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Le statut des baux commerciaux issu du décret du 30 septembre 1953, aujourd’hui codifié aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, a pour finalité de protéger le locataire dans son activité. Afin de renforcer cette protection, les dispositions essentielles du statut sont d’ordre public. Ces dispositions impératives sont visées aux articles L. 145-15, L. 145-16 et L. 145-45 du code de commerce. Néanmoins, dans l’intérêt du locataire, la Cour de cassation a parfois étendu l’ordre public à certaines dispositions du statut non visées par les articles sus-évoqués (v. not. Cass., ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664, D. 2003. 333 , note S. Becqué-Ickowicz ; ibid. 2002. 2053, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2002. 525 , obs. J.-P. Blatter ; RTD civ. 2003. 85, obs. J. Mestre et B. Fages ). Toujours dans un souci d’accroître la protection du locataire, notamment au regard des évolutions du commerce, le statut des baux commerciaux a connu quelques modifications. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, aux commerces et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel », est venue le compléter, dans le dessein de mieux réguler les rapports locatifs entre bailleur et locataire, en y intégrant entre autres de nouvelles dispositions impératives.

À l’exception de ces dispositions impératives, la liberté contractuelle est très présente dans la conclusion d’un bail commercial, particulièrement dans la fixation du loyer. En effet, les baux commerciaux restent l’effet de la volonté des parties, qui fixent elles-mêmes et librement le contenu ainsi que les limites de leurs engagements, même si le statut reste, tout au moins en partie, régulateur de cette liberté contractuelle dont il jugule les excès ou contrarie l’expression (V. Delaporte, La liberté contractuelle et le statut des baux commerciaux, JCP N 1978. I. 169).

L’arrêt rapporté est l’occasion de revenir sur le contenu d’un bail commercial réunissant dispositions impératives et stipulations contractuelles.

Une société civile immobilière (SCI), propriétaire d’un local situé dans un centre commercial donné à bail, a signifié à son locataire un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er avril 2014.

Le locataire a accepté le principe du renouvellement du bail, mais a contesté le montant du loyer proposé.

La bailleresse a saisi le juge des loyers en fixation judiciaire du loyer minimum garanti.

La cour d’appel de Paris a retenu dans un arrêt du 27 novembre 2019 que la clause du bail commercial, selon laquelle « les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d’un commun accord entre elles » et, « à défaut d’accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative », n’instaurait pas de procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge susceptible de faire l’objet d’une fin de non-recevoir. En effet, les juges du fond ont constaté que la clause se bornait à préciser que le montant du loyer de renouvellement sera fixé judiciairement en l’absence d’accord amiable entre les parties.

Les juges d’appel ont retenu également que « les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l’article 6 du décret du 3 novembre 2014, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication dudit décret, soit le 5 novembre 2014 » et qu’en conséquence, les dispositions impératives issues de la loi Pinel relatives à la répartition des charges « ne s’appliquent pas à un bail renouvelé à compter du 1er avril 2014 ».

Le locataire s’est pourvu en cassation reprochant à la cour d’appel de Paris, dans le premier moyen, d’avoir rejeté la fin de non-recevoir qu’elle a soulevée tenant au non-respect de l’obligation faite par les dispositions de l’article 35 du bail relatif au renouvellement du contrat de bail de rechercher une solution amiable préalable. En effet, l’auteur du pourvoi soutenait que l’article 35 du bail stipulait expressément que les parties devaient rechercher un accord amiable avant la saisine du juge et que l’échange des mémoires intervenus avant la saisine du juge, lequel s’inscrit dans la procédure légale de fixation des loyers, ne constituait aucunement la phase de négociation amiable préalable visée par ladite clause.

La locataire reprochait également à la cour d’appel, dans un troisième moyen, d’avoir rejeté sa demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail contraires à la loi du 18 juin 2014, dite « loi Pinel ». Le locataire soutenait que la loi Pinel « est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 » ; et que le bail ne pouvait être considéré comme renouvelé avant que le loyer ne fût définitivement fixé par les parties ou par le juge. En conséquence, selon l’auteur du pourvoi, les dispositions relatives à la répartition des charges et au coût des travaux issues de la loi Pinel étaient applicables, de sorte que les clauses du bail, contraires à ladite loi, devaient être réputées non écrites.

Pourtant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt du 17 juin 2021, rejette le pourvoi du locataire.

Sur la fin de non-recevoir

La Cour de cassation constate que la cour d’appel a retenu, « sans dénaturation, que l’article 35 du bail commercial, selon lequel “les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d’un commun accord entre elles” et, “à défaut accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative”, se borne à préciser que le montant du loyer de renouvellement sera fixé judiciairement en l’absence d’accord amiable entre les parties, sans instaurer une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge ».

En matière de renouvellement de bail commercial, le principe du renouvellement et la fixation du loyer du bail renouvelé sont dissociés (Civ. 3e, 20 mai 1992, n° 90-20.291, Rev. loyers 1992. 325, note S. Duplan-Miellet ; 15 mai 1996, Loyers et copr. 1996, n° 96, obs. C. Denizot), de façon telle que l’acceptation peut ne porter que sur le principe du renouvellement (comme en témoigne l’arrêt rapporté), et non sur le montant du nouveau loyer qui pourra être fixé ultérieurement à l’amiable (v. not. C. com., art. L. 145-11) ou, à défaut d’accord, par la voie judiciaire (Civ. 3e, 15 avr. 2021, n° 19-24.231, Dalloz actualité, 7 mai 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; D. 2021. 798 ), ce que prescrivent en l’espèce les stipulations du bail commercial.

Par principe, l’action en fixation du loyer renouvelé ne peut être introduite qu’en l’absence d’accord des parties sur le montant du loyer renouvellement, comme le précisent les dispositions de l’article L. 145-33 du code de commerce. Néanmoins, il n’est pas interdit aux parties d’établir conventionnellement les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé (l’article L. 145-33 n’étant pas d’ordre public), comme en l’espèce, voire d’insérer à cet égard une clause de conciliation préalable, par laquelle les parties ont une obligation de moyens de parvenir à résoudre à l’amiable leur différend, reconnue comme étant valide par la Cour de cassation (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, D. 2003. 1386, et les obs. , note P. Ancel et M. Cottin ; ibid. 2480, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 349, obs. R. Perrot ). Dans l’arrêt rapporté, le loyer de renouvellement est binaire. La convention des parties énonce que le loyer de renouvellement se compose de deux composantes : un loyer de base égal à la valeur locative du local considéré à la date d’effet du renouvellement du bail et un loyer variable complémentaire fixé au taux convenu aux conditions particulières du bail.

S’agissant du loyer de base, la clause du bail stipule que « les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé sera fixé d’un commun accord entre elles » et, « à défaut accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative ». Il ressort explicitement des termes de la clause que les parties sont convenues que le montant du loyer de base du bail renouvelé devait, dans un premier temps, être fixé d’un commun accord entre les parties ; et que ce n’était qu’à défaut d’accord amiable que le montant du loyer de renouvellement serait fixé judiciairement.

La clause, parfaitement claire et précise, n’instaure aucune procédure de conciliation obligatoire préalable dont le non-respect caractériserait une fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 122 ; Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, préc.). La haute juridiction a très justement constaté qu’il n’était pas permis de considérer que la référence dans le bail d’une fixation amiable du loyer de base du bail renouvelé à la valeur locative exigeait le recours à un mode alternatif de règlement des différends avant la saisine du juge. En effet, selon les termes du bail, les parties n’ont pas contractuellement décidé de faire appel à un tiers pour tenter de régler leur différend. Il est vrai qu’en ce sens la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé qu’instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la violation constituait dès lors une fin de non-recevoir, la clause qui stipule que « pour tous les litiges pouvant survenir dans l’application du présent contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction » (Civ. 3e, 19 mai 2016, n° 15-14.464, Dalloz actualité, 3 juin 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 2377 , note V. Mazeaud ; ibid. 2589, obs. T. Clay ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki ; ibid. 422, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2016. 621, obs. H. Barbier ). La chambre commerciale, plus sévère, avait jugé, quant à elle, que la clause, selon laquelle, « en cas de litige, les parties s’engagent à trouver un accord amiable avec l’arbitrage de la FEDIMAG. À défaut d’accord amiable, compétence est attribuée au tribunal de commerce de Bobigny nonobstant pluralité de parties », instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable dont le défaut de mise en œuvre constituait une fin de non-recevoir (Com. 30 mai 2018, nos 16-26.403 et 16-27.691, Dalloz actualité, 20 juin 201, obs. M. Kebir ; D. 2018. 1212 ; AJ contrat 2018. 338, obs. N. Dissaux ; RTD civ. 2018. 642, obs. H. Barbier  ; Gaz. Pal. 31 juill. 2018, n° 319, p. 52, obs. S. Amrani-Mekki).

Il ressort donc de l’ensemble des décisions rendues en la matière que la qualification de la clause de conciliation obligatoire et préalable repose notamment sur la désignation d’un tiers habilité par les parties à rechercher une solution amiable au différend qui les oppose (V. Mazeaud, art. préc.) ou au moins, selon la chambre commerciale, sur des modalités de désignation prévues (Com. 30 mai 2018, préc. ; 19 juin 2019, n° 17-28.804, D. 2020. 576, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2019. 578, obs. H. Barbier ). Néanmoins, la clause qui prévoit le recours préalable à un conciliateur ne doit pas être « rédigée de manière elliptique, en des termes très généraux au risque d’être qualifiée de “clause de style” n’instituant pas une procédure de conciliation préalable et obligatoire » (Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-13.460, D. 2020. 576, obs. N. Fricero ; AJDI 2019. 919 ).

Dans l’arrêt sous étude, l’article 35 du bail ne peut recevoir la qualification de « clause de conciliation préalable et obligatoire ». En effet, les stipulations du bail ne prévoient pas d’obligation pour les parties de trouver une solution amiable, en se faisant aider par un tiers désigné, avant toute saisine du juge. La clause incitait seulement les parties à un arrangement amiable.

Cependant, il faut admettre que les évolutions en matière de règlement des conflits tendent à l’instauration d’un préalable avant toute saisine du juge. À cet égard, la loi exige de plus en plus des parties qu’elles aient recours à un mode alternatif de règlement des litiges avant de saisir le tribunal ou le juge pour régler leur différend (v. par ex. C. pr. civ., art. 750-1, qui impose une tentative obligatoire de règlement amiable pour les litiges inférieurs à 5 000 € à peine d’irrecevabilité).

Si le rejet de la fin de non-recevoir soulevée par le locataire doit être approuvé en l’espèce, il est cependant permis de penser que la solution aurait été différente si la cour régulatrice avait retenu que la clause du bail devait s’interpréter comme une obligation des parties de recourir à une procédure de conciliation obligatoire. Dans cette hypothèse, le non-respect d’un préalable avant la saisine du juge aurait caractérisé une fin de non-recevoir et la saisine du juge aurait été irrecevable. Les parties auraient alors été contraintes de recourir à une procédure de conciliation obligatoire préalable avant de saisir à nouveau le juge, sous réserve d’une éventuelle prescription.

Il faut donc se montrer particulièrement attentif à l’existence d’une clause relative aux modalités de fixation amiable du loyer du bail renouvelé.

Quoi qu’il en soit, afin de préserver les relations entre bailleur et locataire, il reste préférable pour les parties de tenter une négociation préalable avant toute saisine du juge, et ce même en l’absence de clause de conciliation obligatoire et préalable stipulée dans le bail.

Sur l’application des dispositions de la loi dite « Pinel » au bail renouvelé

Avant la loi Pinel du 18 juin 2014, la répartition des charges et travaux était librement déterminée par les parties dans le contrat de bail, en ce qu’aucun texte ne prévoyait la façon dont les charges, travaux, impôts, taxes et redevances devaient être répartis entre les parties à un bail commercial. Dans un souci de protection du locataire, la loi Pinel a réglementé le domaine des charges locatives et du coût des travaux. Pour ce faire, elle a inséré un nouvel article L. 145-40-2 dans le code de commerce, lequel est d’ordre public. Selon cet article, « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôt, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ». Le décret d’application du 3 novembre 2014 est venu compléter les dispositions de l’article L. 145-40-2 en créant les articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce, lesquels précisent la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent plus être imputés au locataire.

Mais l’application dans le temps de la loi Pinel a suscité de vives interrogations. En effet, certaines dispositions de cette loi étaient applicables immédiatement au 20 juin 2014, date de son entrée en vigueur (par ex. C. com., art. L. 145-40-1), d’autres sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 (par ex. C. com., art. L. 145-40-2), d’autres encore ne sont applicables qu’aux baux conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret du 3 novembre 2014 au journal officiel, soit le 5 novembre 2014. Les dispositions relatives aux charges, travaux, impôts, taxes et redevances font partie de ces dispositions applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014. Il en résulte dès lors que les baux conclus avant cette date et non encore renouvelés sont soumis à l’ancien régime selon lequel le bailleur est en droit de demander le règlement d’une charge imputable au locataire par une clause expresse du bail commercial.

Dans la mesure où les dispositions de la loi Pinel n’ont pas vocation à s’appliquer aux baux conclus ou renouvelés antérieurement à leur entrée en vigueur, il était important que la Cour de cassation identifie les règles issues du dispositif Pinel sur lesquelles portent le litige afin qu’elle puisse rappeler la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et statuer sur la demande du locataire tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail contraires à la loi.

Après avoir identifié que les dispositions contestées étaient celles relatives à la répartition des charges et du coût des travaux, la Cour de cassation a très justement rappelé que les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, et non comme l’a soutenu le locataire aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre.

Dans un bail renouvelé, la date à prendre en compte est la date d’effet du bail renouvelé (C. com., art. L. 145-12) et non la date de signature du bail renouvelé (J.-P. Blatter, Persiste et signe, AJDI 2015. 477 ), lequel souvent peut être signé plusieurs mois après la date de renouvellement mais prend effet rétroactivement, ou la date de fixation définitive du loyer comme semblait le soutenir le locataire, dans la mesure où le nouveau loyer fixé par le juge prendra effet, rétroactivement, à la date d’effet du renouvellement du bail (en ce sens, v. C. com., art. L. 145-57).

Dans l’arrêt du 17 juin 2021 rapporté, le bail a été renouvelé à compter du 1er avril 2014, date qui n’a pas été contestée par les parties. La haute juridiction constate dès lors que la date d’effet du contrat renouvelé est antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce issues de loi du 18 juin 2014, de sorte que les dispositions créées par la loi Pinel et son décret d’application n’ont pas vocation à s’appliquer, et ce même si une procédure de fixation du montant du loyer renouvelé est en cours. La cour d’appel a donc exactement déduit que la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses de transfert de charges et travaux contraires à l’article L. 145-40-2 du code de commerce doit être rejetée.

(Original publié par sandjechairi)

On connaît le célèbre triptyque auquel doivent bien souvent satisfaire les sanctions du droit de la consommation au regard de l’Union européenne : celles-ci doivent être effectives, proportionnées et dissuasives (v. à ce sujet, M. Leroux-Campello et C. Dubois in D. Fenouillet [dir.], Droit de la consommation. Droit interne et européen, Dalloz Action, 2020, n° 423.264). Le droit du crédit à la consommation n’échappe pas à cette exigence, l’article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoyant à cet égard que « Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ». Mais l’appréciation de ce triple caractère doit-elle être faite à la lumière de la disposition spécifiquement adoptée afin de transposer cette directive ou faut-il prendre en considération l’ensemble des sanctions du droit national ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 10 juin 2021 (CJUE 10 juin 2021, aff. C‑303/20, JCP 2021. 689, obs. D. Berlin).

Dans le cadre d’un litige relatif à un crédit à la consommation souscrit en Pologne, l’emprunteur reprochait au professionnel de ne pas avoir, avant la conclusion du contrat, vérifié sa situation patrimoniale, dans la mesure où, au cours de l’entretien préalable à la conclusion dudit contrat, aucune question n’avait été posée au sujet de cette situation, pas plus qu’en ce qui concerne le montant des revenus et des dettes de son ménage. Le tribunal d’arrondissement d’Opatów, en Pologne, a considéré que le droit polonais en vigueur ne garantissait pas le respect...

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(Original publié par jdpellier)
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1. Le contentieux lié à la violation d’une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail d’un salarié soulève de nombreuses difficultés (M. Poumarède, La sanction de l’embauche déloyale d’un salarié d’une entreprise concurrente : aux confins du droit des affaires et du droit du travail, RTD com. 2012. 651 ). Une problématique récurrente est de déterminer si le juge commercial saisi de ce litige doit, ou non, surseoir à statuer dans l’attente d’une décision du conseil de prud’hommes, également saisi. L’arrêt commenté est, à ce titre, particulièrement intéressant en ce qu’il rappelle l’orientation adoptée et s’attarde sur le cas particulier du référé commercial.

2. Les faits d’espèce était des plus classiques : une société se plaignait de l’embauche de son ancien salarié par l’un de ses concurrents, au mépris de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail. La société victime engage alors deux actions : la première contre son ancien salarié devant le conseil de prud’hommes ; la seconde contre son concurrent devant le tribunal de commerce afin de faire cesser, en référé, la nouvelle relation de travail.

3. Dans le cadre du référé commercial, un sursis à statuer fut sollicité par l’entreprise concurrente dans l’attente du jugement du conseil de prud’hommes. Pour nous en tenir à l’essentiel, l’ordonnance de référé fut frappée d’appel et la cour d’appel refusa de surseoir à statuer. En d’autres termes, cette dernière accéda donc aux demandes de la société victime et ordonna l’arrêt de la relation de travail sous astreinte ainsi que le paiement d’une provision. Le pourvoi formé se concentrait sur la position de la cour d’appel qui aurait dû surseoir à statuer compte tenu de la procédure engagée devant le conseil de prud’hommes.

4. La Cour de cassation rejette toutefois ce pourvoi en affirmant qu’aucun sursis à statuer n’avait, en l’espèce, à être retenu. La formule mérite d’être reprise in extenso : « Si la juridiction commerciale, qui a compétence, dans le cadre d’un litige opposant deux...

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(Original publié par Delpech)
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Après Rennes (v. notre note, Dalloz actualité, 25 mai 2021), les aventures judiciaires de Tintin se poursuivent à Marseille avec un jugement qui mérite, par son didactisme, quelques instants d’analyse.

En mars 2019, la société Moulinsart, détentrice des droits dérivés et secondaires relatifs aux œuvres littéraires et artistiques d’Hergé, avec l’ayant droit de celui-ci, ont assigné M. Christophe Tixier, alias Peppone, sculpteur aixois, aux côtés de la galerie qui le commercialisait, pour avoir reproduit sans autorisation des œuvres originales d’Hergé, dont le buste de Tintin ainsi que la fusée figurant aux albums Objectif Lune et On a marché sur la Lune.

Avant toute défense au fond, le sculpteur et la galerie usent de tous les moyens possibles et juridiquement imaginables afin d’entendre dire, d’une part, nuls l’assignation ainsi que le procès-verbal de saisie-contrefaçon et, d’autre part, irrecevable à agir la société Moulinsart.

Se référant aux grands principes de procédure civile (C. civ., art. 56 et 114), la juridiction considère que l’assignation n’est pas nulle, celle-ci permettant parfaitement d’identifier et de comparer les œuvres revendiquées de celles contrefaisantes, ce d’autant que l’artiste ne subissant aucun grief, a été en mesure de contester l’originalité des droits invoqués.

Les magistrats balaient également d’un revers de manche l’argument selon lequel le procès-verbal de saisie-contrefaçon serait nul en raison de la déloyauté dont aurait fait preuve la société Moulinsart en ne justifiant pas de l’étendue de ses droits lors du dépôt de la requête aux fins de saisie.

Dans le même sens, le tribunal judiciaire de Marseille rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société demanderesse, estimant qu’au regard du droit belge, auquel sont soumis les différents contrats de cession/licence entre cette dernière et l’ayant droit d’Hergé, elle peut légitimement se prévaloir du droit de reproduire des éléments extraits des albums Les aventures de Tintin, à l’exception de l’édition des albums.

Ces questions procédurales traitées, le fond du dossier a pu dès lors être examiné (v. Paris, 22 sept. 2020, n° 18/10181 : « l’absence d’originalité n’est pas une cause d’irrecevabilité mais de mal fondé », Les MAJ de l’IRPI, n° 21, oct. 2020, p. 12) par les magistrats soulignant à bon escient qu’il leur appartient « de vérifier si le modèle revendiqué est protégeable [1], […] avant, le cas échéant, de rechercher en quoi le modèle est contrefait [2] ».

Sur l’originalité

À titre liminaire, il paraît important de relever que si les juges marseillais rappellent de manière pédagogique la règle fondamentale, prévue dès 1902 par le législateur français édictant que le droit de l’auteur naît du seul fait de la création de l’œuvre, indépendamment de toute divulgation, quels que soient son genre, ses mérites ou sa destination (CPI, art. L. 11-1 s.), ils pèchent cependant en mentionnant que la notion d’antériorité est « inopérante » en droit d’auteur. Cela étant, ils poursuivent en exposant qu’en matière d’arts appliqués, des antériorités, pas nécessairement de toutes pièces, sont de nature à établir que l’œuvre ne constitue pas une véritable création. On décèle ici un certain trouble du tribunal sur cette question (v. aussi Paris, 26 nov. 2019, n° 17/19538). Il est en effet difficile, voire impossible, de concevoir qu’une œuvre puisse être originale si elle n’est pas dotée d’une certaine nouveauté et si elle ne se distingue pas de ce qui préexiste ! Pourtant, le mouvement jurisprudentiel qui prédomine actuellement la matière tend à distinguer les conditions applicables en matière d’art pur (originalité), de celles concernant l’art appliqué (nouveauté et caractère propre), remettant ainsi en cause, au mépris de la logique, la théorie de l’unité de l’art de Pouillet pour imposer un cumul seulement partiel entre le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles.

Sur l’originalité du personnage de Tintin d’abord, les défendeurs contestent son caractère protégeable en soutenant, non sans audace, qu’Hergé a repris le nom et le graphisme du personnage de Tintin-Lutin créé à la fin du XIXe siècle et tombé dans le domaine public. Cet argument ne suffisant pas à convaincre les juges qui estiment que, bien que les deux Tintin portent une même culotte de golf beige, ils sont différents, leur visage se démarquant sensiblement et le caractère du Tintin-Lutin demeurant totalement inconnu.

C’est sans nul doute l’interview d’Hergé, donnée en 1979 à l’occasion d’une célèbre émission de télévision, sur laquelle les demanderesses s’appuient avec talent, qui emporte la conviction du tribunal. Le dessinateur y fait comprendre que Tintin est une « partie » de lui, une « projection » de lui-même, qu’il s’agit d’un « travail personnel » et que, pour élaborer son personnage, qu’il voulait jeune et dynamique, il s’est « contenté de faire un petit fond, un cercle, une petite mèche pour donner un accent ». Or il est de jurisprudence ancienne et constante que le demandeur à une action en contrefaçon de droit d’auteur n’a pas l’obligation de démontrer l’originalité de l’œuvre, s’agissant d’une notion empreinte de subjectivité, mais qu’il doit définir son œuvre en identifiant les caractéristiques qu’il revendique. En l’espèce, c’est comme si Hergé avait dans son interview cherché à rapporter la preuve de son effort de création en décrivant les éléments identifiant son œuvre. Cette interview démontre donc à elle seule le parti pris artistique d’Hergé, ses choix arbitraires empreints de sa personnalité et libérés de toute contrainte ou nécessité.

Le tribunal vient ensuite sur la question de l’originalité de la fusée de l’album Objectif Lune et estime que, bien qu’inspirée des fusées V2 allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, celle d’Hergé possède une « physionomie propre », compte tenu du nombre d’ailerons, de l’antenne, des amortisseurs semi-sphériques ainsi que du choix discrétionnaire du damier rouge et blanc possédant un nombre de cases particulier.

Enfin, la juridiction constate que les dix-huit titres invoqués par les demandeurs, dont L’Étoile mystérieuse, L’Île noire ou bien encore Le Secret de la Licorne, sont également originaux au motif qu’ils procèdent de la « combinaison insolite de mots ». Étant ici précisé que la notion prétorienne d’originalité n’est mentionnée qu’à l’article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle concernant les titres des œuvres de l’esprit, et que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a récemment proposé de modifier les textes en ajoutant la mention expresse de la condition d’originalité pour clarifier l’état du droit (v. CSPLA, Rapport sur la preuve de l’originalité, déc. 2020, Dalloz IP/IT 2021. 5, obs. N. Maximin  ; Légipresse 2021. 6 et les obs. ). Les juges se livrent ici à bon droit à une analyse globale des titres pris dans leur ensemble et n’étudient pas chaque mot pris isolément (v. par ex., pour l’appréciation de l’originalité dans son ensemble, Civ. 1re, 12 sept. 2018, n° 17-18.390, PIBD n° 1104, III, p. 703 ; Propr. intell. 2019, n° 70, p. 21, obs. C. Bernault ; et, en matière de dessins et modèles communautaires, CJUE 19 juin 2014, Karen Millen, aff. C-345/13, D. 2014. 2207, obs. J.-C. Galloux et J. Lapousterle  ; Propr. intell. 2014, n° 53, p. 460, obs. de Candé ; Propr. ind. 2014, n° 51, note Marino). Il apparaît que les titres ne sont pas « nécessaires pour désigner les œuvres correspondantes » ni « génériques » ou descriptifs. Ne retrouvons-nous pas là des notions chères aussi au droit des marques ?

L’originalité du personnage de Tintin, de son buste, de sa fusée et de dix-huit de ses titres d’album étant donc reconnue, il ne restait plus qu’aux magistrats à examiner avec minutie l’existence de la contrefaçon.

Sur la contrefaçon

Il s’avère que Peppone reprend la forme originale de la fusée dessinée par Hergé, assortie du damier rouge et blanc, peu ou prou modifié, ainsi que les modèles tridimensionnels commercialisés par la société Moulinsart, le tout sous des dénominations serviles ou quasi serviles des titres de dix-huit albums des aventures de Tintin tels que Tintin Temple du Soleil ou encore Tintin Cigare des Pharaons. Les défendeurs tentent d’ailleurs sans grand succès de soutenir « qu’il n’existe aucun risque de confusion dès lors que ces titres ne sont pas repris pour identifier des œuvres du même genre » (buste, fusée/bande dessinée).

De même, les bustes du sculpteur reprennent servilement le graphisme du personnage de Tintin et ressemblent aux bustes de Tintin commercialisés par la société Moulinsart, à la différence près que les dimensions et les couleurs ne sont pas les mêmes. Mais le plasticien ne se contente pas de reprendre la forme globale des bustes revendiqués, rendant ainsi immédiatement reconnaissable Tintin, il n’hésite pas à y ajouter des reproductions de pages entières des albums des aventures de Tintin. Remarquons qu’il ne s’est pas risqué à invoquer devant le tribunal l’exception de courte citation, mais se fonde sur l’exception de parodie.

Il n’est pas question de développer ici le cas de l’exception de parodie, comme nous l’avions fait en mai dernier, mais il est intéressant de noter que l’artiste essaie d’échapper à la contrefaçon en communiquant au débat une « lettre ouverte » intitulée Tintin, l’ordre et le chaos. Dans cette lettre, que le tribunal qualifie de « manifeste », qui est fictivement adressée par Tintin à son créateur, M. Tixier écrit qu’« il semblerait que les Éditions Moulinsart (qui exploitent désormais les bandes dessinées relatant mes aventures) auraient la réputation d’attaquer en justice sans discernements (sic) et de manière systématique tous ceux qui touchent à mon personnage dont l’utilisation n’aurait été préalablement validée par vos ayants droit. Quand ils prendront connaissance de la sculpture de M. Tixier, nul doute qu’ils déclencheront une procédure contre lui. » Et il continue en disant que : « C’est pour cette raison que M. Tixier a réalisé cette sculpture afin de dénoncer, sous les traits d’une parodie, la limitation à la liberté créatrice, imposée par les Éditions Moulinsart […] et entend ainsi dénoncer, sous une forme parodique, cet abus d’ayant droit ». Les juges ne voient pas dans cette argumentation la preuve d’une quelconque intention de parodier l’œuvre d’Hergé mais la démonstration d’une véritable « remise en cause du droit de propriété intellectuelle et une revendication du fait de pouvoir s’en affranchir ». De surcroît, cette lettre était censée accompagner une seule des œuvres du sculpteur et non l’ensemble des cinquante-cinq œuvres contrefaisantes.

Dans ces conditions, les magistrats marseillais considèrent que les œuvres de Peppone, commercialisées en particulier dans la galerie coassignée, constituent des contrefaçons des droits dont sont titulaires respectivement l’ayant droit d’Hergé et la société Moulinsart sur l’œuvre d’Hergé.

L’arsenal des mesures mérite enfin quelques mots. En l’absence de document comptable pour la période postérieure à février 2019, les demanderesses réclament qu’il soit fait application de l’article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle sur le droit à l’information, ce que le tribunal ordonne puisque la contrefaçon est avérée (v. sur l’exigence de vraisemblance du caractère de la contrefaçon, en matière de droit d’information, pour respecter le secret des affaires, Paris, 10 nov. 2020, n° 19/23000).

Le tribunal déboute par ailleurs la société Moulinsart, en sa qualité de cessionnaire des droits, de sa demande au titre de l’atteinte au droit moral de l’auteur. En effet, seul l’ayant droit d’Hergé obtient des dommages et intérêts (10 000 €) sur ce chef de préjudice, le droit moral étant perpétuel, inaliénable, imprescriptible, au sens de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle et ne pouvant se transmettre par contrat de cession ou de licence. Observation faite que les magistrats relèvent, de manière imparfaite, que « le droit moral de l’auteur qui, […] en tout état de cause ne peut être exercé que par une personne physique ». Ce qui paraît en effet incomplet, car dans le cas d’une œuvre collective, une personne morale détient ab initio tous les attributs du droit d’auteur (droits moraux et droits patrimoniaux).

Les éditions Moulinsart obtiennent, en revanche, en sus des 114 157 € correspondant à la confiscation des recettes procurées par la contrefaçon, une indemnisation au titre de leur préjudice moral tenant à la dépréciation de leur image et l’atteinte à leur réputation, notamment en raison du comportement dénigrant de l’artiste à l’égard de la société demanderesse auprès de tiers, à la suite d’une précédente affaire l’ayant opposée à celle-ci.

On sait que la maison d’édition n’est donc pas à sa première affaire portant sur la défense des droits de l’œuvre d’Hergé, et si elle a perdu le 10 mai dernier devant le tribunal judiciaire de Rennes (v. Dalloz actualité, 25 mai 2021, préc.) face à la liberté de création artistique, elle triomphe aujourd’hui devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Toutefois, de nouvelles aventures pleines de rebondissements nous attendent encore puisque cette décision va vraisemblablement être frappée d’appel.

(Original publié par nmaximin)
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La société chypriote Mircom dispose de certains droits pour un grand nombre de films pornographiques. Ayant constaté que certains de ces films étaient téléchargés illégalement sur des réseaux de peer-to-peer à l’aide du protocole BitTorrent, la société Mircom a récolté les adresses IP ayant été utilisées pour partager les contenus sur ces réseaux. Cette société a ensuite présenté, devant le tribunal de l’entreprise d’Anvers, une demande d’information à l’encontre du fournisseur d’accès belge Telenet BVBA visant à se faire communiquer les données d’identification correspondant aux adresses IP collectées, ce à quoi le fournisseur de données s’opposait. Dans le cadre de ce litige, la juridiction belge a posé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) plusieurs questions préjudicielles touchant à trois points distincts.

Tout d’abord, il s’agissait de préciser ce qui constitue, selon la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, un acte de communication au public. En particulier, la CJUE devait déterminer si les internautes individuels qui participent à un réseau de peer-to-peer effectuent un acte de communication.

Ensuite, la juridiction belge demandait si les titulaires de droits qui n’utilisent pas leurs droits pour exploiter les œuvres peuvent tout de même se prévaloir des mesures prévues par la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Enfin, la juridiction de renvoi s’interrogeait sur la licéité du recueil des adresses IP et de la demande d’information de la société Mircom au regard du droit de l’Union sur la protection des données personnelles (le règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, dit RGPD, et la directive « vie privée et commerce électronique » 2002/58/CE du 12 juillet 2002).

La participation à un réseau de peer-to-peer est un acte de communication

La CJUE a d’abord examiné la question de savoir si la participation d’internautes individuels au partage de données en peer-to-peer à l’aide du protocole BitTorrent constitue un acte de communication au public. Cette question se posait particulièrement pour deux raisons.

Premièrement, la juridiction belge se demandait si la semaille (seeding) de segments de fichier ne constituait une communication au public qu’à partir d’un seuil minimal. En effet, dans les réseaux de peer-to-peer, les fichiers partagés sont décomposés en petits segments qui sont téléchargés en ordre aléatoire à partir des ordinateurs d’internautes semeurs (seeders). Ainsi, un semeur ne met pas à disposition l’œuvre entière, ni même une partie de l’œuvre, mais seulement des segments de fichier dont chacun est inexploitable individuellement.

La Cour ici a considéré qu’« il n’est pas nécessaire de prouver que l’utilisateur concerné a préalablement téléchargé un nombre de segments représentant un seuil minimal » (§ 46). Ainsi, chaque semeur, quel que soit le nombre de segments qu’il met à disposition des autres internautes, peut être coupable d’un acte de communication au public.

Deuxièmement, la juridiction belge souhaitait savoir si la circonstance que la semaille puisse se faire automatiquement (du fait des configurations du client BitTorrent), et donc à l’insu de l’utilisateur, pouvait avoir une incidence.

La Cour a de nouveau répondu par la négative. Elle estime que les utilisateurs d’un réseau peer-to-peer « doivent être considérés comme agissant en pleine connaissance de leur comportement et des conséquences que celui-ci peut avoir » dès lors qu’ils ont été informés des caractéristiques du logiciel BitTorrent et ont consenti à son utilisation, et que « le caractère délibéré de leur comportement n’est nullement infirmé par le fait que le téléversement est automatiquement généré par ce logiciel » (§ 49). Pour constater un acte de communication au public, les juridictions nationales n’ont donc pas à établir que le partage a été effectué manuellement par l’internaute, mais doivent seulement vérifier si ce dernier a consenti à l’utilisation du logiciel de partage en peer-to-peer.

Les copyright trolls bénéficient des mesures de la directive 2004/48/CE

La Cour s’est penchée ensuite sur la deuxième question, que la juridiction belge posait en ces termes : « La personne contractuellement titulaire de droits d’auteur (ou de droits voisins) qui ne les utilise pas elle‑même, mais se borne à réclamer une indemnité à des contrevenants présumés et dont le mode économique de revenu dépend dès lors de l’existence du piratage au lieu de le combattre, peut-elle jouir des mêmes droits que ceux que le chapitre II de la directive 2004/48 confère aux auteurs ou aux licenciés qui utilisent des droits d’auteur d’une manière normale ? »

Cette question visait donc explicitement les copyright trolls, les entités titulaires de droits qui, sur le modèle des patent trolls, n’utilisent pas les droits dont ils disposent pour organiser l’exploitation des œuvres mais uniquement pour réclamer, parfois de manière abusive, des dommages-intérêts à de potentiels contrevenants.

La Cour répond qu’en principe, tous les titulaires de droits, y compris ceux qui n’utilisent pas ces droits eux-mêmes, bénéficient des mesures, procédures et réparations prévues par la directive 2004/48. En effet, exclure certains titulaires de droits du bénéfice de ces mesures « irait à l’encontre de l’objectif général de la directive 2004/48 qui est, ainsi qu’il ressort de son considérant 10, notamment d’assurer un niveau de protection élevé de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur » (§ 75).

En revanche, la Cour rappelle que, conformément à l’article 3 de la directive, les demandes abusives doivent être refusées. Il revient en l’occurrence à la juridiction de renvoi de déterminer, en fonction d’un examen global et circonstancié des faits du litige, si la société Mircom fait un usage abusif de ses droits. 

Le recueil des adresses IP est conforme au RGPD

Enfin, la Cour répond aux troisième et quatrième questions de la juridiction belge, concernant la protection des données à caractère personnel. La CJUE devait se prononcer sur la licéité de la collecte des adresses IP des internautes par Mircom et sur celle de la demande de la société visant à se faire communiquer l’identité des détenteurs de ces adresses IP.

La Cour de justice dégage, de l’article 6(1)(f) du RGPD, trois conditions auxquelles le traitement de données à caractère personnel est licite. Premièrement, ce traitement doit avoir pour objectif la poursuite d’un intérêt légitime. Deuxièmement, le traitement des données à caractère personnel doit être nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi. Troisièmement, les intérêts ou les libertés et les droits fondamentaux de la personne concernée par la protection des données ne doivent pas prévaloir.

En l’occurrence, la défense de ses droits de propriété constitue un intérêt légitime (§ 108). De plus, le recueil des adresses IP et la demande d’information peuvent être considérés comme nécessaires puisque « l’identification du détenteur de la connexion n’est souvent possible que sur la base de l’adresse IP et des informations fournies par le fournisseur d’accès à internet » (§ 110). En ce qui concerne la troisième condition, « les mécanismes permettant de trouver un juste équilibre entre les différents droits et intérêts en présence sont inscrits dans le règlement 2016/679 lui-même » (§ 112).

La Cour note par ailleurs que le traitement des adresses IP doit également respecter la directive 2002/58 (§ 113). En effet, la CJUE fait référence à sa décision La Quadrature du Net (CJUE 6 oct. 2020, aff. C-511/18, C-512/18 et C-520/18, Dalloz actualité, 13 oct. 2020, obs. C. Crichton ; AJDA 2020. 1880 ; D. 2021. 406, et les obs. , note M. Lassalle ; ibid. 2020. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJ pénal 2020. 531 ; Dalloz IP/IT 2021. 46, obs. E. Daoud, I. Bello et O. Pecriaux ; Légipresse 2020. 671, étude W. Maxwell ; ibid. 2021. 240, étude N. Mallet-Poujol ; RTD eur. 2021. 175, obs. B. Bertrand ; ibid. 181, obs. B. Bertrand ) pour affirmer que cette directive « concrétis[e], pour les utilisateurs des moyens de communications électroniques, les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel » (§ 118). Or l’article 15(1) de la directive 2002/58 énonce que, pour prévenir ou poursuivre les utilisations non autorisées du système de communications électroniques, les États membres peuvent adopter des mesures législatives prévoyant la conservation de données pendant une durée limitée.

La Cour considère finalement que l’article 6(1)(f) du RGPD ne s’oppose « ni à l’enregistrement systématique, par le titulaire de droits de propriété intellectuelle ainsi que par un tiers pour son compte, d’adresses IP d’utilisateurs de réseaux de pair à pair (peer-to-peer) dont les connexions internet ont été prétendument utilisées dans des activités contrefaisantes ni à la communication des noms et des adresses postales de ces utilisateurs à ce titulaire ou à un tiers afin de lui permettre d’introduire un recours en indemnisation devant une juridiction civile pour un dommage prétendument causé par lesdits utilisateurs, à condition toutefois que les initiatives et les demandes en ce sens dudit titulaire ou d’un tel tiers soient justifiées, proportionnées et non abusives et trouvent leur fondement juridique dans une mesure législative nationale, au sens de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58 » (§ 132).

Cette décision donne des indications importantes sur l’équilibre que le juge national doit rechercher entre protection des droits de propriété intellectuelle et protections des données à caractère personnel des internautes. Elle est bienvenue dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (dite « DAMUN ») puisque ce nouveau texte prévoit explicitement, dans son article 28, que « le traitement des données à caractère personnel effectué dans le cadre de la présente directive est effectué dans le respect de la directive 2002/58/CE et du règlement (UE) 2016/679 ».

(Original publié par nmaximin)
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Le plafonnement du loyer du bail commercial renouvelé ou révisé vient indubitablement protéger les locataires. En effet, en vertu des articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce, le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. Le bailleur peut chercher à écarter ce plafonnement en faisant notamment valoir une modification substantielle des éléments visés à l’article L. 145-3, 1° à 4° (caractéristiques du local considéré ; destination des lieux ; obligations respectives de parties ; facteurs locaux de commercialité) ou encore en proposant un bail supérieur à neuf années. Mais il n’en demeure pas moins que le principe est que le preneur bénéficie du plafonnement de son loyer, ce qui lui permet, d’une part, la pérennisation de son activité économique qui pourrait être remise en cause par une augmentation drastique de son loyer et, d’autre part, d’être titulaire d’un droit au bail dont la valeur économique peut être très importante puisqu’il peut le céder, avec un prix plafonné, sans que le propriétaire puisse s’y opposer.

Dans ces conditions, l’intérêt du bailleur est souvent d’essayer d’écarter ce plafonnement. Mais la difficulté est qu’en cas de congé, il doit payer au preneur une indemnité d’éviction qui est susceptible d’être très importante, et même parfois supérieure à la valeur vénale du bien dont il est propriétaire. Il peut bien évidemment faire signifier un congé avec refus d’indemnité d’éviction en se fondant sur les dispositions de l’article L. 145-17 du code de commerce, c’est-à-dire en justifiant d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur ou encore en établissant que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative. Cependant, il est assez courant que les motifs invoqués par les bailleurs ne soient pas jugés suffisants par les juridictions pour justifier leur refus de paiement d’une indemnité d’éviction.

Le bailleur peut alors décider d’exercer son droit de repentir visé à l’article L. 145-58 du code de commerce et consentir au renouvellement du bail, dont le loyer est fixé conformément aux règles du plafonnement du loyer. La difficulté vient du fait que l’article L. 145-12 du code de commerce précise que le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire. Il existe donc une période, entre l’expiration du bail et le début du nouveau bail, au cours de laquelle le preneur est demeuré dans les lieux sans pour autant être titulaire d’un bail. Ce maintien dans les lieux est prévu par la loi puisque l’article L. 145-28 du code de commerce dispose qu’« aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue ». Cet article prévoit également que, « jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ». Autrement dit, sans pour autant être renouvelé, les clauses du bail commercial continuent à s’appliquer entre les parties. Le droit du bail commercial vient donc régir la période transitoire au cours de laquelle doivent être jugées les questions relatives à l’indemnité d’éviction en maintenant les effets du contrat de bail commercial sans prolonger ou renouveler le contrat lui-même.

Cette solution, d’une grande simplicité à première vue, est quelque peu complexifiée car le locataire n’est plus tenu au paiement du loyer qui est remplacé par une indemnité d’occupation déterminée « conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ». Or la section 6 intitulée « du loyer » reprend les règles de fixation du loyer du bail commercial. La loi prévoit donc qu’une indemnité d’occupation remplace le loyer, tout en demeurant soumise aux règles relatives au loyer commercial. Est-ce à dire que l’indemnité d’occupation doit être fixée en fonction de la seule valeur locative du bien visée à l’article L. 145-33, ou que la règle de plafonnement de l’article L. 145-34 doit trouver à s’appliquer ?

Par l’arrêt rapporté du 17 juin 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « la règle du plafonnement du loyer s’applique à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé, mais non à l’indemnité d’occupation due par le preneur maintenu dans les lieux à l’expiration du bail en application de l’article L. 145-28 du code de commerce » et que « par suite, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que cette indemnité devait être fixée en fonction de la valeur locative ». Ainsi, le plafonnement s’applique au seul loyer commercial et non pas à l’indemnité d’occupation.

Une telle solution était attendue mais apparaît discutable.

Une solution attendue

Conformément à sa volonté d’enrichir ses décisions en visant la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a rappelé qu’une telle solution avait déjà été dégagée dans un arrêt de principe du 14 novembre 1978 (Civ. 3e, 14 nov. 1978, n° 77-12.032, Bull. civ. III, n° 341) qui avait jugé qu’« en l’absence de renouvellement, le plafonnement prévu par ces textes est inapplicable à la détermination de l’indemnité d’occupation due, jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction à laquelle il peut prétendre, par le locataire maintenu dans les lieux ». La Cour de cassation mentionne également dans son arrêt une décision du 7 novembre 2002 (Civ. 3e, 27 nov. 2002, n° 01-10.058, Bull. civ. III, n° 243 ; D. 2003. 205 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2003. 345 , obs. M.-P. Dumont ) qui a rejeté un moyen au motif que « la cour d’appel a, à bon droit, retenu que l’indemnité d’occupation due entre la date d’expiration du bail et l’exercice du droit de repentir était soumise à l’article 20 du décret du 30 septembre 1953, devenu l’article L. 145-28 du code de commerce, et que cette indemnité devait en conséquence être fixée à la valeur locative ».

Ainsi, la jurisprudence visée, bien que relativement ancienne, était bien établie et posait clairement que l’indemnité d’occupation devait être fixée à la valeur locative. À y regarder de plus près, la Cour de cassation avait en réalité réaffirmé sa solution à plusieurs reprises (Civ. 3e, 3 oct. 2007, n° 06-17.766, Bull. civ. III, n° 160 ; Dalloz actualité, 5 oct. 2005, obs. Y. Rouquet ; D. 2007. 2602 , obs. Y. Rouquet ; ibid. 2008. 1645, obs. L. Rozès ; AJDI 2008. 285 , obs. M.-P. Dumont-Lefrand  ; 13 déc. 2018, n° 17-28.055, AJDI 2019. 534 , obs. P. Haas ). Si l’on comprend qu’un arrêt inédit ne soit pas cité dans l’arrêt du 17 juin 2021, l’omission de l’arrêt du 3 octobre 2007 est relativement inexplicable et interroge quant aux choix effectués par la Cour de cassation lorsqu’elle décide de viser des arrêts dans ses décisions.

Outre le fait que cette décision était attendue puisqu’il s’agit d’un arrêt confirmatif, elle s’inscrit dans une interprétation relativement littérale de la loi puisque, bien que les conditions et clauses du contrat continuent à s’appliquer après l’expiration du bail, l’article L. 145-28 du code de commerce précise que, « toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ». Or l’utilisation de l’adverbe « toutefois » semble indiquer une limite à la continuation des effets du bail initial et notamment empêche de considérer que le loyer doit continuer à être régi par le contrat de bail. Par ailleurs, le fait que l’article vise « tous éléments d’appréciation » fait référence à l’article L. 145-33, premier article de la section 6 visée à l’article L. 145-28, qui énumère les éléments à prendre en compte pour évaluer la valeur locative du bien. Autrement dit, l’article L. 145-28 apparaît bien indiquer à première vue que l’indemnité d’occupation n’est pas régie par les règles du loyer commercial tout en devant être évaluée en contemplation des mêmes éléments que pour la valeur locative des loyers renouvelés ou révisés.

Une telle solution apparaît cependant discutable.

Une solution discutable

L’article L. 145-28 du code de commerce précise que l’indemnité d’occupation est régie par les sections 6 et 7. La section 7 est relative à la résiliation et ne dit strictement rien sur l’évaluation de l’indemnité d’occupation. La section 6 comprend des règles relatives à la fixation du loyer et notamment l’article L. 145-33 reprenant les éléments pertinents pour évaluer la valeur locative mais également les articles L. 145-34 et L. 145-38 relatifs au plafonnement du loyer. Ainsi, en interprétant l’article L. 145-28 du code de commerce, la Cour de cassation aurait parfaitement pu juger que l’indemnité d’occupation devait être évaluée en appliquant les règles du plafonnement des loyers.

Une telle solution aurait permis de rendre à la notion d’indemnité d’occupation due par le locataire lorsque le bailleur a refusé de renouveler son bail sans avoir payé l’indemnité d’éviction sa véritable nature : un loyer de substitution n’ayant aucun caractère indemnitaire. Il ne s’agit pas en effet d’indemniser un bailleur pour son préjudice mais bien plutôt de payer le prix du bail – appelé désormais indemnité d’occupation et non plus loyer – car les effets du bail continuent de s’appliquer malgré l’absence de renouvellement du contrat.

Dans ces conditions, déplafonner le loyer entre l’expiration du bail et son renouvellement institue une rupture de régime s’explique difficilement. Tandis que le locataire bénéficierait d’un loyer plafonné pendant la durée du bail, son indemnité d’occupation serait déplafonnée. Mais il bénéficierait à nouveau d’un plafonnement au jour du renouvellement de son bail commercial. En pratique, le locataire est pourtant resté dans les lieux et l’indemnité d’occupation a remplacé le loyer car les parties sont entrées dans une phase contentieuse, qui se poursuit souvent sur plusieurs années, visant à déterminer s’il est intéressant pour le bailleur de payer une indemnité d’éviction ou de renouveler le bail (droit de repentir) ou pour le preneur de voir son bail renouvelé (droit d’option). Autrement dit, le locataire peut voir le prix du bail augmenté ou baissé pendant la période transitoire entre l’expiration du bail et le renouvellement ou le paiement de l’indemnité d’éviction, sans que rien ne change en pratique pour lui puisqu’il continue à jouir de l’usage des locaux.

Enfin, il convient de faire remarquer que la Cour de cassation, dans cet arrêt du 17 juin 2021 qui est publié et qui fait l’objet d’une communication sur son site Internet, aurait pu faire preuve de pédagogie et être plus précise en exposant s’il faut fixer l’indemnité d’occupation en fonction de la valeur locative de marché ou de la valeur locative judiciaire, c’est-à-dire la valeur locative servant de base à la détermination du loyer de renouvellement (v. Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 2021-2022, n° 522.41). Sans doute a-t-elle voulu laisser aux juges du fond une certaine latitude en jugeant que ce choix relève de leur pouvoir souverain d’appréciation des faits, ce qui semble être sa position (Civ. 3e, 9 avr. 2013, n° 12-13.622, Dalloz actualité, 26 avr. 2013, obs. A. Lauriette ; AJDI 2013. 828 , obs. D. Lipman-W. Boccara ).

(Original publié par Rouquet)

« Le principe du contradictoire est l’âme du procès au point qu’il est dit de droit processuel. Il est, par essence, commun à toutes les procédures » (L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie du procès, 2e éd., PUF, 2013, n° 173). Ce principe ne s’impose pas qu’aux relations entre les parties au procès. Comme le rappelle l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 17 juin 2021 (n° 19-22.710), il s’applique également au juge lorsqu’il entend relever d’office un moyen de droit (J. Landel, Le non-respect du principe de contradiction : encore un arrêt sanctionné, Éd. législatives, 18 juin 2021).

En l’espèce, des époux s’absentent de leur domicile du 14 au 16 février 2015. Profitant de leur absence, des cambrioleurs visitent leur maison d’habitation et forcent leur coffre-fort. Le couple avait souscrit un contrat d’assurance contre le vol auprès de la compagnie Groupama (ci-après l’assureur). Cette dernière refuse cependant de prendre en charge le sinistre. Elle considère que les assurés n’avaient pas mis en œuvre les moyens de protection prescrits en cas d’absence de plus de 24 heures : les volets et persiennes n’avaient pas été fermés, facilitant ainsi l’entrée des voleurs, lesquels avaient pu se contenter de briser la porte-fenêtre du premier étage (sur la distinction des clauses de condition de garantie et d’exclusion de garantie, v. A. Cayol, Le principe de détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 118).

Les époux assignent donc l’assureur en réparation de leurs préjudices. Par un arrêt du 3 juillet 2019, la cour d’appel de Rennes le condamne à prendre en charge, dans le cadre de sa garantie vol, le préjudice subi par les époux (Rennes, 3 juill. 2019), aux motifs que les conditions générales de la police d’assurance précisaient que « ne sont pas garantis les vols ou détériorations survenus alors que les mesures de prévention n’ont pas été observées, sauf en cas de force majeure ou si le non-respect de ces mesures n’a pu avoir d’incidence sur la réalisation des dommages ». Or, les juges du fond retiennent que, « au regard de la détermination du ou des auteurs du cambriolage, caractérisée par le mode opératoire, dont le forcement du...

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Déjà le troisième numéro d’Enquête interne, le podcast proposé par Lefebvre Dalloz qui donne la parole à ceux qui vivent et font la compliance. Au micro aujourd’hui, Lucie Mongin-Archambeaud et Dorothé...

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De strictes conditions de fond et de forme doivent être respectées par les assureurs dans la rédaction des clauses d’exclusion de garantie : nécessairement formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1), elles doivent en outre être mentionnées en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4) (A. Cayol, « Le principe de détermination conventionnelle des garanties », in A. Cayol et R. Bigot [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120). Le contrat d’assurance est en effet considéré comme « structurellement déséquilibré » et archétype du contrat de consommation, ce qui justifie des aménagements au principe de la liberté contractuelle (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Cours de droit civil. Contrats, PUF, 2014, p. 34).

La Cour de cassation a déjà rappelé, dernièrement, qu’il résulte de l’article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435, Dalloz actualité, 7 janv. 2021, obs. R. Bigot et A. Cayol ; D. 2020. 2397 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée, une nouvelle fois, à rappeler cette règle dans un arrêt rendu le 17 juin 2021 (pourvoi n° 19-24.467), après que l’assureur et le banquier ont cherché à éviter de garantir en invoquant divers arguments – prescription de l’action et clause d’exclusion de garantie (comp. R. Bigot, Quand tous les moyens sont bons – prescription ou exclusion – pour éviter de garantir, ss Civ. 2e, 6 févr. 2020, n° 18-17.868, Dalloz actualité, 25 févr. 2020).

En l’espèce, un agriculteur a souscrit, pour les besoins de sa profession, quatre emprunts auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque). Il a alors adhéré à l’assurance de groupe souscrite par la banque auprès de la société CNP assurances (l’assureur) et garantissant les risques de décès et d’incapacité temporaire totale de travail pour l’ensemble de ces prêts, ainsi que le risque d’invalidité absolue et définitive pour l’un d’entre eux et le risque perte totale et irréversible d’autonomie pour les trois autres. Un accident du travail lui a, par la suite, causé des hernies discales avec lombo-sciatalgie, l’empêchant de poursuivre son activité professionnelle. Pour refuser la prise en charge des échéances des prêts, l’assureur a invoqué, notamment, les exclusions de garantie relatives aux pathologies lombaires prévues par les contrats d’assurance.

Face à ce refus, l’agriculteur a assigné la banque et l’assureur devant un tribunal de grande instance, aux fins, à titre principal, de condamnation de ce dernier à lui payer une somme au titre des mensualités d’emprunt et, à titre subsidiaire, de condamnation des parties adverses au paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Les juges du fond ont débouté l’agriculteur de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de l’assureur et de la banque (Montpellier, 18 sept. 2019). Il a alors formé un pourvoi en cassation. Deux moyens lui ont permis de faire censurer l’arrêt de la cour d’appel : l’un portant sur l’illicéité de la clause d’exclusion de garantie opposée par l’assureur, l’autre portant sur le manquement du banquier à son obligation d’éclairer le client sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.

La clause d’exclusion de garantie pour « mal de dos » non formelle et limitée

Dans son deuxième moyen, l’agriculteur a, tout d’abord, soutenu qu’« une clause d’exclusion de garantie qui est sujette à interprétation n’est pas formelle et limitée ; que pour faire application de la clause d’exclusion litigieuse, à l’exception de ses termes “et autre mal de dos”, la cour d’appel a énoncé qu’une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l’assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée pour le restant en excluant les incapacités et invalidités (qu’elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait qu’elle avait dû interpréter la clause pour déterminer dans quelle mesure celle-ci était formelle et limitée, en violation de l’article L. 113-1 du code des assurances ». L’agriculteur a, ensuite, soutenu qu’« une clause d’exclusion de garantie imprécise, fût-ce pour partie, est inapplicable pour le tout ». La cour d’appel aurait ainsi violé l’article L. 113-1 du code des assurances en appliquant la clause « au motif erroné qu’expurgée de cette expression maladroite et imprécise inopposable à l’assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée » (pt 5).

Par un arrêt du 17 juin 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, au visa de l’article L. 113-1 du code des assurances. Elle rappelle qu’il résulte de ce texte que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées (pt 6), en déduisant qu’en l’espèce, la « clause d’exclusion de garantie, dès lors qu’elle mentionne « et autre "mal de dos" » n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application, peu important que l’affection dont est atteint [l’assuré] soit l’une de celles précisément énumérées à la clause » (pt 9). Les juges du fond ne pouvaient ainsi distinguer selon la partie de la clause applicable à la situation de l’emprunteur.

« Avec l’exigence d’une exclusion formelle, le législateur veut que la portée ou l’étendue de l’exclusion soit nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti » (Civ. 1re, 8 oct. 1974, D. 1975. 513, note C.-J. Berr et H. Groutel). Il en résulte trois conditions cumulatives pour qu’une clause puisse être qualifiée de formelle et limitée. En premier lieu, l’assuré doit avoir une connaissance exacte de l’étendue de la garantie, la clause ne devant pas être interprétée (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 98-10.849). L’assureur est tenu de la rendre suffisamment explicite (Civ. 2e, 18 janv. 2006, n° 04-17.279, D. 2006. 321 ). En deuxième lieu, la clause doit être précise : il importe qu’elle se réfère à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées afin de délimiter de façon particulièrement nette le champ dans lequel la garantie n’est pas due (Civ. 2e, 6 oct. 2011, n° 10-10.001, Dalloz actualité, 27 oct. 2011, obs. T. de Ravel d’Esclapon). Enfin, et en troisième lieu, à l’instar du droit commun en ce qui concerne les clauses limitatives de responsabilité (Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632, D. 1997. 121 , note A. Sériaux ; ibid. 145, chron. C. Larroumet ; ibid. 175, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre ; ibid. 1998. 213, obs. N. Molfessis ; RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc  ; adde M. Leveneur-Azémar, Étude sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2017 ; puis ord. du 10 févr. 2016 : C. civ., art. 1170), la jurisprudence exige depuis 1987 (Civ. 1re, 18 févr. 1987) que la clause ne vide pas la garantie de sa substance afin de pouvoir être considérée comme « limitée » (Civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 10-31.057, Dalloz actualité, 5 mars 2012, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; RDI 2012. 290, obs. D. Noguéro ) : le juge est tenu de vérifier « l’étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse » (Civ. 1re, 9 mars 2004, n° 00-21.974).

En l’espèce, c’est la précision de la clause qui posait plus particulièrement problème. Le terme « et autre mal de dos » laissait en effet planer un doute sur les pathologies spécifiquement concernées. Sans surprise, les juges du fond ont jugé cette « expression maladroite et imprécise inopposable à l’assuré » (v. de même Civ. 2e, 18 janv. 2006, n° 04-17.279, D. 2006. 321  : « n’est pas formelle et limitée, la clause d’une police d’assurance qui exclut la prise en charge des incapacités qui résultent de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie ou “autre mal de dos” »). Ils avaient toutefois cru pouvoir appliquer le reste de la clause, laquelle, une fois expurgée de cette expression, redeviendrait parfaitement claire, formelle et limitée (pt 5). La Cour de cassation adopte, au contraire, une position particulièrement stricte : dès lors qu’une partie de la clause nécessite interprétation (sur la question, v. B. Beignier, « Interprétation du contrat d’assurance et principes d’interprétation », in B. Beignier, S. Ben Hadj Yahia, Actualité du droit des assurances (sept. 2019 – sept. 2020), RLDC n° 188, janv. 2021, p. 27), la clause en son entier n’est pas formelle et limitée.

Nous renouvelons donc ici l’appel à la vigilance des assureurs, en leur rappelant à nouveau, à la lecture de la jurisprudence récente (v., ex. multi, Civ. 2e, 8 oct. 2020, n° 19-21.105, JS 2020, n° 213, p. 8, obs. F. Lagarde  ; 16 juill. 2020, n° 19-15.676), que, « s’ils ne veulent pas que leurs clauses d’exclusion de garantie soient ainsi mises sur la sellette, les rédacteurs de polices d’assurance devront, à l’avenir, savoir résoudre l’équation suivante : « Article L. 113-1 du code des assurances = clause formelle + clause limitée = (clause claire + clause précise) + clause limitée = (clause explicite sans nécessiter une interprétation + [critères précis + hypothèses limitativement énumérées]) + clause ne vidant pas la garantie de sa substance ! » (Dalloz actualité, 7 janv. 2021, obs. R. Bigot et A. Cayol, préc.).

Le manquement du banquier à son obligation de conseil relative à l’assurance

Dans le troisième moyen, subsidiaire, du pourvoi, l’agriculteur a soutenu, premièrement, que « le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur ». Le banquier aurait, en l’espèce, manqué à son devoir de mise en garde, ne s’étant pas enquis de la possibilité d’assurer les prêts avec une meilleure couverture des risques. La cour d’appel aurait donc violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016, en retenant que la banque avait parfaitement rempli ses obligations du fait que l’emprunteur était parfaitement informé puisqu’il avait signé et paraphé chaque demande d’adhésion comprenant l’exclusion de garantie litigieuse.

L’assuré a, en deuxième lieu, soulevé que « la circonstance que le client du banquier a déclaré qu’un risque déterminé ne s’est pas réalisé avant son adhésion au contrat d’assurance de groupe n’exonère pas le banquier de son obligation d’éclairer son client sur l’opportunité de voir couvrir ce risque au regard de sa situation personnelle telle qu’elle peut raisonnablement être envisagée en cours d’exécution du contrat de prêt ; qu’il en va ainsi en particulier lorsque la survenance de ce risque est fréquente dans la population générale ». Le banquier aurait dû prendre l’initiative de vérifier l’adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l’emprunteur. La cour d’appel aurait donc, là encore, violé l’ancien article 1147 du code civil.

En troisième lieu, l’agriculteur a soutenu que « la perte d’une chance consiste en la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ». La cour d’appel aurait donc violé l’ancien article 1147 du code civil en subordonnant l’indemnisation de la perte d’une chance à la preuve de la certitude que l’emprunteur aurait souscrit une assurance complémentaire s’il avait été mieux éclairé, quand seule importait la question de savoir si, faute de mise en garde du banquier, il avait perdu l’éventualité de souscrire une telle assurance.

L’assuré a soulevé, en dernier lieu, que « le préjudice résultant du manquement du banquier à son devoir d’éclairer son client sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur réside dans la disparition pour celui-ci de l’éventualité de contracter des garanties plus appropriées à sa situation personnelle ; que, dès lors, en affirmant, pour débouter [l’emprunteur] de sa demande au titre de ce manquement, qu’il ne démontre aucun préjudice de perte de chance de ne pas contracter, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ».

Dans son arrêt du 17 juin 2021, la deuxième chambre civile censure cet aspect de la décision d’appel au visa de l’article 1147 – devenu 1217 –, du code civil et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, en rappelant qu’il résulte de ce texte que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur (pt 11).

Selon la Cour de cassation, il se déduit de ce principe que « toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé » (pt 12). La cour d’appel a donc violé le texte et le principe susvisés en statuant « par des motifs impropres à écarter la perte de chance alléguée par [l’emprunteur], et alors qu’il appartenait à la banque d’éclairer l’emprunteur sur l’adéquation de la garantie proposée aux risques auxquels l’exposait son activité professionnelle » (pt 14).

Néanmoins, ce moyen a été présenté seulement à titre subsidiaire. En conséquence, « la cassation prononcée sur le fondement du deuxième moyen, formulé à titre principal, tiré de la nullité de la clause d’exclusion de garantie figurant dans le contrat d’assurance relatif au prêt n° 496125016PR », rend irrévocable l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette les demandes formées par [l’emprunteur] contre la banque au titre de ce contrat, dès lors que le troisième moyen a été présenté à titre subsidiaire » (pt 15). Il s’agit d’un exemple de la difficile articulation des moyens principaux et des moyens subsidiaires (J. Boré et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz Action, 2015/2016, n° 82-43).

En définitive, le banquier, tout comme le notaire (R. Bigot, La responsabilité notariale pour défaut de conseil lié à l’assurance emprunteur, ss Civ. 1re, 8 janv. 2020, n° 18-23.948, Dalloz actualité, 13 mars 2020), ne doit pas négliger la qualité de son devoir d’information et de conseil en matière d’assurance emprunteur. Ils risquent, à défaut, d’engager leur responsabilité civile et d’être tenus d’indemniser le client de la perte de chance (L. Vitale, La perte de chances en droit privé, préf. P. Jourdain, LGDJ, 2020, n° 309) de souscrire une garantie plus adaptée à sa situation (v. par ex. Com. 31 janv. 2012, n° 11-11.700, AJDI 2012. 280  : perte de chance d’être garantis pour le risque perte d’emploi), étant précisé que le délai de prescription d’une telle action commence à courir le jour où l’assuré a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ladite action, c’est à dire en pratique au jour où l’assureur lui oppose un refus de garantie (Com. 6 janv. 2021, n° 18-24.954, Dalloz actualité, 29 janv. 2021, obx. Y. Blandin ; D. 2021. 76 ; RTD civ. 2021. 411, obs. H. Barbier ; ibid. 421, obs. P. Jourdain ).

L’obligation de bonne foi (C. civ., art. 1104 ; déjà, ancien art. 1134, al. 3) est en effet le fondement d’une exigence de transparence. L’emprunteur est créancier de nombreuses informations précontractuelles, se concrétisant principalement sous la forme d’une notice d’information (C. assur., art. L. 141-4), dont la remise incombe au banquier souscripteur et non à l’assureur (Civ. 1re, 17 juill. 2001, nos 98-18.242 et 98-19.127, AJDI 2002. 780 , obs. F. Cohet-Cordey ). Toutefois, « la remise de la notice n’épuise pas l’obligation d’information. Le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur. C’est donc à une obligation de conseil et de mise en garde que l’établissement de crédit, souscripteur du contrat d’assurance, est tenu vis-à-vis de l’emprunteur. Le manquement à cette obligation de conseil résulte le plus souvent de l’absence d’analyse des besoins de l’emprunteur » (P. Casson et R. Bigot, « Assurance emprunteur », in R. Bigot et A. Cayol [dir.], op. cit., p. 608).

Le devoir de conseil ne se limite cependant pas à la transmission d’une information brute : il impose, au-delà, de donner un avis circonstancié eu égard aux besoins spécifiques de l’assuré. Comme le souligne en l’espèce la Cour de cassation, la cour d’appel ne pouvait pas se contenter de constater que l’emprunteur avait été informé de l’existence de la clause d’exclusion de garantie – chaque demande d’adhésion ayant été dûment signé et paraphée par ses soins –, de tels motifs étant « impropres à écarter la perte de chance alléguée […] alors qu’il appartenait à la banque d’éclairer l’emprunteur sur l’adéquation de la garantie proposée aux risques auxquels l’exposait son activité professionnelle. Le conseil donné doit être personnalisé par rapport à sa situation particulière. Il importe « d’éclairer l’assuré sur l’adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d’assurance, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle » (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, D. 2007. 985 , note S. Piédelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais ), sans quoi les assureurs se casseront encore longtemps les dents sur la clause d’exclusion « mal de dos » !

(Original publié par rbigot)
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Classiquement, le créancier qui ne pas procède dans les délais à la déclaration de sa créance au passif de son débiteur en procédure collective risque de voir son droit inopposable à la procédure (C. com., art. L. 622-26, al. 2). Pour éviter cette sanction, et malgré le dépassement du délai, le créancier peut intenter une action en relevé de forclusion (C. com., art. L. 622-26, al. 1). À ce titre, le code de commerce prévoit deux motifs possibles à cette action. D’une part, le créancier peut démontrer que sa défaillance à déclarer n’est pas due de son fait. D’autre part, il peut établir que sa défaillance est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce. Cette liste doit être remise par le débiteur à l’ouverture de la procédure collective à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Elle comprend l’énumération des créanciers, du montant des dettes et des principaux contrats en cours. L’arrêt commenté revient sur ce dernier motif de relevé de forclusion et apporte des précisions intéressantes sur la notion « d’omission » précitée.

En l’espèce, le plan de cession d’une société débitrice en redressement judiciaire est arrêté par un jugement du 15 juin 2015 au profit d’un cessionnaire avec faculté de substitution au bénéfice d’une société. La société débitrice est mise en liquidation judiciaire le 24 juin 2015. Or, par un jugement du 28 juillet 2016, publié au BODACC le 9 août 2016, la société substituée est également placée en redressement judiciaire avant que cette procédure ne soit convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 7 novembre 2016. Finalement, le 22 novembre 2016, la résolution du plan de cession est prononcée faute pour ce dernier d’avoir été exécuté.

Le 9 février 2017, le liquidateur de la société débitrice a présenté au juge-commissaire de la procédure collective de la société substituée une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer une créance. Cette requête est accueillie favorablement par le juge-commissaire et par la cour d’appel et le liquidateur de la société substituée se pourvoit en cassation.

Pour ce dernier, lorsque le caractère volontaire de l’omission d’une créance ou du défaut de remise de la liste des créanciers n’est pas démontré, le créancier qui sollicite le relevé de forclusion est tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance. Or, selon le demandeur, la cour d’appel s’est bornée à relever que le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai légal du fait de l’absence de remise de la liste par le débiteur doit être relevé de la forclusion encourue. En statuant ainsi, la cour d’appel n’aurait pas recherché de lien de causalité entre l’omission par le débiteur et la tardiveté de la déclaration de créance. Par conséquent, elle aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 622-26 du code de commerce.

La Cour de cassation ne souscrit pas à l’argumentation et rejette le pourvoi.

Pour la Haute juridiction, il résulte du premier alinéa de l’article L. 622-26 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsqu’un débiteur s’est abstenu d’établir la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6 dudit code ou que, l’ayant établie, il a omis d’y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance. En l’espèce, la Cour de cassation relève que les dirigeants de la société substituée n’avaient pas remis au mandataire la liste des créanciers de cette société. Or, cette absence de remise a produit les mêmes effets que l’omission d’un créancier sur cette liste. Par conséquent, la cour d’appel a légalement justifié sa décision et le pourvoi est rejeté.

En l’occurrence, la Cour de cassation avait à répondre à la question de savoir si un créancier peut obtenir un relevé de forclusion à l’unique condition qu’il ait été omis de la liste des créanciers – ou encore, comme en l’espèce, que cette liste n’ait jamais été déposée – ou doit-il, en sus, démontrer que l’omission du débiteur était la cause de sa défaillance à déclarer.

Si l’interrogation peut sembler classique, elle est pourtant inédite, à notre connaissance, sous l’empire des textes en vigueur depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 et applicables en l’espèce.

Retour sur les règles applicables en la matière

L’évolution des règles en la matière s’apparente à un amoncellement d’assouplissements au bénéfice des créanciers d’un débiteur en procédure collective.

Avant la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, l’article L. 621-46 du code de commerce prévoyait que les créanciers ne pouvaient être relevés de forclusion qu’à condition de démontrer que leur défaillance à déclarer n’était pas due de leur fait. Aussi la Cour de cassation estimait-elle que l’omission d’une créance sur la liste dressée par le débiteur à l’ouverture de la procédure collective n’avait pas pour effet de dispenser le créancier de rapporter la preuve que sa défaillance à déclarer n’était pas due de son fait (Com. 8 juin 2010, n° 09-15.769, Bull. civ. IV, n° 110 ; D. 2010. 1549 ; Rev. sociétés 2010. 410 et les obs. ).

Puis, le législateur – certainement conscient de la sévérité de la règle imposée au créancier – a consacré un premier assouplissement par le biais de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005. Pour obtenir un relevé de forclusion, les créanciers pouvaient désormais démontrer que leur défaillance à déclarer n’était pas due de leur fait ou qu’elle résultait d’une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce.

Las, toutes les problématiques n’étaient pas réglées, car l’introduction en droit positif d’un second motif de relevé de forclusion a suscité des interrogations quant à son articulation avec le premier. À cet égard, la Cour de cassation a reconnu que les deux causes de relevé de forclusion étaient autonomes. Il en a été déduit que lorsque l’omission volontaire du débiteur était constatée, le créancier était en droit d’obtenir le relevé de forclusion, et ce, quand bien même sa défaillance à déclarer pouvait lui être imputable (Com. 16 mars 2010, n° 09-13.511 NP, Rev. sociétés 2010. 196, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2010. 606, obs. A. Martin-Serf ). Plus précisément, d’une part, la Haute juridiction a reconnu que si le caractère volontaire de l’omission d’une créance sur la liste prévue à l’article L. 622-6 était démontré, le créancier n’avait pas à établir de lien de causalité entre son omission de la liste et le caractère tardif de sa déclaration de créance (Com. 10 janv. 2012, n° 10-28.501, Bull. civ. IV, n° 4 ; D. 2012. 216, obs. A. Lienhard ; ibid. 1573, obs. P. Crocq ; Rev. sociétés 2012. 195, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2012. 404, obs. A. Martin-Serf ). D’autre part, il a été jugé que l’omission volontaire par le débiteur d’un créancier de la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce exemptait ce dernier d’avoir à démontrer que sa défaillance à déclarer n’était pas due de son fait (Com. 9 avr. 2013, n° 12-11.713 NP, RTD com. 2013. 587, obs. A. Martin-Serf ).

Fort de ces précédents, les rédacteurs de l’ordonnance du 12 mars 2014 sont allés encore plus loin dans l’assouplissement de ces règles en faisant prévaloir le souci de protection des créanciers, mais également, la volonté de faire jouer un rôle plus important à la liste des créanciers devant être établie à l’ouverture de la procédure collective (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021-2022, n° 666.151).

Ainsi l’adjectif « volontaire » – qui venait qualifier l’omission d’un créancier par le débiteur de la liste de l’article L. 622-6 – a-t-il été supprimé. A priori, en application de cette version du texte, la seule démonstration de l’omission du débiteur, qu’il s’agisse du nom du créancier ou du montant de sa créance, suffit à obtenir un relevé de forclusion (F.-X. Lucas, Présentation de l’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, BJE mars 2014, n° 111b7, p. 111).

Pour le dire plus simplement, il semblerait que, sous l’empire des textes de l’ordonnance du 12 mars 2014, si l’omission du créancier sur la liste est constatée, le relevé de forclusion s’impose (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1555). Or, l’arrêt ici rapporté constitue à notre connaissance, la première application jurisprudentielle, du moins au stade de la cassation, de cette règle pressentie par la doctrine.

La consécration d’un relevé de forclusion « de droit » en cas d’omission de la liste

En l’espèce, la Haute juridiction affirme que lorsqu’un débiteur s’est abstenu d’établir la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6 dudit code ou que, l’ayant établie, il a omis d’y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

Cette solution doit être approuvée, car elle est conforme à l’esprit de la réforme opérée en 2014.

En effet, la suppression de l’exigence de rapporter la preuve d’une omission volontaire s’inscrit dans un mouvement de bienveillance à l’égard des créanciers. Par conséquent, il serait illogique, d’un côté, de ne plus exiger la preuve du caractère volontaire de l’omission du débiteur et de l’autre, d’attendre du créancier qu’il établisse que son omission de la liste soit la cause de sa défaillance à déclarer.

Il faut donc affirmer que le créancier omis de la liste remise par le débiteur peut obtenir un relevé de forclusion en raison de cette seule omission. Ce motif consacre donc, en quelque sorte, un motif de relevé de forclusion « de droit ».

À vrai dire, la solution met en exergue un certain parallélisme des dispositions.

D’une part, elle est à mettre en regard avec la règle selon laquelle la communication par le débiteur au mandataire judiciaire d’une créance fait présumer déclaration de créance au bénéfice du créancier concerné (C. com., art. L. 622-24, al. 3). Autrement dit, le créancier présent au sein de la liste est considéré comme ayant déclaré, tandis que le créancier oublié peut être relevé de forclusion, et ce, indépendamment de l’imputabilité de sa défaillance à déclarer.

D’autre part, en matière de traitement des situations de surendettement des particuliers, le deuxième alinéa de l’article R. 742-13 du code de la consommation prévoit également une cause de relevé de forclusion « de droit » lorsque le créancier du débiteur a vu sa créance omise lors du dépôt de la demande de traitement.

L’absence d’établissement de la liste équivaut-elle à une omission du créancier ?

En dernier lieu, concédons qu’en l’espèce, il ne s’agissait pas à proprement parler d’une omission par le débiteur du créancier sur la liste de l’article L. 622-6, précisément car… le débiteur s’était passé de l’établissement d’une telle liste !

Bien que le bon sens permette de répondre intuitivement à la question, l’on peut néanmoins se demander si l’absence d’établissement de la liste est assimilable à l’omission d’un créancier.

À cette interrogation, la Haute juridiction semble avoir répondu par la positive (Com. 12 janv. 2010, n° 09-12.133, Bull. civ. IV, n° 6 ; D. 2010. 264, et les obs. ; Rev. sociétés 2010. 196, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2010. 606, obs. A. Martin-Serf ). La solution est somme toute logique, puisqu’il s’agit fondamentalement de sanctionner le débiteur, en favorisant le créancier, lorsque le premier ne met pas les organes de la procédure en mesure d’informer les créanciers connus (P.-M. Le Corre, op. cit., n° 665.531).

Dès lors, il nous paraît tout à fait louable qu’en l’espèce, la Cour de cassation ait assimilé le défaut d’établissement de la liste à une omission par le débiteur d’un créancier au sein de la liste pour permettre à ce dernier de solliciter un relevé de forclusion.

(Original publié par bferrari)

Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014,...

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(Original publié par Rouquet)

L’indice du coût de la construction (ICC) du premier trimestre 2021, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 157, 23 juin 2021) s’élève à 1 822, soit une hausse de 2,94 % sur un an, de 9,04 % sur trois ans et de 12,68 % sur neuf ans.

Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

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(Original publié par Rouquet)
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La saga des prêts libellés en francs suisses trouvera-t-elle enfin un épilogue heureux pour les consommateurs ? Il est permis de le penser à la suite de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 10 juin 2021 (CJUE 10 juin 2021, aff. C-609/19 ; v. égal. CJUE 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19, JCP 2021. 689, obs. D. Berlin).

En l’espèce, par acte notarié du 10 mars 2009, un couple d’emprunteurs avait acquis un bien immobilier et souscrit à cet effet auprès de BNP Paribas Personal Finance un contrat de prêt hypothécaire libellé en devise étrangère et dénommé « Helvet Immo ». Ce contrat prévoyait la souscription d’un prêt à un taux de 4,95 %, remboursable, en principe, en 276 échéances fixes, libellé en francs suisses et remboursable en euros, étant précisé qu’au jour de la conclusion dudit contrat, le montant de ce prêt s’élevait à 143 421,53 €, soit à 216 566,51 francs suisses. Ce même contrat prévoyait le remboursement des mensualités à échéances fixes en euros et la conversion de celles-ci en francs suisses afin de contribuer au paiement des intérêts et à l’amortissement du capital, les frais associés au crédit, tels que l’assurance, étant facturés en euros. Il était également prévu que la durée du crédit serait allongée de cinq années, les échéances prévues en euros étant imputées en priorité sur les intérêts lorsque l’évolution des parités augmente le coût du crédit pour l’emprunteur et que si le maintien du montant des règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde du compte sur la durée résiduelle initiale majorée de cinq années, le montant des mensualités serait augmenté. À la suite de mensualités impayées, la déchéance du terme a été prononcée et le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Libourne (France) a ordonné, le 16 janvier 2015, la vente forcée du bien immobilier concerné. S’ensuivit un litige ayant conduit le tribunal d’instance de Lagny-sur-Marne à poser aux juges européens une série de questions préjudicielles portant sur le point de savoir si les clauses litigieuses concernaient l’objet principal du contrat et si elles étaient suffisamment claires.

La Cour de Luxembourg considère, en premier lieu, que « l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que les clauses du contrat de prêt qui stipulent que les remboursements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, l’allongement de la durée de ce contrat et l’augmentation du montant des mensualités relèvent de cette disposition dans le cas où ces clauses fixent un élément essentiel caractérisant ledit contrat ». Sur ce premier point, la Cour de justice respecte à la lettre les termes de l’article 4, § 2, de la directive de 1993, qui prévoit que « l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » (v. égal. C. consom., art. L. 212-1, al. 3). On sait en effet que seules les clauses litigieuses ne portant pas sur l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération peuvent en principe faire l’objet d’un contrôle (v. à ce sujet J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, n° 100). Or l’une des difficultés du contentieux des prêts en devises réside précisément dans le fait que les clauses litigieuses portent bien souvent sur l’objet principal du contrat (v. CJUE 20 sept. 2017, aff. C-186/16, D. 2017. 2401 , note J. Lasserre Capdeville ; ibid. 2176, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2018. 208 , obs. J. Moreau ; AJ contrat 2017. 484, obs. B. Brignon  ; comp. CJUE 30 avr. 2014, aff. C-26/13, D. 2014. 1038 ; RTD eur. 2014. 715, obs. C. Aubert de Vincelles ; ibid. 724, obs. C. Aubert de Vincelles  ; v. égal. Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 , note A. Etienney-de Sainte Marie ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais ; ibid. 465, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau ; Civ. 1re, 20 févr. 2019, nos 17-31.065 et 17-31.067, Dalloz actualité, 5 mars 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 428 ; AJDI 2019. 708 , obs. O. Poindron et J. Moreau ; Rev. prat. rec. 2020. 23, chron. R. Bouniol ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau  ; 12 déc. 2018, n° 17-18.491, RTD eur. 2019. 410, obs. A. Jeauneau  ; 3 mai 2018, n° 17-13.593, Dalloz actualité, 17 mai 2018, obs. J.-D. Pellier ; D. 2018. 1355 , note D. Mazeaud ; ibid. 2106, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2018. 871 , obs. J. Moreau ; AJ contrat 2018. 284, obs. B. Brignon ; RTD com. 2018. 432, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2019. 410, obs. A. Jeauneau  ; comp. Civ. 1re, 29 mars 2017, nos 16-13.050 et 15-27.231, Dalloz actualité, 28 avr. 2017, obs. X. Delpech ; D. 2017. 1893 , note C. Kleiner ; ibid. 1859, chron. S. Canas, C. Barel, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, J. Mouty-Tardieu, R. Le Cotty, C. Roth et S. Gargoullaud ; ibid. 2176, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2017. 596 , obs. J. Moreau ; AJ contrat 2017. 278 , obs. B. Brignon ; RTD civ. 2017. 383, obs. H. Barbier ; RTD com. 2017. 409, obs. D. Legeais ), même si la thèse inverse a été brillamment défendue (G. Cattalano, Prêts en francs suisses : peu d’espoir pour les emprunteurs, Defrénois, 15 nov. 2018, p. 27, considérant que « l’objet principal du contrat est la mise à disposition des fonds et non la manière dont sont calculées et payées les mensualités de remboursement »).

Toutefois, même dans le cas où la clause porte sur l’objet principal du contrat, il y a toujours une place pour un contrôle de l’abus dans l’hypothèse où ladite clause ne serait pas rédigée de manière claire et compréhensible, hypothèse que le texte précité réserve. À cet égard, la Cour de justice de l’Union européenne estime, en second lieu, que « l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, l’allongement de la durée dudit contrat et l’augmentation du montant des mensualités, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat » (v. déjà CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17, Dalloz actualité, 26 sept. 2018, obs. J.-D. Pellier ; D. 2018. 1861 ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; AJ contrat 2018. 431, obs. E. Bazin ). Elle considère également que « l’article 3, paragraphe l, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, lequel peut augmenter de manière significative à la suite des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, l’allongement de la durée de ce contrat et l’augmentation du montant des mensualités, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses ».

Voilà qui apporte un singulier démenti à la jurisprudence de la Cour de cassation (v. les arrêts préc.), qui devrait sans doute désormais évoluer en faveur des consommateurs. Il est vrai que ces derniers avaient obtenu gain de cause sur le terrain pénal l’année dernière, la banque ayant été reconnue coupable à leur égard de pratiques commerciales trompeuses (T. corr. Paris, 13e ch. corr., 26 févr. 2020, n° 12290076010 ; v. à ce sujet G. Cattalano, Nouvel épisode dans l’affaire Helvet Immo : la banque jugée coupable de pratique commerciale trompeuse, RDC n° 2020/3, p. 90). Dès lors, il serait difficilement acceptable qu’ils ne puissent finalement triompher sur le plan civil.

(Original publié par jdpellier)
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L’arrêt commenté aujourd’hui exigera une certaine attention dans les mois à venir, renvoi préjudiciel oblige. Le point central de la discussion touche aux clauses abusives dont on sait que le cœur de la réglementation européenne a été la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, notamment ses articles 3 et 4 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, n° 167, p. 184). En droit français, l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation dispose que, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 juin 2021 a pour objectif d’unifier la jurisprudence française sur les clauses de déchéance du terme dont on sait qu’elles peuvent être des clauses abusives lorsqu’elles sont mal rédigées dans des prêts immobiliers. L’objectif de ce renvoi préjudiciel sur le fondement de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) est donc de clarifier la réglementation applicable. Un bref rappel des faits est important pour comprendre tout l’enjeu de ce renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Un établissement bancaire consent par acte notarié du 17 mai 2006 un emprunt de 209 109 € remboursable sur vingt ans à une personne physique afin que ce dernier puisse acquérir un immeuble. Le contrat prévoyait des « conditions générales » dans lesquelles un article 16-1 précisait que « les sommes dues seraient de plein droit et immédiatement exigibles, sans formalité ni mise en demeure, dans le cas d’un retard de plus de trente jours dans le paiement d’un terme en principal, intérêts ou accessoires » (nous soulignons). L’échéance exigible au 10 décembre 2012 (904,50 €) n’est pas réglée, pas plus que la suivante de janvier 2013. L’établissement bancaire prononce alors la déchéance du terme le 29 janvier 2013 sans mise en demeure préalable conformément à l’article 16-1 précité du contrat. La banque fait ensuite procéder à une saisie-vente chez l’emprunteur une année plus tard. L’emprunteur saisit alors le juge de l’exécution en octobre 2015 en annulation de la procédure soutenant que le procès-verbal de saisie-vente comportait des irrégularités.

Après un premier arrêt de la Cour de cassation portant sur le point de départ du délai biennal de prescription de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation (Civ. 1re, 26 sept. 2018, n° 17-21.533, AJDI 2019. 379 , obs. J. Moreau ), l’affaire revient devant la cour d’appel de Versailles. À ce stade, s’ouvre à nouveau le débat du caractère abusif ou non de ladite clause prévoyant l’absence d’une mise en demeure préalable. La cour d’appel refuse de considérer la clause comme abusive si bien que l’emprunteur décide de se pourvoir en cassation en confrontant la jurisprudence française à une décision de la CJUE sur la déchéance du terme, le fameux arrêt Banco Primus (CJUE 26 janv. 2017, aff. C-421/14, D. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2017. 525 , obs. M. Moreau, J. Moreau et O. Poindron ). La dispense de mise en demeure décidée conventionnellement serait, pour le plaideur, une clause abusive dans le contrat litigieux eu égard aux critères dégagés par cet arrêt.

La Cour de cassation décide de surseoir à statuer afin de poser plusieurs questions à la Cour de justice de l’Union européenne. Pour faciliter la lecture, nous reproduisons ci-dessous les cinq questions posées à la CJUE :

1. Les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat ?

2. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), doit-il être interprété en ce sens qu’un retard de plus de trente jours dans le paiement d’un seul terme en principal, intérêts ou accessoires peut caractériser une inexécution suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt et de l’équilibre global des relations contractuelles ?

3. Les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une clause prévoyant que la déchéance du terme peut être prononcée en cas de retard de paiement de plus de trente jours lorsque le droit national, qui impose l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, admet qu’il y soit dérogé par les parties en exigeant alors le respect d’un préavis raisonnable ?

4. Les quatre critères dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), pour l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée sont-ils cumulatifs ou alternatifs ?

5. Si ces critères sont cumulatifs, le caractère abusif de la clause peut-il néanmoins être exclu au regard de l’importance relative de tel ou tel critère ?

Les données du problème : la déchéance du terme et la mise en demeure

La Cour de cassation commence par distinguer le cadre européen du cadre interne concernant la législation des clauses abusives (nos 5 à 7 de l’arrêt). Il faut louer l’effort de pédagogie déployé ici par la haute juridiction qui entend continuer son œuvre de motivation « enrichie » des arrêts, notamment lorsqu’ils risquent de précéder un important revirement de jurisprudence en fonction de la réponse de la CJUE au renvoi préjudiciel.

Le point névralgique repose sur l’article 16-1 du contrat litigieux dispensant de mise en demeure l’établissement bancaire pour prononcer la déchéance du terme dès le premier impayé en trente jours. On sait qu’eu égard aux articles 1134, 1147 et 1184 anciens – alors applicables à la cause car antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 –, la mise en demeure est un processus étape pour la mise en jeu, par exemple, de la résolution du contrat. Ce mécanisme a pour principale fonction de permettre l’exécution du contrat par le débiteur défaillant (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 866, n° 805). C’est un sursaut d’exécution provoqué par le spectre d’une sanction. Or, ici, la déchéance du terme pouvait être prononcée avant même toute possibilité de régularisation impulsée par une mise en demeure. C’est ici que l’emprunteur s’arc-boute en postulant que l’article 16-1 de la convention est une clause abusive. Le raisonnement peut tout à fait séduire car ladite clause peut créer un déséquilibre significatif entre le consommateur et son cocontractant professionnel.

La jurisprudence de la Cour de cassation permet toutefois de contractualiser la mise en demeure et la haute juridiction entend bien le rappeler dans l’arrêt commenté au n° 9 (Civ. 1re, 3 févr. 2004, n° 01-02.020, Bull. civ. I, n° 27 ; 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2015. 1677 , note G. Poissonnier ; RTD civ. 2015. 875, obs. H. Barbier ; 22 juin 2017, n° 16-18.418, Bull. civ. I, n° 151 ; D. 2017. 1356 ; AJDI 2017. 859 , obs. L. Lang, J. Moreau et O. Poindron ; AJ contrat 2017. 386, obs. J. Lasserre Capdeville ). La solution admise par le droit français reste centrée sur une certaine liberté contractuelle puisque les parties peuvent renoncer à la mise en demeure préalable à la condition que le consommateur comprenne l’enjeu de la clause laquelle doit être claire, expresse et non équivoque, d’une part, et permettant, d’autre part, d’informer le consommateur des conséquences que peut avoir l’inexécution de ses obligations. Mais il faut bien avouer que l’exception que constitue cette possibilité tend à devenir le principe dans ce type de contrats où la mise en demeure peut être un frein pour l’exigibilité du solde restant dû d’un débiteur défaillant peut-être définitivement.

La Cour de justice a pu s’intéresser aux clauses de déchéance du terme à travers l’arrêt du 26 janvier 2017 Banco Primus SA, précité. Dans cet arrêt, la CJUE a pu avancer, au numéro 67, quatre critères pour vérifier le caractère éventuellement abusif des clauses de déchéance du terme. En voici un bref résumé :

1. La mise en jeu de la déchéance du terme dépend de l’inexécution d’une obligation présentant un caractère essentiel dans le rapport contractuel.

2. L’inexécution en elle-même doit présenter un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt.

3. La faculté déroge au droit commun des contrats en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques.

4. Le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier à l’exigibilité du prêt.

Or la question de la renonciation à la mise en demeure préalable à la déchéance du terme vient questionner cette jurisprudence. L’intérêt du renvoi préjudiciel apparaît alors très nettement.

Les solutions au problème : l’intérêt du sursis à statuer

Le sursis à statuer repose donc sur une certaine volonté d’harmonisation les jurisprudences (n° 18 de l’arrêt commenté) entre la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne. Deux grandes difficultés apparaissent alors pour cette unification.

D’une part, la première difficulté tient à la contractualisation même de la mise en demeure, laquelle est un des éléments permettant au débiteur de s’exécuter non spontanément mais sous la menace des mécanismes de l’inexécution dont la déchéance du terme n’est qu’une variété. C’est ainsi la première des questions posées à la Cour de justice, peut-être d’ailleurs la plus originale et la plus importante des cinq. L’arrêt Banco Primus ne s’était pas positionné précisément sur ce point. La réponse semble très nuancée. Nous ne nous risquerons pas à proposer une ébauche de solution. Toutefois, on voit mal comment les parties ne pourraient pas renoncer à un mécanisme protecteur si le consommateur comprend le risque de procéder ainsi ; d’autant plus s’il retire de ce sacrifice un avantage particulier. Plus que la réponse, il faudra sonder sa teneur pour réadapter une pratique qui n’hésite pas à se passer des mises en demeure par le recours de ces clauses de renoncement dont l’article 16-1 du contrat litigieux n’est qu’un exemple parmi d’autres.

D’autre part, la seconde difficulté consiste à mieux comprendre la jurisprudence Banco Primus et ces critères précités. Les quatre critères dégagés dans cet arrêt sont-ils cumulatifs ou alternatifs ? Il s’agit d’une vraie question de méthodologie pour que le juge national puisse vérifier dans les clauses de déchéance du terme si une difficulté supplémentaire vient interférer et rendre la clause abusive. Un critère pourrait être plus important qu’un autre si ceux-ci sont simplement alternatifs. C’est ici que l’on peut raisonner factuellement sur la gravité de l’inexécution, à savoir seulement deux échéances avant la déchéance du terme par l’établissement bancaire sans mise en demeure préalable. Le critère de gravité pourrait donc être étayé.

Aux réponses qu’apportera la Cour de justice viendront se poser de nouvelles interrogations eu égard à l’introduction en droit commun des contrats du déséquilibre significatif à travers l’article 1171 nouveau du code civil (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 385, nos 440 s.). Il faudra alors composer probablement avec une double partition, celle du droit commun et celle du droit spécial, c’est-à-dire le droit de la consommation. Voici donc bien des choses à suivre en perspective : d’une part, la réponse donnée à ce renvoi préjudiciel et, d’autre part, ses effets possibles sur la jurisprudence en droit commun des contrats.

(Original publié par chelaine)

Pratiques des prix catalogues (avis n° 21-4). La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été interrogée par un professionnel sur la légalité de la pratique qui consiste, pour un fournisseur, à distribuer à des revendeurs des catalogues mentionnant des tarifs à destination des clients finaux. Pour la CEPC, tout d’abord, la pratique consistant pour un fournisseur à imposer à ses distributeurs des prix de revente est en principe illicite en vertu du droit des pratiques anticoncurrentielles et des pratiques restrictives de concurrence.

La pratique consistant pour un fournisseur à diffuser des catalogues ou tout autre document publicitaire, et ce, quel qu’en soit le support, auprès des clients indiquant un prix de revente peut toutefois être reconnue comme étant licite dans les...

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(Original publié par Delpech)

Chose peu courante, cet arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2021 porte sur le droit fiscal de la Nouvelle-Calédonie, lequel présente certaines particularités par rapport au droit fiscal continental. Sur le plan des sources, il a pour siège le code des impôts de Nouvelle-Calédonie. C’est de fiscalité immobilière dont il est ici question. Les faits sont les suivants. Par actes du 20 novembre 2007, la société René Coty a acquis deux terrains en se plaçant sous le régime de faveur des marchands de biens, promoteurs et lotisseurs, prévu aux articles Lp 276 à Lp 280 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie (Lp signifie « lois du pays »). Pour bénéficier d’un taux d’imposition aux droits d’enregistrement proportionnels réduit à 1 % prévu par l’article Lp 279, elle s’est engagée à revendre les biens dans un délai maximal de quatre ans (la règle diffère légèrement de celle prévue par le droit continental, qui prévoit que le marchand de biens est exonéré de droits d’enregistrement, s’acquittant seulement d’une taxe de publicité foncière au taux réduit de 0,715 %, s’il prend l’engagement de revendre le bien dans un délai de cinq ans à compter de la date d’acquisition ; v. CGI, art. 1115). Par acte authentique du 2 mars 2010, elle a fait établir un état descriptif de division des deux lots en trois lots-volume de construction à usage d’habitation et d’emplacement de stationnement, et a ensuite cédé deux de ces...

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(Original publié par Delpech)

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, ont signé, le 1er juin dernier, un plan d’action destiné à accompagner les entreprises dans la sortie de crise dont le contenu a été explicité dans un communiqué de presse (Sortie de crise : les aides pour les entreprises en situation de fragilité). Il est rappelé à cette occasion que depuis, mars 2020, près de 700 000 entreprises ont bénéficié de plus de 135 milliards d’euros de prêt garanti par l’État (PGE). Quant au fonds de solidarité, il a soutenu plus de 2 millions d’entreprises pour près de 28 milliards d’euros. L’administration fiscale a, pour sa part, répondu favorablement à 95 % des demandes de report d’échéances, les URSSAF ayant suivi le pas en accordant des exonérations et des reports dans des conditions inédites.

Il semble que les indicateurs économiques soient actuellement positifs et permettent d’envisager un retour satisfaisant à la croissance. L’État a signé un partenariat avec un certain nombre d’organismes pour accompagner cette reprise et notamment la Fédération bancaire française, l’URSSAF, le médiateur du crédit, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, l’ordre des experts-comptables, le Conseil national des barreaux, les greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires aux comptes, les chambres de commerce, les Centres d’information sur la prévention des entreprises en difficulté, ou encore les associations pour le retournement.

Mise en place de nouveaux outils

En premier lieu, un Comité national de sortie de crise est institué avec les parties associées, l’État désignant le conseiller national qui le dirige (il s’agit de Gérard Pfauwadel). Localement, le préfet réunit les représentants locaux des parties signataires et ses travaux sont relayés au niveau de la région. L’objectif est de détecter les fragilités financières pour faciliter la prévention. Ces parties s’engagent à mobiliser leurs expertises pour fournir un diagnostic précis et opérationnel aux chefs d’entreprise dès le second semestre 2021.

Les services de l’État mettent en commun leurs compétences pour détecter les entreprises qui présentent des fragilités potentielles, l’ancien dispositif des « signaux faibles » ayant montré ses limites du fait de la crise. Un nouveau modèle a donc été mis en place en partenariat avec la Direction générale des entreprises, la Banque de France, l’URSSAF et la Délégation générale à l’emploi. Ce modèle est fusionné avec celui de la Direction générale des finances publiques.

Une meilleure coordination va donc être possible pour collecter et réunir ces signaux pour favoriser un diagnostic. C’est ce qui avait été souhaité par le rapport Richelme remis en février 2021 à ces ministres, notamment. Les experts-comptables et les administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires se sont engagés à proposer, sans surcoût, un diagnostic de sortie de crise simple et rapide d’ici la fin de l’année 2021. Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables va mettre en place une plateforme en ligne pour ceux qui n’ont pas d’expert-comptable.

Les commissaires aux comptes s’associent à ce diagnostic gratuit et les établissements bancaires doivent proposer un rendez-vous de sortie de crise. Les chambres de commerce et les chambres de métier de l’artisanat mobiliseront aussi leurs moyens à cet effet, ainsi que les greffiers des tribunaux de commerce.

Les avocats vont, quant à eux, élaborer une liste des points de vigilance pour réaliser un audit contractuel de l’entreprise ainsi qu’une analyse juridique. L’objectif est de choisir le meilleur dispositif pour les entreprises fragiles et l’État et l’URSSAF ont proposé un numéro téléphonique unique (le 0 806 000 245).

Le conseiller départemental de sortie de crise va être un point de contact privilégié pour orienter les entreprises fragiles dans un cadre confidentiel, notamment vis-à-vis du secret des affaires et du secret fiscal.

En outre, une boîte à outils financière est mise à disposition des entreprises par la prolongation des PGE et de la garantie sur le financement de commandes jusqu’à la fin de l’année 2021. Le médiateur du crédit continuera à intervenir pour faciliter l’accès aux PGE. Il faudrait à cet égard permettre l’allongement de la durée des PGE pour faciliter la restructuration durable d’entreprises ayant un réel potentiel de redressement. La rigidité de la durée de quatre ans constitue en effet un frein dans les négociations bancaires à l’encontre d’un traitement uniforme de ces créances.

L’État va relever le plafond des garanties sur les cautions, les prêts de financement à l’export pour les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 milliard d’euros (seuil de 90 % et 70 % pour les autres). En outre, l’État peut proposer un soutien financier adapté aux besoins des entreprises en maintenant jusqu’à la fin de l’année 2021 la possibilité de se voir accorder des prêts participatifs exceptionnels couvrant les besoins en investissements et en fonds de roulement des entreprises d’une durée de sept ans avec un maximum de 100 000 €.

Les PME et les entreprises de taille intermédiaire peuvent, quant à elle, solliciter une avance remboursable ou un prêt bonifié d’une durée de dix ans maximum avec trois ans de franchise et un montant pouvant aller jusqu’à 800 000 € dans la limite de 25 % du chiffre d’affaires 2019.

Pour les entreprises de taille significative, un fonds de transition est créé, qui est doté de 3 milliards d’euros, le ministère de l’Économie instruisant les demandes de financement.

Les plans d’apurement de dettes sociales et fiscales concernent, pour les entreprises de moins de 250 salariés, une durée adaptée à l’importance de la dette avec des mensualités progressives et pour les entreprises de plus de 250 salariés, un contact individuel pour établir des plans d’apurement individualisés. Pour les dettes fiscales, il est possible d’obtenir des délais de trente-six mois pour les PME redevables d’impositions exigibles entre le 1er mars et le 31 décembre 2020. La Commission des chefs de services financiers (CCSF) peut en outre accorder des plans de règlement globaux exceptionnellement jusqu’à quarante-huit mois.

Amélioration des procédures existantes et création de nouvelles procédures

Les procédures préventives sont encouragées par une information plus précoce du tribunal par les commissaires aux comptes avec la création d’un mandat ad hoc de sortie de crise pour les entreprises employant au plus dix salariés avec une durée de trois mois et un coût plafonné à 1 500 € HT pour les entreprises de moins de cinq salariés et 3 000 € HT pour les entreprises de cinq à dix salariés.

Il est également prévu de renforcer l’attractivité des procédures de conciliations en pérennisant la possibilité de demander la suspension de l’exigibilité des créances avant toute mise en demeure ou poursuite. L’État va proposer de renforcer la protection de la caution en conciliation pour qu’elle bénéficie des mesures octroyées aux débiteurs, en application de l’article 1343-5 du code civil.

Une procédure collective simplifiée pour les petites entreprises est en outre prévue pendant une durée de deux ans pour permettre une restructuration de dettes. Cette procédure sera applicable pour des entreprises se situant en dessous de certains seuils qui seront fixés par décret. La période d’observation sera limitée à trois mois débouchant sur un plan de continuation avec un échelonnement du passif sur plusieurs années sans cession de l’entreprise, cette procédure bénéficiant à la caution (v. à cet égard l’art. 13 de la loi n° 2021-689, 31 mai 2021, JO 1er juin ; K. Lemercier et F. Mercier, Entreprises en difficulté : instauration temporaire d’une procédure judiciaire de traitement de sortie de crise, Dalloz actualité, 7 juin 2021).

Pour les débiteurs dont la situation est irrémédiablement compromise, une ordonnance va être prise pour faciliter le rebond. Les conditions de la procédure de rétablissement professionnel seront allégées avec une élévation du seuil actuellement prévu. Une clôture accélérée sera possible dans un délai compris entre six mois et un an selon la taille de l’entreprise.

Des dispositifs bienvenus

La mobilisation des partenaires de cet accord permettra de mieux faire connaître ces dispositifs avec un engagement de transparence sur les frais et honoraires pratiqués. Un bilan de la mise en œuvre sera établi au plus tard à la fin de l’année 2021.

Ainsi, des solutions sont proposées alors même que la crise a vu croître l’endettement des entreprises françaises dans des proportions importantes, la dette financière brute ayant augmenté de 230 milliards d’euros. Cependant, la trésorerie de ces entreprises a augmenté de 217 milliards d’euros. L’idée de mieux faire connaître les dispositifs et surtout d’orienter les chefs d’entreprise permettra de mieux trouver des solutions adaptées, l’interlocuteur étant la médiation des entreprises en cas de différends avec un client ou un fournisseur, la médiation du crédit pour la recherche de financements, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire pour le traitement des difficultés par la prévention ou la procédure collective.

Ces dispositifs sont largement bienvenus et ils permettent d’augurer une sortie de crise qui fera le moins de « casse » possible. Les professionnels de l’entreprise en difficulté ont constaté l’efficacité des mesures prises par le gouvernement qui ont permis d’éviter un bond en avant des procédures collectives grâce à une aide soutenue et sélective. C’est à ce prix que notre tissu économique sera préservé et il importe que tous les acteurs concernés puissent y concourir.

(Original publié par Bley)

L’intérêt de cette décision, non destinée aux honneurs de la publication, réside essentiellement dans le positionnement de la Cour de cassation sur le terrain de la validité d’une clause de non-sollicitation. Rappelons à cet égard qu’une clause de non-sollicitation se distingue d’une clause de non-concurrence car elle n’est pas conclue entre une entreprise et ceux qu’elle emploie mais entre des entreprises concurrentes qui s’engagent à ne pas solliciter leurs personnels respectifs. L’objectif est d’éviter une dérive déloyale de clientèle et de garantir une protection du savoir-faire de chaque entreprise. Cette clause de non-sollicitation est moins contraignante que la clause de non-concurrence mais elle induit également des atteintes aux libertés de travail et d’établissement du personnel, tiers à la convention. Sa validité suppose en conséquence un examen de proportionnalité, auquel les juges du fond doivent se livrer scrupuleusement.

En l’espèce, deux sociétés, les sociétés S. et E., aux dirigeant et siège social identiques, exercent une activité de commercialisation de fournitures bureautiques et éducatives. Elles ont accepté de respecter une charte de coopération avec d’autres distributeurs du secteur qui comprend la clause discutée en l’espèce. Cette dernière stipule que tout membre du groupement « s’engage, sauf accord explicite dérogatoire entre les parties concernées, à n’embaucher, directement, indirectement ou par personne interposée, aucun commercial, quel que soit ou...

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Auteur d'origine: cspinat

Et si « Ma tante » se muait en banque commerciale animée par le seul appât du gain ? La question mérite d’être posée s’agissant d’une caisse de crédit municipal du sud de la France. Celle-ci s’est vu infliger le 3 juin dernier par la Commission des sanctions du régulateur du système bancaire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), un blâme ainsi qu’une sanction pécuniaire de 120 000 €, conformément à l’article L. 612-39 du code monétaire et financier. L’ACPR peut en pratique avoir la main lourde, le texte précité prévoyant d’ailleurs que le montant maximal des sanctions qu’elle peut prononcer s’élève à 100 millions d’euros ou à 10 % du chiffre d’affaires annuel net de l’entité. Statistiquement, ce sont les infractions à la législation anti-blanchiment qui suscitent les sanctions les plus nombreuses (v. par ex., Décis n° 2020-02 du 24 févr. 2021, condamnation de la banque ING France à un blâme et une sanction pécuniaire de 3 millions d’euros en raison de l’insuffisance de ses mesures de lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme). Cela étant, ce n’est pas la première fois qu’une caisse de crédit municipal – dont l’originalité réside dans son double statut, à la fois d’établissement de crédit (dit « spécialisé ») et d’établissement public communal de crédit et d’aide sociale (C. mon. fin., art. L. 514-1, I) – est sanctionnée par le régulateur pour manquement à la réglementation bancaire (v. Décis. n° 2010-01 du 10...

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Auteur d'origine: Delpech

En janvier dernier, le ministère de la Justice lançait une consultation publique visant à recueillir des propositions sur l’évolution du droit français relatif à la protection des lanceurs d’alerte, dans le cadre de la transposition de la directive européenne à venir*. Les résultats viennent d’être publiés sous forme de synthèse. Que peut-on en retenir ?

Précarité et solitude du lanceur d’alerte

Parmi les améliorations suggérées, les participants ont plaidé pour le renforcement de la protection du lanceur d’alerte. Ils sont ainsi majoritairement favorables à ce que le lanceur d’alerte obtienne un soutien financier (73,4 %) et une assistance psychologique (78 %).

Ces aides permettraient de pallier aux difficultés inhérentes au statut de lanceur...

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Auteur d'origine: Thill

La décision du Conseil d’État, rendue le 27 mai 2021, présente trois intérêts principaux.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’indique l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, le Conseil d’État juge le décret régulier bien qu’un délai se soit écoulé entre la publication du décret et celle de l’avis de la CNIL.

Ensuite, pour déterminer quelles règles sont applicables en cas de traitement de données sensibles, le Conseil d’État doit au préalable se pencher sur la question de l’articulation entre le RGPD et la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, dite « Police-Justice ». Le premier de ces textes s’applique largement quand le second s’intéresse uniquement aux traitements...

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(Original publié par Thill)

Le 4 juillet 2013, une société a déposé une déclaration d’importation accompagnée d’un certificat d’origine lui permettant de bénéficier d’un taux de droits de douane préférentiel de 0 %.

Un contrôle effectué a posteriori par les autorités douanières a permis de déterminer que ce certificat était faux.

Dès lors, conformément à la procédure du droit d’être entendu prévue par les articles 22 et 29 du code des douanes de l’Union (CDU) avant la prise d’une décision faisant grief à l’opérateur, l’autorité douanière a, par courrier du 1er juin 2016, informé la société que cette irrégularité entraînait la naissance d’une dette douanière qu’elle envisageait de recouvrer et lui a accordé un délai de trente jours pour exprimer son point de vue.

Aux termes de l’article 103, § 3, sous b) du CDU, le délai de prescription de la dette est suspendu à compter de cette notification jusqu’à la fin du délai imparti à l’opérateur pour répondre.

Le 18 juillet 2016, la dette a été notifiée à la société au moyen d’un avis de paiement.

L’estimant prescrite au moment de cette notification, puisque née sous l’empire du code des douanes communautaire qui ne prévoyait ni...

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(Original publié par Thill)

L’article L. 624-3-1 du code de commerce prévoit que les décisions d’admission ou de rejet des créances ou d’incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal. Le texte poursuit et indique que toute personne intéressée, à l’exclusion des parties, peut former une réclamation devant le juge-commissaire. La notion de personne intéressée vise les tiers à l’instance d’admission de la créance. Par exemple, un créancier autre que le déclarant peut être qualifié comme tel à condition de se prévaloir d’un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers, ce confirme l’arrêt ici rapporté.

Le 14 novembre 2016, une société civile immobilière (SCI) est placée en liquidation judiciaire. Un créancier hypothécaire, dont la créance n’a pas été contestée, est admis au passif. Deux autres créanciers, également admis à titre privilégié, ont formé une réclamation à l’état des créances afin de contester le caractère privilégié du créancier hypothécaire.

Cette requête en contestation de créance est déclarée recevable par la cour d’appel de Papeete et le créancier hypothécaire forme un pourvoi en cassation.

Pour le demandeur, n’ayant pas la qualité de personne intéressée au sens de l’article 69 de la délibération n° 90-36 AT du 15 février 1990, applicable en Polynésie française, un créancier ne peut être recevable à former une réclamation contre une décision du juge-commissaire portée sur l’état des créances qu’à la...

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(Original publié par bferrari)

Celui qui reçoit quitus ne peut pas se retirer en toute quiétude de sa gérance. La solution est de droit, peu importent les faits.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rapporté, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois que le quitus donné par l’assemblée des associés n’a pas d’effet libératoire au profit du gérant pour les fautes qu’il a commises dans sa gestion.

Faits et procédure

Une société civile immobilière avait assigné son ancien gérant en réparation de ses préjudices, invoquant des fautes commises dans sa gestion. La cour d’appel de Bastia a condamné le gérant à verser la somme de 120 000 € en réparation du préjudice financier. Naturellement, le gérant a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Il argue de ce que l’assemblée des associés lui a donné quitus en « pleine connaissance » des actes de vente qui lui ont été ensuite reprochés au titre des fautes de gestion. Il considère que les actes ont été ainsi « ratifiés » puisque les associés ont pu prendre connaissance des modalités de vente (numéros de lots vendus ainsi que grille tarifaire des prix de vente) avant d’autoriser les ventes. Dès lors, il considère que sa responsabilité ne peut plus être recherchée.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur la question classique de la valeur libératoire de responsabilité du quitus donné par l’assemblée des associés.

La Haute Cour rejette le pourvoi et rappelle que la cour d’appel a justifié légalement sa décision. En effet, en application de l’article 1843-5, alinéa 3, du code civil, aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour les fautes commises dans l’accomplissement de leur mandat. Elle précise que la cour d’appel n’avait pas à rechercher si les associés avaient été spécialement informés. Elle conclut donc que le quitus donné par l’assemblée des...

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(Original publié par Rouquet)

Le décret n° 2021-757 du 11 juin 2021 est le texte d’application du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

En vigueur le 1er juillet 2021, il insère dans le code du tourisme les articles R. 324-1-4 à R. 324-1-7 et enrichit le code de l’urbanisme d’un article R. 425-32.

Issu de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, l’article L. 324-1-1-IV bis du code du tourisme indique que sur le territoire des communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement des meublés touristiques, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en...

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(Original publié par Rouquet)
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Ni tout à fait similaire ni tout à fait différente d’une procédure de liquidation judiciaire, la liquidation judiciaire simplifiée s’est installée depuis 2005 dans le paysage du droit des entreprises en difficulté dans le but d’accélérer la clôture de procédures ouvertes à l’encontre de débiteurs ne possédant que peu d’actifs. Depuis, la liquidation judiciaire simplifiée a fait l’objet de nombreuses retouches chaque fois que l’occasion législative s’est présentée.

Par exemple, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite « loi PACTE », a marqué une étape importante dans la construction du régime de cette procédure « accélérée ». S’il existait auparavant un régime simplifié facultatif, désormais, pour les procédures ouvertes à compter du 23 mai 2019, lorsque le débiteur emploie un nombre de salariés inférieur ou égal à cinq, réalise un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 750 000 € et ne possède pas d’actif immobilier, l’application du régime de la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire (C. com., art. L. 641-2). L’arrêt ici rapporté est rendu en application du régime en vigueur sous l’empire de cette loi.

En l’espèce, un débiteur personne physique a été assigné en redressement judiciaire et, subsidiairement, en liquidation judiciaire par un créancier. Le débiteur interjette appel et les juges du fond annulent le jugement d’ouverture de la liquidation, mais procèdent à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée en constatant que le chiffre d’affaires du débiteur était inférieur à 300 000 € et qu’il n’employait pas de salarié. Soutenant qu’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne peut être ouverte à l’encontre d’une personne propriétaire d’un bien immobilier, le débiteur se pourvoit en cassation. Las, le moyen invoqué, en ce qu’il fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que la liquidation judiciaire sera ouverte selon les modalités du régime simplifié, n’est pas recevable.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle énonce que le juge du tribunal qui ouvre ou prononce lui-même la liquidation judiciaire simplifiée ou la décision de son président qui, après rapport du liquidateur, applique à la liquidation, déjà ouverte ou prononcée, les règles de la liquidation simplifiée peuvent être modifiées à tout moment (C. com. art. L. 644-6). Aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 644-1 du code de commerce, ce jugement ou cette décision constituent des mesures d’administration judiciaire non susceptibles de recours.

Une décision ancrée, mais critiquable

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, la solution ne surprend guère. En effet, la Haute juridiction a déjà eu l’occasion de juger que la décision décidant d’appliquer à la procédure les règles de la liquidation judiciaire simplifiée était une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours (Com. 4 mars 2008, n° 07-10.033, Bull. civ. IV, n° 51 ; D. 2008. 847, obs. A. Lienhard ; ibid. 1231, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon ; RTD com. 2008. 631, obs. J.-L. Vallens ).

La qualification d’une telle décision en une mesure d’administration judiciaire s’explique théoriquement par le fait qu’elle ne préjudicie ni aux droits des tiers ni à ceux du débiteur pour qui, au contraire, la liquidation judiciaire simplifiée ne présenterait que des avantages (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021-2022, n° 565.251).

D’une façon générale, une mesure d’administration judiciaire peut être définie comme « une mesure d’ordre interne et de nature plus ou moins administrative que prennent les juges en vue d’assurer le fonctionnement du service de la justice et, spécialement, le bon déroulement des instances civiles » (A. Perdriau, Les mesures d’administration judiciaire au regard du juge de cassation, Gaz. Pal. 7 mars 2002, n° 66, p. 2).

Or, il n’est pas certain que la décision décidant de l’application du régime simplifié réponde parfaitement à cette définition, car si dans la pureté des concepts une mesure d’administration judiciaire ne doit pas affecter les droits des parties, force est de constater que tel n’est pas le cas de la décision d’appliquer le régime simplifié de la liquidation judiciaire (M. Cabrillac, note ss. Com. 4 mars 2008, n° 07-10.033, Bull. civ. IV, n° 51 ; JCP E 2008. 2062, n° 8).

Pour résumer, la liquidation judiciaire simplifiée implique des modalités particulières de réalisation des actifs du débiteur, lesquels seront cédés sans contrôle judiciaire (F. Pérochon, À propos de la réforme de la liquidation judiciaire par l’ordonnance du 18 décembre 2008, Gaz. Pal. 10 mars 2009, n° 69, p. 3), un processus de vérification des créances allégé et un mécanisme de distribution spécifique des deniers provenant de la vente des actifs mobiliers.

Au demeurant, la lettre de l’article R. 644-1 du code de commerce – en ce qu’elle qualifie la décision optant pour la liquidation judiciaire simplifiée en une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours – est critiquable, car si l’on force le trait, ceci pourrait in fine inciter les juges à passer outre la présence d’un immeuble (comme en l’espèce), à ignorer l’effectif salarié du débiteur ou encore à omettre de vérifier le chiffre d’affaires de l’entrepreneur pour procéder à l’ouverture d’une liquidation en régime simplifié.

À n’en pas douter, une telle décision constituerait un excès de pouvoir dans la mise en œuvre d’une mesure d’administration judiciaire et pour lequel, malheureusement, la Cour de cassation refusait, par principe, l’exercice d’un recours nullité (Com. 12 juill. 2011, n° 09-71.764, Bull. civ. IV, n° 120 ; D. 2011. 1966, obs. A. Lienhard ).

Certes, dans ces hypothèses, les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme pourraient être salvatrices en ce qu’elles permettraient de reconnaître un droit de critique sur cette mesure d’administration judiciaire sur le fondement, par exemple, de la violation du droit à l’accès au juge de l’article 6, § 1, de la Conv. EDH (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1156). Après tout, le procédé a déjà été employé pour permettre à un associé de société civile de former tierce opposition à l’encontre du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la personne morale au sein de laquelle il exerce ses fonctions (Com. 19 déc. 2006, n° 05-14.816, Bull. civ. IV, n° 254 ; D. 2007. 1321, obs. A. Lienhard , note I. Orsini ; Rev. sociétés 2007. 401, note T. Bonneau ).

Las, la qualification de mesure d’administration judiciaire, du moins lorsqu’elle concerne l’application de la liquidation judiciaire simplifiée, semble couvrir l’excès de pouvoir du juge. Or, si l’arrêt ici rapporté est indiscutable du point de vue des textes, notamment au regard de la lettre de l’article R. 644-1 du code de commerce, une interprétation plus audacieuse était permise à l’aune des dernières évolutions législatives et jurisprudentielles intéressant la matière.

Une discussion renouvelée par les dernières évolutions législatives et jurisprudentielles

L’histoire de la liquidation judiciaire simplifiée est éclairante. L’arrêt précité du 4 mars 2008 a été rendu à une époque où la liquidation judiciaire simplifiée ne pouvait qu’être facultative. Or, l’arrêt sous commentaire a été rendu sous l’empire de la loi PACTE du 22 mai 2019 ayant rendu la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire lorsque le débiteur en remplit les critères. À cet égard, selon certains auteurs, ladite procédure ne serait plus une simple déclinaison de la liquidation judiciaire de droit commun, mais aurait gagné une certaine autonomie (C. Saint-Alary-Houin, M.-H. Monsériè-Bon et C. Houin-Bressand, Droit des entreprises en difficulté, 12e éd., Domat, 2020, n° 1394, spéc. note n° 885).

En outre, l’émancipation de la liquidation judiciaire simplifiée par rapport à la liquidation de droit commun s’est encore renforcée par les dispositions de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 adaptant les règles du droit des entreprises en difficulté aux conséquences de l’épidémie de covid-19 (B. Ferrari, Liquidation judiciaire simplifiée et rétablissement professionnel après l’ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020, Gaz. Pal. 13 juill. 2020, n° 382u0, p. 84). L’article 6 de cette ordonnance rend la liquidation judiciaire simplifiée applicable à tout débiteur personne physique dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers en abandonnant la condition relative au chiffre d’affaires et cette disposition devrait prochainement être pérennisée par la transposition de la directive Insolvabilité prévue au 17 juillet 2021. Nous voyons par là que la décision d’ouvrir une liquidation judiciaire simplifiée ne correspond plus véritablement, ou en tous les cas, de moins en moins, à une mesure prise par les juges en vue d’assurer le bon fonctionnement du service de la justice. Il s’agit désormais d’un outil liquidatif spécialement conçu pour les débiteurs personnes physiques et dont le nombre d’ouvertures devrait dépasser celui des liquidations judiciaires de droit commun.

À tout le moins, et puisque le régime simplifié tend à se généraliser, la décision par laquelle elle est prononcée devrait pouvoir faire l’objet d’un recours.

Au demeurant, l’actualité jurisprudentielle y est favorable. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a reconnu la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir sur une décision de radiation du rôle – pourtant qualifiée comme une mesure d’administration judiciaire – sur le fondement de l’article 6, § 1, de la Conv. EDH (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-19.301, Bull. civ. II, à paraître ; D. 2020. 89 ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2020. 449, obs. P. Théry  ; JCP 2020. 302, note R. Laher ; Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377x5, p. 51, note J. Théron).

En l’occurrence, la reconnaissance d’une voie de recours-nullité lorsque le débiteur se voit soumis à la procédure simplifiée, alors qu’il figure, comme en l’espèce, un immeuble à son actif, serait un minimum et constituait une voie qu’aurait pu explorer en l’espèce la Haute juridiction.

D’une façon plus audacieuse encore, deux solutions alternatives pourraient être envisagées : soit, reconnaître aux parties les mêmes voies de recours que celles ouvertes à l’encontre du jugement d’ouverture d’une liquidation judiciaire de droit commun (C. com., art. L. 661-1-I, 2°) ; soit, d’une façon plus particulière, envisager d’amender l’article R. 644-1 pour y adjoindre un recours spécifique ouvert aux parties affectées par le régime simplifié.

Brefs retours sur la condition tenant à l’absence d’actif immobilier

En dernier lieu, relevons que les juges d’appel justifiaient l’ouverture du régime simplifié, malgré la présence d’un bien immobilier, au motif que cet actif – objet d’une hypothèque – ne faisait pas partie de « l’actif disponible ». Cette justification est critiquable, puisqu’elle confond les conditions de qualification de l’état de cessation des paiements et celles de la réalisation des actifs impliquant des actifs faciles à réaliser dans un bref laps de temps.

Cela étant, l’arrêt ici rapporté a ceci d’intéressant qu’il interroge la pertinence de la condition tenant à l’absence de bien immobilier pour bénéficier de la liquidation judiciaire simplifiée. S’il est indéniable que l’application du régime simplifié suppose l’absence d’actifs immobiliers, notamment en raison de la temporalité qu’implique la réalisation de tels biens, un argument contraire peut être soutenu.

En réalité, le caractère insaisissable de certains des immeubles de l’entrepreneur individuel, dont sa résidence principale, que ce dernier ait procédé par déclaration notariée ou qu’il en bénéficie de droit (C. com., art. L. 526-1) plaiderait en faveur de l’ouverture d’une liquidation judiciaire simplifiée. Dans certains cas, ces biens sont exclus du gage commun de la procédure et il serait donc peu cohérent de refuser l’emploi du régime simplifié à l’entrepreneur propriétaire de sa résidence principale, dès lors que ce bien ne peut, de toute façon, pas être appréhendé dans la procédure.

Reste que les biens insaisissables du débiteur n’échapperont pas systématiquement à l’effet réel de la procédure et là est toute la difficulté !

D’abord, l’insaisissabilité n’est que relative. Par exemple, l’article 206, IV, de la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron », prévoit que l’insaisissabilité légale de la résidence principale n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur et après la publication de la loi. Or, tirant les conséquences de cette disposition, la Cour de cassation a jugé que lorsque l’ouverture d’une procédure collective est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi précitée, l’immeuble assurant la résidence principale du débiteur n’en demeure pas moins soumis à l’effet réel de la procédure collective. Ensuite, le liquidateur pourrait obtenir la renonciation du débiteur à l’insaisissabilité aux fins de réintégration du bien au sein du gage commun de la procédure. Enfin, l’insaisissabilité du bien sous déclaration notariée d’insaisissabilité pourrait également être contrariée par l’action du mandataire contestant sa régularité (Com. 15 nov. 2016, n° 14-26.287, Bull. civ. IV, n° 142 ; D. 2016. 2333, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2017. 177, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2017. 186, obs. A. Martin-Serf ).

Ces quelques éléments permettent de comprendre que l’instauration d’une règle excluant de façon systématique la condition tenant à l’absence de biens immobiliers est un pas que le législateur ne pouvait franchir tant le traitement des biens insaisissables dans le contexte d’une procédure collective peut varier d’une situation à l’autre.

En l’espèce, nous ignorons la situation du bien immobilier en question. S’il constitue la résidence principale du débiteur – au regard de la date d’ouverture de la procédure –, il peut être supposé que ce dernier soit insaisissable de plein droit en application de la loi du 6 août 2015 instituant une insaisissabilité légale de la résidence principale.

Si tel est le cas, en l’espèce, les critiques portant sur la décision d’appliquer le régime simplifié doivent être relativisées, car la situation de l’immeuble n’aura aucune incidence sur le déroulement de la procédure. Cela étant, cette gymnastique intellectuelle, au demeurant très incertaine, pourrait être évitée par la simple reconnaissance d’une voie de recours sur la décision d’application du régime simplifié et spécialement lorsque celle-ci constitue, selon toute vraisemblance, un excès de pouvoir du juge.

(Original publié par bferrari)

Le démarchage fait, encore aujourd’hui, l’objet d’une jurisprudence très fournie bien que le code de la consommation n’appréhende plus exactement cette notion de la même manière avec le recours à la qualification de contrats conclus hors établissement depuis la loi du 17 mars 2014 transposant la directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 621, n° 577). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 2021 est l’occasion de revenir sur la jurisprudence statuant sur les articles en vigueur pour les contrats conclus avant le 13 juin 2014, i.e. ceux sous l’empire de la dénomination « démarchage ». Le point de départ est bien souvent le même : des personnes se font démarcher à domicile pour que leur logement bénéficie de l’installation de panneaux photovoltaïques afin de produire leur électricité. Dans l’arrêt étudié, le contrat d’installation des panneaux et de l’onduleur livré avec datait du 14 avril 2014 ; le financement de ces travaux étant assuré par un emprunt auprès d’un établissement bancaire.

Toutefois, les acquéreurs reprochent un certain nombre d’irrégularités dans le bon de commande eu égard à l’imprécision du bordereau, d’une part, et à un défaut dans leur signature, d’autre part. Ils assignent ainsi le vendeur et la banque en nullité du contrat principal et du crédit affecté ; interdépendance des contrats oblige. Le tribunal d’instance d’Avranches annule les bons de commandes et le crédit affecté en raison d’un défaut dans la signature du contrat. La société venderesse des panneaux interjette appel. Mais devant le deuxième degré de juridiction, l’argumentation des époux acquéreurs change et ils se fondent désormais exclusivement sur l’imprécision du bon de commande notamment sur l’absence de prix unitaire de chaque élément installé. La cour d’appel de Caen refuse alors d’annuler le contrat car les éléments du bon de commande n’étaient pas susceptibles d’être critiqués et que le prix unitaire n’a pas nécessairement à être désigné selon la formulation de l’article L. 121-23 ancien du code de la consommation applicable au litige. Les acquéreurs se pourvoient en cassation en arguant à titre principal que le bon de...

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(Original publié par chelaine)

Les obligations réelles environnementales (ORE) ont été créées par l’article 72 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 (v. notre actualité, L’ambition mesurée de la loi biodiversité (2/3), 2 sept. 2016).

Un outil foncier novateur

Une ORE permet à des propriétaires immobiliers de conclure un contrat d’une durée maximale de 99 ans portant sur la mise en œuvre d’actions en faveur de la biodiversité avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement (V. en annexe du rapport deux ORE signées).

Le contrat ORE est attaché au bien immobilier. Il s’agit d’un outil volontaire et souple mis à disposition des acteurs en vue d’accompagner la mobilisation citoyenne en faveur de la biodiversité. En complément de la protection volontaire de la biodiversité (ORE à visée patrimoniale), les ORE peuvent être utilisées à des fins de compensation écologique.

Le contrat ORE n’est pas passible de droit d’enregistrement et ne donne pas lieu à la perception de la taxe de publicité foncière. Par ailleurs, les communes peuvent exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) les propriétaires ayant conclu un contrat ORE.

Un bilan partiel du fait d’une absence de...

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(Original publié par Thill)

par Yves Rouquetle 15 juin 2021

Décr. n° 2021-744, 9 juin 2021, art. 1er, JO 11 juin

L’article 1er du décret n° 2021-744 du 9 juin 2021 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code modifie...

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(Original publié par Rouquet)
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La société pharmaceutique Merial est détentrice de la marque verbale « Frontline » depuis 1994 pour désigner des « insecticides et produits anti parasitaires à usage vétérinaire ». Elle commercialise sous cette marque des produits antipuces et anti-tiques qui utilisent une substance active appelée « Fipronil ». Cette substance était protégée par un brevet expiré en 2009.

Lorsque le brevet couvrant le « Fipronil » est tombé dans le domaine public, la société Virbac a commencé à commercialiser une gamme de produits antiparasitaires vétérinaires à base de ce principe actif. Elle a aussi déposé en 2008 la marque française « Fiproline » pour désigner les « préparations vétérinaires, en particulier un antiparasitaire externe ».

Se plaignant que la marque « Fiproline » portait atteinte à ses droits antérieurs, la société Merial demandait l’annulation de la marque « Fiproline » et la condamnation de la société Virbac pour atteinte à sa marque renommée « Frontline ».

Cassation d’un arrêt sur renvoi

L’arrêt de la Cour de cassation rendu le 27 mai 2021 fait suite à une longue procédure judiciaire.

L’affaire a en effet déjà fait l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2018 (Com. 31 janv. 2018, n° 15-20.796, D. 2019. 453, obs. J.-P. Clavier et N. Martial-Braz ). Dans ce précédent arrêt, la Cour cassait la décision de la cour d’appel (Lyon, 13 mai 2015, n° 13/08055) en ce que celle-ci avait annulé la marque « Fiproline » pour défaut de distinctivité et en ce qu’elle avait donné raison à Merial sur l’atteinte à la marque renommée en se fondant sur une similitude dans le mode de conditionnement des produits plutôt que sur une comparaison des marques verbales elles-mêmes.

La cour d’appel de Lyon a donc rendu en 2019 un arrêt sur renvoi (Lyon, 12 mars 2019, n° 18/01394). Dans cet arrêt, la cour d’appel a notamment décidé que la marque « Fiproline » ne portait pas atteinte à la marque renommée de la société Merial et que la demande de cette société visant à obtenir...

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(Original publié par nmaximin)
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Le 4 juin 2021, la Commission européenne a adopté une décision d’exécution introduisant de nouvelles clauses contractuelles types pour le transfert de données à caractère personnel vers des pays tiers en vertu du Règlement général sur la protection des données (RGPD) (annexe de la décision d’exécution de la Commission).

Les transferts de données hors de l’Espace économique européen supposent la mise en place de garanties destinées à s’assurer que le haut niveau de protection des personnes physiques garanti par le RGPD ne soit pas compromis. Aussi, les transferts de données peuvent avoir lieu vers des pays bénéficiant d’une décision d’adéquation (tels que Canada, Japon, Israël, Suisse …) ou présenter des garanties appropriées, qui peuvent être matérialisées par des « clauses types de protection des données » (RGPD, art. 46, § 2, c)).

L’efficacité de l’utilisation des clauses contractuelles types, publiées en 2001 et 2010, en tant que mécanisme de transfert de données vers des pays tiers conforme au RGPD avait été remise en cause suite à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Schrems II (CJUE 16 juill. 2020, aff. C-311/18, D. 2020. 2432 , note C. Castets-Renard ; AJ contrat 2020. 436 , obs. T. Douville ; Dalloz IP/IT 2020. 640, obs. Brunessen Bertrand et J. Sirinelli ; Rev. crit. DIP 2020. 874, Eclairages A. d’Ornano ; RTD eur. 2021. 175, obs. Brunessen Bertrand ). La publication de nouvelles clauses types a pour objet...

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(Original publié par Thill)

Le CEPD vient d’adopter ses recommandations sur les bases légales de la conservation des données bancaires aux fins de faciliter des paiements ultérieurs. D’emblée, il invalide certaines bases légales visées à l’article 6 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), quand deux d’entre elles retiennent son attention.

Bases légales invalidées

Le CEPD exclut clairement quatre des six bases légales visées à l’article 6 du RGPD. Pour lui, le traitement des données de cartes de crédit en vue de faciliter une transaction future ne peut être fondé ni sur la nécessité de respecter une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis, ni sur la nécessité de sauvegarder des intérêts vitaux, ni sur la nécessité d’exécuter une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement.

Il exclut également...

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(Original publié par Thill)
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La divisibilité d’une clause permet de la sauver de l’éradication à laquelle elle était vouée en raison du caractère abusif de certains de ses termes. Tel est l’enseignement que nous livre la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juin 2021. En l’espèce, suivant acte notarié du 21 mars 2008, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs un prêt immobilier dont les conditions générales prévoyaient à l’article 14 que les sommes dues seraient de plein droit et immédiatement exigibles dans un certain nombre de cas et notamment en cas de retard de plus de trente jours dans le paiement d’une échéance en principal, intérêts et accessoires du prêt et que, pour s’en prévaloir, le prêteur en avertirait l’emprunteur par lettre simple. Par la suite, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation des commandements de payer aux fins de saisie-vente que celle-ci leur avait délivrés et invoqué le caractère abusif de cette clause au motif que celle-ci prévoit une vingtaine de causes de déchéances du terme dont certaines se rapportent à des causes extérieures au contrat (ce qui est effectivement abusif, v. d’ailleurs, en matière de crédit à la consommation, la récente recommandation n° 21-01 de la Commission des clauses abusives du 10 mai 2021. V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Regard sur la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 21-01 relative aux contrats de crédit à la consommation, JCP E, à paraître ; v. égal. S. Bernheim-Desvaux, 43 clauses abusives relevées dans les contrats de crédit à la consommation, CCC, juillet 2021, à paraître), étant observé, au surplus, qu’il n’est pas prévu de mise en demeure préalable. La cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 16 mai 2019, rejette cette demande, ce qui motiva un pourvoi en cassation de la part des emprunteurs, mais en vain. La Cour régulatrice, pour rejeter ce pourvoi, rappelle tout d’abord que « La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les articles 6 et 7 de la directive 93/13/CEE, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une clause de déchéance du terme d’un contrat de prêt jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance (CJUE 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria SA, aff. C-70/17, D. 2019. 636 ; ibid. 2020. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; Bankia SA, aff. C-179/17) » (pt 5). Interprétant cette jurisprudence a contrario, les hauts magistrats considèrent qu’ « Il en résulte que peut être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes sont abusives, dès lors qu’en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendent abusive n’affecte pas sa substance » (pt 6). Puis, il affirment qu’« Après avoir relevé que l’article 14 du contrat de prêt comportait des causes de déchéance du terme pouvant être déclarées abusives car étrangères à l’exécution de ce contrat, la cour d’appel a constaté qu’il prévoyait d’autres causes liées à l’exécution du contrat lui-même qui étaient valables » (pt 7). Ils en concluent que « De ces constatations et énonciations faisant ressortir la divisibilité des causes de déchéance du terme prévues à l’article 14, la cour d’appel a exactement déduit que le caractère non écrit de certaines de ces causes de déchéance n’excluait pas la mise en œuvre de celles valablement stipulées, dès lors que la suppression des éléments qui rendaient la clause litigieuse abusive n’affectait pas sa substance » (pt 8).

La solution est parfaitement justifiée au regard de la jurisprudence européenne que la Cour de cassation prend la peine de citer. Celle-ci répugne en effet à ce que le juge, sous prétexte de contrôler le caractère abusif d’une clause, opère en réalité une réfaction de celle-ci, pouvoir que ne lui octroie nullement la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (v. égal., CJUE 14 juin 2012, aff. C-618/10, D. 2012. 1607 ; ibid. 2013. 945, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD eur. 2012. 666, obs. C. Aubert de Vincelles : « L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre (…) qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause ». Comp. CJUE 30 avr. 2014, aff. C-26/13, D. 2014. 1038 ; RTD eur. 2014. 715, obs. C. Aubert de Vincelles ; ibid. 724, obs. C. Aubert de Vincelles : « L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif »). Le maintien d’une clause partiellement abusive n’est donc possible qu’à la condition que cela n’aboutisse pas à une dénaturation de cette clause qui confinerait à sa réfaction.

Au fond, la solution évoque, au niveau de la clause, la règle prévue par l’article L. 241-1 du Code de la consommation (reflétant au demeurant l’art. 6, § 1, de la dir. de 1993). Ce texte dispose en effet que « Les clauses abusives sont réputées non écrites. Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses. Les dispositions du présent article sont d’ordre public » (v. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., 2021, Dalloz, coll. « Cours », n° 113). La première chambre civile admet en fait la possibilité de transposer cette logique au sein même de chaque clause : la clause litigieuse reste ainsi applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives si elle peut subsister sans ces dispositions, ce qui n’est possible que si cette clause est divisible. En définitive, la divisibilité d’une clause permet d’éviter son éradication totale !

Pour conclure, l’on observera que cette solution pourrait d’ailleurs inspirer les juges qui auraient à se prononcer sur les conséquences de l’éradication d’une clause sur le fondement de l’article 1171 du code civil.

(Original publié par jdpellier)

Afin de faciliter les échanges en garantissant la sécurité et la confidentialité des procédures, l’Autorité de la concurrence vient de mettre en place une plateforme d’échanges sécurisés de documents électroniques, dénommée Hermès en référence au dieu grec du commerce. Cette plateforme, d’ores et déjà opérationnelle, peut être utilisée aussi bien en matière de procédure de contrôle des opérations de concentration ou que de procédure en matière de pratiques anticoncurrentielles devant l’Autorité de la concurrence. Elle est mise à disposition des parties, des avocats mais aussi des administrations (Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF], ministères ou autres autorités [par ex. les autorités de régulation sectorielles, de...

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(Original publié par Delpech)

par Nathalie Maximinle 10 juin 2021

Décis. n° 22, 1er juin 2021, JO 6 juin

La décision n° 22 du 1er juin 2021, publié au Journal officiel du 6 juin, de la Commission portant sur la rémunération pour copie privée de l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle modifie les barèmes existants et élargit le champ des supports soumis à redevance aux téléphones mobiles permettant d’écouter des phonogrammes ou de visionner des vidéogrammes ainsi qu’aux tablettes tactiles multimédias reconditionnés. Est visé l’appareil d’occasion au sens de l’article L. 321-1 du code de commerce qui fait « l’objet d’une mise en circulation après avoir subi des tests portant sur ses fonctionnalités afin...

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(Original publié par nmaximin)

Le dispositif de contrôle des flux d’argent liquide avec l’étranger, tel qu’il résulte du règlement (UE) 2018/1672 du 23 octobre 2018 applicable aux mouvements d’argent liquide entrant ou sortant du territoire de l’Union européenne, a été étendu aux flux circulant entre les États membres par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 qui l’a inscrit dans le code monétaire et financier pour une entrée en vigueur au 3 juin 2021. Ainsi, toute personne physique qui, pour elle‑même ou pour le compte d’un tiers, transporte sur elle, dans ses bagages ou dans ses moyens de transport, un montant d’argent liquide supérieur ou égal à 10 000 € en provenance d’un État étranger ou vers un tel État, doit en faire la déclaration auprès de l’administration des douanes (C. mon. fin., art. L. 152-1).

Le décret n° 2021-704 du 2 juin 2021, publié au Journal officiel du 3 juin, permet la mise en œuvre de ce dispositif.

Déclarations de transport d’argent par porteur : forme, délai et contenu

Dans sa version issue du décret du 2 juin 2021, l’article R. 152-6 du code monétaire et financier précise que les déclarations sont effectuées par écrit, sur support papier ou par voie électronique, par les porteurs de l’argent liquide, auprès de l’administration des douanes, au plus tard au moment de l’entrée ou de la sortie de l’Union européen ne ou du franchissement de la frontière avec un État...

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Le garde des Sceaux, ministre de la Justice vient de publier la circulaire visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale (Circ. crim. 2021-02/G3, 11 mai 2021, NOR : JUSD2114982C, réf : DP 2021/F/0048/FF3). La circulaire détaille les nouvelles dispositions législatives relatives au Parquet européen, à la justice pénale spécialisée et à la justice environnementale. Sur ce dernier point, le texte apporte des précisions sur la nouvelle Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) qui s’applique aux délits prévus par le code de l’environnement et aux infractions connexes, à...

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(Original publié par Thill)
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Une nouvelle fois, le droit fiscal se trouve confronté à la Convention européenne des droits de l’homme, dans le but, pour le contribuable, de tenter d’atténuer les effets produits par l’introduction d’une imposition nouvelle. Les faits de l’espèce méritent d’être connus. Un contribuable s’est acquitté, au titre de l’année 2012, de la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) instituée par l’article 4 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il s’agissait d’une imposition temporaire du patrimoine – applicable seulement en 2012 et qui concernait les seules personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (en d’autres termes, c’était une sorte de « complément d’ISF ») – dont la création a été décidée par le gouvernement Ayrault à la suite de l’élection de François Hollande. Pour mémoire, elle visait à appliquer les promesses de taxation des contribuables les plus aisés que le « candidat Hollande » avait annoncées lors de son fameux meeting du Bourget du 22 janvier 2012. Contestant la conformité de cette contribution avec les dispositions de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme – qui pose le principe de non-confiscation des biens, et appliqué à la matière fiscale, la prohibition du caractère confiscatoire de l’impôt – en raison de son caractère rétroactif et de l’absence de tout dispositif de plafonnement, il en a demandé le remboursement. Après rejet de sa réclamation, il a assigné l’administration fiscale pour demander l’annulation de cette décision et la restitution de l’impôt acquitté. On ignore ce que les premiers juges ont décidé. En revanche, l’on sait qu’au stade de l’appel, la cour d’appel de Versailles a rejeté sa demande. Ce rejet est lui-même (définitivement ?… sauf hypothèse d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme) confirmé par la Cour de cassation, qui éconduit le pourvoi du contribuable.

1. La haute juridiction se prononce tout d’abord sur le grief de rétroactivité de la CEF dans un sens qui, au-delà de cet impôt particulier, devrait ravir tant le législateur que l’administration fiscale. Le contribuable avait considéré, dans son pourvoi, que l’instauration en cours d’année de la contribution exceptionnelle sur la fortune avait porté atteinte, sans motif d’intérêt général suffisant, à l’espérance légitime des contribuables ayant acquitté l’ISF. L’argument avancé n’était pas sans pertinence, dès lors que la Cour de cassation a déjà jugé au visa de l’article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme que l’existence d’une espérance légitime peut conduire à écarter l’application rétroactive d’une loi (v. par ex. Soc. 24 nov. 2010, n° 08-44.181, Dalloz actualité, 8 déc. 2010, obs. L. Perrin ; D. 2010. 2914, obs. L. Perrin ; Dr. soc. 2011. 155, note Walter Jean-Baptiste ; RDT 2011. 257, obs. P. Flores ). La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est également en ce sens (CEDH 7 févr. 2013, n° 16574/08, Dalloz actualité, 15 févr. 2013, obs. I. Gallmeister ; AJDA 2013. 1794, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 434, obs. I. Gallmeister ; ibid. 1436, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2013. 189, obs. N. Levillain ; RTD civ. 2013. 333, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 358, obs. J. Hauser ). Le Conseil constitutionnel, au nom du principe de sécurité juridique, le caractère rétroactif de la loi fiscale (Cons. const. 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, AJDA 2014. 649, tribune B. Delaunay ; D. 2014. 1516, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; Constitutions 2014. 87, chron. X. Bioy ). En l’occurrence, le contribuable ne parvient pas à convaincre la Cour de cassation. Cette dernière affirme à cet égard que « l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’interdit pas, en tant que telle, l’application rétroactive d’une loi fiscale. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012, qui instaure la CEF, est intervenue au cours de l’exercice au titre duquel cet impôt est dû. Si une telle mesure est, au sens de la Convention, rétroactive en ce que la CEF due au titre de l’année 2012 est établie en fonction de la valeur des biens et droits détenus au 1er janvier 2012, ce qui s’analyse, en droit interne, comme une mesure rétrospective dès lors que le fait générateur de l’imposition est la situation du contribuable à la date de l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative, elle ne présente toutefois aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal. En outre, l’acquittement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre de l’année 2012, par des contribuables auxquels l’allégement, issu de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de cet impôt, a été accordé sans contrepartie, n’a pu faire naître aucune attente légitime quant au fait qu’aucun supplément d’imposition sur le patrimoine ne serait décidé par le législateur pour cette même année ». La solution n’est en réalité en rien surprenante, dès lors que la haute juridiction a déjà jugé, notamment précisément à propos de la CEF, que « l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’interdit pas, en tant que telle, l’application rétroactive d’une loi fiscale » (Com. 27 juin 2019, n° 18-13.370).

2. La haute juridiction prend également position sur le fond du droit, précisément sur le point de savoir si la CEF présente ou non un caractère confiscatoire. Là encore, l’argument avancé par le contribuable, dans son pourvoi, n’avait rien de fantaisiste, d’autant que le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de censurer une disposition fiscale de nature législative car elle présentait un caractère confiscatoire (Cons. const. 29 déc. 1998, n° 98-405 DC, spéc. consid. 28, AJDA 1999. 84 ; ibid. 14, note J.-E. Schoettl ; D. 2000. 54 , obs. L. Philip ). Pour autant, dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation se prononce une nouvelle fois dans un sens défavorable aux intérêts du contribuable dont elle rejette le pourvoi. Pour la haute juridiction, en premier lieu, « c’est à bon droit que l’arrêt [d’appel] que le seul fait que le montant de la CEF dépasse le montant des revenus du contribuable ne suffit pas à établir le caractère confiscatoire de cet impôt, puisqu’à défaut, le niveau de taxation pourrait dépendre des choix de gestion des redevables, certains pouvant privilégier la détention de biens ne procurant pas de revenus imposables, et en déduit que doit également être pris en considération l’impact effectif de l’imposition sur la consistance même du patrimoine ». En d’autres termes, le principe de l’égalité devant l’impôt doit conduire le juge de l’impôt à faire abstraction, dans l’appréciation du caractère confiscatoire ou non de l’impôt, de l’origine et des composantes de la richesse du contribuable, laquelle peut résulter soit de son patrimoine, soit de ses revenus. Il importe simplement que l’imposition ne produise pas un « impact excessif » sur la consistance du patrimoine, élément qui doit s’apprécier in concreto – comme l’a déjà admis la Cour de cassation (Com. 7 juill. 2009, n° 08-16.762). C’est là la seconde étape du raisonnement.

En effet, en second lieu, la Cour de cassation énonce que « l’arrêt [d’appel] relève, par motifs propres et adoptés, que [le contribuable] indique s’être acquitté d’une CEF d’un montant de 5 854 531 €, après imputation de l’ISF d’un montant de 2 281 641€, qu’il a perçu au titre de l’année 2011 des revenus d’un montant de 11 735 739 € et que la valeur brute de son patrimoine s’élevait au 1er janvier 2012 à 630 487 023 €, de sorte que le montant de la contribution litigieuse payée représente environ 1,30 % de son patrimoine imposable. [Ce] dont il résulte que le paiement de la CEF n’avait pas constitué, pour [le contribuable], une charge excessive au regard de sa situation financière, [et que] la cour d’appel a pu écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

(Original publié par Delpech)
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Afin de percevoir la problématique soulevée par cet arrêt, il est nécessaire de revenir sur l’évolution de la position de la Cour de cassation en ce domaine depuis une quarantaine d’années.

L’évolution jurisprudentielle

Alors que l’arrêt Bisbal du 12 mai 1959 avait énoncé que « les règles françaises de conflit de lois, en tant du moins qu’elles prescrivent l’application d’une loi étrangère, n’ont pas un caractère d’ordre public, en ce qu’il appartient aux parties d’en réclamer l’application », la Cour de cassation a imposé, par deux arrêts de revirement des 11 et 18 octobre 1988, l’application d’office des règles de conflit de lois.

Par un arrêt du 4 décembre 1990, l’office du juge a ensuite été restreint : la règle de conflit n’est devenue applicable d’office qu’en présence d’une matière dans laquelle les parties n’avaient pas la libre disposition de leurs droits ou lorsqu’elle était issue d’une convention internationale.

Enfin, un arrêt du 26 mai 1999 a imposé une distinction fondée sur la seule nature des droits litigieux : le juge doit appliquer d’office la règle de conflit lorsque les droits litigieux sont indisponibles, alors que s’ils sont disponibles, il a une simple faculté de l’appliquer, à moins qu’il ne soit saisi d’une demande de mise en œuvre d’un droit étranger par une partie, auquel cas il lui incombe de rechercher la loi compétente (sur l’ensemble de cette évolution, v. Rép. internat., v° Loi étrangère : autorité de la règle de conflit de lois, par A. Frignati et H. Muir Watt, nos 19 s.).

Depuis cet arrêt du 26 mai 1999, la jurisprudence a connu une période de stabilité, le critère de la disponibilité ou de l’indisponibilité des droits litigieux étant désormais bien établi.

Toutefois, l’arrêt du 26 mai 2021 consacre une solution nouvelle.

L’affaire

En l’espèce, les juges du fond avaient retenu, dans une affaire qui opposait, notamment, des sociétés françaises et égyptiennes, que certaines de ces sociétés avaient commis, au regard du droit français, des actes de parasitisme et de concurrence déloyale en Égypte.

L’application du droit français était critiquée par le pourvoi, qui reprochait notamment à ces juges de ne pas avoir recherché si le droit égyptien était ou non applicable sur le fondement de l’article 6 du règlement Rome II n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.

Rappelons que cet article 6 dispose que « 1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être. 2. Lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable. […] 4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l’article 14 ».

Le pourvoi posait ainsi la question de l’étendue de l’office du juge à l’égard de cette règle de conflit de lois.

On aurait pu s’attendre à ce qu’elle soit résolue sur le fondement de la jurisprudence habituelle faisant varier cet office en fonction de la nature des droits litigieux. Dans ce cadre, le critère de l’indisponibilité des droits litigieux aurait sans doute dû être retenu.

Pourtant, l’arrêt du 26 mai 2021 ne retient pas cette approche et envisage la difficulté sous l’angle de l’origine européenne de l’article 6.

La problématique

Il est vrai que la question de l’incidence sur l’office du juge du caractère européen de la règle de conflit applicable retient l’attention de la doctrine depuis l’apparition, dans les années 2000, des règlements européens concernant le droit international privé.

En effet, les règlements contenant des règles de conflit de lois ne définissent pas l’office du juge national quant à l’application de ces règles et il est admis qu’il appartient à chaque État membre de déterminer cet office, ce qui peut conduire à des différences de perspectives selon le juge national saisi.

On s’est donc demandé si une règle de conflit de lois issue d’un règlement européen devrait, en tant que telle, être soumise à un régime spécifique (N. Reichling, Les principes directeurs du procès civil dans l’espace judiciaire européen, PUAM, 2020, nos 133 s. ; D. Solenik, La loi étrangère dans le contentieux judiciaire européen, thèse, Université de Lorraine, 2012, spéc. p. 391 s. ; M.-E. Buruiana, L’application de la loi étrangère en droit international privé, thèse, Université de Bordeaux, 2016, p. 218 s. ; L. Rass Masson, L’office du juge et l’origine européenne de la règle de conflit de lois, conférence à la Cour de cassation le 17 mai 2021, à paraître auprès de la Société de législation comparée).

L’arrêt du 26 mai 2021 fournit une réponse à ce débat jusqu’à présent purement doctrinal.

La solution retenue

Énoncé

Pour la première fois, cet arrêt énonce à ce sujet que, « […] si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu’il est interdit d’y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées.

Il s’agit là, en matière de règles de conflit, de la transposition, presque mot pour mot, d’un principe dégagé à propos de la responsabilité du fait des produits défectueux par un arrêt de la chambre mixte du 7 juillet 2017 (n° 15-25.651, Dalloz actualité, 18 juill. 2017, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2017. 1800, communiqué C. cass. , note M. Bacache ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2017. 829, obs. L. Usunier ; ibid. 872, obs. P. Jourdain ; ibid. 882, obs. P.-Y. Gautier ; RTD eur. 2018. 341, obs. A. Jeauneau  ; JCP 2017. 926, note C. Quézel-Ambrunaz ; Gaz. Pal. 10 oct. 2017. 30, note N. Blanc ; RCA 2017. 250, note L. Bloch ; RJDA 2017, n° 769 ; S. Grigon, Application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. Avis, RJDA 2017. 795).

En application de ce principe, l’arrêt du 26 mai 2021 casse la décision d’appel ayant fait application du droit français sans mettre en œuvre d’office les dispositions de l’article 6.

Fondement

Ce recours à la notion d’ordre public n’est pas totalement surprenant.

D’une part, de manière générale, le professeur Marc Fallon l’a promu, il y a plus de vingt-cinq ans, comme critère d’applicabilité des règles de droit international privé communautaires (L’expérience des conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré, Rec. cours Acad. La Haye, 1995, t. 253, p. 13, spéc. nos 139 et 140).

D’autre part, en ce qui concerne l’article 6 du règlement Rome II spécifiquement, le recours à la notion d’ordre public peut sans doute être expliqué par l’idée que l’article 6 concerne le droit de la concurrence, que les considérants nos 22 et 23 du préambule du règlement établissent un lien explicite entre ses dispositions et les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatifs au droit de la concurrence (D. Solenik, La loi étrangère dans le contentieux judiciaire européen, thèse, Université de Lorraine, 2012, n° 350, qui indique que l’article 6 est imprégné des objectifs du TFUE) et que la Cour de justice énonce depuis longtemps que le droit de la concurrence de l’Union doit être appliqué par le juge national même s’il n’a pas été invoqué par la partie qui avait intérêt à son application (par ex., v. CJCE 14 déc. 1995, aff. C-430/93, RTD eur. 1996. 747, chron. J.-B. Blaise et L. Idot ; Europe 1996, n° 56, obs. A. Rigaux et D. Simon ; ibid. Chron. 4, G. Canivet et J.-G. Huglo ; JDI 1995, spéc. 467 s., obs. D. Simon ; v. égal. art. 3 du règl. n° 1/2003, 16 déc. 2002).

La portée de l’arrêt

Le recours à cette notion d’ordre public pose toutefois la question de la portée de l’arrêt du 26 mai 2021 au regard de l’édifice jurisprudentiel actuel, qui fait jusqu’à présent dépendre l’étendue de l’office du juge de la nature – disponible ou indisponible – des droits litigieux.

Il faut désormais considérer que l’office du juge s’apprécie à un double niveau.

Les deux niveaux de l’office du juge

Le premier niveau concerne les règles de conflit de lois d’ordre public issues du droit de l’Union européenne : le juge doit les appliquer d’office, indépendamment de la distinction des droits disponibles et indisponibles. Des problèmes de qualification vont toutefois apparaître pour déterminer si une règle est ou non d’ordre public. L’arrêt retient certes que les règles de conflit de lois auxquelles les parties ne peuvent pas déroger sont d’ordre public. Cependant, cette indication n’épuisera pas le débat, notamment en présence d’une règle insérée dans un règlement qui ne préciserait pas expressément s’il est ou non possible d’y déroger.

Le second niveau concerne les autres règles de conflit, à savoir celles qui ne sont pas de source européenne et celles qui ont cette source mais qui ne sont pas d’ordre public. Le critère de la disponibilité/indisponibilité des droits litigieux devrait alors continuer à s’imposer.

Une jurisprudence fragilisée

À moins que l’arrêt du 26 mai 2021 ne soit que l’annonce d’une reconfiguration générale du régime procédural des règles de conflit de lois et à moins que le critère de l’ordre public n’ait par la suite vocation à être étendu à toutes ces règles, la solution retenue par cet arrêt du 26 mai 2021 met ainsi en cause, en partie, la jurisprudence actuelle, qui n’est certes pas parfaite mais qui a le mérite de la stabilité. Elle la fragilise en introduisant un critère tenant à la source européenne de la règle de conflit de lois, alors pourtant que la Cour de cassation a abandonné par l’arrêt du 26 mai 1999 le critère, pourtant proche, tenant à la source conventionnelle de la règle, et ce précisément car il était difficile de faire coexister un système de solution à double niveau.

Si on peut approuver le fait que les règles de conflit de lois édictées par le droit de l’Union européenne bénéficient d’une impérativité renforcée, il n’est pas en revanche certain que la voie utilisée par l’arrêt du 26 mai 2021 soit la plus simple et la plus opportune, alors qu’il aurait sans doute été possible d’arriver, en l’espèce, à une solution identique en qualifiant le droit de la concurrence de matière indisponible et en imposant, de ce fait, l’office du juge.

Si un sort particulier devait être réservé aux règles de conflit de lois de source européenne, seule une solution franche tenant à leur application d’office par principe serait, à notre sens, satisfaisante, sans référence à la notion d’ordre public ou à celle de disponibilité ou d’indisponibilité des droits litigieux. Ce serait alors le moyen d’assurer l’effectivité du droit international privé européen et l’égalité des parties dans sa mise en œuvre (sur ces considérations, à propos des règles de conflit de lois en général, v. notre ouvrage, La connaissance de la loi étrangère par les juges du fond, PUAM, 2002, p. 187 s.).

(Original publié par fmelin)

Le fonds de solidarité est un dispositif institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 à destination des petites entreprises particulièrement frappées par les conséquences sociales, économiques et financières de la crise sanitaire. Des conditions de base ont été fixées par le décret d’application (Décr. n° 2020-371 du 30 mars 2020). Pour rappel, ces conditions sont les suivantes : être une personne physique ou morale de droit privé, résidente fiscale française, exercer une activité économique et ne pas avoir été placée en liquidation judiciaire au 1er mars 2020. À ces conditions s’ajoutent celles prévues par les différents décrets successifs. 

Si le ministre de l’Économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire annonçait une dégressivité des aides à compter de juin, étendue sur trois mois, compte tenu de la réouverture progressive des commerces dès le 19 mai...

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(Original publié par ladmi)

Après plus d’un an de mesures d’adaptation au contexte de la crise sanitaire, le législateur poursuit la mise en place de nouvelles règles temporaires et dérogatoires en droit des entreprises en difficulté (v. not. Loi n° 2020-1525 du 7 déc. 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, JO 8 déc. ; sur cette loi, v. nos obs. Loi ASAP : prolongation des règles adaptant le droit des entreprises en difficulté à la covid-19, Dalloz actualité, 23 déc. 2020). L’objectif est toutefois différent des textes précédents puisqu’il ne s’agit plus de prévenir les difficultés causées par la crise sanitaire mais de les régler en instaurant une procédure judiciaire dite de « traitement de sortie de crise ». L’habilitation donnée par l’article 196 de la loi Pacte du 22 mai 2019 ne permettant pas au gouvernement de prendre une telle mesure par voie d’ordonnance, la nouvelle procédure est venue se loger, par voie d’amendement, dans le projet de loi. L’article 13 de la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (ci-après « la loi ») instaure cette procédure de « traitement de sortie de crise » qui s’applique à compter du 2 juin 2021 jusqu’aux « demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette même date ». La procédure est donc temporaire et contient diverses mesures dérogatoires au livre VI du code de commerce.

I - Les conditions spécifiques d’ouverture de la procédure

Une procédure à l’initiative exclusive du débiteur. L’initiative de la procédure de traitement de sortie de crise relève exclusivement du débiteur, personne physique ou morale. En cela, elle rejoint les modalités d’ouverture de la procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 620-1). La procédure est toutefois restreinte aux débiteurs qui ne dépasseront pas certains seuils précisés par décret en Conseil d’Etat, relatif au nombre de salariés et à un montant total de bilan. Enfin, les comptes du débiteur doivent apparaître « réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise » (Loi du 31 mai 2021, art. 13, I A). En conséquence, le débiteur dont les comptes ne peuvent pas permettre d’appréhender avec une grande certitude le passif devra être écarté de cette procédure. Il serait d’ailleurs cohérent que le débiteur transmette au tribunal, à l’appui de sa demande, une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, qui sont les professionnels du chiffre les plus aptes à déterminer de la régularité et de la sincérité des comptes.

Un débiteur en cessation des paiements. La procédure de traitement de sortie de crise exige que le débiteur soit en « cessation des paiements », sans autre précision. Une définition ou un renvoi à l’article L. 631-1 du code de commerce aurait été pertinent au regard de la spécificité de la procédure même si le renvoi est induit de l’application des dispositions relatives au redressement judiciaire (art. 13, III A). Dans ce cas, se pose la question de l’application de la deuxième phrase de l’alinéa 1er dudit article : « Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettant de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements ». Cette disposition ne semble en effet pas applicable à la présente procédure dans la mesure où le débiteur est le seul à pouvoir solliciter l’ouverture et qu’il ne devrait donc pas être dans une position défensive en devant démontrer l’absence de cessation des paiements.

Un débiteur disposant de fonds disponibles pour payer ses créances salariales. Le législateur a également ajouté deux conditions spécifiques pour recourir à cette procédure, en imposant d’abord que le débiteur dispose « des fonds disponibles pour payer ses créances salariales » (salaires et indemnités). Cette condition est importante et tranche avec une conséquence habituelle de l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, celle de l’intervention de l’AGS pour avancer les créances salariales dues à l’ouverture d’une procédure. Il faut ainsi comprendre que l’AGS n’interviendra pas à l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise. L’article 13, III, de la loi exclut d’ailleurs le chapitre V du titre II du livre VI du champ d’application de la procédure (C. com., art. L. 625-1 à L. 625-9).

Un débiteur justifiant être en mesure d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Le débiteur doit également justifier « être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise » (art. 13, I A). Cette condition est double.

D’une part, le débiteur doit être en mesure de présenter le projet de plan dans les délais prévus au D de l’article 13, I, de la loi : « Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. »

D’autre part, le débiteur doit justifier, au moment de l’examen par le tribunal de la demande d’ouverture de procédure, de sa capacité à élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise (rentabilité prévisionnelle de l’entreprise et adéquation de cette rentabilité avec le passif à apurer). Cette disposition est une condition déterminante de l’éligibilité à la procédure. Se pose ici la question de l’éligibilité à cette procédure des entreprises qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement, et qui sont en cessation des paiements. Il ne semble pas a priori qu’elles soient exclues du dispositif. Ainsi, une entreprise pourrait solliciter cette procédure afin de soumettre un nouveau plan d’apurement, alors même qu’elle a bénéficié d’un premier plan de sauvegarde – ce qui ici ne serait pas nouveau – ou de redressement.

Ces conditions spécifiques d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise permettent de limiter son accès aux seules entreprises viables qui ne connaissent qu’un problème conjoncturel lié à la crise sanitaire et au financement de leur activité, ce qui exclut les entreprises qui sont structurellement en difficulté. L’appréciation du tribunal sur l’éligibilité du débiteur à cette procédure sera déterminante et la motivation du jugement particulièrement importante. D’ailleurs, il faut noter que l’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public (art. 13, I A, al. 3), ce qui se comprend aisément. Étant le garant de l’ordre public économique, son rôle est déterminant s’agissant d’une procédure exceptionnelle et dérogatoire au droit commun du livre VI du code de commerce. Néanmoins, et de manière classique, il semble que l’avis du ministère public ne lie pas le tribunal.

II - Les désignations dérogatoires des organes de la procédure

La désignation d’un seul auxiliaire de justice. À l’ouverture de la procédure, le tribunal désigne un mandataire de justice qui peut être un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire (art. 13, I B). Il peut également désigner une autre personne « par décision spécialement motivée ». La mesure est ici dérogatoire à l’obligation pour le tribunal de désigner un mandataire judiciaire, par combinaison des alinéas trois et quatre de l’article L. 621-4 du code de commerce ; ces dispositions ont d’ailleurs été expressément écartées du champ d’application de la procédure de traitement de sortie de crise. De même qu’a été écarté l’article L. 621-4-1 du code de commerce permettant de désigner plusieurs mandataires, ce qui est cohérent avec les seuils d’ouverture de la procédure. Ce mandataire de justice unique exerce « les fonctions prévues par les articles L. 622-1, à l’exception de toute mission d’assistance, et L. 622-20 dudit code » (art. 13, I B). Il va donc remplir à la fois une mission de défense de l’intérêt collectif des créanciers qui relève habituellement du mandataire judiciaire et une mission de surveillance qui relève habituellement de l’administrateur judiciaire. Cette seconde mission consiste à vérifier a posteriori que les actes réalisés (en général les actes spécifiques, sortant de la gestion habituelle du débiteur) ne sont pas contraires aux intérêts de la procédure collective. L’article 13, I E de la loi prévoit toutefois que le mandataire unique sera chargé d’« assister » le débiteur dans la présentation du plan d’apurement. L’utilisation du mot « assistance » apparaît maladroite car elle vient en contradiction avec les dispositions de l’article 13, I B. Pour autant, cette disposition doit être entendue au sens que le mandataire devra bien assister – au sens d’accompagner – le débiteur dans l’élaboration et la présentation d’un plan d’apurement.

La désignation des contrôleurs excluant les créanciers publics et l’AGS. De manière classique, le tribunal peut désigner un à cinq contrôleurs parmi les créanciers qui lui en font la demande (art. 13, I C). Rappelons qu’aux termes de l’article R. 621-24, alinéa 3, du code de commerce, aucun contrôleur ne peut être désigné par le juge-commissaire avant l’expiration d’un délai de vingt-et-un jours à compter du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure. Les créanciers publics telles les administrations financières ou les institutions mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail, à savoir l’AGS, ne peuvent être désignés comme contrôleurs (compte tenu de l’exclusion du deuxième alinéa de l’art. L. 621-10 par l’art. 13, I C de la loi). Si l’exclusion est compréhensible pour l’AGS qui n’est pas créancière de la procédure de traitement de sortie de crise, elle l’est moins pour les administrations financières, et autres organismes et institutions dans la mesure où ils peuvent être créanciers du débiteur à l’ouverture de la procédure.

III - Une période d’observation simplifiée

Une durée maximale obligatoire plus brève. Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de trois mois (art. 13, I D de la loi). Cette durée était déjà possible puisque la durée de six mois prévue en droit commun est une durée maximale (le tribunal peut donc ouvrir une période d’observation de trois mois seulement). Dès l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise, le tribunal devra fixer une audience dans un délai maximum de deux mois après le jugement d’ouverture, afin d’ordonner la poursuite de la période d’observation, pour un mois maximum, si le débiteur justifie « disposer à cette fin de capacités de financement suffisantes » (art. 13, I D). Ce point interroge. En effet, une des conditions d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise consiste à ce que le débiteur soit en mesure de justifier de sa capacité à élaborer dans le délai de trois mois, un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Cela implique a priori que le débiteur dispose à l’ouverture de la procédure des capacités pour financer la période d’observation et que le tribunal le constate dans le jugement d’ouverture. S’il s’avérait que le débiteur ne peut pas financer un mois supplémentaire de période d’observation (qui est n’est pas particulièrement long), il conviendrait alors légitimement de se poser la question de son éligibilité originelle à cette procédure.

Inapplication des III et IV de l’article L. 622-13 du code de commerce relatifs à la résiliation des contrats en cours. Ces deux exclusions doivent être comprises à la lumière de la philosophie de cette nouvelle procédure ; celle-ci n’a pas vocation à permettre au débiteur de se restructurer, mais d’étaler de manière simple et rapide le passif exigible sur une durée longue dès lors qu’il est la conséquence de la crise sanitaire. En outre, quand bien même un administrateur judiciaire est nommé mandataire unique de la procédure, il n’a pas les pouvoirs qui lui sont conférés habituellement dans le cadre du traitement des contrats en cours dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Cette procédure reste toutefois protectrice des intérêts du débiteur dans la mesure où les autres dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce restent applicables. Ainsi, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture.

L’absence d’exclusion de l’article L. 622-13, II interroge. Faut-il comprendre que cet article est applicable ? Rappelons qu’il prévoit que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. Alors que le mandataire de justice unique n’a qu’une mission de surveillance, le maintien de cette prérogative de l’administrateur judiciaire fait du mandataire unique un acteur important du traitement des contrats en cours. Il a ainsi la possibilité de poursuivre un contrat en cours ou, au contraire, d’y mettre fin.

IV - La détermination du patrimoine du débiteur

Un inventaire facultatif. L’inventaire du patrimoine du débiteur et des garanties qui le grèvent est établi soit par le débiteur, soit par un officier public ou par un courtier de marchandises assermenté, selon les dispositions du jugement d’ouverture (art. 13, II A). À la demande du débiteur, le tribunal peut dispenser celui-ci de procéder à l’inventaire. Le même article exclut les dispositions de l’article L. 624-19 du code de commerce relatives à la détermination de la consistance des biens de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Exclusion des dispositions relatives aux droits du vendeur de meuble, des revendications et restitutions. L’article 13, III A de la loi exclut également les articles L. 624-9 à L. 624-18 du code de commerce relatifs aux droits du vendeur de meubles, des revendications et des restitutions. Ces dispositions sont de toute évidence inapplicables dans la mesure où le délai maximal de revendication de trois mois à compter de la publication du jugement d’ouverture ne peut s’accorder avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise.

La simplification de la détermination de l’état des créances. Le débiteur porte la responsabilité d’établir la liste des créances avec les mentions usuelles au jour de l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise (art. 13, II B). Aucun délai n’est mentionné pour l’établissement de cette liste. Celle-ci fait l’objet d’un contrôle dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État. Aucune vérification des créances déclarées n’est réalisée par le mandataire de justice ni validé par le juge-commissaire (l’article 13, III A exclut l’application des articles L. 624-1 à L. 624-4 du code de commerce relatifs à la vérification et l’admission des créances). Aucun délai n’est non plus mentionné pour le dépôt au greffe de la liste des créances par le débiteur. Le mandataire de justice unique transmet à chaque créancier figurant sur la liste, les éléments de sa créance tels qu’ils figurent sur la liste (art. 13, II C). Le délai de cette transmission et les modalités (forme électronique, courrier recommandé) ne sont pas précisés. Compte tenu du caractère dérogatoire de cette procédure, des précisions sur ces différents points seraient nécessaires pour assurer l’équité et la transparence dans le déroulement de cette procédure. Le créancier peut faire connaître au mandataire de justice unique sa demande d’actualisation du montant de la créance ou toute contestation sur le montant ou l’existence de sa créance (art. 13, II C). Le délai imparti au créancier à cette fin sera fixé par décret en Conseil d’État. Il n’est pas précisé les modalités de cette transmission par le créancier (forme électronique, courrier recommandé) ni le sort de la demande ou de la contestation du créancier qui l’adresserait au mandataire unique après le délai imposé. Les propositions de plans seront établies sur la base de la liste établie par le seul débiteur, dont le montant des créances devra être actualisé des observations des créanciers. Seront exclues des dispositions du plan, les créances qui font l’objet d’une contestation (art. 13, II D).

En cas de contestation par un créancier de l’existence ou du montant de sa créance portée sur la liste établie par le débiteur, le juge-commissaire, saisi par le mandataire désigné, le débiteur ou le créancier, statue sur la créance dans les conditions fixées à l’article L. 624-2 du code de commerce (art. 13, III B). La décision du juge-commissaire n’a d’autorité qu’à l’égard des parties entendues ou convoquées. Les conditions et formes du recours contre sa décision sont fixées par décret en Conseil d’État. Cette disposition organise un recours judiciaire en cas de contestation sur l’existence ou le montant de la créance portée sur la liste par le débiteur. La saisine du juge-commissaire est à l’initiative du débiteur du créancier, et également du mandataire de justice. Le juge-commissaire statue dans les conditions fixées à l’article L. 624-2 du code de commerce, de sorte qu’on peut s’interroger sur l’obligation faite au mandataire de justice de faire une proposition quant à la contestation.

V - L’arrêté du plan

Une procédure simplifiée. Aux termes de l’article 13, IV A de la loi, le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues pour le plan de sauvegarde. Il peut ainsi prévoir l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou plusieurs activités. Il peut également prévoir des licenciements à la seule condition que le débiteur soit en mesure de les financer immédiatement. Dans la mesure où le mandataire de justice « assiste » le débiteur selon les dispositions de l’article 13, I E de la loi, et dès lors que l’article L. 626-2 du code de commerce est applicable, il semble que le mandataire de justice doive réaliser un bilan économique et social, et le cas échéant, environnemental. Seules les créances mentionnées par le débiteur sur la liste qu’il a établie, sont soumises aux dispositions du plan, à l’exception de certaines créances limitativement nommées (art. 13, IV B). Au demeurant, il n’est pas possible d’éluder la question de l’exactitude de la liste que le débiteur sera amené à établir. Le caractère contraignant de l’interdiction de paiement posée à l’article L. 622-7 du code de commerce a pour corollaire le caractère collectif de cette interdiction. Compte tenu du caractère dérogatoire et particulièrement simplifié de cette procédure, qui ne remet pas fondamentalement en cause l’universalité de ses conséquences sur les créanciers (hors cas spécifiquement énoncés), il importe qu’une vérification de ce caractère collectif soit a minima réalisée afin d’éviter le « debt shopping », c’est-à-dire la soumission, volontaire ou pas, de tel ou tel créancier au plan d’apurement.

La procédure de consultation des créanciers affectés par le plan. Cette procédure est mise en œuvre par le mandataire de justice unique. Les délais afférents sont applicables : en cas de consultation par écrit, les créanciers disposent d’un délai de 30 jours pour se positionner sur les propositions d’apurement, le défaut de réponse valant acceptation (C. com., art. L. 626-5). L’articulation de ce délai avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise interpelle. La combinaison de ces délais doit amener le débiteur à finaliser le projet de plan dans un délai inférieur à deux mois à compter de l’ouverture de la procédure (plus certainement dans un délai inférieur à 45 jours), afin de permettre la consultation régulière des créanciers (en cas de consultation écrite). Ce cadencement renforce l’étroitesse de l’éligibilité à cette procédure du point de vue du débiteur : ne seront éligibles que les débiteurs qui sont structurellement rentables mais qui doivent ponctuellement, en raison d’un endettement non maîtrisé lié à la crise sanitaire, traiter de manière collective et coercitive, cet endettement afin de permettre son apurement en corrélation avec leur capacité financière. Un point de vigilance doit également être apporté sur les réponses des établissements bancaires en présence d’un prêt garanti par l’État (PGE) d’une durée de six ans, qui est garanti à 90 % par la Banque publique d’investissement (BPI). Si l’établissement bancaire accepte un étalement de ce prêt sur dix ans, le maintien de cette garantie donnée par la BPI pourrait se poser en cas de résolution dudit plan. Et dans l’hypothèse où l’établissement bancaire refuse la durée proposée mais que le tribunal applique la durée de dix ans, se pose la question de la position de la BPI alors même que le garanti a refusé la proposition.

Le montant dérogatoire des annuités. L’article 13, IV C de la loi dispose que « le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif établi par le débiteur ». Cette disposition est dérogatoire au droit commun des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, pour lesquelles le seuil est fixé à 5 % (sauf exploitations agricoles).

Ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à défaut de plan arrêté. Si la présentation du projet de plan n’est pas possible dans le délai de trois mois, le ministère public, le mandataire unique ou le débiteur peut saisir le tribunal pour mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir un redressement judiciaire ou liquidation judiciaire par application de l’article 13, IV D de la loi. La période d’observation de trois mois ne s’impute pas sur la durée maximale de la période d’observation du redressement judiciaire. Ainsi, la soumission des créanciers aux conséquences de l’article L. 622-7 du code de commerce et à l’interdiction des paiements peut durer jusqu’à vingt et un mois, ce qui était déjà le cas avec l’application de l’ordonnance du 27 mars 2020.

De manière sous-jacente à cette nouvelle procédure apparaît une inquiétude grandissante sur le risque de défaillances d’entreprises fragilisées par la crise sanitaire mais viables, à savoir les entreprises structurellement rentables au 17 mars 2020 (date du début du premier confinement). À l’heure où la renégociation de PGE se heurte à la limite d’amortissement de six ans en raison de contraintes réglementaires et de la garantie étatique, cette procédure peut permettre de restructurer l’endettement (PGE, loyers impayés, etc.). Et là est tout l’intérêt de cette nouvelle procédure : celui de « sauver » ces entreprises du risque de « faillite ». La nouvelle procédure semble toutefois conserver l’exigence de la publicité de la procédure – l’article R. 621-8 du code de commerce n’ayant pas été écarté. La publicité du jugement d’ouverture (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, journal d’annonces légales, mention au registre du commerce et des sociétés) reste un frein important pour qu’un débiteur demande l’ouverture d’une procédure judiciaire de « traitement de sortie de crise », auquel s’ajoute le verrou psychologique, qui reste le plus difficile à lever.

(Original publié par Delpech)

Les règles fixées par la directive

La directive est relativement souple dans le cadre des principes qu’elle souhaite unifier, les cadres de restructuration préventive introduisant cependant la notion de difficulté qui « engendre une menace réelle et grave pour la capacité actuelle ou future d’un débiteur de payer ses dettes à l’échéance » (consid. 28). Ces difficultés doivent menacer la continuité des activités et à moyen terme ses liquidités. Le considérant 32 a aussi prévu la possibilité de bénéficier d’une suspension temporaire des poursuites individuelles afin de pouvoir continuer à exercer les activités ou préserver la valeur du patrimoine pendant la durée des négociations. C’est ce que nous vivons pendant cette crise.

Le sort du garant

Cette suspension devrait aussi s’appliquer au bénéfice du tiers garant. Pour autant, cette suspension doit pouvoir être refusée lorsque le comportement du débiteur n’inspire pas confiance (« comportement qui est généralement celui d’une personne qui est incapable de payer ses dettes à l’échéance […] », consid. 33).

Les clauses de résiliation anticipée

La possibilité de suspendre des clauses de résiliation anticipées peut aussi être activée en cours de négociation (consid. 40). La directive prévoit l’organisation des créanciers en classes organisées autour de droits « sensiblement similaires ». Cela tient aussi compte du rang des créances et des intérêts. Au minimum, les créanciers garantis et non garantis devraient être considérés comme appartenant à des classes distinctes (consid. 44).

Il est en outre prévu que chaque droit national puisse fixer des majorités requises pour garantir qu’une minorité de parties affectées dans chaque classe ne puisse faire obstacle à l’adoption d’un plan de restructuration qui ne porterait pas excessivement préjudice à leurs droits et intérêts.

Le principe de la validation d’un plan de restructuration par une autorité judiciaire ou administrative paraît nécessaire pour garantir que la réduction des droits des créanciers ou des intérêts des détenteurs de capital est proportionnée aux avantages de la restructuration et qu’ils ont accès à un recours effectif (consid. 48).

En outre, il convient de comparer la situation offerte par un plan à ce que les créanciers pourraient raisonnablement attendre en cas de liquidation, ce qui implique que l’autorité constituée puisse rejeter un plan qui ne respecterait pas cette condition d’un plan plus favorable qu’en situation liquidative (consid. 49 et 52 not.).

Il est possible de procéder à une validation forcée du plan de restructuration s’il est soutenu au moins par une classe affectée ou lésée de créanciers en tenant compte de la valeur du débiteur en tant qu’entreprise en activité (consid. 54). Ce point est particulièrement intéressant et peut être riche de conséquences pour les actionnaires.

L’application forcée interclasses

Le principe de l’application forcée interclasses suppose qu’une autorité vérifie que les classes dissidentes de créanciers affectés ne soient pas excessivement lésées par le plan proposé (consid. 55). Il s’agit à cet égard de tenir compte des intérêts d’une classe dissidente qui doit être traitée au moins aussi favorablement qu’une autre classe de même rang.

Il est aussi intéressant de noter que les états membres doivent veiller à ce que les actionnaires ou autres détenteurs de capital ne doivent pas raisonnablement empêcher l’adoption de plans de restructuration qui permettraient au débiteur de retrouver la viabilité (consid. 57). Il est tenu compte de la situation des salariés qui doivent être tenus informés (consid. 60, 61 et 62).

Les modalités d’évaluation de l’entreprise devraient être sécurisées par un expert ou une évaluation présentée par le débiteur ou une autre partie (consid. 63).

Le rebond

La possibilité de rebond est aussi évoquée avec la possibilité pour un débiteur de commencer une nouvelle activité dans le même domaine ou un domaine différent pendant la mise en œuvre du plan de remboursement (consid. 74). La directive prévoit aussi la possibilité d’une remise de dette dans les procédures comprenant un plan de remboursement, une réalisation d’actifs ou une combinaison des deux (consid. 75). Ces possibilités de remises de dette sont explorées aux considérants 77 et suivants. L’utilisation des moyens de communication électronique permettant de réduire la durée des procédures et faciliter une meilleure participation des créanciers est prévue au considérant 90.

Après ces rappels, quelques articles de l’article méritent d’être commentés à l’aune des réflexions actuellement menées, tant à la Chancellerie qu’à l’Assemblée nationale et dans d’autres cercles, et notamment la commission Richelme qui a déposé son rapport en février 2021. Il est aussi intéressant de relire cette directive à l’aune de la crise de la covid-19 – à l’époque imprévisible – et des réflexions actuellement menées que nous évoquerons ci-après.

Les axes de la réforme

L’article 3 prévoit une alerte précoce et un accès aux informations, ce qui se rapproche de la réflexion actuellement menée par le député Romain Grau sur la prise en compte des signaux faibles en sensibilisant les experts-comptables comme l’avait proposé la commission Richelme sur la nécessité de susciter une réaction plus rapide et de réagir à la première alerte. À cet article, il est fait état des outils d’alerte précoce sur certaines défaillances de paiement et la collecte des informations nécessaires.

Il s’agit ici d’un élément essentiel qui doit être rapproché des outils d’autoévaluation disponibles sur internet et notamment proposés par les greffiers des tribunaux de commerce.

Sur les conditions d’accès aux cadres de restructuration préventive, notre droit positif les prévoit et il est essentiel de rappeler ici que les états membres peuvent introduire un test de viabilité : cette exigence est particulièrement nécessaire dans le contexte de la crise actuelle car il va être important de pouvoir trier les entreprises qui ont vocation à être sauvées et celles qui ne pourraient faire l’objet que d’un acharnement thérapeutique et dont le constat d’échec doit être dressé.

Les pouvoirs du tribunal

Il est prévu que les états membres puissent limiter l’intervention de l’autorité judiciaire ou administrative mais, pour autant, notre droit est plutôt attaché à l’intervention d’un juge fort, ce qui correspond actuellement au pouvoir dévolu aux présidents des tribunaux en matière de prévention.

Pendant la crise, les pouvoirs des délégués à la prévention de nos tribunaux ont été élargis, notamment par la possibilité de la suspension sur requête et il serait bienvenu que cette capacité d’intervention plus importante puisse être validée et maintenue même après la crise. Malgré les critiques qui semblent être retenues, ce nouveau dispositif favorise la négociation en rétablissant l’équilibre et il tient compte de l’absence de visibilité en période de crise. Le créancier n’est pour autant pas privé de la possibilité de contester et de susciter un débat contradictoire. Cela est en effet un facteur d’efficacité. Le développement de la communication par internet permet cet accroissement du rôle du juge en prévention pour faire face à ce surcroît de travail.

L’article 5 de la directive prévoit que le débiteur est non dessaisi en prévention, ce qui correspond à notre droit positif. Cependant, la désignation d’un praticien paraît nécessaire en cas de suspension générale des poursuites lorsque le plan de restructuration doit être validé, notamment par une autorité judiciaire ou lorsque la désignation d’un praticien est demandée par le débiteur ou la majorité des créanciers. En l’état, notre droit de la prévention repose uniquement sur l’initiative du débiteur, le conciliateur ne pouvant être demandé par la majorité des créanciers.

La suspension des poursuites individuelles a été rendue possible pendant la crise par l’ordonnance du 20 mai 2020 qui a prévu la possibilité de suspension à l’égard de tel ou tel créancier pendant la procédure de conciliation, ce qui est une forte incitation à poursuivre la négociation et ce qui a permis de suspendre les poursuites des principaux créanciers à une période qui était particulièrement difficile pour les entreprises privées de visibilité sur leur activité future. La directive a fixé la durée initiale d’une suspension des poursuites individuelles à une période maximale de quatre mois, étant rappelé que les mesures prises pendant la crise ont permis cette suspension pendant la durée d’une conciliation dont la durée a été portée à titre provisoire à une durée maximale de dix mois.

L’intervention du juge permet de garantir que ce maintien de la suspension ne porte pas une atteinte excessive aux droits des créanciers concernés comme l’a indiqué la directive. Il a été à cet égard prévu que la durée totale de la suspension des poursuites n’excède pas douze mois, ce qui n’est donc pas contradictoire avec la période de dix mois prévue pendant cette période de crise, en principe jusqu’à la fin de l’année 2021, ce qui pourrait éventuellement être prorogé en cas de besoin, avec une durée sans doute moins longue.

Les classes de créanciers : une innovation importante ?

La directive prévoit en outre en son article 8 le contenu des plans de restructuration avec le regroupement des classes de créanciers concernées et en l’état, il semble que le champ d’application de la directive soit notamment dédié à la création d’une procédure spécifique de sauvegarde. L’adoption des plans de restructuration (art. 9) dans le cadre d’une procédure de restructuration préventive doit être garantie aux débiteurs, ce qui implique que sa crédibilité et la viabilité de son entreprise soient préalablement validées. Il est demandé que les créanciers soient répartis dans des classes distinctes représentatives d’une communauté d’intérêts suffisante sur la base de critères vérifiables.

Au minimum, la distinction entre créanciers garantis et non garantis doit donc exister. En l’état, les plans de restructuration dans le cadre des procédures collectives ne distinguent pas les créanciers privilégiés et les créanciers non privilégiés qui sont en principe soumis aux mêmes délais. Cette solution a le mérite de la simplicité mais elle pourrait sans doute faire l’objet d’une amélioration dans le sens de la directive. En outre, il paraît normal que les créanciers publics puissent faire partie d’une classe distincte, compte tenu de leur situation spécifique.

Le plan de restructuration est adopté à condition qu’une majorité calculée sur le montant des créances ou intérêts soit obtenue dans chaque classe, ce qui correspond sur le principe, au fonctionnement actuel des comités pour les plus grandes entreprises. Sans surprise, l’autorité judiciaire « ou administrative » valide les plans de restructuration (art. 10). À cet égard, il paraît souhaitable qu’un tribunal soit effectivement chargé de cette validation avec un large pouvoir d’appréciation en fonction des intérêts en présence, celui d’une entreprise jugée viable, ce qui est le meilleur garant d’une décision équilibrée et équitable. Il appartiendra ainsi à chaque acteur de défendre ses droits.

C’est en effet sur la question de l’application forcée interclasses (art. 11) que peuvent naître des divergences, s’agissant d’un plan qui n’est pas approuvé par les parties affectées, le tribunal ayant la possibilité d’imposer ce plan aux classes dissidentes lorsque certaines conditions sont réunies, ce qui suppose une approbation par une partie au moins des créanciers dans les conditions définies par la directive. Le tribunal veille à cet égard à ce traitement équitable et il doit disposer d’un large pouvoir.

En ce qui concerne les détenteurs de capital (art. 12) et les travailleurs (art. 13), il s’agit d’empêcher des situations de blocage et de laisser circuler un droit d’information et de consultation pour ces derniers. Il paraît équitable que ni les travailleurs ni l’AGS n’aient à subir les risques d’une application fixée interclasses.

Le débat sur la valeur

La question de la détermination de la valeur de l’entreprise, chère au droit anglo-saxon est plus difficile à cerner (art. 14) et cela vaut lorsqu’un plan de restructuration est contesté par une partie dissidente. Il s’agit en effet de veiller au respect du critère du meilleur intérêt des créanciers et de permettre la désignation d’experts, ce qui peut être une source de délais et de complexité. S’il est normal que ce critère puisse être pris en compte, une application souple devrait être autorisée vu l’urgence. Il est à redouter que les contestations soient ici une grande source d’insécurité juridique et traînent en longueur.

Les articles suivants concernent notamment les recours qui doivent être jugés d’une manière rapide, le recours contre une décision validant un plan de restructuration n’ayant pas d’effet suspensif (art. 16). La protection des financements nouveaux est bien connue dans notre droit positif qui leur a accordé une forme de privilège dit de new money étendu aux sommes apportées dans le cadre d’un plan de restructuration. À cet égard, un droit de rémunération prioritaire peut être prévu par les États.

Les obligations des dirigeants face à une probabilité d’insolvabilité visent à instaurer une obligation de diligence avec la nécessité de prendre des mesures pour éviter l’insolvabilité et d’éviter toute négligence, ce qui peut être rapproché de notre droit positif plutôt tolérant à l’égard d’une négligence du chef d’entreprise.

Les remises de dettes

Les remises de dettes prévues aux articles 20 et 21 sont à présent d’actualité, la crise de la covid ayant mis à l’ordre du jour la nécessité de procéder à des remises que le ministère des Finances souhaite voir examiner au cas par cas, en prenant en compte une réelle incapacité d’honorer les engagements. Il faudrait sans doute tenir compte de la nécessité de sauver l’entreprise, de vérifier sa capacité de remboursement, ce qui peut être fait par des professionnels, particulièrement pendant la phase de prévention. Il est dommage, d’une manière générale, que les dispositifs d’aide actuellement prévus ne constituent pas une incitation à la prévention, ce qui pourrait permettre un traitement global des créances, plutôt qu’une approche faite par un seul créancier, fût-ce l’État.

En ce qui concerne ces remises de dette, il est prévu par la directive que toute déchéance du droit de gérer une entreprise prenne fin au plus tard à l’expiration du délai de remise de dette (art. 22). À cet égard, le député Romain Grau a récemment déclaré (revue Décideurs, 11 mai 2021) que « le patron, qui est un des piliers de l’optimisme, ne doit plus être montré du doigt après un échec. Comme aux États-Unis, considérons l’échec comme formateur ». Ce député estime que l’action en comblement de passif qui concerne environ trois cents dirigeants par an serait trop sévère : « c’est la seule infraction imprescriptible avec le crime contre l’humanité », s’insurge-t-il.

Cette appréciation, certes destinée à une presse grand public, mérite sans doute une lecture plus nuancée avec la recherche d’une sanction plus équitable. En l’état, le droit de la sanction est flou avec une faute de gestion multiforme et non clairement définie, ce qui crée une inquiétude diffuse et une crainte qui peut dissuader les dirigeants de s’adresser préventivement au tribunal. En outre, la théorie redoutable de l’équivalence des conditions qui permet, théoriquement, de mettre la totalité d’un passif à la charge d’un dirigeant fautif devrait être remplacée par la responsabilité du droit commun qui paraît plus équitable dans ses principes.

Pour être complet, la directive poursuit avec la nécessité de former des praticiens compétents, de contrôler notamment la rémunération des praticiens, ce qui correspond à ce qui se pratique en France. L’utilisation des moyens de communication électroniques d’une manière étendue rejoint ce que nous venons de constater avec la crise de la covid-19 qui a provoqué un épanouissement de ces moyens et une banalisation de leur utilisation avec des insatisfactions provoquées par des dysfonctionnements mais aussi, avouons-le, une plus grande commodité et une plus grande souplesse pour l’utilisation des procédures.

Le texte attendu sera connu avant le 17 juillet.

(Original publié par Thill)
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1. Juin 2020 : la Cour de justice de l’Union européenne affirme qu’un intermédiaire ne disposant pas du pouvoir de modifier les prix des produits dont il assure la commercialisation peut toutefois être qualifié d’agent commercial. L’important est que l’agent augmente la clientèle du mandant, en lui apportant de nouveaux clients ou en développant ceux déjà présents (CJUE 4 juin 2020, aff. C-828/18, Trendsetteuse, Dalloz actualité, 31 août 2020, obs. Y. Heyraud ; D. 2020. 1497 , note N. Dissaux ; ibid. 2021. 718, obs. N. Ferrier ; AJ contrat 2020. 378 , obs. J.-M. Leloup ).

Décembre 2020 : comme l’avaient avancé de nombreux commentateurs, la Cour de cassation s’aligne (Com. 2 déc. 2020, n° 18-20.231, D. 2020. 2452 ; ibid. 2021. 993, chron. S. Barbot, C. de Cabarrus, S. Kass-Danno et A.-C. Le Bras ; CCC 2021. Comm. 22, note N. Mathey), abandonnant par là même son ancienne jurisprudence, plus sévère à l’égard des agents commerciaux.

Mai 2021 : l’arrêt sous commentaire confirme cette orientation. Ainsi, en quelques mois, le débat sur le sens du terme « négocier » (C. com., art. L. 134-1), animant jurisprudence et doctrine depuis une quinzaine d’années, semble définitivement clos.

2. L’objectif n’est pas ici de revenir sur les termes de ce débat ou encore sur les motifs ayant conduit la CJUE à retenir l’orientation qui est la sienne (à ce sujet, voir les notes sous l’arrêt Trendsetteuse, préc.). Actons plutôt de l’orientation adoptée et explorons les conséquences de celle-ci. À ce titre, l’arrêt sous commentaire se prête particulièrement à l’exercice.

3. Les faits d’espèce étaient d’une parfaite banalité : depuis 2001, une première société, une personne « physico-morale » selon la nouvelle – et curieuse – méthode d’anonymisation (c’est-à-dire une personne morale dont le nom contient le nom d’une partie au litige), assurait, sur le territoire russe, la commercialisation du vin produit par une seconde société. En 2015, le producteur mettait un terme à la relation l’unissant au distributeur. En réponse, cet intermédiaire, considérant être agent commercial, sollicita deux indemnités : une première relative au préavis, que l’on devine trop bref, et une...

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(Original publié par Delpech)
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par Xavier Delpechle 3 juin 2021

Com. 12 mai 2021, F-P, n° 20-12.670

Le droit des sociétés confronté au principe de non-rétroactivité des lois. Ce n’est pas si fréquent. La question devrait concerner tant les spécialistes du droit des sociétés que ceux qui s’intéressent à la problématique de l’application dans le temps de la loi nouvelle.

Les faits de l’espèce sont les suivants. La société LCF est une société par actions simplifiée (SAS) – cela a son importance – qui a été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 24 janvier 2017. Un créancier de cette société, la société Axyo, a vu ses créances admises au passif de la procédure collective de la société LCF au titre de factures impayées antérieures. Par la suite, invoquant une surévaluation des apports en nature effectués par deux coassociés de la société LCF lors de la...

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(Original publié par Delpech)

5 405 « rescrits mécénat » ont été traités par l’administration en 2019. Dans son référé, la cour notait que « le rescrit relève d’une procédure lourde avec une batterie de critères dont certains restent inconnus du public ». Par ailleurs, le rescrit ne constitue pas une autorisation : une association peut émettre des reçus fiscaux sans l’avoir demandé. De plus, il « n’est valable qu’à un moment donné, au vu de la situation de l’association et des pièces communiquées ».

La Cour constate « que l’administration fiscale peut être conduite, dans certains cas, à apprécier le message véhiculé par l’association concomitamment à l’activité qu’elle déploie », citant les organismes politiques, militants, revendicatifs ou religieux. Pour ces associations, la DGFIP s’appuie sur une note interne, non publiée, aux bases juridiques fragiles. Pour la Cour, la note laisse « une large part à l’appréciation, parfois subjective, de l’administration » et est appliquée de façon hétérogène sur le territoire. La Cour demandait la publication de cette note, « afin d’assurer la pleine information du public ». Ce que la DGFIP n’a pas fait.

Face au refus de l’administration, Dalloz actualité a saisi la CADA. La commission nous a donné un avis favorable et la note nous a alors été transmise. Les services fiscaux insistent sur le fait « que cette fiche n’est pas un élément de doctrine publiée mais un outil de travail interne établi par le service juridique en 2008, il y a donc plus de dix ans ». Le Service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal ne formulerait aujourd’hui pas tous les points de la même manière. Par ailleurs, un projet plus général d’actualisation de la doctrine publiée sur le mécénat devrait intervenir l’an prochain.

Une note pour orienter les demandes de rescrit

Comme nous l’indique la DGFIP, le but de la note « n’est pas tant de commenter la loi que d’organiser le traitement des demandes en rappelant que c’est la connaissance de l’activité effective de l’organisme qui permet de nous prononcer sur l’application de l’aide fiscale ».

La note rappelle d’abord que, s’agissant des associations qui diffusent des messages philosophiques, politiques, militants ou religieux, aucune réponse uniforme ne peut être dégagée. Mais elles ne peuvent être écartées sur ce seul fondement. Ainsi, dès lors que l’objet d’une association est culturel, le caractère d’intérêt général ne peut être refusé même si les œuvres présentent un caractère politique ou religieux.

Trois types d’association sont distingués : d’abord les associations véhiculant un message politique (think tank, cercle de réflexion, fondation). « Dès lors que son objet principal n’est pas de prôner l’idéologie politique dont il se réclame, mais de réaliser une activité présentant l’un des caractères visés par le texte, l’examen de l’organisme n’a rien de spécifique », quelle que soit la nature de l’idéologie affichée. Toutefois, « si l’organisme se place régulièrement dans l’illégalité du fait des idées qu’il véhicule (racisme, sexisme) ou des moyens qu’il utilise », le bénéfice du régime du mécénat pourra être écarté. « Les réductions d’impôt instituées par la loi ne peuvent avoir pour effet de permettre à un organisme de les transgresser ». Ne peuvent revêtir un caractère scientifique les travaux d’un organisme dont l’objet est avant tout de servir de tribune politique.

Deuxième type, les associations militantes ou revendicatives, qui ont pour objet de modifier la législation en vigueur sur des sujets particuliers (euthanasie, IVG, OGM, etc.). L’administration doit alors « faire abstraction des objectifs philosophiques politiques ou moraux » de l’organisme. Mais, pour bénéficier du rescrit mécénat, l’association ne peut avoir comme seule activité une action de lobbying, même si cela peut être une activité secondaire. Elle ne peut non plus enfreindre régulièrement la loi. Par ailleurs, elle recommande que les directions saisissent l’administration centrale.

Enfin, la note évoque les « associations religieuses ou sectaires », qui sont à distinguer de celles ayant un objet cultuel. Les associations ici visées exercent en effet une activité autre que cultuelle. Le rejet d’une demande ne peut être motivé du seul fait qu’elles présentent un caractère religieux ou fonctionne au profit de pratiquants. La note cite ainsi l’exemple d’un établissement sous contrat, qui resterait ouvert à des élèves de toute confession. Toutefois, il en ira différemment si l’organisme est réservé aux fidèles d’une religion. Par ailleurs, pour les organismes répertoriés comme sectaires, la saisine des services centraux est vivement recommandée.

(Original publié par Dargent)
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Ayant entrepris la construction d’une maison d’habitation, des maîtres de l’ouvrage consommateurs ont confié à une entreprise des travaux de gros œuvre, lesquels donnèrent lieu à un procès-verbal de réception avec réserves.

L’entreprise de gros œuvre a agi, par acte d’assignation délivré le 24 décembre 2015 à l’encontre des maîtres de l’ouvrage, en paiement d’une facture émise le 31 décembre 2013 correspondant au solde des travaux. Ces derniers lui opposèrent la prescription de son action.

La cour d’appel déclara l’action du professionnel irrecevable comme prescrite au motif que la facture avait été établie près de sept mois après l’exécution de la prestation en méconnaissance des délais d’établissement impartis par les articles L. 441-3 du code de commerce et 289 du code général des impôts, que sa date n’était pas certaine et que le délai de prescription avait commencé à courir le 1er septembre 2013, date à laquelle la facture aurait au plus tard dû être émise.

L’entreprise forma un pourvoi en cassation, soutenant que le point de départ du délai de prescription de son action en paiement ne pouvait commencer à courir qu’au jour de l’établissement de la facture, le 31 décembre 2013.

Dans cet arrêt d’une brillante pédagogie, la Cour de cassation offre deux enseignements : si en principe le délai de prescription court à compter de l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations par le professionnel, par exception l’ancien point de départ du délai au jour de l’établissement de la facture litigieuse retrouve matière à s’appliquer.

L’harmonisation du point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services

1. En l’espèce, la prescription biennale de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, était applicable en la cause puisque l’action en paiement avait été introduite par un professionnel contre des maîtres de l’ouvrage consommateurs.

À défaut pour un tel article de prévoir un point de départ du délai spécifique, il convient de se référer à l’article 2224 du code civil lequel, au-delà d’édicter un délai de prescription de droit commun, instaure un point de départ de droit commun.

Il en résulte que la prescription biennale du code de la consommation demeure soumise à un point de départ « glissant » au jour où le créancier professionnel a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.

Le point de départ du délai de prescription faisait l’objet d’une analyse divergente selon qu’il concernait l’action en paiement des prestations de service dans les relations consuméristes ou commerciales.

2. En matière d’actions en paiement introduites par un professionnel contre un consommateur, la jurisprudence constante de la Cour de cassation fixait jusqu’alors le point de départ de la prescription biennale au jour de l’établissement de la facture litigieuse (Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-10.908, Bull. civ. I, n° 136 ; Dalloz actualité, 23 juin 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 1269 ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2015. 410, obs. H. Heugas-Darraspen ; 9 juin 2017, n° 16-12.457 P, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. N. Kilgus ; D. 2017. 1245 ; ibid. 1859, chron. S. Canas, C. Barel, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, J. Mouty-Tardieu, R. Le Cotty, C. Roth et S. Gargoullaud ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2017. 653, obs. H. Barbier  ; Civ. 3e, 14 févr. 2019, n° 17-31.466, inédit).

3. En matière d’actions en paiement introduites entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, relevant de la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient une analyse contraire : « l’obligation au paiement du client prend naissance au moment où la prestation commandée a été exécutée [de sorte que la société] connaissait, dès l’achèvement de ses prestations, les faits lui permettant d’exercer son action en paiement de leur prix […] peu important la date à laquelle elle avait décidé d’établir sa facture » (Com. 26 févr. 2020, n° 18-25.036 P, D. 2020. 486 ; AJ contrat 2020. 337, obs. K. Magnier-Merran ; RTD civ. 2020. 389, obs. H. Barbier ; CCC 2020. Comm. 83, obs. N. Mathey ; JCP 2020. Comm. 857, note F. Buy ; JCP E 2020. Comm. 1265, obs. A. Bories ; Civ. 3e, 21 nov. 2019, n° 18-22.048, inédit).

4. Afin d’uniformiser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, la Cour de cassation décide dans cet arrêt de fixer la date de la connaissance des faits permettant au professionnel d’exercer son action au jour de « l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations ».

En d’autres termes, la haute juridiction aligne désormais la prescription biennale consumériste sur la prescription quinquennale en matière commerciale.

La solution de la Cour de cassation doit être approuvée en ce qu’elle s’avère conforme à la théorie générale de la prescription extinctive. En effet, une créance se prescrit à compter de l’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance. Dès lors, le droit de créance d’un professionnel devient exigible à la date d’achèvement des prestations qui lui ont été contractuellement confiées. Ceci explique que la créance correspondant au solde des travaux se prescrit à compter de l’achèvement desdits travaux. Cette analyse a également le mérite d’inciter les professionnels à faire diligence et à établir la facture dans de brefs délais.

La survivance exceptionnelle de l’ancien point de départ

5. Après avoir établi un point de départ de principe, la haute juridiction le dote aussitôt d’un tempérament. En l’espèce, le nouveau point de départ fixé au jour de l’achèvement des prestations aboutissait à faire expirer le délai de prescription de l’action de l’entreprise de gros œuvre.

Or, selon la Cour, « si la jurisprudence nouvelle s’applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, il en va différemment si la mise en œuvre de ce principe affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action ».

L’arrêt, poursuivant son analyse, énonce que le point de départ nouveau avait pour effet de priver le professionnel, qui n’avait pu raisonnablement anticiper une telle modification de la jurisprudence, d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, en lui interdisant l’accès au juge.

En d’autres termes, par exception au principe d’application immédiate de la jurisprudence, si le nouveau point de départ d’un délai de prescription a pour effet de rendre l’action du demandeur prescrite, le privant du droit d’accès à un juge, et alors que ce dernier, de bonne foi, ne pouvait pas raisonnablement l’anticiper, l’ancien point de départ du délai de prescription retrouve matière à s’appliquer.

En conséquence, la Cour de cassation décide de prendre en compte la date d’établissement de la facture, le 31 décembre 2013, comme constituant le point de départ du délai de prescription. L’action en paiement de l’entreprise de gros œuvre, introduite par exploit d’huissier du 24 décembre 2015, demeurait de ce fait recevable.

6. Un tel point de départ s’avère néanmoins contestable en ce que le créancier dispose finalement de la maîtrise du déclenchement du cours de la prescription biennale. S’il tarde à émettre sa facture, le point de départ du délai de prescription s’en retrouve conséquemment reporté (en l’espèce, la facture avait été établie par l’entreprise de gros œuvre près de sept mois suivant l’exécution de sa prestation). Or le consommateur n’a pas à pâtir de la carence du professionnel dans l’établissement de la facture. Cette situation s’avère contraire à l’objectif de protection du consommateur poursuivi par le droit de la consommation ainsi qu’à l’esprit de la prescription extinctive laquelle vise à sanctionner l’inertie du créancier qui néglige d’agir dans un délai déterminé.

Ce raisonnement n’est pas celui de la Cour de cassation qui entend faire primer le droit d’accès à un tribunal protégé par la Convention européenne des droits de l’homme – auquel on peut y adjoindre le droit à un recours effectif. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme estime de longue date que les délais de prescription, eu égard aux buts légitimes qu’ils poursuivent et la marge d’appréciation reconnue aux États quant à la réglementation de l’accès à un tribunal, n’ont pas pour effet de violer l’article 6, § 1, de la Convention européenne (CEDH 22 oct. 1996, Stubbings et a. c. Royaume-Uni, n° 22083/93, § 51, RSC 1997. 464, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 470, obs. R. Koering-Joulin  ; 11 mars 2014, Howald Moor et a. c. Suisse, n° 52067/10, § 72, D. 2014. 1019 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2362, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; Dr. soc. 2015. 719, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly ).

Pour aller plus loin : dans l’hypothèse où le contrat porterait sur une obligation à exécution échelonnée, la prescription se divise et court à l’égard de chacune des échéances successives appelées en cours du chantier à compter de son exigibilité. Le solde du prix se prescrit quant à lui au jour de l’achèvement des prestations.

(Original publié par Dargent)
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Il est acquis que les actions détenues par une société en violation des articles L. 225-206 à L. 225-208 et L. 225-210 du code de commerce doivent être cédées par celle-ci dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition ; à défaut de l’avoir été à l’expiration d’un tel délai, elles doivent être annulées (C. com., art. L. 225-214). Si le législateur prend la peine de préciser la marche à suivre à l’expiration dudit délai, il n’en reste pas moins que le sort de ces actions, lorsqu’elles n’ont fait l’objet d’aucune décision sociétaire les concernant, était, jusque-là, inconnu. Le présent arrêt a le mérite de mettre fin à l’incertitude qui en résulte. En l’espèce, une SAS détient 50,75 % du capital social de sa filiale, laquelle détient elle-même des parts en autocontrôle représentant 9,46 % de son capital.

C’est dans ce contexte que l’assemblée générale de la filiale approuve la résolution portant cession des actions autodétenues et que les actionnaires de la SAS votent une augmentation de capital destinée à financer une éventuelle acquisition des actions autodétenues par la filiale. Par la suite, l’augmentation de capital est définitivement réalisée avec agrément d’une société détenue par un des actionnaires de la SAS et refus d’agrément de deux autres sociétés, elles-mêmes détenues par deux autres actionnaires de la SAS. Au terme de l’opération, les actions autodétenues par la filiale ont été acquises par la SAS à concurrence de 6,96 % et, par un investisseur, à concurrence de 2,5 %. Les époux et actionnaires dont l’agrément a été refusé pour les sociétés présentées voient une réduction de leur participation dans la SAS, passant de 28 % à 23,6 %.

C’est dans ces circonstances qu’ils assignent la SAS et huit autres de ses actionnaires devant la juridiction consulaire en annulation de l’augmentation de capital votée et des assemblées générales concomitantes, ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts, sur fondements de la fraude et de l’abus de droit. Ils considèrent, en effet, qu’ils ont été placés dans l’impossibilité de participer à l’augmentation de capital compte tenu de la brutalité de l’opération, du délai de souscription fixé relativement court (soit un mois seulement après le vote de l’augmentation de capital) et du refus d’agréer les sociétés qu’ils avaient proposées. Surtout, ils estiment que l’augmentation de capital a pour objet une opération illicite puisqu’elle repose sur l’acquisition d’actions en autocontrôle réputées annulées en vertu des dispositions de l’article L. 225-214 du code de commerce. Partant, l’augmentation de capital entachée d’illicéité, contraire à l’intérêt social, doit, selon eux, être annulée.

Ces moyens n’ont pas emporté la conviction des juges du fond qui rejettent toutes les demandes des époux-requérants dans un arrêt du 2 avril 2019. La cour d’appel de Versailles estime, en effet, que les demandeurs étaient informés depuis fin 2013 des difficultés soulevées par l’autodétention puisque la société leur avait adressé un courrier faisant mention d’une éventuelle acquisition, de leur part, des titres détenus en autocontrôle par la filiale. L’augmentation de capital n’était alors qu’une suite logique. Par ailleurs, en ce qui concerne l’objet et l’intérêt de l’augmentation de capital, la cour d’appel de Versailles retient que les actions autodétenues possédées en violation des dispositions du code de commerce n’ont fait l’objet d’aucun vote en assemblée aux fins d’annulation. Elles peuvent, dès lors, faire l’objet d’une cession, l’opération n’est pas « en soi » illicite. Par conséquent, l’augmentation de capital litigieuse licite n’est pas contraire à l’intérêt social. 

Par le présent arrêt du 12 mai 2021, la Cour de cassation confirme tous ces points. D’abord, elle retient que les actionnaires-demandeurs ont été parfaitement informés de l’opération envisagée. Ensuite, toujours selon elle, l’annulation des actions autodétenues ne relève pas d’une automaticité, une décision de l’assemblée est nécessaire pour cela. C’est sur ce dernier point que l’attention sera portée, le premier ne faisant que reprendre l’analyse in concreto effectuée par les juges du fond. 

Absence d’annulation automatique des actions autodétenues

En principe, l’autodétention, c’est-à-dire la souscription ou l’achat par une société de ses propres actions, est prohibée (C. com., art. L. 225-206). Cela tient essentiellement au fait que, d’une part, la société ne peut être son propre actionnaire et ainsi, cumuler les qualités de créancier et de débiteur, et, d’autre part, que la réalité de la situation sociale et donc du capital social ne doit pas être biaisée pour les créanciers et tiers de la société (sur ce débat, v. R. Mortier, Le rachat par la société de ses droits sociaux, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2003). Une autodétention impliquerait une certaine artificialité ou fictivité du capital social. Pour cela, dans l’hypothèse d’une autodétention, le législateur prévoit que les actions autodétenues en violation de l’article L. 225-206 à L. 225-208 et L. 225-210 du code de commerce doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. Pour celles qui ne sont pas cédées dans le délai légal imparti, elles « doivent être annulées » (C. com., art. L. 225-214). Seulement, le législateur, bien qu’imposant une annulation, ne fait pas de celle-ci une sanction automatique et naturelle à l’instar de l’annulation « de plein droit » prévue pour les cas de figure de l’article L. 225-209-2 du code de commerce. L’intervention de l’assemblée générale est nécessaire et seule une décision d’autorisation émanant de cet organe social permet l’annulation de ces actions. Lorsque ces actions n’ont fait l’objet d’aucune annulation, comme au cas d’espèce, elles existent encore et ne sont donc pas réputées annulées comme le soutiennent les demandeurs. Elles peuvent donc régulièrement faire l’objet d’une cession. 

Licéité corrélative de la cession des actions autodétenues et non annulées

Il est bien acquis que le consentement des parties à un contrat, leur capacité juridique et un contenu licite et certain sont des éléments nécessaires à la validité d’un contrat (C. civ., art. 1128). Le contenu certain du contrat fait référence à un caractère possible de l’objet de l’obligation et à un caractère déterminé ou déterminable de l’objet de l’obligation. Sur le premier point, la prestation objet de l’obligation doit être possible (C. civ., art. 1163, al. 2). Certains auteurs rattachent à l’article 1163 du code civil la question de l’existence de la prestation. Il est vrai que, si la prestation n’existe pas, l’obligation n’a pas pour objet une prestation possible. Ainsi, la prestation consistant à transférer des parts sociales d’une société ayant disparu par l’effet d’une opération de fusion-absorption est inexistante. La cession de parts envisagée est nulle pour défaut d’objet (Com. 26 mai 2009, n° 08-12.691, Dalloz actualité, 3 juin 2009, obs. A. Lienhard ; D. 2009. 1477, et les obs. ; ibid. 2580, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon ; ibid. 2010. 287, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; RTD civ. 2009. 527, obs. B. Fages ). Par analogie, une cession d’actions non existantes car annulées conformément aux dispositions de l’article L. 225-214 serait nulle. Or, précisément parce qu’il n’y a pas eu d’annulation et que les actions existent encore au jour de la cession, la cession est régulière. 

Absence d’illicéité subséquente de l’augmentation de capital visant à en financer le rachat 

Pour obtenir la nullité de l’augmentation de capital litigieuse, les requérants se placent sur deux terrains prétoriens de nullité : l’abus de majorité et la fraude.

Sur l’abus de majorité

Pour rappel, l’abus de majorité est la situation dans laquelle une décision sociétaire est prise contrairement à l’intérêt social, dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires, au détriment des minoritaires (Com. 18 avr. 1961, Bull. civ. n° 175). En l’espèce, un tel abus est exclu par les juges puisque rien n’empêchait les minoritaires de souscrire à l’augmentation de capital. Les requérants n’établissent pas ici l’existence de manœuvres destinées à les empêcher de participer à l’augmentation de capital. En somme, l’intérêt social n’est pas compromis dans la mesure où l’opération a pour but d’accroître la participation de la SAS dans l’actionnariat de la filiale et la régularisation de la situation d’autocontrôle de la filiale. L’abus de majorité n’est donc pas caractérisé en tous ses éléments.

Sur la fraude

Si la fraude corrompt tout (fraus omnia corrumpit), c’est-à-dire qu’elle empêche l’application normale de la règle de droit, encore faudrait-il la caractériser (pour une application de la théorie de la fraude en matière de cession de droits sociaux, v. Com. 27 juin 1989, n° 88-17.654, Bull. civ. IV, n° 209 ; D. 1990. 314 , note J. Bonnard ; RTD com. 1990. 50, obs. Y. Reinhard ). En l’espèce, les appelants estiment que l’augmentation de capital a été réalisée en fraude de leurs droits, puisqu’elle a été effectuée en pleine période estivale, dans un délai relativement court, sans leur donner la possibilité d’y souscrire significativement, rompant l’égalité entre les actionnaires, et sur la base d’une cession illicite. Mais ce terrain n’emporte pas davantage la conviction des juges qui rappellent la possibilité offerte aux époux d’y souscrire, le temps dont ils disposaient pour réunir les fonds nécessaires, ainsi que l’information personnelle de ces derniers quant aux problèmes soulevés par les actions autodétenues depuis plusieurs mois et l’existence des actions objet de la cession. Que ce soit sur le terrain de l’abus de droit ou de la fraude, leur demande ne pouvait être que rejetée.

(Original publié par ladmi)
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Une ordonnance du 26 mai 2021, prise sur habilitation de l’article 37 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite « DADUE », transpose en droit français les dispositions de nature législative de la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Cette directive, dite « ECN+ », entend donner davantage de moyens aux autorités de concurrence des États membres, en France l’Autorité de la concurrence. Elle vise à faire en sorte que celles-ci disposent des outils de mise en œuvre appropriés quand elles appliquent la même base juridique, ce qui doit permettre de créer un véritable espace commun de mise en œuvre des règles de concurrence. Plusieurs dispositions de la directive faisaient d’ores et déjà partie du droit positif français, d’autres, en revanche, devaient encore être introduites dans notre législation, qu’elles concernent les aspects de procédure comme le volet sanctions.

Règles de procédure

Notion d’entreprise (art. 2, I)

Reprenant la définition posée par l’article 2, § 10, de la directive, elle-même directement inspirée par la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE 23 avr. 1991, Höfner et Elser, aff. C-41/90, Rec. CJCE p. I-1979, spéc. pt 21 ; AJDA 1992. 253, chron. J.-D. Combrexelle, E. Honorat et C. Soulard ; D. 1991. 155 ; RDSS 1991. 515, obs. X. Prétot ; RTD com. 1991. 512, obs. C. Bolze ; ibid. 524, obs. C. Bolze ; RTD eur. 1993. 81, chron. E. Traversa ; ibid. 1995. 859, chron. J.-B. Blaise et L. Idot ; Rev. UE 2015. 362, étude J.-P. Kovar ), l’ordonnance du 26 mai 2021 introduit explicitement la notion d’entreprise dans notre droit de la concurrence – toutes branches confondues – à l’article L. 410-1 du code de commerce. Les entreprises sont entendues comme les entités « quels que soient leur forme juridique et leur mode de financement qui exercent une activité ».

Saisine de l’Autorité de la concurrence (art. 2, XV)

L’ordonnance précise explicitement que les pratiques dont l’Autorité de la concurrence est saisie « peuvent être établies par tout mode de preuve » (C. com., art. L. 463-1, al. 2 nouv.).

Prescription (art. 2, II, X et XI)

L’ordonnance entend clarifier l’ensemble des règles de prescription, telles qu’elles figurent aux articles L. 420-6, L. 462-6 et L. 462-7 du code de commerce relatifs aux actes interruptifs de la prescription devant l’Autorité de la concurrence. Il est en particulier précisé que « la prescription de l’action devant l’Autorité de la concurrence est également interrompue par la transmission [du dossier au procureur de la République] mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 462-6 ».

Enquêtes

L’ordonnance prévoit, à l’article L. 450-1, I, du code de commerce, que, lorsque l’Autorité de la concurrence procède à une enquête pour le compte d’une autre autorité de concurrence de l’Union européenne, les agents de l’autorité requérante puissent assister et participer activement à l’enquête, sans que le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence ait la possibilité de s’y opposer (art. 2, IV).

L’ordonnance introduit des dispositions visant à renforcer les pouvoirs d’enquêtes des agents des services d’instruction des agents de la DGCCRF « qui permettent de mieux souligner la possibilité pour les agents d’accéder aux informations accessibles aux personnes et entreprises interrogées, et pouvant être sur des supports numériques » (rapport au président de la République). Elle consacre, en particulier, de manière explicite la possibilité pour ces agents d’accéder aux données des entreprises faisant l’objet d’une investigation, quel qu’en soit le lieu de stockage, et d’accéder aux clés de chiffrement (art. 2, V et VI, 1°).

Voies de recours (art. 2, VI, 2°)

L’ordonnance précise explicitement les modalités d’intervention de l’Autorité de la concurrence et du ministre dans le cadre des recours contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les opérations de visites et saisies (OVS) et contre le déroulement des OVS. Le régime de l’appel est précisé ; en particulier, il est énoncé que le recours contre l’ordonnance de refus d’autorisation n’est pas suspensif. Est également affirmée la possibilité de former un pourvoi en cassation dans ces mêmes procédures.

Renforcement des pouvoirs des agents de l’Autorité de la concurrence et de la DGCCRF

L’ordonnance prévoit explicitement, à l’article L. 450-7 du code de commerce, que tous les tiers sans restriction sont soumis à l’obligation de répondre aux sollicitations des agents de l’Autorité de la concurrence et de la DGCCRF, y compris les autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (art. 2, VII).

Le même texte restreint le champ d’application de l’article L. 450-8 du code du commerce qui punit pénalement quiconque s’oppose à l’exercice des fonctions des agents de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence afin de se conformer à la récente décision du Conseil constitutionnel n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021. Celle-ci a, en effet, jugé que le second alinéa du paragraphe V de l’article L. 464-2 du code de commerce, qui prévoit la sanction administrative des faits d’obstruction aux mesures d’enquêtes et d’instruction mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence, est contraire à la Constitution en ce qu’il méconnaît le principe de nécessité et de proportionnalité des peines. Le Conseil constitutionnel a considéré que la répression administrative prévue par le second alinéa du paragraphe V de l’article L. 464-2 du code de commerce et la répression pénale organisée par l’article L. 450-8 du code de commerce relèvent de corps de règles identiques. La modification opérée à l’article L. 450-8, complétée par la création de deux nouveaux articles, les articles L. 450-9 et L. 450-10, permettra, selon le rapport au président de la République, « de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel tout en maintenant l’article L. 464-2 du code de commerce dans sa version actuelle, qui permet de transposer l’article 13 de la directive ».

Renforcement des pouvoirs d’initiative de l’Autorité de la concurrence

L’ordonnance confère à l’Autorité de la concurrence, au nouvel article L. 462-9-1 du code de commerce, un pouvoir d’opportunité des poursuites en lui donnant la possibilité de rejeter des saisines au motif qu’elle ne les considère pas comme une priorité (art. 2, XII). Cette innovation a réjoui l’Autorité, qui aura ainsi désormais « la faculté de fixer ses propres priorités et de rejeter les plaintes qui n’y correspondent pas ». Cela rendra possible, selon elle, « une meilleure allocation de ses ressources, qui pourront être pleinement consacrées à la résolution rapide des affaires les plus importantes (notamment les affaires, complexes, qui concernent les grandes plateformes numériques ou les processus algorithmiques) » (communiqué de presse, 27 mai 2021).

Dans le même ordre d’idées, l’Autorité aura désormais la possibilité de se saisir d’office pour imposer des mesures conservatoires, et non plus seulement en suite d’une demande présentée par une entreprise, accessoirement à une demande au fond (art. 2, XVII ; C. com., art. L. 464-1 mod.). Là encore, l’Autorité de la concurrence s’est félicitée « de cette opportunité nouvelle d’intervenir sans délai, de son propre mouvement, lorsqu’elle a connaissance d’agissements pouvant nuire à la concurrence, en particulier dans des secteurs où les positions des acteurs évoluent très rapidement » (communiqué de presse, préc.).

En outre, l’ordonnance donne la possibilité à l’Autorité de la concurrence d’imposer aux entreprises ou associations d’entreprises des mesures correctives de nature structurelle (par exemple la cession d’une filiale ou d’une activité) ou comportementale proportionnées à l’infraction commise et nécessaires pour faire cesser effectivement l’infraction, alignant ainsi les pouvoirs de l’Autorité sur ceux de la Commission européenne. Elle prévoit également que l’Autorité puisse, de sa propre initiative ou sur demande de l’auteur de la saisine, du ministre de l’Économie, de toute entreprise ou association d’entreprises ayant un intérêt à agir, modifier, compléter ou mettre fin aux engagements qu’elle a acceptés si certaines conditions sont réunies (art. 2, XVIII, 1° et 2° ; C. com., art. L. 464-1 mod.).

Coopération entre autorités de concurrence (art. 2, XIII et XIV)

L’ordonnance, outre qu’elle procède à des adaptations rédactionnelles (C. com., art. L. 462-9 mod.), renforce le mécanisme de coopération entre autorités de concurrence (C. com., art. L. 462-9-1 nouv.). À cette fin, elle introduit quatre séries de mesures (v. rapport au président de la République, préc.) :

• s’agissant de pratiques contraires ou susceptibles d’être contraires aux articles 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Autorité de la concurrence doit informer la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence des autres États membres du prononcé d’une décision imposant des mesures conservatoires ou d’une décision de non-lieu à poursuivre la procédure ;

• afin d’établir si une entreprise ou association d’entreprises a refusé de se soumettre aux mesures d’enquête et aux décisions prises par une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne, l’Autorité de la concurrence peut, à la requête et au nom de cette autorité requérante, mettre en œuvre ses pouvoirs d’enquête.

Elle peut, aux mêmes fins, échanger avec cette autorité requérante des informations et les utiliser à titre de preuve, sous réserve des garanties prévues à l’article 12 du règlement (CE) n° 1/2003 du 16 décembre 2002 :

• l’Autorité de la concurrence, pour l’application de l’article 101 ou 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, peut requérir l’assistance d’une autorité de concurrence d’un autre État membre pour la notification au destinataire de tout acte de procédure ou pour l’exécution de ses décisions infligeant une sanction pécuniaire ou une astreinte ;

• l’Autorité de la concurrence peut transmettre à une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre la déclaration effectuée en vue d’obtenir le bénéfice de la procédure de clémence que si certaines conditions sont réunies.

Informations

L’ordonnance du 26 mai 2021 introduit plusieurs dispositions qui organisent l’accès des parties au dossier et prévoient les limites à l’utilisation des informations notamment celles relatives aux procédures de clémence et de transaction (art. 2, XV, XX et XXI).

Elle donne la possibilité à l’Autorité de la concurrence de publier des informations succinctes relatives aux actes qu’elle accomplit en vue de la recherche, de la constatation ou de la sanction de pratiques anticoncurrentielles, lorsque la publication de ces informations est effectuée dans l’intérêt du public et dans le strict respect de la présomption d’innocence des entreprises ou associations d’entreprises concernées (art. 2, XVI ; C. com., art. L. 463-6, al. 3 nouv.).

Procédure de clémence (art. 2, XX et XXI)

L’ordonnance crée trois nouveaux articles, les articles L. 464-10, L. 490-13 et L. 490-14 du code de commerce, qui consacrent explicitement dans notre législation la procédure de clémence, par laquelle une entreprise qui révèle à l’Autorité une infraction grave aux règles de concurrence peut solliciter une exonération de la sanction pécuniaire encourue. Reprenant largement les termes du programme de clémence précédemment mis en œuvre par l’Autorité de la concurrence, ces nouvelles dispositions harmonisent cette procédure à l’échelle européenne. L’incitation pour les entreprises à mettre au jour d’éventuelles ententes secrètes est encore renforcée puisqu’une immunité, ou une réduction, de sanction pénale peut en outre être obtenue, sous condition, par les personnes physiques appartenant au personnel de l’entreprise qui a, la première, formé une demande de clémence.

Notification d’un acte de procédure (art. 5)

L’ordonnance du 26 mai 2021 modifie l’article L. 311-11 du code de l’organisation judiciaire afin de préciser que le contentieux de la validité de la notification d’un acte de procédure réalisée par l’Autorité de la concurrence à la demande d’une autre autorité de concurrence d’un autre état membre de l’Union européenne relève de la compétence de la cour d’appel. Un décret en Conseil d’État viendra préciser la procédure applicable à ce contentieux. Un décret simple disposera que ce contentieux est confié à la cour d’appel de Paris qui statue déjà sur les recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence.

Sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence

Relèvement des sanctions (art. 2, XVIII)

Il s’agit là d’un volet important de l’ordonnance. Le régime des sanctions pécuniaires, qui a pour siège l’article L. 464-2 du code de commerce, dont la rédaction est modifiée, se veut désormais plus dissuasif et mieux harmonisé au niveau européen. Les organismes – dorénavant les « associations d’entreprises » – ne relèvent plus d’un régime spécifique de sanction en cas d’infraction aux règles de concurrence (ils bénéficiaient jusqu’alors d’un plafond de sanction de 3 millions d’euros), mais sont désormais soumis à un plafond beaucoup plus élevé, égal à 10 % du total des chiffres d’affaires des entreprises membres de l’association. Ceci concernera notamment les syndicats professionnels ou les ordres professionnels.

Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence pourra infliger aux intéressés des astreintes dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires mondial total journalier moyen, par jour de retard à compter de la date qu’elle fixe, pour les contraindre à exécuter une décision ou à respecter les mesures prononcées.

Est également introduit explicitement le critère de la durée de l’infraction comme élément d’appréciation de la sanction tandis que le critère relatif au dommage à l’économie est supprimé.

Il est également prévu que, hors les cas où la force publique peut être requise, lorsqu’une entreprise ou une association d’entreprises refuse de se soumettre à une mesure d’enquête, l’Autorité peut prononcer à son encontre une injonction assortie d’une astreinte.

Enfin, l’ordonnance consacre, au nouveau VI de l’article L. 464-2 du code de commerce, le principe d’une responsabilité financière des membres d’une association d’entreprises. Il prévoit à cet effet que :

• lorsqu’une sanction pécuniaire est infligée à une association d’entreprises en tenant compte du chiffre d’affaires de ses membres et que l’association n’est pas solvable, l’Autorité de la concurrence peut enjoindre à cette association de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de la sanction pécuniaire ;

• dans le cas où ces contributions ne sont pas versées intégralement à l’association d’entreprises dans un délai fixé par l’Autorité de la concurrence, celle-ci peut exiger directement le paiement de la sanction pécuniaire par toute entreprise dont les représentants étaient membres des organes décisionnels de cette association ;

• lorsque cela est nécessaire pour assurer le paiement intégral de l’amende, après avoir exigé le paiement par ces entreprises, l’Autorité de la concurrence peut également exiger le paiement du montant impayé de l’amende par tout membre de l’association qui était actif sur le marché sur lequel l’infraction a été commise. Ce paiement n’est toutefois pas exigé des entreprises qui démontrent qu’elles n’ont pas appliqué la décision litigieuse de l’association et qui en ignoraient l’existence ou qui s’en sont activement désolidarisées avant l’ouverture de la procédure.

Exemption de sanctions pénales en cas de coopération active (art. 2, III et XVIII, 7°)

L’ordonnance prévoit au nouvel article L. 420-6-1 du code de commerce que, lorsqu’une exonération totale des sanctions pécuniaires a été accordée à une entreprise ou une association d’entreprises en application de la procédure de clémence, les directeurs, gérants et autres membres du personnel de ladite entreprise ou association d’entreprises qui ont pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre de pratiques sanctionnées par l’Autorité sont exempts des peines pénales prévues par l’article L. 420-6 s’il est établi qu’ils ont activement coopéré avec l’Autorité de la concurrence et le ministère public. Il faut, pour cela, qu’il soit établi que ces personnes aient « activement coopéré avec l’Autorité de la concurrence et le ministère public », l’ordonnance précisant que la notion de « coopération active » est appréciée au regard des critères suivants : 1° la personne se tient à la disposition des services d’enquête et de l’Autorité de la concurrence pour répondre à toute question pouvant contribuer à établir les faits ; 2° elle s’abstient de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des preuves pertinentes ; 3° elle apporte des éléments de preuve de nature à établir l’infraction et à en identifier les autres auteurs ou complices.

(Original publié par Delpech)

par Yves Rouquetle 2 juin 2021

CNIL, délib. n° 2021-057, 6 mai 2021, JO 27 mai

Objectifs

Sans valeur contraignante, ce référentiel de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a pour objectif de fournir aux personnes mettant en œuvre des traitements relatifs à la gestion locative, un outil d’aide à la mise en conformité à la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel.

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De prime abord, la détermination de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan semble aisée. Comme son nom l’indique, cet organe est chargé de veiller à l’exécution du plan (C. com., art. L. 626-25, al. 1). Pourtant, là n’est pas sa seule mission. Sur un plan procédural, il peut également poursuivre les actions introduites avant le jugement arrêtant le plan par le mandataire judiciaire ou l’administrateur judiciaire (C. com., art. L. 626-25, al. 3) ou encore, engager des actions tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers (C. com., art. L. 626-25, al. 4). Malgré ces dispositions précises, la détermination de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan est délicate en pratique. Les nombreux arrêts portant sur cette thématique en témoignent (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021-2022, nos 521.311 s.).

L’importance de ce contentieux pourrait s’expliquer de deux façons. D’une part, le domaine des actions tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers est difficile à cerner, et ce, quel que soit l’organe à qui incombe la mise en œuvre de ces actions. D’autre part, cette difficulté est accrue dans un contexte au sein duquel le débiteur est redevenu in bonis. S’il est certain que le commissaire à l’exécution du plan ne le représente pas (Com. 27 mars 2012, n° 10-28.125, Bull. civ. IV, n° 70 ; D. 2012. 942, obs. A. Lienhard ; Procédures 2012/6, comm. 186, note B. Rolland ; Act. proc. coll. 2012/8, comm. 121, note L. Fin-Langer), la frontière peut être fine entre une action que le débiteur peut exercer seul postérieurement au jugement arrêtant le plan et une action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers pour laquelle le commissaire à l’exécution du plan a qualité pour agir.

L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans cette problématique et permet de revenir sur les contours de la qualité pour agir du commissaire à l’exécution du plan.

En l’espèce, une société cessionnaire, qui reprochait à deux cédants d’avoir commis un dol lors d’une cession de parts sociales qu’ils lui avaient consentie, les a assignés, le 26 décembre 2014, en paiement de dommages-intérêts. Avant que le tribunal ne statue sur cette demande, la société cessionnaire est placée en redressement judiciaire le 4 septembre 2015. Le mandataire judiciaire a été assigné par la société débitrice en intervention forcée et déclaration de jugement commun. Le 16 février 2016, un plan de redressement est arrêté et le mandataire judiciaire devient le commissaire à l’exécution du plan.

La société cessionnaire obtient gain de cause en première instance quant à sa demande de dommages-intérêts, mais est déclarée irrecevable en appel pour défaut de qualité pour agir.

La cour d’appel retient d’abord que le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Elle souligne ensuite que les sommes recouvrées à l’issue des actions introduites par le mandataire entrent dans le patrimoine du débiteur et doivent, par conséquent, être affectées à l’apurement du passif. Or, l’action introduite par la société cessionnaire, en ce qu’elle tend à l’allocation de dommages-intérêts, tend en outre à la défense de l’intérêt collectif des créanciers. Dès lors, pour les juges d’appel, après l’arrêté du plan, il appartenait au commissaire à son exécution de s’approprier l’action lorsque le mandataire judiciaire, qui devait reprendre l’action engagée par le débiteur, ne l’a pas fait.

La société cessionnaire se pourvoit en cassation et fait notamment valoir que le commissaire à l’exécution du plan, qui ne représente pas le débiteur redevenu in bonis, n’a qualité que pour poursuivre les instances introduites pendant la période d’observation et non les instances qui étaient en cours à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.

La haute juridiction souscrit à l’argumentation et casse l’arrêt d’appel au visa du troisième alinéa de l’article L. 626-25 du code de commerce. Pour la Cour de cassation, le commissaire à l’exécution du plan n’a pas la qualité pour poursuivre une action exercée par le...

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(Original publié par bferrari)