassation car, par définition, les parties l’ont déjà réglé. Le renvoi après cassation n’étant que la poursuite de l’instance d’appel, aucun timbre fiscal n’est dû, et s’il n’y avait pas de représentation obligatoire dans l’instance d’appel, il n’y aura pas plus, a fortiori, de timbre fiscal à régler après régularisation d’une déclaration de saisine. L’autre critère de raisonnement est celui de la représentation obligatoire par avoué qui était imposée dans la procédure en question. En effet, l’article 963 dispose que « l’auteur de l’appel principal en justifie lors de la remise de sa déclaration d’appel et les autres parties lors de la remise de leur acte de constitution par l’apposition de timbres mobiles ou par la remise d’un justificatif lorsque le droit pour l’indemnisation de la profession d’avoué a été acquitté par voie électronique » et l’article 1635 bis P mentionne que « le produit de ce droit est affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel », ce qui avait guidé le législateur (loi de finances rectificative n° 2009-1674 du 30 décembre 2009) à instaurer un timbre fiscal, d’abord de 150 € puis porté à 225 € depuis le 1er janvier 2015 et jusqu’au 31 décembre 2026, lorsque l’avoué représentait les parties devant la cour d’appel. Ainsi, alors pourtant que, depuis le 1er août 2016, la représentation est obligatoire par avocat ou défenseur syndical devant la chambre sociale de la cour d’appel, dès lors que les avoués n’avaient pas, antérieurement, de monopole de la représentation obligatoire devant la chambre sociale, aucun timbre fiscal n’est dû par les parties. Pourtant, sur appel des décisions prud’homales, les décrets Magendie et du 6 mai 2017 s’appliquent comme devant les autres chambres. Comme pour la procédure sur renvoi après cassation, ce n’est donc pas toujours la représentation obligatoire et la procédure ordinaire qui permettent de connaître l’obligation ou non de payer le timbre fiscal.

Quizz procédural

Aussi, dès lors qu’un élément perturbateur de la procédure viendra se glisser, l’avocat devra se poser la question du règlement du timbre fiscal. Les interrogations sont multiples, mais la réponse, pas nécessairement évidente, est toujours unique. Et pour un quizz, sans choix multiple donc, et quelques questions pour un champion (de la procédure) : quid de plusieurs appels et constitutions contre un même jugement alors qu’une jonction laisse persister les liens d’instance, d’une constitution sur procédure à jour fixe, d’une tierce opposition, d’un recours en révision, d’un appel d’un jugement du pôle social du tribunal judiciaire, d’un recours gracieux d’une ordonnance sur requête, d’un référé-rétractation contre cette même ordonnance, d’un appel en matière fiscale, en matière douanière ou d’expropriation…

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Chacun sait qu’en application de l’article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, constituent notamment des titres exécutoires les actes établis par un notaire des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin « lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ou la prestation d’une quantité déterminée d’autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans l’acte à l’exécution forcée immédiate ». De ce texte, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en a déduit un temps qu’il ne suffisait pas que la somme d’argent ou la quantité de la prestation que le créancier entendait recouvrir soit déterminable dans l’acte notarié ; il fallait qu’elle y soit déterminée (v. par ex., Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 17-10.635, inédit ; 19 oct. 2017, n° 16-19.675, inédit, AJDI 2018. 54 ; 19 oct. 2017, n° 16-26.413, inédit ; Civ. 1re, 6 avr. 2016, n° 15-11.077, inédit). Cette lecture a suscité des réactions peu amènes d’une large partie de la doctrine : non seulement elle ne s’imposait pas dans la mesure où le texte exigeait simplement que le montant de la créance soit effectivement déterminé au jour où l’acte a été dressé, mais elle conduisait à dénier toute force exécutoire aux actes notariés dressés par les notaires de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin : en dressant l’acte, le notaire ne peut jamais anticiper si le débiteur n’effectuera pas un paiement partiel de la dette, de sorte que le montant constaté dans l’acte ne peut que rarement être celui que le créancier entend recouvrir en recourant aux voies d’exécution (M. Julienne, Défendre la force exécutoire des actes notariés d’Alsace-Moselle, JCP N 2018. 1129). À pousser la logique jusqu’au bout, il aurait donc été préférable au créancier que le débiteur ne règle aucune part de la dette : en ce cas, le créancier pouvait agir pour recouvrir l’entièreté de ce qui lui était dû (à supposer que ce montant ait été déterminé dans l’acte) ! Le législateur a vraisemblablement entendu ces objections puisque la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l’article L. 111-5 du code des procédures civiles d’exécution pour qu’il prévoit désormais que l’acte pouvait permettre l’exécution forcée pourvu qu’il ait pour objet le paiement d’une somme d’argent ou une prestation déterminable. Bien que cette loi ne soit pas applicable aux...

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De prime abord, la détermination de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan semble aisée. Comme son nom l’indique, cet organe est chargé de veiller à l’exécution du plan (C. com., art. L. 626-25, al. 1). Pourtant, là n’est pas sa seule mission. Sur un plan procédural, il peut également poursuivre les actions introduites avant le jugement arrêtant le plan par le mandataire judiciaire ou l’administrateur judiciaire (C. com., art. L. 626-25, al. 3) ou encore, engager des actions tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers (C. com., art. L. 626-25, al. 4). Malgré ces dispositions précises, la détermination de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan est délicate en pratique. Les nombreux arrêts portant sur cette thématique en témoignent (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021-2022, nos 521.311 s.).

L’importance de ce contentieux pourrait s’expliquer de deux façons. D’une part, le domaine des actions tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers est difficile à cerner, et ce, quel que soit l’organe à qui incombe la mise en œuvre de ces actions. D’autre part, cette difficulté est accrue dans un contexte au sein duquel le débiteur est redevenu in bonis. S’il est certain que le commissaire à l’exécution du plan ne le représente pas (Com. 27 mars 2012, n° 10-28.125, Bull. civ. IV, n° 70 ; D. 2012. 942, obs. A. Lienhard ; Procédures 2012/6, comm. 186, note B. Rolland ; Act. proc. coll. 2012/8, comm. 121, note L. Fin-Langer), la frontière peut être fine entre une action que le débiteur peut exercer seul postérieurement au jugement arrêtant le plan et une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers pour laquelle le commissaire à l’exécution du plan a qualité pour agir.

L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans cette problématique et permet de revenir sur les contours de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan.

En l’espèce, une société cessionnaire, qui reprochait à deux cédants d’avoir commis un dol lors d’une cession de parts sociales qu’ils lui avaient consentie, les a assignés, le 26 décembre 2014, en paiement de dommages-intérêts. Avant que le tribunal ne statue sur cette demande, la société cessionnaire est placée en redressement judiciaire le 4 septembre 2015. Le mandataire judiciaire a été assigné par la société débitrice en intervention forcée et déclaration de jugement commun. Le 16 février 2016, un plan de redressement est arrêté et le mandataire judiciaire devient le commissaire à l’exécution du plan.

La société cessionnaire obtient gain de cause en première instance quant à sa demande de dommages-intérêts, mais est déclarée irrecevable en appel pour défaut de qualité pour agir.

La cour d’appel retient d’abord que le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Elle souligne ensuite que les sommes recouvrées à l’issue des actions introduites par le mandataire entrent dans le patrimoine du débiteur et doivent, par conséquent, être affectées à l’apurement du passif. Or, l’action introduite par la société cessionnaire, en ce qu’elle tend à l’allocation de dommages-intérêts, tend en outre à la défense de l’intérêt collectif des créanciers. Dès lors, pour les juges d’appel, après l’arrêté du plan, il appartenait au commissaire à son exécution de s’approprier l’action lorsque le mandataire judiciaire, qui devait reprendre l’action engagée par le débiteur, ne l’a pas fait.

La société cessionnaire se pourvoit en cassation et fait notamment valoir que le commissaire à l’exécution du plan, qui ne représente pas le débiteur redevenu in bonis, n’a qualité que pour poursuivre les instances introduites pendant la période d’observation et non les instances qui étaient en cours à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.

La haute juridiction souscrit à l’argumentation et casse l’arrêt d’appel au visa du troisième alinéa de l’article L. 626-25 du code de commerce. Pour la Cour de cassation, le commissaire à l’exécution du plan n’a pas la qualité pour poursuivre une action exercée par le...

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Un accident de la circulation survient en Pologne. La victime cède alors sa créance à l’encontre de l’assureur du responsable, assureur dont le siège est situé au Danemark. Le cessionnaire de cette créance cède lui-même par la suite sa créance. Le second cessionnaire, de droit polonais, ayant saisi une juridiction polonaise de demandes dirigées contre l’assureur, la question de la compétence de cette juridiction se pose, au regard des dispositions du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Les dispositions visées

Ce règlement énonce des règles de compétence spécifiques à la matière des assurances.

Pour la clarté du propos, il est utile de les rappeler :

• Art. 10 : En matière d’assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice notamment de l’article 7, point 5 ;

• Art. 11, § 1 : « L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile ; ou c) s’il s’agit d’un coassureur, devant la juridiction d’un État membre saisie de l’action formée contre l’apériteur de la coassurance » ;

• Art. 12 : « L’assureur peut, en outre, être attrait devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur des immeubles […] » ;

• Art. 13 : « 1. En matière d’assurance de responsabilité, l’assureur peut également être appelé devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré, si la loi de cette juridiction le permet. 2. Les articles 10, 11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. […] ».

Il est également utile de rappeler la teneur de l’article 7, points 2 et 5, dont l’application était en l’espèce discutée. Selon l’article 7, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre que celui de son domicile :

• § 2 : « en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » ;

• § 5 : « s’il s’agit d’une contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, devant la juridiction du lieu de leur situation ».

Les difficultés

Au regard de ces différentes dispositions, l’affaire soumise à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) soulevait deux difficultés.

En premier lieu, il s’agissait de déterminer les règles de compétence pertinentes au regard de l’interrogation suivante : sachant que les articles 10 et suivants du règlement visent à protéger le contractant – considéré comme une partie faible – de l’assureur, ces articles ont-ils vocation à s’appliquer lorsque le litige oppose un assureur de responsabilité civile à un professionnel ayant acquis une créance détenue, à l’origine, par la victime ? Ou faut-il faire application des règles de l’article 7 ?

La CJUE répond que l’article 13, § 2, ne s’applique pas dans une telle hypothèse et ne fait pas obstacle à ce que la compétence juridictionnelle soit fondée, le cas échéant, sur l’article 7, § 2, ou sur l’article 7, § 5.

Cette solution se justifie par l’idée qu’aucune protection spéciale ne se justifie dans les rapports entre des professionnels du secteur des assurances (arrêt, pt 40), puisqu’aucun d’entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l’autre (CJUE 31 janv. 2018, Hofsoe, aff. C-106/17, pts 39 et 42, Dalloz actualité, 12 févr. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2018. 247 ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Rev. crit. DIP 2018. 609, note S. Corneloup ; Procédures 2018. Comm. 108, obs. C. Nourissat). Elle se situe dans la ligne de précédents arrêts, qui ont exclu, en substance, du bénéfice des règles protectrices spécifiques aux contrats d’assurance un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, engageant une action directe contre l’assureur établi dans un autre État membre, du responsable (CJUE 17 sept. 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, aff. C-347/08, pt 43, RTD eur. 2010. 421, chron. M. Douchy-Oudot et E. Guinchard ; Procédures 2009. Comm. 387, obs. C. Nourissat ; Europe 2009. Comm. 387, obs. L. Idot), ainsi qu’une personne qui exerce une activité professionnelle dans le domaine du recouvrement des créances d’indemnités d’assurance, en qualité de cessionnaire contractuel (CJUE 31 janv. 2018, pt 43, préc.).

La conséquence de cette solution est alors simple : puisque les articles 10 et suivants n’ont pas vocation à s’appliquer en l’absence de partie faible, la compétence du juge doit être déterminée en application de l’article 7 même s’il s’agit d’un litige en matière d’assurance.

En second lieu, l’arrêt admettant l’application de principe de l’article 7, il prend soin de préciser les notions de succursale, d’agence ou d’établissement utilisées par l’article 7, § 5. En l’espèce, l’assureur danois n’opérait pas en effet directement en Pologne mais par le biais d’une société.

Rappelons que la Cour de justice a déjà jugé que l’existence d’une succursale, d’une agence ou d’un établissement suppose un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère et que ce centre doit être pourvu d’une direction et être matériellement équipé de façon à pouvoir négocier avec des tiers qui sont ainsi dispensés de s’adresser directement à la maison mère. La Cour a également précisé un autre critère de définition : le litige doit concerner soit des actes relatifs à l’exploitation d’une succursale, soit des engagements pris par celle-ci au nom de la maison mère, lorsque ces derniers doivent être exécutés dans l’État où cette succursale est située (CJUE 19 juill. 2012, Mahamdia, aff. C-154/11, pt 48, D. 2013. 1503, obs. F. Jault-Seseke ; RDT 2012. 588, chron. F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2013. 217, note E. Pataut ; ibid. 2021. 157, note G. Cuniberti  ; 11 avr. 2019, Ryanair, aff. C-464/18, pt 33, Dalloz actualité, 2 mai 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 895 ; RTD com. 2019. 787, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; BJS 2019. 28, obs. T. Mastrullo ; JCP 2019. 432, obs. D. Berlin).

Dans l’affaire qui lui était soumise, la CJUE a notamment relevé que l’assureur danois avait mandaté une société polonaise pour liquider le sinistre, que celle-ci disposait d’une existence juridique indépendante, qu’elle était pourvue d’une direction, qu’elle était habilitée à procéder au traitement complet des demandes d’indemnisation et à agir au nom et pour le compte de l’assureur et que ses décisions produisaient des effets juridiques à l’égard de l’assureur, de sorte qu’elle devait être regardée comme étant un centre d’opérations se manifestant d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère (arrêt, pts 54 à 56). La Cour a également retenu que le litige concernait des engagements pris par cette société polonaise au nom de l’assureur danois (arrêt, pt 39).

Au regard de ces éléments, l’arrêt énonce, de manière générale, que l’article 7, § 5, du règlement doit être interprété en ce sens qu’une société qui exerce, dans un État membre, en vertu d’un contrat conclu avec une entreprise d’assurances établie dans un autre État membre, au nom et pour le compte de cette dernière, une activité de liquidation de dommages dans le cadre de l’assurance de responsabilité civile automobile doit être considérée comme étant une succursale, une agence ou tout autre établissement lorsque cette société se manifeste de façon durable vers l’extérieur comme le prolongement de l’entreprise d’assurances et est pourvue d’une direction et est matériellement équipée de façon à pouvoir négocier avec des tiers, de sorte que ceux-ci sont dispensés de s’adresser directement à l’entreprise d’assurances.

L’arrêt du 20 mai 2021 prolonge ainsi la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en fournissant une nouvelle illustration des critères que le juge doit mettre en œuvre en ce domaine.

À la faveur d’un litige ayant trait au versement de cotisations dues à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, d’une part, rappelle utilement les contours de l’office du juge de l’exécution (JEX) et, d’autre part, précise les conditions subordonnant l’exécution forcée de la décision du premier président d’une cour d’appel rendant exécutoire le rôle de ces cotisations.

Interdiction faite au JEX de remettre en cause une décision de justice. En l’espèce, la CNBF avait fait délivrer à son débiteur un commandement aux fins de saisie-vente et fait pratiquer une saisie-attribution à l’encontre de ce dernier, sur le fondement d’une ordonnance délivrée par le premier président d’une cour d’appel rendant exécutoire le rôle des cotisations dues (pour rappel, conformément au premier alinéa de l’article R. 723-26 du code de la sécurité sociale – dans sa version alors applicable – le rôle des cotisations est établi par le conseil d’administration de la CNBF et est transmis au premier président et au procureur général de chaque cour d’appel accompagné des requêtes aux fins de délivrance des titres exécutoires). En première instance, comme en appel, le débiteur avait – sans succès – sollicité l’annulation de ce commandement et la mainlevée de cette saisie-attribution, en faisant valoir l’absence de production des procès-verbaux des assemblées générales de la caisse fixant le montant des cotisations...

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L’arrêt rapporté semble confirmer un adage populaire selon lequel la justice est aveugle. Après avoir frappé le créancier hypothécaire, sa solution sur le moment de la consignation du prix de vente d’un immeuble frappe le tiers détenteur de l’immeuble hypothéqué …

En l’espèce, une société avait acquis un appartement auprès d’un couple. L’appartement acheté était grevé de deux hypothèques, ce qui faisait de la société un tiers détenteur de l’immeuble hypothéqué. Ce tiers détenteur avait alors engagé la procédure de purge, et estimait avoir effectué la consignation au sens de l’article 2481 du code civil. Il assigna les vendeurs et les créanciers hypothécaires afin d’obtenir la radiation des inscriptions grevant l’immeuble.

Cette demande fut déclarée irrecevable par la cour d’appel, qui considéra qu’il n’y avait pas de consignation en l’espèce, et que l’immeuble était toujours grevé des deux hypothèques. « Seul un récépissé de consignation tel que prévu par l’article R. 518-31 du code monétaire et financier serait de nature à̀ établir la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations », selon les juges du fond. Par conséquent, selon eux, l’avis de versement, ou « avis d’opéré de consignation », délivré par cette Caisse des dépôts et consignations (CDC) à un notaire titulaire d’un compte ouvert dans les livres de cette dernière n’établit pas la consignation.

Le tiers détenteur forma donc un pourvoi en cassation, soutenant, en premier lieu, que l’« avis de versement adressé au notaire […] est de nature à̀ établir la consignation opérée auprès de ladite Caisse », et, en second lieu, que l’avis de versement sur le compte des dépôts obligatoires du notaire à la CDC constitue un récépissé de consignation au sens de l’article R. 518-31 du code monétaire et financier.

La première question que posait le pourvoi était donc celle de savoir si l’avis de versement sur le compte de dépôts obligatoires à la CDC, adressé au notaire titulaire du compte, est de nature à établir la consignation du prix de l’immeuble tel que le prévoit l’article 2481 du code civil.

La Cour de cassation répond par la négative. Elle rappelle qu’elle avait déjà décidé que « le versement à la Caisse des dépôts et consignations du prix de la vente n’équivalait pas à la consignation prévue par l’article 2435, alinéa 3, du code civil (Civ. 3e, 28 janv. 2015, n° 13-24.040, Bull. civ. III, n° 14 ; D. 2015. 316 ) », et considère que « de même, le...

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La Cour de cassation refuse d’assimiler la dissolution d’une société à un décès, de sorte que le délai pour saisir une juridiction de renvoi continue de courir à l’égard de la société absorbante après la dissolution de la société absorbée, laquelle n’interrompt pas l’instance.

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Auteur d'origine: Dargent
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« Dieu a créé l’homme à son image et l’homme a créé les groupements à son image » ; cette formule, que l’on doit à Malaurie, illustre l’anthropomorphisme qui entoure la création des personnes morales qui, comme un être physique, naissent, vivent et meurent (P. Malaurie, Nature juridique de la personnalité morale, Defrénois 1990. 1068). Mais cet anthropomorphisme à ses limites, comme l’illustre un arrêt rendu le 20 mai 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Était en cause l’article 370 du code de procédure civile dont on sait qu’il prévoit que l’instance est interrompue, à compter de la notification qui en est faite, par « le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible ». La question qui se posait était de savoir si la dissolution d’une personne morale assortie d’une transmission universelle de son patrimoine pouvait être assimilée à un « décès » et elle n’est pas nouvelle. L’arrêt commenté posait spécifiquement ce problème à propos de la saisine d’une cour d’appel de renvoi. Alors qu’un tribunal de commerce avait condamné une société au paiement d’une somme d’argent, une cour d’appel avait finalement déclaré la demande indemnitaire irrecevable, ce que son auteur s’était empressé de contester devant la Cour de cassation. À raison puisque la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel et ainsi ressuscité le jugement rendu par le tribunal de commerce. Restait donc à la société, si elle souhaitait échapper à la condamnation indemnitaire contenue dans le jugement, à saisir la cour d’appel de renvoi dans les deux mois suivant la notification de l’arrêt rendu par la Cour de cassation (C. pr. civ., art. 1034). Mais voilà que, quelques jours après la signification de l’arrêt, intervenait la dissolution de la société dont le patrimoine était transféré à une autre société qui l’absorbait. La société absorbante ayant saisi la cour d’appel de renvoi plus de deux mois après la signification de l’arrêt, celle-ci fit valoir, pour justifier son retard, que l’instance avait été interrompue par la dissolution de la société absorbée. Ni la cour d’appel de renvoi ni la Cour de cassation ne firent droit à cette argumentation.

Avant d’en exposer les raisons, il convient de dire un mot de la mise au ban des articles 531 et 532 du code de procédure civile. Selon ces textes, le délai de recours est interrompu en cas de changement de la capacité ou de décès de la partie à laquelle le jugement a été notifié. S’il est vrai que l’acte de saisine de la juridiction de renvoi « contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction » (C. pr. civ., art. 1033), il ne concrétise pas l’exercice d’un recours (Soc. 21 juin 2000, n° 98-42.172 NP ; v. égal. Civ. 2e, 4 févr. 2021, n° 19-23.638 P, Dalloz actualité, 15 févr. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 291 ). Devant la juridiction de renvoi, il s’agit moins de critiquer une décision que de combler les vides apparus dans celle-ci en raison de la cassation intervenue. L’acte de saisine de la juridiction de renvoi prend place dans le cadre du recours en cassation, mais qui n’emporte pas en lui-même l’exercice d’une voie de recours : l’instance est simplement appelée à se poursuivre devant une autre juridiction (Civ. 2, 19 févr. 2015, n° 13-25.728, Bull. civ. II, n° 36 ; D. 2015. 493 ; 19 juin 2007, n° 06-20.240, Bull. civ. I, n° 238 ; D. 2007. 1971, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2690, obs. M. Douchy-Oudot ; RTD civ. 2007. 811, obs. R. Perrot ), un peu comme cela peut être le cas lorsqu’une juridiction se déclare incompétente au profit d’une autre (C. pr. civ., art. 82). Les articles 531 et 532 du code de procédure civile étaient bel et bien hors-jeu et seul l’article 370 du code de procédure civile pouvait donc être mobilisé dans l’instance qui se poursuivait !

Ce qui amène au cœur du problème : celui de savoir si la dissolution de la personne morale résultant de son absorption emporte interruption de l’instance.

Incontestablement, même en cas de transmission universelle de son patrimoine, la société absorbante « acquiert de plein droit, à la date de l’assemblée générale ayant approuvé l’opération de fusion-absorption, la qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée » (Soc. 22 sept. 2015, n° 13-25.429, Bull. civ. V, n° 175 ; D. 2015. 1952 ; RDT 2015. 700, obs. F. Guiomard  ; Com. 21 oct. 2008, n° 07-19.102, Bull. civ. IV, n° 174 ; Dalloz actualité, 29 oct. 2008, obs. A. Lienhard ; D. 2008. 2792, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2009. 351, note V. Thomas ; RTD civ. 2009. 323, obs. B. Fages ; ibid. 362, obs. P. Théry ; ibid. 363, obs. P. Théry  ; Civ. 2e, 8 juill. 2004, n° 02-20.213, Bull. civ. II, n° 399). La Cour de cassation ne manque pas de le rappeler en l’espèce, si bien que la société absorbante, unique associé de la société absorbée, avait acquis la qualité de partie à la procédure à l’issue du délai de trente jours suivant la publication de la dissolution laissé aux créanciers pour former opposition à la dissolution de la société conformément à l’article 1844-5 du code de commerce (Civ. 3e, 20 juin 2007, n° 06-13.514, Bull. civ. III, n° 112 ; D. 2007. 1797 ). Que la société absorbante acquière la qualité de partie à la procédure « de plein droit » à compter de cette date n’impliquait cependant pas nécessairement que l’instance n’était pas interrompue. Même en l’absence de toute modification dans la situation d’une partie, l’instance peut être interrompue à son profit dans quelques hypothèses : par exemple, en cas de décès de son représentant lorsque la représentation est obligatoire (C. pr. civ., art. 369). L’ennui est que le code de procédure civile ne dit rien du cas d’une dissolution d’une société, d’où la tentative d’assimiler la dissolution à un décès afin de se rentrer dans le giron de l’article 370 du code de procédure civile. Tentative infructueuse puisque la Cour de cassation juge dans l’arrêt commenté que « la dissolution d’une personne morale, même assortie d’une transmission universelle de son patrimoine, qui n’est pas assimilable au décès d’une personne physique, même lorsque l’action est transmissible, ne constitue pas une cause d’interruption de l’instance au sens de l’article 370 du code de procédure civile ». En conséquence, le délai pour saisir la cour d’appel de renvoi avait continué de courir à l’égard de la société absorbante sans être interrompu. Au soutien de cette solution qui rejette toute assimilation de la dissolution à un décès, il est toujours possible d’affirmer que la fusion constitue « une opération programmée » dont la société absorbante ne peut être surprise (P. Théry, art. préc.). Même si cela est vrai, il n’en demeure pas moins quelques aléas. Au cas d’espèce, par exemple, la dissolution de la société absorbée était subordonnée à l’absence de toute opposition d’un éventuel créancier, événement dont la société absorbante ne maîtrise pas la survenance et qui crée une petite période d’incertitude car la société absorbante, qui s’apprête à accomplir un acte de procédure, n’est pas à l’abri d’une opposition de dernière heure qui laisserait finalement à la société absorbée le flambeau procédural ! La situation n’est donc pas si différente de celle des personnes physiques. Cela est si vrai que la Cour de cassation avait pu admettre, dans un arrêt ancien dont la portée reste, il est vrai, assez incertaine, qu’une dissolution interrompt l’instance (Soc. 7 mars 1990, n° 86-44.176, Bull. civ. V, n° 57 ; RTD civ. 1990. 558, obs. R. Perrot). Telle n’est plus l’opinion de la deuxième chambre civile dans l’arrêt commenté : le passage du flambeau d’une société à une autre ne donne pas lieu à un aménagement procédural afin de tenir compte du « temps mort » qui résulte de l’opération de fusion (R. Perrot, art. préc.). Son arrêt a au moins le mérite de mettre un terme, semble-t-il définitif, à ces hésitations…

L’article L. 153-1 du code monétaire et financier déclare insaisissables les biens et avoirs des banques centrales et autorités monétaires. La Cour de cassation estime que cette insaisissabilité ne contrevient pas aux dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 1er, alinéa 1, de son protocole additionnel n° 1.

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Auteur d'origine: Dargent

Le droit de l’Union s’oppose à une disposition d’un État membre en vertu de laquelle l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ne couvre à titre obligatoire les dommages constitués par les frais de remorquage du véhicule endommagé que dans la mesure où ce remorquage a lieu sur le territoire de cet État.

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Auteur d'origine: rbigot
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Depuis plusieurs années déjà, les difficultés auxquelles est confrontée la société Commissions Import Export (Commisimpex) pour mettre à exécution deux sentences arbitrales condamnant l’État du Congo à lui verser près d’un milliard d’euros alimentent les chroniques judiciaires. Il faut dire que la Commisimpex bénéficie d’un atout dans son jeu qui lui donne quelques raisons d’espérer recouvrir son dû : un acte du 3 mars 1993 au terme duquel la République du Congo a renoncé définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction et d’exécution. Certes, cet acte n’a pas permis à la société de saisir des biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État congolais car la renonciation y étant contenue ne revêt pas un caractère « spécial » (Civ. 2e, 10 janv. 2018, n° 16-22.494 P, Dalloz actualité, 24 janv. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 541 , note B. Haftel ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau ; Rev. crit. DIP 2018. 315, note D. Alland ; RTD civ. 2018. 353, obs. L. Usunier et P. Deumier ; ibid. 474, obs. P. Théry ). Mais la société pouvait légitimement espérer utiliser cette renonciation pour saisir d’autres biens.

C’est ainsi qu’elle a fait pratiquer deux saisies-attributions entre les mains du contrôleur budgétaire et comptable ministériel du ministère de l’Économie et des Finances, sur les comptes ouverts au nom de la Banque des États de l’Afrique centrale. En sa qualité de tiers saisi, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel du ministère de l’Économie et des Finances devait déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur (C. pr. civ., art. L. 211-3 et R. 211-4) et, en cas de déclaration inexacte ou mensongère, s’exposait à être condamné au paiement de dommages-intérêts (C. pr. civ., art. R. 211-5). Il a déclaré qu’il ne pouvait individualiser dans ses comptes aucune somme appartenant à la République du Congo et que les comptes dont il était fait mention dans le procès-verbal de saisie-attribution lui étaient inconnus. Ces déclarations n’ont pas convaincu la société Commisimpex qui a assigné l’agent judiciaire du Trésor, en qualité de tiers saisi, afin de le voir condamner au paiement de dommages-intérêts.

Pour échapper au paiement de ces dommages-intérêts, l’agent judiciaire du Trésor s’est abrité derrière l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit que « ne peuvent être saisis les biens de toute nature […] que les banques centrales ou les autorités monétaires étrangères détiennent ou gèrent pour leur compte ou celui de l’État ou des États étrangers dont elles relèvent », sauf à ce que le juge de l’exécution autorise une telle saisie sur les biens qui font partie d’un patrimoine que la banque centrale ou l’autorité monétaire étrangère affecte à une activité principale relevant du droit privé. La cour d’appel a fait droit à cette argumentation et la société Commisimpex a formé un pourvoi en cassation. Son pourvoi s’est essentiellement organisé autour de sa carte maîtresse : cet acte de 1993 dans lequel l’État du Congo avait renoncé à toute immunité d’exécution. La société a notamment fait valoir que la cour d’appel aurait dû rechercher si l’État du Congo n’avait pas renoncé à son immunité d’exécution, que l’article L. 153-1 du code monétaire et financier, qui ne prévoit aucune faculté de renonciation du débiteur, est contraire aux articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 1er, alinéa 1, de son protocole additionnel n° 1 et qu’en tout état de cause, le tiers saisi ne pouvait se prévaloir de l’immunité.

Le pourvoi invitait ainsi la Cour de cassation à répondre à plusieurs questions.

La conventionnalité des dispositions de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier

Les dispositions de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier sont-elles conformes à celles de l’article 6, § 1, de la Convention européenne et de l’article 1er de son protocole additionnel n° 1 ? Telle est la question centrale posée à la Cour de cassation. Et elle n’est pas tout à fait nouvelle. Dans un précédent arrêt, la Cour de cassation avait pu juger que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences du droit à un procès équitable car elles « s’inscrivent dans les principes posés en matière d’immunité d’exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens » (Civ. 2e, 11 janv. 2018, n° 16-10.661 NP, D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ). Dans l’arrêt commenté, la conclusion ne diffère pas et la conventionnalité de l’article L. 153-1 n’est pas remise en cause. Mais l’argumentation est tout autre ! Nulle trace de la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 ou de la nécessité de respecter le droit international coutumier : la Cour de cassation juge en effet que l’insaisissabilité de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier est « instituée, en raison de la nature des biens concernés, afin de garantir le fonctionnement de ces banques et autorités monétaires, indépendamment de l’immunité d’exécution reconnue aux États étrangers ». En insistant sur la nature des biens concernés et leur fonction, la haute juridiction indique, en filigrane, que l’article L. 153-1 n’instaure pas une immunité d’exécution (même indépendante de l’immunité dont bénéficient les États), mais une « simple » insaisissabilité (sur cette distinction, v. L. Lauvergnat, L’insaisissabilité, thèse, Nanterre, 2020, ss la dir. de S. Amrani-Mekki, nos 45 s.). Ce changement de perspective, qui a des conséquences (v. infra), ne suffit naturellement pas pour conclure à la conventionnalité des dispositions de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier. Parce que l’insaisissabilité qui découle de ce texte constitue une ingérence dans l’exercice du droit à l’exécution et du droit de propriété du créancier, sa conformité aux dispositions de la Convention de sauvegarde suppose qu’elle poursuive un but légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (v. par ex. CEDH 21 nov. 2001, req. n° 37112/97, Fogarty c. Royaume-Uni, § 33). La Cour de cassation juge que tel est bien le cas. Pour dire que l’atteinte est légitime, elle souligne qu’elle « vise à préserver le fonctionnement d’institutions qui concourent à la définition et à la mise en œuvre de la politique monétaire et à prévenir un blocage des réserves de change placées en France ». Et, pour admettre qu’elle est proportionnée, elle ne se fonde pas sur le second alinéa de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier, qui offre au créancier la possibilité de solliciter du juge de l’exécution de pratiquer une saisie s’il établit que les biens font partie d’un patrimoine affecté par la banque centrale ou l’autorité monétaire étrangère à une activité principale relevant du droit privé (Civ. 1re, 11 janv. 2018, n° 16-10.661, préc.), mais sur le simple constat que l’insaisissabilité prévue par ce texte « ne s’applique qu’aux valeurs ou biens détenus en France ». Les créanciers sont invités à frapper aux portes des autres États !

La Cour de cassation n’appréhende ainsi plus l’article L. 153-1 du code monétaire et financier comme le prolongement d’une immunité d’exécution reconnue au profit des États par le droit international coutumier. Cela n’est guère surprenant. Car, si la Cour européenne des droits de l’homme a admis que certaines dispositions de la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 reflètent le droit international coutumier (CEDH, gr. ch., 29 juin 2011, req. n° 34869/05, Sabeh El Leil c. France, § 49 s., Dalloz actualité, 1er sept. 2011, obs. C. Demunck ; D. 2011. 1831, et les obs. ; ibid. 2434, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; 23 mars 2010, req. n° 15869/02, Cudak c. Littuanie, § 57 s., AJDA 2010. 2362, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ), c’est essentiellement pour souligner que le respect de ce droit peut légitimer les restrictions du droit au juge découlant d’immunités d’exécution protégeant les États (CEDH 23 mars 2010, req. n° 15869/02, préc., § 60). Or l’article L. 153-1 du code monétaire et financier, en ce qu’il n’envisage aucune renonciation à l’immunité d’exécution, ne se borne pas à refléter la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 (art. 19 et 21) : il porte plus profondément atteinte au droit au juge, ce qui, sous cet aspect, fait douter de sa conventionnalité (en ce sens R. Bismuth, Débat autour de la conventionnalité de l’immunité spéciale des biens des banques centrales étrangères en France, note ss Versailles, 16e ch., 1er oct. 2015, n° 14/05200, JCP 2016. 442). Cela explique le radical revirement argumentatif opéré par la Cour de cassation. Mais en opérant de la sorte, la Cour de cassation fait un saut dans l’inconnu. Car la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais jugé que la préservation d’institutions qui concourent à la politique monétaire constitue un motif légitime de porter atteinte au droit au juge. Surtout, énoncer que le droit d’accès au juge n’est pas méconnu car l’insaisissabilité prévue par ce texte « ne s’applique qu’aux valeurs ou biens détenus en France » paraît critiquable.

Une fois résolu ce problème central, la Cour de cassation en tire les conséquences.

L’inefficacité de la renonciation de l’État du Congo à son immunité d’exécution

La Cour de cassation juge que la cour d’appel n’avait pas à rechercher si l’État du Congo n’avait pas renoncé à son immunité d’exécution. D’une part, l’insaisissabilité issue de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier étant indépendante de l’immunité reconnue aux États, l’État du Congo ne pouvait y avoir renoncé dans son acte de 1993 au terme duquel il renonçait à se prévaloir de toute immunité d’exécution. D’autre part, l’article L. 153-1 du code monétaire ne prévoit aucune faculté de renonciation, de sorte qu’il importe peu que la Convention des Nations unies (qui n’est d’ailleurs pas entrée en vigueur) l’envisage.

La possibilité pour le tiers saisi de se prévaloir de l’insaisissabilité

La haute juridiction juge que le tiers saisi pouvait se prévaloir de l’insaisissabilité découlant de l’article L. 153-1 du code monétaire et financier. Assurément, une autre conclusion s’imposerait si l’insaisissabilité issue de l’article L. 153-1 découlait de l’immunité d’exécution protégeant les États : une telle immunité constitue en effet un moyen de défense personnel au débiteur dont le tiers saisi ne doit pas pouvoir se prévaloir (J.-P. Mattout, « La saisie des avoirs de banques centrales étrangères et le tiers saisi », in H. de Vauplane et J.-J. Daigre [dir.], Droit bancaire et financier. Mélanges AEDBF-France V ; Rev. Banque 2008. 305, spéc. nos 13 s.), ce qu’a d’ailleurs admis la Cour de cassation (Civ. 1re, 28 mars 2013, n° 11-13.323, Bull. civ. I, n° 64 ; Dalloz actualité, 16 avr. 2013, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2013. 1728 , note D. Martel ; ibid. 1574, obs. A. Leborgne ; ibid. 2293, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RTD civ. 2013. 437, obs. R. Perrot ; ibid. 2014. 319, obs. L. Usunier ; v. égal., à propos d’une immunité de juridiction, Civ. 1re, 30 juin 1993, n° 91-21.267, Bull. civ. I, n° 234). Mais parce que le texte instaure une simple insaisissabilité, la Cour de cassation croit pouvoir en déduire que le tiers saisi peut s’en prévaloir. S’il est vrai que le tiers saisi a « un intérêt à se prévaloir des causes d’inefficacité de la saisie » (Cass., avis, 21 juin 1999, n° 09-90.008, Bull. avis. n° 5 ; D. 1999. 206 ; JCP 1999. II. 10160, note H. Croze et T. Moussa), il n’est pourtant pas certain qu’il puisse se prévaloir d’insaisissabilités (H. Croze et T. Moussa, art. préc., n° 8 ; v. égal. Civ. 1re, 24 févr. 1993, n° 91-15.032, Bull. civ. I, n° 89 ; D. 1993. 279 , obs. P. Julien ). En rejetant le moyen de ce chef, la Cour de cassation laisse ainsi entendre que le tiers saisi peut se prévaloir des insaisissabilités qui affectent les biens qui font l’objet de la mesure d’exécution pour échapper à toute sanction, ce qui serait un apport considérable…

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La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de rendre, coup sur coup, deux arrêts interprétant l’article 3 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 263, p. 11), concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs.

Dans un premier arrêt, rendu le 29 avril 2021 (aff. C-383/19), la CJUE a précisé que l’article 3, alinéa 1, de la directive « doit être interprété en ce sens que la conclusion d’un contrat d’assurance de la responsabilité civile relative à la circulation d’un véhicule automoteur est obligatoire lorsque le véhicule concerné est immatriculé dans un État membre, dès lors que ce véhicule n’a pas été régulièrement retiré de la circulation conformément à la réglementation nationale applicable ». La Cour de Luxembourg avait déjà jugé, trois ans auparavant, qu’un véhicule apte à circuler et non retiré officiellement de la circulation doit néanmoins être couvert par une assurance responsabilité civile automobile même si son propriétaire, qui n’a plus l’intention de le conduire, a choisi de le stationner sur un terrain privé (R. Bigot, La couverture obligatoire d’un véhicule stationné sur un terrain privé, sous CJUE 4 sept. 2018, aff. C-80/17, Dalloz actualité, 18 sept. 2018 ; D. 2018. 1693 ; RTD eur. 2019. 149, obs. L. Grard ).

Dans un autre arrêt du 20 mai 2021, la demande de décision préjudicielle était présentée dans le cadre d’un litige opposant le propriétaire d’un véhicule à l’assureur du conducteur responsable au sujet d’une demande de remboursement des frais de stationnement en Lettonie et de remorquage vers la Pologne d’un véhicule et d’une semi-remorque endommagés à la suite d’un accident de la circulation survenu en Lettonie (aff. C-707/19).

Précisément, le 30 octobre 2014, un accident de la circulation est survenu dans une ville de Lettonie, au cours duquel un véhicule et sa semi-remorque, immatriculés en Pologne, ont été endommagés. Le véhicule et la semi-remorque ont, en raison des dommages subis, été évacués vers un parking aux fins de stationnement puis remorqués vers la Pologne. Les frais de stationnement en Lettonie se sont élevés à environ 1 292 € et les frais de remorquage vers la Pologne à environ 7 054 €.

À la suite d’une demande de remboursement introduite par le propriétaire du véhicule, la compagnie d’assurances garantissant la responsabilité civile de l’auteur de l’accident, lui a versé une indemnité d’environ 964 € au titre des frais de remorquage en Lettonie. En revanche, l’assureur a refusé de verser toute indemnité au titre des frais de stationnement en Lettonie et de remorquage en dehors du territoire letton. Le 23 janvier 2017, le propriétaire a saisi le tribunal d’arrondissement de Łódź (Pologne) d’un recours aux fins de voir condamner l’assureur à lui payer, avec intérêts de retard, la somme totale d’environ 6 124 € au titre des frais de remorquage en dehors du territoire letton et la somme d’environ 1 292 € au titre des frais de stationnement en Lettonie.

Dans ces circonstances, le tribunal d’arrondissement de Łódź a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour deux questions préjudicielles. En premier lieu, l’article 3 de la directive [2009/103] doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de « toutes les mesures appropriées », chaque État membre doit veiller à ce que l’assurance de responsabilité civile concernant les accidents de la circulation couvre l’intégralité des dommages, y compris les conséquences du sinistre tenant aux besoins de remorquer le véhicule de la victime vers le pays d’origine de celle-ci et les frais liés à la nécessité de stationner les véhicules ? En second lieu, en cas de réponse affirmative à cette question, la législation des États membres peut-elle limiter, d’une quelconque manière, cette garantie ?

Avant de répondre à ces questions, la CJUE a rappelé le droit de l’Union. Les considérants 2 et 20 de la directive 2009/103/CE énoncent que « l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (l’assurance automobile) revêt une importance particulière pour les citoyens européens, qu’ils soient preneurs d’assurance ou victimes d’un accident. Elle présente aussi une importance majeure pour les entreprises d’assurances, puisqu’elle représente une grande partie des contrats d’assurance non-vie conclus dans [l’Union européenne]. L’assurance automobile a, par ailleurs, une incidence sur la libre circulation des personnes et des véhicules. Le renforcement et la consolidation du marché intérieur de l’assurance automobile devraient donc représenter un objectif fondamental de l’action [de l’Union] dans le domaine des services financiers. […] Il y a lieu de garantir aux victimes d’accidents de la circulation automobile un traitement comparable, quels que soient les endroits de [l’Union] où les accidents se sont produits ».

En outre, l’article 3 de cette directive, intitulé « Obligation d’assurance des véhicules », dispose que « Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre des mesures visées au premier alinéa. Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées pour que le contrat d’assurance couvre également : a) les dommages causés sur le territoire des autres États membres selon les législations en vigueur dans ces États ; […] L’assurance visée au premier alinéa couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels ».

La CJUE a, tout d’abord, jugé que cet article 3 doit être interprété en ce sens qu’il « s’oppose à une disposition d’un État membre en vertu de laquelle l’assurance obligatoire de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ne couvre à titre obligatoire les dommages constitués par les frais de remorquage du véhicule endommagé que dans la mesure où ce remorquage a lieu sur le territoire de cet État membre. Cette constatation est sans préjudice du droit dudit État membre de limiter, sans recourir à des critères tenant à son territoire, le remboursement des frais de remorquage ».

La CJUE a, ensuite, décidé que cet article 3 « ne s’oppose pas à une disposition d’un État membre selon laquelle cette assurance ne couvre à titre obligatoire les dommages constitués par les frais de stationnement du véhicule endommagé que si le stationnement était nécessaire dans le cadre d’une enquête dans une procédure pénale ou pour toute autre raison, à la condition que cette limitation de couverture s’applique sans différence de traitement en fonction de l’État membre de résidence du propriétaire ou du détenteur du véhicule endommagé » (aff. C-707/19).

La décision s’inscrit dans la continuité de la politique législative et jurisprudentielle de l’Union tendant à assurer la protection accrue des victimes d’accidents causés par les véhicules automoteurs (v. en ce sens, CJUE 4 sept. 2018, Juliana, aff. C-80/17, EU:C:2018:661, pt 47, préc.), l’assurance de la responsabilité civile automobile facilitant « la libre circulation des personnes et des véhicules ». La Cour veille à garantir un traitement comparable des victimes des accidents causés par ces véhicules, quels que soient les endroits de l’Union où les accidents se sont produits (CJUE 23 oct. 2012, Marques Almeida, aff. C-300/10, EU:C:2012:656, pt 26 ; 20 juin 2019, Línea Directa Aseguradora, aff. C-100/18, EU:C:2019:517, pt 33, D. 2019. 1336 ; RTD eur. 2020. 404, obs. L. Grard ), ce que rappelle la décision du 20 mai 2021 une nouvelle fois.

L’étendue de l’obligation d’assurance en droit interne français, prévue à l’article L. 211-4 du code des assurances et imposant à l’assureur d’accorder les règles de couverture les plus favorables, ne devrait pas contrarier ce mouvement (v. A. Cayol, L’assurance automobile, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 374), malgré l’échec de l’harmonisation européenne du droit du contrat d’assurance automobile (P. Pailler, Manuel de droit européen des assurances, Bruylant, 2019, n° 130). À ce titre, en contrepartie du paiement d’une prime unique, l’assureur doit prendre en charge le risque de l’indemnisation des victimes d’un éventuel accident impliquant un véhicule, et ce quel que soit l’Etat membre sur le territoire duquel ce véhicule est utilisé et où cet accident se produit (CJUE 26 mars 2015, aff. C-556/13, RCA 2015. Étude 8, obs. N. Ciron). En outre, « le responsable de l’accident va bénéficier de la garantie la plus étendue, soit celle du lieu de l’accident, soit celle figurant dans le contrat d’assurance qu’il a souscrit » (Lamy Assurances 2020, n° 2846 ; sur les règles de circulation internationale, nos 3072 s.). La doctrine souligne cependant que « la jurisprudence accorde une importance excessive à cette disposition. En effet, cette dernière a été prévue pour que les victimes bénéficient de la meilleure des garanties, celle du lieu de survenance de l’accident ou celle bénéficiant au responsable par le contrat qu’il a souscrit. Or, la jurisprudence considère également que l’on doit apprécier les conditions de garanties au regard de la législation étrangère » (ibid.).

En définitive, la CJUE tente de maintenir un subtil équilibre, acceptant que le champ de l’obligation d’assurance automobile soit limité à condition qu’il n’en résulte aucune discrimination. 

L’arrêt de la première chambre civile du 12 mai 2021 permet de rappeler les conditions d’application dans le temps du règlement Bruxelles I et qu’il vise les obligations alimentaires, contrairement au règlement Bruxelles I bis.

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Auteur d'origine: fmelin

En refusant d’annuler un contrat de franchise ayant pour objet des méthodes d’épilation définitive par lumière pulsée, la Cour de cassation aligne la jurisprudence civile avec la jurisprudence pénale refusant de condamner les instituts d’esthétique pour exercice illégal de la médecine pour ces pratiques.

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Auteur d'origine: chelaine

1° Cet arrêt n’est à l’évidence pas un arrêt fondamental mais il mérite de retenir l’attention car il permet, en premier lieu, de revenir sur les conditions d’application dans le temps du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Ce règlement est, selon les termes de son article 76, entré en vigueur le 1er mars 2002.

Ce principe, d’une grande clarté, n’a toutefois pas supprimé toutes les questions relatives à l’application dans le temps du règlement car certains États ont adhéré à l’Union postérieurement à cette date (v. not. G. Payan [dir.], Espace judiciaire civil européen. Arrêts de la CJUE et commentaires, Bruylant, 2020, p. 683 s.).

La Cour de justice a déjà été saisie de cette question en ce qui...

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On sait que la motivation dite « enrichie » des arrêts de la Cour de cassation accompagne les revirements de jurisprudence (Rép. civ., v° Jurisprudence, par P. Deumier, n° 75). Le contexte des arrêts rendus le 19 mai 2021 par la première chambre civile est celui d’une véritable fresque jurisprudentielle, laquelle repose sur plusieurs revirements en droit administratif, en droit civil et en droit pénal prenant comme point de départ un sujet original, l’épilation définitive par lumière pulsée. Rappelons-en brièvement le contexte, comme l’a d’ailleurs fait de manière très pédagogue la Cour de cassation dans les arrêts commentés. La pratique de l’épilation est, en tout état de cause, normalement réservée aux médecins depuis 1962 (art. 2, 5°, de l’arr. du 6 janv. 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins) sauf pour l’épilation à la pince et à la cire. Mais de nouveaux modes d’épilation définitive sont apparus à la fin du XXe siècle, notamment l’épilation laser et par lumière pulsée. Ce dernier mode consiste à ce que la lumière dirigée sur un poil brûle sa zone de croissance et empêche sa repousse. On comprend donc que le geste n’est pas forcément anodin et les médecins dermatologues ont alors défendu l’idée qu’il s’agissait d’un véritable acte nécessitant des connaissances aiguës de santé qu’ils étaient les seuls à posséder. Voici donc le point de départ de toute cette question puisque l’article L. 4161-1 du code de la santé publique implique que toute personne pratiquant l’un des actes professionnels prévus par l’arrêté susmentionné sans être titulaire du diplôme exerce illégalement la médecine.

Dans ce cadre, la Cour de cassation a pu déduire que la pratique de l’épilation au laser et à la lumière pulsée était un cas d’exercice illégal de la médecine (Crim. 8 janv. 2008, n° 07-81.193, Lebon ; AJDA 2020. 713  ; 13 sept. 2016, n° 15-85.046, D. 2017. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; RSC 2016. 760, obs. Y. Mayaud ; ibid. 2017. 353, obs. P. Mistretta ). Tout ceci n’était pas une difficulté tant que le Conseil d’État admettait que ces actes d’épilation étaient réservés aux médecins (CE 28 mars 2013, M. C…, req. n° 348089, Lebon ). Toutefois, le Conseil d’État a ensuite annulé la décision de refus implicite du ministre des Solidarités et de la Santé d’abroger les dispositions de l’article 2, 5°, de l’arrêté précédemment cité réservant aux médecins la possibilité d’épiler au laser et à la lumière pulsée (CE 8 nov. 2019, M. Z… et SELARL Docteur Dominique Debray, req. n° 424954, Lebon ; AJDA 2020. 713 ). La Cour de cassation a alors pu retenir que les personnes pratiquant de telles épilations sans être médecins ne pouvaient pas être condamnées pour exercice illégal de la médecine (Crim. 31 mars 2020, n° 19-85.121, Dalloz actualité, 14 mai 2020, obs. A. Roques ; D. 2020. 881 ; RSC 2020. 387, obs. P. Mistretta ). Sur le plan pénal, tout était réglé par cet important revirement de jurisprudence accueilli de manière bienveillante par la doctrine. Mais sur le plan civil, subsistait une question : pouvait-on toujours annuler les contrats ayant pour objet de telles épilations pour objet illicite ? L’interrogation pouvait subsister même si la négative semblait l’emporter.

C’est dans ce contexte que les deux arrêts commentés interviennent, lesquels ont le même point de départ. Une personne souhaitait ouvrir un institut d’esthétique pour pratiquer notamment des épilations. Elle a ainsi conclu un contrat de franchise avec la société D…, laquelle proposait des méthodes d’épilation par lumière pulsée. Le droit d’entrée s’élevait à 28 400 € dans la première espèce, 52 800 € dans la seconde. Coup de théâtre : le franchisé décide d’attaquer le franchiseur pour nullité du contrat pour objet illicite et indemnisation du préjudice subi. En réalité, la demande de nullité était liée à un problème de financement que le franchisé n’avait pas pu obtenir. La nullité était un moyen de sortir du lien contractuel. Dans la première affaire (pourvoi n° 19-25.749), le tribunal de commerce de Nice refuse de faire droit à la demande, si bien que le franchisé interjette appel de ce jugement. La cour d’appel d’Aix-en-Provence refuse d’annuler le contrat à son tour. Le franchisé se pourvoit alors en cassation en s’appuyant sur l’article L. 4161-1 du code de la santé publique. Dans la seconde affaire (pourvoi n° 20-17.779), la même cour d’appel annule les contrats de franchise intéressés par ce mode d’épilation au motif « qu’en 2014, l’épilation à la lumière pulsée exercée par des non-médecins, proposée par le franchiseur, était une activité illicite relevant d’un exercice illégal de la médecine, tout mode d’épilation, sauf à la pince ou à la cire, étant interdit aux non-médecins ». C’est donc la société D… qui se pourvoit en cassation en l’espèce.

Dans une longue motivation, dite enrichie, la Cour de cassation confirme sa nouvelle position en refusant d’annuler les contrats de franchise pour objet illicite, alignant ainsi les jurisprudences civiles et pénales eu égard au revirement de jurisprudence intervenu en mars 2020 applicable aux contrats en cours. Elle rejette, ce faisant, le pourvoi n° 19-25.749 et elle casse et annule l’arrêt des juges du fond dans l’affaire n° 20-17.779. Les solutions convergent vers une nouvelle ligne directrice, source de clarté pour le droit positif des franchises en matière d’épilation définitive par lumière pulsée.

L’alignement opportun des jurisprudences en matière civile et pénale

La société D… – présente dans les deux arrêts – avec laquelle la personne physique exploitant l’institut d’esthétique a conclu son contrat de franchise était la même société qui avait été demanderesse au pourvoi dans l’important revirement de jurisprudence en matière pénale cité précédemment (Crim. 31 mars 2020, n° 19-85.121, préc.). En décidant qu’« il y a lieu de revenir sur la jurisprudence antérieure et de considérer que l’interdiction de l’épilation à la lumière pulsée par des personnes autres que des médecins est contraire aux articles précités du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) [art. 49 et 56, ndlr] », la chambre criminelle avait fondé sa motivation sur la liberté d’établissement et la libre prestation des services. Un auteur avait pu noter qu’« il faut certainement saluer la clairvoyance et le réalisme ayant animé les magistrats de la chambre criminelle qui permettent enfin de redéfinir un tant soit peu les contours d’une incrimination très complexe et tarabiscotée » (P. Mistretta, Exercice illégal de la médecine et épilation au laser : un revirement à rebrousse-poil, RSC 2020. 387 , dernier paragraphe). Bien évidemment, la solution n’avait rien d’évident à l’époque et un revirement était essentiel pour clarifier la question remise en cause jusqu’au niveau de l’exécutif qui envisageait un décret pour encadrer la pratique de telles épilations par des instituts d’esthétique. L’exercice illégal de la médecine était donc bien éloigné du sujet. 

La solution retenue dans ces deux arrêts rendus par la première chambre civile du 19 mai 2021 tire les constats sur le plan civil en refusant d’annuler les contrats passés dans l’optique de la pratique de telles épilations par des personnes qui ne sont pas médecins. En refusant l’annulation du contrat de franchise, la Cour de cassation aligne ainsi de manière opportune les jurisprudences en tirant toutes les conséquences de son revirement de jurisprudence antérieur. L’objet du contrat – ou son contenu – n’est pas illicite puisqu’aucune infraction d’exercice illégal de la médecine n’est constituée en l’état eu égard à la jurisprudence de mars 2020. La lecture de l’arrêt d’appel dans la première affaire est instructive sur le refus de la nullité demandée par le franchisé. L’un des piliers de l’argumentation des juges du fond était que, « d’ailleurs, de nombreux centres d’épilations à lumière pulsée sont ouverts sans que les pouvoirs publics en interdisent l’activité et des appareils d’épilation à lumière pulsée sont en vente libre auprès du public » (nous soulignons). L’argumentation sur l’objet illicite était donc très difficile à tenir dans ce cadre précis, en dépit d’une notion d’objet du contrat « protéiforme » (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 586, n° 505).

Le droit des contrats s’en trouve alors précisé puisque cette nouvelle interprétation s’applique immédiatement aux contrats en cours.

Application aux contrats en cours de la licéité de l’opération

Dans le paragraphe n° 11 commun aux deux affaires, l’arrêt rendu par la première chambre civile précise ainsi que « cette évolution de jurisprudence s’applique immédiatement aux contrats en cours, en l’absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d’un droit d’accès au juge » (nous soulignons). On reconnaît l’expression de plusieurs arrêts désormais bien connus du droit privé (Civ. 1re, 9 oct. 2001 n° 00-14.564, D. 2001. 3470, et les obs. , rapp. P. Sargos , note D. Thouvenin ; RTD civ. 2002. 176, obs. R. Libchaber ; ibid. 507, obs. J. Mestre et B. Fages  ; 21 mars 2000, n° 98-11.982, D. 2000. 593 , note C. Atias ; RTD civ. 2000. 592, obs. P.-Y. Gautier ; ibid. 666, obs. N. Molfessis ; RTD com. 2000. 707, obs. B. Bouloc  ; plus récemment, Civ. 1re, 12 nov. 2020, n° 19-16.964, Dalloz actualité, 14 déc. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 2284 ; RDI 2021. 143, obs. H. Heugas-Darraspen ). Véritable profession de foi de la Cour de cassation (Rép. civ., v° Jurisprudence, art. préc., n° 120), l’expression permet de justifier l’application aux contrats en cours du revirement posé par la haute juridiction. Ceci explique notamment la présence de l’article 6, § 1er, de la Convention dans le visa de l’arrêt de cassation commenté. C’est une solution bienvenue puisque le contentieux opposant les cocontractants, dont l’un agit en nullité pour objet illicite, sait depuis l’acte introductif d’instance que l’hésitation est telle qu’un revirement était tout à fait envisageable par la Cour de cassation tant le fondement juridique de l’exercice illégal de la médecine était discuté.

L’absence d’annulation par les juges du fond pour objet illicite était ainsi clairvoyante dans la première affaire de ce changement de position inéluctable pour aligner les solutions entre le droit administratif et le droit civil, puis entre le droit pénal et le droit privé. Il faudra un certain temps toutefois pour purger le droit des situations où une demande de nullité avait été introduite antérieurement aux revirements intervenus, comme c’est le cas dans la seconde espèce. Quand la Cour de cassation voyait dans ces pratiques un cas d’exercice illégal de la médecine, la nullité pour objet illicite du contrat de franchise était tout à fait pertinente, dans le même esprit d’harmonisation des jurisprudences. L’application immédiate permettra d’aligner les solutions en la matière, ce qui est garant d’un droit interprété de manière uniforme. L’uniformité de la jurisprudence est, en ce sens, un des rôles de la Cour de cassation (M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier et J. Buk Lament, La technique de cassation, 9e éd., Dalloz, coll. « Méthodes du droit », 2018, p. 113).

On sait qu’antérieurement à l’ordonnance n° 2016-131, l’objet et la cause étaient les instruments du contrôle de la licéité de l’opération contractuelle désormais assuré par l’article 1162 nouveau (F. Chénedé, Le nouveau droit des obligations et des contrats, 2e éd., Dalloz, coll. « Référence », 2018, p. 68, n° 123.193). Avant ou après la réforme, la solution sera donc la même en dépit du remplacement de vocables précisant les contours de la notion (M. Latina et G. Chantepie, Le nouveau droit des obligations, 2e éd., Dalloz, coll. « Hors collection », 2018, p. 348, n° 402). Voici donc une solution commune qui permet de sauvegarder des conventions et donc leur force obligatoire en l’absence de toute violation d’une norme légale. Bien évidemment, la solution inverse aurait été maintenue si l’exercice illégal de la médecine était toujours de mise. Tout est ici une question d’équilibre, quelque peu délicat à maintenir compte tenu des enjeux d’une question sujette à controverse entre les médecins et les instituts d’esthétique. Sur le plan du droit, toutefois, ces solutions sont garantes d’uniformité.

Un rapport de la Cour des comptes étrille la gestion de crise du ministère de la Justice et suggère plusieurs pistes pour éviter un nouveau naufrage judiciaire.

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L’article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, s’ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d’exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l’article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci ne soit confondu avec celui du débiteur principal.

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Un an après leur saisine par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la rue Cambon brosse en effet, dans ce rapport touffu de 163 pages, un état des lieux et suggère plusieurs recommandations pour éviter un nouveau naufrage judiciaire à l’avenir. « Au-delà de ces divers aspects, la principale leçon à retenir de la crise sanitaire du point de vue du fonctionnement de la justice est qu’une interruption de l’activité judiciaire n’est plus concevable », résument-ils.

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L’article L. 643-11, I, du code de commerce dispose que « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur » (v. à ce sujet P. Le Cannu et D. Robine, Droit des entreprises en difficulté, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, nos 1276 s.). Il existe toutefois des exceptions à ce principe, l’une des plus évidentes étant celle prévue par le II du même texte qui dispose, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, que « les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s’ils ont payé à la place de celui-ci » (comp. anc. art. L. 643-11, II : « Toutefois, la caution ou le coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci » ; sur l’évolution de ce texte, v. J.-D. Pellier, La poursuite de la construction d’un régime des sûretés pour autrui. À propos de la modification de l’article L. 643-11 du code de commerce par l’ordonnance du 12 mars 2014, D. 2014. 1054 ). On sait en effet que la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif n’affecte pas la dette, mais seulement le droit de poursuite du créancier à l’égard du débiteur principal. Le créancier peut donc toujours poursuivre le garant (v. en ce sens Com. 8 juin 1993, n° 91-13.295 : « Mais attendu que, si, en application de l’article 169 de la loi du 25 janvier 1985, les créanciers ne recouvrent pas l’exercice individuel de leur action contre le débiteur dont la liquidation judiciaire a fait l’objet d’une clôture pour insuffisance d’actif, ils conservent, la dette n’étant pas éteinte, le droit de poursuite à l’encontre de la caution du débiteur ; qu’il en est ainsi quoique le droit, subsistant, de la caution à subrogation, ne puisse s’exercer, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu’il s’ensuit que la cour d’appel a exactement décidé que, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de la société pour insuffisance d’actif, Mme X était tenue envers la banque en vertu du cautionnement par elle contracté ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé »). En conséquence, il est logique (et juste) de permettre au garant solvens d’exercer un recours contre le débiteur, et ce que le paiement soit intervenu antérieurement ou postérieurement à l’ouverture de la procédure collective et qu’il s’agisse d’un recours personnel ou subrogatoire (v. en ce sens Com. 28 juin 2016, n° 14-21.810, Dalloz actualité, 22 juill. 2009, obs. X. Delpech : « Mais attendu qu’ayant exactement énoncé que l’article L. 643-11, II du code de commerce, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d’actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l’ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercé par la caution, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la société Interfimo remplissait les conditions prévues par ce texte »). Comme l’a justement souligné une éminente doctrine, « il serait en effet injuste que celui-ci [le garant] supporte définitivement le poids d’une dette qui n’est pas originellement la sienne alors que le débiteur serait revenu à meilleure fortune » (P. Le Cannu et D. Robine, op. cit., n° 1290). Toutefois, le domaine de cette exception doit être strictement limité au recours que peut exercer le garant solvens à l’encontre du débiteur et de lui seul, du moins en principe, ainsi que nous l’enseigne le chambre commerciale dans un arrêt du 5 mai 2021. En l’espèce, une banque a consenti des prêts à une société civile immobilière (SCI), pour lesquels se sont rendus cautions M. et Mme R…, ainsi qu’une société. Les 14 décembre 2010 et 17 janvier 2012, la liquidation judiciaire qui avait été prononcée à l’égard d’une autre société le 26 octobre 2010 a été étendue à M. R… puis à la SCI débitrice. Après l’admission au passif de la liquidation des créances de la banque, la société caution a réglé à cette dernière la totalité des sommes garanties. Puis, à la suite de la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire étendue, la caution solvens a déposé une requête auprès du président du tribunal de la procédure pour obtenir un titre exécutoire contre M. R…, en application de l’article L. 643-11, II, du code de commerce.

La cour d’appel d’Angers déclare cette demande irrecevable dans un arrêt du 28 janvier 2020, au motif qu’« elle ne peut soutenir agir sur le fondement de l’article L. 643-11, II, contre le cofidéjusseur qui ne constitue pas le débiteur pour qui elle a réglé en conséquence de l’engagement de caution consenti. Le fait que M. C… ait été par extension en liquidation judiciaire avec la SCI California n’a pas eu pour conséquence de faire disparaître la personnalité juridique de chacun des débiteurs et l’action fondée sur l’article L. 643-11, II, ne peut davantage être engagée à l’encontre de M. C…, qui reste distinct du seul débiteur au regard de ce texte : la SCI California » (Angers, 28 janv. 2020, n° 18/00214). Naturellement, la caution s’est pourvue en cassation, mais en vain, la cour régulatrice considérant que « l’article L. 643-11, II, du code de commerce, qui autorise les coobligés et personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie à poursuivre le débiteur après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, s’ils ont payé à la place de celui-ci, ne permet pas à la caution qui a acquitté la dette principale d’exercer dans les conditions prévues par ce texte un recours contre un cofidéjusseur, en application de l’article 2310 du code civil, à moins que le patrimoine de celui-ci soit confondu avec celui du débiteur principal, ce qui n’est pas le cas » (pt 6) et qu’en conséquence, « le moyen qui postule le contraire n’est donc pas fondé » (pt 7).

La solution repose sur une interprétation littérale de l’article L. 643-11, II, du code de commerce. Aux termes de ce texte, c’est en effet « le débiteur » que le garant solvens peut poursuivre et non son cofidéjusseur (sur cette notion, v. J. Mestre, Les cofidéjusseurs, Dr. et patr., janv. 1998, p. 66 et avr. 1998, p. 64). Il est certes fait exception à ce principe, comme le précisent les hauts magistrats, dans l’hypothèse où le patrimoine de ce dernier se confondrait avec celui du débiteur principal (sur la confusion des patrimoines, v. F. Reille, La notion de confusion des patrimoines, cause d’extension des procédures collectives, préf. P. Pétel, Litec, coll. « Bibliothèque de droit de l’entreprise », t. 74, 2007 ; v. égal. A. Bézert, Les effets de l’extension de la procédure collective pour confusion des patrimoines, préf. P. Pétel, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté », t. 21, 2021). Mais tel n’était manifestement pas le cas en l’occurrence (on suppose donc que l’extension de la procédure résultait de la fictivité de la personne morale).

La solution est toutefois sévère à l’endroit du garant (qu’il s’agisse de la caution, comme en l’espèce, ou d’un autre garant, personnel ou réel). Le recours de celui-ci à l’égard du débiteur principal est en effet bien souvent illusoire (v. en ce sens P. Le Cannu et D. Robine, op. cit., n° 1290). L’empêcher de l’exercer à l’égard d’un cofidéjusseur peut dès lors paraître injuste. Au demeurant, sur le plan technique, l’argument avancé au soutien du pourvoi n’était pas dénué de pertinence, tant s’en faut. Il était soutenu « qu’indépendamment de la confusion des patrimoines, le caractère accessoire du cautionnement implique que la notion de débiteur au sens de l’article L. 643-11, II, du code de commerce, soit dans le cadre d’une poursuite engagée au terme d’une procédure de liquidation judiciaire, inclue la caution du débiteur principal ; qu’au cas présent, la cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de paiement de la CEGC [Compagnie européenne de garanties et cautions] aux motifs qu’à défaut de démontrer la confusion des patrimoines de la société California et de M. R…, ce dernier ne pouvait être considéré comme le débiteur au sens de l’article L. 643-11 du code de commerce ; qu’en ayant exclu cette qualification en dépit du caractère accessoire du cautionnement dont il résulte une unicité de la dette, la cour d’appel a violé les articles L. 643-11 et R. 643-20 du code de commerce et l’article 2306 du code civil » (pt 5). Abstraction faite de la référence au caractère accessoire du cautionnement, qui nous semble contestable, il est en effet possible de soutenir que les cofidéjusseurs sont tenus, aux côtés du débiteur principal, de la même dette (sur l’unicité de la dette en matière de cautionnement, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation. Contribution à l’étude du concept de coobligation, préf. P. Delebecque, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 539, 2012, nos 157 s.). Par conséquent, le paiement de cette dette devrait permettre au solvens d’agir non seulement contre le débiteur principal, mais également contre ses cofidéjusseurs, et ce en dépit de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. Un tel recours serait d’ailleurs mesuré puisque l’article 2310 du code civil prévoit, en son alinéa 1er, que, « lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion » (comp. avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés du 18 décembre 2020, art. 2316 : « En cas de pluralité de cautions, celle qui a payé a un recours personnel et un recours subrogatoire contre les autres, chacune pour sa part »).

Infirmant le jugement de première instance, la cour d’appel de Paris a condamné l’État pour faute lourde commise au préjudice de Karine J…, enfant violée et maltraitée, que les services de l’État n’ont pas su protéger malgré les nombreuses dénonciations et signalements.

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Auteur d'origine: Bley

La caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l’action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l’action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

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Auteur d'origine: jdpellier

Un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

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Auteur d'origine: ahacene

L’action oblique permet au créancier d’exercer les droits de son débiteur, lorsqu’il ne les exerce pas lui-même. Appliquée en matière de copropriété, cette action permet au syndicat des copropriétaires, dans certaines hypothèses, d’obtenir la résiliation du bail liant un copropriétaire à son locataire. C’est une des applications notables de ce mécanisme de droit commun qui permet notamment de faire définitivement cesser des atteintes au règlement de copropriété.

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Auteur d'origine: Bley

Dans le cadre de la loi Dupond-Moretti, le gouvernement a déposé mercredi matin un amendement pour abroger l’article de la loi Belloubet qui créait une juridiction nationale des injonctions de payer. Le ministère de la Justice mise aujourd’hui sur la dématérialisation, plus que sur la centralisation

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Auteur d'origine: Thill

La Cour de cassation rappelle que le juge doit se placer au jour de la décision pour déterminer l’étendue du préjudice subi. Elle ajoute que le chef de perte de gains professionnels peut se cumuler avec celui d’incidence professionnelle toutes les fois que la victime parvient à démontrer que son exclusion définitive du monde du travail lui a fait ressentir une dévalorisation sociale.

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Auteur d'origine: hconte

Dès sa naissance, Karine J… a été victime de carences éducatives, de maltraitance, d’agressions sexuelles et de viols. Malgré de très nombreux signalements aux autorités, les viols ont perduré de nombreuses années, commis notamment par un ami de la famille vivant à leur domicile, déjà condamné pour des actes pédocriminels et par ailleurs accusé par sa propre fille. Le récit du calvaire de Karine J… a été fait par son avocat qui, lors de l’audience du 17 février 2021 (v. Dalloz actualité, 19 févr. 2021, art. J. Mucchielli), a demandé la condamnation de l’État pour déni de justice et faute lourde. En première instance, les juges avaient rejeté la faute lourde de l’État, constaté l’absence de demande d’indemnisation de l’oncle et de la tante de la jeune fille, déclaré les constitutions de partie civile de deux associations irrecevables. La décision s’était bornée à reconnaître un déni de justice et avait accordé la somme de 12 000 € à Karine J… à ce titre.

Par arrêt du 18 mai 2021, la cour d’appel a infirmé ce jugement du 17 février 2018. La constitution des deux associations a été déclarée recevable, ainsi que les demandes de l’oncle et de la tante de Karine J…. En effet, c’est sur le fondement d’une grossière erreur de plume que le tribunal avait considéré qu’aucune demande n’avait été formée au nom des époux J…. « S’agissant d’une pure erreur matérielle sur laquelle le tribunal aurait pu et dû solliciter les observations des parties pour la rectifier, tant elle est évidente et indiscutable, il y a lieu pour la cour, opérant cette rectification, de constater que les demandes indemnitaires formées devant le tribunal au nom de “M. et Mme René J…” étaient bien celles des époux Loïc J…. Elles ne peuvent donc être sérieusement qualifiées de “demandes nouvelles” ainsi que le prétend l’agent judiciaire de l’État. »

La question suivante portait sur la prescription de la faute lourde. Les juges de première instance avaient retenu comme point de départ de la prescription quadriennale l’année 2011, lorsqu’ils furent convoqués en tant que partie civile par le juge instruisant l’affaire de viols dans laquelle Karine J… était la victime, et les époux J… les représentants légaux, l’action étant donc prescrite après le 31 décembre 2015. Les appelants ont souligné que l’ensemble des dossiers d’assistance éducative n’avaient été joints au dossier qu’en 2013, et que ce n’est qu’à partir de ce moment qu’ils avaient pu prendre connaissance des faits qui ont été à la source du dommage, que le délai ne courait qu’à partir du 1er janvier 2014, et qu’ainsi, l’action engagée le 26 décembre 2016 n’était pas couverte par la prescription, qui n’était acquise qu’après le 31 décembre 2016. C’est le raisonnement qu’ont adopté les juges de la cour d’appel : « Ce n’est donc qu’à la date où les éléments collectés sur cette période 2002-2006 ont ainsi été joints au dossier, soit en novembre 2013, que les appelants ont eu connaissance des exactes modalités selon lesquelles avait été gérée la situation, dont les ratés sont la source de leur action », et retiennent le 1er janvier 2014 comme point de départ du délai de prescription.

La cour s’est ensuite penchée sur la question centrale faute lourde. Le parquet et l’agent judiciaire de l’État ont toujours estimé que les services de l’État ont réagi de manière adéquate à chaque signalement. Concernant l’un de ces signalements, une dénonciation anonyme informant d’abus sexuels et d’un comportement anormalement sexué de l’enfant, la cour d’appel considère : « Force est de constater qu’alors, aucune investigation complémentaire n’a été menée auprès de l’établissement scolaire fréquenté par l’enfant ou du voisinage de la famille, qu’aucun examen psychologique ni gynécologique de l’enfant n’a été envisagé, ni apparemment aucune vérification auprès des services sociaux, pour contrôler la réalité de la situation, le parquet s’accommodant, pour classer sans autre précaution ni réserve, d’une enquête exclusivement fondée sur les propos d’une enfant de six ans et de ses parents visés par la dénonciation : au regard de la nature des faits dénoncés, et quoi qu’il en soit de l’anonymat du dénonciateur [la tante de Karine J…, ndlr], cette réaction n’apparaît ni clairvoyante ni adaptée. »

Lors d’un signalement ultérieur, dit la cour, « une nouvelle fois, les enquêteurs s’en sont essentiellement tenus aux dénégations de Karine, âgée de huit ans et entendue par une brigadière de police, sans apparemment suspecter qu’elle puisse avoir subi des pressions de la part de ses parents, et à celles des époux J…, appuyées à nouveau d’un certificat médical rassurant sur l’état de l’enfant. […] Si l’agent judiciaire de l’État ne voit aucune faute dans cette seconde décision de classement, […] la cour y trouve pour sa part la démonstration de la superficialité de l’enquête ».

La cour considère in fine que « la succession des insuffisances ci-dessus analysées, dans le travail d’enquête et dans la communication interservices, et le manque de clairvoyance qui a gouverné l’appréciation de la situation et les prises de décisions constituent des fautes lourdes engageant la responsabilité de l’État vis-à-vis de Karine J… et de ses oncle et tante, victimes par ricochet ».

Sur le déni de justice : « La cour, en confirmation de la décision du tribunal sur ce point, retient donc le principe d’un déni de justice en raison de délais de procédure qu’elle considère toutefois excessifs à hauteur non pas de dix mois, mais de vingt-six mois. »

En conséquence, la cour a condamné l’État à verser la somme totale de 40 000 € au titre de la faute lourde et 15 000 € au titre du déni de justice, à Karine J…. À ses oncle et tante, 10 000 € et 6 000 € aux mêmes titres.

 

Sur le procès de l’agent judiciaire de l’État, Dalloz actualité a également publié :

Karine J…, enfant violée malgré des signalements, demande réparation à l’État pour « faute lourde », par Julien Mucchielli le 19 février 2021

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On sait que la caution solvens dispose à l’encontre du débiteur d’un recours subrogatoire fondé sur l’article 2306 du code civil (qui n’est qu’une application du principe posé par l’article 1346 du même code) : « La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur » (v. à ce sujet P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., Dalloz, 2016, nos 214 s.). Les mérites de ce recours sont bien connus, qui consistent principalement dans la préservation des accessoires assortissant la créance. Mais cette voie présente également des dangers : outre l’opposabilité d’un nombre considérable d’exceptions (v. à ce sujet F. Jacob, « La distinction des exceptions inhérentes à la dette et de celles qui ne le sont pas à l’épreuve [entre autres] de sa consécration légale nouvelle par l’article 1346-5, alinéa 3, du code civil », in Mélanges en l’honneur du professeur Claude Witz, LexisNexis, 2018, p. 347 ; v. égal. M. Mignot, « La règle dite de l’opposabilité des exceptions après l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 », in Mélanges en l’honneur d’É. Loquin, LexisNexis, coll. « Droit sans frontières », 2018, vol. 51, p. 671), la caution peut s’exposer à la prescription de l’obligation garantie, comme le montre un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 mai 2021.

En l’espèce, par un acte du 5 août 2003, une banque a consenti à Mme W… deux prêts de 72 000 € et de 35 000 €, garantis par l’engagement de caution solidaire de M. I…. La débitrice ayant été défaillante dans l’exécution de ses obligations, la banque a mis en demeure le 22 juin 2010, M. I…, qui lui a ensuite payé la somme 63 233,06 € contre remise d’une quittance subrogative, le 13 décembre 2010. Ayant vainement mis en demeure Mme W… de le rembourser, M. I… a assigné cette dernière le 5 décembre 2015. La cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 21 juin 2018, déclare l’action de la caution recevable et condamne la débitrice à lui payer la somme 68 233,63 €, en retenant que l’action subrogatoire est une action personnelle soumise à une prescription de cinq ans en application de l’article 2224 du code civil à compter du jour où le créancier a connu les faits lui permettant de l’exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogative, le 13 décembre 2010. La débitrice s’est donc pourvue naturellement en cassation, soutenant que l’action subrogatoire de la caution est soumise à la prescription applicable à l’action du créancier contre le débiteur et que par suite, la prescription de l’action subrogatoire commence à courir au même moment que la prescription de l’action principale. Le délai de prescription avait donc commencé à courir dès que la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010 au plus tard. L’argument fait mouche auprès des hauts magistrats, qui censurent l’arrêt au visa des articles 2224 et 2306 du code civil : la Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’« aux termes du second de ces textes, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur et il résulte du premier que le créancier dispose, pour agir contre ce dernier, d’un délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action » (pt 3). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi alors que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l’action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l’action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 5).

La solution est parfaitement justifiée au regard des effets de la subrogation : celle-ci « transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier » (v. J. Mestre, La subrogation personnelle, préf. P. Kayser, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 160, 1979 ; sur les limites de la subrogation, v. P. Delebecque, « Les limites de la subrogation personnelle », in Mélanges en l’honneur de Jacques Mestre, LGDJ, 2019, p. 361). La caution recueille donc la créance telle qu’elle se trouve au moment du paiement effectué par le solvens. En conséquence, il est tout à fait logique que son action soit soumise au délai de prescription qui s’imposait au créancier (on peut cependant s’interroger sur le point de savoir s’il en irait de même en présence de la prescription biennale prévue par l’article L. 218-2 du code de la consommation, v. à ce sujet Civ. 1re, 11 déc. 2019, n° 18-16.147, Dalloz actualité, 6 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 523 , note M. Nicolle ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJ contrat 2020. 101, obs. D. Houtcieff ; Rev. prat. rec. 2020. 14, obs. M. Aressy, M.-P. Mourre-Schreiber et U. Schreiber ; ibid. 15, chron. F. Rocheteau ; RTD civ. 2020. 161, obs. C. Gijsbers  : « Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu qu’en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution »). Ce délai de prescription commençant à courir à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, il fallait donc bien prendre en considération, en l’occurrence, le jour où la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010, ce qui devait conduire à admettre le jeu de la prescription, l’assignation ayant été délivrée à la caution le 5 décembre 2015.

Il est heureux que la Cour de cassation ait clairement consacré cette solution dans la mesure où certaines juridictions du fond avaient cru pouvoir s’affranchir de la logique subrogatoire (v. par ex. Chambéry, 7 févr. 2019, n° 17/02756 : « quel que soit le fondement juridique de l’action entreprise par la caution, recours subrogatoire de l’article 2306 du code civil ou recours personnel de l’article 2305 du code civil, cette action suppose dans tous les cas un paiement préalable de la part de la caution qui s’en prévaut, de telle sorte qu’aucun délai de prescription ne peut courir contre elle tant que son recours à l’encontre du débiteur principal n’est pas ouvert par le fait dudit paiement » ; Rennes, 19 mai 1994, n° 373/93 : « à l’égard de la caution, qui, ayant préalablement désintéressé le prêteur, exerce son action subrogatoire contre l’emprunteur, le point de départ du délai préfix de deux ans résultant de l’article L. 311-37 du code de la consommation doit être fixé à la date à laquelle cette caution a été contrainte, pour la première fois, de se substituer à cet emprunteur », v. à ce sujet JCP 2019. Doctr. 470, n° 12, obs. P. Simler).

La caution n’est pas pour autant démunie dans la mesure où elle peut également exercer un recours personnel à l’encontre du débiteur, sur le fondement de l’article 2305 du code civil (sur les mérites du recours personnel, v. L. Bougerol et G. Mégret, Droit du cautionnement, préf. P. Crocq, Gazette du Palais, coll. « Guide pratique », 2018, n° 241). Un arrêt de la cour d’appel d’Orléans exprime d’ailleurs à merveille l’avantage du recours personnel du point de vue de la prescription : « Si le recours subrogatoire de la caution, qui n’est autre que l’exercice de l’action du créancier lui-même, est soumis au délai de prescription de celle-ci qui, par hypothèse, a commencé à courir dès avant le paiement fait par la caution, le recours personnel de la caution ouvre un nouveau délai de prescription courant du jour du paiement fait par elle » (Orléans, 19 nov. 2020, n° 19/03063). La caution aurait donc dû prendre la peine d’exercer son recours personnel en sus du recours subrogatoire, puisque ceux-ci peuvent parfaitement se cumuler (v. en ce sens Civ. 1re, 29 nov. 2017, n° 16-22.820).

L’imminente réforme du droit des sûretés ne changera en rien cette solution dans la mesure où les dispositions relatives aux recours de la caution seront vraisemblablement reprises en substance (v. avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés du 18 décembre 2020, art. 2305 et 2306, ces textes ne précisant toutefois pas que les deux recours peuvent se cumuler, ce qui est regrettable).

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Le silence du législateur conduit parfois le juge à répondre à des questions inattendues. Comme souvent pour les conditions d’application du régime des accidents de la circulation, c’est à lui que revient la tâche de définir les contours de la définition de la condition de véhicule terrestre à moteur (VTM).

Dans cet arrêt du 6 mai 2021, la question était la suivante : un fauteuil roulant électrique est-il un VTM au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ?

En l’espèce, une jeune femme présentant un trouble moteur cérébral en raison d’une anoxie néonatale et souffrant d’une hémiplégie droite ne se déplace à l’extérieur qu’à l’aide d’un fauteuil roulant électrique. Alors qu’elle circulait sur ce fauteuil roulant, elle a été percutée par une voiture. Victime de plusieurs préjudices, elle a assigné l’assureur de la conductrice du véhicule en réparation. Celui-ci refusait de l’indemniser intégralement en raison de sa faute.

La cour d’appel l’a déboutée de sa demande en réparation intégrale, considérant que le fauteuil roulant électrique était un VTM au sens de la loi Badinter. En conséquence, la victime revêtait la qualité de conductrice. En tant que conductrice, sa faute lui était opposable et réduisait donc son droit à réparation en vertu de l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985.

La victime s’est donc pourvue en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir violé les articles 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985. Par mémoire distinct et motivé, elle a également demandé à la haute juridiction de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ce que celle-ci a refusé de faire dans un arrêt du 1er octobre 2020 (n° 20-14.551), faute de caractère nouveau et sérieux de la question.

Pour contester sa qualité de conductrice et donc l’opposabilité de sa faute, la demanderesse au pourvoi avançait notamment qu’une personne handicapée qui circule en fauteuil roulant électrique ne devait pas être assimilée au conducteur d’un VTM, en ce que la notion de VTM au sens de la loi du 5 juillet 1985 serait autonome de celle retenue par l’article L. 211-1 du code des assurances.

La deuxième chambre civile était donc invitée à s’interroger sur la définition de véhicule terrestre à moteur.

Au visa des articles 1, 3 et 4 de la loi tels qu’interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

La haute juridiction rappelle les conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985 et les règles qui régissent l’étendue du droit à réparation des victimes d’accidents, puis elle exclut le fauteuil roulant électrique de la définition de VTM telle qu’elle s’applique dans ce régime de réparation.

Le rappel des conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle l’article 1er de la loi dite Badinter qui énumère les conditions d’application de loi, à l’exception de la condition d’imputabilité du dommage à l’accident ajoutée par la jurisprudence, qui ne distingue pas selon la présence ou non d’un contrat liant responsable et victime et qui exclut du champ du régime les véhicules circulant sur une voie propre.

Elle revient ensuite sur les règles en matière d’opposabilité de la faute à la victime d’un accident de la circulation. Sur ce point, la loi distingue selon la qualité de la victime – conductrice ou non – et selon la nature de l’atteinte subie, à la personne ou au bien.

La victime qui revêt la qualité de conducteur se voit opposer sa faute, quelle que soit l’atteinte subie dans les mêmes conditions qu’en droit commun de la responsabilité (v. art. 4 de la loi).

La victime qui a la qualité de non-conducteur se voit également opposer sa faute simple si elle demande réparation d’une atteinte aux biens (art. 5 de la loi).

En revanche, la faute simple n’est pas opposable aux victimes non conductrices ayant subi un dommage corporel. Dans ce cas, une distinction s’opère entre les victimes « super privilégiées » et les victimes « simplement privilégiées ». Les premières sont âgées de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou présentent un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 % : seule leur faute intentionnelle leur est opposable (art. 3, al. 2, de la loi). Les secondes ont entre 16 et 70 ans ou présentent un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité inférieure à 80 % : leur faute intentionnelle (art. 3, al. 3, de la loi) et leur faute inexcusable cause exclusive de l’accident (art. 3, al. 1) leur sont opposables.

On comprend alors l’enjeu de la détermination de la qualité de la victime en l’espèce puisque celle-ci demande réparation de dommages corporels alors qu’elle a commis une faute qui a contribué à son dommage. Afin de savoir à quelle catégorie de victimes elle appartient, il convient donc, en amont, de déterminer si le fauteuil roulant est un VTM ou non.

L’exclusion du fauteuil roulant électrique de la définition de VTM au sens de la loi du 5 juillet 1985

La Cour de cassation rappelle que le dispositif d’indemnisation qu’est la loi du 5 juillet 1985 est un régime sans faute.

Elle précise également que le législateur a pris en compte les risques associés à la circulation de véhicules motorisés et a voulu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route tels que les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées et celles en situation de handicap.

Elle relève par ailleurs que le fauteuil électrique est un dispositif médical dont l’objectif est de permettre le déplacement d’une personne handicapée, ce qui l’exclut de la catégorie des véhicules terrestres à moteur.

Par voie de conséquence, si le fauteuil roulant n’est pas un véhicule, la personne handicapée qui l’utilise ne peut pas avoir la qualité de conducteur. Il en résulte qu’en application de l’article 3 de la loi, sa faute lui est inopposable.

Pour autant, était-il si évident d’arriver à la conclusion que la victime handicapée qui se déplace sur un tel dispositif ne devait pas être considérée comme conductrice ? Humainement, oui, techniquement, pas forcément.

L’équilibre entre l’application rigoriste de la définition du véhicule terrestre à moteur et la volonté de protéger les victimes d’accident particulièrement vulnérables n’est pas évidente.

Il n’existe pas de définition du VTM dans la loi du 5 juillet 1985. Le législateur semble s’en être remis à la définition du code des assurances. Selon l’alinéa 1er de l’article 211-1, le VTM correspond à « tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ».

Une autre définition se trouve également dans le code de la route. L’article L. 110-1 dispose que « le terme de “véhicule à moteur” désigne tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur à propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par ses moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails ».

Notons que le code de la route envisage la situation des fauteuils roulants et opère une distinction selon que ceux-ci sont manuels ou électriques à l’article R. 412-34, II. Si la personne handicapée qui se déplace en fauteuil manuel est considérée comme un piéton, la personne se déplaçant sur un fauteuil électrique ne l’est que si elle roule « à l’allure du pas ». Dans le cas contraire, elle revêt la qualité de conducteur.

La question se pose alors de savoir si la définition jurisprudentielle du VTM au sens de la loi Badinter est identique à ces définitions légales.

La Cour de cassation, par une démarche casuistique, a adopté, comme souvent en la matière, une conception souple de la notion de VTM. Pour le définir, elle ne tient compte ni de la vitesse à laquelle il circule ni des caractéristiques du conducteur, pas plus qu’elle n’exige que le véhicule soit assuré de façon effective.

Elle a notamment considéré qu’une tondeuse à gazon autoportée (Civ. 2e, 24 juin 2004, n° 02-20.208, Bull. civ. II, n° 308 ; D. 2004. 2197, et les obs. ; ibid. 2005. 1317, obs. H. Groutel  ; 22 mai 2014, n° 13-10.561, Bull. civ. II, n° 116 ; Dalloz actualité, 6 juin 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 1201 ; RTD civ. 2014. 665, obs. P. Jourdain ) et qu’une mini-moto (Civ. 2e, 22 oct. 2015, n° 14-13.994, Dalloz actualité, 4 nov. 2015, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2015. 2181 ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2016. 135, obs. P. Jourdain ) étaient des VTM au sens de la loi.

Une application stricte de la définition du VTM, notamment au regard des définitions légales, aurait pu conduire les juges du droit à reconnaître que le fauteuil roulant électrique était un VTM et que la victime avait la qualité de conductrice. En ayant un moteur et la possibilité de circuler sur la voie publique comme tout autre véhicule, la personne qui le manœuvre participe aux risques de la circulation.

Mais l’esprit de la loi impose, à l’inverse, un rejet de cette solution puisque l’idée du législateur était avant tout de protéger les victimes vulnérables de ce type d’accidents, a fortiori lorsqu’elles sont victimes de dommages corporels. D’ailleurs, le projet de réforme de la responsabilité civile prévoit d’abandonner la distinction de régime en cas de dommages corporels selon que la victime est conductrice ou non.

Le fauteuil roulant, électrique ou manuel, est avant tout un dispositif médical qui vient aider une personne qui a perdu tout ou partie de ses facultés motrices. Plus qu’un véhicule, c’est un moyen de se mouvoir quand il n’est pas possible de le faire avec son corps. En ce sens, ce serait la vulnérabilité de la victime qui primerait sur la nature du moyen utilisé pour se déplacer.

Toutefois, la solution aurait-elle été la même si la personne sur le fauteuil, au moment de l’accident, n’avait pas été la personne à laquelle il était destiné mais une personne qui l’essaye simplement ? Autrement dit, est-ce la qualité de la personne qui le manœuvre ou la nature du fauteuil qui exclut la qualité de conducteur et de VTM ? Les deux peut-être ? Il reste encore des questions à poser et des réponses à apporter.