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Les hypothèses de déchéance du droit à remboursement de la caution solvens sont envisagées par l’article 2308 du code civil, qui dispose que « La caution qui a payé une première fois n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier. Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier » (rappr. Avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés du 18 déc. 2020, art. 2314 : « La caution n’a pas de recours si elle a payé la dette sans en avertir le débiteur et que celui-ci l’a acquittée ou disposait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte ; sauf son action en restitution contre le créancier ». C’est la seconde cause de déchéance, sanctionnant « l’excès de zèle de la caution » (pour reprendre l’expression de M. Bourassin et V. Brémond, Droit des sûretés, 7e éd., Sirey, 2019, n° 329), que le débiteur tentait de faire valoir dans l’affaire ayant donné lieu à un arrêt de la première chambre civile en date du 24 mars 2021 (V. égal., Civ. 1re, 20 févr. 2019, n° 17-27.963, AJDI 2019. 292 ; 1er oct. 2014, n° 13-20.457 ; Com. 28 janv. 2014, n° 12-28.728, D. 2014. 1610, obs. P. Crocq ). En l’espèce, suivant offre de prêt acceptée le 27 août 2008, une banque a consenti un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société Crédit logement. Puis, à la suite du prononcé de la déchéance du terme par la banque, la caution a payé les sommes réclamées et assigné l’emprunteur en remboursement. La cour d’appel de Rennes accueille la demande de la caution dans un arrêt du 16 septembre 2018, ce qui motiva un pourvoi en cassation du débiteur, celui-ci soutenant tout d’abord, à l’appui d’un premier moyen, que la caution qui a payé sans être poursuivie alors que le débiteur principal était en mesure d’opposer utilement à la banque un moyen de droit tiré de l’irrégularité de la déchéance du terme se trouve privée de son recours contre...

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Le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale énonce, par son article 8, une règle de compétence générale : « Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ».

L’article 10 énonce quant à lui une règle de compétence spéciale en cas d’enlèvement d’enfant : « En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre et que a) toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non-retour ou b) l’enfant a résidé dans cet autre État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de...

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La Cour de cassation poursuit son œuvre d’uniformisation des sanctions civiles relatives au TEG, dans le droit fil de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global (V. à ce sujet, G. Biardeaud, Succès en trompe-l’oeil pour les banques, D. 2019. 1613 ; X. Delpech, Un nouveau régime de sanctions en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, AJ contrat 2019. 361 ; F. Clapiès, TEG : une clarification attendue du régime des sanctions civiles, RLDA, oct. 2019, p. 20 ; J. Lasserre Capdeville, L’adoption d’une sanction unique aux manquements liés au TEG/TAEG, JCP E, 12 sept 2019, act. 574 ; M. Latina, La sanction civile du TAEG est unifiée, L’essentiel Droit des contrats, oct. 2019, p. 2 ; D. Legeais, La fin du contentieux relatif au TEG ! RD banc. et fin. 2019, repère 5 ; P. Métais et E. Valette, La réforme du TEG adoptée : la déchéance du droit aux intérêts du prêteur proportionnée au préjudice… RLDC oct. 2019, p. 9 ; J.-D. Pellier, L’harmonisation des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, CCC, déc. 2019, Alerte 43 ; V. Prevesianos, Une ordonnance fixe les sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, Dalloz actualité, 30 juill. 2019 ; M. Roussille, Quand le législateur s’en remet à la sagesse du juge… Gaz. Pal. 22 oct. 2019, p. 43). On sait en effet que cette ordonnance a harmonisé lesdites sanctions en érigeant la déchéance du droit aux intérêts en sanction unique (et en bannissant corrélativement la sanction de la nullité, qui était jusqu’alors appliquée en cas d’omission ou d’inexactitude de la mention du taux effectif global dans l’écrit constatant tout contrat de crédit). Le code de la consommation prévoit ainsi que « le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur », cette règle étant posée tant au stade de l’information précontractuelle (C. consom., art. L. 341-1, L. 341-25 et L. 341-26), qu’à celui des offres de crédit (C. consom., art. L. 341-4, L. 341-34 et L. 341-54) et du contrat lui-même (C. consom., art. L. 341-48-1). En outre, la sanction est également étendue aux autres types de crédit par renvoi de l’article L. 313-4 du code monétaire et financier aux dispositions du code de la consommation (V. en ce sens, J. Lasserre Capdeville, art. préc., faisant état des crédits professionnels ou du « secteur libre »).

Afin de donner à cette harmonisation une portée temporelle maximale, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 10 juin 2020, que « pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge » (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, D. 2020. 1440 ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2021. 223 , obs. J. Moreau ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais ; v. égal., Civ. 1re, 10 juin 2020, avis n° 15004 : « même lorsque l’ordonnance du 17 juillet 2019 n’est pas applicable, l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur » [Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, publié, préc.]).

Il n’est donc pas étonnant que la chambre commerciale adopte exactement la même solution dans un arrêt du 24 mars 2021. En l’espèce, courant 2007, la société Dexia a consenti trois prêts à la société anonyme de construction de la ville de Lyon (la SACVL). Ces contrats stipulaient que, pour une partie de leur durée, le taux d’intérêt serait un taux fixe de 3,68 % par an pour le premier prêt et de 3,20 % par an pour les deux derniers si le taux du change de l’euro en franc suisse était supérieur au taux du change de l’euro en dollar américain et que, dans le cas contraire, le taux d’intérêt serait égal au taux fixe stipulé pour chacun des contrats, augmenté de 30 % de la différence entre ces taux de change pour le premier prêt et de 26 % de cette différence pour les deux derniers. Ceux-ci ont été réitérés par deux actes notariés du 29 avril 2008, tandis que le premier contrat a fait l’objet d’un avenant courant 2012. Le 1er mars 2013, la SACVL a assigné la société Dexia pour obtenir notamment, à titre principal, l’annulation des stipulations d’intérêt des trois contrats de prêt et, à titre subsidiaire, la réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de la banque à son obligation d’information.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 27 novembre 2018, fait droit à la demande de l’emprunteur et annule la stipulation d’intérêts conventionnels du premier contrat litigieux, en retenant que le taux d’intérêt légal est applicable pour ce contrat à compter du 22 juin 2012, après avoir énoncé que le non-respect des dispositions des articles 1907, alinéa 2, du code civil et L. 313-2 (lire art. L. 313-4) du code monétaire et financier est sanctionné par la nullité relative de la stipulation d’intérêts, l’arrêt retient que la SACVL est fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans l’avenant du 22 juin 2012 est erroné.

La banque se pourvut donc en cassation, arguant du fait que la mention du taux effectif global ne constitue pas, dans un contrat de prêt structuré, une condition de validité de la stipulation du taux d’intérêt contractuel. L’argument fait mouche auprès de la Cour régulatrice, qui censure l’arrêt au visa de l’article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 : les hauts magistrats rappellent tout d’abord qu’ « En application de ce texte, le taux effectif global, déterminé selon les modalités prévues par les dispositions du code de la consommation communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de crédit » (pt 11). Après avoir retracé l’histoire mouvementée de la jurisprudence et de la loi en la matière, ayant finalement abouti à l’ordonnance du 17 juillet 2019 précitée, ils énoncent que « Si, conformément au droit commun, les dispositions de cette ordonnance ne sont applicables qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution de ce contentieux et du droit du crédit, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar la première chambre civile (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, préc., en cours de publication) qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur » (pt 18). Ils en concluent qu’« En statuant ainsi, alors que l’inexactitude du taux effectif global mentionné dans l’avenant au contrat de prêt emportait, non l’annulation de la stipulation du taux de l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal, mais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion qu’il lui appartenait de fixer au regard, notamment, du préjudice subi par la SACVL, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (pt 20).

Cette solution, qui présente le mérite de la simplicité, n’encourt pas moins deux critiques : d’une part, elle revient à faire une application par anticipation de l’ordonnance du 17 juillet 2019, n’en déplaise à la Cour régulatrice, qui s’en défend (allant ainsi à l’encontre de l’invitation du rapport au Président de la République relatif à ladite ordonnance). Ce faisant, elle applique (sans le dire) le principe de la rétroactivité in mitius en matière civile alors que ce principe est traditionnellement cantonné à la matière répressive en vertu de l’article 112-1, alinéa 3, du Code pénal (en faveur d’une telle application, v. P.-Y. Gautier, Pour la rétroactivité in mitius en matière civile, in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen J. Héron, LGDJ, 2009, p. 235).

D’autre part, cette solution procède à une extension de la déchéance au-delà de son domaine (temporel en l’occurrence), alors même que la Cour de cassation se montre traditionnellement réticente à en étendre l’empire (V. par ex., Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565, Dalloz actualité, 24 janv. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 68 ; AJDI 2019. 632 , obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron ; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville ; RDC n° 2019/2, p. 54, obs. D. Fenouillet : « selon l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en cas de non-respect des différentes obligations visées par cet article, parmi lesquelles ne figurent pas les modalités d’information de l’emprunteur énumérées aux articles R. 313-12 à R. 313-14 du même code, relatifs au regroupement de crédits prévu à l’article L. 313-15, ces textes dans leur rédaction alors applicable ; que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la déchéance du droit aux intérêts n’était pas encourue ». V. égal. en matière de surendettement, Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160, D. 2020. 484 ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. M. Draillard, Rudy Laher, A. Provansal, O. Salati et E. Jullien ; RDC 2020/2, p. 70, obs. J. Julien ; JCP E 11 juin 2020, 1227, note J.-D. Pellier, considérant, au visa de l’article L. 761-1 du code de la consommation, « qu’il résulte de ce texte que les causes de déchéance sont limitativement énumérées par la loi »).

En réalité, la solution se justifie essentiellement par des considérations d’opportunité, comme en témoigne d’ailleurs la motivation de l’arrêt sous commentaire, reprenant en cela l’argumentation de la première chambre civile, elle-même fondée sur l’avis de l’avocat général relatif à l’arrêt du 10 juin 2020 précité. On peut en effet y lire que « La création, par l’ordonnance du 17 juillet 2019, d’une sanction unique de déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge, constitue un changement de paradigme en raison de son très vaste champ d’application. Elle a pour objet de simplifier et de rendre cohérent un régime de sanctions devenu peu lisible. Un tel changement, découlant d’une forte volonté d’harmonisation des sanctions civiles fondée sur la généralisation de la sanction de déchéance du droit aux intérêts applicable en matière d’offre de prêt, génère une logique d’unification des solutions, nonobstant l’absence d’application immédiate des nouvelles dispositions aux contrats en cours » (p. 11). On y trouve également la considération suivante, inspirée du droit de l’Union européenne : « L’automaticité de la sanction génère effectivement une absence de proportionnalité en méconnaissance des exigences du droit européen applicable (…). Cette automaticité ne laisse aucune marge de manœuvre au juge dès lors qu’il constate le manquement : il doit prononcer l’annulation de la clause stipulant le taux d’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal, nonobstant la gravité du manquement commis ou l’ampleur du préjudice subi » (p. 12 et 13).

Quoi qu’il en soit, il n’est pas certain que l’objectif poursuivi par le législateur et la jurisprudence puisse être atteint, tant il est vrai que l’étendue de la déchéance pourra varier d’un juge à l’autre (rappr. M. Roussille, Quand le législateur s’en remet à la sagesse du juge… art. préc. : « la réforme pourrait bien manquer son objectif d’harmonisation des sanctions puisque chaque juge a ses inclinaisons : untel estimera que l’emprunteur fait une demande disproportionnée au regard de la faiblesse de l’erreur ; un autre préférera, au contraire, faire preuve de sévérité envers le prêteur, dans une visée d’exemplarité »).

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Pour bien comprendre la portée de cet arrêt, il est nécessaire d’indiquer la teneur de quelques-unes des dispositions du code algérien de la famille relatives à la dissolution du mariage, sans volonté d’exhaustivité.

L’article 48 de ce code dispose que « le divorce est la dissolution du mariage (…) » et qu’il intervient par la volonté de l’époux, par consentement mutuel des deux époux ou à la demande de l’épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54 de la présente loi ».

L’hypothèse d’un divorce prononcé à la demande de l’époux a donné lieu, en France, à une jurisprudence aujourd’hui bien établie, sous l’angle de l’exequatur. Par exemple, un arrêt de la Première chambre civile du 4 juillet 2018 (Civ. 1re, 4 juill. 2018, n° 17-16.102, AJ fam. 2018. 469, obs. C. Roth ; Dr. fam. 2018. Comm. 270, note M. Farge) a énoncé qu’un « jugement algérien, fondé sur le droit pour le mari de mettre fin de façon discrétionnaire au mariage, est contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage que la France s’est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international, dès lors que les époux de nationalité algérienne sont domiciliés sur le territoire d’un Etat contractant, même s’ils sont séparés » (V. égal., Civ. 1re, 23 oct. 2013, n° 12-21.344, Dalloz actualité, 7 nov. 2013, obs. R. Mésa ; D. 2013. 2518 ; AJ fam. 2013. 709, obs. A. Boiché ; RTD civ. 2014. 94, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2014. Comm. 31, note M. Farge ; RLDC 2014, n° 5387, note D. Thévenet-Montfrond ; RJPF 2013-12/13, p. 21, note T. Garé ; RIDC 2013/110, n° 5320, p. 44, note K. Ducrocq-Pauwels).

L’affaire jugée le 17 mars 2021 ne concernait toutefois pas un jugement de divorce prononcé en Algérie à l’initiative de l’époux sur le fondement de l’article 48 du code algérien de la famille mais un jugement obtenu par l’épouse, en application de l’article 54 de ce même code, qui énonce que « l’épouse peut se séparer de son conjoint, sans l’accord de ce dernier, moyennant le versement d’une somme à titre de "khol’â". En cas de désaccord sur la contrepartie, le juge ordonne le versement d’une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité "sadaq el mithl" évaluée à la date du jugement ».

La difficulté était en l’espèce de déterminer si un jugement algérien de divorce rendu à la demande de l’épouse et sans l’accord du mari devait être considéré comme régulier en France ou devait, au même titre que le jugement de répudiation obtenu par l’époux, être considéré comme contraire à l’ordre public international français.

La Cour de cassation énonce à ce propos que « lorsqu’une décision de divorce a été prononcée à l’étranger en application d’une loi qui n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce, sa reconnaissance ne heurte pas l’ordre public international, dès lors qu’elle est invoquée par celui des époux à l’égard duquel sont prévues les règles les moins favorables, que la procédure suivie n’a pas été entachée de fraude et que l’autre époux a pu faire valoir ses droits ».

Cette formule, qui exprime un principe général, est très novatrice. Si l’on s’en tient à ses termes, sans considérer les circonstances de l’espèce, elle signifie qu’un jugement étranger de divorce peut être considéré conforme à l’ordre public international français même s’il a été prononcé en application d’un droit étranger qui ne respecte pas l’égalité d’accès au divorce des époux, dès lors, notamment, qu’il est invoqué en France par l’époux qui pâtit de l’absence d’égalité.

On peut en déduire, au-delà de l’affaire jugée le 17 mars 2021, que dans une hypothèse classique de répudiation, l’épouse répudiée peut elle-même demander et obtenir la reconnaissance ou l’exequatur en France du jugement étranger de répudiation s’il en va de son intérêt. Cela conduit à admettre que l’exception d’ordre public international français a une portée très relative, qui peut varier non seulement au regard des mécanismes classiques de l’ordre public atténué ou de proximité (pour une appréciation critique de ces mécanismes, L. Gannagé, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des conflits de cultures, Rec. cours Académie de La Haye, 2013, vol. 357, nos 125 s.) mais aussi de la qualité de l’époux qui invoque le jugement en France. Cette nouvelle approche n’est pas sans rappeler la possibilité en matière interne de renoncer dans certains cas, à une règle appartenant à l’ordre public de protection, même s’il est certain que les notions d’ordre public international et d’ordre public interne sont bien distinctes (sur ce, P. de Vareilles-Sommières, L’exception d’ordre public et la régularité substantielle internationale de la loi étrangère, Rec. cours Académie de La Haye, 2015, vol. 371, nos 62 s.) et que cette comparaison vaut plus par son caractère explicatif que par sa rigueur conceptuelle. On est alors loin de l’approche promue par la Cour de cassation dans son Rapport annuel 2013 (L’ordre public, La Documentation française, 2014, p. 456), selon laquelle l’exception d’ordre public international vise à protéger l’intérêt général, de sorte qu’il est impossible de se prévaloir d’une décision étrangère qui ne serait pas conforme à cet ordre.

Toutefois, même si le principe qui est ainsi formulé mérite, à notre sens, l’approbation, l’examen des circonstances jugées par la Cour de cassation le 17 mars 2021 conduit en réalité à s’interroger, avec scepticisme, sur son application en l’espèce.

Pour retenir que la décision algérienne de divorce ne heurte pas l’ordre public international français, la Cour de cassation a implicitement mais nécessairement retenu que l’épouse était, selon la formule utilisée par le principe précité, « celui des époux à l’égard duquel (étaient) prévues les règles les moins favorables ».

Pourtant, l’épouse avait pris l’initiative de la procédure de divorce en Algérie et de la procédure en France au cours de laquelle elle a invoqué à son profit le jugement algérien de divorce pour obtenir l’expulsion de son ex-époux d’une maison, située en France, qu’elle avait achetée en propre. Il est donc difficile de considérer que l’épouse était ici dans une situation défavorable par rapport à l’époux au regard des circonstances procédurales.

Mais alors, comment concilier cette idée de situation défavorable de l’épouse, retenue par la Cour de cassation, avec les circonstances d’espèce qui démontrent qu’elle était au contraire bénéficiaire des procédures ?

Il nous semble que la seule explication tient au fait que la Cour de cassation a retenu, en filigrane, que la situation – favorable ou défavorable – de l’épouse ne devait pas être appréciée au regard des seules dispositions de l’article 54 du code algérien de la famille appliquées par le juge algérien, mais au regard d’une appréciation globale du droit du divorce algérien, avec le sous-entendu selon lequel ce droit est, de manière générale, globalement moins favorable à l’épouse compte tenu de la possibilité ouverte au mari de rompre unilatéralement le mariage. C’est ce qui expliquerait que l’épouse ait pu se prévaloir en France du jugement de divorce obtenu en Algérie de manière unilatérale.

Or, cette façon de raisonner – à supposer qu’elle soit bien au fondement de l’arrêt – nous semble contestable sur le plan de la méthode, même si le principe énoncé par l’arrêt est à notre sens opportun. Il est surprenant d’apprécier la situation (favorable ou défavorable) de l’épouse à l’égard du droit algérien considéré globalement, y compris au regard de certaines de ses dispositions qui n’étaient pourtant pas applicables dans le litige, et ce d’autant plus qu’en l’espèce, il ne s’agissait pas d’un problème de conflit de lois conduisant à l’application du droit algérien par le juge français mais de l’appréciation de la régularité internationale d’un jugement étranger. L’exception d’ordre public international n’aurait dû, selon la méthode classique, être mise à œuvre qu’en considération de la situation juridique créée par le jugement étranger ayant appliqué le seul article 54 du code algérien de la famille et non pas en considération d’une appréciation globale des règles juridiques algériennes, y compris de celles qui n’ont pas été appliquées par le jugement algérien.

L’approche consacrée par la Cour de cassation nous semble d’autant plus surprenante, sur le plan de la méthode, qu’il n’était sans doute pas nécessaire d’en passer par le principe général, précité, pour arriver à une solution identique. La Cour de cassation a en effet approuvé les juges du fond d’avoir retenu que le divorce prévu par l’article 54 du code algérien de la famille ne peut pas être assimilé à la répudiation prévue par l’article 48 (pour une analyse du droit algérien à ce sujet, J.-Cl. Droit comparé, v° Algérie, Droit de la famille, Mariage, Divorce, Filiation, Capacité », par K. Saidi, fasc. 20, nos 73 s.). Par suite, il pouvait être considéré comme un « quelconque » divorce prononcé à l’étranger, dont la régularité aurait pu être simplement appréciée au regard des critères habituels, après avoir notamment contrôlé que le principe du contradictoire avait été respecté devant le juge étranger et qu’il n’y avait pas eu fraude.

Le 13 juillet 2018, une association relève appel d’un jugement et remet ses conclusions au greffe le 12 octobre 2018, soit dans le délai de trois mois imparti par l’article 908 du code de procédure civile. L’intimée constitue avocat le 13 novembre 2018 et l’avocat de l’appelant notifie ses conclusions à son confrère le 14 novembre 2018. Selon ordonnance du 5 décembre 2018, le conseiller de la mise en état constate la caducité de la déclaration d’appel faute de signification des conclusions dans le délai de quatre mois à compter de la déclaration d’appel, ordonnance confirmée par la cour d’appel de Paris selon arrêt du 22 mai 2019.

L’association qui avait vu sa déclaration d’appel jugée caduque soutenait devant la Cour de cassation que si l’appelant dispose d’un délai d’un mois supplémentaire, à compter de l’expiration de son délai de trois mois pour déposer ses conclusions au greffe, pour signifier ses conclusions à l’intimé non constitué, le délai de trois mois expirait le dernier jour à minuit et celui d’un mois pour signifier commençait donc à courir le lendemain à zéro heure. Après avoir rappelé que si, par application de l’article 911 du code de procédure civile, l’appelant dispose bien d’un délai prorogé d’un mois à compter de l’expiration du délai de trois mois pour conclure, la deuxième chambre civile rejette cependant le pourvoi en dégageant la solution suivante : « Il résulte des articles 640 et 641 du code de procédure civile que lorsqu’un acte doit être accompli avant l’expiration d’un délai exprimé en mois, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir et pour terme le jour qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir » et que « c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que l’appelant avait jusqu’au 13 novembre 2018 pour notifier ses conclusions à l’intimé ou à son avocat s’il avait été constitué, et que, faute de l’avoir fait, la déclaration d’appel était caduque ».

Point de long discours : lorsque l’on est censé conclure et signifier au jour près, l’avocat doit connaître  la méthode de calcul. L’article 911 impose, à peine de caducité de la déclaration d’appel, une notification des conclusions à l’avocat constitué pour l’intimé dans le délai de leur remise au greffe de la cour. À défaut de constitution, le même article offre un délai d’un mois supplémentaire, à compter de l’expiration du délai de l’article 908...

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Le 25 mars 2021, une convention de partenariat a été signée par le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, et le Président du conseil de l’ordre des géomètres-experts, Vincent Saint-Aubin. La finalité de cette convention est de permettre un accès facile aux données foncières et cadastrales à tous les intéressés (qu’ils soient particuliers, professionnels, services de l’État ou collectivités territoriales) et la digitalisation de l’ensemble du processus.

Numérisation...

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Un arrêt est rendu par la cour d’appel de Nîmes le 24 février 2004. Un rapport d’expertise porté à la connaissance d’une partie le 6 septembre 2016 semble lui ouvrir la possibilité d’une révision de l’arrêt d’appel.

L’huissier chargé de signifier l’assignation en recours en révision ne peut signifier l’acte, le destinataire étant décédé le 13 mars 2012, de sorte qu’il dresse un procès-verbal de difficulté. Ce n’est que le 29 décembre 2016 que le demandeur au recours en révision peut signifier l’assignation à l’ayant droit du défunt.

Les défendeurs au recours soulèvent l’irrecevabilité pour tardiveté, l’assignation ayant été signifiée après le délai de deux mois de l’article 596 du code de procédure civile.

La Cour de cassation casse l’arrêt, au visa notamment de l’article 2241 du code civil, retenant que la tentative d’assignation faite dans le délai de deux mois a interrompu le délai pour agir.

Une tentative interruptive

Depuis 2014, l’article 2241 du code civil fait parler de lui, la Cour de cassation ayant lentement élaboré une jurisprudence dont nous pouvions considérer qu’elle était parvenue à l’achèvement. Mais cette disposition n’arrête de nous surprendre, comme le démontre la présente affaire qui concerne un recours en révision (C. pr. civ., art. 593 s.).

Nous savons que le recours en révision, voie extraordinaire de recours, est enfermé dans un délai strict de deux mois (C. pr. civ., art. 596). Le point de départ de ce délai est la connaissance de la cause de révision.

Le demandeur au recours avait eu connaissance de la cause de révision, un rapport d’expertise, le 6 septembre 2016, de sorte qu’il devait agir au plus tard le 6 novembre 2016, en assignant en recours en révision. Le demandeur avait alors  saisi l’huissier en temps utile pour que l’assignation soit délivrée dans ce délai.

Toutefois, l’huissier n’avait pas été en mesure de signifier l’acte, le destinataire étant décédé, en 2012. Un acte de notoriété ayant été porté à la connaissance du demandeur, ce dernier a pu assigner l’ayant droit du défunt, mais postérieurement au délai de deux mois. Ce dernier s’est donc, assez logiquement, prévalu de l’irrecevabilité pour tardiveté.

La signification d’un acte d’assignation a indiscutablement un effet interruptif (Civ. 3e, 27 nov. 2002, n° 01-10.058 P, D. 2003. 205 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2003. 345 , obs. M.-P. Dumont ), mais en l’espèce, cette assignation n’avait pas pu être remise puisque le destinataire s’est avéré être décédé. Ce que l’huissier a dressé est un procès-verbal de difficulté, qui n’est pas un acte d’assignation.

Il est donc exact que l’acte d’assignation n’existe pas. C’est sur point que la Cour de cassation innove, en ajoutant nécessairement au texte, et en donnant à la tentative d’assignation la même portée que l’acte signifié.

C’est, à notre connaissance, la première fois que la Haute juridiction fait une telle lecture de l’article 2241 du code civil.

On peut comprendre une telle interprétation, favorable à un demandeur qui n’avait pas été défaillant. Il avait agi dans les délais, mais s’était heurté à une difficulté pour la délivrance de l’acte. Il aurait pu être considéré comme sévère de lui...

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Le contrat de dépôt entretient des liens étroits avec la rétention. On sait que l’article 1948 du code civil permet au dépositaire de retenir la chose mise en dépôt jusqu’à l’entier paiement de sa créance (Rép. civ., v° Dépôt, par G. Pignarre, n° 173). Or, il arrive parfois que cette règle soit tenue en échec, non en raison du contrat lui-même, mais de son objet. Quand la rétention ne peut pas jouer, c’est toute la garantie qu’a le dépositaire d’obtenir le paiement des frais qu’il a exposés qui est menacée. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 mars 2021 permet d’illustrer parfaitement cette difficulté. Il faut bien noter qu’un tel arrêt même non promis à une publication au Bulletin reste très intéressant pour le régime juridique du dépôt.

Les faits sortent un peu de l’ordinaire en raison de l’objet du contrat conclu. Deux personnes mariées élèvent des chevaux ensemble de 1991 à 2012, i.e. jusqu’à leur séparation. Le 18 septembre 2014, l’épouse assigne son ancien mari en restitution de certaines juments et de leurs foals (ndlr : un foal est un poulain de moins d’un an). L’éleveur oppose un droit de rétention jusqu’à l’entier paiement des frais de conservation desdites juments et des poulains nés durant le dépôt. Le jugement du Tribunal de grande instance d’Argentan statuant sur la question est frappé d’appel.

Tout en caractérisant le dépôt, la cour d’appel de Caen examine qui est le propriétaire des poulains nés durant le contrat. Elle estime que l’ex-épouse ne s’est jamais considérée ni comme naisseur, ni comme propriétaire. Les juges du fond rejettent ainsi sa demande de se voir attribuer la propriété des poulains. Sur le problème de la rétention, la cour d’appel en arrive à la conclusion que l’ex-époux ne sera tenu de restituer les animaux concernés qu’à compter du jour où son ancienne épouse aura réglé l’intégralité des frais de conservation liés au dépôt.

L’éleveuse de juments se pourvoit alors en cassation. Plusieurs problèmes sont réglés par la Haute juridiction...

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La tentative d’assignation à une personne décédée interrompt le délai pour agir, dès lors que le requérant est ignorant du décès, laissant en conséquence la possibilité d’agir contre les successibles du de cujus.

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Auteur d'origine: clhermitte

La Cour de cassation vient préciser la réponse à quelques questions autour du dépôt. Lorsque des juments donnent naissance à des poulains durant ledit dépôt, le propriétaire de la jument récupère la propriété des foals ainsi nés. La Cour de cassation continue de considérer le poulain comme un fruit civil : ainsi quand la jument a été restituée, ledit poulain doit l’être aussi et la rétention doit cesser. 

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Auteur d'origine: chelaine

Cette décision, qui fort légitimement ne sera pas publiée au Bulletin, mérite la critique en ce que la Cour de cassation n’y fait pas preuve de rigueur en appliquant la règle de droit, mais seulement d’un rigorisme que les faits de l’espèce ne justifient en rien.

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Auteur d'origine: Dargent

Une saisie immobilière, mesure temporaire et à caractère provisoire, ne peut porter que sur la totalité du bien saisi, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, qui ne peut invoquer la violation du principe de proportionnalité, la société tierce étant sans qualité à invoquer les conséquences de la saisie pour la société poursuivie, qui n’est pas propriétaire du bien saisi.

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Auteur d'origine: fucini

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques. 

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Auteur d'origine: Dargent

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Le scénario est en passe de devenir classique. Deux époux s’étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et avaient inclus dans leur convention matrimoniale une clause de présomption d’exécution quotidienne de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Le couple avait fait l’acquisition indivise d’un bien immobilier destiné à devenir le logement de la famille. Pour ce faire, l’épouse avait réalisé un apport personnel de 105 200€.

Suite au divorce, des difficultés sont apparues à propos du règlement des intérêts patrimoniaux des parties. L’épouse sollicitait notamment la reconnaissance d’une créance au titre du financement du logement de la famille. Par un arrêt du 9 mai 2019, la cour d’appel de Paris avait rejeté sa demande au motif qu’une telle dépense participe de l’obligation de contribuer aux charges du mariage et ne donne donc pas lieu à remboursement. Les juges du fond ont également retenu que la clause du contrat de mariage stipulant que chacun des époux sera réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage leur interdit de prouver que l’un ou l’autre ne se serait pas acquitté de son obligation.

La succombante forme un pourvoi en cassation. Selon le moyen, seul le remboursement des échéances de l’emprunt était susceptible d’être considéré comme une contribution aux charges du mariage. L’apport en capital, quant à lui, doit être exclu d’une telle qualification.

Sans grande surprise, la Cour de cassation censure la décision d’appel pour violation de l’article 214 du code civil. Au visa de ce texte, elle énonce en attendu de principe que « sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».

De prime abord, la décision ne semble pas présenter un grand intérêt dans la mesure où elle n’est que le prolongement, dans un arrêt d’espèce, d’une solution acquise depuis un arrêt de principe rendu le 3 octobre 2019 qui avait bénéficié d’une large diffusion et fait l’objet de nombreux commentaires (Civ. 1re, 3 oct. 2019, n° 18-20.828 FS-P+B+I, Dalloz actualité, 22 oct. 2019, obs. M. Cottet ; D. 2020. 60 , note B. Chaffois ; ibid. 901, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2206, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2019. 604, obs. J. Casey ; RTD civ. 2019. 913 et les obs. ; Gaz. Pal. 26 nov. 2019, n° 364g7, p. 55, note S. Deville ; Defrénois 16 janv. 2020, n° 154g6, p. 26, obs. H. Leyrat ; Gaz. Pal. 7 janv. 2020, n° 367h6, p. 66, obs. E. Mulon ; JCP N 2019. 51. 1343, note J. Vassaux ; Dr. fam. 2019. 12. comm. 241 et 242, obs. S. Torricelli-Chrifi ; RJPF 2019. 12, p. 22, note J. Dubarry et E. Fragu ; Lexbase Hebdo G. 21 nov. 2019. 803, obs. J. Casey ; JCP 2019. 46. 1151, note V. Bouchard). Dans cette décision, la Cour de cassation énonçait, au visa de l’article 214 du code civil, un attendu formulé en ces termes : « sauf convention matrimoniale contraire, l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ». L’arrêt rendu ce 17 mars 2021 n’en demeure pas moins remarquable à plusieurs titres.

En premier lieu, il donne l’occasion à la Cour de cassation de réaffirmer son attachement à la règle prétorienne édictée en 2019. Malgré les critiques, elle maintient le cap et défend sa position en l’inscrivant dans un courant jurisprudentiel stable. Cela paraît d’autant plus nécessaire que cette limitation du champ d’application de l’obligation contributive lui permet d’endiguer les effets néfastes de sa position relative à l’efficacité de la clause de présomption de contribution quotidienne.

En effet, en conférant à cette clause tantôt la portée d’une fin de non-recevoir en tant que clause de non-recours (Civ. 1re, 13 mai 2020, n° 19-11.444 FS-P+B, Dalloz actualité, 18 juin 2020, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2020. 1173 ; ibid. 2190, chron. S. Robin-Raschel, X. Serrier, V. Champ, S. Vitse, C. Azar, E. Buat-Ménard, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2206, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; ibid. 2021. 499, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2020. 362, obs. J. Casey ; RJPF 2020/7, p. 23, obs. J. Dubarry ; JCP N 2020. 1171, obs. S. Bernard ; Gaz. Pal. 28 juill. 2020, p. 65 s., obs. S. Deville ; LEFP juill. 2020, p. 6, obs. N. Peterka ; Dr. fam. 2020/9. Comm. 120, obs. S. Torricelli ; Defrénois 3 déc. 2020, n° 166j9, p. 34, obs. I. Dauriac ; Gaz. Pal. 6 oct. 2020, n° 388h4, p. 68, obs. É. Mulon ; LPA 20 juill. 2020, n° 154t9, p. 16, obs. E. Rançon) tantôt une dimension irréfragable renforcée en tant que clause de présomption (Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-15.353 FS-P+B, Dalloz actualité, 17 déc. 2020, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2020. 2344 ; ibid. 2021. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, Vivianne Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar ; ibid. 499, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2021. 193, obs. J. Casey ; RLDC 2021, n° 190, p. 18, comm. S. Deville ; RJPF 2021, n° 1, p. 30, J. Dubarry et E. Fragu ; LEFP janv. 2021, n° 113h2, p. 5, note N. Peterka ; Gaz. Pal. 23 mars 2021, n° 400w9, p. 56, note S. Bernard ; Dr. fam. 2021, n° 1, comm. 6, S. Torricelli ; Lexbase Hebdo édition privée n° 850 du 14 janv. 2021, par J. Casey, spéc. n° 10) la Cour de cassation a aggravé la paralysie du droit à remboursement de l’époux investisseur immobilier (Civ. 1re, 3 mars 2010, n° 09-11.005, D. 2010. 2092, chron. N. Auroy et C. Creton ; ibid. 2011. 1040, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2010. 188, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2010. 305, obs. J. Hauser ; ibid. 363, obs. B. Vareille ; 12 juin 2013, n° 11-26.748, D. 2013. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; ibid. 2014. 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2013. 448, obs. B. de Boysson ; RTD civ. 2014. 698, obs. B. Vareille ; 15 mai 2013, n° 11-26.933, D. 2013. 1208 ; ibid. 2242, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; ibid. 2014. 1342,...

Après avoir examiné l’enchaînement des hospitalisations sans consentement (Civ. 1re, 10 févr. 2021, n° 19-25.224, Dalloz actualité, 8 mars 2021, obs. C. Hélaine), nous nous penchons aujourd’hui sur un point procédural particulièrement important, la comparution de l’intéressé à l’audience devant le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure. Les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique imposent, en effet, la présence de la personne placée sous des mesures de soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent. Une réserve toutefois est prévue quand « il résulte de l’avis d’un médecin des motifs médicaux qui, dans l’intérêt de celle-ci [du majeur], font obstacle à son audition ou si, le cas échéant, est caractérisée une circonstance insurmontable empêchant cette audition ». L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 mars 2021 vient explorer le contenu de ces motifs médiaux empêchant la comparution de l’intéressé. Plus exactement nous renseigne-t-il, du moins, sur un élément qui n’est pas un tel motif : le risque majeur de fugue.

Les faits sont d’une certaine banalité dans ce contentieux. Une personne majeure est placée sous une mesure de soins psychiatriques sans consentement pour péril imminent sur le fondement de l’article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique le 5 avril 2019 sur décision d’un directeur d’établissement. Le 15 avril suivant, le juge des libertés et de la détention (JLD) prolonge la mesure comme les textes le lui permettent. Le 25 avril, le préfet prend une nouvelle mesure d’hospitalisation sans consentement sur le fondement de l’article L. 3213-6 du code de la santé publique avec poursuite des soins quatre jours plus tard. Le 30 avril, il saisit le JLD afin de maintenir la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du même code. Le JLD accueille la demande mais le majeur interné décide d’interjeter appel. Le premier président de la cour d’appel de Caen déclare irrecevable l’appel et ne fait pas comparaître l’intéressé car un certificat médical faisait état d’un « risque majeur de fugue ».

Le majeur placé sous la mesure d’hospitalisation sans consentement se pourvoit en cassation. Il conteste le refus de comparution qui lui a été opposé. Pour lui, le simple risque de fugue ne peut pas s’analyser en un motif médical empêchant sa comparution. La Cour de cassation précise, de manière lapidaire, que « le risque majeur de fugue visé dans ce document ne constituait pas à lui seul un motif médical ». L’arrêt est cassé pour violation de la loi. Qu’en retenir ?

Le contrôle pointilliste du motif médical

La Cour de cassation s’immisce donc, d’une manière assez rare, dans l’appréciation d’un motif médical. Il faut bien avouer que l’on peut se demander en quoi le risque d’une fugue pouvait constituer un tel motif puisqu’il ne s’agit pas d’une pathologie ou d’un trouble. Or, quand l’article R. 3211-13 du code de la santé publique parle de la situation dans laquelle « le magistrat décide de ne pas procéder à son audition au vu de l’avis médical prévu au deuxième alinéa de l’article L. 3211-12-2 », un certain flottement peut exister. Une interprétation possible du texte pourrait laisser penser que si le médecin évoque un risque non médical, le juge pourrait utiliser cette raison pour ne pas auditionner le majeur. C’est ce qui explique le raisonnement de l’ordonnance d’appel entreprise.

La Cour de cassation en revient donc à une lecture très stricte : l’absence de comparution ne peut être justifiée que par un motif médical et non pour un motif non médical mais tiré du certificat éponyme comme le risque de fugue. Une raison pointée par le médecin – étrangère à l’état du patient – qui rendrait l’audition dangereuse pour le maintien des soins reste donc inefficace. Ceci cantonne le médecin à des fonctions de diagnostic et non à des fonctions prospectives sur le risque de la tenue d’une audience. Si la loi vient imposer la comparution de l’intéressé, c’est essentiellement pour garantir ses droits dans une procédure privative de liberté sans son consentement. On comprend ainsi cette lecture très stricte des textes. La locution « à lui seul » doit bien maintenir l’idée selon laquelle le risque de fugue peut être l’un des indices justifiant de ne pas faire comparaître la personne internée sans consentement. Mais, il s’agirait alors d’un élément parmi d’autres.

L’approche apparaît tout de même assez délicate pour le JLD ou pour le premier président statuant en cause d’appel. Bien souvent, il faut composer avec des patients dont l’état psychiatrique implique d’être particulièrement précautionneux quant à la tenue des audiences. Une telle décision restreignant ce que l’on entend par des « motifs médicaux » nécessite de sonder le certificat médical de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique pour ne prendre en compte que les éléments médicaux et non factuels qui rendraient l’audience dangereuse ou incertaine, par exemple en raison de la fuite de l’individu. C’est une approche rigide mais garante des droits de l’intéressé.

On conçoit que le rôle accru du JLD – au moins depuis décembre dernier avec le contrôle de l’isolement et de la contention – s’articule de manière peu aisée avec ces solutions demandant une attention accrue dans l’organisation des audiences (L. n° 2020-1576, 14 déc. 2020, de financement de la sécurité sociale pour 2021, Dalloz actualité, 12 janv. 2021, obs. obs. C. Hélaine).

Le recours à la visioconférence comme solution ?

L’une des façons de lutter contre les risques majeurs de fugue pourrait être le recours plus ou moins généralisé à la visioconférence, dont on sait que l’épidémie de covid-19 a pu accélérer le principe là où il n’était qu’en germination ou, parfois, en expérimentation. Le manque de moyens peut évidemment rester très délicat à gérer, notamment dans les établissements où les ordinateurs compatibles (avec micro et caméra notamment) sont parfois absents. Or le recours à ce type de techniques permettrait de ménager les intérêts en présence et d’éviter ces risques de fugue. Le but est, avant tout, non de donner l’occasion de fuir mais de statuer dans l’intérêt du majeur pour la poursuite de soins essentiels à son équilibre mental. La tenue de l’audience à distance serait une des solutions envisageables.

La généralisation progressive de l’équipement, tant dans les juridictions que dans les établissements de soins, pourrait répondre à ces exigences de plus en plus rigides impulsées par la Cour de cassation. Reste à voir comment le législateur entend y répondre et faciliter la tenue des audiences des JLD en ce sens. En tout état de cause, tout ceci témoigne une nouvelle fois de l’importance du balancier entre les droits de l’intéressé et la protection de l’ordre public.

Un litige, peu banal, en trouble anormal de voisinage, survient entre deux voisins dont l’un reproche à l’autre l’introduction de batraciens, vraisemblablement sonores, dans une mare créée au pied de l’immeuble.
En appel, la cour ordonne à ces amis de la nature de supprimer la mare litigieuse, sous astreinte, sans se préoccuper outre mesure du sort des batraciens dont nous apprenons qu’il s’agit d’alyte accoucheur, de grenouille rieuse, de triton palmé, de rainette méridionale et de crapaud commun. Ce détail a son importance puisque c’est lui qui conditionne la suite de cette affaire.
En effet, ces espèces d’amphibiens sont protégées, ce dont personne ne s’était inquiété jusqu’alors. Et c’est l’association Sepanso Dordogne qui s’émeut du sort de ces animaux après que la mare aura été comblée. Elle décide d’agir par voie de tierce opposition devant la cour d’appel de Bordeaux, par assignation dans laquelle l’association de protection demande aux juges d’appel de « dire que les (défendeurs) seront tenus de procéder au déplacement des espèces protégées amphibiens se trouvant dans la mare située à 10 mètres de l’habitation (du demandeur) dans un site permettant le repos et la reproduction des dites espèces protégées ». Nous comprenons qu’il s’agissait pour les défendeurs d’entrer par la fenêtre après être sorti par la porte, en agissant via l’association par une tierce opposition.
La cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 2 juin 2016, restant sourde au rire de la grenouille rieuse, n’entend pas revenir sur sa décision de voir cette mare comblée et rejette la tierce opposition.
Et la Cour de cassation lui donne raison, pour des motifs qui laisseront probablement pantois nos fêtards têtards.

L’effet dévolutif de la tierce opposition

Lorsque nous évoquons l’effet dévolutif, nous pensons immédiatement à l’appel, voie ordinaire de recours. Mais la tierce opposition, voie extraordinaire de recours, connaît elle aussi un effet dévolutif, prévue à l’article 582 du code de procédure civile selon lequel « la tierce opposition (…) remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ». Compte tenu de l’effet dévolutif limité de la tierce opposition, cette voie de recours ne permet pas de refaire le procès entre les parties.

En appel, cet effet dévolutif est fixé dans la déclaration d’appel. S’agissant de la tierce opposition, la dévolution sera opérée par l’acte qui introduit cette voie de recours. Les textes ne prévoient pas expressément quel est l’acte de saisine que le tiers opposant doit régulariser, mais la jurisprudence, au visa des articles 54 et 587 du code de procédure civile a considéré que « la tierce opposition...

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Com., 10 mars 2021, n° 19-15.497, F-P

Le 10 mars 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt, destiné à une (modeste) publication, répondant à la question de savoir si une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire pouvait être formée par des conclusions adressées par le RPVA. La spécificité du droit des procédures collectives a conduit la chambre spécialisée à répondre par la négative. Il ne s’agit pas tant d’une interdiction de la voie électronique que la condamnation – très ou plutôt trop rigoureuse – de l’emploi de la forme papier : la procédure spéciale de l’article R. 661-2 du code de commerce l’exclue en effet, par dérogation à la procédure générale de l’opposition de l’article 573 du code de procédure civile.

Deux époux, associés d’une SNC, sont mis en liquidation judiciaire par un arrêt rendu par défaut le 26 octobre 2017. Ils forment opposition à cet arrêt par des conclusions transmises par le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

La cour d’appel relève d’office l’irrecevabilité de l’opposition sur le fondement des dispositions de l’article R. 661-2 du code de commerce et ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur cette fin de non-recevoir. Finalement la cour d’appel déclare l’opposition irrecevable.

Les commerçants se pourvoient en cassation. Selon la quatrième branche du moyen (qui nous retiendra seule) : « le dépôt de conclusions au greffe de la cour d’appel est assimilable à une déclaration motivée qui satisfait aux conditions de l’opposition et les tribunaux de commerce appliquent les principes directeurs du procès civil aux termes desquels les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; qu’en déclarant n’avoir pas été saisie de l’opposition des époux V… par des conclusions adressées au greffe par RPVA, la cour d’appel a violé les articles R. 721-1 du code de commerce et 930-1 du code de procédure civile ».

La Cour rejette le pourvoi, dans les termes rapportés au chapô. Elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que l’opposition formée par conclusions dématérialisées est irrecevable.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 mars 2021, les faits sont assez particuliers : d’une part c’est un arrêt par défaut – plus rare qu’un jugement par défaut – qui est à l’origine de la difficulté, d’autre part parce que la voie de recours ouverte contre cette décision – l’opposition – est une voie de rétractation (C. pr. civ., art. 571) conduisant à saisir la cour d’appel auteur de l’arrêt par défaut, enfin parce que l’exercice d’une opposition par voie électronique ne semble pas avoir donné lieu à de la jurisprudence – au moins de la Cour de cassation…

Ces spécificités tranchent cependant avec le classicisme de la solution retenue. L’arrêt sous commentaire rappelle en effet une règle bien établie quant au formalisme d’une opposition et/ou d’une tierce opposition formée dans le contexte d’une procédure collective. Pour résumer : hors déclaration verbale au greffe, point de salut !

De prime abord, la solution se justifie. Il est vrai qu’un jeu de conclusions adressé au greffe par RPVA à destination des parties n’est pas l’équivalent d’une déclaration au greffe proprement dite. Or lorsqu’une juridiction est saisie selon une modalité autre que celle prescrite par les textes, la sanction est une fin de non-recevoir.

Cela étant, à y regarder de plus près, la solution prête le flanc à la critique et mériterait, à ce titre, d’être repensée.

Une solution critiquable

Pour justifier l’irrecevabilité de l’opposition formée par conclusions dématérialisées, l’arrêt sous commentaire indique d’abord que l’article R. 661-2 du code de commerce est exclusif de l’application des règles du droit commun. Ledit texte prévoit notamment que sauf dispositions contraires l’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de droit des entreprises en difficulté par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter de leur prononcé. En l’espèce, puisque l’opposition n’empruntait pas une telle forme, l’irrecevabilité était justifiée.

Une telle position n’est pas inédite. La Cour de cassation a plusieurs fois affirmé que les dispositions de l’article R. 661-2 du code de commerce étaient exclusives du droit commun (Com. 14 mai 2002, n° 99-10.325 et 99-10.535, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2002. 1981, et les obs. ; 14 juin 2017, n° 15-25.698, Bull. civ. IV, n° 85 ; D. 2017. 1246 ; Rev. sociétés 2017. 520, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2017. 698, obs. J.-L. Vallens ; ibid. 1000, obs. A. Martin-Serf ; BJE sept. 2017, n° 115b1, p. 344, note T. Favario ; LEDEN sept. 2017, n° 110x6, p. 3, note E. Mouial Bassilana ; Rev. proc. coll. 2018/3, comm. 103, note P. Cagnoli ; Dr. sociétés 2017/11. Comm. 197, note J.-P. Legros) pour en déduire que la forme du recours ne pouvait qu’être la déclaration au greffe à peine d’irrecevabilité (Com. 6 juill. 1999, n° 97-14.158, Bull. civ. IV, n° 154 ; D. 2000. 329 , obs. A. Honorat ; RTD com. 1999. 990, obs. J.-L. Vallens ; 29 avr. 2014, n° 12-20.988). La Haute juridiction en a déduit que l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie ne valent pas déclaration au greffe au sens de l’article R. 661-2 (encore dernièrement, Com. 17 févr. 2021, n° 19-16.470, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 5 mars 2021, note B. Ferrari). La même solution a été posée à propos d’une tierce opposition formée par voie d’assignation (Com. 26 avr. 2000, n° 96-19.594) ou de conclusions (Com. 6 juill. 1999, n° 97-14.158, Bull. civ. IV, n° 154 ; D. 2000. 329 , obs. A. Honorat ; RTD com. 1999. 990, obs. J.-L. Vallens ).

Au regard des jurisprudences précitées, il n’est donc pas surprenant, qu’en l’espèce, la Cour de cassation ait conclu à l’irrecevabilité de l’opposition formée par des conclusions adressées par le RPVA.

Reste que l’interprétation retenue de la déclaration formulée verbalement au greffe qui serait exigée par l’article R. 661-2 du code de commerce nous paraît excessivement formaliste. En outre, elle jure avec les exigences d’efficacité et de célérité gouvernant le droit des entreprises en difficulté. Nous nous permettons cette remarque, car s’il fallait résumer l’état du droit positif en la matière, seule la déclaration au greffe accomplie au moyen d’une comparution de l’opposant ou du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par l’article R. 661-2.

Un tel cantonnement de la notion de déclaration au greffe est discutable, puisque l’exigence de comparution « physique » au greffe ne découle nullement de la lettre du texte, lequel reste muet sur la forme de la déclaration. En adoptant une telle position, la Cour de cassation n’ajoute-t-elle pas au texte en y agrégeant une formalité supplémentaire ? Certes, on pourra objecter que l’article R. 661-2, à la différence de l’article 573, alinéa 3, du code de procédure civile, ne précise pas que la déclaration d’opposition est faite ou adressée au greffe…

En outre, en droit des entreprises en difficulté, l’opposition ou la tierce opposition sont enfermées dans le confortable délai de … dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2). Dès lors, est-ce qu’un délai d’action aussi réduit, associé à l’obligation incombant à l’opposant ou au tiers de comparaître pour procéder à la déclaration, garantit véritablement un droit effectif à l’accès au juge ? En outre, alors que la Chancellerie réglemente la dispense de présentation et la procédure sans audience et que la jurisprudence est très souple à l’égard de ces modalités procédurales (Dalloz actualité, 22 déc. 2020, obs. C. Bléry), cela semble assez antinomique …

Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme sanctionne les juridictions nationales qui font preuve d’un excès de formalisme dans l’application des règles de procédure portant atteinte aux garanties du procès équitable (CEDH 30 juin 2016, Duceau c/ France, n° 29151/11, Dalloz actualité, 5 juill. 2016, obs. A. Portmann ; AJ pénal 2016. 484, note S. Lavric ; 5 nov. 2015, Henrioud c/ France, n° 21444/11, Dalloz actualité, 18 nov. 2015, obs. F. Mélin ; D. 2016. 1245 , note G. Bolard ). Il en est ainsi lorsque l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche l’examen au fond d’un recours (CEDH 24 avr. 2008, n° 17140/05, Kempf et autres c/ Luxembourg).

Relevons encore que l’interprétation restrictive retenue de la notion de déclaration au greffe n’est pas absolue et la Haute juridiction fait parfois preuve de mansuétude à l’égard des plaideurs. Nous songeons, par exemple, à un arrêt au sein duquel une opposition à une ordonnance d’un juge-commissaire faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au lieu de la forme requise de la déclaration au greffe, a été jugée recevable (Com. 13 avr. 1999, n° 96-19.428, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2000. 65 , obs. D. Mainguy ; ibid. 72, obs. D. Mainguy ; RTD civ. 1999. 885, obs. P. Crocq ; RTD com. 1999. 944, obs. B. Bouloc ). Certes, cette jurisprudence est datée, mais elle légitime les discussions portant sur le formalisme de l’opposition et/ou de la tierce opposition exercées en matière de procédures collectives.

La sévérité de l’arrêt est d’autant plus critiquable que :

la déclaration au greffe a disparu du code de procédure civile avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2020 (v. C. Bléry, Dalloz actualité, 24 déc. 2019 ; ibid. 20 janv. 2020 ; Dalloz avocats 2020. 25 ) ;et que le droit commun autorise la voie qu’a utilisée, dans notre affaire, l’avocat : selon l’article 573 du code de procédure civile, « l’opposition est faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision.

Elle peut être faite en la forme des notifications entre avocats devant les juridictions où la représentation est obligatoire.

Lorsque l’opposition tend à faire rétracter une décision d’une cour d’appel rendue par défaut dans une matière régie par la procédure sans représentation obligatoire, elle est formée par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait, ou adresse par pli recommandé, au greffe de la cour qui a statué. L’opposition est instruite et jugée selon les règles applicables devant la cour d’appel à la procédure sans représentation obligatoire ».

Dans notre affaire, s’agissant de l’opposition à un arrêt d’appel, lui-même rendu à l’occasion d’une procédure avec représentation obligatoire, on comprend que le conseil des associés ait pensé à utiliser la forme prévue par l’alinéa 2 de l’article 573…

Au-delà de la critique, des arguments existent en faveur de la recevabilité de l’opposition formée par des conclusions adressées par voie électronique, ce qui justifie de repenser la solution.

Une solution à repenser

Rappelons, en tant qu’il est besoin, les règles de droit commun en matière de communication par voie électronique, dite CPVE (Sur laquelle, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droits interne et de l’Union européenne, S. Guinchard [dir.], Dalloz Action, 10e éd., 2021/2033, nos 273 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. nov. 2018] ; C. Bléry et J.-P. Teboul, Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, nos 485 s.).

Devant les cours d’appel, la CPVE est praticable de manière obligatoire ou facultative selon le cas. Elle était interdite dans certains cas ayant donné lieu à une jurisprudence aussi abondante que byzantine, aujourd’hui en grande partie obsolète avec l’adoption de l’arrêté technique du 20 mai 2020 relatif à la CPVE en matière civile devant les cours d’appel (Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Bléry).

Pourtant, juridiquement, l’article 748-1 envisageait et envisage toujours la transmission (envoi, remise, notifications) par voie électronique de tous les actes du procès, qu’il énumère ; le principe étant qu’elles sont permises, dans les conditions posées par les articles suivants, et parfois imposées. Pour la cour d’appel, l’article 930-1 rend obligatoire la remise des actes au greffe, et par ce greffe, par voie électronique – ceci à peine d’irrecevabilité et sauf cause étrangère, lorsque la représentation est obligatoire : plus précisément il s’agit de représentation obligatoire par avocat (ROA), à l’exclusion de représentation par le défenseur syndical en matière prud’homale, puisque celui-ci n’a pas accès au RPVA (C. pr. civ., art. 930-2 et 3).

Pour compléter ces articles 748-1 et 930-1, des arrêtés techniques sont nécessaires. Ils sont régis par l’article 748-6, alinéa 1er, du code de procédure civile : ils déterminent les garanties techniques mais aussi le domaine de la CPVE, lorsqu’elle est facultative. L’exigence d’arrêté est la « clé de voute » du système issu du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, qui a créé le titre XXI du livre I du code de procédure civile relatif à la CPVE. Parmi ces arrêtés, deux concernaient les cours d’appel : l’arrêté du 5 mai 2010 applicable devant les cours d’appel en procédure sans représentation obligatoire et l’arrêté du 30 mars 2011 relatif aux procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel. Ils ont été abrogés et remplacés par un arrêté unique, celui du 20 mai 2020 déjà évoqué.

À l’époque de l’opposition effectuée devant la cour d’appel de Douai (l’arrêt a été rendu le 26 oct. 2017 et les conclusions ont été adressées en date du 13 déc. 2017 par RPVA), les textes applicables étaient donc l’article 930-1 du code de procédure civile et l’arrêté technique du 30 mars 2011 régissant la procédure avec ROA.

Toutefois tous ces textes concernent l’appel… et non l’opposition !

Pour celle-ci, non spécialement régie par des dispositions propres à la CPVE, ne fallait-pas et ne faut-il toujours pas appliquer le droit commun, à savoir le titre XXI du livre 1 du code de procédure civile ?

La Cour de cassation a déjà statué en faveur de l’utilisation de la voie électronique dans des matières non expressément visées par des textes, mais non exclues non plus, par application des articles 748-1 s. Par exemple, la Cour de cassation avait jugé que la communication par voie électronique était utilisable devant les juridictions de l’expropriation dans la mesure permise par l’arrêté technique du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 14-25.631 P et n° 15-25.431 P, D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; ibid. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; AJDI 2017. 94, étude S. Gilbert ; 19 oct. 2017, n° 16-24.234 F-P+B, Dalloz actualité, 7 nov. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2353 , note C. Bléry ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; Gaz. Pal. 6 févr. 2017, p. 60, note N. Hoffschir). Elle avait statué dans le même sens en matière prud’homale (Soc. 18 janv. 2017, n° 14-29.013 FS-P+B, Dalloz actualité, 6 févr. 2017, obs. C. Bléry), alors que le pourvoi prétendait que l’article R. 1461-1 du code du travail impose une déclaration d’appel « papier » et que, par conséquent, une déclaration d’appel par voie électronique devait être jugée irrecevable. S’il est de jurisprudence constante que lorsqu’une juridiction a été saisie selon une modalité autre que celle prescrite, la sanction est une fin de non-recevoir, c’était ici un raisonnement inadapté. En effet, le législateur a mis en œuvre la dématérialisation des procédures selon une démarche d’équivalence, qui consiste à adapter les exigences formelles posées par le code de procédure civile pour les actes sur support papier aux actes sur support électronique, de sorte que, là où, traditionnellement, un écrit sur support papier était envoyé (adressé) par voie postale, par lettre simple (par ex., C. pr. civ., art. 658 et 667) ou par LRAR (par ex., C. pr. civ., art. 667 et 675, al. 2), la voie électronique peut aujourd’hui être utilisée (v. Dalloz actualité, 6 févr. 2017, obs. C. Bléry).

En fait, cette jurisprudence serait utilisable pour l’opposition de droit commun, prévue à l’article 573 du code de procédure civile, puisque la déclaration d’opposition peut être notifiée (en procédure avec représentation obligatoire) ou adressée (en procédure sans représentation obligatoire). Ceci, d’autant que la Cour de cassation avait par ailleurs considéré que le recours contre la décision du directeur général de l’INPI, porté devant une des cours d’appel judiciaires spécialisées notamment en matière de marque (COJ, art. D. 311-8), est soumise aux articles 1 à 749 du code de procédure civile et que la déclaration de recours emprunte la forme de la déclaration d’appel, qui peut dès lors être effectuée par voie électronique) (Com. 13 mars 2019, n° 17-10.861 F-P+B et Civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-10.861 FS-D, Dalloz actualité, 28 mars 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 583 ; ibid. 2020. 451, obs. J.-P. Clavier ; RTD com. 2019. 370, obs. J. Passa ). M. Édouard de Leiris (Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. nov. 2018], n° 96), écrit ainsi : « si l’on s’en tenait à ces derniers termes [déclaration d’appel et constitution d’avocat], l’arrêté ne concernerait donc que les procédures d’appel, excluant ainsi tous les autres recours portés devant la cour d’appel. […] À l’inverse, on peinerait à justifier une approche trop littérale de cet arrêté, excluant de son champ les nombreux recours innommés portés devant une cour d’appel en vertu de textes spéciaux […] ». En outre, l’opposition est destinée à la cour d’appel elle-même et non au premier président, devant qui la CPVE était interdite, selon la Cour de cassation, avant l’entrée en vigueur – au 1er septembre 2020 – de l’arrêté du 20 mai 2020 (pour la disposition relative à ce PP).

En revanche, l’article 748-1 n’évoque pas la « déclaration » (verbale) – la seule qu’admet la Cour de cassation en matière de difficultés des entreprises. Le caractère oral de celle-ci, résultant de l’article R. 661-2 du code de commerce et de la jurisprudence, exclue la dématérialisation (en ce sens, E. de Leiris, Rép. pr. civ., v° Communication électronique, préc;, n° 17 : « en dehors de ce cas particulier de la notification verbale, l’article 748-1, malgré son apparente exhaustivité, ne concerne pas les actes verbaux. En effet, la forme verbale ne correspond ni à un “envoi” ni à une “remise”. D’ailleurs, lorsque le code de procédure civile autorise la forme verbale, il emploie une terminologie spécifique, en prévoyant en particulier que la diligence en question peut être « faite » et non pas seulement remise ou adressée ».

Dans notre affaire, la forme de l’opposition n’empruntait pas la forme prescrite par l’article R. 661-2, lu restrictivement par la Cour de cassation : la déclaration d’opposition, empruntant la forme d’un écrit dématérialisé, a été rattrapée par l’irrecevabilité. Une nouvelle fois, cette jurisprudence ne nous convainc pas : il nous semble que la déclaration d’opposition formée au greffe de la cour, par écrit – qu’il soit ou non adressé par voie électronique – devrait être recevable. Et si la Cour de cassation applique très/trop strictement de la lettre du texte de l’article R. 661-2, il faudrait le réécrire pour permettre une modalité de recours moderne… 

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Le 15 décembre 2017, la société Provence Golf Prestige relève appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’un jugement du conseil de prud’hommes dans un litige l’opposant à son salarié. Le 1er août 2018, le conseiller de la mise en état juge caduque la déclaration d’appel et un déféré est formé contre l’ordonnance. Sur déféré, la société appelante soulève alors pour la première fois, afin de faire échec à la caducité encourue, l’irrégularité de la notification à son égard de la constitution d’intimé. La Cour, sur déféré, juge le moyen irrecevable dès lors que seule avait été débattue devant le conseiller de la mise en état la demande de caducité soulevée par l’intimé. La société appelante, qui voit son appel jugé caduc définitivement, forme un pourvoi mais la deuxième chambre civile le rejette selon la solution suivante :
« 5. Si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l’occasion du déféré pour contester l’ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d’appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.
6. Ayant retenu que l’appelante ne s’était pas prévalue devant le conseiller de la mise en état de l’irrégularité de la notification à son égard de la constitution de l’intimé et des conclusions d’incident et de déféré de celui-ci, laquelle constituait un incident qui devait être préalablement soumis au conseiller de la mise en état en application de l’article 914 du code de procédure civile, c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré irrecevables les demandes de la société Provence golf prestige ».

Voilà un arrêt de section qui laisse perplexe non pas dans la solution de principe qu’il dégage mais dans l’application qu’il en fait. - À première lecture, le principe dégagé ne pose pas de difficulté et, bien qu’aucun fondement juridique ne soit visé dans l’arrêt, celui relevant du respect du contradictoire pouvait déjà y conduire.

Ainsi donc, si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l’occasion du déféré pour contester l’ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d’appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au conseiller de la mise en état. Si l’article 916 du code de procédure civile précise uniquement que la requête en déféré doit contenir « l’indication de la décision déférée ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit », il n’est pas anormal qu’un moyen d’irrecevabilité de conclusions ou de caducité de la déclaration d’appel, soulevé pour la première fois devant la formation de déféré, ne puisse être admis. L’effet dévolutif qui s’attache, aussi, au déféré et qui a déjà été rappelé par la Cour de cassation (Civ. 2e, 13 mai 2015, n° 14-13.801, D. 2015. 1423 , note C. Bléry et L. Raschel ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero ; 31 janv. 2019, n° 17-22.765, Dalloz actualité, 22 févr. 2019, obs. R. Laffly ; Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 17-22.765, D. 2019. 848, chron. N. Touati, C. Bohnert, E. de Leiris et N. Palle ) fait encore que l’on ne peut demander à la cour statuant sur déféré de juger au-delà de ce qui a été demandé préalablement au conseiller de la mise en état. Garantie des droits de la défense, garanties et limites de la plénitude du recours permettent donc de comprendre les enjeux, ce d’autant plus que la deuxième chambre civile vise bien, non pas les moyens, mais les prétentions précédemment soumises au conseiller de la mise en état.

Mais on touche là à la difficulté de la distinction entre les prétentions et les moyens : un sfumato entretenu par la Cour de cassation elle-même, lié à des notions toujours un peu plus floues tant elles ne cessent de se confondre.

Comme il peut l’être en fait et en droit, le débat sur la régularité de la constitution est en effet, dira-t-on, mélangé entre moyen et prétention. Le moyen consistait à faire écarter la caducité soulevée par l’intimée et la prétention tendait, comme le dit la cour d’appel, seulement à faire juger irrecevable cette demande faute de constitution régulière. Le débat est d’importance car la régularité de la dénonciation de la constitution conditionne l’option de dénonciation des conclusions. Soit la partie est régulièrement constituée auprès du greffe mais aussi de l’avocat adverse et les conclusions doivent être notifiées aux deux dans le même délai, soit l’intimé n’est pas constitué (ou mal constitué) et la partie qui dépose ses conclusions au greffe par RPVA dispose alors du délai augmenté de l’article 911 du code de procédure civile qui précise que « Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ». L’erreur en cette matière, comme bien d’autres en appel, ne pardonne pas. Comme l’a déjà rappelé sèchement la Cour de cassation pour approuver la caducité de l’acte d’appel dans une affaire dans laquelle tout laissait penser que l’avocat de l’intimé était constitué : même faite dans le délai, la notification par l’appelant de conclusions à un avocat non constitué en appel est entachée d’une irrégularité de fond et ne répond pas à l’objectif de garantir l’efficacité de la procédure et les droits de la défense (Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 19-10.849, Dalloz actualité, 15 avr. 2020, obs. R. Laffly).

À nouveau, dans le cas présent, la société appelante, qui avait conclu dans son délai de trois mois, avait été sanctionnée par le conseiller de la mise en état pour ne pas avoir adressé ses conclusions à l’avocat de l’intimé, identique en première instance et extérieur au ressort de la cour d’appel, dans ce même délai de trois mois. Ce n’est qu’après avoir reçu un message de son confrère l’alertant de l’absence de notification des écritures que l’avocat de l’appelant adressa ses premières conclusions, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l’avocat de l’intimé, mais avec cinq jours de retard. La cour, sur déféré, avait noté que si l’appelante avait bien «soulevé l’irrecevabilité de la demande aux fins de caducité et répondu sur la caducité soulevée par l’intimé, elle n’a pas invoqué l’irrecevabilité de cette demande tenant à l’irrégularité de la notification à son égard de la constitution de l’intimé ». De son côté, la demanderesse au pourvoi, appelante devant la cour d’appel, avançait qu’avait pourtant bien été discutée devant le conseiller de la mise en état « la question des conditions de communication entre avocat de sorte que celle relative à l’irrégularité de la notification de la constitution de l’avocat du défendeur était en discussion devant ce magistrat ».

La solution retenue à la fausse apparence de la clarté : c’est au mieux un clair-obscur qui se dégage dans l’appréciation du moyen et de la prétention. - Elle revient en effet à écarter, au-delà d’une prétention, un moyen de défense et de contestation de la sanction encourue. Ce qui est en effet troublant est qu’à considérer que l’appelante n’ait pas, devant le conseiller de la mise en état, expressément formulé une prétention relative à la recevabilité de la demande de caducité en raison de l’irrégularité de la constitution de l’intimé, la question avait été débattue tandis qu’il s’agissait surtout de défendre au moyen de caducité adverse. Comment ne pas faire prévaloir le moyen de défense sur la demande de voir écartée, justement, la prétention adverse ? Et à l’instar des prétentions non soutenues devant le premier juge et qui sont recevables devant la cour, ne pourrait-on considérer que celles qui tendent aux mêmes fins, ou qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, le sont également sur déféré ?

Il y a aussi un pas, immense, entre l’écart d’un moyen soulevé par une partie qui n’aurait pas initialement émis une demande visant à combattre un moyen adverse et qui conduit à la poursuite du procès, et celui qui, pour la même raison, amène à l’immédiateté d’une sanction comme la caducité de la déclaration d’appel, sans examen au fond.

Pour la Cour de cassation, l’irrégularité de la notification de la constitution, « constituait un incident qui devait être préalablement soumis au conseiller de la mise en état en application de l’article 914 du code de procédure civile ». Pourtant, alors que c’était l’appel stricto sensu qui était en cause, ne devait-on pas privilégier le moyen de défense qu’il constituait avant tout ? Cette défense consistait à faire échec au moyen de caducité adverse tandis qu’il n’est pas rare d’affiner sa position sur déféré en proposant d’autres pistes de réflexion et en articulant différents moyens, notamment lorsqu’ils constituent, comme ici, une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause. Ce n’était pas une prétention tendant à l’irrecevabilité d’un recours voire des conclusions adverses qui était avancée mais, comme le dit la cour d’appel, d’irrecevabilité de la demande de caducité de l’intimé, ce qui fait toute la différence !

Car si l’on peut comprendre qu’une prétention conduisant à une sanction d’irrecevabilité pour l’intimé ne puisse prospérer si elle n’a jamais été discutée devant le conseiller de la mise en état, le même raisonnement laisse amer lorsque l’argument, qu’il soit qualifié de moyen ou de prétention, vise à contrer l’argumentation adverse pour faire juger recevable sa procédure. Car c’est bien de cela dont il s’agit : en arguant de l’irrégularité de la dénonciation de la constitution de l’avocat de l’intimé, l’appelant entendait voir jugées recevables ses conclusions notifiées dans le délai augmenté d’un mois de l’article 911. Mis bout à bout, les principes de concentration des prétentions, de respect du contradictoire et d’effet dévolutif devraient céder le pas, justement, contre celui, même unique, des droits de la défense quand une telle sanction est encourue.

On voit bien les principes, en filigrane, maniés par la Cour de cassation pour trancher entre la thèse de l’appelant et de l’intimé, mais en se plaçant du côté de la sanction plutôt que de la défense, on aura de sérieux doutes sur le résultat atteint par cette garantie en trompe-l’œil.

L’intérêt des nullités pour vice de forme est souvent remis en cause car une telle nullité ne peut être prononcée que si elle est expressément prévue par un texte et que si celui qui l’invoque prouve que le vice lui cause un grief (C. pr. civ., art. 114). Or, il est assez rare qu’un tel grief existe à tel point que certains ont parlé de preuve impossible. C’est pour cela que l’arrêt rendu 4 mars 2021 par la deuxième chambre civile est intéressant (n° 19-13.344 et 19-14.055). Il offre un exemple de grief aboutissant à la nullité d’une déclaration de saisine de la juridiction de renvoi dont il précise la nature procédurale et les conséquences.

Les faits sont assez simples mais l’enchevêtrement de procédures et la jonction de pourvois complexifient l’espèce. Une banque avait consenti, le 13 mars 1998, à une société, un prêt pour un montant de trois millions de francs (soit l’équivalent de 457 347,05 €) remboursable le 30 juin 1998. Le même jour un homme se porte caution solidaire des engagements de cette société, et son épouse, acquiesce à ce cautionnement. Finalement l’entreprise est placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Dans une première procédure, le liquidateur de la société obtient la condamnation de la banque au paiement d’une certaine somme, à raison de sa responsabilité pour soutien abusif résultant de l’octroi fautif de crédits. Dans une deuxième procédure, la caution et son épouse assignent la banque en réparation de leur préjudice personnel résultant de leur engagement de cautions et obtiennent sa condamnation en appel. Après une cassation partielle, la cour d’appel de renvoi sursoit à statuer en attendant la procédure de renvoi après cassation intervenue le 28 juin 2016, dans la troisième procédure. Dans cette troisième procédure, c’est la banque qui assigne les époux en paiement de la somme garantie par le cautionnement. Un tribunal de commerce accueille la demande, mais le jugement est infirmé en appel, le cautionnement étant devenu sans cause. Finalement, la décision or cassée le 28 juin 2016.

La difficulté va alors naître de la saisine de la cour d’appel de renvoi suite à cet arrêt de cassation. Les époux caution adressent une première déclaration au greffe de la cour d’appel de renvoi le 31 août 2016, mais le conseiller de la mise en état déclare nul cet acte de saisine par une ordonnance du 15 mai 2018. Le couple défère cette ordonnance à la cour d’appel et dépose une seconde déclaration de saisine le 18 mai 2018. Dans un arrêt du 15 novembre 2018, la cour d’appel confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état et dans un arrêt du 21 février 2019, la cour d’appel déclare la saisine par la seconde...

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Dans cet arrêt d’espèce, la Cour de cassation réaffirme une solution établie depuis 2019 selon laquelle sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

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Auteur d'origine: qguiguet

Le risque majeur de fugue n’est pas un motif médical susceptible de refuser la comparution de la personne hospitalisée sans consentement dans le cadre de l’audience de prolongation de la mesure le concernant.

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Auteur d'origine: chelaine

L’effet dévolutif limité de la tierce opposition, voie extraordinaire de recours qui tend à rétracter ou réformer un jugement d’un chef de son dispositif, ne permet pas d’instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie. En conséquence, les conclusions ne contenant pas une demande de réformation ou de rétractation de la décision ne permet pas d’accueillir la tierce opposition.

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Auteur d'origine: clhermitte

Le seul mode de saisine de la cour d’appel d’une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire, est la déclaration au greffe, de sorte que l’opposition formée par des conclusions adressées par le RPVA est irrecevable.

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Auteur d'origine: Dargent

Si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l’occasion du déféré pour contester l’ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d’appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

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Auteur d'origine: laffly

L’inexactitude de l’adresse portée sur la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi peut faire grief et emporter la nullité de cet acte qui n’est pas une demande en justice au sens de l’article 2241, alinéa 1er, du code civil.

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Auteur d'origine: gmaugain
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par Antoine Bolzele 26 mars 2021

Civ. 1re, 3 mars 2021, F-P, n° 19-21.384

Une demande portant sur une mesure d’instruction visant à comparer les empreintes génétiques est introduite par une femme à l’encontre de la mère de son supposé père, qui était décédé, afin de déterminer si cette dernière pouvait être sa grand-mère. Cette mesure d’instruction ayant été ordonnée, la partie concernée la conteste, en vain, devant la cour d’appel de Paris. Un pourvoi en cassation est alors formé lequel est déclaré irrecevable par les juges du droit. En effet, les jugements rendus en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l’instance ne peuvent être frappés de pourvoi indépendamment des jugements sur le fond que s’ils tranchent dans leur dispositif une partie du principal. L’arrêt commenté offre l’occasion de rappeler que le pourvoi cassation est une voie de recours extraordinaire laquelle impose un barrage procédural pour y accéder. C’est ce barrage qu’a tenté de forcer le plaideur en jouant la carte de l’excès de pouvoir qui permet toujours de former un recours (C. Charruault, L’excès de pouvoir du juge civil, Études offertes au Doyen Philippe Simler, Litec, Dalloz, p. 857). Le pourvoi formé sur ce fondement est néanmoins rejeté...

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Si, à la faveur de réformes successives, sa place a tendance à se réduire, le juge – autrefois, le juge d’instance et, désormais, le juge des contentieux de la protection – n’est pas totalement absent de la procédure de traitement des situations de surendettement. Ainsi, conformément aux articles L. 723-3 et R. 723-8 du code de la consommation, dans un délai de vingt jours, le débiteur a la possibilité de contester l’état du passif dressé par la commission de surendettement et demander à cette dernière de saisir le juge compétent, aux fins de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées. D’ailleurs, la commission est tenue de faire droit à une telle demande.

Le principe de la saisine du juge étant acquis dans de telles circonstances, reste à se demander quel est son office. À ce sujet, la Cour de cassation a déjà affirmé qu’il est de l’office de ce juge de demander à une partie toute pièce justificative qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité (Civ. 1re, 2 oct. 2001, n° 00-04.149, D. 2001. 3194 , obs. C. Rondey ; RTD com. 2001. 987, obs. A. Martin-Serf,...

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On sait que le législateur fait montre d’une certaine sollicitude à l’endroit des cautions personnes physiques dans le cadre d’une procédure collective en leur conférant nombre de bénéfices (v. à ce sujet M. Bourassin et V. Brémond, Droit des sûretés, 7e éd., Sirey, 2019, nos 618 s., spéc. n° 626). La jurisprudence veille à donner à ces bénéfices une portée temporelle très large, comme en témoigne un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 mars 2021.

En l’espèce, une banque a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec une société, consenti à celle-ci deux prêts, respectivement de 189 700 et 150 000 euros, qui ont été réalisés le 26 juillet 2013. N’ayant pas honoré ses engagements de remboursement, ladite société a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts, la même mise en demeure ayant été délivrée à M. L…, gérant de la société, qui s’était rendu caution solidaire de l’exécution des conventions de crédit global de trésorerie (les créances de la banque ayant été cédées entretemps à une autre société).

Par un jugement du 30 septembre 2016, la société débitrice a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

Par la suite, le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance de la société créancière en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.

La cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 5 février 2019, a limité la faculté pour M. L… de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et a rejeté sa demande d’inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, en retenant que l’article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n’est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.

La caution se pourvut donc en cassation, avançant que l’article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, devait s’appliquer sans réserve aux procédures nouvelles, les cautions en bénéficiant dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement. L’argument fut entendu puisque l’arrêt des magistrats picards est censuré au visa de l’article L. 626-11 du code de commerce : la cour régulatrice considère en effet qu’« il résulte de ce texte que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d’un débiteur en rend les dispositions opposables à tous et qu’à l’exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s’en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement » (pt 7). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé » (pt 9).

La solution est parfaitement logique dans la mesure où les articles 190 et 191 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises prévoient respectivement que « la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2006 […] » et que, « lors de son entrée en vigueur, la présente loi n’est pas applicable aux procédures en cours […] ». La loi de 2005 est donc censée s’appliquer, sauf exception, à toutes les procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 (v. à ce sujet P. Le Cannu et D. Robine, Droit des entreprises en difficulté, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, n° 232 ; v. égal. C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 12e éd., LGDJ, coll. « Précis Domat », 2020, n° 69). La date de conclusion du contrat de cautionnement importe donc peu : dès lors qu’une procédure a été ouverte à partir du 1er janvier 2006, les cautions personnes physiques ont vocation à bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde, conformément à l’article L. 626-11 du code de commerce.

La portée de la présente solution mérite toutefois d’être précisée à un double titre.

En premier lieu, sous l’empire de la loi du 26 juillet 2005, cette disposition était limitée aux coobligés et personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome, mais son domaine fut considérablement étendu par la suite, à la faveur de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, entrée en vigueur le 15 février 2009 et également applicable aux procédures ouvertes à compter de cette date (art. 173 : « La présente ordonnance entre en vigueur le 15 février 2009 […]. Elle n’est pas applicable aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur […] »). L’article L. 626-11 énonce depuis lors qu’« à l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s’en prévaloir ». Tous les coobligés ainsi que les personnes ayant consenti une sûreté pour autrui relèvent donc de ce texte (les garants personnels ne sont-ils pas, eu demeurant, des coobligés ? Sur cette conception, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation. Contribution à l’étude du concept de coobligation, préf. P. Delebecque, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2012, t. 539). Il en va d’ailleurs de même pour l’ensemble des autres dispositions applicables à ces personnes (C. com., art. L. 611-10-2, al. 1er, L. 622-26, al. 2, L. 622-28, al. 2, L. 631-14 in fine, L. 631-20, L. 643-11, II). Par où l’on voit que le législateur s’intéresse davantage, en matière de procédures collectives, au régime des sûretés pour autrui (v. à ce sujet A. Aynès, Quelques aspects du régime juridique des sûretés réelles pour autrui. Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica, 2009, p. 1 ; J.-D. Pellier, La poursuite de la construction d’un régime des sûretés pour autrui. À propos de la modification de l’article L. 643-11 du code de commerce par l’ordonnance du 12 mars 2014, D. 2014. 1054  ; v. égal. J. Crastre, La summa divisio des sûretés pour soi et des sûretés pour autrui, thèse, Paris 1, dir. P. Dupichot, 2020). Il n’en demeure pas moins que la notion de sûreté personnelle mériterait d’être clairement définie afin de déterminer avec précision le champ d’application desdits textes (rappr. P. Pétel, Les sûretés personnelles dans le nouveau droit des entreprises en difficulté, CDE 2009. Dossier 20 : « En visant expressément la notion de sûreté personnelle, les textes issus de l’ordonnance de 2008 rendent un grand service aux professeurs de droit car ils donnent un intérêt pratique à une question jusqu’ici purement académique : celle de l’identification de cette notion. Disons d’emblée qu’elle n’est pas résolue par le nouvel article 2287-1 du code civil, issu de la récente réforme des sûretés, qui donne une liste de sûretés personnelles (cautionnement, garantie autonome et lettre d’intention). En effet, cette liste ne saurait être tenue pour exhaustive puisqu’elle ne vise que les sûretés personnelles « régies par le présent titre ». À cet égard, il est déplorable que l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, dévoilé par la Chancellerie le 18 décembre 2020, passe cette question sous silence (certainement en raison du défaut d’habilitation sur ce point par l’article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte ; v. à ce sujet V.C. Juillet, L’article 60 de la loi Pacte, coup d’envoi de la réforme du droit des sûretés, JCP N 2019. 1208 ; M. Julienne, Garanties et sûretés réelles : innovations passées et à venir, RPC n° 4, juill. 2018, dossier 16 ; J.-D. Pellier, La réforme du droit des sûretés est lancée, Dalloz actualité, 2 juill. 2019). L’avant-projet de réforme du droit des sûretés sous l’égide de l’association Henri-Capitant, piloté par le professeur Michel Grimaldi, avait pourtant proposé de définir cette notion, conformément à la conception communément admise depuis les travaux de Christian Mouly : « La sûreté personnelle est l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal » (art. 2286-1, al. 1er ; pour une définition alternative, v. J.-D. Pellier, « Les sûretés personnelles en droit prospectif », in L. Andreu et M. Mignot [dir.], L’incidence de la réforme du droit des obligations sur les sûretés personnelles. Les contrats spéciaux et la réforme du droit des obligations, LGDJ, coll. « Institut universitaire Varenne », 2017, p. 499, spéc. n° 25 : « serait une sûreté personnelle toute technique permettant au créancier de disposer de plusieurs débiteurs pour la même prestation ou pour des prestations différentes pourvu que la finalité de l’opération soit la même » ; pour une définition plus précise encore, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation. Contribution à l’étude du concept de coobligation, op. cit., n° 201 : « il y a sûreté personnelle lorsque plusieurs débiteurs sont obligés à l’égard d’un créancier, en vertu d’une contrepartie unique, à une même chose, ou chacun à une ou plusieurs choses différentes, alternativement ou cumulativement »).

En second lieu, la solution rendue par l’arrêt sous commentaire n’est valable, pour l’instant, que, pour la procédure de sauvegarde, l’article L. 631-20 du code de commerce disposant, en matière de redressement judiciaire, que, « par dérogation aux dispositions de l’article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan ». Mais l’avant-projet de réforme de la Chancellerie, dans son volet relatif aux procédures collectives, divulgué le 4 janvier 2021, prévoit d’étendre cette protection aux garants personnes physiques en redressement judiciaire en supprimant ce texte dérogatoire (v. à ce sujet C. Favre-Rochex, Premiers regards sur l’avant-projet de réforme des sûretés dans les procédures collectives, D. 2021. 190 , spéc. nos 7 et 8). La protection des garants personnes physiques sera donc accrue, conformément au souhait du législateur (l’article 60, I, 1°, de la loi Pacte prévoyant de « réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d’en améliorer l’efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique »).

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Les dispositions frappées d’inconstitutionnalité sont issues de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette loi avait rassemblé en seul texte, l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, diverses incapacités de recevoir destinées à protéger les personnes vulnérables hébergées dans une institution du secteur médico-social (pour une présentation de cet aspect de la loi, v. M. Nicod, Liberté de disposer de la personne âgée et lutte contre les captations d’héritage, Dr. Fam. n° 10, oct. 2016, doss. 36, soulignant notamment la cohérence de la réforme qui aboutit à ce que la protection patrimoniale du patient en fin de vie relève du code civil, en son article 909, tandis que la protection de la personne vulnérable hébergée dans une institution du secteur médico-social ou aidée à son domicile par un auxiliaire de vie obéit aux règles du code de l’action sociale et des familles). Outre cette réorganisation des textes, la loi du 28 décembre 2015 avait également redéfini le champ d’application de ces incapacités pour les étendre aux auxiliaires de vie qui apportent une aide personnelle à domicile. Cette mesure était inspirée par la volonté du législateur d’étendre la protection patrimoniale des personnes âgées et handicapées vulnérables. De fait, aucune disposition spécifique n’était alors prévue pour ces personnes lorsqu’elles bénéficient d’une aide à domicile. La Cour de cassation appliquant strictement les textes, ayant par exemple jugé qu’une aide-ménagère n’est pas frappée d’incapacité de recevoir à titre gratuit (Civ. 1re, 25 sept. 2013, n° 12-25.160, Bull. civ. I, n° 193 ; Dalloz actualité, 10 oct. 2013, obs. T. Douville ; D. 2013. 2273 ; JA 2013, n° 487, p. 10, obs. S.Z. ; AJ fam. 2013. 639, obs. E. Bourrié ; RDSS 2013. 1124, note M. Bruggeman ; RTD civ. 2014. 86, obs. J. Hauser ), le législateur a estimé qu’il lui revenait de légiférer pour étendre la protection patrimoniale des personnes qu’il présume vulnérables (sur cette motivation, v. M. Pinville, Rapp. AN n° 2155, 17 juill. 2014).

Techniquement, l’incapacité fustigée repose aujourd’hui sur trois textes. L’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles pose le principe de l’interdiction de recevoir. Pour désigner les personnes frappées de cette incapacité, il procède notamment par renvoi au code du travail, en ses dispositions qui définissent les activités de services à la personne (C. trav., art. L. 7231-1). Sont ainsi visés les auxiliaires de vie qui interviennent à domicile, que ce soit à travers un service organisé (CASF, art. L. 116-4, I, al. 1er : « les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés […] d’un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité ») ou en tant que salariés des personnes bénéficiant de leur aide (CASF, art. L. 116-4, I, al. 2 : « L’interdiction prévue au premier alinéa du présent article est applicable […] aux salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du code du travail [c’est-à-dire les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager] accomplissant des services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du même code »). Le 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail, auquel il est renvoyé, vise le service à la personne consistant en « l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ».

L’incapacité de disposer corrélative à cette incapacité de recevoir frappe « les personnes prises en charge par le service » (CASF, art. L. 116-4, I, al. 1er) et les personnes accompagnées (CASF, art. L. 116-4, I, al. 2), ce qui, par l’effet du renvoi au code du travail, vise les personnes âgées, les personnes handicapées et les autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité favorisant leur maintien à domicile. Devant le Conseil constitutionnel, ce n’est pas tant la situation des personnes handicapées que celle des personnes âgées qui a été débattue, même si le texte leur réserve un sort identique. Reste que la déclaration d’inconstitutionnalité frappe l’ensemble de ces personnes, puisque ce sont les trois renvois opérés par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles au code du travail qui ont été jugés contraires à la Constitution, en ce que celle-ci protège le droit de propriété.

Si l’on comprend aisément les raisons de l’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil, on peut s’interroger sur les suites de cette décision.

Les raisons de l’inconstitutionnalité

C’est une incapacité de recevoir que formulent les textes. À cet égard, la loi ne méconnaît aucune disposition constitutionnelle, la capacité de recevoir n’étant pas un droit garanti par la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l’occasion d’affirmer que le droit de propriété n’implique pas le droit de recevoir à titre gratuit (au sujet de la limitation de la capacité des associations de recevoir des libéralités, v. Cons. const. 29 janv. 2015, n° 2014-444 QPC, D. 2015. 269 , écartant le grief tiré de l’atteinte au droit de propriété au motif qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que toutes les associations déclarées jouissent de la capacité de recevoir des libéralités). Certes, il s’agissait alors du droit de propriété de personnes morales mais la propriété des personnes morales n’est pas garantie différemment de celle des personnes physiques ; seule la capacité à contracter est régie suivant des règles différentes (v. C. civ., art. 1145, posant un principe de capacité générale des personnes physiques et un principe de capacité spéciale des personnes morales). Il existe donc un précédent qui tend à refuser une protection constitutionnelle au droit de recevoir à titre gratuit. Toutefois, dans cette décision, l’absence de protection du droit de recevoir avait curieusement été assimilée à une absence de protection du droit de disposer (§ 7 : « les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des associations déclarées doivent donc être écartés ; par voie de conséquence, il en va de même des griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des testateurs et donateurs »).

Or, si le droit de recevoir n’est pas garanti constitutionnellement, il en va autrement du droit de disposer, qui constitue un attribut inhérent au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs eu plusieurs occasions d’affirmer que le droit de disposer librement de son patrimoine est un attribut essentiel du droit de propriété (Cons. const. 29 juill. 1998, n° 98-403 DC, § 40, AJDA 1998. 739 ; ibid. 705, note J.-E. Schoettl ; D. 1999. 269 , note W. Sabete ; ibid. 2000. 61, obs. J. Trémeau ; RDSS 1998. 923, obs. M. Badel, I. Daugareilh, J.-P. Laborde et R. Lafore ; RTD civ. 1998. 796, obs. N. Molfessis ; ibid. 1999. 132, obs. F. Zenati ; ibid. 136, obs. F. Zenati ) et que les limitations apportées à ce droit de disposer constituaient des atteintes au droit de propriété lui-même (Cons. const. 9 avr. 1996, n° 96-373 DC, AJDA 1996. 371 , note O. Schrameck ; D. 1998. 156 , obs. J. Trémeau ; ibid. 145, obs. J.-C. Car ; ibid. 147, obs. A. Roux ; ibid. 153, obs. T. S. Renoux ; RFDA 1997. 1, étude F. Moderne  ; 26 juill. 1984, n° 84-172 DC). C’est la raison pour laquelle la constitutionnalité des incapacités édictées par l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles a été contestée sous l’angle des incapacités de disposer qu’elles impliquent, et non sous l’angle des incapacités de recevoir.

Effectivement, qui dit incapacité de recevoir dit, par un corollaire nécessaire, incapacité de disposer : parce qu’elles n’existent qu’entre personnes déterminées, les incapacités de recevoir qui empêchent telle personne de bénéficier d’une libéralité impliquent, à l’autre bout du lien interpersonnel, des incapacités qui empêchent telle autre personne de disposer à titre gratuit au profit de celle qui ne peut recevoir. À une incapacité de recevoir correspond donc nécessairement une incapacité de disposer. De ce point de vue, en ce qu’elle limite l’abusus des personnes frappées (protégées ?) par l’incapacité de disposer, la loi porte atteinte à leur droit de propriété, constitutionnellement garanti. C’est ce que souligne le Conseil constitutionnel dans la présente décision lorsqu’il relève que « les dispositions contestées interdisent aux responsables et aux employés ou bénévoles des sociétés délivrant de tels services, ainsi qu’aux personnes directement employées par celles qu’elles assistent, de recevoir de ces dernières des donations ou des legs », que, « par conséquent, les dispositions contestées limitent, dans la mesure de cette interdiction, les personnes âgées, les personnes handicapées ou celles qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans leur capacité à disposer librement de leur patrimoine » et que « le droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété, les dispositions contestées portent atteinte à ce droit ».

Classiquement, le Conseil constitutionnel rappelle que l’exercice du droit de propriété peut être limité par la loi pourvu que les atteintes ainsi portées soient liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. La formule, devenue classique, rappelle la distinction qu’opère la juridiction constitutionnelle entre les atteintes prenant la forme de privations du droit de propriété et les autres atteintes, prenant notamment la forme de limitations des conditions d’exercice du droit de propriété. Les premières doivent nécessairement respecter les exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (nécessité publique légalement constatée ; juste et préalable indemnité), tandis que les secondes, contrôlées sur le fondement de l’article 2 du même texte, doivent « seulement » être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. Au rang des motifs susceptibles de justifier une limitation du droit de propriété figurent aussi, outre l’intérêt général, les « exigences constitutionnelles », même si elles n’étaient pas en cause en l’espèce (sont généralement visés à travers cette formule les objectifs à valeur constitutionnelle, ou encore les autres droits et libertés garantis par la Constitution). Pour contrôler la constitutionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété, le Conseil s’est donc employé à vérifier que l’incapacité de recevoir était, d’une part, justifiée par l’intérêt général et, d’autre part, proportionnée à l’objectif poursuivi. Si la première de ces conditions a été considérée comme remplie, il n’en est pas de même de la seconde.

S’agissant d’abord de l’intérêt général qui préside à l’incapacité de disposer, il tient, selon le Conseil, à la protection de personnes « placées dans une situation particulière de vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens » par ceux qui leur apportent l’assistance dont elles ont besoin pour favoriser leur maintien à domicile. On trouve là une illustration de la difficulté, connue des contractualistes, à distinguer les règles protectrices de l’intérêt général de celles qui protègent les intérêts privés (sur ce point, v. not. J.-L. Aubert, E. Savaux et J. Flour, Droit civil. Les obligations. Tome 1 : l’acte juridique, 16e éd., Sirey, coll. « Université », 2014, spéc. n° 328, soulignant qu’il « n’existe pas de frontière tranchée entre l’intérêt général et les intérêts privés : toute disposition légale présente toujours, peu ou prou, un certain caractère d’intérêt général ; sinon, elle n’aurait pas été édictée »).

En effet, l’objectif consistant à renforcer la protection de personnes situées dans une situation de vulnérabilité ressort classiquement à la protection d’intérêts privés. Cela explique que la méconnaissance de ces règles soit sanctionnée par une nullité relative (C. civ., art. 1147 ; F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil. Les successions. Les libéralités, Dalloz, 4e éd., 2014, n° 331, affirmant que « les incapacités qu’elles soient d’exercice ou de jouissance […], sont sanctionnées par une nullité relative, car elles sont toutes sous- tendues par une idée de protection »). Il est vrai que, si on l’observe sous l’angle de l’incapacité de recevoir et non plus sous celui de l’incapacité de disposer, la règle poursuit un objectif qui se rapproche davantage de l’intérêt général : en ce qu’elle s’impose aux auxiliaires de vie, l’interdiction a également pour but d’assurer un exercice désintéressé et indépendant de l’activité de service à la personne et, en cela, contribue à assurer le respect d’une certaine éthique au sein de la profession visée. Cette dimension justifierait même, selon certains, que l’incapacité soit sanctionnée par une nullité absolue (en ce sens, v. G. Raoul-Cormeil et Q. Le Pluard, L’incapacité de recevoir à titre gratuit du professionnel de santé et l’existence de la maladie létale, D. 2021. 509 , au sujet des incapacités de jouissance inscrites à l’article 909 du code civil).

Reste que la position du Conseil constitutionnel, qui voit dans la protection des personnes vulnérables la poursuite d’un objectif d’intérêt général, ne doit, semble-t-il, pas être comprise comme un parti pris sur la question de l’intérêt, privé ou général, poursuivi par la règle envisagée. Il y a là deux acceptions différentes de l’intérêt général, auquel s’attachent des enjeux distincts. En droit des contrats, l’intérêt général s’oppose à l’intérêt privé pour déterminer le régime de la nullité, absolue ou relative, qui sanctionne la méconnaissance de la règle de droit. Même si toutes les règles, y compris celles qui protègent une personne déterminée ou une catégorie de personnes, sont à tout le moins teintées d’intérêt général, il est nécessaire de retenir une acception stricte de cette notion pour ne pas étendre démesurément le nombre des règles sanctionnées par une nullité absolue. En droit constitutionnel, en revanche, la notion d’intérêt général est comprise dans un sens plus large car elle permet de justifier les atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution. En ce domaine, l’intérêt général englobe les règles destinées à protéger des intérêts privés. C’est, du reste, ce qui ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : nombreuses sont les atteintes au droit de propriété dont le Conseil a estimé qu’elles poursuivaient un objectif d’intérêt général alors même que la loi visait davantage à protéger un intérêt privé (v. par ex. Cons. const. 13 juill. 2011, n° 2011-151 QPC, AJ fam. 2011. 426, obs. N. Régis ; RTD civ. 2011. 565, obs. T. Revet ; ibid. 750, obs. J. Hauser , pour la protection du conjoint économiquement défavorisé lors d’un divorce ; 1er août 2013, n° 2013-337 QPC, D. 2013. 1959 , pour la protection des héritiers réservataires ; 20 mars 2014, n° 2014-691 DC, AJDA 2014. 655 ; D. 2014. 1844, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2014. 325, point de vue F. de La Vaissière ; JT 2014, n° 163, p. 8, obs. E. Royer ; Constitutions 2014. 169, chron. P. Bachschmidt ; ibid. 364, chron. P. De Baecke , pour la protection des locataires ; Cons. const. 20 juill. 2000, n° 2000-434 DC, D. 2001. 1839 , obs. D. Ribes , pour la protection des enfants en promenade le mercredi ; Cons. const. 16 déc. 2011, n° 2011-206 QPC, D. 2012. 1509, obs. A. Leborgne , pour garantir l’aboutissement de la procédure de saisie immobilière). En somme, lorsque le Conseil affirme que les incapacités de jouissance poursuivent un but d’intérêt général, cela ne devrait avoir aucun impact sur la sanction du non-respect desdites incapacités.

S’agissant ensuite de la proportionnalité de l’atteinte, le Conseil constitutionnel considère qu’elle n’est pas caractérisée : « l’interdiction générale contestée porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi ». Elle est pourtant triplement limitée.

Ratione materiae, l’interdiction ne s’applique pas aux gratifications rémunératoires pour services rendus. Sur ce point, la précision du Conseil constitutionnel est bienvenue car elle dissipe une incertitude qui pouvait exister à la lecture de l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles. En effet, seul le premier alinéa de ce texte, applicable aux personnes qui interviennent dans le cadre d’un établissement ou d’un service, renvoie aux exceptions prévues par l’article 909 du code civil et autorise donc notamment les dispositions rémunératoires au profit de ces personnes. En revanche, le deuxième alinéa de l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles ne comporte pas le même renvoi à l’article 909 du code civil, ce qui pouvait laisser penser que les exceptions prévues par ce texte ne s’appliquaient pas aux personnes directement employées par le particulier bénéficiant de l’assistance à domicile. Il n’en est rien. Le Conseil constitutionnel n’opère aucune distinction entre les règles applicables à ces deux catégories de personnes lorsqu’il retient que les dispositions contestées visent à la fois les responsables, employés et bénévoles des sociétés délivrant des services d’assistance personnelle à domicile et les personnes directement employées par celles qu’elles assistent. En affirmant que l’interdiction légale « ne s’applique pas aux gratifications rémunératoires pour services rendus », il laisse entendre que l’exception autorisant les dispositions rémunératoires s’applique à l’ensemble des personnes visées par l’incapacité inscrites à l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles.

Ratione temporis, ensuite, l’incapacité de jouissance est également limitée puisque, comme le relève le Conseil constitutionnel, elle ne s’applique qu’aux libéralités consenties pendant la période d’assistance du donateur (l’interdiction de recevoir formulée par le texte vise les dispositions à titre gratuit faites « pendant la durée de [la] prise en charge »). Sur ce point, l’incapacité édictée par le texte évoque celle de l’article 909, alinéa 1er, du code civil qui interdit aux soignants de bénéficier des libéralités faites par leur patient « pendant le cours » de la maladie dont ils sont décédés.

Ratione personae, enfin, l’interdiction est également limitée. D’une part, elle ne s’applique qu’aux personnes accomplissant des services d’assistance personnelle à domicile, visés par le 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail, alors pourtant que le législateur avait envisagé dans un premier temps de l’étendre aux personnes accomplissant des services à domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales, visés par le 3° du même texte (en ce sens, v. M. Nicod, art. préc.). D’autre part, l’incapacité de recevoir ne frappe pas les héritiers en ligne directe ou, en l’absence d’héritiers en ligne directe, les parents jusqu’au quatrième degré de la personne bénéficiant de l’assistance. À cet égard, la qualité de parent l’emporte sur celle de soignant ou d’auxiliaire de vie. Cette exception se fonde sur le renvoi à l’article 909, 2°, du code civil opéré par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles. On pourrait ajouter, bien que le Conseil constitutionnel ne l’ait pas relevé, que l’interdiction formulée par l’article L. 116-4, I, alinéa 2, ne s’applique qu’au salarié lui-même et non pas à ses conjoint, partenaire, concubin, ascendants ou descendants, contrairement à l’accueillant familial visé par le même texte.

Cette triple limitation, toutefois, ne suffit pas à rendre proportionnée l’atteinte portée au droit de propriété des disposants. Prenant le contrepied de la logique suivie par le législateur, le Conseil constitutionnel affirme son désaccord, tant sur le plan des présupposés que sur celui de la méthode.

Quant aux présupposés, le Conseil exclut toute assimilation systématique entre service d’assistance à domicile et besoin de protection patrimoniale. Pour ce faire, il retient deux séries d’arguments tenant, d’une part, à la personne assistée et, d’autre part, aux modalités du service rendu. D’une part, « il ne peut se déduire du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile que leur capacité à consentir est altérée ». Autrement dit, avoir besoin d’une assistance pour pouvoir se maintenir à domicile n’implique pas nécessairement une altération des facultés mentales de nature à entraver l’aptitude à consentir. La vulnérabilité peut prendre différentes formes qui n’impliquent pas toutes un même besoin de protection ni, en conséquence, une réponse identique. Ainsi, il y a indubitablement une vulnérabilité intrinsèque à l’âge, au handicap, voire à d’autres situations rendant nécessaire une assistance personnelle au domicile. Mais cette vulnérabilité, d’ordre physique, ne traduit pas systématiquement une fragilité mentale justifiant une mesure d’incapacité. Si l’une et l’autre peuvent coïncider, elles ne sont pas pour autant toujours réunies. D’autre part, « les services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail recouvrent une multitude de tâches susceptibles d’être mises en œuvre selon des durées ou des fréquences variables. Le seul fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressées et qu’elles contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent cette assistance ». Autrement formulé, la relation d’assistance qui se noue au domicile de la personne assistée n’est pas nécessairement source de vulnérabilité extrinsèque, à l’égard de l’assistant. Ainsi, à supposer même que la personne assistée subisse une altération de ses facultés cognitives, les modalités de l’assistance dont elle bénéficie (durée, fréquence) peuvent être exclusives de toute dépendance psychique à l’égard de l’assistant et de tout risque de captation de sa part. Par ces motifs, le Conseil constitutionnel invalide le postulat du législateur suivant lequel les personnes âgées ou handicapées bénéficiant d’une aide à domicile se trouveraient par principe dans une situation de vulnérabilité justifiant la protection de leur patrimoine contre leur propre volonté.

Quant à la méthode employée par le législateur, le Conseil constitutionnel marque également sa désapprobation en relevant que « l’interdiction s’applique même dans le cas où pourrait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste ». On remarquera que les notions de vulnérabilité et de dépendance sont ici distinguées, la vulnérabilité semblant désigner un état intrinsèque de la personne et la dépendance, un lien pouvant exister entre l’assistant et l’assisté. Pourtant, un peu plus haut, en son point 9, la juridiction évoque la vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent assistance, ce qui semblait accréditer l’idée que la vulnérabilité peut être soit intrinsèque à la personne, à raison de son état, soit extrinsèque, et résulter des relations qu’elle noue avec les personnes qui l’entourent. Indépendamment du vocabulaire employé, la formule aboutit à dénoncer la méthode de protection choisie par le législateur. Les incapacités de jouissance sont généralement présentées comme reposant sur une présomption légale de captation qui serait irréfragable, aucune preuve de l’absence de captation ne pouvant être rapportée pour sauver la libéralité faite au mépris de l’interdiction. Pourtant, ce n’est pas une présomption qu’édictent les articles 909 du code civil ou L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles. La loi ne présume pas que la libéralité serait le fruit d’une captation. Elle pose une interdiction générale qui prend la forme d’une règle de fond (incapacité de recevoir) assortie de deux exceptions (libéralités rémunératoires ; libéralités intrafamiliales) dont aucune ne repose sur la preuve de l’absence de captation. Ce sont des critères exclusivement objectifs qui conditionnent l’interdiction (relation entre le disposant et le gratifié ; temporalité de la libéralité), tout autant que ses exceptions (proportion entre les facultés du disposant et les services rendus ; lien de parenté entre le disposant et le gratifié). Si les critères de l’interdiction sont remplis, la libéralité sera frappée de nullité même s’il est démontré qu’elle est véritablement mue par les liens d’affection unissant le disposant et le gratifié. Ainsi, si présomption il y a, ce n’est que dans l’esprit du législateur et non dans la lettre de la loi. Cette technique législative permet, certes, d’éviter d’interminables débats d’experts sur l’insondable intention du disposant. Elle aboutit cependant à une interdiction qui, par sa généralité, « porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi ».

Autant de considérations qui ont conduit le Conseil constitutionnel à déclarer contraire à la Constitution l’incapacité de jouissance inscrite à l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, en ce qu’elle vise les auxiliaires de vie intervenant au domicile des personnes nécessitant une assistance personnelle. Partant, la question des suites de l’inconstitutionnalité prononcée peut se poser.

Les suites de l’inconstitutionnalité

Deux interrogations ne manqueront pas de se poser au lendemain de la présente déclaration d’inconstitutionnalité.

En premier lieu, le législateur pourrait envisager d’intervenir de nouveau, par exemple à l’occasion de la loi Grand âge et autonomie promise pour 2021, pour protéger les personnes bénéficiant d’un service d’assistance personnelle à domicile contre le risque de captation de leur patrimoine. Quelles seraient alors les modalités d’une protection constitutionnellement acceptable ?

Il faudrait, déjà, s’interroger sur la politique législative retenue. On se souvient que l’élargissement du champ des incapacités de protection par la loi du 28 décembre 2015 avait suscité des débats quant au sort réservé aux personnes âgées, spécifiquement visées, aux côtés des personnes handicapées, par les interdictions nouvelles. Il a ainsi pu être souligné que l’incapacité de jouissance, qui se veut protectrice des intérêts patrimoniaux de la personne, interroge néanmoins le respect de l’autonomie de celle-ci (M. Rebourg, Vers un statut des personnes âgées ? Réflexions à la lumière du droit brésilien, RDSS 2020. 83  ; v. aussi M. Nicod, art. préc., soulignant qu’« à une époque où la liberté de disposer à titre gratuit est érigée en dogme […] et où la reconnaissance de l’autonomie de la personne vulnérable est affirmée comme principe […], il peut paraître paradoxal de multiplier les interdictions frappant les personnes âgées dépendantes »). Faut-il nécessairement interdire pour protéger ? Faut-il persister dans la voie de l’élargissement de l’incapacité de recevoir, au nom d’une éventuelle vulnérabilité, d’une possible altération de l’aptitude à consentir, dont le Conseil constitutionnel vient de souligner qu’elle ne découle pas nécessairement de la situation de l’assistance à domicile ? La présente décision ne devrait-elle pas freiner la tentation de l’instrumentation de la vulnérabilité (sur cette question, v. M. Rebourg et S. Renard, « De l’éventualité d’une prolongation du confinement spécifique aux personnes âgées : que sommes-nous prêts à sacrifier ? », RDLF 2020, chron. n° 30), mise ici au service d’une politique successorale familialiste (v. M. Nicod, art. préc. : « Entre l’aide-ménagère qui assiste le vieillard au quotidien et l’héritier qui n’est pas forcément très présent à ses côtés, le législateur a clairement choisi de privilégier le second au nom des principes de la dévolution légale. En cela, l’incapacité des auxiliaires de vie apparaît surtout comme un instrument de prévention des libéralités extrafamiliales ») ?

Si, toutefois, le législateur décidait d’intervenir de nouveau, il devrait le faire en respectant les indications qui ressortent de la décision du Conseil constitutionnel. Deux critères sont évoqués comme pouvant justifier une incapacité de disposer : l’altération de la capacité à consentir et la vulnérabilité de la personne assistée à l’égard de celle qui l’assiste. L’une comme l’autre peuvent, en l’état du droit positif, être sanctionnées sans passer par le biais d’une incapacité. En effet, l’article 901 du code civil protège à la fois l’aptitude à consentir, en énonçant qu’il « faut être sain d’esprit » pour faire une libéralité, et la qualité du consentement donné, en frappant de nullité la libéralité fondée sur un consentement « vicié par l’erreur, le dol ou la violence ». Or l’élargissement de la notion de violence par la réforme du droit des obligations pourrait permettre de sanctionner, à travers l’article 1143 du code civil, les libéralités consenties sous l’empire d’une dépendance, donc d’un état de vulnérabilité, du disposant à l’égard du gratifié. Toute la difficulté de ce dispositif tient à la question de la preuve : pour obtenir l’annulation d’une libéralité sur l’un de ces fondements, il faut être en mesure de démontrer l’insanité d’esprit ou l’état de dépendance dont le gratifié aurait abusé au détriment du disposant. Instaurer une incapacité légale de disposer et de recevoir permet de supprimer ces difficultés de preuve. Mais l’interdiction devra alors être nuancée pour que l’atteinte portée au droit de propriété du disposant soit proportionnée à l’objectif de protection poursuivi.

Deux techniques sont alors envisageables : celle de la règle de fond et celle de la règle de preuve. La règle de fond impliquerait de poser un principe d’incapacité tempéré par une exception. Les auxiliaires à domicile ne pourraient recevoir de libéralités consenties par une personne âgée, une personne handicapée ou une autre personne ayant besoin d’une aide personnelle à domicile, sauf dans les cas où les modalités du service à domicile n’impliquent pas une dépendance de la personne assistée à l’égard de l’auxiliaire de vie. Quant à l’aptitude intrinsèque à consentir, elle resterait protégée par l’article 901 du code civil. La technique de la règle de preuve, quant à elle, reposerait sur une présomption qui ne serait pas simplement sous-tendue par la loi, mais véritablement posée comme telle. Sans aller jusqu’à présumer l’altération des facultés mentales de la personne âgée ou handicapée nécessitant une aide personnelle à domicile, le législateur pourrait se contenter de présumer l’état de dépendance lié aux services d’assistance à domicile. Il faciliterait ainsi la mise en œuvre des règles du droit des contrats protectrices du consentement, et en particulier celle de l’article 1143 du code civil. Cette présomption devrait nécessairement être simple et admettre la preuve contraire, pour satisfaire aux exigences constitutionnelles.

En second lieu, il est possible de s’interroger sur l’impact de la déclaration d’inconstitutionnalité sur les autres incapacités de disposer, qu’il s’agisse des autres interdictions figurant à l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles ou de celles inscrites à l’article 909 du code civil. La constitutionnalité de ces incapacités pourrait-elle être mise en doute ? Il est certain que l’ensemble des incapacités de recevoir posées par le législateur impliquent corrélativement des incapacités de disposer qui portent atteinte au droit de propriété du disposant en en limitant l’abusus. Toutes ces incapacités seraient probablement considérées comme poursuivant un but d’intérêt général tenant à la protection des personnes placées dans une situation de vulnérabilité créant un risque de captation (personnes hébergées dans un établissement médico-légal ou au domicile d’un accueillant familial, visées par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles ; personnes atteintes d’une maladie létale, personnes soumises à une mesure de protection juridique, personnes pratiquant une religion, visées par l’article 909 du code civil), voire à la moralisation des professions concernées par l’incapacité de recevoir. Reste à savoir si toutes les interdictions de disposer formulées par la loi sont proportionnées à l’objectif de protection poursuivi.

Sur ce point, la portée de l’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil dépend de la ratio decidendi de la décision. Si le critère décisif tient à la méthode retenue, à savoir l’impossibilité de rapporter la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste, alors toutes les incapacités de jouissance pourraient se trouver menacées. En effet, les incapacités de disposer reposent toutes sur une présomption irréfragable de captation ; aucune des interdictions formulées ne cède face à la preuve de l’absence de dépendance ou de vulnérabilité du disposant à l’égard de la personne qu’il ne peut gratifier. En revanche, si la critique des présupposés du législateur a été tout aussi décisive que la critique de la méthode retenue, la décision rendue par le Conseil constitutionnel ne préjuge aucunement de la constitutionnalité des autres incapacités de disposer.

En effet, une dimension importante de la décision tient dans l’idée que la personne qui a besoin d’une assistance pour se maintenir à domicile ne voit pas forcément sa capacité décisionnelle altérée. On ne peut en dire autant du majeur protégé, que l’article 909 du code civil frappe d’une incapacité de disposer au profit du mandataire judiciaire chargé de sa protection. L’aptitude du majeur protégé à consentir est nécessairement altérée, ce qui suffit à justifier l’interdiction.

En outre, un autre élément significatif de la décision réside dans l’absence d’assimilation entre service d’assistance à domicile et vulnérabilité à l’égard de l’assistant. Sur ce point, le Conseil prend le soin de souligner que tout dépend du type de service rendu et de ses modalités, de sorte que la protection n’est pas nécessaire dans tous les cas de figure (« les services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail recouvrent une multitude de tâches susceptibles d’être mises en œuvre selon des durées ou des fréquences variables. Le seul fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressées et qu’elles contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent cette assistance »). Il s’agit là d’une considération propre au service d’assistance à domicile. À l’inverse, on pourrait considérer que les situations dans lesquelles une personne se trouve hébergée dans un établissement médico-légal ou au domicile d’un accueillant familial impliquent nécessairement une forme de dépendance à l’égard de la structure d’accueil ou de l’accueillant, pendant toute la durée de la prise en charge. De même, la personne atteinte d’une maladie létale dépend de son soignant. Si l’on persiste à considérer que la vulnérabilité de la personne justifie de porter atteinte à son droit de propriété et, par là, à son autonomie, alors les diverses incapacités seraient probablement jugées proportionnées à l’objectif poursuivi, dans la mesure où elles sont limitées à la durée de la situation de vulnérabilité. L’interdiction de disposer au profit du ministre du Culte pourrait toutefois être mise en question, au vu de l’imprécision de sa formulation par l’article 909 du code civil (« les mêmes règles seront observées à l’égard du ministre du Culte »). Il n’y a ici aucune indication de durée ni précision des personnes concernées par l’incapacité de disposer.

Il reste néanmoins que la censure de la loi repose sur des motifs qui sont en partie propres à la situation des personnes bénéficiant d’une aide à domicile qui ne se retrouvent pas en tant que tels dans les autres incapacités de recevoir et de disposer instaurées par le législateur. L’inconstitutionnalité prononcée par la présente décision ne menace donc pas nécessairement les autres incapacités de recevoir.

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L’appel d’un jugement statuant sur la compétence est instruit et jugé selon la procédure à jour fixe de sorte que l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, remettre l’assignation à jour fixe au greffe de la juridiction avant la date fixée pour l’audience.

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Auteur d'origine: clhermitte

Des créanciers d’une société commerciale justifient d’un intérêt à agir et doivent être recevables en leur action formée, en application des articles L. 232-23 du code de commerce et 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, contre cette société, tendant à obtenir d’elle le respect de son obligation de dépôt de ses comptes.

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Auteur d'origine: Delpech

En application de l’article 1799-1 du code civil, le cautionnement qui garantit le paiement des sommes dues en exécution du marché, ne doit être assorti d’aucune condition ayant pour effet d’en limiter la mise en œuvre.

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Auteur d'origine: Garcia

Ne constitue pas un titre exécutoire, un jugement rendu par le juge du tribunal d’instance, à l’occasion de la procédure de saisie des rémunérations, qui n’a pas pour objet de constater une créance liquide et exigible, mais, à défaut de conciliation, de vérifier le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s’il y a lieu, de trancher les contestations soulevées par le débiteur.

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Auteur d'origine: gpayan

On le sait, la saisie des rémunérations est régie par les articles L./R. 3252-1 et suivants du code du travail, auxquels renvoie le code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc., art. L./R. 212-1). Dès lors qu’il s’agit d’une mesure d’exécution forcée, seul un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible a la possibilité de faire procéder à la saisie des sommes dues, à titre de rémunération, par un employeur à son débiteur (C. trav., art. R. 3252-1 ; adde, C. pr. exéc., art. L. 111-2).

Au-delà de ce principe commun, la règlementation de la saisie des rémunérations est dérogatoire par rapport à celles applicables aux autres saisies mobilières, notamment au regard de la procédure applicable. En effet, elle a la particularité de nécessairement impliquer l’intervention d’un juge, même en l’absence d’incidents contentieux. Auparavant confiée au juge du tribunal d’instance (COJ, art. L 221-18, rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019), cette compétence est désormais attribuée au juge de l’exécution (COJ, art. L. 213-6, al. 5, rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019) du lieu du domicile du débiteur.

Toujours au titre des particularités procédurales, on peut également rappeler que les opérations de saisie sont précédées, à peine de nullité de la saisie, par une...

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Une société américaine (Jani-King) a signé avec M. F…, agissant pour le compte d’une société belge à constituer (société Falco), un contrat de franchise portant sur le territoire belge.

La société américaine a saisi un tribunal de district du comté de Dallas (Texas) et obtenu la condamnation de la société Falco pour rupture du contrat, et la condamnation de MM. F… et R… (gérant de la société Falco) pour fraude par non-divulgation et collusion, par un jugement du 25 octobre 2016.

La société américaine a ensuite sollicité l’exequatur de ce jugement contre M. F… devant le tribunal de grande instance de Paris.

La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 25 juin 2019, a déclaré exécutoire en France le jugement américain. Elle a retenu la compétence indirecte du tribunal texan. Elle constate que le tribunal texan a retenu que M. F… s’était rendu à neuf reprises à Dallas entre 1997 et 2012, ce qui avait porté le franchiseur à croire que la société Falco avait l’intention d’honorer ses obligations contractuelles. Elle constate ensuite que M. F… avait envoyé à la société américaine diverses lettres et communications assurant que Falco rencontrait des...

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L’arrêt sous étude apporte une précision sur la qualité requise pour invoquer la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et, indirectement, sur la qualité requise pour invoquer le caractère disproportionné de l’ingérence dans le droit au logement que constitue une mesure de démolition ou de remise en état.

Ainsi, d’une part, le propriétaire d’une construction irrégulière donné à bail d’habitation n’a pas la qualité pour invoquer l’article 8 de la Convention européenne afin de s’opposer à sa démolition et, d’autre part, seuls les locataires ont la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention à cette fin.

Au cas particulier, une personne avait aménagé plusieurs appartements à usage d’habitation sur son terrain, situé en zone agricole du plan d’urbanisme où n’étaient autorisées que les constructions nécessaires à l’activité agricole. La commune l’assigna pour obtenir la remise des lieux en état, ce qui impliquait la démolition des immeubles en question et l’expulsion des locataires qui y avaient été installés.

Les juges du fond ayant ordonné la remise en état, le propriétaire du terrain forme un pourvoi en cassation. Il reproche aux juges du fond, d’une part, d’avoir considéré que seuls les locataires concernés par la mesure de démolition pouvaient invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne et, d’autre part, d’avoir omis de contrôler concrètement la proportionnalité entre la démolition de logements et l’intérêt général recherché.

Il était donc question de savoir si le propriétaire de constructions irrégulières peut invoquer l’article 8 de la Convention européenne pour s’opposer à la démolition, alors que cette mesure n’affecte que le droit au logement de ses locataires. La Cour de cassation répond par la négative, réservant cette qualité aux seuls locataires.

Selon elle, l’article 31 du code de procédure civile ouvre l’action à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. Il faut cependant, outre l’intérêt, avoir la qualité pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un but déterminé. La qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention suppose de justifier d’un intérêt personnel à agir.

Or, faute d’être personnellement touché par la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile à la suite de la démolition du logement de ses locataires et à la remise des lieux en état, le propriétaire ne peut pas se prévaloir d’un intérêt personnel à invoquer le droit au logement de l’article 8 de la Convention.

Ainsi, la haute juridiction décide qu’« ayant relevé que le logement [du propriétaire] n’était pas concerné par le litige, et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d’ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d’urbanisme ».

Cette solution apporte deux précisions, l’une positive, l’autre négative.

Le propriétaire n’a pas la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme

Il résulte tout d’abord de la solution que le propriétaire n’a pas la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention lorsque la mesure de démolition ne concerne que le droit au logement de ses locataires.

Certes, le propriétaire a le droit d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention et de s’opposer à une mesure de démolition en invoquant sa disproportion lorsque cette mesure constitue une atteinte à son droit au logement (Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 19-10.375, Dalloz actualité, 27 janv. 2020, obs. J.-M. Pastor ; ibid., 3 févr. 2021, obs. D. Pelet ; AJDA 2020. 143 ; D. 2020. 82 ; RDI 2020. 150, obs. P. Soler-Couteaux ; RTD civ. 2020. 428, obs. W. Dross ; 16 janv. 2020, n° 19-13.645, Dalloz actualité, 27 janv. 2020, obs. préc. ; AJDA 2020. 143 ; D. 2020. 82 ; ibid. 1761, obs. N. Reboul-Maupin et Y. Strickler ; RDI 2020. 150, obs. P. Soler-Couteaux ; ibid. 201, obs. M. Revert ; 3 mars 2010, n° 08-21.911, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2010. 473 ; D. 2010. 767 ; JT 2010, n° 122, p. 13, obs. E. Royer ). Cependant, il ne peut plus invoquer ces dispositions lorsque c’est le droit au logement de ses locataires qui est atteint par la mesure. Dans ce cas, il n’est pas « victime de la violation alléguée ».

Ce raisonnement repose sur la distinction entre le droit au logement du propriétaire et celui de ses locataires. Certes, le logement du locataire est un bien qui appartient au propriétaire, et c’est bien en vertu d’un contrat que le propriétaire s’engage à faire jouir son bien par le locataire. Cependant, il n’en résulte pas une confusion entre leurs droits au logement. La Cour européenne des droits de l’homme a une conception extensive de la notion de « domicile », et qui implique cette distinction (CEDH 16 nov. 2004, Moreno Gomez c. Espagne, n° 4143/03, § 53 ; 18 nov. 2004, Prokopovitch c. Russie, n° 58255/00, § 36).

Le théoricien du droit pourrait déduire que le droit au logement est un droit de la personnalité ou...

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Les ressorts du nantissement de créance n’ont pas encore été pleinement élucidés, ainsi qu’en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile le 10 mars 2021. En l’espèce, suivant acte du 29 juin 2007, une banque a consenti à une société deux prêts dont le terme était fixé le 30 juin 2011, garantis, selon deux avenants du 12 septembre 2007, par le nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit par M. M… auprès de la société Assurances du Crédit Mutuel Vie. Par la suite, le 9 décembre 2009, l’emprunteur a été placé en redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par jugement du 7 juin 2011, prévoyant le remboursement des créances de la banque en cent quarante-quatre mensualités jusqu’au 30 juin 2023, qui a été résolu par jugement du 26 mars 2013 ayant, en outre, prononcé la liquidation judiciaire de l’emprunteur. Soutenant que la garantie accordée était venue à terme le 30 juin 2011, le souscripteur a, par actes du 26 septembre 2012, assigné l’assureur et la banque aux fins d’exercer ses droits sur le contrat d’assurance sur la vie, et d’obtenir le paiement de dommages-intérêts. Parallèlement, la banque a exercé ses droits de rachat du contrat d’assurance sur la vie et, le 20 juin 2014, l’assureur a versé à la banque la valeur de rachat.

La cour d’appel de Colmar, dans un arrêt du 28 novembre 2019, a condamné la banque à payer au souscripteur la somme de 76 695,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2014, au titre de la valeur de rachat. Pour parvenir à ce résultat, elle constate, d’abord, que les deux avenants n’indiquent pas la durée de la garantie, mais le terme des prêts garantis du 30 juin 2011 et, ensuite, que la clause selon laquelle « l’adhérent s’engage à reconduire ou à renouveler à l’échéance le contrat d’assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l’ouverture de crédit » signifie que, dans le cas où le contrat d’assurance arrive à terme avant les contrats de prêt, la durée de la garantie doit être prorogée jusqu’au terme des contrats de prêt, mais non que, dans l’hypothèse inverse, la durée de la garantie est prorogée au-delà de la durée des prêts. Or les avenants n’indiquant pas que la garantie devra être prorogée jusqu’au remboursement intégral des prêts, les magistrats alsaciens en déduisent que les contrats de nantissement doivent être interprétés en faveur de celui qui s’est engagé et que leur durée était celle des prêts expirant le 30 juin 2011. La banque et l’assureur se pourvurent donc en cassation, arguant du fait que le contrat de prêt s’éteint par le remboursement des fonds remis à l’emprunteur, et non par l’arrivée du terme de la dernière échéance et que la durée du prêt s’étend donc au-delà de ladite échéance tant que l’emprunteur n’a pas intégralement remboursé la somme prêtée. L’argument fait mouche et l’arrêt est ainsi censuré, au visa des articles 1234 et 1185 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 2355 et 2365 du même code : la Cour de cassation rappelle d’abord qu’« il résulte des deux premiers de ces textes qu’un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l’existence éventuelle d’un rééchelonnement des échéances » (pt 7) et que, « selon les deux derniers, le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs et, en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement » (pt 8). Elle considère ensuite qu’« il s’en déduit que, sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé » (pt 9). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le prêt n’avait pas été remboursé à cette date, sans relever une volonté expresse des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 11).

Si la solution mérite une pleine approbation, sa formulation est en revanche contestable, et ce à un double titre : d’une part, si le contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, c’est parce que l’obligation de remboursement elle-même s’éteint. L’ancien article 1234 du code civil, au visa duquel l’arrêt est rendu, concernait d’ailleurs l’extinction des obligations et non des contrats (si le texte n’a aucun équivalent suite à la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, le chapitre IV du titre IV du livre III du code civil est bel et bien consacré à l’extinction de l’obligation, à l’instar de l’ancien chapitre V au sein duquel l’ancien article 1234 était logé). On peine également à comprendre la référence à l’ancien article 1185, qui concernait la distinction entre le terme suspensif et la condition suspensive (« Le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution »).

D’autre part, et surtout, il est incohérent d’affirmer que « le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement ». En effet, l’article 2365 du code civil dispose qu’« en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s’y rattachent. Il peut également attendre l’échéance de la créance nantie ». Il y a donc là une alternative : ou bien le créancier, sans attendre l’échéance de la créance nantie, sollicite l’attribution (judiciaire ou conventionnelle) de cette créance et il est donc désintéressé par cette attribution, ou bien il attend l’échéance de ladite créance et il est alors, de toute façon, le seul à pouvoir en recevoir paiement, conformément à l’article 2363 du code civil. La jurisprudence, à la suite d’une éminente doctrine (v. M. Julienne, Le nantissement de créance, Economica, préf. L. Aynès, 2012), a d’ailleurs récemment consacré le droit exclusif au paiement du créancier nanti (v. Civ. 2e, 2 juill. 2020, nos 19-11.417 et 19-13.636, Dalloz actualité, 28 juill. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 1940 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ; ibid. 2021. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2020. 666, obs. C. Gijsbers ; ibid. 946, obs. N. Cayrol ; v. égal. Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420 ; v. à ce sujet M. Julienne, Le nantissement enfin pris au sérieux !, Banque et droit, sept.-oct. 2020, p. 4 ; J.-D. Pellier, La consécration du droit exclusif au paiement du créancier nanti, D. 2020. 1940 ), anticipant ainsi l’imminente réforme du droit des sûretés (les auteurs de l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés dévoilé par la Chancellerie le 18 décembre 2020 hésitent toutefois entre le droit exclusif au paiement et le droit de rétention, comme en témoigne la rédaction alternative du futur article 2363 : « Après notification, le créancier nanti a un droit exclusif au paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé » ou « après notification, le créancier nanti bénéficie d’un droit de rétention sur la créance donnée en nantissement et a seul le droit à son paiement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé »). En d’autres termes, une fois la créance nantie échue, le créancier n’a donc que faire d’une attribution de la créance en paiement puisqu’il peut directement en appréhender l’émolument (rappr. M. Julienne, op. cit., n° 187, au sujet de l’article 2365 du code civil : « Ce texte implique nécessairement que l’attribution opère un effet immédiat, puisqu’elle évite d’avoir à “attendre”. La rédaction de l’article 2365 tend donc à confirmer que la possibilité d’attribution de la créance ne fait aucunement doublon avec le caractère exclusif du droit du créancier nanti à recevoir payement »). La doctrine présente au demeurant l’attribution et le paiement à l’échéance de la créance nantie comme une alternative offerte au créancier (v. par ex. P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., Dalloz, 2016, n° 661).

Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que la présente solution est justifiée dans la mesure où le nantissement a naturellement vocation à garantir la créance de remboursement tant que celle-ci n’est pas éteinte (sauf volonté contraire des parties, naturellement, l’article 2358 du code civil prévoyant au demeurant, en son alinéa 1er, que « le nantissement de créance peut être constitué pour un temps déterminé »). Par où l’on mesure, une fois de plus, la grande efficacité du nantissement de créance, à tel point que l’on a hâte de le voir confronté à la cession de créance de droit commun à titre de garantie, une fois que celle-ci aura été consacrée à la faveur de la réforme du droit des sûretés, comme le prévoit l’avant-projet d’ordonnance (art. 2373 s.) conformément à la volonté exprimée par le législateur au sein de l’article 60, I, 9°, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte (sur la comparaison entre les deux mécanismes, v. M. Julienne, Nantissement ou cession(s) fiduciaire(s) : que choisir ?, RDC 2018/2, p. 318, exprimant une certaine préférence pour le nantissement de créance ; comp. J.-D. Pellier, « Pour la cession de créance de droit commun à titre de garantie », in L. Andreu et M. Mignot [dir.], La réforme du droit des sûretés, LGDJ/Institut universitaire Varenne, 2019, p. 243, spéc. nos 10 et 11 ; v. égal. P. Théry, Quelques observations sur le droit des sûretés, advenu et à venir, RDA déc. 2019, p. 122 : « Si, à formalités égales, le créancier a le choix entre cession et nantissement, l’expérience de la loi Dailly qui traitait de la cession et du nantissement des créances professionnelles laisse augurer un abandon du nantissement au profit de la cession dont les effets sont plus énergiques mais aussi plus prévisibles grâce aux solutions dégagées depuis 1981 par la chambre commerciale »).

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En l’espèce, un litige opposait une commune et un syndicat intercommunal à une société sur la propriété d’un terrain sur lequel avait été édifiée une station d’épuration. Bien qu’une décision soit rendue sur le fond le 19 novembre 2013, laquelle retient une voie de fait commise à l’encontre de la société par la commune, celle-ci fait appel le 16 juillet 2015 d’un jugement mixte rendu le 20 avril 2010. Ce jugement avait lui aussi reconnu la voie de fait commise par la commune et prononcé un sursis à statuer après avoir ordonné une expertise pour évaluer le préjudice. Ce jugement n’avait pas été signifié et sa nature rendaient inapplicables les dispositions de l’article 528-1 du code de procédure civile. Le jugement du 19 novembre 2013 ayant lui aussi fait l’objet d’un appel, il en ressortait un entremêlement des procédures qui amenait un conseiller de la mise en état, lequel avait rendu une ordonnance déférée à la cour, à siéger en formation collégiale pour statuer sur une ordonnance qui avait été rendue par un autre conseiller de la mise en état… Bien qu’il s’agisse de deux procédures distinctes, le lien de connexité était évident et connu des avocats qui représentaient les parties. Pourtant, l’arrêt de la cour d’appel, qui avait confirmé l’ordonnance ayant admis l’appel du jugement du 20 avril 2010, a fait l’objet d’un pourvoi en cassation au visa de la violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Le rejet du pourvoi ne faisait guère de doute. Il aurait fallu, selon l’interprétation désormais bien assise de la Cour de cassation sur la procédure prévue à l’article 342 du code de procédure civile, soulever l’incident de récusation dès que sa composition était connue des parties. C’est-à-dire, en l’espèce, avant les débats. Si la décision réaffirme la position tenue depuis l’arrêt rendu en assemblée plénière le 24 novembre 2000 elle présente néanmoins l’intérêt de revenir sur la procédure de récusation (RTD civ. 2001. 192, obs. J. Normand ; ibid. 204, obs. R. Perrot ; N. Fricéro, L’impartialité du juge à travers la jurisprudence de la Cour de cassation sur la récusation, in Mélanges Jacques Boré, Dalloz, 2007 p. 181 ; Rép. civ., v° Récusation et renvoi, par S. Ben Hadl Yahia).

Les règles de procédure permettant de récuser son juge donnent toute la mesure de la place qu’on lui accorde au sein de l’ordre juridique. Dans une logique de la centralisation de l’État, la protection des juges, et celle de leur dignité, imposent d’ouvrir de façon très limitée les cas de récusation. C’est pourquoi, contrairement à l’ordonnance de 1667, le Code Napoléonien de 1806 avait considérablement limité l’usage de cet incident (B. Barnabé, La récusation des juges, étude médiévale, moderne et contemporaine, LGDJ, 2009, Bibliothèque droit privé, t. 514). En effet, alors que l’article 12 du titre 24 disposait que « N’entendons exclure les autres moyens de fait ou de droit pour...

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Qu’on le nomme enrichissement injustifié ou enrichissement sans cause, le quasi-contrat d’origine prétorienne désormais codifié occupe une place acquise dans les liquidations de relations pécuniaires entre concubins. Si ces derniers ont choisi une conjugalité sans aucune formalité, contrairement au mariage ou au PACS, ils prennent naturellement le risque de voir des difficultés éclore au moment de leur séparation. Voici donc une brillante illustration de l’appréhension du fait par le droit (F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les régimes matrimoniaux, Dalloz, 2019, 8e éd., p. 788, n° 899). Parmi les manières de régler les différends pécuniaires en la matière, tout dépend de la situation factuelle précise des concubins. En présence d’une indivision, le juge devra rechercher les parts de chacun et procéder le cas échéant à l’ouverture des opérations liées au partage. Sur ce point, les difficultés sont celles inhérentes à toute indivision : indemnité d’occupation, gestion de la masse indivise, licitation, etc. Les problèmes commencent lorsqu’un des concubins a pu engager des frais sans pour autant créer une indivision. C’est le cas toutes les fois où une personne aide, par exemple, à construire un bien sur le terrain d’autrui. En dépit de la possibilité de qualifier le concubin de constructeur et d’utiliser l’article 555 du code civil (F. Terré et P. Simler, op. cit., p. 815, n° 918), il reste également utile à titre subsidiaire de se fonder sur l’action de in rem verso ou – en français dans le texte depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 – l’enrichissement injustifié anciennement qualifié d’enrichissement sans cause. L’arrêt d’aujourd’hui vient apporter d’utiles précisions sur l’application de la loi dans le temps et sur les modalités de calcul de l’indemnité qui en résulte. 

Deux personnes vivent en concubinage entre novembre 2014 et décembre 2015. À la séparation, le concubin argue avoir participé à la construction de la piscine posée sur le terrain de sa concubine. Il l’assigne pour obtenir une indemnité sur le fondement de l’enrichissement sans cause. La cour d’appel de Bourges applique l’article 1303 nouveau issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 pour calculer une indemnité s’élevant à 24 227,16 € au profit du concubin ayant dépensé des frais pour la construction de la piscine. Voici que la concubine se pourvoit en cassation en arguant de deux principaux moyens : d’une part, la loi nouvelle n’était pas applicable faute de rétroactivité de la loi civile et, d’autre part, les modalités de calcul des juges du fond étaient erronées puisque ces dernières ne prenaient pas en compte la plus-value générée par la piscine ainsi construite. C’est sur ce deuxième point que la cassation pour défaut de base légale est prononcée.

L’application de la réforme dans le temps

Le concubinage ayant eu lieu entre novembre 2014 et décembre 2015, le demandeur au pourvoi indiquait donc que l’article 1303 nouveau du code civil ne lui était pas applicable. Pour ce faire, il utilisait l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 sur l’application de la réforme dans le temps mais également l’article 2 du titre préliminaire du code civil, selon lequel la loi nouvelle n’est pas rétroactive. On sait que les dispositions issues de la réforme, sauf exception (notamment pour les démarches interpellatives), sont applicables à partir du 1er octobre 2016 pour l’ordonnance ou du 1er octobre 2018 pour la loi de ratification. La question pouvait donc utilement se poser concernant un concubinage antérieur à 2016.

Pour balayer l’argumentation du demandeur, la Cour de cassation estime que « la cour d’appel a déterminé l’indemnisation de celui-ci en se référant à bon droit aux dispositions de l’article 1303 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, lequel n’a fait que reprendre la règle de droit antérieure ». Ainsi, la haute juridiction vient bien préciser que la codification s’est faite à droit constant concernant l’évaluation de l’indemnité. Aussi n’existerait-il donc aucune différence à distinguer le droit antérieur du droit nouveau ici. La méthode donnée par la Cour de cassation est très intéressante d’ailleurs sur l’application de la loi dans le temps : « si la loi applicable aux conditions d’existence de l’enrichissement injustifié est celle du fait juridique qui en est la source, la loi nouvelle s’applique immédiatement à la détermination et au calcul de l’indemnité » (nous soulignons). On note donc ici l’application immédiate concernant les modalités de calcul dans l’instance postérieure à la rupture du concubinage. Que ce soit avant ou après l’ordonnance n° 2016-131, l’enrichissement injustifié est calculé sur la base de la règle dite du double plafond ; le juge prenant en compte la plus faible des deux sommes entre l’enrichissement et l’appauvrissement (v. Rép. civ., v° Enrichissement injustifié, par A.-M. Romani, n° 222). Cette règle, bien connue du droit patrimonial de la famille, évite une indemnité trop importante et respecte ainsi une certaine idée de l’équité. 

En résumé, comment déterminer la loi applicable à l’enrichissement injustifié ? Pour la qualification ou « les conditions d’existence », la Cour de cassation se fonde non sur l’acte introductif d’instance mais sur le fait générateur ayant donné lieu à l’enrichissement injustifié. En ce qui concerne les modalités de calcul, le texte nouveau est immédiatement applicable. Le texte est, de toute manière, venu seulement moderniser des acquis connus concernant le calcul de l’indemnité (F. Chénedé, Le nouveau droit des obligations et des contrats, Dalloz, coll. « Référence », 2018, 2e éd., p. 180, n° 134.20).

Le rappel de la recherche de la plus-value

Sur le moyen ayant entraîné la cassation, la haute juridiction se livre à un rappel utile et nécessaire autour de l’importance de la plus-value. Sa prise en compte en matière d’enrichissement sans cause occupe une place déterminante. C’est une solution ancienne et désormais acquise en jurisprudence dans ce contentieux (Civ. 1re, 19 janv. 1953 ; Rép. civ., art. préc., n° 224).

Les juges du fond n’ont toutefois pas procédé à une recherche de la plus-value dans cette affaire. La cour d’appel de Bourges avait seulement utilisé les dépenses liées aux factures de l’entreprise ayant posé la piscine pour la somme de 24 227,16 €. En somme, ce n’est pas seulement le coût de la construction de la piscine qui importe mais la plus-value générée par cette édification supplémentaire. La prise en compte de cette dernière influencera l’indemnité finale égale à la plus faible des deux sommes entre l’appauvrissement de celui qui a payé et l’enrichissement corrélatif du concubin propriétaire. La détermination exacte de ces deux éléments reste donc cruciale pour éviter de fausser le calcul de l’indemnité.

Sur ce point, nihil novi sub sole. Mais la précision demeure importante. Le plaideur doit donc vérifier avec une certaine acuité la plus-value générée par l’enrichissement pour calculer l’indemnité de l’action de in rem verso.

On notera toutefois que les principales difficultés ne se situent guère sur le terrain du calcul. La véritable complexité de l’enrichissement injustifié reste sur le sol probatoire de l’appauvrissement d’un patrimoine corrélatif à l’enrichissement d’une autre masse de biens. Autre difficulté : l’absence de justification de ce transfert pécuniaire. Le concubin qui a dépensé des sommes pour construire sur le terrain d’autrui n’a-t-il pas profité de ses dépenses pendant l’union de fait ? Bien souvent, il s’agit du logement de la famille et la question peut donc utilement se poser de savoir si l’enrichissement était bien injustifié…

L’arrêt du 3 mars 2021 non promis à une publication au Bulletin reste toutefois très intéressant sur le calcul final de l’indemnité, une fois ces obstacles passés. La recherche de la plus-value est donc toujours à l’ordre du jour en matière d’enrichissement du concubin. Prudence sur sa prise en compte !

En l’espèce, quatre contraintes sont signifiées à un débiteur à son adresse déclarée à la caisse de sécurité sociale. Après avoir constaté que le nom du destinataire figure sur la boîte aux lettres mais que personne n’est présent au domicile, l’huissier de justice conserve la copie de l’acte et laisse un avis de passage invitant le destinataire à venir la retirer à son étude. Le cotisant n’aura pas connaissance de ces contraintes en temps utile : il a changé d’adresse sans déclarer ce changement à la caisse et c’est désormais un homonyme qui habite à cet endroit ! Comme les contraintes sont des titres exécutoires à défaut d’opposition du débiteur dans le délai de quinze jours de la notification (CSS, art. L. 244-9) et qu’aucune opposition n’a pu être formée, une saisie-vente est pratiquée qui aboutit à un procès-verbal de carence. Le débiteur saisit le juge de l’exécution et se prévaut de la nullité des significations en cause.

Le juge de l’exécution annule deux significations sur quatre. Le débiteur interjette appel s’agissant des deux contraintes non annulées. L’URSSAF ne relève pas appel incident. La cour d’appel confirme le jugement validant ces contraintes. Mais, alors même qu’elle n’était pas saisie de l’appel des deux contraintes annulées par le premier juge, la cour infirme le jugement sur ce point et donne effet au commandement aux fins de saisie-vente dans son ensemble !

Le débiteur se pourvoit en cassation. Son deuxième moyen a trait à la violation de l’effet dévolutif de l’appel (inévitablement, la cassation est prononcée de ce chef : la cour d’appel a en effet réformé des chefs de jugement non expressément critiqués et dont elle n’était donc pas saisie). Le premier moyen porte sur la régularité de la signification faite à domicile à l’ancienne adresse du débiteur. La cour d’appel avait validé la signification aux motifs que l’huissier avait constaté que son nom figurait sur la boîte aux lettres et que le destinataire n’avait pas informé la caisse de son changement d’adresse. Selon le moyen, le manquement à cette dernière obligation ne décharge pas l’huissier de ses diligences et l’huissier n’a pas accompli de diligences suffisantes. La Cour de cassation casse la décision de ce chef au visa des articles 655, alinéa 1er, et 656 du code de procédure civile, en affirmant que « le manquement d’un affilié à un régime de sécurité sociale à son obligation de déclarer son changement de situation ou d’adresse ne décharge pas l’huissier de justice de son obligation de procéder [aux diligences qui lui incombent] » et en rappelant que « la seule indication du nom du destinataire de l’acte sur la boîte aux lettres, n’était pas de nature à établir, en l’absence d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte ».

L’arrêt publié illustre, d’une part, que les recherches qui s’imposent à l’huissier mettent à sa charge une obligation rigoureuse de diligence. Il...

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Le texte a légèrement évolué, si on le compare à l’avant-projet publié début mars par nos confrères d’Actu Juridique. Il pourrait encore être modifié, via des saisines rectificatives du Conseil d’État.

Ainsi, le fait que l’un des assesseurs de la cour d’assises soit un avocat honoraire devient une simple possibilité, par ailleurs expérimentale.

Pour limiter la détention provisoire, le service pénitentiaire d’insertion et de probation sera obligatoirement saisi sur la faisabilité d’une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) lors de la seconde prolongation de détention provisoire, si l’infraction est punie de cinq ans ou moins.

Les conditions dans lesquelles un procureur devra laisser l’accès au dossier à une personne faisant l’objet d’une enquête préliminaire, présentée comme coupable dans la presse, ont été précisées.

L’article 10, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 mars dernier, introduit la notification du droit de se taire à plusieurs stades de la procédure pénale.

La nouvelle version du projet de loi prévoit d’autoriser la dispense d’audience pour les affaires de « DALO injonction » ne présentant pas de difficulté (« lorsque le prononcé d’une injonction s’impose avec évidence au vu de la situation du requérant »).

Les dispositions sur l’examen des pourvois en cassation ont disparu du texte, tout comme la disposition qui prévoyait que les cartes des officiers publics et ministériels ne seraient plus revues que tous les quatre ans (et non tous les deux ans).

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Après la première décision, relative aux pertes d’exploitation à la suite de la pandémie de covid-19, rendue par le tribunal de commerce de Paris le 12 mai 2020, qui avait qualifié de « fantaisiste » l’allégation de l’assureur qui « ne s’appuie sur aucune disposition légale d’ordre public mentionnant le caractère inassurable d’une conséquence d’une pandémie » et en avait déduit qu’il lui incombait « d’exclure conventionnellement ce risque » – ce qui n’avait pas été le cas dans le contrat en cause – (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, obs. sur T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020 ; JT 2020, n° 232, p. 12, obs. X. Delpech ), de nombreuses autres décisions de juges du fond sont intervenues en à peine un an, apportant des réponses variables en fonction des stipulations du contrat d’assurance concerné (A. Zaroui, Covid-19 et pertes d’exploitations : analyses des premiers jugement rendus au fond, Editions législatives 25 sept. 2020). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).

L’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 11 février 2021 (première décision rendue par ce tribunal judiciaire sur ce sujet) condamne l’assureur à couvrir les pertes d’exploitation du fait des stipulations claires du contrat en ce sens, une résistance abusive de sa part étant en outre retenue (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Stés S., I. et S. c/ Groupama).

En l’espèce, trois sociétés exploitant des restaurants à Paris ont fait assigner leur assureur (Groupama) devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Paris pour demander la prise en charge, par provision, de leurs pertes d’exploitation, ainsi que la désignation d’un expert et la condamnation de l’assureur à leur verser une indemnisation du fait de sa résistance abusive.

Rappelons que « plusieurs obstacles se présentent au professionnel souhaitant être indemnisé par l’assurance privée de ses pertes d’exploitations. Il doit avoir souscrit, primo, une garantie pertes d’exploitation, laquelle n’est que facultative dans les polices multirisques entreprises. Secundo, cette garantie pertes d’exploitations doit pouvoir s’appliquer sans dommage matériel préexistant. Tertio, aucune exclusion relative à un fait générateur de type épidémie ou pandémie ne doit figurer dans la police » (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, préc.). C’est essentiellement ce troisième point qui donne actuellement lieu à contentieux, les assurés tentant d’obtenir la nullité de telles clauses pour vice de forme ou de fond. Ces dernières doivent en effet figurer en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4, al. 3), mais aussi être formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1).

En premier lieu, les clauses d’exclusion doivent se détacher du reste du texte (par leur couleur, la taille des caractères…) afin d’« attirer spécialement l’attention de l’assuré » (Civ. 2e, 15 avr. 2010, n° 09-11.667, D. 2011. 1926, obs. H. Groutel ) : elles doivent « sauter aux yeux » (M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres, t. 1, Le contrat d’assurance, LGDJ, 1982, n° 55). Les juges du fond, dont l’appréciation est souveraine (Civ. 1re, 27 mai 1998, n° 95-19.967), se montrent particulièrement exigeants. Ainsi, le tribunal de commerce d’Annecy a condamné, dans un jugement du 22 décembre 2020 (n° 2020R00066) l’assureur Axa à indemniser un hôtelier-restaurateur de ses pertes d’exploitation en écartant la clause d’exclusion de garantie aux motifs que « la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L. 112-4 du code des assurances » et doit ainsi être déclarée nulle.

En second lieu, ces clauses doivent être formelles et limitées. « Avec l’exigence d’une exclusion formelle, le législateur veut que la portée ou l’étendue de l’exclusion soit nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti » (Civ. 1re, 8 oct. 1974, D. 1975. 513, note C.-J. Berr et H. Groutel). « Une clause d’exclusion de garantie doit être à la fois claire et précise afin de pouvoir être considérée comme « formelle ». D’une part, la clause doit être suffisamment explicite pour que l’assuré puisse connaître l’étendue de la garantie (Civ. 2, 18 janv. 2006, n° 04-17.279). Ainsi, « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Civ. 1, 22 mai 2001, n° 98-10.849). D’autre part, la clause doit délimiter de façon particulièrement nette le champ dans lequel la garantie n’est pas due. Toute imprécision conduit la Cour de cassation à l’écarter, notamment lorsque « la clause excluant la garantie (…) ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées » (Civ. 2, 6 oct. 2011, n° 10-10.001). Depuis 1987 (Civ. 1re, 18 févr. 1987), la Cour de cassation a en outre érigé le caractère « limité » de la clause en condition autonome de validité. Pour être « limitée », la clause ne doit pas vider la garantie de sa substance (Civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 10-31.057, RDI 2012. 290, obs. D. Noguéro ) : le juge est donc tenu de vérifier « l’étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse » (Civ. 1re, 9 mars 2004, n° 00-21.974). Également dégagée en droit commun des contrats par la jurisprudence concernant les clauses limitatives de responsabilité (Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632, D. 1997. 121 , note A. Sériaux ; ibid. 145, chron. C. Larroumet ; ibid. 175, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre ; ibid. 1998. 213, obs. N. Molfessis ; RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc ), une telle solution a été consacrée et généralisée par l’ordonnance du 10 février 2016. L’article 1170 du code civil dispose désormais que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Tel est sans conteste le cas d’une clause d’exclusion vidant le contrat de son contenu en réduisant la garantie à néant » (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120. Comp. D. Noguéro, L’obligation essentielle de l’assureur non vidée de toute substance, sous Civ. 2e, 24 sept. 2020, n° 19-15.375, Gaz. Pal. 2 mars 2021, n° 9, 398e5, p. 46 s. ; D. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki   ).

Dernièrement, l’assureur AXA a vu sa condamnation (T. com. Marseille, 15 octobre 2020, n° 2020F00893) pour la première fois confirmée en appel, par un arrêt du 25 février 2021 (Aix-en-Provence, ch. 1-4, 25 févr. 2021, n° 20/10357, S.A. AXA France IARD c/ S.A.S. LE P, Dalloz actualité, 11 mars 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; RGDA mars 2021, n° 118h7, p. 1, obs. J. Kullmann). L’assureur déniait toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues - les pertes d’exploitations, lorsque, à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». Selon la cour d’appel, « L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise : - tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, - faisant l’objet d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique, - sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville. L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie. […] C’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite. Leur décision doit ici être confirmée ».

 De telles discussions supposent toutefois en principe d’introduire une action au fond et non en référé. Comme le rappelle l’ordonnance rendue le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, le juge des référés ne peut accorder une provision que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » (C. pr. civ., art. 835). Dès lors, « le juge des référés, statuant sur le caractère sérieusement contestable d’une obligation contractuelle ne peut, sans excéder son office, interpréter les termes du contrat, se devant toutefois d’appliquer ses dispositions claires et précises ne nécessitant pas d’interprétation ».

Ceci explique, par exemple, la remise en cause, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 3 décembre 2020 (n° 20/07308), de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Marseille le 23 juillet 2020 (T. com. Marseille, ord. réf., 23 juill. 2020, n° 2020R00131, Sté X c/ Axa France IARD), aux motifs que « La question de savoir si une épidémie peut ou non, de par sa définition même, entraîner la fermeture administrative d’un seul établissement dans un département ou si elle a pour conséquence nécessaire d’en entraîner la fermeture de plusieurs, ne relève pas de l’évidence, et donc des pouvoirs du juge des référés ; c’est dès lors en excédant ses pouvoirs que le premier juge a estimé que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur avait manifestement pour effet de vider la garantie de sa substance, et en a déduit que l’obligation pour l’assureur de verser une indemnisation au titre du contrat n’était pas sérieusement contestable ». Dès lors, une provision pour pertes d’exploitation ne peut être octroyée en référé que lorsque la garantie de ces dernières résulte clairement du contrat d’assurance. Ceci n’est effectivement pas le cas du contrat proposé par AXA, lequel a donné lieu à la majorité des décisions rendues à ce jour concernant la garantie des pertes d’exploitation. Ce contrat comprend en effet une clause d’exclusion de garantie lorsque « au moins un autre établissement » du département « fait l’objet d’une mesure administrative pour une cause identique ».

De nombreux juges des référés ont ainsi refusé de faire droit à des demandes de provisions aux motifs que « les pouvoirs juridictionnels du juge des référés lui permettent de faire application d’un contrat mais pas de l’interpréter afin d’éviter qu’une décision provisoire et exécutoire rendue par un juge unique puisse remettre en cause la loi des parties ». Ainsi, une ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 10 juin 2020 (T. com. Lyon, ord. réf., 10 juin 2020, n° 2020R00303, Le Bacchus / Axa France Iard, RGDA 2020, n° 7, juill., p. 1, obs. L. Mayaux ; Lexbase Hebdo édition privée, n° 829, 25 juin 2020, note D. Krajeski) souligne que « le juge des référés peut éventuellement considérer une clause comme non écrite mais seulement si cet élément est non sérieusement contestable », ce qui n’était pas le cas selon lui dans le contrat en cause (« l’exclusion n’étant pas totale et illimitée, il convient d’analyser si l’essentiel de l’obligation a été retiré (…) ce pouvoir n’appartient pas au juge des référés mais au juge du fond »). Il en est de même, par exemple, du tribunal de commerce de Bordeaux (T. com. Bordeaux, ord. réf., 23 juin 2020, n° 2020R00408, Chez Aldo / Axa France IARD), invitant le restaurateur à agir au fond aux motifs que s’évince de la clause litigieuse « une contradiction de lecture et donc d’analyse des parties, qu’il ne ressort pas de l’office du juge des référés de trancher ».

Au contraire, le contrat proposé par Groupama dans l’affaire donnant lieu à commentaire prévoyait expressément l’indemnisation des pertes d’exploitation. Comme le relève l’ordonnance, « Les contrats en litige comportent tous une clause identique rédigée ainsi : « Perte d’exploitation / A - Evènements Assurés : la garantie du présent contrat porte exclusivement sur les conséquences des dommages ayant donné lieu à indemnisation et causés par : incendie ; explosion (…) Ainsi que l’impossibilité de poursuivre les activités par suite de la survenance : - fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance effective des évènements suivants : (…) de maladie contagieuse ou d’épidémies ». Cette même clause précise « objet de la garantie le présent contrat a pour objet de garantir les pertes de bénéfice brut et salaires (appointements ou service) subies par la société assurée pendant la période d’indemnisation par suite : de la baisse du chiffre d’affaires causés par l’interruption ou la réduction des activités de l’assuré ; des intérêts de découverts bancaires et / ou le remboursement des prêts entraînés par le sinistre, de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation qui sont la conséquence des dommages matériels causés par les évènements garantis. A l’exclusion des sinistres de responsabilité, de vol, de détournements ». Une clause supplémentaire nommée « dispositions particulières à la garantie perte d’exploitation » indique « Mesures administratives. Si à la suite d’un événement assuré, la durée de la période d’interruption ou de réduction des activités se trouve allongée par une mesure administrative (telle que la mise sous scellés pour enquête, risques de pollution, risques d’accidents, etc.) la garantie perte d’exploitation s’exercera en tenant compte de cet allongement, sans pouvoir excéder 24 mois » (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Sociétés S., I. et S. c/ Groupama, p. 3). Le tribunal judiciaire de Paris en déduit que « Les dispositions précitées supposent, à l’évidence et sans qu’il soit besoin de les interpréter, l’indemnisation des pertes d’exploitation générées par les confinements décidés par les autorités sanitaires ainsi que celles générées par la fermeture administrative des restaurants dans les limites des stipulation contractuelles » (ibid.). L’octroi d’une provision en référé était donc parfaitement possible, dès lors que les conditions posées par le contrat étaient bien remplies.

Par ailleurs, le tribunal judiciaire condamne, en l’espèce, l’assureur à une provision de 15 000 € sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, aux termes duquel « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ». Le tribunal retient en effet la résistance abusive de l’assureur pour avoir refusé tout versement d’indemnité provisionnelle à un restaurateur en exigeant, au préalable, les justificatifs des ventes à emporter réalisées pendant le premier confinement, alors même qu’une telle activité « n’a pu générer, en raison des circonstances, que des revenus sporadiques insusceptibles de modifier substantiellement son droit à indemnisation ».  

« Nombreux sont les accords conclus entre la victime d’un accident et l’auteur de celui-ci – ou son assureur – [où] la jurisprudence a dû préciser dans quelles hypothèses de telles transaction font obstacle à l’action de la victime en réparation de son préjudice » (Rép. civ., v° Transaction (pr. civ.), par M. Reverchon-Billot, n° 189). C’est dans ce courant jurisprudentiel que s’inscrit un arrêt publié rendu le 4 mars 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. À première vue, il pourrait s’agir d’un arrêt de plus relatif à une notion souvent évoquée à propos des jugements, à savoir l’autorité de la chose jugée (v. dern., Dalloz actualité, 19 janv. 2021, et 2 févr. 2021, obs. C. Bléry). Or, ce n’est pas le cas. L’arrêt est rendu au visa des articles 1103 et 2052 du code civil et non pas à celui de l’article 1355 du même code et il met en œuvre, en réalité, la fin de non-recevoir tirée de l’article 2052. Dans sa rédaction issue de la loi JXXI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ce texte ne mentionne plus l’autorité de la chose jugée de la transaction. En revanche, comme le rappelle l’attendu de principe, il prévoit qu’une telle transaction « fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».

Un accident de la circulation survient en 1979. Les préjudices de la victime sont indemnisés suivant plusieurs protocoles transactionnels successifs, dont l’un signé en 2007 qui prévoit l’indemnisation de son besoin d’assistance par une tierce personne (à savoir une rente mensuelle de 3 420 € au titre des frais d’assistance humaine à la structure collective qu’elle occupait alors et d’une rente trimestrielle de 625 €, au titre des frais d’assistance lors des retours au domicile). En invoquant une aggravation de son état de santé et son projet de changement de lieu de vie, la victime, assistée de sa curatrice, assigne l’assureur (la MAAF) pour solliciter l’indemnisation de ses préjudices non inclus dans la transaction de 2007.

Par un arrêt du 26 mars 2019, la cour d’appel de Pau condamne l’assureur à verser à la victime au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction de 2007, une rente mensuelle de 17 877 € à compter du 1er août 2016 (l’indexation de la rente étant prévue et un cas de suspension étant aussi envisagé). Elle considère qu’une modification substantielle dans la situation de la victime est intervenue, rendant caduc le protocole transactionnel.

L’assureur se pourvoit en cassation. La première branche de son moyen, après avoir exposé que « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort », reproche à la cour d’appel une méconnaissance de cette autorité attachée à une transaction et une violation des articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil…

La Cour de cassation casse au visa, et selon l’attendu de principe, précités. Elle estime que la cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction : ceci, en procédant à une nouvelle évaluation des...

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