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Les effets de commerce sont aujourd’hui largement passés de mode. Aussi, pour qui s’intéresse au droit bancaire, cet arrêt de rejet du 24 mars 2021 rendu à propos de l’aval de billets à ordre, c’est-à-dire de la forme cambiaire du cautionnement, ne laissera pas indifférent. Au surplus, il se situe au carrefour du droit cambiaire et du droit des sociétés, ce qui contribue à sa richesse.

Les faits méritent d’être brièvement relatés. L’assemblée générale ordinaire de la société Mac Manus, société civile, a autorisé cette dernière à donner son aval pour une ligne de billets à ordre souscrits par sa filiale, la société Coreupt, au bénéfice d’une banque. La filiale n’ayant pas respecté ses engagements, la banque a dénoncé son concours et a alors assigné la société Mac Manus en exécution de ses engagements d’avaliste. La demande est rejetée au prétexte, selon les juges d’appel, qu’il est admis que l’avaliseur est autorisé à apporter à son engagement...

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Auteur d'origine: Delpech

Des concentrations non notifiables désormais contrôlables

Le risque de voir échapper des acquisitions prédatrices, dites killer acquisitions, au contrôle des autorités de concurrence, ainsi que les controverses nées de l’opération Facebook/WhatsApp-Facebook/Instagram ont nourri depuis plusieurs années des réflexions aux niveaux européen et national (notamment en France, Allemagne, Autriche) sur l’adaptation des seuils de notification au titre du contrôle des concentrations. En France, en dépit des propositions et travaux menés par l’Autorité de la concurrence pour créer un contrôle ex post le cas échéant, aucune refonte des seuils ou du contrôle n’a été opérée. C’est donc au niveau européen que le changement est intervenu et non par la modification des règles, des seuils ou l’introduction d’un nouveau type de contrôle mais par l’adoption d’un nouveau regard sur des règles existantes laissées pour une part en désuétude.

L’article 22 du règlement (CE) n° 139/2004 sur le contrôle des concentrations permet le renvoi d’une opération par une autorité de concurrence nationale à la Commission au titre du contrôle des concentrations sous certaines conditions (Règl. (CE) n° 139/2004 du Conseil, 20 janv. 2004, JOCE n° L 24, 29 janv.). Jusqu’à présent, la doctrine de la Commission consistait à considérer qu’une opération n’était éligible à ce renvoi que si elle remplit a minima les seuils de l’autorité nationale demandant le renvoi. Il ne s’agissait cependant que d’une doctrine, d’une pratique, car rien de tel n’est précisé à l’article 22.

Saisissant donc l’opportunité de ne pas modifier les règles mais d’adopter une approche différente pour mieux répondre aux insuffisances identifiées du contrôle des concentrations pour capter certaines opérations, la Commission a décidé...

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Auteur d'origine: Thill

Le tribunal a été saisi d’un recours formé par la célèbre marque de jeux de construction danoise Lego contre une décision de l’EUIPO du 10 avril 2019 (aff. R 31/2018-3) ayant trait à une demande en nullité du dessin et modèle de l’entreprise danoise et Delta Sport Handelskontor, une société allemande d’articles de sport et de loisirs.

La société Lego est titulaire depuis le 2 février 2010 du dessin ou modèle communautaire de la brique du même nom. Saisi par Delta Sport Handelskontor d’une demande en nullité, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande une première fois le 30 octobre 2017, avant que la chambre de recours lui donne finalement raison. Selon elle, toutes les caractéristiques de l’apparence de la fameuse brique sont exclusivement imposées par sa fonction technique, à savoir permettre l’assemblage des briques entre elles et leur démontage. Par conséquent, elle déclare le dessin ou modèle enregistré par Lego nul. Saisi à son tour d’un recours par Lego, le tribunal donne raison à ce dernier et reconnaît que l’EUIPO, dans son analyse, n’a pas tenu compte de tous les aspects de l’apparence de la brique, ni examiné l’applicabilité de l’exception de protection des systèmes modulaires de l’article 8, paragraphe, 3 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires.

L’applicabilité de la « clause Lego » sur l’exception des systèmes modulaires d’interconnexion

Le droit des dessins et modèles a pour objet de protéger l’apparence de tout ou partie d’un produit et notamment de ses formes, lignes et contours ainsi que ses couleurs et éventuelles textures. Il refuse néanmoins de protéger l’apparence d’éléments dont la présence est exclusivement imposée par leur fonction technique (règl. n° 6/2002, art. 8, § 1). Ces éléments ont plutôt vocation à être protégés par le droit des brevets qui offre une protection plus appropriée mais dont les conditions d’obtention sont plus exigeantes. Cette exclusion s’explique par la volonté du législateur de ne pas entraver l’innovation technologique. Est également exclue de cette protection...

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Auteur d'origine: nmaximin

La fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) publie une note proposant de nouveaux mécanismes fiscaux, tirés d’expériences étrangères, réellement incitatives à la conclusion d’obligations réelles environnementales.

L’article 72 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé un nouvel instrument de protection et de gestion de la biodiversité : les obligations réelles environnementales (ORE). Il s’agit d’un mécanisme contractuel, adapté des servitudes de conservation (« conservation easements ») en vigueur dans les pays anglo-saxons. Via ce mécanisme, le propriétaire d’un espace naturel peut conclure un contrat avec une personne morale de droit public ou de droit privé agissant pour la protection de l’environnement, faisant naitre à sa propre charge « des obligations...

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Auteur d'origine: Thill
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Les hypothèses de déchéance du droit à remboursement de la caution solvens sont envisagées par l’article 2308 du code civil, qui dispose que « La caution qui a payé une première fois n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier. Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier » (rappr. Avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés du 18 déc. 2020, art. 2314 : « La caution n’a pas de recours si elle a payé la dette sans en avertir le débiteur et que celui-ci l’a acquittée ou disposait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte ; sauf son action en restitution contre le créancier ». C’est la seconde cause de déchéance, sanctionnant « l’excès de zèle de la caution » (pour reprendre l’expression de M. Bourassin et V. Brémond, Droit des sûretés, 7e éd., Sirey, 2019, n° 329), que le débiteur tentait de faire valoir dans l’affaire ayant donné lieu à un arrêt de la première chambre civile en date du 24 mars 2021 (V. égal., Civ. 1re, 20 févr. 2019, n° 17-27.963, AJDI 2019. 292 ; 1er oct. 2014, n° 13-20.457 ; Com. 28 janv. 2014, n° 12-28.728, D. 2014. 1610, obs. P. Crocq ). En l’espèce, suivant offre de prêt acceptée le 27 août 2008, une banque a consenti un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société Crédit logement. Puis, à la suite du prononcé de la déchéance du terme par la banque, la caution a payé les sommes réclamées et assigné l’emprunteur en remboursement. La cour d’appel de Rennes accueille la demande de la caution dans un arrêt du 16 septembre 2018, ce qui motiva un pourvoi en cassation du débiteur, celui-ci soutenant tout d’abord, à l’appui d’un premier moyen, que la caution qui a payé sans être poursuivie alors que le débiteur principal était en mesure d’opposer utilement à la banque un moyen de droit tiré de l’irrégularité de la déchéance du terme se trouve privée de son recours contre le débiteur...

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Auteur d'origine: jdpellier

L’audition de Charles Duchaine par les députés de la mission d’évaluation de la loi Sapin 2 se déroulait dans un climat curieux. Devant la même commission, le 10 mars, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Didier Migaud, demandait ouvertement aux députés d’absorber l’AFA. Il a même chargé un magistrat honoraire de la cour des comptes de travailler sur le sujet. Plusieurs entreprises contrôlées par l’AFA se sont également plaintes de la lourdeur des contrôles.

D’autres intervenants ont toutefois fermement défendu l’Agence. Ainsi Michel Sapin, et l’ancien rapporteur de la loi Sapin 2, Sébastien Denaja, ont insisté sur la nécessité de ne pas déséquilibrer l’Agence qui, en peu d’années, a acquis une reconnaissance internationale.

Jeudi matin, Charles Duchaine a décidé de répondre pied à pied aux critiques. Il a rejeté l’idée d’une fusion avec la HATVP. « Nous ne doublonnons avec personne ». Par ailleurs, si l’AFA « doit être indépendante dans son programme de contrôle », elle a un rôle dans la politique publique de prévention de la corruption. Cette place...

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Auteur d'origine: Thill
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En cas d’annulation de vol ou de retard important (très exactement de plus de trois heures : CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, Sturgeon, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ), la compagnie aérienne est tenue, conformément au règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, d’indemniser les passagers aériens pour un montant qui varie entre 250 et 600 € en fonction de la distance qui aurait dû être couverte par le vol (art. 7, § 1er). Il en est toutefois autrement en cas de « circonstances extraordinaires » (art. 5, § 3). Celles-ci sont souvent invoquées par les compagnies aériennes pour échapper à leur obligation d’indemnisation. Mais souvent en vain, car elles ne sont admises que dans des conditions très strictes. Il existe une jurisprudence foisonnante sur cette question, qui émane de la Cour de justice de l’Union européenne (mais les juridictions nationales ne sont pas en reste ; pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 17 févr. 2021, n° 19-21.362 F-P, Dalloz actualité, 23 mars 2021, obs. X. Delpech, qui juge que si l’avion atterrit sur un autre aéroport que celui initialement prévu, le transporteur aérien est tenu d’indemniser le passager, même en cas de retard inférieur à trois heures), qui est très favorable aux intérêts des passagers. Elle s’explique par l’objectif principal assigné par le règlement (CE) n° 261/2004 : « assurer un niveau élevé de protection des passagers » (consid. 1).

Ainsi, un problème technique survenu à l’aéronef ne constitue de telles circonstances, sauf si ce problème « découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, Wallentin-Hermann, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Il en est de même d’une « grève sauvage » du personnel navigant à la suite de l’annonce surprise d’une restructuration (CJUE 7 avr. 2018, aff. C-195/17, Krüsemann, Dalloz actualité, 15 mai 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1587 , note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 1412, obs. H. Kenfack ; JT 2018, n° 209, p. 15, obs. X. Delpech ). La solution avait fortement déplu, on s’en doute, aux compagnies aériennes. Une grève sauvage n’est-elle pas un événement imprévisible ? À l’évidence, non pour la Cour de justice, qui considère, en substance, que les risques découlant des conséquences sociales qui accompagnent des mesures de restructuration et réorganisation sont inhérents à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne. C’est dire que les dirigeants d’une compagnie aérienne qui décideraient d’une restructuration de cette dernière doivent anticiper toutes les conséquences qui...

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Auteur d'origine: Delpech
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La Cour de cassation poursuit son œuvre d’uniformisation des sanctions civiles relatives au TEG, dans le droit fil de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global (V. à ce sujet, G. Biardeaud, Succès en trompe-l’oeil pour les banques, D. 2019. 1613 ; X. Delpech, Un nouveau régime de sanctions en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, AJ contrat 2019. 361 ; F. Clapiès, TEG : une clarification attendue du régime des sanctions civiles, RLDA, oct. 2019, p. 20 ; J. Lasserre Capdeville, L’adoption d’une sanction unique aux manquements liés au TEG/TAEG, JCP E, 12 sept 2019, act. 574 ; M. Latina, La sanction civile du TAEG est unifiée, L’essentiel Droit des contrats, oct. 2019, p. 2 ; D. Legeais, La fin du contentieux relatif au TEG ! RD banc. et fin. 2019, repère 5 ; P. Métais et E. Valette, La réforme du TEG adoptée : la déchéance du droit aux intérêts du prêteur proportionnée au préjudice… RLDC oct. 2019, p. 9 ; J.-D. Pellier, L’harmonisation des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, CCC, déc. 2019, Alerte 43 ; V. Prevesianos, Une ordonnance fixe les sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, Dalloz actualité, 30 juill. 2019 ; M. Roussille, Quand le législateur s’en remet à la sagesse du juge… Gaz. Pal. 22 oct. 2019, p. 43). On sait en effet que cette ordonnance a harmonisé lesdites sanctions en érigeant la déchéance du droit aux intérêts en sanction unique (et en bannissant corrélativement la sanction de la nullité, qui était jusqu’alors appliquée en cas d’omission ou d’inexactitude de la mention du taux effectif global dans l’écrit constatant tout contrat de crédit). Le code de la consommation prévoit ainsi que « le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur », cette règle étant posée tant au stade de l’information précontractuelle (C. consom., art. L. 341-1, L. 341-25 et L. 341-26), qu’à celui des offres de crédit (C. consom., art. L. 341-4, L. 341-34 et L. 341-54) et du contrat lui-même (C. consom., art. L. 341-48-1). En outre, la sanction est également étendue aux autres types de crédit par renvoi de l’article L. 313-4 du code monétaire et financier aux dispositions du code de la consommation (V. en ce sens, J. Lasserre Capdeville, art. préc., faisant état des crédits professionnels ou du « secteur libre »).

Afin de donner à cette harmonisation une portée temporelle maximale, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 10 juin 2020, que « pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge » (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, D. 2020. 1440 ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2021. 223 , obs. J. Moreau ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais ; v. égal., Civ. 1re, 10 juin 2020, avis n° 15004 : « même lorsque l’ordonnance du 17 juillet 2019 n’est pas applicable, l’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme l’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur » [Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, publié, préc.]).

Il n’est donc pas étonnant que la chambre commerciale adopte exactement la même solution dans un arrêt du 24 mars 2021. En l’espèce, courant 2007, la société Dexia a consenti trois prêts à la société anonyme de construction de la ville de Lyon (la SACVL). Ces contrats stipulaient que, pour une partie de leur durée, le taux d’intérêt serait un taux fixe de 3,68 % par an pour le premier prêt et de 3,20 % par an pour les deux derniers si le taux du change de l’euro en franc suisse était supérieur au taux du change de l’euro en dollar américain et que, dans le cas contraire, le taux d’intérêt serait égal au taux fixe stipulé pour chacun des contrats, augmenté de 30 % de la différence entre ces taux de change pour le premier prêt et de 26 % de cette différence pour les deux derniers. Ceux-ci ont été réitérés par deux actes notariés du 29 avril 2008, tandis que le premier contrat a fait l’objet d’un avenant courant 2012. Le 1er mars 2013, la SACVL a assigné la société Dexia pour obtenir notamment, à titre principal, l’annulation des stipulations d’intérêt des trois contrats de prêt et, à titre subsidiaire, la réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de la banque à son obligation d’information.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 27 novembre 2018, fait droit à la demande de l’emprunteur et annule la stipulation d’intérêts conventionnels du premier contrat litigieux, en retenant que le taux d’intérêt légal est applicable pour ce contrat à compter du 22 juin 2012, après avoir énoncé que le non-respect des dispositions des articles 1907, alinéa 2, du code civil et L. 313-2 (lire art. L. 313-4) du code monétaire et financier est sanctionné par la nullité relative de la stipulation d’intérêts, l’arrêt retient que la SACVL est fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans l’avenant du 22 juin 2012 est erroné.

La banque se pourvut donc en cassation, arguant du fait que la mention du taux effectif global ne constitue pas, dans un contrat de prêt structuré, une condition de validité de la stipulation du taux d’intérêt contractuel. L’argument fait mouche auprès de la Cour régulatrice, qui censure l’arrêt au visa de l’article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 : les hauts magistrats rappellent tout d’abord qu’ « En application de ce texte, le taux effectif global, déterminé selon les modalités prévues par les dispositions du code de la consommation communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de crédit » (pt 11). Après avoir retracé l’histoire mouvementée de la jurisprudence et de la loi en la matière, ayant finalement abouti à l’ordonnance du 17 juillet 2019 précitée, ils énoncent que « Si, conformément au droit commun, les dispositions de cette ordonnance ne sont applicables qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution de ce contentieux et du droit du crédit, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar la première chambre civile (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, préc., en cours de publication) qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur » (pt 18). Ils en concluent qu’« En statuant ainsi, alors que l’inexactitude du taux effectif global mentionné dans l’avenant au contrat de prêt emportait, non l’annulation de la stipulation du taux de l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal, mais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion qu’il lui appartenait de fixer au regard, notamment, du préjudice subi par la SACVL, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (pt 20).

Cette solution, qui présente le mérite de la simplicité, n’encourt pas moins deux critiques : d’une part, elle revient à faire une application par anticipation de l’ordonnance du 17 juillet 2019, n’en déplaise à la Cour régulatrice, qui s’en défend (allant ainsi à l’encontre de l’invitation du rapport au Président de la République relatif à ladite ordonnance). Ce faisant, elle applique (sans le dire) le principe de la rétroactivité in mitius en matière civile alors que ce principe est traditionnellement cantonné à la matière répressive en vertu de l’article 112-1, alinéa 3, du Code pénal (en faveur d’une telle application, v. P.-Y. Gautier, Pour la rétroactivité in mitius en matière civile, in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen J. Héron, LGDJ, 2009, p. 235).

D’autre part, cette solution procède à une extension de la déchéance au-delà de son domaine (temporel en l’occurrence), alors même que la Cour de cassation se montre traditionnellement réticente à en étendre l’empire (V. par ex., Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565, Dalloz actualité, 24 janv. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 68 ; AJDI 2019. 632 , obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron ; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville ; RDC n° 2019/2, p. 54, obs. D. Fenouillet : « selon l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en cas de non-respect des différentes obligations visées par cet article, parmi lesquelles ne figurent pas les modalités d’information de l’emprunteur énumérées aux articles R. 313-12 à R. 313-14 du même code, relatifs au regroupement de crédits prévu à l’article L. 313-15, ces textes dans leur rédaction alors applicable ; que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la déchéance du droit aux intérêts n’était pas encourue ». V. égal. en matière de surendettement, Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160, D. 2020. 484 ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. M. Draillard, Rudy Laher, A. Provansal, O. Salati et E. Jullien ; RDC 2020/2, p. 70, obs. J. Julien ; JCP E 11 juin 2020, 1227, note J.-D. Pellier, considérant, au visa de l’article L. 761-1 du code de la consommation, « qu’il résulte de ce texte que les causes de déchéance sont limitativement énumérées par la loi »).

En réalité, la solution se justifie essentiellement par des considérations d’opportunité, comme en témoigne d’ailleurs la motivation de l’arrêt sous commentaire, reprenant en cela l’argumentation de la première chambre civile, elle-même fondée sur l’avis de l’avocat général relatif à l’arrêt du 10 juin 2020 précité. On peut en effet y lire que « La création, par l’ordonnance du 17 juillet 2019, d’une sanction unique de déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge, constitue un changement de paradigme en raison de son très vaste champ d’application. Elle a pour objet de simplifier et de rendre cohérent un régime de sanctions devenu peu lisible. Un tel changement, découlant d’une forte volonté d’harmonisation des sanctions civiles fondée sur la généralisation de la sanction de déchéance du droit aux intérêts applicable en matière d’offre de prêt, génère une logique d’unification des solutions, nonobstant l’absence d’application immédiate des nouvelles dispositions aux contrats en cours » (p. 11). On y trouve également la considération suivante, inspirée du droit de l’Union européenne : « L’automaticité de la sanction génère effectivement une absence de proportionnalité en méconnaissance des exigences du droit européen applicable (…). Cette automaticité ne laisse aucune marge de manœuvre au juge dès lors qu’il constate le manquement : il doit prononcer l’annulation de la clause stipulant le taux d’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal, nonobstant la gravité du manquement commis ou l’ampleur du préjudice subi » (p. 12 et 13).

Quoi qu’il en soit, il n’est pas certain que l’objectif poursuivi par le législateur et la jurisprudence puisse être atteint, tant il est vrai que l’étendue de la déchéance pourra varier d’un juge à l’autre (rappr. M. Roussille, Quand le législateur s’en remet à la sagesse du juge… art. préc. : « la réforme pourrait bien manquer son objectif d’harmonisation des sanctions puisque chaque juge a ses inclinaisons : untel estimera que l’emprunteur fait une demande disproportionnée au regard de la faiblesse de l’erreur ; un autre préférera, au contraire, faire preuve de sévérité envers le prêteur, dans une visée d’exemplarité »).

Auteur d'origine: jdpellier

Dans l’affaire jugée, il est question de l’assemblée générale d’une SAS qui a, par décision en date du 26 juin 2012, désigné sa présidente pour une durée de trois ans. Les statuts de la société prévoyaient que la révocation du président ne pourrait intervenir que pour un motif grave, par décision collective unanime des associés autres que le président, et que toute révocation intervenant sans qu’un motif grave ne soit établi ouvrirait droit à une indemnisation du président. Trois ans plus tard, le mandat de président vient à expiration. Fort opportunément, une assemblée générale doit se tenir le 23 juin 2015. Mais, curieusement, elle ne s’est pas prononcée sur le renouvellement du mandat de la présidente, qui est toutefois restée en fonction. Ce n’est que celle de l’année suivante, qui s’est tenue le 22 mars 2016 qui prend position : elle a décidé « de ne pas [la] renouveler […] dans ses fonctions de présidente à compter de ce jour ».

C’est, on l’imagine, la douche froide pour l’intéressée. Soutenant qu’elle avait fait l’objet d’une révocation fautive et que cette mesure était intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, l’ancienne présidente a alors assigné la société en paiement de l’indemnité statutaire et de dommages-intérêts. La cour d’appel d’Orléans rejette sa demande indemnitaire. La solution est confirmée par la Cour de cassation, qui considère que le silence de...

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Auteur d'origine: Delpech
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L’article L. 145-47 du code de commerce consacré à la déspécialisation partielle permet à un commerçant locataire d’exercer des activités connexes ou complémentaires. Celles-ci ne sont pas définies, mais les modalités d’exercice de cette modification d’activité, elles, le sont : information du bailleur, juridiction compétente pour statuer sur d’éventuels litiges, conséquences de l’extension d’activités sur le montant du loyer lors de la première révision suivante. Si le code de commerce ne définit pas les critères de déspécialisation, les juges du fond les apprécient souverainement (Civ. 3e, 13 févr. 1973, Bull. civ. III, n° 81, Ann. Loyers 1973. 1623 ; 18 mars 1998, n° 96-16.384, D. Affaires 1998. 942, obs. Y. R.), et leur jurisprudence à ce sujet a permis aussi d’établir une classification parmi les activités qui peuvent être adjointes à celles prévues dans la destination du bail commercial.

Déspécialisation partielle vs activité incluse

Toutes ne nécessitent pas le respect de la procédure de l’article L. 145-47 du code de commerce, car elles peuvent se rattacher à la destination initiale du bail, correspondant à une « évolution normale, qu’elle soit technique ou commerciale » (J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux, 6e éd., Le Moniteur, 2018, n° 1651). Ces activités qui peuvent « s’adjoindre implicitement à celles initialement stipulées » (M. Ghiglino, La destination du bail commercial, Droit et Ville 2019/12, n° 88, p. 225) sont qualifiées d’« activités incluses ».

Une notion évolutive

Mais, comme l’indique la définition qui précède, la notion d’activité incluse est évolutive, dépendant à la fois des usages d’une profession et de leur nécessaire adaptation aux nouveaux besoins, voire exigences, de la clientèle, comme en témoigne l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 février 2021 rapporté.

Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sous étude, la juridiction du second degré est appelée à statuer sur une décision du juge des loyers commerciaux du 6 octobre 2017 dont l’un des principaux motifs de déplafonnement du loyer tenait dans l’adjonction d’une activité de « restauration à emporter et vente par internet avec livraison gratuite ». Aucune autorisation du bailleur n’avait été sollicitée et ce dernier y voyait une activité connexe ou complémentaire relevant de la procédure de l’article L. 145-47 du code de commerce. Le locataire conteste en arguant que l’évolution des usages commerciaux fait que la vente à emporter et la livraison à domicile des produits achetés, tant en alimentation générale qu’en restauration asiatique soit devenue « une modalité particulière de l’exploitation telle que prévue par le bail », autrement dit une activité incluse dans la destination du bail commercial, non soumise à autorisation du bailleur et non susceptible de justifier le déplafonnement du loyer.

Approche pragmatique 

Au sujet de la vente à emporter, les nombreuses décisions rendues par les juridictions du fond à propose des activités incluses révèlent de leur part une approche pragmatique et non conceptuelle, aboutissant à des décisions en apparence contradictoire (J.-P. Blatter, op. cit.). Ainsi, elle est admise pour la vente de pizzas sur place et à emporter dans le cadre de l’activité de restauration rapide (Paris, 16e ch. B, 11 juin 2009, n° 08/13759, AJDI 2009. 871 ), mais refusée pour celle de restaurant, salon de thé et pâtisserie (Paris, 16e ch. B, 16 mars 2001, AJDI 2001. 879, obs. J.-P. Blatter ). Par contre, en matière de livraison à domicile, les décisions connues à ce jour ont refusé d’y voir une activité incluse, le principal obstacle étant le fait qu’elle nécessite la mise en place d’une logistique supplémentaire (véhicules, livreurs) étrangère à l’activité initiale de restauration prévue au bail (Paris, 16e ch. A, 23 mai 2001, Administrer 8-9/2001. 39, note B. Boccara et D. Lipman-Boccara ; 25 févr. 2009, AJDI 2009. 790  ; Paris, 16e ch. B, 11 juin 2009, préc.).

Prolongement naturel 

Près de douze ans après la décision refusant d’admettre la livraison comme activité incluse dans celle de pizzeria-restauration rapide, la cour d’appel parisienne, tant par une analyse précise de la destination du bail commercial en cause que par une description contextuelle et macro-économique des activités principales exercées par le preneur (alimentation générale et restauration asiatique), voit en la livraison par commande internet une modalité d’exercice, expression d’une « tendance croissante » permettant « à la clientèle, notamment en milieu urbain, comme en l’espèce, de pouvoir emporter les plats cuisinés par les restaurants ou se les faire livrer à domicile, notamment par l’intermédiaire des plateformes ». La cour d’appel voit dans la livraison le prolongement naturel d’activités ayant mué pour répondre aux besoins de leur clientèle. Elle en déduit donc, par une approche que l’on peut qualifier de « téléologique et fonctionnelle » (L. Maupas, Bail commercial et destination des lieux. Étude des notions d’inclusion et de déspécialisation, JCP N 2009, n° 11, p. 1113), que la vente de plats par internet avec livraison à domicile peut être considérée comme activité incluse dans la destination contractuelle « alimentation générale et restaurant typiquement exotique, c’est-à-dire typiquement asiatique ». Mais elle formule cependant une réserve dans le sens où si l’activité de livraison est prépondérante par rapport à la restauration sur place et à emporter, la requalification de cette activité en activité connexe ou complémentaire n’est pas exclue.

Contexte de crise sanitaire

Cette décision a été rendue dans un contexte de crise sanitaire où diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics pour soutenir une activité, même réduite, au profit des commerces ne pouvant recevoir leurs clients. Parmi celles-ci, le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, en son article 8, autorise les restaurants à ouvrir pour leurs activités de vente à emporter et service de livraison, sans condition d’exercice préalable de telles activités, mais pour une durée limitée à celle de la crise sanitaire que nous connaissons. Un tel dispositif permet de satisfaire la clientèle habituelle ne pouvant consommer sur place mais aussi, grâce à internet, de capter de nouveaux consommateurs, éloignés de la zone de chalandise, compensant ainsi la perte de clients réduisant leurs sorties et/ou réfractaires à ces nouveaux modes de commercialisation.

Indifférence de la nouvelle activité à la contribution à l’augmentation de la zone de chalandise ?

C’est sur ce dernier point que la décision de la cour d’appel pose question. Elle affirme qu’à partir du moment où cette activité supplémentaire est considérée comme incluse, sa contribution à l’augmentation de la zone de chalandise est indifférente, ce qui peut laisser entendre que sa mise en œuvre est sans influence sur la valeur locative du commerce, sauf bien sûr à ce que la livraison contribue de façon prépondérante à l’activité principale.

Au regard de la jurisprudence antérieure, le raisonnement suivi par la cour d’appel semble exclure une décision de circonstance marquée par les difficultés économiques liées à la crise sanitaire. Ainsi qu’a pu le démontrer Ludovic Maupas (art. préc.), les juridictions du fond, quand elles sont appelées à statuer sur des demandes de déplafonnement ou de résiliation de bail reposant sur des activités connexes ou complémentaires non autorisées par les bailleurs, font montre d’une certaine équité en se fondant sur l’observation des seules attentes des clients auxquelles doivent répondre les commerces pour assurer leur pérennité.

Mais la qualification d’activité incluse, si elle permet de sauvegarder l’équilibre économique des commerces, ne porte-t-elle pas atteinte non seulement à la volonté contractuelle, surtout quand la destination des lieux est sans équivoque (et l’on ne peut que conseiller au commerçant de se rapprocher du bailleur pour échanger en vue d’un éventuel avenant au contrat), mais aussi, en raison des changements, voire des nuisances, engendrés par de nouvelles modalités d’exercice commercial (les va-et-vient parfois bruyants des deux roues chargés des livraisons), à la commercialité d’un secteur, celle que Bruno Boccara définissait comme « l’aptitude plus ou moins grande d’un secteur à permettre aux commerçants qui y sont installés, en bénéficiant d’une destination adéquate, de réaliser des profits sur le seul fondement des qualités propres de ce secteur, abstraction faite de l’aptitude des exploitants » (AJDI 1993. 494 ).

Auteur d'origine: Rouquet
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En l’espace d’une décennie, la problématique de l’insaisissabilité des immeubles d’un entrepreneur sous procédure collective est devenue un incontournable du droit des entreprises en difficulté. Chacune des décisions rendues en ce domaine est scrutée et retient l’attention des auteurs spécialistes de la matière (v., dernièrement, Com. 7 oct. 2020, n° 19-13.560, Bull. civ. IV, à paraître ; D. 2020. 2007 ; Rev. sociétés 2021. 205, obs. F. Reille  ; BJE janv. 2021, n° 118j5, p. 31, note N. Borga ; Gaz. Pal. 12 janv. 2021, n° 394m5, p. 80, note M. Guastella ; BJS mars 2021, n° 121w1, p. 52, note J.-J. Ansault ; LEDEN mars 2021, n° 114b7, p. 4, note P. Rubellin ; Rev. pr. coll. 2020/6, comm. 142, note P. Cagnoli ; Act. pr. coll. 2020/18, n° 241, note L. Fin-Langer). L’arrêt sous commentaire n’échappe pas à la règle, tant la Cour de cassation y livre une analyse méritant la plus grande attention.

En l’espèce, le 12 août 2008, un débiteur a bénéficié d’une procédure de sauvegarde au sein de laquelle un administrateur a été désigné. Le 22 décembre 2008, le débiteur a déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité visant deux immeubles qui a été publiée le 7 janvier 2009. Le 10 mai 2010, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire, avec une date de cessation des paiements fixée au 12 août 2008, puis en liquidation judiciaire le 11 septembre 2012. Alors qu’il entendait réaliser les immeubles, le liquidateur s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI). Il assigne le débiteur en inopposabilité de la déclaration. Cette demande est rejetée en première instance et en appel. Les juges du fond considèrent que la déclaration d’insaisissabilité est opposable au liquidateur judiciaire. Pour parvenir à cette solution, les juges ont relevé qu’en procédure de sauvegarde, la désignation d’un administrateur n’ôte pas au débiteur le pouvoir d’exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration. Or, selon l’article L. 622-7, II, du code de commerce, en période d’observation, seuls les actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise sont soumis à l’autorisation du juge-commissaire à peine de nullité. Pour la cour d’appel, la DNI ne faisant pas partie de ces actes, la déclaration accomplie durant la période d’observation par le débiteur est régulière et opposable au liquidateur judiciaire.

Le mandataire se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

En relevant d’office un moyen de pur droit (C. pr. civ., art. 620, al. 2), la haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008. Pour la Cour de cassation, l’insaisissabilité était inopposable au liquidateur dans la mesure où les déclarations avaient été accomplies postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde.

L’arrêt ici rapporté est intéressant à au moins deux égards.

D’une part, il répond à la question inédite, à notre connaissance, de l’opposabilité au liquidateur de la DNI publiée durant la période d’observation d’une procédure de sauvegarde, devenue, en raison des conversions ultérieures, la période suspecte du redressement et de la liquidation judiciaire.

D’autre part, c’est l’ambiguïté du moyen unique du pourvoi soumis à la haute juridiction qui interpelle. En l’espèce, le liquidateur sollicitait l’inopposabilité de la DNI, tout en se prévalant d’arguments tendant à remettre en cause la régularité de celle-ci par la référence aux actes soumis, à peine de nullité, à autorisation du juge-commissaire de l’article L. 622-7, II, du code de commerce.

À vrai dire, le fait de se prévaloir de la régularité de la déclaration accomplie durant la période d’observation de la procédure de sauvegarde, mais rétrospectivement au cours de la période suspecte de la liquidation judiciaire, fait sens au regard de l’évolution des textes en la matière.

L’ordonnance du 12 mars 2014 a ajouté à la liste des nullités de la période suspecte la DNI faite par le débiteur durant cette période (C. com., art. L. 632-1-I, 12°). Las, ce texte n’est applicable qu’aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014. En l’espèce, la nullité de la déclaration ne pouvait donc être sollicitée sur ce fondement. Reste que, quelle que soit la législation applicable, la DNI demeure un acte grave privant la procédure collective d’un actif important. Or force est de constater qu’à la dangerosité de l’acte ne répond – antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 – aucun fondement juridique évident permettant aux organes de la procédure collective d’en solliciter l’annulation. Cette remarque permet d’expliquer toute l’ambiguïté du moyen du pourvoi et la référence aux actes soumis à autorisation du juge-commissaire en période d’observation de l’article L. 622-7, II, du code de commerce.

Au demeurant, la solution portée par l’arrêt sous commentaire abandonne la référence à la régularité de la déclaration. Ce choix ne nous paraît pas anodin. À tout le moins, il souligne les difficultés liées à l’absence de fondements textuels pertinents permettant de discuter de la régularité d’une DNI passée durant la période suspecte sous l’empire des textes antérieurs à l’ordonnance du 12 mars 2014. Au contraire, la Cour de cassation se fonde exclusivement sur la date de publication de la DNI pour en déduire son inopposabilité à la procédure collective. Ce raisonnement nous semble logique et résulte de l’application rationnelle des grands concepts du droit des entreprises en difficulté.

L’irrégularité discutable de la DNI

En l’espèce, pour remettre en cause la régularité de la DNI, le liquidateur soutenait que la déclaration d’insaisissabilité entrait dans la catégorie des actes de la période d’observation soumis à autorisation du juge-commissaire à peine de nullité.

Avant de s’intéresser à l’éventuel bien-fondé de cette demande, concédons tout d’abord que la qualité pour agir du liquidateur ne peut être discutée. En effet, il est désormais acquis qu’étant donné que la DNI n’est opposable à la liquidation judiciaire qu’en vertu d’une publicité régulière, le liquidateur qui agit dans l’intérêt collectif des créanciers est recevable à en contester la régularité, puisque sa demande tend à la reconstitution du gage commun des créanciers (Com. 15 nov. 2016, n° 14-26.287, Bull. civ. IV, n° 142 ; Dalloz actualité, 17 nov. 2016, obs. A. Lienhard ; D. 2016. 2333, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2017. 177, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2017. 186, obs. A. Martin-Serf  ; Gaz. Pal. 10 janv. 2017, n° 283h4, p. 52, note P.-M. Le Corre ; BJE mars 2017, n° 114g7, p. 107, note N. Borga ; JCP E 2017. 1110, note C. Lebel ; Act. pr. coll. 2017/1, n° 12, note V. Legrand). Fort de ce précédent, le mandataire entendait remettre en cause l’opposabilité de la DNI à la procédure collective en arguant de l’irrégularité de sa publication.

Pour fonder l’irrégularité alléguée, le liquidateur soutient que la DNI est un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise soumis à autorisation du juge-commissaire en période d’observation, et ce à peine de nullité (C. com., art. L. 622-7, II). En l’occurrence, le débiteur n’ayant pas obtenu un tel accord, la publication de la déclaration serait irrégulière et, par conséquent, inopposable à la procédure collective.

Bien qu’elle ait finalement conclu à l’inopposabilité de la DNI, la Cour de cassation ne se prononce pas sur sa régularité au regard des arguments avancés par le mandataire. Sans extrapoler la solution de l’arrêt ici rapporté, ce choix nous semble dicté par la difficulté inhérente à la question de savoir si la DNI constitue ou non un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise au sens de l’article L. 622-7, II, du code de commerce.

D’une façon générale, nous pouvons voir dans cette catégorie d’actes, ceux qui altèrent gravement et durablement le patrimoine de l’entreprise (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., Dalloz Action, 2019-2020, n° 422.211), et ce même si l’acte litigieux ne concerne pas directement l’activité professionnelle du débiteur (Com. 9 juin 1992, n° 90-15.981 NP).

Malgré ces éléments de définition, la qualification de la DNI en un acte de disposition n’est pas frappée au coin de l’évidence, tant les arguments en faveur ou en défaveur de cette qualification se valent.

De prime abord, il peut être soutenu que la DNI ne fait pas partie des actes que le juge-commissaire peut autoriser en période d’observation. Dans cette optique, la déclaration d’insaisissabilité n’est pas un acte de disposition, car elle vise à maintenir un ou plusieurs bien(s) dans le patrimoine du débiteur, ce qui lui confère les attributs d’un acte conservatoire.

Reste que ce qui est vrai du point de vue de la protection du patrimoine du débiteur l’est moins sous le prisme de la position des créanciers face à l’insaisissabilité de l’immeuble. En effet, pour ces derniers, la DNI réduit le périmètre de l’actif soumis à l’effet réel de la procédure collective et entraîne par conséquent une réduction du gage commun. Un tel effet plaide en faveur de la qualification de la DNI en un acte de disposition soumis à autorisation du juge-commissaire en période d’observation. En dernier lieu, quand bien même les dispositions de l’ordonnance du 12 mars 2014 n’étaient pas applicables en l’espèce, l’ajout à la liste des nullités de la période suspecte de la DNI faite par le débiteur durant cette période (C. com., art. L. 632-1-I, 12°) témoigne bien de la « gravité » supposée de l’acte et autoriserait sa qualification en un acte de disposition.

Quelle que soit l’opinion que chacun souhaiterait défendre, ces éléments montrent qu’il est difficile de trancher en faveur de l’une ou l’autre des positions. À cet égard, l’absence de fondement textuel pertinent permettant de discuter de la validité de la DNI accomplie durant la période suspecte pour les procédures ouvertes antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 n’y est probablement pas étrangère. Aussi, la Cour de cassation a fait le choix de ne pas se prononcer sur la régularité de la déclaration d’insaisissabilité accomplie durant la période d’observation de la sauvegarde devenue ultérieurement la période suspecte de la liquidation.

Au contraire, il apparaît que la discussion sur la régularité de la déclaration était vaine du point de vue de la procédure collective. En effet, en l’espèce, l’inopposabilité de la déclaration pouvait être déduite de sa seule date de publication. Ce choix nous paraît rationnel, mais nécessite un rappel de l’articulation des règles de l’insaisissabilité des immeubles avec les grands concepts du droit des entreprises en difficulté.

Le choix rationnel de l’inopposabilité de la DNI

Il résulte de l’article L. 526-1 du code de commerce que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur. Au contraire, la DNI est inopposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à la publication et aux créanciers personnels du débiteur. L’articulation de cette disposition avec les règles du droit des entreprises en difficulté n’a pas été envisagée par le législateur, ce qui a conduit la Cour de cassation à étayer ces dernières années le régime de la déclaration d’insaisissabilité en procédure collective. L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans ce mouvement de clarification jurisprudentielle.

En l’espèce, la haute juridiction, pour déclarer inopposable la DNI accomplie postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, juge que « la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet que si elle a été publiée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment, appréhension de l’immeuble dans leur gage commun ».

Nous souscrivons volontiers à cette affirmation, laquelle combine la règle de l’opposabilité de la déclaration aux créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication de la déclaration et le principe de la saisie collective des biens du débiteur résultant de l’ouverture de toutes procédures collectives.

D’une façon générale, l’ouverture de la procédure cristallise le patrimoine du débiteur et gèle corrélativement la situation des créanciers soumis à la discipline collective. Ces derniers sont réunis en une collectivité dotée de son propre intérêt : l’intérêt collectif des créanciers. Or l’avènement de la procédure collective va acter la situation des biens présents dans le patrimoine du débiteur au jour de l’ouverture de la procédure. Sauf exception, ces biens constituent le patrimoine réalisable dans l’intérêt collectif des créanciers, autrement appelé le gage commun des créanciers.

À ce propos, sans revenir sur les termes d’un important débat doctrinal (F. Pérochon, L’intérêt collectif n’est pas l’intérêt de tous les créanciers sans exception, BJE mai 2016, n° 113k8, p. 218 ; P.-M. Le Corre, L’intérêt collectif est-il l’intérêt de tous les créanciers ?, BJE mai 2016, n° 113k7, p. 214), il est désormais acquis que le bien déclaré insaisissable avant l’ouverture de la procédure collective ne fait pas partie du gage commun des créanciers (Com. 28 juin 2011, n° 10-15.482, Bull. civ. IV, n° 109 ; Dalloz actualité, 1er juill. 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 1751, obs. A. Lienhard ; ibid. 2485, point de vue V. Legrand ; ibid. 2012. 1509, obs. A. Leborgne ; ibid. 1573, obs. P. Crocq ; ibid. 2196, obs. F.-X. Lucas et P.-M. Le Corre ; ibid. 2013. 318, point de vue P. Hoonakker ; Rev. sociétés 2011. 526, obs. P. Roussel Galle  ; JCP E 2011. 1551, note F. Pérochon ; ibid. 375, note C. Lebel ; BJE sept. 2011, n° 4, § 125, p. 242, note L. Camensuli-Feuillard ; Rev. pr. coll. 2012/1, comm. 111, note C. Lisanti ; 22 mars 2016, n° 14-21.267, Bull. civ. IV, n° 46 ; Dalloz actualité, 7 avr. 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 702  ; Rev. sociétés 2016. 393, obs. L.C. Henry  ; Gaz. Pal. 28 juin 2016, n° 269p2, p. 64, note J. Théron ; Rev. pr. coll. 2016/6, comm. 185, note F. Reille). Par conséquent et dans ces hypothèses, la déclaration d’insaisissabilité est opposable à la procédure collective et l’immeuble déclaré insaisissable ne peut être appréhendé par le liquidateur.

À rebours de ces affirmations, en l’espèce, l’ouverture de la procédure de sauvegarde avait déjà entériné la situation des immeubles du débiteur, de sorte que la déclaration d’insaisissabilité intervenue postérieurement à l’ouverture de la procédure était dépourvue d’effet, les immeubles ayant été appréhendés par l’effet réel de la procédure collective.

Au bénéfice de ces éléments, la seule inopposabilité de la DNI à la procédure de sauvegarde ne fait aucun doute. Cela étant, la particularité des faits de l’espèce complique quelque peu la donne.

De prime abord, nous pourrions penser que les conversions successives de procédures ont eu pour effet de modifier le périmètre de la saisie collective des biens du débiteur, et partant, l’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité. Le constat est le suivant : si, en l’espèce, la déclaration était postérieure au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, elle était antérieure au jugement de conversion en liquidation judiciaire. Or le bien déclaré insaisissable avant l’ouverture d’une procédure collective ne fait pas partie du gage commun des créanciers. Partant, la DNI serait opposable à la liquidation judiciaire et les immeubles échapperaient à l’emprise de la procédure.

Séduisant en apparence, un tel raisonnement confond à tort les notions d’ouverture et de conversion de procédure (J.-P. Legros, Convertir n’est pas ouvrir, Dr. sociétés, 2015/10, n° 9).

Dans le langage courant, « convertir » signifie prolonger une situation originaire (G. Cornu, Vocabulaire juridique, 11e éd., 2016, PUF, p. 271). Rien n’est plus vrai en droit des entreprises en difficulté où la conversion concrétise le « passage » d’une procédure à l’autre, et ce dans une certaine continuité (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1106).

Cette affirmation est fondamentale, car elle intéresse par exemple l’application de la loi dans le temps. À titre d’illustration, une procédure de redressement judiciaire ouverte antérieurement au 15 février 2009 empêche la soumission aux règles de l’ordonnance du 18 décembre 2008 de la liquidation judiciaire prononcée sur conversion postérieurement au 15 février 2009 (Com. 24 mars 2015, n° 14-11.023 NP, Dr. sociétés 2015. Comm. 179, note J.-P. Legros).

L’arrêt sous commentaire confirme cette logique (comp. Paris, 4-8, 5 sept. 2019, n° 19/01158, Gaz. Pal. 14 janv. 2020, n° 368g4, p. 60, note B. Ferrari).

Pour la Cour de cassation, les conversions intervenues postérieurement à la déclaration d’insaisissabilité ne changent rien quant à son inopposabilité car seul le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde a entraîné l’effet de saisie collective du patrimoine du débiteur. Ceci permet d’expliquer l’emploi des termes généraux « d’ouverture de la procédure collective » comme point de référence, au sein de l’arrêt ici rapporté, et non le jugement de conversion en liquidation judiciaire (pt n° 4 de l’arrêt). D’ailleurs, ce raisonnement rappelle celui employé par la chambre commerciale de la Cour de cassation au sein d’un arrêt rendu à propos de l’application dans le temps du dispositif instaurant une insaisissabilité légale de la résidence principale pour le débiteur personne physique (Com. 29 mai 2019, n° 18-16.097, Bull. civ. IV, à paraître ; Rev. sociétés 2019. 557, obs. L.C. Henry  ; LEDEN nov. 2019, n° 112w7, p. 5, note P. Rubellin ; Rev. pr. coll. 2020/3, comm. 90, note C. Lisanti). La haute juridiction y a jugé que, lorsque l’ouverture d’une procédure collective était antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 – quand bien même la procédure serait convertie postérieurement –, l’immeuble assurant la résidence principale du débiteur n’en demeurait pas moins soumis à l’effet réel de la procédure collective.

Pour finir, si la solution ici rapportée doit être approuvée, elle souligne une nouvelle fois l’incurie du législateur lors de l’adoption des dispositions relatives à l’insaisissabilité des immeubles. À n’en pas douter, le contentieux des biens insaisissables n’est pas près de se tarir.

Auteur d'origine: bferrari
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Article


par Stefano Danna, Solution Compliance et éthique des affairesle 6 avril 2021

Schéma du dispositif anticorruption

Le plan pluriannuel de lutte contre la corruption

Le rapport annuel d’activité 2020 de l’AFA souligne, tout d’abord, la publication, le 9 janvier de l’année dernière, du plan national pluriannuel de lutte contre la corruption 2020-2022, conjointement par le ministre de la Justice et le ministre de l’Action et des comptes publics. Ce plan s’articule autour de plusieurs grands axes :

la connaissance et la détection de la corruption. Elles sont possibles grâce à l’ouverture et au partage de données qui permettent de mieux connaître les phénomènes de corruption et les zones à risque ;la formation et la sensibilisation des agents publics aux enjeux de la lutte contre les atteintes à la probité. Ont particulièrement été identifiés, l’État, les collectivités territoriales et les hôpitaux, c’est-à-dire les agents susceptibles de prendre des décisions créatrices de droit (achat public, aide ou subvention, titre, autorisation, agrément …). Les parlementaires et élus locaux devront aussi bénéficier de cette sensibilisation ;le renforcement des dispositifs de prévention au sein des administrations par la mise en place d’outils tels que ceux décrits à l’article 17 de la loi Sapin 2 (cartographie des risques, code de conduite, dispositif d’alerte …), ainsi que la désignation de référents ministériels et la constitution de réseaux de conformité au sein des ministères et dans le secteur public ;l’amélioration de la coopération internationale dans la lutte contre la corruption ;l’amélioration de...

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Auteur d'origine: Thill

Une première société, exerçant l’activité d’agent immobilier, avait signé un contrat d’organisation de réseau commercial permettant à une seconde société l’exercice de son activité sous sa carte professionnelle d’agent immobilier, au nom et pour le compte de celle-ci. L’intégralité des commissions perçues devait lui être versées, contre rétrocession de 80 % hors taxes des honoraires sur les ventes conclues. La seconde société, en violation de ses engagements, ne transmit pas à la première les sommes versées par ses clients, d’où la poursuite de sa gérante de droit et de son gérant de fait pour abus de confiance.

Ils devaient être condamnés de ce chef par la cour d’appel. Celle-ci, après avoir énoncé la teneur du contrat liant les deux sociétés, ajoutait que les compromis de vente étaient réalisés au nom de la première société, que les factures concernant les commissions étaient établies par la...

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Auteur d'origine: Thill

« En principe, la victime est un tiers au contrat d’assurance : elle ne peut donc pas agir contre l’assureur, lequel n’est pas son débiteur, en raison du principe de l’effet relatif des contrats. Prévue par l’article 1341-1 du code civil (1166 anc.), l’action oblique permet certes au créancier d’exercer une action à l’encontre du débiteur de son propre débiteur si celui-ci a négligé de mettre en œuvre les mesures propres à le désintéresser (M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 3e éd., PUF, 2013, p. 544). Toutefois, cette action « présente l’inconvénient de faire tomber la créance d’indemnité dans le patrimoine de l’assuré sur lequel la victime subit le concours de l’ensemble des créanciers » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, 14e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2017, n° 762). Pour éviter cela, la jurisprudence a, depuis longtemps, reconnu une action directe au profit des victimes contre l’assureur du responsable (Civ. 14 juin 1926. S. 1927. I. 57, note. L. Josserand), et ce en dépit de l’absence de tout fondement légal. Il s’agit du droit donné à la victime d’agir directement contre l’assureur du responsable de son préjudice (C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, n° 843). L’action directe a été consacrée par la loi du 17 décembre 2007, venant compléter l’article L. 124-3 du code des assurances d’un nouvel alinéa : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Celui-ci donne aux victimes un droit propre doté de la force de l’ordre public » (Y. Avril et A. Cayol, « Les aspects processuels en assurance de responsabilité », in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 274). Un arrêt rendu le 10 mars 2021 par la chambre commerciale de la Cour de cassation précise que le liquidateur d’une société a la possibilité d’exercer une telle action directe contre l’assureur du dirigeant en même temps que l’action en condamnation au paiement de l’insuffisance d’actif contre ledit dirigeant.

En l’espèce, une société et trois de ses filiales sont mises en...

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Auteur d'origine: rbigot

L’État s’est mobilisé en créant un fonds de solidarité afin de subvenir à ces entreprises en difficulté du fait de la pandémie.

S’agissant des avocats, nos institutions sont intervenues afin que les avocats œuvrant dans le secteur aidé puissent bénéficier d’une avance sur rétribution. Par ailleurs, la CNBF et certains barreaux (ou CARPA, ce qui est parfaitement possible dans le cadre de l’article 235-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991) ont aussi versé des aides à certains confrères.

Au moment de procéder au dépôt de la déclaration des revenus (2035 BNC ou 2065 IS), il apparaît nécessaire de faire le point sur le sort fiscal de ces aides.

De fait, certaines aides ne sont pas imposables et ne sont donc pas à prendre en compte pour les franchissements de seuils. En outre, ces mêmes sommes sont exonérées de contributions sociales (CSG, CRDS, etc.) et de cotisations sociales.

Tel est le sens de l’article 1er de la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020, qui prévoit que les aides versées par le fonds de solidarité institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation sont exonérées d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de toutes les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle.

Par ailleurs, la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire prévoit en son article 10 que sont aussi exonérées d’impôts, de contributions sociales et de cotisations sociales les aides versées par le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants et par les instances de gouvernance des régimes de retraite complémentaire des professionnels libéraux (CNBF) (le bénéfice du régime d’exonération suppose que soient remplies certaines conditions s’agissant de la décision d’affectation des réserves par la CNBF, ce qui semble a priori être le cas).

Il convient donc de reprendre les différentes aides afin de vérifier si elles sont éligibles aux régimes d’exonération ci-dessus évoqués.

Il n’y a évidemment aucune difficulté pour les sommes versées par le fonds de solidarité et pour celles versées par la caisse de retraite, la CNBF, en l’occurrence : exonération totale.

La question est plus délicate s’agissant des avances de rétributions dans le cadre de l’aide juridictionnelle et des aides versées par les ordres ou d’ailleurs les caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

Aides versées par les ordres ou les CARPA

S’agissant des aides versées par les ordres ou les CARPA, il semble bien qu’elles ne soient pas éligibles aux régimes d’exonération d’impôts, de contributions sociales et de cotisations sociales.

En effet, compte tenu de la rédaction des textes ci-dessus visés, il paraît difficile d’étendre la notion d’aide exonérée à ces sommes. Le texte est suffisamment précis pour que l’administration fiscale en fasse une interprétation stricte. Enfin, le décret du 29 mai 2020 qui crée ce dispositif d’avance ne prévoit pas d’exonération.

Rétributions versées par l’État dans le cadre de l’aide juridictionnelle

Le raisonnement est encore plus vrai s’agissant des avances sur rétributions versées par l’État dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

Soyons clair, il s’agit ici non pas d’aides, mais d’avances remboursables, et elles ne seront, par conséquent, pas exonérées.

Il faut ici distinguer selon le référentiel comptable auquel est soumis l’avocat. Si celui-ci est soumis à la comptabilité de caisse (ce qui est cas de l’immense majorité des confrères), les avances perçues en 2020 seront comptabilisées en produits sur le même exercice.

Le remboursement se fera par prélèvement à la source par les ordres et aucune écriture particulière n’apparaîtra en 2021 et/ou en 2022 (date limite prévue pour le remboursement des avances).

Si l’avocat est soumis à la comptabilité d’engagement, les avances perçues en 2020 seront comptabilisées sur un compte de tiers « avances et acomptes versés » ou en « produits constatés d’avance » sur l’exercice 2020 sans en impacter le résultat. En revanche, ces avances impacteront positivement le résultat de l’exercice 2021 et/ou 2022 au fur et à mesure des versements des rétributions versées dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Les comptes en question seront soldés par le montant des retenues de 25 %.

Ainsi, dans les deux cas des avances de rétributions dans le cadre de l’aide juridictionnelle et des aides versées par les ordres ou d’ailleurs les CARPA, ces sommes viendront augmenter le résultat imposable, mais celui de 2020 dans le cadre des comptabilités de caisse et celui de 2021 dans le cadre des comptabilités d’engagement.

Enfin, pour les aides versées par les ordres ou les CARPA, quel que soit le référentiel comptable, les sommes seront comptabilisées en produit et augmenteront d’autant le résultat de l’exercice de perception.

Auteur d'origine: Dargent

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques. 

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Auteur d'origine: Dargent
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« La complexité et la technicité des contrats d’assurance-vie rendent très opaque le rendement financier réel des diverses formules mises sur le marché : l’information et le conseil du consommateur et la transparence des contrats sont l’objet de multiples mesures légales et réglementaires » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, coll. « Précis », 14e éd., 2017, n° 1022).

Puisque l’assurance-vie est un contrat de prévoyance qui engage pour un futur lointain, la loi a permis au souscripteur de « déroger à la fidélité contractuelle » en renonçant au contrat (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, 2018, n° 809). Le souscripteur dispose ainsi d’un droit de renonciation – dit parfois de rétractation ou de repentir – devant être exercé dans un délai de trente jours à compter du moment où il est informé que le contrat est conclu (C. assur., art. L. 132-5-1).

Ce délai de renonciation est prorogé lorsque l’assureur a méconnu son obligation précontractuelle d’information, prescrite par l’article L. 132-5-2 du code des assurances. Ceci renforce l’obligation de loyauté de l’assureur, conformément au principe de bonne foi. Cette sanction a cependant un temps été détournée de son but par des souscripteurs de mauvaise foi. En effet, « la renonciation entraîne la restitution par l’entreprise d’assurance ou de capitalisation de l’intégralité des sommes versées par le contractant » (C. assur., art. 132-5-1). La tentation peut donc être grande d’invoquer le non-respect de l’obligation d’information afin d’échapper aux aléas du marché financier. La Cour de cassation refusait, traditionnellement, de sanctionner de tels comportements en affirmant, depuis 2006, que « l’exercice de la faculté de renonciation prorogée, ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l’assuré des documents et informations […] est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise » (Civ. 2e, 7 mars 2006, nos 05-10.366 et 05-10.367, RDI 2006. 173, obs. L. Grynbaum  ; 7 mars 2006, n° 05-12.338, D. 2006. 807 ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; RDI 2006. 173, obs. L. Grynbaum  ; v. encore, par ex., ensuite Civ. 2e, 10 juill. 2008, n° 07-12.072, Dalloz actualité, 23 juill. 2008, obs. J. Speroni ; D. 2008. 2144 ), et ce même lorsque le souscripteur était un professionnel de la finance (Civ. 2e, 4 févr. 2010, n° 08-21.367).

Ainsi, « par le passé, cette prorogation était automatique et a permis à certains assurés d’exiger la restitution de leur épargne des années après la conclusion du contrat. La loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 a porté un coup d’arrêt à ces pratiques. Dorénavant, le défaut de remise des documents et informations prévus entraîne, pour les souscripteurs de bonne foi, la prorogation du délai de renonciation jusqu’au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu (C. assur., art. L. 132-5-2) » (K. Buhler, « Les assurances-vie », in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 568). Le report du délai de renonciation est désormais subordonné à la bonne foi du souscripteur. Rappelons que le délai butoir de huit ans est, quant à lui, une création de la loi dite DDAC (portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire) n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, première étape pour lutter contre cette « dérive ». En d’autres termes, la loi de 2014 « a imposé le retour de la bonne foi dans la mise en œuvre du mécanisme : supprimant l’expression de plein droit qui était auparavant dans l’article L. 132-5-2 au sujet de la prorogation, elle a inséré dans cet article la précision que c’est « pour les souscripteurs de bonne foi » que le défaut de remise de documents et informations entraîne la prorogation du délai de renonciation. Cette intervention législative a, en outre, provoqué un revirement de jurisprudence » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, op. cit., n° 1026).

En effet, s’alignant sur cette solution, la Cour de cassation a ensuite admis, pour les polices souscrites avant l’entrée en vigueur – le 1er janvier 2015 – de la loi de 2014, que l’exercice du droit de rétractation – bien que discrétionnaire – puisse parfois dégénérer en abus (Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15-12.767, Dalloz actualité, 31 mai 2016, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2016. 1797 , note L. Perdrix ; ibid. 2017. 1213, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre ; RTD civ. 2016. 605, obs. H. Barbier  ; RGDA sept. 2016, n° 113s4, p. 438, note J. Kullmann ; JCP 2016. 811, note L. Mayaux ; ibid. 916, note D. Noguéro ; actuassurance.com avr.-mai 2016, n° 46, act. jur., note M. Robineau). Cette position est désormais constante (Civ. 2e, 9 juin 2016, n° 15-20.218, RGDA 2016. 438, note J. Kullmann ; 8 sept. 2016, n° 15-23.331, RGDA 2016. 487, note A. Pélissier : moyen soulevé d’office ; 17 nov. 2016, n° 15-20.958, D. 2017. 1213, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre  ; RCA 2017. Comm. 59, note P. Pierre ; RGDA 2017. 55, note L. Mayaux ; actuassurance.com nov.-déc. 2016, n° 48, act. jur., note M. Robineau ; 7 févr. 2019, n° 17-27.223, Dalloz actualité, 27 févr. 2019, obs. R. Bigot ; D. 2019. 309 ; 28 mars 2019, n° 18-15.612, Dalloz actualité, 2 mai 2019, note R. Bigot ; D. 2019. 695 ; 13 juin 2019, n° 18-14.743, Dalloz actualité, 4 juill. 2019, note R. Bigot ; D. 2019. 1281 ; 13 juin 2019, n° 18-17.907, Dalloz actualité, 8 juill. 2019, note R. Bigot ; D. 2019. 1281 ).

Le critère d’admission de l’abus est la mauvaise foi du souscripteur au regard de la finalité de l’exercice de son droit de renonciation (A. Astegiano-La Rizza, Abus de droit et assurance, RGDA nov. 2016, p. 507 s., spéc nos 34 s. ; Dalloz actualité, 27 févr. 2019, préc. ; ibid., 8 juill. 2019, obs. R. Bigot, préc.). La Cour de cassation la rattache à la recherche, par le souscripteur, d’une neutralisation du risque financier, invitant les juges du fond à vérifier si le contractant « n’était pas parfaitement informé des caractéristiques de l’assurance sur la vie souscrite, et s’il n’exerçait pas son droit de renonciation uniquement pour échapper à l’évolution défavorable de ses investissements » (Civ. 2e, 17 nov. 2016, n° 15-20.958, préc.). La deuxième chambre civile a ainsi pu décider qu’une cour d’appel, « sans rechercher si Mme F… était un assuré averti ou profane afin de vérifier, à la date d’exercice de sa faculté de renonciation, en fonction de sa situation concrète et des informations dont elle disposait réellement au regard de ses compétences personnelles sur les caractéristiques essentielles de son investissement sur un produit complexe de type EMTN, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation », n’a pas donné de base légale à sa décision (Civ. 2e, 16 juill. 2020, n° 19-19.965 NP, pt 14). La doctrine a tenté de préciser encore les critères d’appréciation de l’abus (A. Pélissier, Petit guide de l’appréciation de l’abus dans l’exercice de la faculté de renonciation prorogée en assurance-vie, RGDA avr. 2020, p. 10). On compte à ce jour cinquante-neuf arrêts devant la Cour de cassation depuis le revirement de mai 2016. Le but est d’éviter des comportements contractuels incohérents (B. Fages, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, n° 652) et donc des dévoiements du droit de renonciation (J. Bigot [dir.], P. Baillot, J. Kullmann et L. Mayaux, Traité de droit des assurances. Tome 4, Les assurances de personnes, préf. G. Durry, LGDJ, 2007, n° 267), afin que celui-ci ne devienne pas un « droit du renard » (B. Beignier, note sous Civ. 1re, 28 mars 2000, D. 2000. 574  ; M. Belmont et H. Lascombes, Le droit du renard, RGDA 2003. 413).

La Cour de cassation apprécie de manière rigoureuse le formalisme obligatoire imposé à l’assureur en matière d’assurance-vie (v. par ex. R. Bigot, La Cour de cassation, maîtresse d’école de l’assureur-cancre en arithmétique dans la rédaction des contrats d’assurance-vie, bjda.fr 2017, n° 54). C’est cette question des mentions obligatoires qui était de nouveau au cœur de l’arrêt rendu le 11 mars 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation concernant le contenu de la note d’information.

En l’espèce, la souscriptrice d’un contrat d’assurance sur la vie, conclu le 21 septembre 2001, se prévalant du manquement de l’assureur à son obligation précontractuelle d’information, a exercé, le 26 juin 2012, la faculté prorogée de renonciation que lui ouvrait l’article L. 132-5-1 du code des assurances. L’assureur ne lui a, cependant, pas restitué les sommes qu’elle avait versées. Elle l’a donc assigné en exécution de ses obligations. En effet, « la renonciation entraîne la restitution par l’entreprise d’assurance ou de capitalisation de l’intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires révolus à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l’envoi recommandé électronique. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal » (C. assur., art. L. 132-5-1, al. 2).

La cour d’appel de Paris a reconnu que la souscriptrice avait valablement renoncé au contrat, et a condamné l’assureur à lui restituer la somme de 30 489 € avec intérêts au taux légal majoré (Paris, 19 déc. 2017). L’assureur s’est pourvu en cassation, sollicitant à cette occasion le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (la question transmise étant ainsi rédigée : « L’article 19 de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, qui réserve aux seuls souscripteurs de contrats d’assurance-vie conclus trois mois après la date de publication de cette loi, l’application nouvelle des dispositions de l’article L. 132-5-2 du code des assurances qui enserrent l’exercice de la faculté de résiliation au contrat d’assurance dans le délai butoir de huit ans courant à compter de la date à laquelle l’assuré est informé de la conclusion de son contrat, contrevient-il au principe d’égalité devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’il instaure une différence de traitement sans rapport avec l’objet et le but poursuivi par la loi qui l’établit ? »). Cette demande a été rejetée par la Cour de cassation le 6 septembre 2018 au motif que la question n’était pas nouvelle, d’une part, et que le principe d’égalité ne s’opposait pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, d’autre part (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 18-12.376, Dalloz actualité, 28 sept. 2018, obs. R. Bigot).

À l’appui de son pourvoi, l’assureur a, tout d’abord, soutenu que, « lorsque l’assureur n’a pas, avant la souscription d’un contrat d’assurance-vie, communiqué au souscripteur un modèle de lettre de renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 132-5-1 du code des assurances, l’irrégularité ainsi constatée peut être couverte par l’envoi, par tous moyens, d’un modèle de lettre de renonciation, cette régularisation faisant courir un nouveau délai de trente jours à l’assuré pour exercer sa faculté de renonciation ; qu’ainsi, la régularisation peut prendre la forme de l’adjonction, par l’assureur, d’un modèle de lettre dans une note d’information envoyée, par ailleurs, à des fins de régularisation ». La cour d’appel aurait dès lors violé l’article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause en considérant que le modèle de courrier de renonciation inséré dans la note d’information adressée en décembre 2007 à la souscriptrice ne pouvait valablement couvrir l’irrégularité des documents précontractuels initiaux (première branche du pourvoi).

La compagnie d’assurance a, ensuite, avancé que, « dans sa rédaction applicable à la cause, l’article A. 132-4 du code des assurances n’imposait pas à l’assureur d’insérer dans la note d’information de mention “concernant l’exercice de la faculté de renonciation à réception du contrat lorsque celui-ci contient des réserves ou des modifications essentielles à l’offre originelle” ». La cour d’appel aurait donc violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances en jugeant la note d’information inefficace en raison de l’absence d’information à ce sujet (deuxième branche du pourvoi).

L’assureur a également soutenu que « l’article A. 132-4 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à la cause, n’imposait pas à l’assureur de faire apparaître dans la note d’information la mention relative au taux minimum garanti et à sa durée lorsqu’aucun taux minimum garanti n’était prévu par le contrat ». La cour d’appel aurait ainsi violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances en retenant que, s’il n’existait aucun taux minimum garanti concernant le support euros, l’assureur devait le préciser dans sa note d’information (quatrième branche du pourvoi).

Il a, enfin, invoqué le fait « que l’article A. 132-4 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à la cause, n’imposait pas davantage à l’assureur de faire apparaître dans la note d’information la mention relative aux garanties de fidélité et aux valeurs de réduction lorsque le contrat d’assurance n’en prévoit pas ». La cour d’appel aurait là encore violé les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances en exigeant de telles précisions (cinquième branche du pourvoi).

Par un arrêt rendu le 11 mars 2021, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi, la cour d’appel ayant, selon elle, « décidé à bon droit que l’assurée bénéficiait de la faculté de renonciation prorogée prévue par l’article L. 132-5-1 du code des assurances », et ce « abstraction faite des motifs erronés mais surabondants justement critiqués par la première branche du moyen ». En effet, l’assureur avait raison de soutenir – dans ladite branche – que la non-transmission d’un modèle de lettre de renonciation peut être régularisée par la suite, dans une note d’information.

L’article L. 132-5-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, supposait, certes, la remise de deux documents distincts au souscripteur avant la souscription d’un contrat d’assurance-vie : une proposition d’assurance, d’une part, et une note d’information sur les dispositions essentielles du contrat, d’autre part. Le modèle de lettre de renonciation devait être inclus dans le premier document.

À cet effet, « la Cour de cassation insistait initialement sur l’obligation de lui transmettre deux documents distincts : la notice d’information et les conditions générales du contrat (v. Civ. 2e, 7 mars 2006, n° 05-12.338, D. 2006. 807 ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; RDI 2006. 173, obs. L. Grynbaum ). Depuis la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, un seul document peut être fourni lorsqu’il y figure un encadré dont le contenu est précisément fixé par arrêté (C. assur., art. A. 132-8) » (Dalloz actualité, 3 juin 2015, obs. A. Cayol). Cette disposition n’est, toutefois, pas rétroactive. Sur le fondement de l’ancien texte, la Cour de cassation condamnait, de manière constante, « la pratique des conditions générales valant note d’information, irrespectueuse de la disjonction légale des premières et de la seconde. À ce compte, chaque constat d’une fusion des documents remis à l’assuré proroge de plano son droit de renonciation, faute de point de départ valablement acquis pour le délai de trente jours qui ne court qu’à partir de leur remise régulière » (RCA 2014. Comm. 283, obs. P. Pierre). Par six arrêts rendus le 22 mai 2014, la deuxième chambre civile avait ainsi jugé que l’insertion d’un modèle de lettre de renonciation dans les conditions générales du contrat ne répond pas aux exigences de l’article L. 132-5-1 (la proposition d’assurance ou de contrat devant comprendre un projet de lettre destinée à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation) et que l’assureur ne peut régulariser la situation que par la transmission distincte de ce document (Civ. 2e, 22 mai 2014, nos 13-19.233, 13-19.231, 13-19.235 à 13-19.239). Le 24 mars 2016, cette même chambre a décidé que l’insertion d’un modèle de lettre de renonciation dans la note d’information ne répond pas aux exigences de ce même texte. Dès lors, seule la transmission distincte de ce document permet à l’assureur de régulariser la situation (Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-16.693, RCA 2016, n° 211, note H. Groutel).

Cependant, la note d’information litigieuse avait, en l’espèce, été transmise au souscripteur en décembre 2007, bien après la conclusion du contrat (en septembre 2001). L’irrégularité découlant de l’absence de modèle de lettre de renonciation dans les conditions prévues par l’article L. 132-5-1 du code des assurances avait, de la sorte, été régularisée.

Bien que pertinent, l’argument soulevé dans la première banche du pourvoi ne conduit toutefois pas à la cassation de la décision de la cour d’appel, celle-ci ayant, à juste titre, considéré que le délai de renonciation avait été prorogé du fait de l’absence, dans la notice, d’informations relatives au taux d’intérêt garanti, à sa durée, aux garanties de fidélité et aux valeurs de réduction (pt 12). Ce motif était suffisant à justifier la prorogation du délai de renonciation.

La Cour de cassation rappelle, en effet, que, selon l’article A. 132-4 du code des assurances, la note d’information contient les informations prévues par un modèle annexé (pt 8). Elle précise que ce modèle, qui recense quatre rubriques, prévoit, au titre de celle intitulée « Rendement minimum garanti et participation », que la note d’information mentionne « a) Taux d’intérêt garanti et durée de cette garantie ; b) Indication des garanties de fidélité, des valeurs de réduction et des valeurs de rachat […] » (pt 9). À ce titre, la doctrine souligne que la liste des informations « est longue, ce qui pose le problème de l’oubli de l’une d’entre elles. Celui-ci est d’autant plus lourd de conséquences que la sanction de la prorogation du délai de renonciation s’applique non seulement en cas de non-transmission des documents informatifs prévus par la loi, mais aussi en cas de non-remise des informations qu’ils auraient dû contenir » (J. Bigot et al., op. cit., n° 263, p. 210).

La Cour de cassation souligne, en l’espèce, que ni l’article L. 132-5-1 ni l’article A. 132-4 du code des assurances « ne prescrit que ces mentions n’ont pas lieu d’être portées dans la note d’information lorsque le contrat ne prévoit pas de taux d’intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction ou de valeurs de rachat » (pt 10). En d’autres termes, là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer. La deuxième chambre civile en déduit qu’« il incombe à l’assureur, dans un tel cas, de mentionner dans la note d’information qu’il délivre que le contrat qu’il propose ne garantit à l’assuré aucun taux d’intérêt, ou aucune garantie de fidélité, ou aucune valeur de réduction ou de rachat, toutes informations essentielles pour permettre à celui-ci d’apprécier la compétitivité de ce placement, ainsi que les risques inhérents à l’investissement envisagé, par suite, la portée de son engagement » (pt 11). Il s’agit là d’une précision importante : même en l’absence de telles garanties, voire surtout en leur absence, le candidat à l’assurance doit le savoir pour être éclairé dans son choix de souscription (comp. depuis l’ordonnance n° 2018-361, 16 mai 2018, C. assur., art. L. 521-4, L. 522-1 et L. 521-1, I ; depuis la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, C. assur., art. L. 522-5).

La sévérité de la Cour de cassation concernant le formalisme informatif pesant sur l’assureur n’est pas nouvelle. Elle a, ainsi, déjà affirmé que l’assureur ne peut prétendre avoir rempli ses obligations par la remise d’un exemplaire des conditions générales valant note d’information où les dispositions essentielles du contrat sont, certes, énoncées mais noyées dans l’ensemble des dispositions contractuelles, alors que l’obligation légale faite à l’assureur de les énoncer dans un document séparé a pour finalité d’en faire ressortir l’importance pour l’assuré (Civ. 2e, 2 déc. 2006, RGDA 2007. 174, note L. Mayaux). Il n’y a qu’à prendre l’exemple de l’encadré en tête (Civ. 2e, 8 sept. 2016, n° 15-23.328 NP, RGDA oct. 2016, p. 487, 1re esp., note A. Pélissier ; Civ. 2e, 8 sept. 2016, inédit n° 15-23.329, RGDA oct. 2016, p. 487, 2e esp., note A. Pélissier ; 8 sept. 2016, n° 15-23.330 NP, RGDA oct. 2016, p. 487, 3e esp., note A. Pélissier ; 20 mai 2020, n° 19-11.892 NP, RCA sept. 2020, n° 162, 2e esp., note H. Groutel ; 8 déc. 2016, n° 15-26.086, Bull. civ. II ; D. 2017. 1213, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier ; RGDA févr. 2017. 135, note crit. L. Mayaux ; RCA mars 2017, n° 89, note approb. H. Groutel ; RCA avr. 2017. Chron. 1, n° 15 ; Gaz. Pal. 9 mai 2017, n° 18, p. 77, note X. Leducq ; JCP 2017. 717, n° 15, obs. L. Mayaux). Dans cet esprit, les indications générales ayant trait au régime fiscal doivent être suffisamment précises pour permettre au souscripteur d’apprécier l’adéquation du contrat à sa situation personnelle. Manque, ainsi, à son obligation d’information l’assureur qui se limite à indiquer : « la fiscalité qui s’applique à votre contrat est la fiscalité française » (Civ. 2e, 3 oct. 2013, n° 12-24.957 ; comp. Civ. 2e, 25 févr. 2010, n° 09-10.638 NP ; RGDA 2010. 409, note J. Bigot ; JCP 2010 (n° 15), 428, n° 26, p. 792, obs. J. Kullmann).

En définitive, le candidat à l’assurance doit être en mesure d’apprécier l’entière portée de son engagement. Les informations relatives à des éléments de garanties non stipulés mais relevant des mentions obligatoires sont indispensables à cette mesure ; l’assureur étant tenu de surmonter la « montagne » d’informations à délivrer (R. Bigot, obs. sur Civ. 2e, 13 juin 2019, n° 18-14.743, préc.).

L’importante évolution du droit de l’Union européenne, concernant l’information précontractuelle en assurance-vie, facilite tout de même la tâche des assureurs. Ont ainsi été établies des règles uniformes relatives au format et au contenu du document d’informations clés par le règlement n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil dit « Priip’s » (v. J. Bigot [dir.], Code des assurances, L’Argus de l’assurance éd., 35e éd., 2019, sous art. A. 132-4, p. 1282 ; adde G. Parléani, Le règlement « PRIIPS » 1286/2014 du 26 novembre 2014, ou le formalisme au secours des investisseurs et du marché, RGDA 2015. 231).

Il ne resterait plus au législateur qu’à suivre les recommandations de la doctrine la plus autorisée, « sans préjudice du conseil personnellement adapté, on pourrait conserver une uniformisation de l’information précontractuelle documentaire. Ce serait la même pour tous, sans distinction. En conservant un contenu informatif identique pour tous, le vecteur de cette information pour le profane pourrait obéir strictement au formalisme, tandis qu’il serait libre pour le preneur averti. Le souscripteur ou l’adhérent averti verrait ainsi son droit de renonciation lié à son information effective, quel que soit le support. Pour la prorogation du délai de renonciation, seul celui qui n’aurait pas été informé correctement pourrait y prétendre. Tel serait le cas pour le profane, si le formalisme n’est pas respecté. Tel serait le cas pour le preneur averti, s’il n’a pas du tout reçu l’information idoine, quel que soit le support utilisé dans ce but, quel que soit le moyen de son information, le support devenant indifférent » (D. Noguéro, La bonne foi comme condition de la prorogation du droit de renonciation en assurance-vie. Entre l’amont et l’aval, RRJ 2015-4, p. 1425 s., spéc. p. 1508). En l’attente, l’avis de prudence à l’attention des assureurs pourrait être : « les informations obligatoires, rien que les informations obligatoires, toutes les informations obligatoires ».

Auteur d'origine: rbigot
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L’ambition affichée par le Parlement européen dans sa résolution du 10 mars 2021 s’inspire de la loi française (Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre). Le devoir de vigilance prend progressivement pied dans le débat juridique. Il s’agit d’imposer à certaines sociétés la vigilance sur l’activité de leur sphère d’influence (sous-traitants, fournisseurs, filiales, etc.) concernant le respect de certains droits essentiels. Les sociétés concernées sont qualifiées de « sociétés dominantes » en raison du pouvoir qu’elles détiennent sur d’autres acteurs économiques.

La montée en puissance du devoir de vigilance de la société dominante s’effectue en trois étapes : 1) le temps des mesures volontaires ; 2) le temps des premières obligations ; 3) le temps de l’effectivité. L’adoption d’une directive européenne pourrait en constituer l’aboutissement dans le cadre continental.

Le temps des mesures volontaires. Conscientes des enjeux, de nombreuses sociétés dominantes ont adopté une démarche volontaire de vigilance. Une caractéristique commune émerge : la valeur juridique incertaine de ces engagements. Accompagnés par plusieurs organisations internationales (not. l’OCDE [« Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales », 25 mai 2011] et l’ONU [« Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », Haut-Commissariat aux droits de l’homme, 2011], ils constituent du « droit mou » dont l’effectivité est questionnée. Leur dépassement est rapidement apparu comme une nécessité.

Le temps des premières obligations. L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 constitue un point de rupture. L’intervention du « droit dur », apparaissant désormais comme un impératif, prend forme dans les lois françaises (loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre) et néerlandaise (Wet van 24 oktober 2019 n. 401 houdende de invoering van een zorgplicht ter voorkoming van de levering van goederen en diensten die met behulp van kinderarbeid tot stand zijn gekomen [loi relative à l’introduction d’un devoir de diligence pour empêcher la fourniture de biens et de services provenant du travail d’enfant]). Au niveau international, l’ONU entame des démarches pour la mise en place d’un « instrument international juridiquement contraignant ». Toujours en cours, elles ne semblent pas en mesure d’aboutir à court terme. L’Union européenne (UE) montre également sa détermination à s’engager, tout d’abord au moyen d’une démarche sectorielle (Règl. [UE] n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil « établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché », 20 oct. 2010 ; Règl. [UE] 2017/821 du Parlement européen et du Conseil « fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque », 17 mai 2017), complétée par de strictes obligations de reporting non financier (Dir. 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil, 22 oct. 2014, modifiant la dir. 2013/34/UE).

Le temps de l’effectivité ? Après ces premières étapes, des voix s’élèvent afin d’aller plus loin. Elles ont été entendues par le Parlement européen qui se saisit désormais du sujet avec une ambition renouvelée. La résolution adoptée le 10 mars 2021 le démontre. Celle-ci est complétée d’un projet de directive clé en main qui pourrait servir de base de réflexion à la Commission. La directive s’inspirerait largement de la loi vigilance française. Sa philosophie serait identique et la méthode retenue similaire. Il s’agirait d’imposer à la société dominante : 1) d’identifier au sein de sa sphère d’influence les activités à risque concernant « les droits de l’homme, l’environnement et la bonne gouvernance » ; 2) de mettre en place une « stratégie de vigilance » en y associant les « parties prenantes » ; 3) d’assurer la publicité de cette stratégie. La société dominante serait tenue de prendre « toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice » subi en raison de manquements aux droits humains/environnementaux, soit une obligation de moyens. Le lien avec le droit français est évident. Celui-ci impose aux « sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre » d’établir, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance comprenant « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » (C. com., art. L. 225-102-4).

Pourrait aboutir une forme de consécration européenne de l’initiative du législateur français. Une nuance s’impose. Ses failles et difficultés de mise en œuvre, mises en lumière par de nombreux commentateurs, semblent avoir été prises en compte par le projet de directive. Celle-ci apporterait de sensibles améliorations en faveur de la dimension contraignante du devoir de vigilance. Il s’agirait notamment :

De définitions rigoureuses : l’article 3 du projet de directive est consacré aux « définitions » : parties prenantes, fournisseurs, sous-traitants, etc. Il est ainsi donné des contours précis aux termes utilisés. Cette démarche est essentielle en raison de l’utilisation d’expressions non juridiques issues de la RSE. La loi vigilance est apparue comme défaillante et largement perfectible sur ce point (V. not., Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, D. 2017. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; Constitutions 2017. 234, chron. P. Bachschmidt ; ibid. 291, chron. B. Mathieu ).

D’une association obligatoire des parties prenantes : l’article 5 du projet de directive garantirait « le droit pour les syndicats […] et pour les représentants des travailleurs, d’être associés de bonne foi à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de vigilance de leur entreprise ». Plus généralement, l’association des parties prenantes ne serait pas une option pour la société dominante mais une obligation. Cela n’est pas le cas dans la loi vigilance : « les dispositions selon lesquelles le plan de vigilance « a vocation » à être élaboré avec les « parties prenantes de la société » ont une portée incitative » (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.).

D’une autorité indépendante chargée de veiller au respect du devoir de vigilance : l’article 12 du projet de directive imposerait la désignation « d’une ou plusieurs autorités nationales compétentes chargées de surveiller l’application de la directive, une fois transposée en droit national […] ». Cette autorité de surveillance devrait être indépendante et disposer de ressources, d’une infrastructure, de l’expertise et de locaux adéquats. Il lui serait accordé un large pouvoir d’enquête et de sanction (art. 13). Dans le cadre de la loi vigilance, cette autorité n’existe pas malgré l’habitude du droit français à recourir à un tel mécanisme (v. l’agence française anticorruption (AFA) de la loi Sapin II (loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). Il s’agit de l’une de ses principales failles, utilement corrigée par le projet de directive.

De sanctions administratives : l’article 18 du projet de directive imposerait, en cas de manquement au devoir de vigilance commis par la société dominante, des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ». Il est précisé que « les autorités compétentes nationales peuvent en particulier infliger des amendes calculées sur la base du chiffre d’affaires d’une entreprise […] ». Le mécanisme de l’amende s’inspire de la loi vigilance adoptée définitivement par l’Assemblée nationale. Il y était prévu que « le juge [puisse] condamner la société au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ». Cette amende civile a été censurée par le Conseil constitutionnel en raison de l’imprécision des termes retenus par le législateur (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.). En cas de transposition de la directive, il devra se montrer plus exigeant. L’amende permettrait de suppléer les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre du devoir de vigilance. En parallèle des sanctions, l’article 13 du projet de directive imposerait un sévère pouvoir administratif de suspension temporaire de l’activité de la société dominante en cas de manquement grave au devoir de vigilance. La loi vigilance permet simplement au juge d’ordonner sous astreinte un respect des obligations (C. com., art. L. 225-102-4).

D’une présomption de responsabilité en cas de préjudice : en raison du caractère « de moyens » du devoir de vigilance, la responsabilité civile associée est nécessairement du fait personnel. Il s’agit de déterminer si le manquement de la société dominante à son devoir de vigilance est en causalité avec le préjudice subi par un tiers. La loi vigilance opère une référence directe aux articles 1240 et 1241 du code civil (C. com., art. L. 225-102-4). Si le projet de directive confirme le recours à la responsabilité civile du fait personnel, il envisage un mécanisme innovant de présomption réfragable de responsabilité (art. 19). Il ne s’agirait plus pour le tiers de prouver la causalité d’une faute avec le préjudice subi, mais à la société dominante de démontrer avoir « pris toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice, ou que le préjudice se serait produit même si toutes les précautions nécessaires avaient été prises », soit une obligation de moyens renforcée.

De la qualification de loi de police : selon l’article 20 du projet de directive, « les États membres veillent à ce que [s]es dispositions […] soient considérées comme des dispositions impératives dérogatoires au sens de l’article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 », dit « Rome II ». Il s’agirait d’imposer de manière heureuse la qualification de loi de police (et de sûreté) au devoir de vigilance afin de garantir son déploiement au-delà des frontières européennes. Cette précision, sollicitée par de nombreux acteurs, a été écartée sans véritable explication par le législateur français dans le cadre de la « loi vigilance ».

En conclusion : le chemin vers un devoir de vigilance européen de la société dominante sera long. La résolution adoptée par le Parlement le 10 mars 2021 démontre une volonté politique. Les prochains mois permettront de savoir si celle-ci se traduira en actes.

Auteur d'origine: Thill
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La plupart des baux commerciaux contiennent une clause résolutoire par laquelle les parties au contrat conviennent à l’avance que le manquement du locataire à une seule de ses obligations expressément visées par le bail emportera résiliation de plein droit dudit bail (Civ. 3e, 15 sept. 2010, n° 09-10.339, D. 2010. 2225, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2011. 1786, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2011. 57, obs. F. Kendérian ; Rev. loyers 2010. 418, obs. C. Lebel). Lorsque le manquement du locataire est constaté, le bail commercial est résilié de plein droit par le seul effet de la clause résolutoire. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant à la gravité du manquement invoqué ou quant à la proportionnalité de la sanction (Civ. 3e, 16 juill. 1975, n° 74-13.221, Bull. civ. III, n° 253 ; 20 oct. 2016, n° 15-18.051). Son intervention se cantonne à constater l’acquisition de la clause et, le cas échéant, à ordonner l’expulsion du locataire.

Présentant un intérêt certain pour le bailleur, la mise en œuvre de la clause résolutoire est strictement encadrée. L’article L. 145-41 du code de commerce impose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après la signification d’un commandement adressé au locataire demeuré infructueux. Ledit article exige à peine de nullité que ce délai d’un mois soit rappelé dans le commandement (Civ. 3e, 14 déc. 1994, n° 92-19.219, AJDI 1995. 214 ; ibid. 215, obs. J.-P. Blatter ; Paris, 15 oct. 2008, n° 07/10624, Loyers et copr. 2008, n° 252, obs. E. Chavance ; Civ. 3e, 3 oct. 2007, n° 06-16.361, D. 2007. 2612, obs. Y. Rouquet ).

L’arrêt du 11 mars 2021 rapporté est l’occasion pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation de revenir sur l’application d’une telle clause.

En l’espèce, plusieurs propriétaires de locaux au sein d’une résidence de tourisme donnés à bail à une SARL, lui ont, chacun, délivré successivement plusieurs commandements de payer des loyers, visant la clause résolutoire inscrite aux baux. La locataire s’est acquittée des loyers impayés dans le mois suivant la signification des commandements, mais pas des frais de poursuite des commandements pourtant visés à la clause résolutoire.

Se prévalant du non-paiement des frais de poursuite dans le délai imparti, les bailleurs ont assigné en référé la locataire en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et en paiement. La locataire s’est acquittée des frais de poursuite auprès des bailleurs au jour où le juge des référés statuait, soit trois jours après l’assignation. En appel, les bailleurs ont sollicité la condamnation de leur locataire à leur payer à titre d’indemnité d’occupation une indemnité trimestrielle, égale au loyer majorée de 50 %.

La cour d’appel de Grenoble (Grenoble, 9 janv. 2020, n° 19/01436) a fait droit à la demande des bailleurs. Elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans les baux, ordonné l’expulsion de la locataire et l’a condamnée à payer à chaque bailleur, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à son départ effectif, une indemnité d’occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail.

La locataire a contesté cette décision par un pourvoi. Pour s’opposer à l’acquisition de la clause résolutoire et son expulsion, la locataire a soulevé dans le premier moyen de son pourvoi (première branche) la mauvaise foi des bailleurs venant faire obstacle à l’application de la clause résolutoire.

Il est de principe que le bailleur doit invoquer de bonne foi la clause résolutoire d’un bail pour faire constater la résiliation du contrat (C. civ., art. 1104), autrement dit un commandement doit être délivré de bonne foi (Civ. 3e, 10 nov. 2010, n° 09-15.937, D. 2010. 2769, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2011. 472, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 1786, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2011....

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Auteur d'origine: sandjechairi

Depuis l’annonce faite par Apple des modifications à venir de son système d’exploitation iOS14 et en particulier l’introduction de la sollicitation App Tracking Transparency (ATT) pour les applications qui souhaiteraient faire un suivi de l’activité de l’utilisateur sur des sites tiers, plusieurs associations de l’écosystème publicitaire français et européen se sont élevées pour contester cette pratique, en saisissant notamment l’Autorité française de la concurrence pour l’ouverture d’une enquête au fond et une suspension à titre préemptif et conservatoire de la mise en œuvre du nouveau dispositif.

En substance, le dispositif développé par Apple consiste, lorsque le détenteur d’un iPhone consulte une application téléchargée via l’App Store, à faire apparaître un pop-up qui demande son consentement explicite pour autoriser le partage de ses données personnelles à des tiers à des fins publicitaires. En cas de consentement, les tiers peuvent accéder à l’Identifier for Advertisers (« IDFA »), qui identifie chaque appareil Apple et permet le suivi publicitaire du détenteur notamment sur les sites tiers. En l’absence de consentement, pas d’accès à l’IDFA, ni aux ressources publicitaires associées.

Les saisissantes soutenaient que le déploiement de la sollicitation ATT et l’obligation faite aux développeurs d’applications d’y recourir pour accéder à l’IDFA constituent un abus de position dominante tant en ce qu’ils imposent des conditions de transactions inéquitables que parce que cette pratique peut être analysée comme imposant abusivement une obligation supplémentaire.

La saisine présentait en soi plusieurs enjeux, dont celui de saisir l’Autorité française de la concurrence pour des pratiques qu’Apple revendique comme étant légitimement fondées sur la protection de la vie privée, ou encore de contester une décision annoncée, plusieurs fois reportée mais non encore mise en œuvre dans le cadre d’une demande de mesures conservatoires et de tenter d’obtenir par-là, quelque règlement préemptif ex ante du comportement d’un opérateur dont la dominance sur certains marchés est établie et dont le caractère structurant sur tout un écosystème est indéniable à l’heure du débat sur le projet de Digital Market Act (DMA ; V. Le Digital Market Act, un cadre européen pour la concurrence en ligne, Dalloz actualité, 8 janv. 2021, obs. C. Crichton).

La décision de rejet est d’une infinie richesse pour au moins quatre raisons.

Première décision française articulant privacy et concurrence…

En 2019, l’autorité allemande avait innové en adoptant sa désormais célèbre décision contre Facebook, lui interdisant à titre conservatoire l’utilisation croisée de données entre les différents services du groupe sans avoir préalablement obtenu un consentement clair et univoque des utilisateurs par des moyens appropriés. Cette décision a été à l’origine de débats houleux, d’un contentieux nourri, toujours en cours, désormais porté devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans le cadre d’une question...

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Auteur d'origine: nmaximin

Créé par la loi Pacte du 22 mai 2019, le « guichet unique électronique des formalités des entreprises » se substitue aux centres de formalités des entreprises (CFE). Sa responsabilité a été confiée à l’INPI par le décret n° 2020-946 du 30 juillet 2020. Le décret du 18 mars 2021 fixe les conditions de collecte, de gestion et de transmission par ce service aux organismes destinataires et autorités compétentes des dossiers de créations, de modifications de situation et de cessation d’activité des entreprises. Une transition progressive vers ce guichet unique s’effectuera de 2021 à 2023.

Contexte

Traditionnellement, les formalités des entreprises sont accomplies auprès des CFE regroupés en sept réseaux (chambre de commerce et d’industrie, chambre des métiers et de l’artisanat, chambre nationale de la batellerie artisanale, greffe du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire statuant commercialement, URSSAF ou caisse générale de Sécurité sociale, chambre d’agriculture et services des impôts des entreprises). Chaque entreprise dépend alors d’un CFE spécifique en fonction de l’activité exercée, de sa forme juridique et du lieu retenus pour l’exercice de cette activité. 

Source de coûts et de complexité, les 1 400 CFE existants ont été remplacés par un organisme unique par la loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite loi « Pacte » du 22 mai 2019. À l’avenir, les déclarants devront déposer un dossier auprès d’un guichet unique électronique. Il constitue l’interface entre les déclarants et les différents organismes destinataires des informations collectées. Le présent décret est pris en application de l’article 1er de la loi Pacte. L’essentiel des précisions réglementaires peut être résumé comme suit : 

Compétence de l’organisme unique

Le guichet électronique des formalités des entreprises est compétent à l’égard de l’ensemble des entreprises ayant un siège social, un établissement principal, un établissement...

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Auteur d'origine: ladmi

Le projet de loi 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification), très attendu par les collectivités territoriales, a pour objet le renforcement de la décentralisation des pouvoirs publics. Toutefois, l’article 41 de ce texte aura également un impact sur l’ensemble des organismes puisqu’il prévoit la création d’une procédure de sanction simplifiée pour la CNIL.

Partant du constat que les procédures actuelles permettent à la CNIL d’émettre seulement une « cinquantaine de mises en demeure et une dizaine de sanctions par an », le législateur s’appuie sur ce projet de loi pour renforcer les pouvoirs d’injonction du président de la Commission et créer une procédure simplifiée de sanction afin de rendre l’action de la CNIL plus efficace. Le projet de loi prévoit notamment de « simplifier les procédures de mise en demeure et de sanction » et de « moderniser les outils » de traitement des plaintes par la Commission afin d’accélérer les procédures (art. 41).

En d’autres termes, le gouvernement souhaite que la CNIL soit en mesure de traiter plus rapidement et plus efficacement les affaires dont elle a à connaître.

Pour rappel, en l’état de la procédure, la CNIL peut :

décider de mettre en demeure un responsable de traitement ou un sous-traitant qui contreviendrait aux dispositions contraires à la réglementation existante en matière de protection des données à caractère personnel (procédure de mise en demeure) ;
 décider d’enclencher une procédure de sanction au cours de laquelle elle peut prononcer des mesures allant du rappel à l’ordre à l’amende administrative d’un montant de 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires.

Le projet de loi propose de renforcer la procédure de mise en demeure et de mettre en place une procédure simplifiée de sanction.

D’une part, la procédure de mise en demeure est renforcée :

le président de la CNIL pourra décider d’effectuer un rappel des obligations incombant au responsable de traitement ;
 le président de la formation restreinte bénéficiera de pouvoirs propres : enjoindre au mis en demeure de fournir des éléments demandés par la Commission sous peine d’astreinte jusqu’à 100 € par jour.

Remarque : en cas de contrôle de la CNIL, le président de la formation restreinte peut mettre sous astreinte les organismes de fournir les éléments demandés.

D’autre part, en ce qui concerne la procédure simplifiée :

la procédure simplifiée sera une procédure enclenchée par le président de la CNIL devant le président de la formation restreinte pour des affaires de faible gravité, c’est-à-dire les affaires qui ne « […] présente[nt] pas de difficulté particulière, eu égard à l’existence d’une jurisprudence établie, des décisions précédemment rendues par la formation restreinte de la commission ou de la simplicité des questions de fait et de droit qu’elle[s] présente[nt] à trancher » ;
 le président de la formation restreinte statuera seul sur ces affaires pour lesquelles il ne pourra prononcer d’amende administrative supérieure à 20 000 € ou d’astreinte supérieure à 100 € par jour de retard dans des délais « […] plus resserrés qu’aujourd’hui ». L’organisme mis en cause pourra demander à présenter des observations orales.

Une telle procédure simplifiée de sanction de la CNIL viendrait limiter les droits de la défense des organismes mis en cause : le responsable de traitement ou le sous-traitant mis en cause pourra « présenter des observations orales » (art. 41, III, § 6) et n’aura plus la possibilité de « déposer des observations et se faire représenter ou assister » (art. 22, § 1), ce qui lui portera naturellement préjudice.

Par ailleurs, une telle procédure simplifiée vise ostensiblement les très petites ou petites entreprises ou organismes, pour lesquels une sanction de 20 000 € et/ou une astreinte à 100 € par jour « constituent la réponse appropriée à la gravité des manquements constatés » (art. 41, III, § 4). On imagine mal Google ou Amazon être sanctionnées de ces montants, même en cas de manquement sans gravité et sans difficulté.

Ainsi, la simplification de la procédure, qui limite les droits de la défense, ne touche que les organismes les moins armés pour se défendre à l’origine. De plus, si le montant des sanctions pouvant être prononcées suivant cette procédure simplifiée est relativement faible (20 000 €) en comparaison des montants maximum, il reste très élevé pour certaines sociétés.

Le législateur semble vouloir s’attaquer, avec la création d’une telle procédure simplifiée, aux manquements quotidiens des petits organismes à la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel.

Remarque : il sera toujours possible de faire appel de la décision devant le Conseil d’État mais avec de faibles chances de réussite. À ce jour, le Conseil d’État a confirmé la grande majorité des décisions de sanction prises par la CNIL.

En pratique ?

Si ce projet de loi est adopté, la CNIL pourra sanctionner beaucoup plus facilement les petites entreprises ou organismes en cas de manquement simple à la réglementation en matière de protection des données. Le risque d’un contrôle sera d’autant plus important.

 

Éditions Législatives, édition du 30 mars 2021

Auteur d'origine: Bley

Les manquements des organismes assureurs et des intermédiaires d’assurance retiennent fréquemment l’attention des magistrats ; il est plus rare que ceux-ci se consacrent à la réparation de ces manquements. Allégée de longues discussions sur la réalité de la faute du professionnel de l’assurance, la Cour de cassation précise les conditions de la naissance du préjudice subi par l’assuré à raison d’un défaut d’information lors de l’acquisition de parts de FCP et les modalités d’évaluation de la perte de chance en découlant.

Après avoir souscrit plusieurs contrats d’assurance vie en unité de comptes, quatre personnes d’une même famille se sont vu proposer par la banque ayant opéré en tant qu’intermédiaire de modifier les unités de comptes. Ils acquirent ainsi en 2005 des parts du fonds commun de placement « Alpha », avant que, trois années plus tard, la banque leur recommande de les liquider intégralement, ce qui fut fait sans que soient rachetés les contrats d’assurance vie par lesquels les investissements avaient été réalisés. L’opération d’investissement puis de désinvestissement frappa doublement les souscripteurs : ceux-ci encaissèrent d’abord les pertes résultant des mauvaises performances du fonds à la suite de la crise de 2007 ; ils manquèrent ensuite le rattrapage de ces pertes lorsque, à compter de 2009, la valeur du fonds repartit à la hausse. Les souscripteurs assignèrent la banque en responsabilité à raison de la violation des obligations d’information et de conseil.

Du manquement de la banque lors de l’acquisition des parts du fonds Alpha, il ne fut que peu question dans le contentieux qui suivit. Il fut rapidement acquis que la banque s’était méprise dans la classification du fonds et avait présenté des documents manifestement erronés sur la nature réelle de l’investissement. Les souscripteurs n’étaient certes pas des profanes, ils ne recherchaient certes pas un placement à capital garanti, mais avaient manifesté leur volonté d’investir sur un support sécurisé ce que n’était manifestement pas le fonds Alpha. Du manquement de la banque lors de la liquidation des parts du fonds, il ne fut pas longuement débattu non plus : « le fait pour la Banque d’avoir en juillet 2008 alerté ses clients porteurs de parts du fonds Alpha sur l’évolution croissante de sa volatilité et de ses résultats négatifs, puis de les avoir invités à se retirer de ce fonds, dans un contexte de crise sévère et de résultats à la baisse particulièrement inquiétants, ne saurait constituer une faute de sa part, même si celui-ci a connu ensuite une hausse qu’elle n’avait pas anticipée » (Paris, pôle 5, 10 févr. 2015, n° 2012/20920).

Plus délicates furent les discussions autour de l’existence et de l’estimation du préjudice.

Existence du préjudice au dénouement du contrat

La cour...

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Auteur d'origine: rbigot
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Com., 10 mars 2021, n° 19-15.497, F-P

Le 10 mars 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt, destiné à une (modeste) publication, répondant à la question de savoir si une opposition à un arrêt, rendu par défaut, ouvrant une liquidation judiciaire pouvait être formée par des conclusions adressées par le RPVA. La spécificité du droit des procédures collectives a conduit la chambre spécialisée à répondre par la négative. Il ne s’agit pas tant d’une interdiction de la voie électronique que la condamnation – très ou plutôt trop rigoureuse – de l’emploi de la forme papier : la procédure spéciale de l’article R. 661-2 du code de commerce l’exclue en effet, par dérogation à la procédure générale de l’opposition de l’article 573 du code de procédure civile.

Deux époux, associés d’une SNC, sont mis en liquidation judiciaire par un arrêt rendu par défaut le 26 octobre 2017. Ils forment opposition à cet arrêt par des conclusions transmises par le Réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

La cour d’appel relève d’office l’irrecevabilité de l’opposition sur le fondement des dispositions de l’article R. 661-2 du code de commerce et ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur cette fin de non-recevoir. Finalement la cour d’appel déclare l’opposition irrecevable.

Les commerçants se pourvoient en cassation. Selon la quatrième branche du moyen (qui nous retiendra seule) : « le dépôt de conclusions au greffe de la cour d’appel est assimilable à une déclaration motivée qui satisfait aux conditions de l’opposition et les tribunaux de commerce appliquent les principes directeurs du procès civil aux termes desquels les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ; qu’en déclarant n’avoir pas été saisie de l’opposition des époux V… par des conclusions adressées au greffe par RPVA, la cour d’appel a violé les articles R. 721-1 du code de commerce et 930-1 du code de procédure civile ».

La Cour rejette le pourvoi, dans les termes rapportés au chapô. Elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que l’opposition formée par conclusions dématérialisées est irrecevable.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 mars 2021, les faits sont assez particuliers : d’une part c’est un arrêt par défaut – plus rare qu’un jugement par défaut – qui est à l’origine de la difficulté, d’autre part parce que la voie de recours ouverte contre cette décision – l’opposition – est une voie de rétractation (C. pr. civ., art. 571) conduisant à saisir la cour d’appel auteur de l’arrêt par défaut, enfin parce que l’exercice d’une opposition par voie électronique ne semble pas avoir donné lieu à de la jurisprudence – au moins de la Cour de cassation…

Ces spécificités tranchent cependant avec le classicisme de la solution retenue. L’arrêt sous commentaire rappelle en effet une règle bien établie quant au formalisme d’une opposition et/ou d’une tierce opposition formée dans le contexte d’une procédure collective. Pour résumer : hors déclaration verbale au greffe, point de salut !

De prime abord, la solution se justifie. Il est vrai qu’un jeu de conclusions adressé au greffe par RPVA à destination des parties n’est pas l’équivalent d’une déclaration au greffe proprement dite. Or lorsqu’une juridiction est saisie selon une modalité autre que celle prescrite par les textes, la sanction est une fin de non-recevoir.

Cela étant, à y regarder de plus près, la solution prête le flanc à la critique et mériterait, à ce titre, d’être repensée.

Une solution critiquable

Pour justifier l’irrecevabilité de l’opposition formée par conclusions dématérialisées, l’arrêt sous commentaire indique d’abord que l’article R. 661-2 du code de commerce est exclusif de l’application des règles du droit commun. Ledit texte prévoit notamment que sauf dispositions contraires l’opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de droit des entreprises en difficulté par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter de leur prononcé. En l’espèce, puisque l’opposition n’empruntait pas une telle forme, l’irrecevabilité était justifiée.

Une telle position n’est pas inédite. La Cour de cassation a plusieurs fois affirmé que les dispositions de l’article R. 661-2 du code de commerce étaient exclusives du droit commun (Com. 14 mai 2002, n° 99-10.325 et 99-10.535, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2002. 1981, et les obs. ; 14 juin 2017, n° 15-25.698, Bull. civ. IV, n° 85 ; D. 2017. 1246 ; Rev. sociétés 2017. 520, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2017. 698, obs. J.-L. Vallens ; ibid. 1000, obs. A. Martin-Serf ; BJE sept. 2017, n° 115b1, p. 344, note T. Favario ; LEDEN sept. 2017, n° 110x6, p. 3, note E. Mouial Bassilana ; Rev. proc. coll. 2018/3, comm. 103, note P. Cagnoli ; Dr. sociétés 2017/11. Comm. 197, note J.-P. Legros) pour en déduire que la forme du recours ne pouvait qu’être la déclaration au greffe à peine d’irrecevabilité (Com. 6 juill. 1999, n° 97-14.158, Bull. civ. IV, n° 154 ; D. 2000. 329 , obs. A. Honorat ; RTD com. 1999. 990, obs. J.-L. Vallens ; 29 avr. 2014, n° 12-20.988). La Haute juridiction en a déduit que l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie ne valent pas déclaration au greffe au sens de l’article R. 661-2 (encore dernièrement, Com. 17 févr. 2021, n° 19-16.470, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 5 mars 2021, note B. Ferrari). La même solution a été posée à propos d’une tierce opposition formée par voie d’assignation (Com. 26 avr. 2000, n° 96-19.594) ou de conclusions (Com. 6 juill. 1999, n° 97-14.158, Bull. civ. IV, n° 154 ; D. 2000. 329 , obs. A. Honorat ; RTD com. 1999. 990, obs. J.-L. Vallens ).

Au regard des jurisprudences précitées, il n’est donc pas surprenant, qu’en l’espèce, la Cour de cassation ait conclu à l’irrecevabilité de l’opposition formée par des conclusions adressées par le RPVA.

Reste que l’interprétation retenue de la déclaration formulée verbalement au greffe qui serait exigée par l’article R. 661-2 du code de commerce nous paraît excessivement formaliste. En outre, elle jure avec les exigences d’efficacité et de célérité gouvernant le droit des entreprises en difficulté. Nous nous permettons cette remarque, car s’il fallait résumer l’état du droit positif en la matière, seule la déclaration au greffe accomplie au moyen d’une comparution de l’opposant ou du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par l’article R. 661-2.

Un tel cantonnement de la notion de déclaration au greffe est discutable, puisque l’exigence de comparution « physique » au greffe ne découle nullement de la lettre du texte, lequel reste muet sur la forme de la déclaration. En adoptant une telle position, la Cour de cassation n’ajoute-t-elle pas au texte en y agrégeant une formalité supplémentaire ? Certes, on pourra objecter que l’article R. 661-2, à la différence de l’article 573, alinéa 3, du code de procédure civile, ne précise pas que la déclaration d’opposition est faite ou adressée au greffe…

En outre, en droit des entreprises en difficulté, l’opposition ou la tierce opposition sont enfermées dans le confortable délai de … dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2). Dès lors, est-ce qu’un délai d’action aussi réduit, associé à l’obligation incombant à l’opposant ou au tiers de comparaître pour procéder à la déclaration, garantit véritablement un droit effectif à l’accès au juge ? En outre, alors que la Chancellerie réglemente la dispense de présentation et la procédure sans audience et que la jurisprudence est très souple à l’égard de ces modalités procédurales (Dalloz actualité, 22 déc. 2020, obs. C. Bléry), cela semble assez antinomique …

Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme sanctionne les juridictions nationales qui font preuve d’un excès de formalisme dans l’application des règles de procédure portant atteinte aux garanties du procès équitable (CEDH 30 juin 2016, Duceau c/ France, n° 29151/11, Dalloz actualité, 5 juill. 2016, obs. A. Portmann ; AJ pénal 2016. 484, note S. Lavric ; 5 nov. 2015, Henrioud c/ France, n° 21444/11, Dalloz actualité, 18 nov. 2015, obs. F. Mélin ; D. 2016. 1245 , note G. Bolard ). Il en est ainsi lorsque l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche l’examen au fond d’un recours (CEDH 24 avr. 2008, n° 17140/05, Kempf et autres c/ Luxembourg).

Relevons encore que l’interprétation restrictive retenue de la notion de déclaration au greffe n’est pas absolue et la Haute juridiction fait parfois preuve de mansuétude à l’égard des plaideurs. Nous songeons, par exemple, à un arrêt au sein duquel une opposition à une ordonnance d’un juge-commissaire faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au lieu de la forme requise de la déclaration au greffe, a été jugée recevable (Com. 13 avr. 1999, n° 96-19.428, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2000. 65 , obs. D. Mainguy ; ibid. 72, obs. D. Mainguy ; RTD civ. 1999. 885, obs. P. Crocq ; RTD com. 1999. 944, obs. B. Bouloc ). Certes, cette jurisprudence est datée, mais elle légitime les discussions portant sur le formalisme de l’opposition et/ou de la tierce opposition exercées en matière de procédures collectives.

La sévérité de l’arrêt est d’autant plus critiquable que :

la déclaration au greffe a disparu du code de procédure civile avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2020 (v. C. Bléry, Dalloz actualité, 24 déc. 2019 ; ibid. 20 janv. 2020 ; Dalloz avocats 2020. 25 ) ;et que le droit commun autorise la voie qu’a utilisée, dans notre affaire, l’avocat : selon l’article 573 du code de procédure civile, « l’opposition est faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision.

Elle peut être faite en la forme des notifications entre avocats devant les juridictions où la représentation est obligatoire.

Lorsque l’opposition tend à faire rétracter une décision d’une cour d’appel rendue par défaut dans une matière régie par la procédure sans représentation obligatoire, elle est formée par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait, ou adresse par pli recommandé, au greffe de la cour qui a statué. L’opposition est instruite et jugée selon les règles applicables devant la cour d’appel à la procédure sans représentation obligatoire ».

Dans notre affaire, s’agissant de l’opposition à un arrêt d’appel, lui-même rendu à l’occasion d’une procédure avec représentation obligatoire, on comprend que le conseil des associés ait pensé à utiliser la forme prévue par l’alinéa 2 de l’article 573…

Au-delà de la critique, des arguments existent en faveur de la recevabilité de l’opposition formée par des conclusions adressées par voie électronique, ce qui justifie de repenser la solution.

Une solution à repenser

Rappelons, en tant qu’il est besoin, les règles de droit commun en matière de communication par voie électronique, dite CPVE (Sur laquelle, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droits interne et de l’Union européenne, S. Guinchard [dir.], Dalloz Action, 10e éd., 2021/2033, nos 273 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. nov. 2018] ; C. Bléry et J.-P. Teboul, Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, nos 485 s.).

Devant les cours d’appel, la CPVE est praticable de manière obligatoire ou facultative selon le cas. Elle était interdite dans certains cas ayant donné lieu à une jurisprudence aussi abondante que byzantine, aujourd’hui en grande partie obsolète avec l’adoption de l’arrêté technique du 20 mai 2020 relatif à la CPVE en matière civile devant les cours d’appel (Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Bléry).

Pourtant, juridiquement, l’article 748-1 envisageait et envisage toujours la transmission (envoi, remise, notifications) par voie électronique de tous les actes du procès, qu’il énumère ; le principe étant qu’elles sont permises, dans les conditions posées par les articles suivants, et parfois imposées. Pour la cour d’appel, l’article 930-1 rend obligatoire la remise des actes au greffe, et par ce greffe, par voie électronique – ceci à peine d’irrecevabilité et sauf cause étrangère, lorsque la représentation est obligatoire : plus précisément il s’agit de représentation obligatoire par avocat (ROA), à l’exclusion de représentation par le défenseur syndical en matière prud’homale, puisque celui-ci n’a pas accès au RPVA (C. pr. civ., art. 930-2 et 3).

Pour compléter ces articles 748-1 et 930-1, des arrêtés techniques sont nécessaires. Ils sont régis par l’article 748-6, alinéa 1er, du code de procédure civile : ils déterminent les garanties techniques mais aussi le domaine de la CPVE, lorsqu’elle est facultative. L’exigence d’arrêté est la « clé de voute » du système issu du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, qui a créé le titre XXI du livre I du code de procédure civile relatif à la CPVE. Parmi ces arrêtés, deux concernaient les cours d’appel : l’arrêté du 5 mai 2010 applicable devant les cours d’appel en procédure sans représentation obligatoire et l’arrêté du 30 mars 2011 relatif aux procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel. Ils ont été abrogés et remplacés par un arrêté unique, celui du 20 mai 2020 déjà évoqué.

À l’époque de l’opposition effectuée devant la cour d’appel de Douai (l’arrêt a été rendu le 26 oct. 2017 et les conclusions ont été adressées en date du 13 déc. 2017 par RPVA), les textes applicables étaient donc l’article 930-1 du code de procédure civile et l’arrêté technique du 30 mars 2011 régissant la procédure avec ROA.

Toutefois tous ces textes concernent l’appel… et non l’opposition !

Pour celle-ci, non spécialement régie par des dispositions propres à la CPVE, ne fallait-pas et ne faut-il toujours pas appliquer le droit commun, à savoir le titre XXI du livre 1 du code de procédure civile ?

La Cour de cassation a déjà statué en faveur de l’utilisation de la voie électronique dans des matières non expressément visées par des textes, mais non exclues non plus, par application des articles 748-1 s. Par exemple, la Cour de cassation avait jugé que la communication par voie électronique était utilisable devant les juridictions de l’expropriation dans la mesure permise par l’arrêté technique du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 14-25.631 P et n° 15-25.431 P, D. 2016. 2502 , note C. Bléry ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; ibid. 605, chron. E. de Leiris, N. Palle, G. Hénon, N. Touati et O. Becuwe ; AJDI 2017. 94, étude S. Gilbert ; 19 oct. 2017, n° 16-24.234 F-P+B, Dalloz actualité, 7 nov. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2353 , note C. Bléry ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; Gaz. Pal. 6 févr. 2017, p. 60, note N. Hoffschir). Elle avait statué dans le même sens en matière prud’homale (Soc. 18 janv. 2017, n° 14-29.013 FS-P+B, Dalloz actualité, 6 févr. 2017, obs. C. Bléry), alors que le pourvoi prétendait que l’article R. 1461-1 du code du travail impose une déclaration d’appel « papier » et que, par conséquent, une déclaration d’appel par voie électronique devait être jugée irrecevable. S’il est de jurisprudence constante que lorsqu’une juridiction a été saisie selon une modalité autre que celle prescrite, la sanction est une fin de non-recevoir, c’était ici un raisonnement inadapté. En effet, le législateur a mis en œuvre la dématérialisation des procédures selon une démarche d’équivalence, qui consiste à adapter les exigences formelles posées par le code de procédure civile pour les actes sur support papier aux actes sur support électronique, de sorte que, là où, traditionnellement, un écrit sur support papier était envoyé (adressé) par voie postale, par lettre simple (par ex., C. pr. civ., art. 658 et 667) ou par LRAR (par ex., C. pr. civ., art. 667 et 675, al. 2), la voie électronique peut aujourd’hui être utilisée (v. Dalloz actualité, 6 févr. 2017, obs. C. Bléry).

En fait, cette jurisprudence serait utilisable pour l’opposition de droit commun, prévue à l’article 573 du code de procédure civile, puisque la déclaration d’opposition peut être notifiée (en procédure avec représentation obligatoire) ou adressée (en procédure sans représentation obligatoire). Ceci, d’autant que la Cour de cassation avait par ailleurs considéré que le recours contre la décision du directeur général de l’INPI, porté devant une des cours d’appel judiciaires spécialisées notamment en matière de marque (COJ, art. D. 311-8), est soumise aux articles 1 à 749 du code de procédure civile et que la déclaration de recours emprunte la forme de la déclaration d’appel, qui peut dès lors être effectuée par voie électronique) (Com. 13 mars 2019, n° 17-10.861 F-P+B et Civ. 2e, 18 oct. 2018, n° 17-10.861 FS-D, Dalloz actualité, 28 mars 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 583 ; ibid. 2020. 451, obs. J.-P. Clavier ; RTD com. 2019. 370, obs. J. Passa ). M. Édouard de Leiris (Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. nov. 2018], n° 96), écrit ainsi : « si l’on s’en tenait à ces derniers termes [déclaration d’appel et constitution d’avocat], l’arrêté ne concernerait donc que les procédures d’appel, excluant ainsi tous les autres recours portés devant la cour d’appel. […] À l’inverse, on peinerait à justifier une approche trop littérale de cet arrêté, excluant de son champ les nombreux recours innommés portés devant une cour d’appel en vertu de textes spéciaux […] ». En outre, l’opposition est destinée à la cour d’appel elle-même et non au premier président, devant qui la CPVE était interdite, selon la Cour de cassation, avant l’entrée en vigueur – au 1er septembre 2020 – de l’arrêté du 20 mai 2020 (pour la disposition relative à ce PP).

En revanche, l’article 748-1 n’évoque pas la « déclaration » (verbale) – la seule qu’admet la Cour de cassation en matière de difficultés des entreprises. Le caractère oral de celle-ci, résultant de l’article R. 661-2 du code de commerce et de la jurisprudence, exclue la dématérialisation (en ce sens, E. de Leiris, Rép. pr. civ., v° Communication électronique, préc;, n° 17 : « en dehors de ce cas particulier de la notification verbale, l’article 748-1, malgré son apparente exhaustivité, ne concerne pas les actes verbaux. En effet, la forme verbale ne correspond ni à un “envoi” ni à une “remise”. D’ailleurs, lorsque le code de procédure civile autorise la forme verbale, il emploie une terminologie spécifique, en prévoyant en particulier que la diligence en question peut être « faite » et non pas seulement remise ou adressée ».

Dans notre affaire, la forme de l’opposition n’empruntait pas la forme prescrite par l’article R. 661-2, lu restrictivement par la Cour de cassation : la déclaration d’opposition, empruntant la forme d’un écrit dématérialisé, a été rattrapée par l’irrecevabilité. Une nouvelle fois, cette jurisprudence ne nous convainc pas : il nous semble que la déclaration d’opposition formée au greffe de la cour, par écrit – qu’il soit ou non adressé par voie électronique – devrait être recevable. Et si la Cour de cassation applique très/trop strictement de la lettre du texte de l’article R. 661-2, il faudrait le réécrire pour permettre une modalité de recours moderne… 

Auteur d'origine: Dargent

Les enseignes de grandes et moyennes surfaces alimentaires ont généralement recours à des procédures d’appels d’offres pour s’approvisionner en sandwichs industriels chauds ou froids destinés à la vente sous marque de distributeur ou sous marque de fabricant. Ces appels d’offres constituent, pour les entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels, la très grande majorité de leur chiffre d’affaires.

Entre septembre 2010 et septembre 2016, trois entreprises du secteur, Roland Monterrat, La Toque Angevine et Daunat, ont mis en œuvre un « pacte de non-agression » (autrement dit, un accord anticoncurrentiel) après s’être livrées à une guerre des prix durant deux ans qui a eu, selon elles, des conséquences importantes sur leur marge de négociation des prix du marché. C’est autour d’un déjeuner que ce « pacte de non-agression » est né, consistant en une répartition des marchés et une neutralisation de la concurrence par les prix. L’une des trois entreprises a affirmé que l’objectif principal était de « cristalliser les positions des opérateurs et, à tout le moins, maintenir les marges en échangeant des informations stratégiques et confidentielles sur les principaux paramètres des négociations ». Le pacte reposait également sur « le maintien du périmètre détenu par chaque industriel auprès de chaque distributeur, tel que constaté fin 2010 dans chaque marché ». L’entente ainsi conclue a permis une coordination entre les trois entreprises via des réunions et échanges informels d’informations sur les appels d’offres ou encore sur l’avancée des négociations avec les distributeurs, conduisant de facto à des réajustements de leurs offres. Le but était, pour chaque appel d’offres, de faire gagner l’une des trois entreprises désignée par avance dans le cadre du « pacte de non-agression », les deux autres prétextant des difficultés financières ou techniques.

C’est la société Roland Monterrat qui a révélé ces pratiques anticoncurrentielles en mai 2016, par le biais de la procédure dite de clémence, « qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité [de la concurrence] et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire ». Cette procédure incite les entreprises à coopérer avec l’Autorité de la concurrence dans la lutte contre les cartels.

L’Autorité s’est autosaisie de l’affaire par une décision n° 16-SO-05 du 13 juillet 2016 et a accordé à la société Roland Monterrat, par un avis de clémence n° 16-AC-01 du 20 juillet 2016, le bénéfice conditionnel d’une exonération totale des éventuelles sanctions encourues pour les pratiques litigieuses dénoncées. Après des opérations de visite et de saisies dans les locaux des entreprises La Toque Angevine et Daunat, ces dernières ont également demandé à bénéficier de la procédure de clémence. Par deux avis de clémence de l’Autorité de la concurrence, n° 18-AC-03 du 21 février 2018 et n° 18-AC-04 du 15 mai 2018, La Toque Angevine et Daunat se voient accorder le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction.

L’affectation des échanges au sein du marché intérieur

L’entente est interdite par l’article L. 420-1 du code de commerce, et surtout par l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui dispose que « sont...

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Auteur d'origine: pastor
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Si la bonne foi peut imposer aux parties d’adapter les modalités d’exécution de leurs obligations contractuelles, le locataire ne peut opposer, pour échapper au règlement de ses échéances, un manquement du bailleur à son obligation de délivrance en raison de l’interdiction administrative d’exploiter. Par ailleurs, qualifier la pandémie d’« événement de force majeure » suppose que ses conséquences soient irrésistibles pour le locataire, au regard de ses capacités financières et des mesures légales et réglementaires mises en place pour en limiter les effets.

Les règles guidant les contentieux locatifs en période de covid-19 sont nombreuses. Il est possible de déceler les dispositions spéciales du statut des baux commerciaux, les règles temporaires relatives à l’urgence sanitaire – évoluant au fil des « marées pandémiques » – et les règles de droit commun dépendant du code civil, dont le caractère majoritairement supplétif attisait peu l’intérêt, jusqu’à une période récente.

La crise sanitaire semble bien avoir changé la donne.

La décision commentée fait application de ces trois corpus et apporte de précieux indices quant à l’invocation par le locataire de la force majeure et de l’obligation de délivrance du bailleur.

En l’espèce, un bail authentique est conclu entre les parties, le 5 septembre 2014. Le 9 juin 2020, le bailleur fait délivrer à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail, pour un montant d’environ 5 700 €. N’ayant pas apuré les causes dudit commandement dans le délai d’un mois, le locataire est assigné en référé devant le président du tribunal judiciaire compétent. Par une ordonnance du 23 septembre 2020, la juridiction constate l’acquisition de clause résolutoire, fixe le montant de la dette du locataire, celui de l’indemnité d’occupation et prononce son expulsion. Le 23 octobre 2020, le locataire relève appel de cette décision devant la cour d’appel de Riom, qui confirme la décision du premier juge après s’être assurée que la date d’effet du commandement n’entrait pas en contradiction avec les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

Avant toute analyse, nous relèverons que les dispositions relatives à la neutralisation des sanctions de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 n’étaient pas évoquées devant le juge d’appel, à l’instar des dispositions afférentes à l’éligibilité au fonds de solidarité (ord. n° 2020-317, 25 mars 2020).

Défaut de délivrance et contrainte de police administrative

Le locataire opposait tout d’abord un défaut de délivrance de son bailleur, en ce que l’exploitation du local n’avait pas été possible durant la période d’avril et mai 2020.

Pour la cour, si cette impossibilité d’exploiter est avérée, elle n’est néanmoins pas imputable au bailleur, auquel s’imposait également la mesure. Aucun manquement n’est donc imputable au bailleur, dont la seule obligation est d’assurer au locataire la jouissance du local conformément à sa destination contractuelle, et non de lui garantir que « le bail sera fructueux ». Une distinction est alors opérée entre la mise à disposition des locaux, qui n’était pas remise en cause, et l’exploitation du fonds de commerce, qui était quant à elle, perturbée. Preuve que le bailleur n’avait commis aucun manquement, le locataire pouvait toujours consentir une sous-location des locaux, « stocker sa marchandise, [et] faire des travaux d’amélioration ou de rénovation » (dans le même sens, v. TJ Paris, 25 févr. 2021, n° 18/02353, Dalloz actualité, 9 mars 2021, obs. J. Monéger ; ibid., Le Droit en débats, 9 mars 2021, obs. J.-D. Barbier ; D. 2021. 524 ; AJDI 2021. 210 , obs. J.-P. Blatter ; a contrario le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a pu évoquer une « impossibilité objective » ; v. TJ Paris, 27 oct. 2020, n° 20/81460, ou une « impossibilité juridique » d’exploiter ; TJ Paris, 20 janv. 2021, n° 20/80923, sur le fondement de la perte de la chose).

La juridiction relève, au surplus, que le bail contenait des stipulations exonérant le bailleur au titre d’éventuels troubles de jouissance subis par son locataire.

Le moyen développé par le locataire tenant au prétendu défaut de délivrance du bailleur ne constituait pas une contestation sérieuse de nature à faire obstacle au constat d’acquisition de la clause résolutoire et au règlement des loyers dus pendant la période de fermeture administrative.

Force majeure et défaut d’irrésistibilité

Bien que la décision ne détaille pas l’argumentaire des parties sur ce point, la juridiction appréhende la qualification de la pandémie au regard de la définition de la force majeure. Et plus particulièrement, au regard du critère d’irrésistibilité. Deux catégories d’arguments sont alors avancées, menant in fine à l’exclusion de la force majeure.

Tout d’abord, ce fondement est inopérant lorsque le locataire a les moyens financiers de régler ses loyers. Il s’agit en l’espèce d’un critère subjectif, qui suspend la qualification de force majeure à la situation financière du locataire (Paris, pôle 1, ch. 2, 18 mars 2021, n° 20/13420 ; Grenoble, 5 nov. 2020, n° 16/04533, Dalloz actualité, 4 déc. 2020, obs. M. Pagès et S. Torrent ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; JT 2021, n° 237, p. 12, obs. X. Delpech ). Cette condition n’est pas avérée, un des comptes bancaires de l’entreprise faisant état d’un solde créditeur de près de 350 000 €.

Ensuite, la juridiction précise que la mise en place d’un fonds de solidarité et de mesures de report ou d’étalement de paiement des loyers « démontre que le législateur ne reconnaît pas le caractère de force majeure à la pandémie ». En d’autres termes, la juridiction semble considérer que la mise en place de mesures pour limiter les conséquences de la pandémie fait obstacle à la condition de l’irrésistibilité (dans le même sens, v. T. com. Lyon, 11 nov. 2020, n° 2020J00420, Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ).

Ainsi, le fait que le contrat devienne moins profitable au débiteur – et donc, au locataire – ne permet pas de considérer que l’événement serait irrésistible (Droit du contrat, Lamy, 2018, § 2024, p. 981 ; v. égal. S. Regnault, Covid et bail commercial, AJ Contrat 2020. 193 ).

L’argument tenant à l’impossibilité de procéder au règlement de son loyer par le locataire est donc rejeté, la juridiction rappelant le désormais célèbre arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui a refusé l’application de la force majeure au débiteur d’une obligation portant sur une somme d’argent inexécutée (Com. 16 sept. 2014, n° 13-20.306, Dalloz actualité, 2 oct. 2014, obs. X. Delpech ; D. 2014. 2217 , note J. François ; Rev. sociétés 2015. 23, note C. Juillet ; RTD civ. 2014. 890, obs. H. Barbier ).

La bonne foi ou la contrainte du compromis

Le principe de la bonne foi a irrigué l’argumentation de la cour de Riom, tout le long de la décision. En effet, si la force majeure et le défaut de délivrance ont tous deux été rejetés, il n’en demeure pas moins que la juridiction reconnaît dans la pandémie, une situation particulièrement délicate qui tend à mettre en difficulté les relations contractuelles. Se rapportant aux articles 1103 et 1104 nouveaux du code civil, la juridiction juge que « les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives ». Si ce principe est finalement rappelé dans la grande majorité des décisions couvrant la présente thématique (T. com. Nancy, 16 déc. 2020, n° 2020008085), l’on retrouve cette formule, reprise dans des termes identiques dans plusieurs décisions récentes (TJ Paris, 21 janv. 2021, n° 20/55750, Dalloz actualité, 27 janv. 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; AJDI 2021. 122 , obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; 26 oct. 2020, n° 20/55901, D. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Ayant relevé que le bailleur avait effectivement proposé un report et un échelonnement des loyers concernés par la période de confinement, « jusqu’à la fin de l’année en cours », celui-ci avait satisfait à son obligation de bonne foi, en aménagement les modalités contractuelles, pour tenir compte de l’impact de la crise sur l’activité de son locataire.

Si cette décision ne permet pas de présumer l’état de la jurisprudence future, la cour d’appel de Riom a procédé à une étude circonstanciée des moyens qui lui ont été soumis, qui n’est pas toujours de mise devant le juge de l’évidence. Un moyen n’était cependant pas évoqué : celui de la perte de la chose, pris sur la base de l’article 1722 du code civil. Fondement qu’un certain nombre de décisions successivement rendues semblent favorablement apprécier, l’intégrant de facto parmi les dispositions de droit commun qui retiendront sans aucun doute l’attention des rédacteurs d’actes (Versailles, ch. 14, 4 mars 2021, n° 20/02572).

Auteur d'origine: Rouquet
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L’ouverture d’une procédure collective sonne, pour le créancier soumis à la discipline collective, le glas de son droit de poursuite individuelle contre le débiteur. Cette limitation de l’activité juridique du créancier est néanmoins compensée, d’une part, par l’habilitation à défendre l’intérêt collectif des créanciers conférée au mandataire judiciaire (C. com., art. L. 622-20) et, d’autre part, par l’obligation faite aux créanciers de procéder à leur déclaration de créance (C. com., art. L. 622-24). Si la déclaration de créance vient pallier l’interdiction des poursuites individuelles, c’est qu’elle peut être définie comme l’acte par lequel le créancier manifeste l’intention d’obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui lui est dû par le débiteur (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2021-2022, 11e éd., n° 661.111). Autrement dit, la déclaration de créance se substitue à l’action en paiement qui aurait pu être exercée en dehors de la procédure collective.

Figure emblématique du droit des entreprises en difficulté, le régime de la déclaration de créance a été bouleversé par l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 (ord. n° 2014-326, 12 mars 2014, réformant la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives). Cette réforme a introduit un véritable changement de paradigme dans les textes. Pour l’essentiel, si, auparavant, seul le créancier était doté du pouvoir de déclarer sa créance, la réforme a introduit la possibilité pour le débiteur de déclarer pour le compte du créancier (C. com., art. L. 622-24, al. 3) et la faculté pour ce dernier de ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue (C. com., art. L. 622-24, al. 2). L’arrêt ici rapporté précise le régime de cette ratification.

En l’espèce, le responsable du service contentieux d’une banque a déclaré une créance au passif d’un débiteur en redressement judiciaire. Cette créance est admise au passif, mais la cour d’appel infirme l’ordonnance d’admission au motif que la déclaration de créance avait été accomplie par une personne dépourvue du pouvoir pour le faire. La banque forme un pourvoi en cassation. Elle fait valoir devant la haute juridiction que le créancier déclarant peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. Or, en invalidant la déclaration sans examiner si la banque, qui a conclu à l’admission de la créance, n’a pas ratifié, par là même, la déclaration, la cour d’appel aurait violé l’article L. 622-24 du code de commerce dans sa rédaction issue des dispositions de l’ordonnance du 12 mars 2014.

La Cour de cassation souscrit à l’argumentation et casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle que le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance, sans qu’une forme particulière soit exigée pour cette ratification, laquelle peut être implicite. Dès lors, bien qu’en l’espèce, la chaîne des pouvoirs ne soit pas complète et que la déclaration de créance n’ait pas été dûment ratifiée en cours de procédure, la banque, en concluant devant la cour d’appel à l’admission de la créance déclarée, avait toutefois nécessairement, mais implicitement, ratifié la déclaration.

D’une façon générale, l’arrêt sous commentaire est intéressant en ce qu’il affine les dispositions relatives au régime de la déclaration de créance introduites par l’ordonnance du 12 mars 2014.

D’une façon plus particulière, deux aspects de la solution méritent l’attention. D’une part, elle comporte une valeur symbolique en ce qu’elle confirme l’extinction du contentieux portant sur l’identité de l’auteur de la déclaration de créance. D’autre part, elle apporte une précision importante résidant dans le possible caractère implicite de la ratification de déclaration de créance.

Le symbole : l’extinction du contentieux portant sur l’identité de l’auteur de la déclaration

Sous l’empire des textes antérieurs à l’ordonnance du 12 mars 2014, l’obligation de procéder à la déclaration de créance incombait exclusivement au créancier. Ce principe reposait notamment sur l’idée que la déclaration de créance était assimilée à une action en justice (v. par ex. Com. 14 déc. 1993, n° 93-11.690, Bull. civ. IV, n° 471 ; Rev. sociétés 1994. 100, note Y. Chartier ; RTD com. 1994. 364, obs. A. Martin-Serf  ; 14 oct. 2014, n° 13-16.609 NP). Partant, si le déclarant n’était pas le créancier, il devait en principe être titulaire du pouvoir d’agir en justice pour son compte.

Cette dernière assertion a été la source – peut-être artificielle – d’un contentieux particulièrement irritant pour les personnes morales créancières, et spécifiquement, pour les créanciers institutionnels (P.-M. Le Corre, op. cit., n°  661.121).

En principe, les représentants légaux de la personne morale – parce qu’ils ont le pouvoir de l’engager – ont corrélativement le pouvoir de procéder à la déclaration de créance (v. par ex. Com. 12 juill. 2011, n° 10-18.444 NP, Dalloz actualité, 27 juill. 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 2031, et les obs. ; Rev. sociétés 2011. 527, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2012. 192, obs. A. Martin-Serf ).

Toutefois, la situation était parfois plus délicate, car le créancier pouvait donner mandat spécial et écrit à un tiers (Cass., ass. plén., 26 mars 2010, n° 09-12.843, Bull. ass. plén., n° 2 ; Dalloz actualité, 1er avr. 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 887, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2010. 610, obs. A. Martin-Serf  ; BJS sept. 2010, n° 9, p. 754, note P. Pétel ; Rev. pr. coll. 2011/2, comm. 36 note M.-N. Legrand et F. Legrand ; Act. proc. coll. 2010/8, n° 116, note J. Vallansan ; JCP 2010. 383, note P. Roussel Galle ; Com. 22 juin 2010, n° 09-65.481, Bull. civ. IV, n° 113 ; Dalloz actualité, 1er juill. 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 1702 ; ibid. 2323, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Rev. sociétés 2011. 304, note F. Mélin ; RTD com. 2010. 783, obs. A. Martin-Serf  ; BJS sept. 2010, n° 9, p. 755, note J.-L. Vallens ; Dr. sociétés 2010/11, comm. 112, note J.-P. Legros ; Rev. pr. coll. 2010/6, comm. 217, note M. Menjucq) ou charger un préposé, au moyen d’une délégation de pouvoir, d’accomplir la déclaration (Com. 2 mars 2010, n° 08-20.422 NP ; 17 mai 2017, n° 15-25.363 NP).

Certes, une jurisprudence assez libérale permettait, en cas de contestation de pouvoir, d’en rapporter la preuve jusqu’à ce que le juge statue (Cass., ass. plén., 4 févr. 2011, n° 09-14.619, Bull. ass. plén., n° 2 ; Dalloz actualité, 8 févr. 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 439, obs. A. Lienhard ; ibid. 2069, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; Rev. sociétés 2011. 387, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2011. 412, obs. A. Martin-Serf  ; Gaz. Pal. 10 mars 2011, n° 69, p. 13, note L. Antonini-Cochin ; BJE mai 2011, n° 2, p. 130, note P.-M. Le Corre ; Dr. sociétés 2011/6, comm. 119, note J.-P. Legros ; Procédures 2011/5, comm. 177, note B. Rolland ; JCP 2011. 381, note L.-C. Henry), mais à défaut de pouvoir, la déclaration de créance ne pouvait être ratifiée (Com. 28 mai 1996, n° 94-13.304, Bull. civ. IV, n° 148 ; RTD com. 1996. 713, obs. A. Martin-Serf  ; 17 déc. 1996, nos 94-19.489 et 94-19.550, Bull. civ. IV, n° 313 ; D. 1997. 31 ; RTD com. 1997. 510, obs. A. Martin-Serf ; ibid. 512, obs. A. Martin-Serf ).

Ces éléments permettent d’expliquer qu’en l’espèce, puisque le préposé de la banque ne justifiait d’aucune délégation de pouvoir, la régularité de la déclaration de créance et son admission au passif aient été contestées. Les habitudes ont la vie dure !

La haute juridiction rompt avec cette logique. Elle casse l’arrêt d’appel et confirme que, sous l’empire des textes instaurés par l’ordonnance du 12 mars 2014, la déclaration de créance peut être effectuée sans pouvoir dans la mesure où le créancier a la possibilité de la ratifier jusqu’à ce que le juge statue. Certes, concédons que la lettre du deuxième alinéa de l’article L. 662-24 du code de commerce n’est pas aussi affirmative, mais la définition même du terme de ratification abonde en ce sens. Il se définit comme l’acte par lequel une personne approuve l’acte accompli pour elle, mais sans pouvoir, par une tierce personne (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 11e éd., 2016, p. 851).

L’arrêt ici rapporté est éminemment symbolique.

À notre connaissance, il constitue la première « retombée » jurisprudentielle – au stade de la cassation à tout le moins – de l’une des dispositions phares de la réforme de 2014 : la possibilité pour le créancier de ratifier la créance déclarée sans pouvoir.

D’un symbole à un autre, nous pourrions même ajouter que l’arrêt commenté apporte au débat relatif à la nature juridique de la déclaration de créance. Au lendemain de la réforme, il avait été affirmé en doctrine que la possibilité de ratification de la créance par le créancier – et donc la faculté corrélative de déclarer la créance sans pouvoir – conduisait à abandonner l’idée selon laquelle la déclaration de créance équivalait à une demande en justice (P.-M. Le Corre, Déclaration et vérification des créances : quels changements, Gaz. Pal. 3 janv. 2015, n° 203d8, p. 26 ; P. Pétel, Entreprises en difficulté : encore une réforme !, JCP E 2014. 1223). Bien que l’analyse soit contestée (G. Teboul, La déclaration des créances : actualité et perspectives, Gaz. Pal. 23 févr. 2016, n° 8, p. 21 s. ; C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 12e éd., LGDJ, coll. « Précis Domat », 2020, n° 764), la déclaration de créance devrait aujourd’hui plutôt être qualifiée d’acte conservatoire du droit de créance auquel le code de commerce fait produire les effets classiquement attachés à une action en justice (C. com., art. L. 622-25-1).

Quoi qu’il en soit, le principe est aujourd’hui que le créancier n’a plus à justifier a posteriori d’avoir confié un pouvoir à un mandataire ou à un préposé de déclarer la créance pour son compte. Désormais, un tiers sans pouvoir peut déclarer une créance, laquelle en cas de difficulté sera ratifiée par le créancier qui confirmera alors sa volonté de voir opposer son droit de créance à la procédure collective, et ce jusqu’à ce que le juge statue.

L’arrêt ici rapporté confirme donc que la question du pouvoir pour déclarer les créances est morte (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1530). Prenons garde toutefois à ne pas extrapoler la solution. Celle-ci ne vaut que pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014, date de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance du 12 mars 2014 (Com. 22 mars 2017, nos 15-18.219 et 15-18.220 NP).

Une fois la possibilité de ratification entérinée par l’arrêt sur le fondement des textes issus de la réforme de 2014, il faut encore s’interroger sur les spécificités techniques de cette ratification. Là est le deuxième intérêt de l’arrêt ici rapporté.

La précision : le possible caractère implicite de la ratification

Pour la haute juridiction, quand bien même le créancier n’aurait pas réalisé un acte positif tendant à ratifier la déclaration de créance au cours de la procédure, le seul fait d’avoir conclu à l’admission de la créance devant la cour d’appel suffisait à emporter implicitement la ratification de la déclaration.

Si nous souscrivons volontiers à cette solution, elle mérite néanmoins quelques précisions.

Concédons, d’abord, que dans un autre domaine que celui de la déclaration des créances – mais toujours en matière de droit des entreprises en difficulté – la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de refuser le caractère « seulement » tacite d’une ratification. Cette situation s’est présentée à propos d’un acte accompli par un débiteur en liquidation judiciaire au mépris de son dessaisissement. Dans ce cas, le liquidateur peut faire le choix de ratifier un tel acte. En revanche, cela suppose une démarche positive de la part du mandataire. Par exemple, si le liquidateur est autorisé par le juge-commissaire à vendre un immeuble ayant été acquis au moyen d’un prêt contracté au mépris du dessaisissement, l’autorisation du juge-commissaire n’emporte pas pour autant ratification implicite du prêt ou de l’acquisition de l’immeuble par le débiteur (Com. 19 mai 2004, n° 01-13.596, Bull. civ. IV, n° 96 ; D. 2004. 1813 , obs. A. Lienhard ).

Las, aucune conclusion ne peut être tirée de cet exemple, car la ratification par le liquidateur des actes accomplis au mépris du dessaisissement ne découle d’aucun texte contrairement à la situation qui nous intéresse en l’espèce. Au demeurant, certes, la lettre de l’article L. 622-24 du code de commerce reste muette sur la forme que doit revêtir la ratification par le créancier de la déclaration de créance produite par le tiers. Toutefois, au bénéfice de l’arrêt commenté, nous pourrions avancer qu’en application de l’adage ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus, il n’appartient pas au juge de distinguer là où la loi ne distingue pas. Dès lors, si l’article L. 622-24 du code de commerce ne distingue pas entre la ratification expresse ou implicite, il n’y a pas lieu de distinguer et d’exclure la seconde possibilité.

Pour cette unique raison, la solution édictée par l’arrêt sous commentaire nous paraît déjà justifiée. En outre, une telle décision n’est pas inédite lorsque l’on étend le spectre de l’analyse au droit des obligations.

Parfois, le législateur prévoit directement la faculté de ratifier un acte de façon implicite. Tel est le cas de l’article 1998 du code civil. Ce texte prévoit que le mandant doit exécuter les engagements contractés par le mandataire, mais il n’est pas tenu pour ce qui a pu être fait au-delà, sauf en cas de ratification expresse ou tacite de sa part (Civ. 3e, 17 sept. 2020, n° 19-17.393 NP, RDI 2020. 676, obs. J.-P. Tricoire  ; Gaz. Pal. 8 déc. 2020, n° 392h7, p. 86, note V. Zalewski-Sicard).

Cependant, il est d’autres hypothèses où le législateur reste muet sur la forme de la ratification, ce qui a permis à la jurisprudence d’en déduire que celle-ci pouvait être seulement tacite. Ce cas se retrouve, par exemple, en matière de représentation (C. civ., art. 1156, al. 3) où la jurisprudence a reconnu que la ratification par le représenté d’un acte accompli par un représentant sans pouvoir pouvait résulter de l’exécution, en connaissance de cause, de l’acte conclu (Civ. 1re, 2 juill. 2014, n° 13-19.626, Bull. civ. I, n° 118 ; Dalloz actualité, 25 juill. 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1493 ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; AJDI 2015. 215 , obs. N. Le Rudulier ; RTD civ. 2015. 455, obs. N. Cayrol  ; CCC 2014/11, comm. 238, note L. Leveneur).

Dans la même veine, le régime de la promesse de porte-fort (C. civ., art. 1204) éclaire utilement la solution adoptée en l’espèce par la Cour de cassation. Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, la haute juridiction a admis que cette ratification pouvait être expresse ou tacite (Cass., ass. plén., 22 avr. 2011, n° 09-16.008, Bull. ass. plén., n° 4 ; Dalloz actualité, 4 mai 2011, obs. X. Delpech ; D. 2011. 1870, obs. X. Delpech , note O. Deshayes et Y.-M. Laithier ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; Rev. sociétés 2011. 547, note J. Moury ; RTD civ. 2011. 795, obs. P. Théry ; ibid. 798, obs. P. Théry  ; BJS juill. 2011, n° 7, p. 567, note A. Couret ; JCP 2011. 715, note Y.-M. Sérinet). Or, si elle est tacite, l’essentiel est de prouver un réel engagement clair et non équivoque de la part du tiers pour qui l’on se porte fort (Com. 24 mai 2016, nos 14-15.042, 14-16.703 et 14-14.933 NP).

Ces critères peuvent être transposés à la ratification par le créancier de la déclaration de créance accomplie par son préposé sans pouvoir. En l’espèce, il nous semble que les conclusions du créancier tendant à l’admission de la créance devant la cour d’appel pouvaient effectivement constituer une ratification tacite de la déclaration de créance, car en défendant la créance « au fond », le créancier a manifesté sa volonté claire et non équivoque d’être reconnu comme tel au sein de la procédure collective de son débiteur.

Au lendemain de la réforme du 12 mars 2014, un auteur constatait qu’un vent de clémence allait souffler sur la déclaration de créance (P.-M. Le Corre, Déclaration et vérification des créances : quels changements, art. préc.)… Au regard de l’arrêt ici rapporté, il ne sera donc pas surpris de constater que le vent en question s’est bien levé !

Auteur d'origine: bferrari

par Camille Dreveaule 25 mars 2021

Civ. 3e, 4 mars 2021, FS-P, n° 19-26.333

Cet arrêt illustre l’articulation des articles L. 113-3 et L. 124-5 du code des assurances. Le premier fixe les modalités selon lesquelles la garantie peut être suspendue et le contrat résilié en cas de non-paiement des primes. Le second délimite dans le temps le risque assuré. Plus particulièrement, il prévoit que, dans les contrats « en base réclamation », la garantie de l’assureur est subordonnée à deux conditions cumulatives : d’une part, le fait dommageable doit être antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie et, d’autre part, la première réclamation doit être adressée à l’assurée à ou son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionnée par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres.

Dès lors, la garantie de l’assureur peut-elle être retenue lorsque...

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Auteur d'origine: dreveau
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Le 17 février 2017, la marque figurative internationale désignant l’Union européenne El Clasico, n° 1379292, et appartenant à la Liga nacional de fútbol profesional, est enregistrée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). L’enregistrement est notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), qui, après examen, rejette totalement la demande de marque, au motif que cette dernière est descriptive et est dépourvue de caractère distinctif. Le 8 octobre 2018, la déposante forme un recours auprès de l’EUIPO mais celui-ci est rejeté par une décision du 1er octobre 2019. La déposante saisit donc le Tribunal de l’Union européenne afin que sa marque El Clasico puisse être enregistrée.

Dans sa décision du 24 février 2021, le Tribunal de l’Union européenne analyse le caractère descriptif de la demande d’enregistrement El Clasico et constate son absence de caractère distinctif.

Le caractère descriptif des termes « el clasico »

Le Tribunal rappelle qu’une marque ne peut pas être enregistrée si elle n’exerce pas sa fonction essentielle qui est d’identifier l’origine commerciale de ses produits et services (CJCE 18 juin 2002, Koninklijke Philips Electronics NV/Remington Consumer Products Ltd, aff. C-299/99, pt 30, RTD com. 2002. 769, obs. M. Luby ; ibid. 2003. 500, obs. J. Azéma ; Propr. ind. 2012, n° 2, p. 38-39, note A. Folliard Monguiral ; RTD com. 2002. 769, obs. M. Luby ; ibid. 2003. 500, obs. J. Azéma). En effet, une telle marque, qui sera qualifiée de descriptive, ne doit pas pouvoir faire l’objet d’un monopole mais doit rester libre d’accès (CJCE 23 oct. 2003, OHMI c. Wrigley, aff. C-191/01, pt 31, D. 2003. 3053, et les obs. ). Pour que le caractère descriptif soit retenu, il faut qu’un lien direct et concret soit établi entre les produits et services et le signe (Trib. UE, 7 juin 2001, DKV c. OHMI (EuroHealth), aff. T-359/99, pt 36). Pour cela, le public pertinent doit voir immédiatement, et sans autre réflexion, que le signe est la description des produits et services ou d’une de leurs caractéristiques. Concernant le public pertinent, le juge confirme la décision de recours de l’EUIPO qui a considéré que le public pertinent, qui est composé du grand public mais aussi de professionnels, n’a aucun impact sur la lecture du caractère descriptif de la marque El Clasico (pt 35). En effet, la demande d’enregistrement n’étant pas composée de termes techniques, il importe peu que le public pertinent soit professionnel ou profane. Concernant la description des services ou une de leurs caractéristiques, le Tribunal de l’Union européenne analyse si les termes « el clasico » peuvent être perçus comme une caractéristique des services en cause, étant donné qu’ils ne désignent pas directement des services. Dans un premier temps, les termes sont analysés séparément : le terme « clasico » signifie « classique » en espagnol alors que le terme « el » est un article défini qui signifie « le » en espagnol (pt 45). Puis, dans un second temps, les termes sont appréciés dans leur globalité (pt 39). Le juge confirme que le terme « el » ne modifie pas, à lui seul, le sens du terme « clasico », dès lors qu’il s’agit d’un article défini se rapportant directement au terme « clasico » (pt 46). Par ailleurs, ce dernier soutient la position de l’EUIPO sur le fait que la présentation du terme dans un encadré noir n’a aucun impact sur la perception des termes « el clasico », étant donné qu’elle est dépourvue de caractère fantaisiste (pt 43). Ainsi, dans son ensemble ou séparément, les termes « el Clasico » sont perçus par le consommateur visé par les services comme signifiant « quelque chose d’habituel, de typique ou de classique ». En plus de cette signification, cette combinaison de termes sera également perçue par le public pertinent comme faisant référence à « une rencontre sportive entre deux équipes de forte rivalité » (pt 48). Ainsi, et contrairement à ce qu’indique la déposante, les termes « el Clasico » ne renvoient pas uniquement aux rencontres sportives organisées par cette dernière, mais à des rencontres sportives diverses et variées (football, basket-ball, pts 49 et 58).

Pour que la marque soit qualifiée de descriptive, il suffit qu’au moins une des significations potentielles du signe soit perçue comme une caractéristique des produits et services (Trib. UE, 17 janv. 2017, Netguru c. EUIPO, aff. T-54/16, pt 59). Cette caractéristique doit respecter quelques règles, telles qu’être objective, inhérente à la nature du produit ou du service, ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service (Trib. UE, 7 mai 2019, Vita, aff. T-423/18, pt 44). Pour autant, il importe peu que cette caractéristique soit essentielle ou accessoire des produits et services. En l’espèce, les deux significations possibles des termes « el clasico » peuvent être perçues comme des caractéristiques intrinsèques des services visés. Pour les services liés au sport, ces termes peuvent s’entendre soit comme des services qui sont traditionnels, typiques ou classiques « d’une rencontre sportive dans le sens d’habituelle dans la mesure où elle se répète périodiquement », soit comme « décrivant une caractéristique intrinsèque […] à savoir leur lien avec une rivalité sportive » (pts 59 à 61). En effet, soit la répétition de rencontres sportives entre deux équipes précises de manière habituelle et traditionnelle est perçue à travers des termes « el clasico », soit c’est la rivalité sportive, au cœur de ces rencontres, qui est retenue. Pour les autres services mentionnés à la classe 41, qui désignent des services « issus de secteurs ou d’activités modernes ou récemment développés », les termes « el clasico » sont interprétés comme signifiant classique dans le sens de « conventionnel ou habituel, indépendamment du contenu des services eux-mêmes ». « Par exemple, [pour] les services de publication électronique ou la fourniture de musique numérique non téléchargeable, […] il ne saurait être exclu qu’ils présentent un contenu traditionnel ou classique (par exemple une version numérique de musique classique ou la publication électronique d’une revue sportive traditionnelle) » (pt 62). En conclusion, les termes « el clasico » sont perçus comme une caractéristique intrinsèque des services en cause et sont par conséquent descriptifs.

L’absence de caractère distinctif des termes « el clasico »

Une fois que le signe a été considéré comme descriptif, seul un caractère distinctif acquis par l’usage peut lui permettre d’être enregistré. En effet, seule l’exception aux motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque peut permettre à une marque d’être enregistrée. Pour cela, il faut remplir plusieurs conditions : la marque doit être connue d’« au moins une fraction significative du public pertinent » et l’usage de cette marque doit être fait en tant que marque (Trib. UE, 15 déc. 2005, BIC c. OHMI, aff. T-262/04, pt 61 ; 29 sept. 2010, CNH Global c. OHMI, aff. T-378/07, pt 29). Afin d’estimer la part des consommateurs visés par les produits et services qui a connaissance de la marque, le juge redonne un faisceau d’indices composé « de facteurs tels que la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles » (CJCE 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, aff. C-108/97 et C-109/97, pts 49 à 51, D. 1999. 168 ; RTD com. 1999. 1021, obs. M. Luby ; ibid. 2000. 89, obs. J.-C. Galloux ; RTD eur. 2000. 127, obs. G. Bonet ). En l’espèce, la déposante n’a pas fourni assez de preuve pour démontrer que le public visé connaissait le signe. En effet, les éléments donnés par cette dernière mettent plutôt en exergue le caractère descriptif du signe pour parler d’une « rencontre sportive entre les équipes de football Real Madrid CF et FC Barcelona » (pts 91 et 97). Ainsi, les conditions liées à l’acquisition du caractère distinctif par l’usage ne sont pas remplies et la demande d’enregistrement descriptive ne peut pas être enregistrée.

Si le caractère descriptif du signe déposé est analysé par le juge, il n’en est pas de même de son caractère distinctif lors du dépôt de la demande d’enregistrement (pt 79). En effet, le Tribunal de l’Union européenne se concentre uniquement sur le caractère descriptif du signe étant donné qu’il suffit qu’un seul motif absolu de refus soit rempli pour que la demande d’enregistrement ne puisse être enregistrée en tant que marque (pt 78). Le caractère descriptif de la demande d’enregistrement El Clasico ayant été démontré, il n’est pas nécessaire pour ce dernier d’apprécier son caractère distinctif. Par ailleurs, le juge rappelle que l’EUIPO n’est pas lié par les décisions d’autorités nationales concernant les questions d’appréciation du caractère descriptif et/ou distinctif d’une demande d’enregistrement (CJCE 17 juill. 2008, L & D c. OHMI, aff. C-488/06 P, pt 58). En effet, ce n’est pas parce qu’un pays membre de l’Union européenne a considéré que la marque El Clasico était distinctive, et a autorisé son enregistrement, que l’EUIPO est tenu de suivre ce raisonnement (Trib. UE, 27 févr. 2002, Streamserve c. OHMI, aff. T-106/00, pt 47). Ainsi, même si la marque El Clasico a fait l’objet d’enregistrements nationaux, l’EUIPO a refusé son enregistrement pour l’Union européenne pour les services en cause.

Auteur d'origine: nmaximin
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On sait que le législateur fait montre d’une certaine sollicitude à l’endroit des cautions personnes physiques dans le cadre d’une procédure collective en leur conférant nombre de bénéfices (v. à ce sujet M. Bourassin et V. Brémond, Droit des sûretés, 7e éd., Sirey, 2019, nos 618 s., spéc. n° 626). La jurisprudence veille à donner à ces bénéfices une portée temporelle très large, comme en témoigne un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 mars 2021.

En l’espèce, une banque a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec une société, consenti à celle-ci deux prêts, respectivement de 189 700 et 150 000 euros, qui ont été réalisés le 26 juillet 2013. N’ayant pas honoré ses engagements de remboursement, ladite société a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts, la même mise en demeure ayant été délivrée à M. L…, gérant de la société, qui s’était rendu caution solidaire de l’exécution des conventions de crédit global de trésorerie (les créances de la banque ayant été cédées entretemps à une autre société).

Par un jugement du 30 septembre 2016, la société débitrice a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

Par la suite, le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance de la société créancière en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.

La cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 5 février 2019, a limité la faculté pour M. L… de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et a rejeté sa demande d’inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, en retenant que l’article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n’est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.

La caution se pourvut donc en cassation, avançant que l’article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, devait s’appliquer sans réserve aux procédures nouvelles, les cautions en bénéficiant dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement. L’argument fut entendu puisque l’arrêt des magistrats picards est censuré au visa de l’article L. 626-11 du code de commerce : la cour régulatrice considère en effet qu’« il résulte de ce texte que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d’un débiteur en rend les dispositions opposables à tous et qu’à l’exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s’en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement » (pt 7). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé » (pt 9).

La solution est parfaitement logique dans la mesure où les articles 190 et 191 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises prévoient respectivement que « la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2006 […] » et que, « lors de son entrée en vigueur, la présente loi n’est pas applicable aux procédures en cours […] ». La loi de 2005 est donc censée s’appliquer, sauf exception, à toutes les procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 (v. à ce sujet P. Le Cannu et D. Robine, Droit des entreprises en difficulté, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, n° 232 ; v. égal. C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 12e éd., LGDJ, coll. « Précis Domat », 2020, n° 69). La date de conclusion du contrat de cautionnement importe donc peu : dès lors qu’une procédure a été ouverte à partir du 1er janvier 2006, les cautions personnes physiques ont vocation à bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde, conformément à l’article L. 626-11 du code de commerce.

La portée de la présente solution mérite toutefois d’être précisée à un double titre.

En premier lieu, sous l’empire de la loi du 26 juillet 2005, cette disposition était limitée aux coobligés et personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome, mais son domaine fut considérablement étendu par la suite, à la faveur de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, entrée en vigueur le 15 février 2009 et également applicable aux procédures ouvertes à compter de cette date (art. 173 : « La présente ordonnance entre en vigueur le 15 février 2009 […]. Elle n’est pas applicable aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur […] »). L’article L. 626-11 énonce depuis lors qu’« à l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s’en prévaloir ». Tous les coobligés ainsi que les personnes ayant consenti une sûreté pour autrui relèvent donc de ce texte (les garants personnels ne sont-ils pas, eu demeurant, des coobligés ? Sur cette conception, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation. Contribution à l’étude du concept de coobligation, préf. P. Delebecque, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2012, t. 539). Il en va d’ailleurs de même pour l’ensemble des autres dispositions applicables à ces personnes (C. com., art. L. 611-10-2, al. 1er, L. 622-26, al. 2, L. 622-28, al. 2, L. 631-14 in fine, L. 631-20, L. 643-11, II). Par où l’on voit que le législateur s’intéresse davantage, en matière de procédures collectives, au régime des sûretés pour autrui (v. à ce sujet A. Aynès, Quelques aspects du régime juridique des sûretés réelles pour autrui. Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica, 2009, p. 1 ; J.-D. Pellier, La poursuite de la construction d’un régime des sûretés pour autrui. À propos de la modification de l’article L. 643-11 du code de commerce par l’ordonnance du 12 mars 2014, D. 2014. 1054  ; v. égal. J. Crastre, La summa divisio des sûretés pour soi et des sûretés pour autrui, thèse, Paris 1, dir. P. Dupichot, 2020). Il n’en demeure pas moins que la notion de sûreté personnelle mériterait d’être clairement définie afin de déterminer avec précision le champ d’application desdits textes (rappr. P. Pétel, Les sûretés personnelles dans le nouveau droit des entreprises en difficulté, CDE 2009. Dossier 20 : « En visant expressément la notion de sûreté personnelle, les textes issus de l’ordonnance de 2008 rendent un grand service aux professeurs de droit car ils donnent un intérêt pratique à une question jusqu’ici purement académique : celle de l’identification de cette notion. Disons d’emblée qu’elle n’est pas résolue par le nouvel article 2287-1 du code civil, issu de la récente réforme des sûretés, qui donne une liste de sûretés personnelles (cautionnement, garantie autonome et lettre d’intention). En effet, cette liste ne saurait être tenue pour exhaustive puisqu’elle ne vise que les sûretés personnelles « régies par le présent titre ». À cet égard, il est déplorable que l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, dévoilé par la Chancellerie le 18 décembre 2020, passe cette question sous silence (certainement en raison du défaut d’habilitation sur ce point par l’article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte ; v. à ce sujet V.C. Juillet, L’article 60 de la loi Pacte, coup d’envoi de la réforme du droit des sûretés, JCP N 2019. 1208 ; M. Julienne, Garanties et sûretés réelles : innovations passées et à venir, RPC n° 4, juill. 2018, dossier 16 ; J.-D. Pellier, La réforme du droit des sûretés est lancée, Dalloz actualité, 2 juill. 2019). L’avant-projet de réforme du droit des sûretés sous l’égide de l’association Henri-Capitant, piloté par le professeur Michel Grimaldi, avait pourtant proposé de définir cette notion, conformément à la conception communément admise depuis les travaux de Christian Mouly : « La sûreté personnelle est l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal » (art. 2286-1, al. 1er ; pour une définition alternative, v. J.-D. Pellier, « Les sûretés personnelles en droit prospectif », in L. Andreu et M. Mignot [dir.], L’incidence de la réforme du droit des obligations sur les sûretés personnelles. Les contrats spéciaux et la réforme du droit des obligations, LGDJ, coll. « Institut universitaire Varenne », 2017, p. 499, spéc. n° 25 : « serait une sûreté personnelle toute technique permettant au créancier de disposer de plusieurs débiteurs pour la même prestation ou pour des prestations différentes pourvu que la finalité de l’opération soit la même » ; pour une définition plus précise encore, v. J.-D. Pellier, Essai d’une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d’obligation. Contribution à l’étude du concept de coobligation, op. cit., n° 201 : « il y a sûreté personnelle lorsque plusieurs débiteurs sont obligés à l’égard d’un créancier, en vertu d’une contrepartie unique, à une même chose, ou chacun à une ou plusieurs choses différentes, alternativement ou cumulativement »).

En second lieu, la solution rendue par l’arrêt sous commentaire n’est valable, pour l’instant, que, pour la procédure de sauvegarde, l’article L. 631-20 du code de commerce disposant, en matière de redressement judiciaire, que, « par dérogation aux dispositions de l’article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan ». Mais l’avant-projet de réforme de la Chancellerie, dans son volet relatif aux procédures collectives, divulgué le 4 janvier 2021, prévoit d’étendre cette protection aux garants personnes physiques en redressement judiciaire en supprimant ce texte dérogatoire (v. à ce sujet C. Favre-Rochex, Premiers regards sur l’avant-projet de réforme des sûretés dans les procédures collectives, D. 2021. 190 , spéc. nos 7 et 8). La protection des garants personnes physiques sera donc accrue, conformément au souhait du législateur (l’article 60, I, 1°, de la loi Pacte prévoyant de « réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d’en améliorer l’efficacité, tout en assurant la protection de la caution personne physique »).

Auteur d'origine: jdpellier

par Xavier Delpechle 24 mars 2021

Com. 3 mars 2021, F-P, n° 19-10.086

Trois sociétés exerçaient une activité de distribution d’articles de literie pour lesquels elles se fournissaient auprès de la société Copirel, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU). Les relations entre ce fournisseur et les sociétés distributrices ayant été rompues, ces dernières ont souhaité disposer de l’ensemble des informations comptables et financières les concernant et ont, à cet effet, assigné le 29 décembre 2016 la société Copirel en référé devant le président d’un tribunal de commerce. Cela, afin qu’elle soit condamnée sous astreinte à déposer au greffe ses comptes annuels, rapports de gestion, rapports des commissaires aux comptes, propositions d’affectation des bénéfices soumises aux différentes assemblées et les résolutions d’affectation votées. On ignore dans quel sens a statué le président de la juridiction consulaire. En revanche, il est précisé que les trois sociétés distributrices de literie ont obtenu gain de cause devant la cour...

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Auteur d'origine: Delpech
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Cet arrêt a beau se rattacher à un cas de figure auquel les tribunaux sont fréquemment confrontés – à savoir l’indemnisation d’un passager aérien pour annulation ou retard important de vol –, les circonstances de fait à l’origine du litige paraissent inédites. Celles-ci méritent d’être brièvement relatées. Un passager a acheté un billet d’avion de la compagnie Vueling pour un vol Milan-Paris, aéroport d’Orly, prévu le 11 juin 2018, devant décoller à 21 h et atterrir à 22 h 30. L’avion a décollé avec plus de deux heures de retard – précisément à 23 h 04 – mais a atterri à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à 00 h 18, en raison de la fermeture de l’aéroport d’Orly après 23 h 30. Le passager a alors attrait le transporteur aérien en indemnisation sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 sur les droits des passagers aériens. Sa demande est rejetée par le tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine, qui statuait en premier et en dernier ressort. Il est vrai que l’indemnisation n’est due, en application des articles 5 et 7 de ce règlement et de la jurisprudence Sturgeon de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’en cas de retard de plus de trois heures (CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Pour rappel, une indemnisation n’est normalement due, en application de l’article 5, § 1er, sous c du règlement 261/2004, qu’en cas d’annulation de vol. Certes, selon cette jurisprudence, les passagers de vols retardés de plus de trois heures peuvent être assimilés aux passagers des vols annulés aux fins de l’application du droit à indemnisation prévu par le règlement. Or, ici, l’avion a atterri, certes avec retard, mais avec un retard inférieur à trois heures par rapport à l’horaire prévu. Mais il n’a pas atterri dans l’aéroport prévu, même si Roissy n’est guère éloignée d’Orly. Pour un passager devant se rendre à Paris intra-muros, cela ne change d’ailleurs pas grand-chose. Oui, mais pour la Cour de cassation, cet élément est indifférent ; le transporteur, en atterrissant dans un aéroport différent de celui prévu, ne s’est tout simplement pas acquitté de ses obligations contractuelles. À en croire la jurisprudence européenne, interprétée a contrario, il semble que même que cette situation soit assimilable à une annulation de vol pure et simple (v. CJUE 5 oct. 2016, aff. C-32/16, D. 2017. 1441, obs. H. Kenfack ; JCP E 2017, n° 1479, spéc. n° 19, obs. Heymann, qui juge que l’art. 2, l, du règl. 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un vol dont les lieux de départ et d’arrivée ont été conformes à la programmation prévue mais qui a donné lieu à une escale non programmée ne peut être considéré comme annulé).

Une fois encore, la Cour de cassation se montre donc impitoyable avec la compagnie aérienne, même si elle sait parfois se départir de son approche consumériste (pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 6 janv. 2021, n° 19-19.940, Dalloz actualité, 28 janv. 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 77 ; JT 2021, n° 238, p. 10, obs. X. Delpech , qui juge l’enfant, âgé de moins de deux ans, qui a voyagé gratuitement sans billet d’avion sur les genoux de ses parents ne peut bénéficier de l’indemnisation forfaitaire réclamée au transporteur aérien sur le fondement du règlement n° 261/2004 en cas d’annulation ou de retard important de vol. On peut s’étonner de ce que la Cour de cassation se situe essentiellement sur le terrain de la preuve, son arrêt étant rendu, entre autres, au visa de l’article 1353 du code civil, texte qui, interprété à l’aune de sa « nouvelle » jurisprudence (Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-13.016, Dalloz actualité, 24 nov. 2020, obs. X. Delpech ; D. 2020. 2062 ; ibid. 2021. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, Vivianne Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar ; AJ contrat 2020. 575, obs. P. Delebecque ; JT 2020, n° 235, p. 11, obs. X. Delpech ; RTD com. 2020. 942, obs. B. Bouloc ; BTL 2020. 622, obs. N. R.), elle-même inspirée de celle de la Cour de justice (CJUE, ord., 24 oct. 2019, aff. C-756/18, D. 2019. 2133, obs. G. Poissonnier ; ibid. 2020. 1425, obs. H. Kenfack ; JT 2019, n° 225, p. 10, obs. X. Delpech ; RTD eur. 2020. 418, obs. L. Grard ), considère « qu’il incombe au transporteur aérien de démontrer qu’il s’est acquitté de ses obligations ». Il suffisait, à notre avis, de se situer sur le fond du droit et de constater que l’avion n’avait pas atterri à l’aéroport prévu.

Certes, mais si l’avion a atterri à Roissy au lieu d’Orly, ce n’est pas un hasard. Cela tient à ce qu’Orly est situé dans une zone fortement urbanisée et que, pour préserver les riverains des nuisances aéroportuaires, il est interdit d’atterrir sur cet aéroport (ou de décoller de celui-ci) à une heure trop tardive. Il n’est pas inutile de rappeler, à cet égard, qu’il existe une autorité administrative indépendante qui veille au grain, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) : celle-ci, créée par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999, peut prononcer des amendes administratives à l’encontre des acteurs – et en particulier les compagnies aériennes – qui ne respectent pas les règles du trafic aérien (C. transp, art. L. 6361-12 s.). Le montant maximal est de 40 000 € et l’ACNUSA n’hésite pas à frapper les compagnies aériennes au portefeuille (pour une illustration, v. CAA Paris, 31 déc. 2018, n° 18PA02308, l’ACNUSA avait prononcé une amende administrative d’un montant de 23 000 € à l’encontre d’une compagnie aérienne. Les faits concernaient l’atterrissage à 23 h 48 d’un aéronef certifié 3 – catégorie la plus bruyante d’aéronef – sur la plateforme de Nantes-Atlantique. Or un arrêté ministériel interdit aux avions de cette catégorie d’atterrir entre 23 h 30 et 6 h. Le tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 € le montant de l’amende, au motif qu’il s’agissait d’un premier manquement sur cette plateforme, mais la cour administrative d’appel de Paris a décidé de rétablir le montant initial de l’amende, estimant que l’ACNUSA n’a pas infligé de sanction disproportionnée eu égard à la gêne occasionnée aux riverains par l’atterrissage si tardif d’un avion bruyant et à la récurrence des manquements sur différentes plateformes françaises). Les compagnies font parfois leur calcul : plutôt que d’avoir à payer une amende administrative à l’ACNUSA, elles déroutent leurs aéronefs, quitte à devoir payer l’indemnisation prévue par le règlement 261/2004.

Or, ici, la compagnie aérienne a, en quelque sorte, voulu avoir le beurre et l’argent du beurre, à savoir échapper à la fois à l’amende – ce à quoi elle est probablement parvenue – mais également à l’indemnisation. Elle a, à cet effet, invoqué les « circonstances extraordinaires » prévues par l’article 5, § 3, du règlement, lesquelles, lorsqu’elles sont remplies, permettent au transporteur de ne pas verser l’indemnisation prévue en cas d’annulation – ou de retard important – de vol. Or, pour rejeter la demande d’indemnisation du passager, les premiers juges avaient retenu que le transporteur aérien a précisément dû faire face à des « circonstances extraordinaires » en dirigeant son aéronef vers l’aéroport Charles de Gaulle, celui d’Orly étant impraticable à l’heure prévue, cela en exécution de la décision ministérielle du 4 avril 1968 portant réglementation de l’utilisation de nuit de l’aéroport d’Orly qui exclut tout mouvement aérien entre 23 h 30 et 6 h 15. Cette conception des circonstances extraordinaires, très favorable aux intérêts du transporteur, ne convainc pas la Cour de cassation, qui, en termes très laconiques, casse le jugement : « une telle réglementation ne saurait constituer une circonstance extraordinaire » au sens de l’article 5, § 3.

La solution peut paraître sévère de prime abord mais, en réalité, elle ne saurait surprendre. Surtout si on se donne la peine de la confronter à la conception que se fait le juge européen de la notion de circonstances extraordinaires : ce sont les « événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ; Europe 2009, n° 103, obs. Bernard). À l’évidence, la réglementation des horaires de vol est une donnée inhérente à l’activité du transporteur aérien même s’il ne la maîtrise pas. Pour s’exprimer familièrement, « il doit faire avec ». C’est une contrainte réglementaire avec laquelle il doit composer et dont le respect ne doit pas le conduire à se soustraire de ses obligations vis-à-vis de ses passagers.

Auteur d'origine: Delpech

Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).

Au quatrième trimestre 2020, l’ILC s’établit à 115,79, en baisse de 0,32 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 68, 19 mars 2021).

Quant à l’ILAT, sur le même trimestre, à 114,06 il enregistre une baisse de 1,19 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 69, 19 mars 2021).

Avertissement : même si l’ILC et l’ILAT sont publiés au Journal officiel, la date officielle de leur parution est celle de leur publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

Auteur d'origine: Rouquet

L’indice du coût de la construction (ICC) du quatrième trimestre 2020, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 70, 19 mars 2021) s’élève à 1 795, soit une hausse de 1,47 % sur un an, de 7,68 % sur trois ans et de 9,58 % sur neuf ans.

Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

Auteur d'origine: Rouquet

« Le règlement e-Privacy ne doit en aucun cas abaisser le niveau de protection des données offert par l’actuelle directive “vie privée et communications électroniques”, mais devra compléter le RGPD pour apporter de solides garanties pour la confidentialité et la protection de tous types de communications électroniques. » C’est dans ces termes que le Comité européen de la protection des données (CEPD) a amorcé sa déclaration du 9 mars 2021 sur le futur règlement e-Privacy.

Remarque : pour rappel, le règlement sera prochainement débattu au Parlement européen. Les États membres ont approuvé mi-février un mandat de négociation en vue de la révision des règles en matière de protection de la vie privée et de la confidentialité dans l’utilisation des services de communications électroniques.

Traitement et conservation des données de communications électroniques aux fins de préserver la sécurité nationale

Le Comité rappelle que les mesures législatives qui imposent aux fournisseurs de communications électroniques la rétention des données de communication doivent être conformes :

aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
 aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre 2020 « Privacy International » et « La Quadrature du Net » (v. Dalloz actualité, 6 oct. 2020, obs. C. Crichton) ;
 à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La confidentialité des communications électroniques requiert une protection spécifique (art. 6, 6a, 6b, 6c de la proposition de règlement)

À propos du traitement des données personnelles, le CEPD soutient l’approche basée sur une interdiction générale. Il s’inquiète cependant que certaines exceptions (art. 6(1)(c), 6b(1)(e), 6b(1)(f), 6(c)) introduites par le Conseil de l’Union européenne semblent autoriser des types de traitements très larges et rappelle la nécessité de limiter ces exceptions à des fins spécifiques et clairement définies. Ces dernières devraient être explicitement énumérées afin de garantir la sécurité juridique et le plus haut degré de protection possible. Le Comité estime également que le règlement devrait souligner le rôle de l’anonymisation en tant que garantie essentielle qui devrait être systématiquement privilégiée lorsqu’il s’agit de protéger les données personnelles.

Le CEPD ajoute qu’un chiffrement fort et à la pointe de la technologie devrait être la règle générale pour garantir un flux de données sûr, libre et fiable entre les citoyens, les entreprises et les gouvernements, et qu’il s’avère crucial pour assurer le respect de l’obligation de sécurité du RGPD, par exemple pour les données de santé, et la protection des systèmes informatiques dans un contexte de menaces croissantes. Selon lui, le chiffrement de bout en bout, de l’expéditeur au destinataire, est également le seul moyen d’assurer une protection complète des données en transit. Il insiste pour que « le cryptage reste normalisé, solide et efficace ».

La nouvelle réglementation doit renforcer la nécessité du consentement pour les cookies et autres traceurs

Le CEPD considère que la nécessité d’obtenir un consentement libre et éclairé devrait empêcher les fournisseurs de recourir à des pratiques telles que celle du « à prendre ou à laisser », qui font du consentement une condition d’accès aux services et fonctionnalités d’un site internet ou encore la pratique des cookie walls. C’est pourquoi le Comité insiste sur le besoin d’inclure dans le règlement e-Privacy une disposition consacrant cette interdiction, afin de permettre à l’utilisateur d’accepter ou de refuser le suivi publicitaire.

Par ailleurs, le CEPD estime que la dérogation à la nécessité de recueillir le consentement pour les cookies de mesure d’audience devrait être limitée à des pratiques non intrusives, qui ne sont pas susceptibles de créer un risque pour l’utilisateur (analyse de la performance du service demandé par l’utilisateur, limitée à la fourniture de statistiques à l’opérateur). En outre, il considère que la mesure d’audience ne doit pas permettre de collecter des informations de navigation relatives aux utilisateurs sur des sites web/applications distincts et devrait inclure un mécanisme user friendly permettant de refuser toute collecte de données.

Enfin, le CEPD ajoute que le futur règlement devrait redonner le contrôle aux utilisateurs et obliger les navigateurs et les systèmes d’exploitation à mettre en place un mécanisme user friendly efficace, afin de permettre aux responsables de traitement d’obtenir le consentement, dans le but de créer des conditions de concurrence équitables entre tous les acteurs.

Traitement ultérieur pour des finalités compatibles

En ce qui concerne les discussions en cours sur le traitement ultérieur des données de communications électroniques collectées par le biais de cookies et autres traceurs, le CEPD réitère son soutien à l’approche du règlement e-Privacy telle que proposée à l’origine par la Commission européenne et suivie par le Parlement européen, basée sur une interdiction générale, suivie d’exceptions limitées et de l’utilisation du consentement. Selon le Comité, la poursuite du traitement à des fins compatibles risque de compromettre la protection offerte par le règlement e-Privacy. Il souligne que les métadonnées peuvent toujours être traitées sans consentement et sans créer de risques pour les utilisateurs après avoir été rendues anonymes.

Rôle futur des autorités de contrôle, du CEPD et mécanisme de coopération

Afin de concilier un niveau élevé de protection des données à caractère personnel, le CEPD juge utile de confier aux autorités nationales chargées de l’application du RGPD la responsabilité de la mise en œuvre du règlement e-Privacy, sur les dispositions relatives au traitement des données à caractère personnel, ainsi que l’avait initialement proposé la Commission européenne.

 

Éditions Législatives, édition du 18 mars 2021

Auteur d'origine: Bley
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Les ressorts du nantissement de créance n’ont pas encore été pleinement élucidés, ainsi qu’en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile le 10 mars 2021. En l’espèce, suivant acte du 29 juin 2007, une banque a consenti à une société deux prêts dont le terme était fixé le 30 juin 2011, garantis, selon deux avenants du 12 septembre 2007, par le nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit par M. M… auprès de la société Assurances du Crédit Mutuel Vie. Par la suite, le 9 décembre 2009, l’emprunteur a été placé en redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par jugement du 7 juin 2011, prévoyant le remboursement des créances de la banque en cent quarante-quatre mensualités jusqu’au 30 juin 2023, qui a été résolu par jugement du 26 mars 2013 ayant, en outre, prononcé la liquidation judiciaire de l’emprunteur. Soutenant que la garantie accordée était venue à terme le 30 juin 2011, le souscripteur a, par actes du 26 septembre 2012, assigné l’assureur et la banque aux fins d’exercer ses droits sur le contrat d’assurance sur la vie, et d’obtenir le paiement de dommages-intérêts. Parallèlement, la banque a exercé ses droits de rachat du contrat d’assurance sur la vie et, le 20 juin 2014, l’assureur a versé à la banque la valeur de rachat.

La cour d’appel de Colmar, dans un arrêt du 28 novembre 2019, a condamné la banque à payer au souscripteur la somme de 76 695,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2014, au titre de la valeur de rachat. Pour parvenir à ce résultat, elle constate, d’abord, que les deux avenants n’indiquent pas la durée de la garantie, mais le terme des prêts garantis du 30 juin 2011 et, ensuite, que la clause selon laquelle « l’adhérent s’engage à reconduire ou à renouveler à l’échéance le contrat d’assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l’ouverture de crédit » signifie que, dans le cas où le contrat d’assurance arrive à terme avant les contrats de prêt, la durée de la garantie doit être prorogée jusqu’au terme des contrats de prêt, mais non que, dans l’hypothèse inverse, la durée de la garantie est prorogée au-delà de la durée des prêts. Or les avenants n’indiquant pas que la garantie devra être prorogée jusqu’au remboursement intégral des prêts, les magistrats alsaciens en déduisent que les contrats de nantissement doivent être interprétés en faveur de celui qui s’est engagé et que leur durée était celle des prêts expirant le 30 juin 2011. La banque et l’assureur se pourvurent donc en cassation, arguant du fait que le contrat de prêt s’éteint par le remboursement des fonds remis à l’emprunteur, et non par l’arrivée du terme de la dernière échéance et que la durée du prêt s’étend donc au-delà de ladite échéance tant que l’emprunteur n’a pas intégralement remboursé la somme prêtée. L’argument fait mouche et l’arrêt est ainsi censuré, au visa des articles 1234 et 1185 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 2355 et 2365 du même code : la Cour de cassation rappelle d’abord qu’« il résulte des deux premiers de ces textes qu’un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l’existence éventuelle d’un rééchelonnement des échéances » (pt 7) et que, « selon les deux derniers, le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs et, en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement » (pt 8). Elle considère ensuite qu’« il s’en déduit que, sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé » (pt 9). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le prêt n’avait pas été remboursé à cette date, sans relever une volonté expresse des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 11).

Si la solution mérite une pleine approbation, sa formulation est en revanche contestable, et ce à un double titre : d’une part, si le contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, c’est parce que l’obligation de remboursement elle-même s’éteint. L’ancien article 1234 du code civil, au visa duquel l’arrêt est rendu, concernait d’ailleurs l’extinction des obligations et non des contrats (si le texte n’a aucun équivalent suite à la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, le chapitre IV du titre IV du livre III du code civil est bel et bien consacré à l’extinction de l’obligation, à l’instar de l’ancien chapitre V au sein duquel l’ancien article 1234 était logé). On peine également à comprendre la référence à l’ancien article 1185, qui concernait la distinction entre le terme suspensif et la condition suspensive (« Le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution »).

D’autre part, et surtout, il est incohérent d’affirmer que « le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement ». En effet, l’article 2365 du code civil dispose qu’« en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s’y rattachent. Il peut également attendre l’échéance de la créance nantie ». Il y a donc là une alternative : ou bien le créancier, sans attendre l’échéance de la créance nantie, sollicite l’attribution (judiciaire ou conventionnelle) de cette créance et il est donc désintéressé par cette attribution, ou bien il attend l’échéance de ladite créance et il est alors, de toute façon, le seul à pouvoir en recevoir paiement, conformément à l’article 2363 du code civil. La jurisprudence, à la suite d’une éminente doctrine (v. M. Julienne, Le nantissement de créance, Economica, préf. L. Aynès, 2012), a d’ailleurs récemment consacré le droit exclusif au paiement du créancier nanti (v. Civ. 2e, 2 juill. 2020, nos 19-11.417 et 19-13.636, Dalloz actualité, 28 juill. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 1940 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ; ibid. 2021. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2020. 666, obs. C. Gijsbers ; ibid. 946, obs. N. Cayrol ; v. égal. Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420 ; v. à ce sujet M. Julienne, Le nantissement enfin pris au sérieux !, Banque et droit, sept.-oct. 2020, p. 4 ; J.-D. Pellier, La consécration du droit exclusif au paiement du créancier nanti, D. 2020. 1940 ), anticipant ainsi l’imminente réforme du droit des sûretés (les auteurs de l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés dévoilé par la Chancellerie le 18 décembre 2020 hésitent toutefois entre le droit exclusif au paiement et le droit de rétention, comme en témoigne la rédaction alternative du futur article 2363 : « Après notification, le créancier nanti a un droit exclusif au paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé » ou « après notification, le créancier nanti bénéficie d’un droit de rétention sur la créance donnée en nantissement et a seul le droit à son paiement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé »). En d’autres termes, une fois la créance nantie échue, le créancier n’a donc que faire d’une attribution de la créance en paiement puisqu’il peut directement en appréhender l’émolument (rappr. M. Julienne, op. cit., n° 187, au sujet de l’article 2365 du code civil : « Ce texte implique nécessairement que l’attribution opère un effet immédiat, puisqu’elle évite d’avoir à “attendre”. La rédaction de l’article 2365 tend donc à confirmer que la possibilité d’attribution de la créance ne fait aucunement doublon avec le caractère exclusif du droit du créancier nanti à recevoir payement »). La doctrine présente au demeurant l’attribution et le paiement à l’échéance de la créance nantie comme une alternative offerte au créancier (v. par ex. P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., Dalloz, 2016, n° 661).

Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que la présente solution est justifiée dans la mesure où le nantissement a naturellement vocation à garantir la créance de remboursement tant que celle-ci n’est pas éteinte (sauf volonté contraire des parties, naturellement, l’article 2358 du code civil prévoyant au demeurant, en son alinéa 1er, que « le nantissement de créance peut être constitué pour un temps déterminé »). Par où l’on mesure, une fois de plus, la grande efficacité du nantissement de créance, à tel point que l’on a hâte de le voir confronté à la cession de créance de droit commun à titre de garantie, une fois que celle-ci aura été consacrée à la faveur de la réforme du droit des sûretés, comme le prévoit l’avant-projet d’ordonnance (art. 2373 s.) conformément à la volonté exprimée par le législateur au sein de l’article 60, I, 9°, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte (sur la comparaison entre les deux mécanismes, v. M. Julienne, Nantissement ou cession(s) fiduciaire(s) : que choisir ?, RDC 2018/2, p. 318, exprimant une certaine préférence pour le nantissement de créance ; comp. J.-D. Pellier, « Pour la cession de créance de droit commun à titre de garantie », in L. Andreu et M. Mignot [dir.], La réforme du droit des sûretés, LGDJ/Institut universitaire Varenne, 2019, p. 243, spéc. nos 10 et 11 ; v. égal. P. Théry, Quelques observations sur le droit des sûretés, advenu et à venir, RDA déc. 2019, p. 122 : « Si, à formalités égales, le créancier a le choix entre cession et nantissement, l’expérience de la loi Dailly qui traitait de la cession et du nantissement des créances professionnelles laisse augurer un abandon du nantissement au profit de la cession dont les effets sont plus énergiques mais aussi plus prévisibles grâce aux solutions dégagées depuis 1981 par la chambre commerciale »).

Auteur d'origine: jdpellier
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Après la première décision, relative aux pertes d’exploitation à la suite de la pandémie de covid-19, rendue par le tribunal de commerce de Paris le 12 mai 2020, qui avait qualifié de « fantaisiste » l’allégation de l’assureur qui « ne s’appuie sur aucune disposition légale d’ordre public mentionnant le caractère inassurable d’une conséquence d’une pandémie » et en avait déduit qu’il lui incombait « d’exclure conventionnellement ce risque » – ce qui n’avait pas été le cas dans le contrat en cause – (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, obs. sur T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020 ; JT 2020, n° 232, p. 12, obs. X. Delpech ), de nombreuses autres décisions de juges du fond sont intervenues en à peine un an, apportant des réponses variables en fonction des stipulations du contrat d’assurance concerné (A. Zaroui, Covid-19 et pertes d’exploitations : analyses des premiers jugement rendus au fond, Editions législatives 25 sept. 2020). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).

L’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 11 février 2021 (première décision rendue par ce tribunal judiciaire sur ce sujet) condamne l’assureur à couvrir les pertes d’exploitation du fait des stipulations claires du contrat en ce sens, une résistance abusive de sa part étant en outre retenue (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Stés S., I. et S. c/ Groupama).

En l’espèce, trois sociétés exploitant des restaurants à Paris ont fait assigner leur assureur (Groupama) devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Paris pour demander la prise en charge, par provision, de leurs pertes d’exploitation, ainsi que la désignation d’un expert et la condamnation de l’assureur à leur verser une indemnisation du fait de sa résistance abusive.

Rappelons que « plusieurs obstacles se présentent au professionnel souhaitant être indemnisé par l’assurance privée de ses pertes d’exploitations. Il doit avoir souscrit, primo, une garantie pertes d’exploitation, laquelle n’est que facultative dans les polices multirisques entreprises. Secundo, cette garantie pertes d’exploitations doit pouvoir s’appliquer sans dommage matériel préexistant. Tertio, aucune exclusion relative à un fait générateur de type épidémie ou pandémie ne doit figurer dans la police » (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, préc.). C’est essentiellement ce troisième point qui donne actuellement lieu à contentieux, les assurés tentant d’obtenir la nullité de telles clauses pour vice de forme ou de fond. Ces dernières doivent en effet figurer en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4, al. 3), mais aussi être formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1).

En premier lieu, les clauses d’exclusion doivent se détacher du reste du texte (par leur couleur, la taille des caractères…) afin d’« attirer spécialement l’attention de l’assuré » (Civ. 2e, 15 avr. 2010, n° 09-11.667, D. 2011. 1926, obs. H. Groutel ) : elles doivent « sauter aux yeux » (M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres, t. 1, Le contrat d’assurance, LGDJ, 1982, n° 55). Les juges du fond, dont l’appréciation est souveraine (Civ. 1re, 27 mai 1998, n° 95-19.967), se montrent particulièrement exigeants. Ainsi, le tribunal de commerce d’Annecy a condamné, dans un jugement du 22 décembre 2020 (n° 2020R00066) l’assureur Axa à indemniser un hôtelier-restaurateur de ses pertes d’exploitation en écartant la clause d’exclusion de garantie aux motifs que « la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L. 112-4 du code des assurances » et doit ainsi être déclarée nulle.

En second lieu, ces clauses doivent être formelles et limitées. « Avec l’exigence d’une exclusion formelle, le législateur veut que la portée ou l’étendue de l’exclusion soit nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti » (Civ. 1re, 8 oct. 1974, D. 1975. 513, note C.-J. Berr et H. Groutel). « Une clause d’exclusion de garantie doit être à la fois claire et précise afin de pouvoir être considérée comme « formelle ». D’une part, la clause doit être suffisamment explicite pour que l’assuré puisse connaître l’étendue de la garantie (Civ. 2, 18 janv. 2006, n° 04-17.279). Ainsi, « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Civ. 1, 22 mai 2001, n° 98-10.849). D’autre part, la clause doit délimiter de façon particulièrement nette le champ dans lequel la garantie n’est pas due. Toute imprécision conduit la Cour de cassation à l’écarter, notamment lorsque « la clause excluant la garantie (…) ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées » (Civ. 2, 6 oct. 2011, n° 10-10.001). Depuis 1987 (Civ. 1re, 18 févr. 1987), la Cour de cassation a en outre érigé le caractère « limité » de la clause en condition autonome de validité. Pour être « limitée », la clause ne doit pas vider la garantie de sa substance (Civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 10-31.057, RDI 2012. 290, obs. D. Noguéro ) : le juge est donc tenu de vérifier « l’étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse » (Civ. 1re, 9 mars 2004, n° 00-21.974). Également dégagée en droit commun des contrats par la jurisprudence concernant les clauses limitatives de responsabilité (Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632, D. 1997. 121 , note A. Sériaux ; ibid. 145, chron. C. Larroumet ; ibid. 175, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre ; ibid. 1998. 213, obs. N. Molfessis ; RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc ), une telle solution a été consacrée et généralisée par l’ordonnance du 10 février 2016. L’article 1170 du code civil dispose désormais que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Tel est sans conteste le cas d’une clause d’exclusion vidant le contrat de son contenu en réduisant la garantie à néant » (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120. Comp. D. Noguéro, L’obligation essentielle de l’assureur non vidée de toute substance, sous Civ. 2e, 24 sept. 2020, n° 19-15.375, Gaz. Pal. 2 mars 2021, n° 9, 398e5, p. 46 s. ; D. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki   ).

Dernièrement, l’assureur AXA a vu sa condamnation (T. com. Marseille, 15 octobre 2020, n° 2020F00893) pour la première fois confirmée en appel, par un arrêt du 25 février 2021 (Aix-en-Provence, ch. 1-4, 25 févr. 2021, n° 20/10357, S.A. AXA France IARD c/ S.A.S. LE P, Dalloz actualité, 11 mars 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; RGDA mars 2021, n° 118h7, p. 1, obs. J. Kullmann). L’assureur déniait toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues - les pertes d’exploitations, lorsque, à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». Selon la cour d’appel, « L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise : - tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, - faisant l’objet d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique, - sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville. L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie. […] C’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite. Leur décision doit ici être confirmée ».

 De telles discussions supposent toutefois en principe d’introduire une action au fond et non en référé. Comme le rappelle l’ordonnance rendue le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, le juge des référés ne peut accorder une provision que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » (C. pr. civ., art. 835). Dès lors, « le juge des référés, statuant sur le caractère sérieusement contestable d’une obligation contractuelle ne peut, sans excéder son office, interpréter les termes du contrat, se devant toutefois d’appliquer ses dispositions claires et précises ne nécessitant pas d’interprétation ».

Ceci explique, par exemple, la remise en cause, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 3 décembre 2020 (n° 20/07308), de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Marseille le 23 juillet 2020 (T. com. Marseille, ord. réf., 23 juill. 2020, n° 2020R00131, Sté X c/ Axa France IARD), aux motifs que « La question de savoir si une épidémie peut ou non, de par sa définition même, entraîner la fermeture administrative d’un seul établissement dans un département ou si elle a pour conséquence nécessaire d’en entraîner la fermeture de plusieurs, ne relève pas de l’évidence, et donc des pouvoirs du juge des référés ; c’est dès lors en excédant ses pouvoirs que le premier juge a estimé que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur avait manifestement pour effet de vider la garantie de sa substance, et en a déduit que l’obligation pour l’assureur de verser une indemnisation au titre du contrat n’était pas sérieusement contestable ». Dès lors, une provision pour pertes d’exploitation ne peut être octroyée en référé que lorsque la garantie de ces dernières résulte clairement du contrat d’assurance. Ceci n’est effectivement pas le cas du contrat proposé par AXA, lequel a donné lieu à la majorité des décisions rendues à ce jour concernant la garantie des pertes d’exploitation. Ce contrat comprend en effet une clause d’exclusion de garantie lorsque « au moins un autre établissement » du département « fait l’objet d’une mesure administrative pour une cause identique ».

De nombreux juges des référés ont ainsi refusé de faire droit à des demandes de provisions aux motifs que « les pouvoirs juridictionnels du juge des référés lui permettent de faire application d’un contrat mais pas de l’interpréter afin d’éviter qu’une décision provisoire et exécutoire rendue par un juge unique puisse remettre en cause la loi des parties ». Ainsi, une ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 10 juin 2020 (T. com. Lyon, ord. réf., 10 juin 2020, n° 2020R00303, Le Bacchus / Axa France Iard, RGDA 2020, n° 7, juill., p. 1, obs. L. Mayaux ; Lexbase Hebdo édition privée, n° 829, 25 juin 2020, note D. Krajeski) souligne que « le juge des référés peut éventuellement considérer une clause comme non écrite mais seulement si cet élément est non sérieusement contestable », ce qui n’était pas le cas selon lui dans le contrat en cause (« l’exclusion n’étant pas totale et illimitée, il convient d’analyser si l’essentiel de l’obligation a été retiré (…) ce pouvoir n’appartient pas au juge des référés mais au juge du fond »). Il en est de même, par exemple, du tribunal de commerce de Bordeaux (T. com. Bordeaux, ord. réf., 23 juin 2020, n° 2020R00408, Chez Aldo / Axa France IARD), invitant le restaurateur à agir au fond aux motifs que s’évince de la clause litigieuse « une contradiction de lecture et donc d’analyse des parties, qu’il ne ressort pas de l’office du juge des référés de trancher ».

Au contraire, le contrat proposé par Groupama dans l’affaire donnant lieu à commentaire prévoyait expressément l’indemnisation des pertes d’exploitation. Comme le relève l’ordonnance, « Les contrats en litige comportent tous une clause identique rédigée ainsi : « Perte d’exploitation / A - Evènements Assurés : la garantie du présent contrat porte exclusivement sur les conséquences des dommages ayant donné lieu à indemnisation et causés par : incendie ; explosion (…) Ainsi que l’impossibilité de poursuivre les activités par suite de la survenance : - fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance effective des évènements suivants : (…) de maladie contagieuse ou d’épidémies ». Cette même clause précise « objet de la garantie le présent contrat a pour objet de garantir les pertes de bénéfice brut et salaires (appointements ou service) subies par la société assurée pendant la période d’indemnisation par suite : de la baisse du chiffre d’affaires causés par l’interruption ou la réduction des activités de l’assuré ; des intérêts de découverts bancaires et / ou le remboursement des prêts entraînés par le sinistre, de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation qui sont la conséquence des dommages matériels causés par les évènements garantis. A l’exclusion des sinistres de responsabilité, de vol, de détournements ». Une clause supplémentaire nommée « dispositions particulières à la garantie perte d’exploitation » indique « Mesures administratives. Si à la suite d’un événement assuré, la durée de la période d’interruption ou de réduction des activités se trouve allongée par une mesure administrative (telle que la mise sous scellés pour enquête, risques de pollution, risques d’accidents, etc.) la garantie perte d’exploitation s’exercera en tenant compte de cet allongement, sans pouvoir excéder 24 mois » (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Sociétés S., I. et S. c/ Groupama, p. 3). Le tribunal judiciaire de Paris en déduit que « Les dispositions précitées supposent, à l’évidence et sans qu’il soit besoin de les interpréter, l’indemnisation des pertes d’exploitation générées par les confinements décidés par les autorités sanitaires ainsi que celles générées par la fermeture administrative des restaurants dans les limites des stipulation contractuelles » (ibid.). L’octroi d’une provision en référé était donc parfaitement possible, dès lors que les conditions posées par le contrat étaient bien remplies.

Par ailleurs, le tribunal judiciaire condamne, en l’espèce, l’assureur à une provision de 15 000 € sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, aux termes duquel « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ». Le tribunal retient en effet la résistance abusive de l’assureur pour avoir refusé tout versement d’indemnité provisionnelle à un restaurateur en exigeant, au préalable, les justificatifs des ventes à emporter réalisées pendant le premier confinement, alors même qu’une telle activité « n’a pu générer, en raison des circonstances, que des revenus sporadiques insusceptibles de modifier substantiellement son droit à indemnisation ».  

Auteur d'origine: rbigot
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M. B… et l’Union de français de l’étranger ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des articles 57-2 du décret n° 2021-1262 du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tous deux issus du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021, en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire hexagonal d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l’Union européenne, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse.

La Société antillaise de location de véhicules automobiles et plusieurs autres sociétés et syndicats patronaux antillais ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des mêmes dispositions, en ce qu’elles interdisent tout déplacement en provenance ou à destination des Outre-mer, sauf motifs impérieux.

Après avoir abordé la question de l’urgence, nous traiterons successivement de la question de la liberté en cause, du contrôle opéré en l’espèce par le juge des référés du Palais-Royal et enfin de l’apport de ces décisions quant à l’appréciation des motifs et documents exigés.

Le contrôle de l’urgence

Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi respectivement sur des dispositions identiques par les requérants sur deux fondements différents. En effet, dans la décision Union des français de l’étranger, la requête est déposée sur le fondement du référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce dispositif permet à tout requérant quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, de saisir le juge des référés aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision contestée dans la requête au fond. Elle est soumise à deux conditions : d’une part, l’urgence et d’autre part, à la démonstration d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision querellée devant le juge du fond. Pour la décision Société antillaise de location de véhicules et autres, la requête a été introduite sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence est donc commune aux deux typologies de référé. Cependant, le juge ne la mentionne expressément que dans le cadre du référé-liberté, fondant celle-ci sur le fait que « l’arrêt de l’arrivée de touristes en provenance du territoire métropolitain, interdite depuis le 31 janvier dernier, a un impact négatif très important sur le chiffre d’affaires des sociétés requérantes et est susceptible d’avoir à brève échéance des conséquences significatives sur l’ensemble de la situation économique de ces îles qui vivent pour une grande part du tourisme. » L’urgence qui est d’ordre économique ici ne fait aucun doute au regard de l’économie fragile guadeloupéenne, caractéristique des économies des sociétés ultramarines. Sur ce point, il convient de préciser que si la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dit état d’urgence « sécuritaire » a institué expressément une présomption d’urgence à son article 14-1, deuxième alinéa, s’agissant particulièrement assignations à résidence, la loi du n° 2020-290 du 23 mars 2020 n’a rien mentionné à ce niveau. Cependant, le Conseil d’État a intégré dès le départ de son contrôle cette présomption d’urgence pour toutes les décisions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui lui ont été déférées au titre tant du référé-liberté que celui du référé-suspension. Ainsi, la condition d’urgence est regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes Médecins, Lebon ; Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier ; ibid. 291, Pratique A. Lami et F. Lombard ; 3 mars 2021, n° 449764, Ordre des avocats du barreau de Montpellier, AJDA 2021. 480 ).

Sur la liberté en cause : le droit fondamental de tout français de rejoindre son pays d’appartenance

S’agissant tout d’abord de la santé, le Conseil d’État a précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sect., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Il a indiqué que ce droit incluait « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 13 déc. 2017, M. Pica-Picard, n° 228928, Lebon T.). L’autre aspect que mettent en exergue en arrière-fond les ordonnances rapportées porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, AJDA 2010. 4 ; ibid. 277 , note W. Mastor ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari ; ibid. 281, obs. A. Barilari ; ibid. 283, obs. A. Barilari ). Le juge du Palais-Royal a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten ).

Concernant la liberté d’aller et de venir, elle se rattache au principe général de liberté défini par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que l’a indiqué le Tribunal des conflits (T. confl. 9 juin 1986, n° 2434, Commissaire de la République de la région Alsace c/ Eucat, Lebon : « Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ») Elle constitue un principe à valeur constitutionnelle (Cons. const. 12 juill. 1979, n° 79-107 DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales). Cette liberté d’aller et venir est consacrée par ailleurs par l’article 2-2° du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales signé à Strasbourg en 1963 et par l’article 12-2° du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur le 4 févr. 1981 suite à la publication du décr. n° 81-76 du 29 janv. 1981).

Sur le contrôle opéré entre protection de la santé publique et liberté de voyager

Selon le III de l’article L. 3131-15 du code la santé publique, toutes les mesures prescrites au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent être strictement proportionnées aux risque encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Le contrôle effectué par le juge administratif relève du contrôle dit de la proportionnalité, ce dernier devant être par principe plus strict lorsque les libertés publiques sont en cause (CE 15 nov. 2017, n° 403275, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, Lebon ; AJDA 2018. 62 , concl. L. Marion ; ibid. 2017. 2222 ; AJCT 2018. 222, obs. P. Jacquemoire ). Il a été institué à la suite de la célèbre décision Benjamin (CE 19 mai 1933, n° 17413, Benjamin et syndicat d’initiative de Nevers, Lebon ), rappelant au passage la formule prononcée par le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions dans l’affaire Baldy « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception » (CE 10 août 1917, n° 59855, Baldy). La nature de cette vérification a été explicitée dans un arrêt rendu le 26 décembre 2011 (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les concl. ; AJDA 2012. 35 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). La mesure de police sanitaire contestée est soumise ainsi aux trois critères suivants : adaptation, nécessité et proportionnalité stricto sensu. Il s’agit donc de savoir si, dans les deux cas soumis, les restrictions à voyager ne sont pas disproportionnées au regard des objectifs et risques de santé publique. Pour rappel, dans ses différentes décisions rendues sous l’épidémie du covid-19, le juge du Palais-Royal précise le postulat suivant lequel il revient aux autorités publiques, face à une épidémie, telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre toute mesure de nature à, prévenir ou limiter les effets de cette épidémie, cela afin de protéger et sauvegarder la population. C’est donc un impératif sanitaire assigné aux pouvoirs publics sur lesquels pèse ainsi une obligation de moyens renforcée. Le juge administratif se trouve en première ligne en devenant le gardien des libertés contre les excès de l’administration.

Dans l’ordonnance M. B… et Union des français de l’étranger, le juge des référés rappelle que le droit des citoyens français d’entrer en France est un droit fondamental dont il ne peut être porté une atteinte qu’en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. L’État a un devoir, même en cas d’état d’urgence sanitaire, de mettre en place des mesures permettant le retour des français vivant en dehors du territoire national de pouvoir retourner dans leur patrie. En l’espèce, il a jugé disproportionné le fait d’exiger des motifs impérieux pour les français qui souhaitent rentrer en France car il ressort qu’au regard des données connues que de tels déplacements présentent un risque mineur dans la propagation de l’épidémie liée à la covid-19 et à ses variants, vu en l’espèce le nombre limité de déplacements en cause. Les choses auraient certainement été différentes avec un autre tableau épidémique ou encore si un nombre considérable de français vivant à l’étranger décidaient de rejoindre en masse le territoire national.

Par contre, dans son ordonnance Société antillaise de location de véhicules automobiles et autres, il juge que l’obligation d’un motif impérieux pour des déplacements depuis ou vers les Antilles françaises est fondée car proportionnée au risque liée en l’état à la propagation de l’épidémie de la covid-19. Trois éléments sont retenus pour légitimer cette proportionnalité. Le premier tient au fait que la réouverture du flux des touristes en direction des Antilles risque d’accélérer la diffusion des variants présent aujourd’hui largement sur le territoire hexagonal. Il est scientifiquement établi que ces variants sont plus contagieux et donc plus dangereux que la souche originelle de la covid-19. Le deuxième vient du constat que l’engagement pris par les passagers à l’embarquement de respecter un isolement prophylactique de sept jours après l’arrivée sur le territoire antillais puis de réaliser un examen biologique de dépistage virologique est inefficient car il n’est pas respecté par les touristes. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a aucun contrôle effectif de l’engagement pris, lequel se trouve donc dépourvu de toute sanction en cas de non-respect. Une telle carence serait de nature à poser la question d’une responsabilité éventuelle des autorités sanitaires en cas de crise épidémique, dont l’origine serait importée et liée à des passagers dont l’état infectant et contaminant n’aurait pu être identifié en amont, faute d’un suivi médical de l’isolement après leur arrivée sur le territoire concerné. Enfin, le troisième élément est contextuel : si la situation de la Guadeloupe est actuellement meilleure que l’hexagone, la situation se dégrade au point d’avoir justifié l’instauration d’un couvre-feu. Nous savons que l’un des indicateurs importants dans la gestion de l’épidémie de la covid-19 est le taux d’incidence (celui-ci correspond au nombre de personnes testées positives pour la première fois depuis plus de 60 jours exprimé pour 100 000 habitants), son augmentation risquant d’entraîner mécaniquement un niveau de saturation élevé des lits de réanimation. Dès lors, le Conseil d’État juge, au regard de la balance des risques de santé réels et de la nécessité de protéger les populations, parfaitement fondé l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire hexagonal et les Antilles ainsi qu’entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’objectif principal recherché étant d’interdire l’arrivée de touristes sur ces territoires. Cette approche peut être transposée aux autres territoires d’outre-mer qui sont dans la même situation guadeloupéenne pour deux raisons : d’une part, ils sont situés dans des bassins de vie qui n’épousent absolument pas les critères et normes européens (par rapport à l’environnement de la France hexagonale) et d’autre part, les structures de santé sont manifestement insuffisantes et inadaptées pour faire face à une pandémie qui frapperait les populations qui vivent dans ces territoires, avec les risques des variants dits sud-africain et brésilien. Cette fragilité des structures hospitalières a été mise en exergue d’ailleurs dès le début de la pandémie dans un avis fléché « Outre-mer » rendu le mercredi 8 avril 2020 par le Conseil scientifique qui préconisait « de mettre en œuvre dans chaque territoire d’outre-mer des mesures spécifiques qui doivent être différenciées et adaptées à la phase épidémique et aux capacités de chaque territoire ». 

Sur la valeur juridique des motifs de déplacement et des documents exigés pour voyager

L’article 10 du décret du 29 octobre 2020 précité soumet les déplacements de personnes par voie aérienne à trois types de motif impérieux : soit personnel ou familial, soit de santé relevant de l’urgence ou soit pour raison professionnelle ne pouvant être différée. Il impose également à tout passager, avant son embarquement, de remplir une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19, de n’avoir pas été en contact avec un cas confirmé de covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol, d’accepter qu’un test ou un examen biologique de dépistage virologique de détection du SARS-CoV-2 puisse être réalisé à son arrivée sur le territoire national (pour les personnes âgées de 11 ans ou plus) et enfin de s’engager à respecter un isolement prophylactique de sept jours après son arrivée et, s’il est âgé de onze ans et plus, à réaliser, au terme de cette période, un examen biologique de dépistage virologique permettant la détection du SARS-CoV-2.

Cependant, dans sa décision Société antillaise de location de véhicules et autres, le juge des référés apporte une précision très intéressante à ce niveau en indiquant que les motifs justifiant les déplacements des personnes ainsi que les pièces justificatives exigées ne sont qu’indicatifs, aucune disposition ne pouvant faire obstacle à ce qu’une personne se prévale des motifs autres que ceux énumérés par le ministre. En effet, les contraintes de déplacement sont édictées pour empêcher des déplacements de nature touristique qui présentent un risque certain sur le plan sanitaire en l’état actuel.

Par contre, c’est là que cette décision rejoint celle rendue dans l’affaire M. B… et Union des français de l’étranger. Le juge des référés du Palais-Royal estime en tout état de cause que de telles dispositions « ne peuvent (…) en aucune circonstance empêcher une personne de rejoindre son lieu de résidence », cela où que celui-ci se trouve sur le territoire de la République (hexagone et outre-mer).

Voilà deux décisions qui apportent un éclairage juridique intéressant sur la liberté d’aller et de venir vu sous le prisme du transport aérien avec les contraintes de police liées à ce dernier, en cette période bien compliquée pour voyager en toute sérénité. 

Auteur d'origine: pastor

L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité pour les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique, particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire. Le décret d’application n° 2020-371 du 30 mars 2020 a apporté des précisions quant au champ d’application du dispositif, aux conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, à leur montant et aux conditions de fonctionnement et de gestion de ce fonds (Dalloz actualité, 1er avr. 2020, obs. X. Delpech). Déjà modifié à plusieurs reprises, il l’est une nouvelle fois par le présent décret du 9 mars 2021.

Modification des modalités de calcul du chiffre d’affaires de référence concernant les entreprises créées après juin 2019

L’article 3-19 du décret du 30 mars 2020 est modifié. Dans sa nouvelle rédaction, il prévoit, pour les...

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Auteur d'origine: ladmi
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L’article 885 I ter du code général des impôts (CGI) exonérait de de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous certaines conditions, les titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de petites et moyennes entreprises (PME) ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein. Cette exonération s’appliquait également aux titres reçus en contrepartie de souscriptions indirectes au capital de PME communautaires effectuées par l’intermédiaire d’une société holding. Étaient ainsi éligibles à ce dispositif non seulement les souscriptions au capital de sociétés holdings pures (passives) dont l’activité, de nature civile, est exclusivement limitée à la détention des parts ou actions de leurs filiales et au contrôle de leurs assemblées générales, mais aussi les souscriptions au capital de sociétés holdings actives non animatrices qui, outre la détention des titres de leurs filiales, poursuivent une activité supplémentaire juridiquement autonome par rapport à l’activité de leurs filiales (BOI-PAT-ISF-30-40-70-10 nos 330 et 340, 10 juin 2013). N’étaient, par principe, éligibles à ce dispositif que les souscriptions au capital de sociétés holdings pures (holdings passives) dont l’activité, de nature civile, est exclusivement limitée à la détention des parts ou actions de sociétés (BOI-PAT-ISF-40-30-10-20 n° 600, 2 nov. 2016) : c’est dans le cadre de cette exonération que s’inscrit l’affaire Finaréa, à laquelle la Haute juridiction vient de donner une conclusion surprenante.

Les faits de l’espèce sont les suivants. Deux époux, assujettis à l’ISF, avaient, afin de bénéficier d’une réduction d’impôt conformément à l’article 885-0 V bis du CGI, joint à leurs déclarations d’impôt des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa équinoxe certifiant qu’ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe. Considérant que la société Finaréa équinoxe n’avait pas cette qualité, de sorte que ces contribuables ne pouvaient prétendre à l’avantage en cause, l’administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification. En réponse, les contribuables ont assigné la direction générale des finances publiques, représentée par l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction du contrôle fiscal Centre-Est, afin d’obtenir la décharge des rappels d’ISF pour les années 2009 et 2010. Les juges du fond ayant prononcé la décharge des impositions, l’administration fiscale s’était pourvue en cassation.

Le premier enseignement de cet arrêt concerne la portée des attestations délivrées par les entreprises susceptibles d’ouvrir droit à un avantage fiscal

Les contribuables faisaient grief à la cour d’appel d’avoir rejeté leur demande au motif que « tout contribuable destinataire d’une attestation pouvait s’en prévaloir, sauf pour le service à démontrer à la fois que l’attestation serait erronée (pour "attester" un élément inexact) et que le contribuable destinataire de cette attestation avait connaissance de ce caractère erroné (de sorte qu’il était de mauvaise foi) (…) qu’il en va d’autant plus ainsi que l’attestation émise par une holding certifiant avoir la qualité de "holding animatrice" au sens et pour les besoins de l’application de la réduction ISF-PME prévue par l’article 885-0 V bis du code général des impôts, (…) qu’en cantonnant la valeur de l’attestation émise par la société Finaréa équinoxe à la réduction ISF-PME, pour lui dénier toute valeur en matière d’impôt sur le revenu, la cour d’appel a violé l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ensemble l’article 299 septies de l’annexe III au code général des impôts ».

La Cour de cassation rappelle que l’article 885-0 V bis du CGI avait institué le principe d’une réduction d’ISF à hauteur de 75 % de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu’il prévoyait et qu’en complément de ce texte, l’article 299 septies de l’annexe III du même code énonçait que, lorsqu’un contribuable souscrivait au capital d’une telle société, celle-ci lui délivrait un état individuel, précisant, notamment, qu’elle satisfaisait aux conditions exigées par ce texte, qu’il pouvait joindre à sa déclaration d’ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Elle précise toutefois que si la remise de ce document était une formalité nécessaire à l’obtention de l’avantage en cause, elle ne suffisait pas à démontrer que les conditions prévues à l’article 885-0 V bis du CGI étaient réunies et ne conférait aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d’impôt à laquelle il prétendait, fût-il de bonne foi, et qu’aucune règle n’impose à l’administration d’établir, avant de procéder à la rectification de l’imposition du contribuable, qu’il avait connaissance du caractère erroné de ce document joint à sa déclaration.

Il s’agit là d’une application stricte du principe « nul ne peut se fournir de preuve à soi-même », dont les conséquences sont cependant sévères pour le contribuable de bonne foi.

Le second enseignement de cet arrêt concerne le fonctionnement des holdings « animatrices » ou « non animatrices »

L’administration fiscale fait grief à l’arrêt de prononcer la décharge des impositions, en soutenant que l’avantage fiscal prévu par l’article 885-0 V bis du CGI, applicables au litige, concernait la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de PME qui exercent exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier. Elle précise que cet avantage fiscal peut également s’appliquer aux souscriptions faites dans des sociétés ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles, à l’exclusion des investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices d’un groupe. Le moyen développé devant la Haute juridiction insiste également sur le fait que, pour être qualifiée d’animatrice, la société holding doit entretenir des relations l’amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales, que ces actions supposent une participation suffisante de la holding au capital de la société opérationnelle pour exercer une influence réelle sur sa filiale, mais également que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent de la holding.

La Cour de cassation définit, pour l’application de ce texte, la société holding animatrice comme étant la société holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Elle complète cette définition en précisant qu’une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l’article 885-0 V bis, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n’est pas éligible à la réduction d’ISF prévue par ce texte, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Elle remarque ensuite que, postérieurement à l’acquisition des titres par les contribuables, la société Finaréa avait pris, dans diverses sociétés, des participations lui permettant d’orienter leur stratégie, et s’est largement impliquée dans la conduite de ces sociétés, dans le choix de leurs orientations économiques nouvelles, de telle sorte que la holding « passive » s’était muée en une holding « active ». Elle désapprouve la cour d’appel de n’avoir pas recherché les manifestations effectives de la convention d’animation.

À l’attitude des premiers juges, qui avaient constaté qu’aucun support ne venait matérialiser l’implication de la holding Finaréa dans la conduite des affaires de ses filiales, la cour d’appel avait opposé une vision plus théorique, se contentant de relever que la holding s’était dotée de moyens d’orienter la stratégie de ses filiales, faisant d’elle une holding animatrice. La Cour de cassation censure cette appréciation, en exigeant, finalement, que la participation active et effective de la holding soit concrètement constatée, afin de déterminer si les investissements réalisés peuvent, ou non, ouvrir droit à une réduction d’ISF.

On ne saurait blâmer la Cour de cassation de subordonner le bénéfice ou le rejet d’un avantage fiscal à une appréciation in concreto des exigences légales. Dès lors que seules les sociétés holding non animatrices peuvent ouvrir droit à un avantage fiscal, il n’est pas incongru d’exiger une appréciation concrète de leur caractère animateur ou non animateur de leur groupe … Sur ce point, les juges du droit font preuve d’un pragmatisme concret qui semble avoir fait défaut à l’appréciation des juges du fond, qui s’étaient contentés d’une appréciation théorique des relations entre la société Finaréa et ses filiales. Mais on peut également regretter que la Haute juridiction judiciaire n’ait pas adopté la même prudence que son homologue administratif, lequel avait abandonné la qualification de holding animatrice à l’appréciation souveraine des juges du fond (CE 16 juill. 2008, n° 300839, Berland, RJF 11/08, n° 1210, concl. C. Vérot ; BDCF 11/08 n°134 ; 16 juill. 2008, n° 299862, Sté JMSFB, RJF 11/08, n° 1210), avant de s’aventurer sur les chemins d’une appréciation personnelle de cette notion, dans un arrêt où le Conseil d’Etat n’avait cependant pas hésité à statuer au fond, sans renvoi (CE, ass. plén., 13 juin 2018 nos 395495, 399121, 399122, 399124, RJF 10/18, n° 965, concl. Y. Bénard) et on ne peut que se perdre en conjectures devant cette intrusion du juge du droit dans un domaine habituellement circonscrit au juge du fait, la Cour de cassation ne jugeant pas l’affaire au fond mais la renvoyant devant une autre cour d’appel …

Motivation maladroite ?

Pour aussi juste soit-elle sur le plan légal, la solution n’en reste pas moins redoutablement perverse dans ses conséquences pratiques : comment le contribuable peut-il s’assurer que la société holding dans laquelle il a investi cantonne son activité à une simple prise de participation, sans s’immiscer dans le fonctionnement de ses filiales ? La décision rendue par les juges du droit met largement en exergue l’aberration du système mis en place par le législateur fiscal, dans la mesure où elle place les contribuables qui ont souscrit un investissement au capital de sociétés holding face à la difficulté de s’assurer que ces sociétés, dont ils ne maitrisent pas forcément les rouages, se contenteront d’une attitude passive à l’égard de leurs filiales. On pourrait, certes, relever que ces sociétés ne participent pas de multinationales dans lesquelles l’actionnariat est dilué dans un flot d’investisseurs innombrables, mais qu’il s’agit au contraire de PME aux organes de direction plus accessibles, mais ces investisseurs ont-ils la possibilité de s’immiscer, à leur tour, dans les décisions de ces entreprises ?

Ici réside la quadrature du cercle …

Ce n’est pas la première fois que le juge fiscal pose une telle exigence, et l’on peut aisément rapprocher cette solution de celle dégagée en matière d’investissements locatifs et d’exigence d’une surveillance du locataire, par le bailleur bénéficiant d’un amortissement ou d’une réduction d’impôt (CAA Bordeaux, 7 avr. 2015, n° 13BX02674 ; CAA Lyon, 27 sept. 2018, n° 17LY01755 ; CAA Douai, 11 déc. 2018, n° 16DA01705), que nous avons commentée en d’autres temps, et en d’autres lieux (Loyers et copr. 2019. Comm. 6). Mais par-delà l’application stricte de la loi, le juge n’attire-t-il pas, par les incidences perverses des décisions qu’il est conduit à rendre, l’attention du législateur sur les imperfections des textes en vigueur ? Qu’il relève des juridictions judiciaires ou des juridictions administratives, le juge fiscal se trouve, à l’évidence, pris entre le marteau de la loi et l’enclume du réalisme, et les exigences de la démocratie – qui impliquent le respect de la loi - autant que les principes du système juridique français – qui interdisent de juger en équité – conduisent les magistrats à l’édiction de solutions légitimes en droit, mais perverses en application. On peut cependant regretter que la Cour de cassation n’ait pas saisi cette occasion pour s’écarter d’une loi aux conséquences si pernicieuses et rendre un arrêt d’équité, alertant ainsi le législateur sur les imperfections de la loi, comme elle l’avait si magistralement fait dans la scabreuse affaire Jacobet de Nombel (Civ. 1re, 14 janv. 1997, n° 94-20.276, D. 1997. 273 , rapp. X. Savatier ; RTD civ. 1997. 985, obs. B. Vareille ; Defrénois 1997. 420), qui avait alors conduit le législateur civil à prendre la plume pour corriger une imperfection législative… 

Auteur d'origine: Delpech

Le décret n° 2021-269 du 10 mars 2021 n’est pas pris à des fins de sanction, mais de prévention. 

Des finalités statistiques et d’information du public

Pendant un an, à compter du 11 mars, les exploitants de services de transport public collectif de voyageurs et les gestionnaires des espaces affectés à ces services pourront utiliser leurs systèmes de vidéoprotection aux fins :

d’évaluation statistique pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;d’adaptation de leurs actions d’information et de sensibilisation du public.

Sont concernés « les territoires où, pour faire face à l’épidémie de covid-19, une loi ou un décret impose le port d’un masque de protection dans les véhicules ou les espaces accessibles au public et affectés au transport public de voyageurs ».

L’absence de stockage et l’anonymisation immédiate des données

Les images seront collectées exclusivement par des caméras fixes situées dans les véhicules ou les espaces affectés au transport public de voyageurs. Elles ne seront pas stockées ni transmissibles à un tiers. Elles devront être « instantanément » anonymisées pour « établir le pourcentage de personnes s’acquittant de l’obligation de port d’un masque de protection ». L’actualisation des...

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Auteur d'origine: nmaximin
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La troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris avait à connaître d’un litige opposant la société titulaire et gestionnaire de la majorité des droits de propriété intellectuelle du groupe de rock anglais The Rolling Stones à une société importatrice d’écussons venant de Chine.

Dans cette affaire, le titulaire des marques figuratives de l’Union européenne reproduisant le célèbre logo du groupe The Rolling Stones, déposées notamment pour désigner des insignes, écussons brodés et badges ornementaux, poursuivait en contrefaçon de marque et droit d’auteur, de parasitisme et concurrence déloyale cette société pour avoir importé des produits reprenant ce logo, ornés de motifs du drapeau breton. Le tribunal judiciaire va rejeter les demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, mais va retenir la contrefaçon des marques et du droit d’auteur de la demanderesse.

Notion de marque renommée et assimilation d’un groupe de rock à un produit ou un service

En premier lieu, la demanderesse soutient que ses marques jouissent d’une importante renommée auprès d’une partie significative du public pertinent en France et dans l’Union européenne. Il est rappelé à cet égard que le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne dispose que lorsqu’une marque jouit d’une renommée dans l’Union européenne, il est possible de déroger au principe de spécialité. En d’autres termes, une marque renommée bénéficie d’une protection étendue et exceptionnelle.

Le tribunal va fonder sa décision suivant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJCE, dans un arrêt General Motors c/ Yplon SA du 14 septembre 1999, a précisé « pour répondre à la condition relative à la renommée, une marque enregistrée doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle » (CJCE 14 sept. 1999, aff. C-375/97, D. 2001. 473, et les obs. , obs. S. Durrande ; RTD com. 2000. 87, obs. J.-C. Galloux ; ibid. 530, obs. M. Luby ; RTD eur. 2000. 134, obs. G. Bonet ). D’après la Cour, les éléments que le juge national doit prendre en considération dans l’examen de la condition précitée sont notamment : la part de marché détenue par la marque, l’étendue géographique et la durée de son usage. Le tribunal poursuit en citant l’arrêt Iron Smith KFT c/ Unilever du 3 septembre 2015, qui ajoute que « la condition relative à la territorialité doit être considérée comme remplie lorsque la marque communautaire jouit d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union » (CJUE 3 sept. 2015, aff. C-125/14, D. 2015. 1768 ; ibid. 2016. 396, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; RTD eur. 2015. 880, obs. E. Treppoz ). En l’espèce, sans surprise, le tribunal retient que les marques en cause jouissent d’une importance renommée dans l’Union européenne. Pour fonder sa décision, il fait notamment référence à divers articles de magazines et journaux qui indiquent que ce logo déposé à titre de marque est considéré comme la « langue vivante des Rolling Stones » et que selon certains sondages, le logo des Rolling Stones serait le plus iconique de tous les temps. Par ailleurs, ces marques font l’objet d’un usage intensif (édition de tee-shirt, partenariat avec de grandes marques et clubs de football…).

Il y a ainsi lieu de constater, que lorsque le tribunal judiciaire évoque le lien étroit existant entre le logo et les Rolling Stones, il semble justifier la renommée du logo par la notoriété du groupe de rock anglais planétaire auquel il se rattache. Ainsi, n’assisterions-nous pas parfois à une confusion entre la renommée de la marque et du titulaire de la marque ?

Il est de jurisprudence constante que la fonction essentielle d’une marque consiste à garantir aux consommateurs l’identité d’origine du produit (v. CJUE 22 juin 1976, Terrapin, aff. C-119/75). Par cette décision, il semblerait que le tribunal judiciaire assimile finalement le légendaire groupe The Rolling Stones à un produit ou un service.

Contrefaçon de la marque renommée

En deuxième lieu, le tribunal judiciaire de Paris va se pencher sur la question de la contrefaçon des marques en question. Le principe est que l’appréciation de l’identité d’un signe à une marque relève du pouvoir du juge national. Cela étant rappelé, il appartenait au tribunal d’utiliser la méthode du faisceau d’indices pour déterminer si la défenderesse est auteur d’actes de contrefaçon en important les produits litigieux. À cet égard, l’analyse des juges ne surprend pas. Ils rappellent en effet que, conformément au règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017, le titulaire d’une marque peut interdire aux tiers de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque ce signe est identique ou similaire à la marque et désigne des produits ou services identiques ou similaires et qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Le tribunal va par la suite s’atteler à démontrer l’existence d’un risque de confusion. Il indique, conformément à l’arrêt Sabel BV du 11 novembre 1997 de la CJCE, qu’il « convient de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les signes en cause pour apprécier le risque de confusion » (CJCE 11 nov. 1997, aff. C-251/95, D. 1997. 259 ; RTD com. 1998. 740, obs. M. Luby ; RTD eur. 1998. 605, obs. G. Bonet ). Par ailleurs, la CJCE et la Cour de cassation ont affirmé que la renommée de la marque lui conférant un caractère distinctif très important, sa notoriété est un élément à considérer dans l’appréciation du risque de confusion. En outre, la jurisprudence communautaire, dans la décision General Motors c/ Yplo du 14 septembre 1999 précitée, a dégagé un facteur supplémentaire devant être pris en compte par le juge national dans l’appréciation du risque de confusion, qui est l’étendue de la renommée de la marque. À cet égard, le tribunal va rappeler que « le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important ». En effet, une marque jouissant d’une notoriété importante auprès du public dispose d’un caractère distinctif particulier, rendant donc le risque de confusion plus élevé.

Selon les indications fournies par la décision commentée, les produits saisis reprennent à l’identique les caractéristiques des marques de la demanderesse. En l’espèce, une rapide comparaison entre les marques et les écussons litigieux démontrent une reprise à l’identique de la forme ainsi que du volume de la bouche et des lèvres des marques objets du litige. Le risque de confusion est donc aisément établi, étant donné que la seule différence perceptible entre les marques et les signes litigieux est l’apposition de motifs tirés du drapeau breton au niveau des lèvres. À cet égard, le tribunal a donc sans difficulté estimé que compte tenu de la forte similarité des signes pour des produits identiques, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public entre les marques de la demanderesse et les écussons importés par la société défenderesse. Après avoir énoncé qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, il va retenir que la société défenderesse est auteur d’actes de contrefaçon sur les marques reproduisant le logo du groupe The Rolling Stones.

Écussons de la défenderesse

Marque de la demanderesse

Atteinte au droit d’auteur

La société demanderesse faisait ensuite valoir qu’en reproduisant le logo du groupe The Rolling Stones sans son autorisation, la société importatrice aurait commis « un plagiat flagrant constituant une atteinte au droit d’auteur de l’artiste John Pasche », dont elle détient les droits patrimoniaux. En l’espèce, après avoir démontré être titulaire des droits sur l’œuvre graphique de John Pasche, la demanderesse va devoir justifier du caractère original de l’œuvre afin de pouvoir bénéficier de la protection accordée par le droit d’auteur.

Tout d’abord, le tribunal va décider que la société demanderesse « en commercialisant sous son nom de façon non équivoque » les patchs brodés reproduisant l’œuvre graphique de John Pasche, est présumée titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur l’œuvre précitée. Ensuite, les juges vont se pencher sur la question de l’originalité de l’œuvre. En effet, seule une œuvre originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, d’après l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. La jurisprudence, notamment européenne, définit l’originalité d’une œuvre comme constituant une création intellectuelle propre à son auteur. En ce sens, la CJUE, dans un arrêt du 29 juillet 2019 a rappelé que « pour qu’une création intellectuelle puisse être considérée comme étant propre à son auteur, celle-ci doit refléter la personnalité de celui-ci, ce qui est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs » (CJUE 29 juill. 2019, Funke Medien NRW GmbH c/ BundesRepublik Deutschland, aff. C-469/17, D. 2019. 1606 ; Dalloz IP/IT 2019. 464, obs. N. Maximin ; ibid. 2020. 317, obs. A. Latil ; Légipresse 2019. 451 et les obs. ; ibid. 541, obs. V. Varet ; ibid. 2020. 69, étude C. Alleaume ; RTD com. 2020. 53, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 83, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2019. 927, obs. E. Treppoz ; ibid. 2020. 324, obs. F. Benoît-Rohmer ). En l’espèce, la société défenderesse avance que John Pasche, suite à la demande de Mick Jagger, s’est inspiré de la représentation de la déesse Kali et que dès lors l’œuvre ne porterait pas l’empreinte de la personnalité de son auteur. Le tribunal judiciaire va alors énoncer que si John Pasche s’en inspire, « il y associe des éléments émanant d’un univers psychédélique et traduit un message invitant à un bouleversement des mœurs, traduisant une vision propre » et en déduit que le logo du groupe The Rolling Stones porte bien la personnalité de son auteur et est donc original. Enfin, en se prêtant à un exercice de comparaison entre les signes litigieux importés en France et l’œuvre de John Pasche et eu égard aux très fortes similitudes, le tribunal judiciaire va retenir la contrefaçon des droits patrimoniaux détenus par la société demanderesse.

La présente décision du tribunal judiciaire de Paris, tout en restant tout à fait fidèle à sa jurisprudence en la matière, vient apporter des indications sur la notion de marque renommée, au sens du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union Européenne, et sur le lien étroit qu’entretient la marque avec son produit, ou en l’espèce « sa personne physique ». On assisterait alors à une « personnification du logo », une marque pourrait ainsi permettre de rattacher un produit à des personnes physiques lorsque ces personnes jouissent d’une notoriété importante.

Auteur d'origine: nmaximin
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Un an après avoir condamné l’artiste contemporain américain dans un litige qui l’opposait aux ayants droit du photographe français Jean-François Bauret (Paris, 17 déc. 2019, n° 17/09695, Dalloz actualité 21 janv. 2020, obs. J. Daleau ; Légipresse 2020. 171, étude P. Pérot ), la cour d’appel de Paris s’est de nouveau trouvée confrontée à une œuvre de Jeff Koons. Ce dernier, se revendiquant du courant de l’art appropriationiste, n’hésite pas à utiliser diverses productions artistiques ou culturelles sans chercher à obtenir l’accord de leurs auteurs. Cette démarche a déjà été à la source de plusieurs litiges (en plus de l’affaire Bauret c/ Koons évoquée plus haut, v. en droit américain Rogers v. Koons, 960 F.2d 301, 2d Cir. 1992 et Blanch v. Koons, 467 F.3d 244, 2d Cir. 2006).

En l’occurrence, le litige est né suite à l’organisation d’une exposition rétrospective de Jeff Koons au Centre Pompidou en 2014. Était exposée une sculpture en céramique intitulée Fait d’hiver, représentant une femme et un cochon dans la neige, inspirée d’un visuel de publicité pour la marque de vêtements Naf-Naf. L’auteur de ce visuel a assigné Jeff Koons en contrefaçon ainsi que le musée et l’éditeur d’un ouvrage dans lequel la sculpture litigieuse était reproduite. Dans un jugement datant de 2018, le tribunal de grande instance de Paris avait accueilli les demandes de l’auteur de l’œuvre première (TGI Paris, 8 nov. 2018, n° 15/02536, Légipresse 2018. 548 et les obs. ). La présente décision fait donc suite à l’appel interjeté par Jeff Koons.

Après avoir relevé que l’œuvre première était bien une œuvre originale, la cour s’attarde sur les arguments ayant trait au caractère transformatif de la sculpture.

La contrefaçon constituée

Pour échapper à la qualification de contrefaçon, Jeff Koons et le Centre Pompidou insistaient sur le caractère fortement transformatif de l’œuvre Fait d’hiver. Ils mettaient en exergue les différences entre la publicité d’origine et la sculpture réalisée par le plasticien, différences visuelles (changement de médium et ajout de nouveaux éléments) et symboliques (message commercial pour le visuel publicitaire, message artistique renvoyant à l’onirique pour la sculpture).

La cour rappelle toutefois, très classiquement, que la contrefaçon s’apprécie au regard des similitudes, lesquelles, en l’espèce, étaient nombreuses (« même jeune femme avec la même expression et la même mèche plaquée sur la joue gauche, allongée dans la neige, les bras relevés au niveau de la tête ; cochon portant un tonnelet de Saint-Bernard dans la même position près de la jeune femme ») ; la contrefaçon est donc bien constituée.

L’exception de parodie écartée

L’artiste se prévalait ensuite de...

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Auteur d'origine: nmaximin

Il est acquis que le bénéfice de la personnalité juridique pour une société est subordonné à son immatriculation (C. civ., art. 1842 : droit commun des sociétés ; C. com., art. L. 210-6 : société commerciale). Privée ainsi d’existence juridique, la société en formation est placée dans une situation de « précarité contractuelle ». Ce sont alors ses associés fondateurs et/ou ses dirigeants personnes physiques qui nouent les premiers rapports juridiques pour la société. Ils le font pour le compte de la société, moyennant reprise de ces engagements par celle-ci une fois immatriculée. Le présent arrêt rappelle néanmoins qu’un tel « relais contractuel » obéit à un formalisme bien rigoureux. Les faits sont classiques. Une société en cours de formation, sous la forme d’une EURL, représentée par son gérant (et associé unique), conclut une série de contrats avec une autre société. Peu après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l’EURL est placée en liquidation judiciaire. Son cocontractant assigne par la suite en paiement le gérant et associé, prétendant que ce dernier est solidairement responsable des contrats qui ont été conclus.  

Au terme d’une analyse des contrats, les juges du fond refusent de faire droit à cette demande. Ils estiment que le gérant et associé n’avait pas agi « pour le compte de la société en formation » en sa qualité d’associé ou de gérant, comme le veut l’usage, afin de pouvoir engager la société elle-même une fois immatriculée, ou, à défaut de reprise de l’acte par la société, d’être engagé lui-même. Au cas présent, c’est la société elle-même, en formation, qui est engagée. 

La Cour de cassation, par cet arrêt du 10 février 2021, rejette le pourvoi de la société...

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Auteur d'origine: ladmi
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Le domaine des assurances n’est pas épargné par la crise sanitaire mondiale. Cette pandémie a eu un impact économique considérable sur certaines activités qui relèvent du secteur tertiaire telle que la restauration. Afin de ralentir la propagation du coronavirus, les restaurants et débits de boissons ne pouvaient plus accueillir de public jusqu’au 15 avril 2020 (art. 1er de l’arrêté du ministère de la Santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et art. 8 du décr. n° 2020-293 du 23 mars 2020). L’interdiction a été prorogée jusqu’au 2 juin.

L’arrêté ministériel autorisait toutefois, durant le premier confinement, ces établissements à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison afin de limiter la baisse des recettes. Autrement dit, une activité partielle semblait être possible pour les établissements pour lesquels une activité de vente à emporter était à l’origine autorisée par la clause de destination du bail commercial (C. civ., art. 1719) et déclarée au K-bis. Les établissements qui n’ont pu exercer la vente à emporter ont connu un arrêt total de leur activité engendrant de grandes difficultés financières.

Aujourd’hui encore la viabilité de certaines entreprises est menacée par l’interdiction d’accueil du public qui se poursuit (V. Décr. n° 2020-1310 du 29 oct. 2020, qui en son art. 40 interdit l’accueil du public aux restaurants et débits de boissons – ERP N –, établissements flottants pour leurs activités de restauration et débit de boissons – ERP EF –, restaurants d’altitude – ERP OA –, et aux hôtels pour les espaces dédiés aux activités de restauration et débit de boisson) ; même si par dérogation ces établissements sont autorisés à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.

Cependant, si la restauration rapide (vente à emporter, livraison) a accru ses parts de marché avec la crise sanitaire par une augmentation de sa fréquentation (selon le bilan 2020 dressé par The NPD Group, spécialiste des études de marché, la restauration rapide concentre aujourd’hui 43 % des visites, contre 36 % il y a un an), tel n’est pas le cas de la restauration à table et débits de boissons (« la restauration à table a perdu la moitié de sa fréquentation et de son chiffre d’affaires en 2020 », The NPD, op. cit.), du fait que la plupart des restaurateurs n’étaient pas préparés, ni équipés pour exercer la vente à emporter et la livraison (absence du dispositif du « click and connect », d’emballages spécifiques adaptés au transport et à l’hygiène alimentaire, etc.). En conséquence, ils ne sont pas parvenus à limiter leurs pertes d’exploitation.

Néanmoins, chaque restaurateur est conscient de connaître un jour une potentielle baisse de son niveau d’activité pouvant résulter d’une fermeture partielle ou totale de son établissement. C’est pour ces raisons que, même si le risque « perte d’exploitation » n’est pas soumis à l’obligation d’assurance, certains restaurateurs souscrivent une « assurance pertes d’exploitation » qui, la plupart du temps, fait partie d’un contrat d’assurance multirisques, comme c’est le cas dans l’arrêt d’appel à commenter : la police garantit les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative. En raison de l’épidémie de covid-19 qui a causé la fermeture de grands nombres d’établissements de restauration, les professionnels, assurés pour le sinistre, se sont tournés vers leur assureur pour être indemnisés de leurs pertes d’exploitation. Or, certaines compagnies d’assurance se sont retrouvées sous le feu des projecteurs en refusant d’indemniser leurs assurés au motif que le risque pandémique était inassurable (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020, obs. R. Bigot) ou qu’il existait une exclusion de garantie.

Plusieurs tribunaux de commerce ont été saisis et ont condamné à de nombreuses reprises, tant en référé qu’au fond, les compagnies d’assurances à indemniser les commerçants de leurs pertes d’exploitation à la suite de l’épidémie de covid-19 (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, préc. ; T. com. Annecy, 22 déc. 2020 n° 2020R00066 ; T. com. Marseille, 23 juill. 2020, n° 2020R00131). Néanmoins, d’autres tribunaux de commerce (T. com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 ; T. com. Lyon, 4 nov. 2020, n° 2020J00525), ainsi que la cour d’appel d’Aix-en-Provence se sont prononcés en faveur de l’assureur (Aix-en-Provence, 3 déc. 2020, n° 20/07308).

Par l’arrêt rapporté, cette même cour d’appel a cependant condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser un de ses assurés.

Cet arrêt d’appel, qui a été le premier rendu au fond sur la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation, était très attendu par les professionnels de la restauration.

Si la position des juges tend majoritairement en faveur des assurés, la divergence des décisions s’explique par les difficultés qui concernent l’étendue de la garantie pertes d’exploitation et la validité des clauses d’exclusion présentes dans différents contrats d’assurance (L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP févr. 2021. 239). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).

En l’espèce, l’application de la clause d’exclusion est au cœur du débat.

Un restaurateur marseillais a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la compagnie d’assurance AXA France qui garantit les pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative consécutive notamment à une épidémie. Cependant, le contrat comporte une clause d’exclusion de garantie pertes d’exploitation qui stipule que ces pertes sont exclues « lorsque au moins un autre établissement, quelle que soit la nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Le 14 mars 2020, le ministère des Solidarités et de la santé a prononcé, par un arrêté, l’interdiction des restaurants et débits de boisson à recevoir du public. Cette interdiction a été prorogée par décret du 14 avril 2020 jusqu’au 2 juin 2020. Puis du 28 septembre jusqu’au 4 octobre 2020.

À la suite de cette interdiction pour épidémie de coronavirus, le restaurateur a effectué auprès de la compagnie d’assurance AXA une déclaration de sinistre pour perte financière, laquelle a opposé un refus de garantie en vertu de la clause d’exclusion.

Le restaurateur marseillais a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille son assureur selon la procédure à jour fixe afin d’obtenir l’indemnisation de ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de covid-19.

Le 15 octobre 2020, le tribunal de commerce a, au visa des articles L. 113-1 du code des assurances, 1170 et 1190 du code civil, déclaré la clause d’exclusion de garantie réputée non écrite et a condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser le restaurateur pour ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de Covid-19. Le montant des pertes d’exploitation devra être évalué par une expertise que l’assureur devra mettre en œuvre dans les deux mois de la signification du jugement sous astreinte de 500 € par jour de retard.

L’assureur a interjeté appel. Il invoque l’application de la clause d’exclusion de garantie et demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement rendu.

Mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans l’arrêt du 25 février 2021 rapporté, a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce. Selon les juges d’appel, la garantie « perte d’exploitation suite à la fermeture administrative » trouve à s’appliquer. En effet, les juges du fond relèvent que le contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit garantit les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative consécutive à une épidémie et ils constatent que c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant les établissements de restauration à recevoir du public en raison de l’épidémie de covid-19 que l’assuré a subi des pertes d’exploitation.

Ainsi pour les juges, l’interdiction d’accueillir du public est une fermeture administrative de l’établissement de restauration (R. Bigot, op. cit.). L’assureur doit par conséquent prendre en charge les pertes d’exploitation, a fortiori dès lors que la cour d’appel d’Aix-en-Provence estime que la clause d’exclusion présente dans la police ne peut recevoir application en raison de son imprécision et de son absence de limitation.

En effet, pour écarter l’application de la clause d’exclusion, les juges  se fondent sur les dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances aux termes duquel « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». À cet égard, il est de principe que le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie au sens de l’article L. 113-1 n’est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 99-10.849, D. 2001. 2778 , note B. Beignier ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard ; RDI 2001. 488, obs. G. Durry ).

Dans l’arrêt sous étude, si la clause d’exclusion vise « la fermeture administrative pour une cause identique », – dans les faits, l’épidémie de coronavirus – les juges d’appel relèvent l’absence de définition dans la police du terme « épidémie ». Reprenant pour partie la définition du dictionnaire Larousse selon laquelle l’épidémie doit s’entendre comme « le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population » (rappr. : T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc., Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29, obs. D. Houtcieff), les juges précisent la notion de « population » qui peut être celle « d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville d’une région, d’un ou de plusieurs pays ». Ils relèvent également à juste titre que le terme de « maladie contagieuse » présent tant dans la définition de l’épidémie que dans le contrat d’assurance n’est pas non plus définie dans la police. Dès lors, doit-on considérer que la notion de « maladie contagieuse » est similaire à celle d’ «épidémie » notamment lorsqu’il a été énoncé « qu’une épidémie ne se situe pas forcément à un niveau territorialement étendu » et peut « naître au sein d’un endroit source précis et toucher un nombre de personnes plus restreint, formant ainsi un foyer limité dans l’espace » ? (T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc.). Il faut alors constater que le terme « épidémie » est soumis à interprétation, excluant de la sorte le caractère limité de l’exclusion de garantie.

Le caractère limité de la clause est également exclu lorsqu’elle vise un « autre établissement » devant faire l’objet d’une fermeture administrative pour cause identique. En effet, il ressort distinctement de la clause que la nature de l’établissement ainsi que son activité importent peu. Il en est de même du « territoire départemental » mentionné, lequel dépasse le simple cadre d’un village ou d’une ville, ce qui laisse entendre que d’autres établissements sur le même territoire seront vraisemblablement touchés. La clause d’exclusion de garantie ne se réfère aucunement « à des critères précis, ni à des hypothèses limitativement énumérées » (L. Vogel et J. Vogel, op. cit.). En raison de son imprécision, la clause litigieuse est source d’interprétation et doit être réputée non-écrite.

Les juges d’appel écartent également l’application de la clause d’exclusion sur le fondement des articles 1170 et 1190 du code civil. Le fait qu’aucune distinction quant à la population visée n’ait été opérée dans la police, ni que le contrat ne mette en exergue les différences entre une « épidémie » et une « maladie contagieuse » signifient que l’assureur s’est engagé à garantir les pertes d’exploitation résultant d’une décision de fermeture à la suite d’une épidémie au sens général du terme. En effet, lorsqu’il a rédigé le contrat, il est évident que l’assureur avait conscience que l’épidémie ne puisse se cantonner à un seul établissement sur le même territoire et que dans une forte probabilité elle puisse être nationale. Il s’ensuit que selon les juges, l’assureur ne pouvait, sans que l’application de la clause d’exclusion prive de sa substance l’obligation essentielle de garantie, d’un côté indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite d’une fermeture administrative liée à une épidémie, « et de l’autre côté, exclure les cas où l’épidémie toucherait un autre établissement dans le même département, quelle que soit son activité » (V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Hebdo éd. privée, 15 oct. 2020, N4918BYS). La clause d’exclusion qui vide de son contenu la garantie accordée doit être réputée non écrite. Conscient de cette problématique, l’assureur avait proposé le 28 octobre 2020 à son assuré un avenant définissant avec précision les termes « épidémie et pandémie » afin d’exclure de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie.

La cour d’appel a ainsi condamné l’assureur à allouer à son assuré une indemnité provisoire pour la période du premier confinement ainsi que pour les périodes de fermeture administrative postérieures. Le montant des pertes d’exploitation devra être évaluer par une expertise devant être mise en œuvre par l’assureur.

Les litiges similaires pendants devant plusieurs juridictions de premier degré et d’appel expliquent l’attente de cette décision par les restaurateurs. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’une telle solution ne saurait constituer un principe dans la mesure où toutes les polices ne sont pas identiques.

Auteur d'origine: sandjechairi

Bruxelles continue de dérouler la feuille de route qu’elle s’est fixée dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, annoncé fin 2019. Objectif : rendre l’économie européenne plus durable, et climatiquement neutre en 2050. Pour ce faire, le plan d’actions de la Commission vise un grand nombre de domaines, dont l’industrie, l’énergie, les transports, les bâtiments et l’amélioration des normes environnementales.

Information extra-financière : le projet de directive attendu pour fin mars 2021

C’est dans ce cadre que la Commission a annoncé la révision de la directive sur le reporting extra-financier (2014/95/UE) afin d’améliorer l’information des acteurs économiques en matière de durabilité. Aujourd’hui,...

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Auteur d'origine: Thill
L'intensité de la responsabilité de l'entrepreneur varie au cours du temps lors de la réalisation d'un ouvrage. Le moment charnière se situe au moment de la réception de l'ouvrage. Avant la réception de l'ouvrage, l'entrepreneur conserve la garde de son ouvrage et supporte les risques en cas de détérioration de ce dernier. L'article 1788 du Co...
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En juin 2020, le PDG Emmanuel Faber fait entrer la raison d’être dans les statuts de Danone. Neuf mois plus tard, le cours boursier de l’entreprise a baissé de 25 %. Croissance responsable ou rentabilité maximale ? Les actionnaires de Danone ont fait leur choix, en limitant les fonctions d’Emmanuel Faber aux seules fonctions de Président. Un message clair : les actionnaires remettent le cap sur une exigence de performance financière. Les fonds d’investissement adossés à Danone lorgnent avec envie les marges des concurrents, comme Nestlé ou Unilever, de l’ordre de 18 % alors que Danone plafonne à 14 %, selon le quotidien Libération. Le dirigeant est donc désavoué, alors qu’un plan de départ de 2 000 salariés a été annoncé en novembre 2020, à contre-courant de la notion d’entreprise socialement responsable. Une situation qui ressemble étrangement à celle de Renault qui a également scindé les fonctions de Président et de Directeur général.

L’exemple de Danone deviendra-t-il un cas d’école montrant les limites des bonnes intentions ? Les sociétés qui ont adopté une raison d’être ou le statut d’entreprise à mission devront-elles à terme se résoudre à rogner sur leurs objectifs sociaux et environnementaux dans une logique de priorisation des bénéfices et des dividendes ? L’étude ne répond pas à cette question mais dresse le bilan de deux ans de raison d’être dans les assemblées générales (AG) de grandes sociétés cotées. La conclusion est positive : les actionnaires ont bien réagi à l’arrivée de cette notion. Mais la raison d’être peut-elle survivre en tant que stratégie de la société dans un environnement concurrentiel ? Peut-elle tenir le choc de la réalité économique et quitter le statut de...

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Auteur d'origine: Thill

En l’espèce, une société a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde au passif de laquelle ont été admises des créances déclarées par une autre société. L’admission de ces créances a été prononcée, pour partie, à titre privilégié, sur le fondement de deux warrants agricoles.

Le plan de sauvegarde arrêté au profit de la personne morale débitrice a été résolu par un jugement prononçant, en outre, la liquidation judiciaire. La société créancière a indiqué au liquidateur que subsistait un solde de sa créance et a demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure.

Par lettre de contestation, le liquidateur s’est opposé à cette demande en arguant notamment du défaut de renouvellement de l’inscription des warrants, ce qui remettait en cause, pour le mandataire, le caractère privilégié de la créance. Cette lettre de contestation est demeurée sans réponse de la part du créancier, ce qui lui interdit, en principe, toute contestation ultérieure de la proposition du liquidateur (C. com., art. L. 622-27).

Par une ordonnance du 8 juillet 2016, le juge-commissaire prononce l’admission de la créance à titre chirographaire. La société créancière interjette appel de l’ordonnance d’admission, mais les juges du fond la déclarent irrecevable à défaut de réponse à la lettre de contestation du liquidateur.

La créancière forme alors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation indique d’abord que c’est à tort que la cour d’appel a opposé au créancier son absence de réponse à la contestation du liquidateur. En effet, puisque sa créance avait été admise au passif de la première procédure, elle devait, en l’absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire subséquente (C. com., art. L. 626-27, III, dans sa rédaction antérieure à l’ord. du 12 mars 2014). Dès lors, la créance n’était pas soumise à une nouvelle procédure de vérification, et donc, à la sanction précitée du défaut de réponse à la lettre de contestation.

Malgré ce rappel, le pourvoi est néanmoins rejeté. En effet, pour la Haute juridiction l’admission au passif de la première procédure collective ne dispensait pas le créancier de procéder au renouvellement de l’inscription des warrants. À défaut, et puisque l’autorité de la chose jugée attachée à l’admission à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, le créancier en perd le bénéfice.

Autrement dit si la portée de la dispense de déclaration de créance émancipe le créancier...

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Auteur d'origine: bferrari
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L’attente aura été de courte durée.

Saisie par la Cour de cassation le 10 décembre 2020 (Civ. 3e, 10 déc. 2020, n° 20-40.059, Dalloz actualité, 12 janv. 2021, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2021. 121 , obs. J.-P. Blatter ), les juges de la rue de Montpensier se sont en effet prononcés le 5 mars 2021 en faveur de la constitutionnalité de l’article L. 145-14 du code de commerce.

Au soutien de leurs prétentions, les plaideurs ont tout d’abord fait valoir que les dispositions du code de commerce relatives à l’indemnité due au locataire commerçant dont le bail n’est pas renouvelé portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété du propriétaire bailleur.

Ils excipent ensuite de la méconnaissance par le législateur du principe d’égalité devant la loi.

Était en jeu la constitutionnalité de l’indication donnée par l’article L. 145-14, selon laquelle l’indemnité d’éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession ».

Indemnité d’éviction et droit de propriété

Le Conseil constitutionnel commence par reconnaître que l’article L. 145-14 du code de commerce écorne le droit de propriété.

Ce constat s’impose en effet à lecture de ce texte, qui prévoit, d’une part, que l’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice que cause au locataire le défaut de renouvellement et, d’autre part, que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession.

Toutefois, par trois séries de considérations, le Conseil retient que l’atteinte n’est pas disproportionnée.

Objectif d’intérêt général

Les neuf sages remarquent tout d’abord qu’en instaurant une indemnité d’éviction au profit du locataire auquel on dénie le droit au renouvellement de son bail, le législateur poursuit un objectif d’intérêt général : permettre la poursuite de l’activité du preneur et éviter que la viabilité des entreprises commerciales et artisanales soit compromise.

Valeur marchande et droit au renouvellement

Il est par ailleurs relevé, d’une part, que l’indemnité ne comprend que la part de la valeur marchande du fonds de commerce perdue par le locataire et, d’autre part, que l’indemnité disparaît lorsque le locataire ne respecte pas les conditions requises par le statut des baux commerciaux pour bénéficier du droit à renouvellement.

Option

Les hauts magistrats constatent enfin que le bailleur conserve la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer.

Indemnité d’éviction et égalité devant la loi

Le Conseil rappelle classiquement que, posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit (dans le même sens, v. récemment. Cons. const. 21 sept. 2018, n° 2018-733 QPC, Dalloz actualité, 26 sept. 2018, obs. E. Maupin ; AJDA 2018. 1809 ; AJCT 2019. 41, obs. G. Durand  ; Civ. 2e, QPC, 12 sept. 2019, n° 19-40.021).

Modalités d’évaluation

Or, en l’occurrence, en prévoyant que la valeur du fonds de commerce comprise dans l’indemnité d’éviction doit être déterminée en fonction des usages de la profession, le texte précise les modalités d’évaluation du fonds de commerce sans opérer de différence de traitement.

Situations différentes

Par ailleurs, la situation des parties est évidemment différente selon qu’un fonds de commerce est ou non exploité dans les lieux loués, légitimant une différence de traitement.

Auteur d'origine: Rouquet