Le Conseil d’État a rejeté au fond, le 25 mars, deux recours contre, d’une part, la décision du 14 mars 2017 de son vice-président adoptant la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative, d’autre part, celle du 16 mars 2018 modifiant ce document. Ce faisant, il admet la justiciabilité de cette décision, précise la portée de cette charte et son degré de contrôle de celle-ci.
Le premier recours (n° 411070) avait été présenté par un conseiller d’État honoraire, ancien président de cour administrative d’appel, devenu avocat. Au cours de la procédure, M. L., avait obtenu le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il soutenait que le fait que ce document, établi par le vice-président, doive être contesté devant le Conseil d’État portait atteinte au droit au recours et à l’impartialité des juridictions. Un argument rejeté par les juges de la rue de Montpensier (Cons. const. 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC, AJDA 2017. 2039 ; D. 2017. 2102 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 588, chron. O. Le Bot ).
La Haute juridiction précise la portée de la charte qui « n’a pas pour objet de se substituer aux principes et dispositions textuelles, notamment statutaires, régissant l’exercice de leurs fonctions, a vocation, outre à rappeler les principes et obligations d’ordre déontologique qui leur sont applicables, à préconiser des bonnes pratiques propres à en assurer le respect. Pour apprécier si le comportement d’un membre de la juridiction administrative traduit un manquement aux obligations déontologiques qui lui incombent, les bonnes pratiques ainsi recommandées sont susceptibles d’être prises en compte, sans pour autant que leur méconnaissance ne soit, en elle-même, constitutive d’un manquement disciplinaire. » Ces principes, obligations et bonnes pratiques, le vice-président peut les rappeler non seulement aux membres du Conseil d’État, des tribunaux et des cours en exercice, « mais aussi, afin d’éviter que leur comportement affecte l’indépendance et le fonctionnement des juridictions administratives ou la dignité de leurs anciennes fonctions, aux membres honoraires des deux corps, pouvant se prévaloir de l’honorariat […] et, plus généralement, à tous les anciens membres ».
M. L. contestait en particulier la disposition de la charte qui invite les anciens membres devenus avocats à s’abstenir d’exercer leur profession devant leur ex-juridiction pendant cinq ans, durée portée à dix ans pour les anciens présidents et vice-présidents de section, présidents et présidents adjoints de chambre du Conseil d’État et présidents de cour administrative d’appel. Selon lui cette disposition était illégale car plus exigeante que l’article 25 octiès de la loi du 13 juillet 1983, qui prévoit une durée de trois ans pour les incompatibilités. Toutefois, pour le Conseil d’État, « il est dans la nature même de recommandations de bonnes pratiques telles qu’énoncées par la charte de déontologie d’appeler, dans le silence de la loi ou des règles statutaires, ceux à qui elles s’adressent à prendre toute précaution convenable, de nature à leur éviter d’éventuelles mises en cause d’ordre déontologique et à préserver, en toute hypothèse, l’indépendance, l’impartialité et le bon fonctionnement des juridictions administratives. » Et les durées préconisées ne sont pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation.
Le Syndicat de la juridiction administrative contestait, pour sa part, les recommandations relatives à l’usage des réseaux sociaux ajoutées à la charte en 2018, en invoquant le droit à la liberté d’expression des magistrats. Ces recommandations, considère la haute juridiction, « formulées à titre de bonnes pratiques, visent, s’agissant de l’expression sur les réseaux sociaux et eu égard aux caractéristiques techniques de ces modes d’expression, à assurer le respect de l’obligation de réserve à laquelle les membres de la juridiction administrative sont tenus, laquelle vise à éviter que la diffusion de leurs propos porte atteinte à la nature et à la dignité des fonctions qu’ils exercent et à garantir l’indépendance, l’impartialité et le bon fonctionnement de la juridiction administrative. Ce faisant, elles ne portent pas à la liberté d’expression une atteinte qui méconnaîtrait les exigences découlant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou celles qui résultent de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Ces recommandations « de prudence » n’interdisent pas l’expression des membres de la juridiction sur les réseaux sociaux et leur méconnaissance ne saurait en soi constituer une faute disciplinaire. « Elles visent seulement à prémunir les membres de la juridiction administrative contre le risque que des propos publiés sur les réseaux sociaux reçoivent une diffusion excédant celle qui avait été initialement envisagée par leur auteur et puissent exposer ce dernier, dans le cas où leur diffusion rejaillirait sur l’institution, à devoir répondre d’un éventuel manquement à leur obligation de réserve. Dans ces conditions, les recommandations de bonnes pratiques ainsi énoncées, destinées à garantir le respect de l’obligation de réserve sur les réseaux sociaux, ne portent pas à la liberté d’expression des membres de la juridiction administrative une atteinte disproportionnée. »
L’ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 met en place une garantie de financement pour les établissements de santé. Il s’agit de sécuriser leurs recettes pendant toute la période durant laquelle ils peuvent faire face à une baisse de l’activité programmée, notamment compte tenu de la mise en œuvre de la déprogrammation de certaines activités demandées par la puissance publique, au moment où leurs charges sont accrues du fait de leur participation à la lutte contre le covid-19. Cette garantie est instaurée pour une durée d’au moins trois mois, qui ne peut toutefois excéder un an. L’ordonnance précise que « le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement par l’établissement, notamment au titre de ses activités ». La garantie s’adresse à tous les établissements de santé mais concerne en réalité ceux dont le financement est ajusté en fonction de l’activité, c’est-à-dire tarification à l’activité pour les soins aigus, activité financée en prix de journée pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) et la psychiatrie (PSY) pour les établissements sous OQN (objectif quantifié national). La garantie constitue un plancher qui se substitue pendant la période de crise aux rémunérations liées à l’activité et pourra être complétée par les recettes d’activité correspondant à cette période, si elles excèdent le montant garanti.
L’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 bouleverse les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) car, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, elle vise à assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés et des personnes en situation de pauvreté. Elle prévoit des dérogations larges : ainsi, les ESMS peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de covid-19, « adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. » Les services d’aide à domicile peuvent intervenir auprès de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, même s’ils ne relèvent pas de leur zone d’intervention autorisée. La prise en charge peut être temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée.
Adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’ONIAM
Dans le cadre de l’indemnisation des victimes de l’amiante, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est chargé d’examiner le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et la dégradation de l’état de santé et de présenter au demandeur, si les conditions sont réunies, une offre d’indemnisation. Cette offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. Pour tenir compte du contexte lié à l’épidémie de covid-19 et à la difficulté pour le FIVA à effectuer certaines activités à distance, l’ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 le proroge de trois mois entre le 12 mars et le 12 juillet.
L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), chargé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales, assure également, dans le cadre de dispositifs spécifiques, l’indemnisation des victimes du Mediator, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence, ainsi que de contaminations liées à une transfusion sanguine. Les dispositions législatives du code de la santé publique fixent les délais dans lesquels l’ONIAM, ainsi que les différentes instances en son sein doivent statuer sur les demandes d’indemnisation et payer les offres. Compte tenu du contexte lié à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance proroge l’ensemble de ces délais, lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté, sans pouvoir excéder le 12 juillet 2020, de quatre mois.
La date du renouvellement général des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires est fixée par un décret publié au plus tard quarante jours avant le scrutin. L’ordonnance met comme condition préalable à l’organisation d’un scrutin pour le renouvellement des élus conseillers Français de l’étranger et des délégués consulaires en juin 2020 et à la tenue préalable d’une campagne électorale, la remise au Parlement d’un rapport du gouvernement au plus tard le 23 mai 2020, faisant état de la situation de l’épidémie de covid-19, des risques sanitaires dans le monde et des conséquences à en tirer.
Les mandats des élus, conseillers et délégués consulaires, sont prorogés précisément jusqu’au scrutin de juin. La date précise du nouveau scrutin reste à fixer par décret.
Sont refixés les délais légaux des échéances suivantes :
la convocation des électeurs (au plus tard 40 jours avant le scrutin) ;les nouvelles déclarations de candidatures (au plus tard 30 jours avant le scrutin) ;la délivrance du récépissé définitif de candidature par les autorités consulaires (48 heures) ;l’état des déclarations de candidatures par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire (29 jours avant le scrutin) ;l’information des électeurs (au plus tard 18 jours avant le scrutin).L’ordonnance précise également que les mandats des conseillers consulaires élus à l’assemblée des Français de l’étranger (AFE) expirent un mois après la tenue des élections consulaires, et que l’AFE peut ne se réunir qu’une fois en 2020.
Des mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale sont nécessaires pour permettre aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux de financer l’exercice leurs compétences et le maintien des services publics locaux. L’ordonnance du 25 mars intervient à plusieurs niveaux. Elle étend les pouvoirs habituels des exécutifs locaux pour engager, liquider et mandater des dépenses. Le président du conseil régional pourra ainsi octroyer directement des aides aux entreprises, dans la limite de 100 000 € par aide. Cette délégation du conseil régional durera au maximum six mois à compter de la promulgation de l’ordonnance et permettra au président d’agir sans avoir à réunir son assemblée délibérante. Les décisions concernent l’octroi des aides et, par parallélisme des formes, les décisions de récupération des aides qui seraient indûment octroyées.Enfin, cette délégation est assortie d’une obligation pour le président du conseil régional de rendre compte de son exercice devant le conseil régional et d’informer la commission permanente. Les décisions sont soumises au contrôle de légalité et au droit européen des aides d’État.
À noter également que l’ordonnance n° 2020-317 du même jour crée pour une durée de trois mois un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques dues de l’épidémie de covid-19. La présente ordonnance permet, sur la base du volontariat, aux exécutifs de toute collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale, de signer avec l’État la convention prévue à cet effet.
Report d’échéances
Plusieurs échéances budgétaires prévues par le code général des collectivités territoriales sont reportées : l’adoption du budget primitif (date limite au 31 juillet 2020 contre le 15 ou le 30 avril 2020), l’arrêt du compte administratif 2019 (limite au 31 juillet au lieu du 30 juin).
Les délais afférents à la présentation du rapport d’orientation budgétaire et à la tenue débat d’orientation budgétaire sont suspendus et pourront intervenir lors de la séance consacrée à l’adoption du budget primitif.
En matière fiscale, le vote des taux et tarif des impôts locaux est reporté au 3 juillet 2020 (taxes foncières sur le bâti et le non-bâti, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, GEMAPI, etc.). En l’absence de délibération, les taux et tarifs 2019 seront prorogés.
Souplesse budgétaire
L’ordonnance prévoit des mesures de souplesse budgétaire, même en cas de non-adoption des budgets primitifs. Les collectivités territoriales, leurs établissements et les groupements intercommunaux pourront continuer à engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des dépenses inscrites dans le budget précédent. S’agissant des dépenses imprévues, le plafond sera porté à 15 % (contre 7,5 % ou 2 % aujourd’hui) des dépenses prévisionnelles de chaque section.
Sur les fondements de l’article 38 de la Constitution et de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a adopté toute une série d’ordonnances le 25 mars 2020, dont notamment l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.
Cette ordonnance a un impact sur certains droits sociaux, en les prolongeant du fait de la situation actuelle liée à la crise sanitaire du covid-19, afin d’éviter la rupture de droits. Des répercussions sur les organismes gestionnaires sont également à relever. En voici un tour d’horizon :
• Les contrats d’assurance complémentaire en matière de santé : les contrats ouvrant droit au crédit d’impôt en cours à la date du 12 mars 2020 et expirant avant le 31 juillet 2020 sont prorogés jusqu’à cette date du 31 juillet 2020, sauf opposition de l’assuré, sans modification de conditions tarifaires et en restant éligibles au bénéfice du crédit d’impôt. En outre, les personnes dont le droit à la protection complémentaire en matière de santé arrive à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 bénéficient d’une prolongation de leur droit de trois mois à compter de sa date d’échéance.
• L’aide médicale de l’État : la première demande peut être déposée selon les modalités prévues à l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles jusqu’au 31 juillet 2020. En outre, les personnes dont le droit à l’aide médicale de l’État arrive à expiration entre le 12 mars 2020 et le 31 juillet 2020 bénéficient d’une prolongation de leur droit de trois mois à compter de sa date d’échéance.
• Les aides aux personnes handicapées : l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 s’applique notamment aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et ses compléments de ressources, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et ses compléments, de la carte mobilité inclusion, de la prestation de compensation du handicap (PCH). Les bénéficiaires de ces droits dont l’accord sur ceux-ci expire entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 ou a expiré avant le 12 mars mais sans renouvellement à cette date bénéficient d’une prolongation de la durée de cet accord d’une durée de six mois à compter de la date d’expiration de cet accord ou à compter du 12 mars s’il a expiré avant cette date. Cette prolongation est renouvelable une fois par décret, sans nouvelle décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ou, le cas échéant, du président du conseil départemental.
• Les parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ainsi que l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle : ceux arrivés à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 sont prolongés pour une période de six mois.
• La répercussion sur les organismes gestionnaires : les caisses d’allocations familiales et les organismes gestionnaires à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon procèdent à une avance sur droits pour les bénéficiaires des prestations du revenu de solidarité active (RSA), de l’AAH et de ses compléments tant qu’elles sont dans l’incapacité de procéder au réexamen des droits à ces prestations. Ces dispositions de l’article 2, II, de l’ordonnance du 25 mars 2020 sont applicables pour une durée de six mois à compter du 12 mars 2020. Le montant des prestations est réexaminé à l’issue de ce délai.
• Les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées : l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020 offre des modalités simplifiées d’organisation par la possibilité pour le président ou une ou plusieurs formation(s) restreinte(s) de prendre des décisions en principe réservées à la commission ainsi que par la possibilité de recourir à la visioconférence. En outre, le délai de deux mois pour engager le recours administratif préalable obligatoire en cas de contentieux de la sécurité sociale et de contentieux de l’admission à l’aide sociale est suspendu à compter du 12 mars 2020. Ces dispositions sont applicables jusqu’à une date fixée par arrêté ministériel, et au plus tard le 31 décembre 2020.
• Les répercussions sur les organismes de recouvrement : les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d’échéance par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSAAF), la sécurité sociale et les caisses de mutualité sociale agricole, de contrôle et du contentieux subséquent sont suspendus entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant celui de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020. À noter que la suspension des délais n’est pas applicable aux redevables qui font l’objet d’une procédure à la suite d’un constat de certaines infractions liées au travail illégal.
L’un des volets les plus controversés de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), réside dans son volet privatisation. Cette loi a, en effet, autorisé la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP ; art. 130 à 136), mais aussi celle de la Française des jeux (FDJ ; art. 137 à 139), les sommes ainsi recueillies étant destinées à être affectées à un nouveau « Fonds pour l’innovation de rupture » (art. 147 à 150). Pour justifier ces privatisations, les pouvoirs publics ont considéré que les missions prises en charge par la FDJ ou ADP devaient être exercées, dans le cadre d’une économie libéralisée, par des opérateurs privés. Si la privatisation du premier opérateur de jeux d’argent et de hasard en France qu’est FDJ a pu se réaliser sans encombre (v. l’arrêté du 20 novembre 2019 fixant le prix et les modalités d’attribution des actions de la FDJ, ainsi que les modalités définitives de l’offre, JO 21 nov. 2019, texte n° 27), l’introduction en bourse de FDJ étant même présentée comme un succès (Agence des participations de l’État, communiqué de presse, 20 nov. 2019), le processus de privatisation d’ADP s’est à l’inverse révélé beaucoup plus chaotique. On peut, au passage, se demander si, concernant la privatisation de l’opérateur aéroportuaire, la qualification de « privatisation » est la plus adéquate. Peut-être vaudrait-il mieux parler de concession de longue durée, quoique celle-ci obéisse à un régime en partie original (sur le régime de cette privatisation, v. S. Nicinski, Les privatisations dans la loi PACTE, AJDA 2019. 1261 ; v. égal. nos obs. ss Code des transports Dalloz, éd. 2020, p. 1029).
Pour que le gouvernement puisse mettre en œuvre la privatisation d’ADP, encore fallait-il au préalable que la loi PACTE – sur ce volet particulier – passe sans encombre son examen de passage devant le Conseil constitutionnel. Or c’est là que rien ne s’est pas passé comme prévu. Certes, au titre de leur contrôle de constitutionnalité, les « Sages de la rue Montpensier » n’ont pas censuré le texte, considérant qu’ADP ni ne détient de « monopole de fait » ni n’est en charge d’un « service public national » au sens du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ce qui aurait obligé l’État, dans le cas inverse, à conserver la majorité du capital d’ADP (Cons. const. 16 mai 2019, décis. n° 2019-781 DC, spéc. pts 27 s., Dalloz actualité, 22 mai 2019, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2019. 1077 ; ibid. 1560, étude M. Carpentier ; Rev. sociétés 2019. 493, obs. B. François ; RFDA 2019. 763, chron. A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2019. 364, chron. P. Esplugas-Labatut ).
Mais, de manière totalement inédite, pas moins de 248 parlementaires, de divers bords politiques et qui sont parvenus à s’allier pour la circonstance, ont déposé une proposition de loi référendaire tendant à reconnaître aux activités de la société ADP les caractères de service public national au sens de l’alinéa 9 du Préambule de 1946. Si cette proposition de loi était adoptée, elle aboutirait à faire trancher la privatisation d’ADP par la voie d’un référendum, l’espoir de ses promoteurs étant bien évidemment un vote de rejet lors de celui-ci.
C’est la toute première fois que ce mécanisme de référendum d’initiative partagée (RIP), institué par la constitutionnelle du 23 juillet 2008 sous la présidence Sarkozy, est mis en œuvre. Il doit être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, critère rempli en l’occurrence. Or le Conseil constitutionnel a déclaré cette proposition conforme aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution, tel que modifié en 2008, et par l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (Cons. const. 9 mai 2019, décis. n° 2019-1 RIP). Mais, pour être adoptée, la proposition de loi référendaire doit au surplus recueillir le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,7 millions de personnes, pendant un délai de neuf fois qui suivent la date d’ouverture du recueil des soutiens, soit le 13 juin 2019. Mais l’objectif a très vite semblé inatteignable.
D’autant que la procédure de recueil des soutiens à l’organisation de ce référendum – sous forme d’un enregistrement en ligne sur le site du ministère de l’intérieur – a été vivement critiquée pour son manque de transparence. Elle a même donné lieu à plusieurs recours devant le Conseil constitutionnel, mais chaque fois en vain (v. not. Cons. const. 10 sept. 2019, décis. n° 2019-1-1 RIP, AJDA 2019. 1726 ; ibid. 2443 , note M. Verpeaux ). Il faut dire que, pour désamorcer les critiques, le Conseil constitutionnel avait pris les devants en décidant de rendre public tous les quinze jours, par voie de communiqué, le nombre de soutiens enregistrés sur le site internet du ministère de l’intérieur consacré à la procédure de RIP, en précisant, à chaque fois, la part de ces soutiens ayant franchi avec succès le stade des vérifications administratives auxquelles il incombe au ministère de procéder (communiqués de presse des 30 juill. et 29 août 2019).
La période de recueil des soutiens a pris fin le 12 mars 2020. Le Conseil constitutionnel a constaté que la proposition de loi référendaire n’a recueilli le soutien que de 1 093 030 électeurs inscrits sur les listes électorales, sans surprise bien loin du seuil requis (Cons. const. 26 mars 2020, décis. n° 2019-1-8 RIP). La proposition de loi est de ce fait rejetée, de telle sorte qu’il n’y a désormais plus aucun obstacle juridique à ce que le gouvernement lance le processus de privatisation d’ADP. Mais il est évident que le contexte d’un passage au privé d’ADP ne s’y prête absolument pas. D’une part, parce que, même si les foules ne se sont pas mobilisées, plus un million d’opposants à la privatisation d’ADP, ce n’est pas rien. D’autre part, parce que le contexte de la crise du covid-19 interdit à l’heure actuelle toute privatisation. Cela contribuerait probablement à déstabiliser encore davantage le secteur du transport aérien déjà mis à rude épreuve par cette crise sanitaire. Cela serait également une bien mauvaise affaire financière pour l’État. N’oublions pas, en effet, que, bien que ses capitaux soient majoritairement publics, ADP est une société cotée, qui, comme chacune d’entre elles, a vu son cours de bourse s’effondrer ces derniers jours.
Est-ce à dire que le projet de privatisation d’ADP est définitivement enterré ? Pas nécessairement, puisque l’autorisation donnée au gouvernement par la loi de PACTE de privatiser ADP est sans limitation de durée. Elle pourrait même théoriquement être mise en œuvre par un gouvernement qui ne serait pas issu de l’actuelle législature. Mais une telle privatisation serait difficile à assumer d’un point de vue politique, même lorsque nous serons revenus à des jours meilleurs.
Avec une épidémie de covid-19 qui continue de s’étendre, les prisons, plus fermées que jamais, comptent leurs infectés. La Chancellerie a annoncé, vendredi 27 mars, que 21 détenus ont été testés positifs, tandis que 471 présenteraient les symptômes du virus (en confinement sanitaire). Pour se protéger, a dit la ministre, l’administration pénitentiaire dispose de 116 000 masques et d’éventuellement 100 000 masques disponibles. Cela n’a pas empêché la contamination de 50 personnels pénitentiaires (chiffres du 27 mars) et le placement en quatorzaine de 793 d’entre eux. Un surveillant, en poste à Orléans, est mort dans la nuit du 25 au 26 mars. Parmi les détenus, le premier décès remonte au 16 mars.
Le 17 mars, c’est la fermeture des parloirs : depuis, les détenus, plus que jamais, sont coupés du monde, enfermés dans leur incubateur géant. Cela peut engendrer des situations comme celle-ci, rapportée par l’Observatoire international des prisons : « Appel de la sœur de M. E…, en détention à Nîmes depuis quatre mois. Elle a des sanglots dans la voix : “Nous n’avons plus de nouvelles depuis le confinement. Je ne dors plus, je ne mange plus. Il a 24 ans, il est incarcéré pour pas grand-chose et il va avoir une petite fille au mois d’avril. Son avocat s’est vu refuser sa demande de parloir. Ce n’est pas facile du tout.” » Ou alors ce détenu, rapporte l’OIP, qui a appris l’existence de l’épidémie il y a seulement une semaine.
Si les mesures de confinement sont assez vite adoptées par les unités sanitaires, qui ont l’habitude des maladies contagieuses (la gale sévit en prison, par exemple), les impératifs de confinement et de distanciation sociale sont impossibles à mettre en œuvre, et la pression due à la surpopulation carcérale n’a jamais été aussi menaçante. Une quarantaine d’incidents et des mutineries ont éclaté depuis le début de la crise sanitaire, comme à Uzerche, Tarascon, Argentan ou au Mans, selon le Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP). Dimanche, quatorze incidents ont été signalés, et si aucun nouvel incident n’a été rapporté, la situation demeure « très fragile » et pourrait même empirer, de l’aveu d’un directeur de prison. À la suite des incidents, des condamnations ont été prononcées : cinq à Béziers, deux au Mans, une à Meaux, deux à Fleury-Mérogis, une à Nice. Vendredi, il y avait 20 déferrements en cours, 29 gardes à vue, et 107 mesures disciplinaires.
« La déception en milieu collectif peut entraîner des mutineries »
Au 1er janvier 2010, les prisons comptaient 70 651 détenus, dont 21 075 prévenus. Ils étaient 1 614 à dormir sur un matelas au sol. En maison d’arrêt, la moyenne de la surpopulation carcérale est de 138 %. Seuls 40 % des détenus disposent de cellules individuelles. Ils sont nombreux à partager 9 m2 (toilettes incluses) à deux, trois, parfois quatre détenus (dont l’un dort sur un matelas posé au sol). Dans certains établissements, comme à Agen, il existe même des dortoirs de 20 m2 prévus pour accueillir huit détenus. Ces configurations, complètement inadaptées à l’état d’urgence sanitaire, ont amené la Chancellerie, qui « n’était pas dans cette optique », comme disait Mme Belloubet, à envisager la libération de 5 000 détenus (alors que l’OIP ou la CGLPL, par exemple, appelle à la libération de 12 000 détenus – pour ramener le taux d’occupation à 100 %). Cela se fera uniquement par la voie juridictionnelle, la ministre ayant écarté l’idée de recourir au droit de grâce.
L’ordonnance portant adaptation des règles de procédures pénales prévoit notamment des mesures permettant des réductions de peines supplémentaires, la sortie anticipée de personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans ou qui ont deux mois ou moins à subir, ou encore le report de l’exécution de peines. Censées faire baisser la tension, elles pourraient cependant avoir un effet négatif. « Il risque d’y avoir des réactions de déception de ceux qui pensaient bénéficier de ces mesures mais qui ne présentent pas suffisamment de garanties », estime Jean-Michel Dejenne, conseiller national du SNDP CFDT. « La déception en milieu collectif peut entraîner des mutineries. » Un risque qui prévaut tant en maison d’arrêt qu’en centre de détention. Les personnels n’ont toujours pas de masques, gants et gel, sauf pour ceux qui s’occupent des détenus confinés. « Les agents tiennent plutôt bien et font leur travail. On attend d’avoir les moyens de les rassurer avec les équipements tels que masque et gants », relève M. Dejenne.
Sortir les détenus en fin de peine
Les sorties peuvent se faire par deux voies : les détentions provisoires et les fins de peine. La seconde option semble avoir été privilégiée par la Chancellerie (« je suis opposée à une mesure générale qui viserait à libérer toutes les personnes qui sont en détention provisoire », disait Nicole Belloubet le 26 mars à France Inter), qui exclut néanmoins des bénéficiaires de ces dispositions exceptionnelles les personnes condamnées pour des faits de nature terroriste, pour les auteurs de violences intrafamiliales ainsi que pour les auteurs des crimes les plus graves.
Au tribunal judiciaire de Créteil, « toujours en avance pour tester de nouveaux dispositifs », dit Samra Lambert, juge d’application des peines à Créteil et secrétaire générale de l’ANJAP, les magistrats ont devancé l’appel de la Chancellerie. Depuis le début de la période de crise sanitaire, ils ont systématisé les audiences « hors débat contradictoire », pour libérer au plus vite les personnes obéissant aux critères retenus. Les détenus dont la fin de peine se situe à six, voire huit mois, sont éligibles à cette procédure s’ils n’ont pas été condamnés pour des faits terroristes, de violences conjugales ou pour des crimes graves. Il leur reste à démontrer qu’ils possèdent une adresse fiable pour que le juge de l’application des peines, en accord avec le parquet et après examen individuel de chaque dossier, accorde un aménagement de peine. « J’en suis à un “hors débat” par jour, alors qu’habituellement, c’était un par mois, voire un par trimestre », rapporte Samra Lambert. Depuis une dizaine de jours, le nombre de détenus libérés de la sorte dépasse désormais les soixante-dix. Autre changement : les placements sous surveillance électronique ne sont plus en option, car la pose des bracelets a cessé (sauf cas particuliers), les personnels n’étant plus en mesure, du fait de la crise sanitaire, de venir au domicile de la personne concernée. Ce sont donc les libertés conditionnelles et les placements extérieurs (qui se font au domicile de la personne et non dans des structures dédiées) qui sont décidés, soit des aménagements plus favorables.
Pour Samra Lambert, il est important que les détenus se sachent considérés, et l’existence de ce nouveau « circuit » permet de calmer l’anxiété des détenus de l’établissement de Fresnes, le deuxième de France par sa taille, surpeuplé et parmi les plus vétustes du pays, qui est situé dans le ressort de Créteil. « Nous continuons à assurer les audiences en prison, c’est important qu’ils soient suivis. » Avant, les détenus demandaient : « et si on est confinés, vous continuerez à venir ? », explique-t-elle. La situation à Fresnes, où l’unique détenu décédé du covid-19 était incarcéré, est pour le moment assez calme.
Demandes de mise en liberté nombreuses et infructueuses
Parallèlement, les avocats fourbissent leurs demandes de mise en liberté (qu’ils ne peuvent toujours pas faire par fax ou par mail), qui s’accumulent dans les palais. Avec une audience par jour mutualisée entre les sept chambres de l’instruction, les journées sont chargées, convient-on à la cour d’appel de Paris. Soit une vingtaine de dossiers relatifs à la détention environ à examiner. « Le service est tendu, mais toutes les situations sont examinées au cas par cas, précise la procureure générale près la cour d’appel de Paris Catherine Champrenault. Et nous restons particulièrement vigilants concernant les demandes de remise en liberté des détenus les plus dangereux. »
Les juges d’instruction tirent la langue face aux très nombreuses demandes de mise en liberté. « Nous n’avons pas la capacité de faire face à cet afflux », s’inquiétait mercredi Marion Cackel, présidente de l’Association française des magistrats instructeurs. La magistrate s’interroge sur cette vague, entre demandes opportunes et inquiétudes légitimes de détenus sur la propagation du coronavirus en détention. « À Lille, on arrive encore à traiter toutes les demandes, mais avec de grosses difficultés », précisait-elle. Mais à Bobigny, on croule. Il y aurait eu lundi, selon elle, cent cinquante demandes non traitées encore en stock. À Paris, les magistrats et greffiers traitent quatre-vingts demandes par jour.
Si mercredi les juges d’instruction n’ont pas obtenu de délai supplémentaire pour traiter les demandes de mise en liberté, l’ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale desserre cependant bien l’étau dénoncé par les magistrats. Le délai imparti à la chambre de l’instruction, qui peut être saisie en l’absence de traitement, par le juge d’instruction, de la demande de mise en liberté, est en effet augmenté d’un mois. Autre point de satisfaction pour l’association française des magistrats instructeurs : le gouvernement n’a pas retenu l’option d’un envoi par courriel d’une demande de mise en liberté – les magistrats craignaient dans ce cas une nouvelle vague. « À Lille, l’afflux continue, mais cela commence à baisser dans d’autres juridictions », signale Marion Cackel.
Les avocats ont des arguments à faire valoir, mais se heurtent aux mêmes obstacles qu’en temps normal. « C’est toujours le même scénario, déplore Sylvain Cormier, avocat à Lyon. Le procureur prononce un réquisitoire de deux minutes, se bornant à réciter les critères de la détention provisoire, je plaide et, dans sa décision, le juge des libertés et de la détention, pour rejeter la mise en liberté, m’oppose des éléments qui n’ont pas été développés », déplore-t-il. « Le coronavirus vient amplifier la nécessité d’appliquer la loi », reprend Me Cormier, c’est-à-dire la nécessité de faire de la détention provisoire l’exception qu’elle devrait être. « Alors que l’on constate que les aménagements de peine, ça se passe plutôt bien, ce qui ne fonctionne pas, c’est la détention provisoire, comme d’habitude. »
Parmi les nombreuses ordonnances d’adaptation et d’urgence économique parues afin de limiter la propagation de l’épidémie, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 a habilité le gouvernement à adapter les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions administratives.
Adaptation des formations de jugement
L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 prévoit tout d’abord un certain nombre de mesures pour adapter les formations de jugement des juridictions. En cas d’empêchement ou de vacance de magistrats, l’ordonnance permet au président de juridiction de compléter les formations collégiales par un ou plusieurs magistrats en activité au sein d’une autre juridiction administrative. L’ordonnance autorise les magistrats ayant atteint le grade de conseiller et disposant d’une ancienneté minimale de deux ans, après désignation par le président de la juridiction, à prendre des ordonnances de rejet sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, décisions jusqu’ici réservées aux présidents des formations de jugement.
Aménagement de l’instruction, de l’audience et des modalités de notifications
S’agissant du déroulement de l’instruction, l’ordonnance prévoit que les pièces, actes et avis peuvent, par dérogation aux articles R. 611-1 et suivants du code de justice administrative, être communiqués aux parties « par tout moyen ».
Pour les audiences et par dérogation au principe de publicité prévu à l’article L. 6, le président de la formation de jugement peut décider que l’audience aura lieu hors la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l’audience sera limité. Cette disposition est volontairement plus large que l’article L. 731-1, qui requiert, pour décider d’une audience à huis clos, de justifier de la sauvegarde de l’ordre public ou du respect de l’intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi. L’article 7 de l’ordonnance élargit la possibilité de recourir aux audiences par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces moyens devront permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Le juge administratif sera, en tout état de cause, garant du bon déroulement des échanges ainsi que du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire des débats.
Le rapporteur public pourra, à sa demande et sur décision du président de la formation de jugement, être dispensé de conclusions dans tout type de contentieux, et non plus uniquement ceux qui sont listés à l’article R. 732-1-1.
Les juridictions pourront également statuer sans audience sur les requêtes en référé, à condition d’avoir informé les parties de l’absence d’audience et d’avoir communiqué la date de clôture d’instruction.
Enfin, les décisions pourront être notifiées par mise à disposition au greffe de la juridiction, ou par notification au seul avocat de la partie qu’il représente.
L’ensemble de ces dispositions sont applicables du 12 mars 2020 jusqu’à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.
Délais de procédure et de jugement
L’article 15 de l’ordonnance prévoit que les interruptions de délais définies par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s’appliquent aux règles de forclusion gouvernant les recours présentés devant les juridictions administratives, sauf pour les contentieux en matière de droit des étrangers, de droit électoral et d’aide juridictionnelle pour lesquels des règles spécifiques sont déclinées.
Les clôtures d’instruction dont le terme initialement fixé viendrait à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire sont automatiquement prorogées, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période.
Sauf en matière d’étrangers et d’élections, les juridictions disposent d’un délai supplémentaire pour statuer sur les requêtes : le point de départ des délais impartis est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Lire la décision du Conseil d’État
Des associations et syndicats ont demandé au Conseil d’État d’enjoindre à l’administration de fermer les CRA pour la durée de l’épidémie de covid-19. Le juge du référé-liberté doit se prononcer ce vendredi dans la journée.
Depuis le début du confinement, de nombreuses personnes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) font des demandes de mise en liberté, au motif notamment que la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19 les menace tout particulièrement, eux qui, privés de libertés et de gel hydroalcoolique, sont particulièrement vulnérables. Alors les CRA se vident. Mais certains juges de la liberté et de la détention, certains conseillers près les cours d’appel continuent de refuser ces mises en liberté et accordent à la préfecture, qui place encore des personnes en CRA (principalement des sortants de prison), la prolongation de leur délai de rétention. C’est pourquoi demeurent 160 retenus en France, dans ces centres qui peuvent en accueillir 1 900.
Ainsi, des associations, syndicats, organisations professionnelles (GISTI, ADDE, CIMADE, SAF, CNB) ont soutenu une demande de référé-liberté devant le Conseil d’État (compétent en premier et dernier ressort pour les actes réglementaires des ministres), instruit jeudi 26 mars. Ils ont demandé d’enjoindre à l’administration de fermer les centres de rétention administrative pour le temps de l’épidémie.
Les personnes restantes, disent les requérants, se trouvent toujours actuellement placées en retenue administrative malgré des conditions de retenue dégradées, voire dangereuses en raison de la propagation du virus, tant pour la santé des retenus que pour celles des fonctionnaires et des salariés d’association travaillant dans les centres de rétention. Or les conditions sanitaires dans les CRA ne protègent pas ses occupants. Il a par exemple été rapporté qu’au CRA d’Oissel (Seine-Maritime), des retenus comparaissant en visioconférence étaient entassés dans des parloirs exigus où ils patientaient avec leurs escortes, sans gants ni masque. Dans de nombreux CRA, il y a une semaine encore, le gel hydroalcoolique manquait et les retenus, encore nombreux, partageaient des chambrées de quatre ou cinq personnes, ainsi que des tablées, à la cantine encore ouverte (à Oissel notamment). Ce n’est que le 17 mars (d’après le document fourni par la représentante du ministère de l’intérieur à l’audience) qu’un protocole a été signé et mis en place, mais du fait de la configuration des lieux et de la promiscuité qui peut régner dans les CRA, le risque sanitaire demeure. « Il n’est pas acceptable de ne pas tenir pour établie la réalité d’une contamination a minima de certains membres du personnel du CRA, rendant possible et probable le risque d’une contamination généralisée des retenus », soutiennent les requérants.
Ils se fondent sur le droit à la vie et le droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants et sur une décision (CE 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Dalloz actualité, 18 nov. 2011, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ) qui considère que, « lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence ».
Plus récemment, « il a ainsi retenu que l’action ou la carence de l’autorité publique, s’agissant de la prévention de la propagation de ce virus, crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que le juge des référés pouvait, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence » (CE 22 mars 2020, Syndicat Jeunes Médecins, Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor).
Un lieu « non indispensable à la nation »
Par ailleurs, l’arrêté du 14 mars 2020 a interdit l’accueil du public dans les salles de spectacles, magasins de vente, débits de boissons, bibliothèques, salles d’exposition, établissements sportifs couverts, musées, établissements de plein air, établissements d’éveil, centres d’hébergement. Les établissements recevant le plus large public et demeurant ouverts sont les centres hospitaliers, les établissements pénitentiaires et les centres de rétention administrative.
En réalité, disent les requérants, les CRA ne sont pas « essentiels à la vie de la nation ». Le maintien des retenus dans ces centres est d’autant moins indispensable et d’autant plus inutile que « l’exécution de leur éloignement est obérée, voire rendue impossible, par le conteste actuel » : suppression des vols aériens au départ de la France, fermeture des frontières de plusieurs pays, notamment ceux du Maghreb. En réponse, le ministère informe qu’il est encore procédé à des expulsions, de une à huit par jour. En général, les personnes sont placées en quatorzaine à leur arrivée dans leur pays. En outre, il reste désormais dans les centres, presque exclusivement, des sortants de prison, dont le ministère estime que leur remise en liberté pourrait constituer un trouble à l’ordre public.
Mais pour les requérants, les CRA sont non seulement dispensables mais aussi nuisibles. Par leur fonctionnement, ils occasionnent des entrées et sorties quotidiennes, et ainsi favorisent la circulation du virus, alors même que, comme il a été rappelé, il n’est pas possible d’assurer les recommandations sanitaires satisfaisantes, faute de matériel. Et si ce matériel était fourni aux CRA, les structures hospitalières en seraient corrélativement privées, alors même qu’il est patent que les soignants en manquent, ce qui n’est pas tolérable en cette période.
Les requérants concluent : « le maintien en activité des centres de rétention contribue au développement de la pandémie, au sein des centres en question et, par suite, au sein de la société toute entière. Ainsi, le maintien en activité de ces centres n’est ni pertinent, ni nécessaire, ni proportionné au but recherché, en l’état du confinement général des populations et de la fermeture des frontières ».
La décision sera rendue ce vendredi 27 mars dans la journée.
La loi ordinaire du 23 mars 2020, examinée et adoptée en urgence par les deux chambres pour répondre à l’épidémie de covid-19, est parue au Journal officiel du 24 mars. La loi organique est, quant à elle, conformément à la Constitution, soumise à l’examen préalable du Conseil constitutionnel.
La loi ordinaire crée dans le code de la santé publique le régime de l’état d’urgence sanitaire, qu’elle prononce pour une durée de deux mois à compter du 25 mars sur l’ensemble du territoire national. L’état d’urgence sanitaire, déclaré par décret en conseil des ministres, autorise le premier ministre à prendre un ensemble de mesures restrictives de police sanitaire pour garantir la santé publique de la population (restriction de circulation, interdiction de sorties du domicile, mesures de quarantaine et de placement en isolement, fermeture provisoire des établissements recevant du public, droit de réquisition). Afin de prévenir le risque d’une atteinte excessive aux libertés publiques, la loi a prévu que ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, adapter l’organisation et le fonctionnement du dispositif de santé pour mieux répondre à la crise sanitaire.
Répondre aux situations urgentes
La loi ordinaire comporte les dispositions législatives nécessaires au report des élections municipales, ainsi qu’une série d’habilitations autorisant le gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois, les nombreuses ordonnances permettant de faire face aux conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie. Ces ordonnances, qui concernent essentiellement le droit du travail et des entreprises, devront être prises dans un délai de trois mois et pourront, si nécessaire, être assorties d’un effet rétroactif à compter du 12 mars.
En matière de droit des étrangers, la loi prévoit le prolongement de la durée de validité de l’ensemble des titres de séjour et récépissés qui expirent durant la crise sanitaire. Sur l’aspect social, elle interdit notamment aux départements de mettre fin à la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance des mineurs devenus majeurs.
Pour tirer les conséquences de la baisse d’activité au sein des ministères, la loi sécurise les prochaines ordonnances en prorogeant de quatre mois tous les délais d’habilitation fixés par le législateur.
Enfin, une loi de finances rectificative pour 2020 a été prise pour ouvrir les crédits nécessaires à la gestion de l’épidémie, pour créer le plan d’urgence de 6,25 milliards d’euros qui viendra financer le dispositif de chômage partiel et pour instaurer la garantie bancaire de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros en faveur des entreprises qui ont contracté des emprunts pour leurs besoins de trésorerie.
Le confinement précisé en exécution de l’ordonnance du Conseil d’État
Pris en application du nouveau régime d’état d’urgence sanitaire, le décret du 23 mars 2020 regroupe l’ensemble des mesures réglementaires déjà édictées et qui concernent l’encadrement des déplacements et des transports, l’interdiction des rassemblements, la liste des établissements autorisés à accueillir du public, les dispositions de contrôle des prix des solutions hydroalcooliques et le dispositif de réquisition des masques de protection.
L’article 3 du décret, qui reprend les mesures de confinement organisées depuis le 16 mars, tire les conséquences de l’ordonnance de référé rendue par la formation collégiale du Conseil d’État le 22 mars 2020 (v. Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor). En effet à cette occasion, la haute juridiction a enjoint au gouvernement, d’une part, de préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé et, d’autre part, de réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement.
S’agissant de la dérogation pour raison de santé, sont donc désormais interdits les déplacements pour des consultations ou des soins pouvant être assurés à distance, mais aussi les déplacements qui peuvent être différés. Sont donc uniquement autorisés les déplacements médicaux urgents et les déplacements des patients atteints d’une affection de longue durée.
Pour les déplacements brefs à proximité du domicile, le gouvernement a décidé de les maintenir tout en renforçant leur encadrement. Désormais, ces déplacements sont limités à une heure par jour et doivent être effectués dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile. Alors même que le Conseil d’État invitait les pouvoirs publics à restreindre le périmètre de cette autorisation compte tenu des enjeux de santé publique, le décret reconnaît, en plus des sorties liées à une activité physique et aux besoins des animaux de compagnie, le droit à la promenade « avec les seules personnes regroupées dans un même domicile », à exercer dans les mêmes conditions.
Moins d’une semaine après sa présentation en conseil des ministres, le 18 mars dernier, la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 a été publiée au Journal officiel, soit le 24 mars. La mesure emblématique contenue dans ce texte consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros (art. 6). A également été publié un arrêté qui fixe le cahier des charges des prêts éligibles à la garantie de l’État et précise les conditions d’octroi de celle-ci. Ce dispositif se veut « massif et inédit », selon les termes de Bruno Le Maire. Massif, car le montant plafond de la garantie s’élève tout de même à près de 15 % du PIB français (il reste toutefois à espérer qu’il ne sera pas utile d’utiliser cette « enveloppe » dans sa totalité). Inédit, compte tenu à la fois de la rapidité dans l’élaboration et le vote de ce dispositif et de son contenu, qui ne paraît se rattacher à aucun des instruments qui avaient jusque-là été conçus par la puissance publique dans des situations de crise (on se souvient, en particulier, que, lors de la crise financière de 2008-2009, l’État avait privilégié un instrument juridique éprouvé, notamment en faveur du secteur de l’automobile, à savoir le prêt participatif). Relevons également qu’il a une vaste portée géographique, puisqu’il s’applique, outre dans la métropole, dans les départements d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans îles Wallis et Futuna (art. 6, VIII).
Entreprises éligibles
La garantie couvre le remboursement du crédit, à la fois en principal, intérêts et accessoires (art. 6, II). Mais elle ne bénéficie pas à toutes les entreprises. Ce sont seulement les entreprises françaises, précisément les « entreprises non financières immatriculées en France », qui y sont éligibles (art. 6, I). Comme le précise l’arrêté d’application du 23 mars 2020 (art. 3), sont concernées les entreprises de toute taille, quelle que soit leur forme juridique (notamment sociétés, commerçants, artisans, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique), à l’exception des sociétés civiles immobilières, des établissements de crédit et des sociétés de financement, pourront demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’État pour soutenir leur trésorerie. Les entreprises concernées ne doivent pas faire l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation). En revanche, les entreprises faisant l’objet d’une procédure préventive de type conciliation sont éligibles à la garantie.
S’agissant des grandes entreprises, on aurait pu croire qu’elles seraient exclues du dispositif, compte tenu de la réglementation européenne sur les aides d’État (régime des aides de minimis). Il n’en est rien, mais, dans la mesure où, en ce qui les concerne, c’est le ministre qui est décisionnaire sur l’octroi de la garantie (v. infra), nul doute que celui-ci va prendre en compte l’effet anticoncurrentiel éventuel de la garantie dans sa décision de l’octroyer ou non à l’entreprise qui la sollicite.
Prêts éligibles
La garantie de l’État concerne les prêts octroyés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 (art. 6, I), c’est-à-dire pendant la période de confinement et celle qui va suivre, au cours desquelles il est fort à craindre que nombre d’entreprises sevrées de recettes auront vu leur situation financière fragilisée, de telle sorte que l’accès au crédit devrait être problématique. Ces prêts, a précisé le ministre, sont destinés à permettre « de soulager la trésorerie des entreprises et des professionnels qui subissent le choc lié à l’urgence sanitaire ». Il ne s’agit pas de crédit d’investissement, par exemple. Par ailleurs, ce mécanisme de garantie ne concerne en aucune manière les prêts qui avaient été consentis avant la date fatidique du 16 mars et pour lesquels de nombreuses entreprises auront les pires difficultés à faire face à leurs échéances de remboursement. Ce problème n’est pas mince et préoccupe, outre les entreprises concernées, tant les établissements de crédit que les pouvoirs publics. Mais sa solution – s’il y en a une – relève d’autres instruments. On pense en particulier à la prochaine réforme du droit des entreprises en difficulté qui doit être adoptée dans les trois mois par voie d’ordonnance en vertu de l’habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (art. 11, I, 1°, d) : cette ordonnance doit « [adapter] les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations »). On pense également au dispositif du médiateur du crédit aux entreprises, d’ailleurs créé à la suite de la crise de 2008-2009, mais ses moyens – qui relèvent essentiellement de la persuasion – sont extrêmement limités.
La loi de finances rectificative pour 2020 du 23 mars 2020, complétée par l’arrêté du même jour, apporte des précisions sur les prêts éligibles à la garantie (art. 6, III). Elle précise qu’ils doivent répondre à un cahier des charges défini par l’arrêté précité du 23 mars 2020. Mais la loi fournit néanmoins quelques lignes directrices. Ils doivent comporter un différé d’amortissement minimal de douze mois et une clause donnant à l’emprunteur la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle calculée en nombre d’années, selon son choix et dans la limite d’un nombre maximal d’années précisé par le même arrêté. De plus, les concours totaux apportés par l’établissement prêteur à l’entreprise concernée ne doivent pas avoir diminué, lors de l’octroi de la garantie, par rapport au niveau qui était le leur le 16 mars 2020. Pour répondre à ces exigences, l’arrêté précise que sont éligibles les prêts qui présentent l’ensemble des caractéristiques suivantes : un différé d’amortissement minimal de douze mois ; une clause donnant aux emprunteurs la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle de un, deux, trois, quatre, ou cinq ans. Dans la mesure où ces prêts pourront être remboursés sur une période allant jusqu’à six ans, ce qui est tout de même relativement long, cela devrait permettre à l’entreprise bénéficiaire d’un tel prêt de reconstituer des marges de manœuvre financières, une fois la reprise intervenue.
L’établissement prêteur doit en outre démontrer, en cas de demande de mise en jeu de la garantie, « qu’après l’octroi du prêt couvert par cette garantie, le niveau des concours qu’il détenait vis-à-vis de l’emprunteur était supérieur au niveau des concours qu’il apportait à ce dernier à la date du 16 mars 2020, corrigé des réductions intervenues entre ces deux dates et résultant de l’échéancier contractuel antérieur au 16 mars 2020 ou d’une décision de l’emprunteur » (art. 2). L’absence de diminution du montant des concours par le banquier prêteur constitue donc une condition du bénéfice de la garantie, la charge de la preuve reposant sur ce dernier lorsqu’il met en jeu la garantie. En d’autres termes, la diminution du montant des concours à la suite du 16 mars 2020 s’analyse en une cause de déchéance de la garantie. La sanction est originale, mais elle s’explique par une exigence dictée par le contexte du moment : garantir aux entreprises une stabilité dans l’accès au crédit.
Enfin, une même entreprise ne peut bénéficier de prêts couverts par la garantie de l’État pour un montant total supérieur à un certain plafond. Il est défini comme suit : pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, la masse salariale France estimée sur les deux premières années d’activité ; pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, 25 % du chiffre d’affaires 2019 constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible. Dans les cas où Bpifrance Financement SA, chargé de la gestion du dispositif de la garantie d’État (v. infra), reçoit la notification de plusieurs prêts consentis à une même entreprise, la garantie de l’État est acquise dans l’ordre chronologique d’octroi de ces prêts, et à condition que leur montant cumulé reste inférieur au plafond ci-dessus. Le contrat de prêt peut même prévoir une « clause de sauvegarde » selon laquelle son remboursement deviendrait immédiatement exigible en cas de détection, postérieurement à l’octroi du prêt, du non-respect du cahier des charges, « d’une information intentionnellement erronée à l’établissement prêteur ou à Bpifrance Financement SA » (arr. du 23 mars 2020, art. 5).
Caractéristiques de la garantie d’État
La loi de finances rectificative pour 2020 et son arrêté d’application décrivent, par ailleurs, les caractéristiques de la garantie d’État. On précisera d’emblée que rien n’est dit sur sa nature. On sait seulement que c’est une sûreté personnelle. Il est permis d’hésiter entre le cautionnement et la garantie autonome, la seconde étant évidemment plus favorable aux intérêts de la banque prêteuse. La seconde alternative semble devoir être privilégiée car le communiqué de presse du ministère de l’économie précise que « la garantie couvrira de manière automatique tous les prêts de trésorerie ». On sait également que cette garantie est exclusive de toute autre sûreté ou garantie (arr. du 23 mars 2020, art. 1er).
Il est par ailleurs précisé que la garantie ne couvre pas la totalité du prêt, mais un pourcentage de celui-ci qui dépend de la taille de l’entreprise bénéficiaire : 90 % pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, ou si elles n’ont jamais clôturé d’exercice, au 16 mars 2019, emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ; 80 % pour les autres entreprises qui, lors du dernier exercice clos, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros et inférieur à 5 milliards d’euros ; 70 % pour les autres entreprises. Le montant indemnisable, c’est-à-dire celui qui est pris en charge par la garantie de l’État, « correspond à la perte constatée, le cas échéant, postérieurement à l’exercice par l’établissement prêteur de toutes les voies de droit amiables et éventuellement judiciaires, dans la mesure où elles auront pu normalement s’exercer, et à défaut, l’assignation auprès de la juridiction compétente en vue de l’ouverture d’une procédure collective, faisant suite à un événement de crédit ». L’arrêté précise le mode de calcul à retenir dans l’hypothèse où l’entreprise fait l’objet d’une restructuration, dans un cadre judiciaire ou amiable, ou d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) (arr. du 23 mars 2020, art. 6). Par hypothèse, cette procédure collective aura été déclenchée postérieurement à l’octroi du prêt bénéficiant de la garantie de l’État, car, comme on l’a dit, une procédure sous procédure collective n’est pas éligible à la garantie.
Enfin, la garantie sera tarifée à un coût qui se veut modique et qui dépend de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt (arr. du 23 mars 2020, art. 7). Par exemple, elle s’élèvera à 0,25 % pour un prêt d’un an accordé à une PME au sens du droit de l’Union européenne (entreprises qui emploient plus de 250 salariés, ou ont un chiffre d’affaires qui excède 50 millions d’euros ou un total de bilan qui excède 43 millions d’euros) et à 0,50 % pour un prêt de même durée consenti à une entreprise de plus grande taille.
Procédure d’octroi de la garantie
Afin de « répondre à une demande potentiellement nombreuse et urgente », selon les termes de l’exposé des motifs, la garantie doit être octroyée selon une procédure qui se veut aussi simple que possible. La loi du 23 mars 2020 apporte cependant une distinction, en fonction de la taille de l’entreprise (art. 6, V). S’agissant des crédits consentis aux entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés et ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, la garantie sera octroyée sur la base d’un arrêté – individuel – du ministre chargé de l’économie. Le ministre décidera donc au cas par cas du bien-fondé de la demande de bénéficie de la garantie. Il pourra, en particulier, s’assurer que l’octroi de la garantie n’a pas pour effet de fausser la concurrence, conformément aux exigences de la législation européenne des aides d’État dont l’application n’est pas écartée en cette période de crise (TFUE, art. 107 s.).
Pour toutes les autres entreprises, en revanche, celles de plus petite taille, les crédits octroyés bénéficieront de la garantie de l’État dès lors qu’ils rempliront les conditions du cahier des charges et sur simple notification à Bpifrance Financement SA. L’arrêté du 23 mars 2020 apporte des précisions sur le formalisme auquel doit obéir cette notification : l’établissement prêteur qui souhaite faire bénéficier de la garantie de l’État l’entreprise emprunteuse est tenu de notifier « à Bpifrance Financement SA de l’octroi de ce prêt via un système unique dédié et sécurisé reposant sur un format de fichier standardisé, que met à disposition de l’établissement prêteur Bpifrance Financement SA dans le cadre d’une convention conclue entre ces derniers » (arr. du 23 mars 2020, art. 4).
Gouvernance du dispositif
La loi du 23 mars 2020 (art. 6, VI) prévoit que l’État charge la banque publique Bpifrance Financement SA, sous son contrôle, pour son compte et en son nom, de l’administration du dispositif : suivi des encours et des prêts garantis, perception des commissions de garantie, vérification, en cas d’appel de la garantie, que les conditions définies dans le cahier des charges sont remplies et paiement des sommes dues, remboursées par l’État dans des conditions fixées par une convention qu’il conclut avec le ministre chargé de l’économie. Cette mission sera assurée à titre gratuit. Comme l’a affirmé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance dans une formule imagée – qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la période de « guerre froide » –, « Bpifrance contribue au pont aérien de cash vers les entreprises ».
Par ailleurs, va être mis en place un comité de suivi, placé auprès du premier ministre, « chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19 ». L’une de ses missions – la principale à n’en pas douter – sera de suivre et d’évaluer la mise en œuvre du mécanisme de garantie qui vient d’être mis en place.
Conclusion
Le cadre juridique du « prêt garanti par l’État » est depuis ce 24 mars opérationnel. Il a été conçu, discuté, voté et, enfin, publié en un temps record. Sur le plan technique, Bpifrance est parvenue à développer en soixante-douze heures la plateforme nécessaire à la gestion la plus fluide possible de ce dispositif massif. Ce ne sont pas de minces exploits. Mais son succès dépend aussi d’autres facteurs. D’abord, que les banques soient bien au rendez-vous, car ce sont elles qui consentent des crédits et pas l’État ; ne nous y trompons pas. Les récents propos de Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française, se veulent à cet égard rassurants : « l’engagement de nos réseaux et de nos collaborateurs pour soutenir l’économie française est total. Nous répondons présents sur tous les territoires auprès de tous nos clients. […]. Les banques sont et seront là ! » Ensuite, et c’est là l’essentiel, que les entreprises soient demandeuses. Cela suppose, d’une part, que, bien qu’actuellement largement privées d’activité, elles parviennent à survivre à cette période de confinement, puis, d’autre part, une fois que le confinement aura pris fin, qu’elles se projettent avec optimisme dans l’avenir.
En novembre 2017, l’AMF a notifié à la société Arkéa Direct Bank des griefs tirés de la méconnaissance de dispositions du code monétaire et financier ainsi que du règlement général de l’Autorité. Elle a assorti la notification de ces griefs d’une proposition d’entrée en voie de composition administrative, inspirée de la procédure de composition pénale (C. mon. fin., art. L. 621-14-1). Un accord, conclu en avril 2018 entre le secrétaire général de l’AMF et la société, a été validé par le collège de l’AMF. Toutefois, par une décision du 27 juin 2018, la commission des sanctions de l’AMF a refusé d’homologuer l’accord. Le président de l’AMF et la société Arkéa Direct Bank ont saisi le Conseil d’État aux fins d’annulation de cette décision.
S’agissant de la composition administrative, celle-ci doit être homologuée par la commission des sanctions de l’AMF, qui est compétente pour prendre les décisions de sanction à l’issue des poursuites engagées par le collège. Si la commission refuse l’homologation, il lui revient « d’indiquer, même de manière succincte pour ne pas risquer de préjuger l’appréciation qu’elle portera ensuite sur le bien-fondé des griefs notifiés ou sur le quantum de la sanction éventuelle, quel est le motif qui justifie son refus ».
Pas de procédure contradictoire pour refuser d’homologuer l’accord
Selon le Conseil d’État, la décision prise par la commission des sanctions refusant l’homologation d’un accord de composition administrative validé par le collège de l’Autorité des marchés financiers « n’entre dans aucun des cas prévus par l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration auxquels est applicable une procédure contradictoire préalable. Le moyen tiré de ce que le refus attaqué aurait dû être précédé d’une procédure contradictoire doit donc être écarté ».
En revanche, la commission peut refuser d’homologuer l’accord lorsque l’affaire pose une question nouvelle et difficile qu’elle estime devoir trancher elle-même. « [Elle] peut légalement fonder son refus d’homologuer une composition administrative sur la circonstance que, eu égard aux textes applicables et aux circonstances de fait, les griefs notifiés soulèvent une question qui, par sa nouveauté et sa difficulté, justifie, au regard notamment de l’exigence de prévisibilité de l’application des normes régissant l’activité des professionnels concernés, qu’elle soit expressément tranchée à l’issue d’une procédure contradictoire menée devant la commission des sanctions. »
La commission des sanctions pourra alors, par une décision rendue à l’issue d’une procédure contradictoire devant elle plutôt que par la simple homologation d’un accord, préciser les obligations qui pèsent sur les professionnels soumis à la régulation financière afin d’en assurer la clarté et la prévisibilité. En l’espèce, le président de l’AMF et la société Arkéa Direct Bank ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision de la commission des sanctions.
La justice n’est jamais linéaire. Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, avec des règles de confinement de plus en plus strictes, notamment dans les prisons, les avocats ont fait auprès des juges d’instruction des centaines de demandes de mise en liberté pour leur client, en détention provisoire (soit 30 % de la totalité des personnes incarcérées), obligeant les juridictions au ralenti à gérer un nouvel afflux de décisions enserrées dans des délais procéduraux courts.
Le 17 mars, au nom de la situation sanitaire actuelle, était donc adressée une demande de mise en liberté en urgence d’un homme, soupçonné notamment de trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, en liaison avec la Tunisie. Il est en détention depuis quatre mois. Deux jours plus tard, la demande était rejetée. Selon le magistrat instructeur parisien, l’intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes – réitération à craindre et utilisation de fausses identités. Il faut d’abord « protéger sa personne car, au regard de la situation sanitaire du pays, sa libération, dans des conditions non maîtrisées, fait courir un risque sanitaire majeur à la population, la maison d’arrêt garantissant un minimum d’hygiène et de sécurité ». Ensuite, poursuit le magistrat, « les arguments développés dans la demande de mise en liberté doivent être écartés dans la mesure où il est purement inexact d’affirmer que le milieu carcéral ne le protège pas des risques de pandémies. En effet, cette affirmation ne repose sur aucune donnée sanitaire ni sociologique. Par ailleurs, les institutions ont entrepris des mesures de confinement adaptées. Le détenu ne souffre d’aucune maladie le mettant en danger si bien que ce seul argument est inopérant ». Enfin, il reste des interrogatoires, prévus en avril, il est impossible de le libérer.
Une aberration pour son avocat, Sébastien Schapira, qui rappelle, dans un courrier d’observation adressé au juge des libertés et de la détention, la teneur de la circulaire du 14 mars 2020 relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie covid-19 qui précise, au contraire, qu’il faut limiter au maximum le nombre de personnes détenues en différant notamment « la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement ». Et il ajoute les propos du Contrôleur général des lieux de privation, ceux de l’association des Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), de l’Observatoire international des prisons (OIP), du syndicat de la magistrature (SM) ou encore ceux du syndicat des avocats de France (SAF), qui, tous, ont alerté les pouvoirs publics sur le danger évident d’un confinement total en prison.
À l’appui également de ses observations, la décision d’un autre juge d’instruction, datant du 20 mars. Dans cette affaire, un homme en détention provisoire depuis le 11 septembre 2019 est soupçonné de fraude fiscale et de travail dissimulé. La demande de mise en liberté est ici acceptée. Le magistrat instructeur de Bobigny se fonde, lui aussi, sur la situation sanitaire mais raisonne différemment. Selon lui, « le pays est confronté à une accélération de la propagation du virus covid-19. Or, dans ce cadre, un certain nombre de mesures “barrières” sont devenues impératives, en particulier le respect d’une distance minimale d’un mètre entre chaque personne et l’obligation de se laver régulièrement les mains avec un produit idoine. De plus, le président de la République a annoncé, le 16 mars 2020, un renforcement des mesures pour éviter le contact entre les personnes, principal facteur de la diffusion du virus et la mise sous confinement de la quasi-totalité de la population. Or il apparaît clairement que les conditions de fonctionnement des établissements pénitentiaires ne permettent pas le respect de la totalité des mesures “barrières”. De plus, comme le précise la dépêche du ministre de la justice en date du 17 mars 2020, en ce qui concerne les établissements pénitentiaires, les restrictions renforcées des déplacements et regroupements dans les quinze prochains jours ne permettent plus aux intervenants extérieurs de se rendre en détention pour y assurer ou encadrer les activités (travail, formation professionnelle, activités socioculturelles et d’enseignement, etc.) et ne permettent pas non plus aux familles d’accéder aux parloirs et UVF. Si ces constatations ne doivent pas entraîner ipso facto une remise en liberté qui serait motivée exclusivement sur les risques sanitaires encourus, risques qui, au demeurant, existent également à l’extérieur des établissements pénitentiaires, elles doivent néanmoins entrer en ligne de compte au regard des motifs de maintien en détention retenus et de la gravité de l’infraction reprochée ».
Empêcher une concertation frauduleuse entre le mis en examen et ses éventuels complices ? Certes, mais tous les interrogatoires et confrontations ayant été reportés, « il apparaît impossible d’en faire supporter les conséquences » à la personne soupçonnée. Garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice ? La fermeture des frontières rend « hautement improbable » tout risque de fuite. Le détenu est libéré et placé sous contrôle judiciaire.
À Paris, il faudra attendre la décision du juge des libertés et de la détention.
En introduction de la journée, Édouard Philippe donne un long discours sur la situation et les enjeux du texte. « Je vous remercie très sincèrement de la rapidité avec laquelle vous avez fait prévaloir une forme d’union sacrée. »
Jean-Luc Mélenchon : « Nos personnes sont sacrées ! »
Rires de l’hémicycle. Philippe : « Dans cette heure grave, faire sourire ses collègues n’est jamais inutile. » Ce sera une des seules pointes d’humour de la journée, empreinte de gravité.
« Pour BFM TV, ce sera génial ! »
L’après-midi, les députés démarrent leur travail : étudier le texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les députés d’opposition soulèvent plusieurs failles, sur la publicité des avis scientifiques ou le contrôle parlementaire. À plusieurs reprises, leurs interpellations aboutissent : le gouvernement voit la difficulté, la séance est suspendue et, vingt minutes, plus tard la séance reprend avec un amendement de compromis, rédigé au banc.
En fin d’après-midi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, porte un amendement de dernière minute sur les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. Le texte initial prévoyait une contravention de quatrième classe (135 €) en cas de non-respect des obligations. Depuis, les personnes refusant le confinement sont devenues un sujet médiatique, et donc politique. « Pour assurer la réalité de ce confinement et pour dissuader les personnes qui ne le respecteraient pas, nous proposons de transformer cette amende en un délit, puni d’une peine de prison, pour qu’il y ait un véritable effet dissuasif et, par là même, un effet préventif. »
L’idée de traîner en comparution immédiate une personne qui serait sortie deux fois hors de chez elle, en ces temps d’émeutes carcérales, gêne considérablement les députés. Ni le principe de légalité des délits ni celui de proportionnalité des peines ne sont respectés. La rapporteure du texte se contente d’un mot, « favorable », et les députés En Marche et Modem se taisent. En langage parlementaire, pour exprimer son désaccord envers le gouvernement, un député de la majorité se tait.
En chœur, l’opposition souligne les failles de ce projet. Du PCF à LR, tous trouvent l’idée excessive. Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir : « Là, on a un effet d’affichage : pour BFM TV, ce sera génial ! Je suis pour la répression, à condition qu’elle soit effective, car là on est surtout dans la com. »
« Une fois n’est pas coutume », Danièle Obono (FI) va dans le sens de ses collègues : « On réagit, on surréagit, en pensant qu’il suffira d’une annonce au 20 heures pour régler les choses. D’un point de vue pédagogique, c’est disproportionné et contre-productif. Et nos prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont surpeuplées. » La rapporteure Marie Guévenoux prend enfin la parole : « Je vais dans le même sens que l’ensemble des orateurs pour proposer une suspension. Je pense qu’il faut qu’on réussisse à trouver ensemble une solution. »
La séance est suspendue, afin de trouver une rédaction de compromis. Celle-ci est trouvée une heure après. La récidive sera punie d’une contravention de cinquième classe (1 500 €). Ce n’est qu’au quatrième constat que l’infraction sera passible d’une peine de prison. L’amendement pose encore problème (légalité du délit, contrôle de la récidive) mais il est plus acceptable. Et le gouvernement a son signal fort.
« Une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles »
À 3h20 du matin, les députés commencent l’étude du projet de loi organique qui n’est composé que d’un article : celui-ci suspend les délais d’examen de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Comme de nombreuses autres institutions, le Conseil constitutionnel est bloqué : pour la première fois, la semaine dernière, il n’a pas pu répondre à une QPC.
Jean-Christophe Lagarde soulève une faille : « Nous venons de voter une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles, attentant à un certain nombre de choses proprement exceptionnelles. Je ne demande qu’une chose : que ce que nous venons de voter ne soit pas exonéré d’un contrôle de constitutionnalité, parce qu’on aurait prolongé les délais des QPC. »
Christophe Castaner : « Si on prévoyait la possibilité pour l’ensemble de ce qui vient d’être voté de faire l’objet de recours et de QPC, ce serait organiser notre propre incapacité de mettre en œuvre dans l’urgence les mesures dont nous parlons. »
L’amendement est rejeté. Mais parce que c’est un texte organique, le Conseil constitutionnel étudiera obligatoirement cet article, qui suspend son action. Il pourrait aussi soulever un autre problème : l’article 46 de la Constitution prévoit que, même en urgence, un projet de loi organique ne peut être étudié par le Parlement moins de quinze jours après son dépôt. Supportera-t-il aussi bien l’urgence que le Parlement ?
Les mesures adoptées définitivement par la CMP
Dimanche, députés et sénateurs se sont réunis pour trouver un compromis. Après une longue réunion, ils se sont entendus sur un texte, qui a été adopté définitivement dès dimanche soir. Parmi les évolutions :
• sur l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a imposé une liste plus limitative que ce que souhaitait le gouvernement. Les mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus. Elles pourront être contestées en référé. Le contrôle parlementaire sera limité à l’état d’urgence (et non à toute la loi) ;
• sur les ordonnances, le gouvernement a fait le choix de renvoyer celles sur les congés au dialogue social. L’employeur aura plus de latitude sur les jours de RTT ;
• pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’application de la carence en cas d’arrêt de travail est suspendue, pour l’ensemble des régimes ;
• la carence de trois mois des expatriés revenant en France pour l’affiliation à l’assurance maladie et maternité est suspendue ;
• pour les communes où il faut un second tour des élections municipales, un rapport rendu le 23 mai établira si le scrutin peut avoir lieu le 21 juin. Dans ce cas, les listes devront être déposées le 2 juin. Les exécutifs municipaux et communautaires qui exerceraient avant les élections resteront en fonction jusqu’à ce que la situation sanitaire permette de réunir les nouveaux conseils.
Sur ce projet de loi, lire également :
• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020
• Les députés s’embourbent malgré l’urgence, par Pierre Januel le 21 mars 2020
Le Conseil d’État rejette la demande de confinement total et enjoint au gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions.
Il appartient aux autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie.
Si un confinement total de la population dans certaines zones peut être envisagé, les mesures demandées au plan national ne peuvent, s’agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l’ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l’administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l’acheminement des matériels indispensables à cette protection.
En l’état actuel de l’épidémie, si l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une carence, celle-ci est toutefois susceptible d’être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné.
Il est enjoint au premier ministre et au ministre de la santé de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :
préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;
évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.
L’audience devant le Conseil d’État a eu lieu dimanche 22 mars, dans la matinée. Voici le récit d’audience.
L’atmosphère était plus étrange que solennelle ce dimanche 22 mars place du Palais-Royal. La salle du contentieux, qui connaît des affaires les plus complexes examinées par la haute juridiction administrative, où se pressent le plus souvent étudiants et universitaires, était cette fois réservée à une dizaine de journalistes, chacun accueilli à l’entrée puis accompagné et placé dans la salle en respectant le fameux mètre de « distanciation sociale ».
Le covid-19 est dans la tête de chacun mais aussi dans le prétoire puisque c’est de lui dont il s’agit. Le syndicat Jeunes Médecin a demandé au juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé, au titre de leurs pouvoirs réglementaires, de prononcer un confinement total de la population par la mise en place de mesures visant à l’interdiction de sortir de son lieu de confinement (sauf autorisation délivrée par un médecin pour motif médical), l’arrêt des transports en commun, l’arrêt des activités professionnelles non vitales (autres qu’alimentaire, eau et énergie, domaines régaliens) et enfin la mise en place d’un ravitaillement de la population dans des conditions sanitaires visant à assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement. Une requête visant donc à appliquer à la France le confinement tel que l’avait imposé la Chine à ses concitoyens.
La formation de jugement est composée de trois magistrats, Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d’État, Nicolas Boulouis, président de la deuxième chambre et Christophe Chantepy, président de la troisième chambre. Pour la première fois, elle expérimente aussi une partie de l’audience en visioconférence.
Le président Combrexelle ouvre la séance en exposant cette situation particulière : « en dépit de la crise sanitaire, la justice est une institution de la République et il est impératif qu’une telle audience puisse avoir lieu ». Puis il expose l’enjeu : le gouvernement a pris, le 16 mars, un décret qui vise à organiser le confinement de la population avec des dérogations. Mais il lui est reproché de ne pas être allé assez loin. Le débat sera alors juridique et scientifique. La requête portée par le syndicat Jeunes Médecins demande au Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de prendre des mesures plus sévères de confinement.
« Vous pouvez sauver des vies »
Le président de Jeunes Médecins, Emanuel Loeb, est en visio. Son avocat, Me Petetin aussi. Partie intervenante, l’Intersyndicale nationale des internes est en visio également tandis que le Conseil national de l’ordre des médecins est représenté par Me Poupot, présent dans la salle. Pour Me Petetin, la procédure de référé-liberté est justifiée par une situation d’urgence et la mise en danger d’une liberté fondamentale : le droit à la vie. Face à une pandémie vertigineuse, le gouvernement ne prendrait pas les mesures suffisantes pour la sécurité des concitoyens. Le syndicat réclame des mesures radicales afin que le gouvernement ne soit plus dans une logique de réaction – où il subit la situation – mais passe à l’action. À commencer par la suppression de l’exception qui autorise les déplacements hors du domicile pour pratiquer une activité physique. Ces mesures sont très mal comprises et appliquées à la légère par les Français.
Le syndicat souhaite aussi la mise en place d’un couvre-feu généralisé sur l’ensemble du territoire, l’arrêt drastique des transports en commun ainsi que la fermeture immédiate des marchés ouverts.
« Ma conviction est que vous pouvez sauver des vies grâce au référé-liberté en aidant le gouvernement à prendre la bonne décision et à le faire vite, car chaque jour perdu, ce sont des vies perdues », a lancé Me Poupot, représentant le Conseil national de l’ordre des médecins, partie intervenante.
« Personne ne sait faire un ravitaillement d’État »
Lorsque le directeur des affaires juridiques des ministères sociaux, Charles Touboul, prend la parole, il prononcera plusieurs fois l’expression « à ce stade », martelant que les prises de décision du gouvernement évoluent constamment.
Aussi, à ce stade, le choix du gouvernement est de maintenir un minimum de disponibilité de transport collectif. Le but étant de permettre le maintien d’un service public pour les personnels soignants mais aussi pour ceux qui doivent encore se rendre au travail. Sur le confinement de la population qui impliquerait un système de ravitaillement d’État, Charles Touboul est clair : « Personne ne sait faire un ravitaillement d’État, à moins de plusieurs semaines. Il y a des risques logistiques considérables. L’État n’est pas en mesure de faire mieux que les entreprises de distribution qui s’adaptent aux demandes massives des citoyens en organisant des drive et des livraisons à domicile. » Et, pour lutter contre la crise actuelle, l’État concentre ses efforts sur la logistique des masques, des tests et de la réanimation. Nicolas Boulouis demande au syndicat requérant s’il a envisagé les conséquences négatives de l’organisation d’un système de ravitaillement d’État. Il y aura des personnes isolées et des personnes fragiles qui ne pourront pas être ravitaillées. Un brin consterné, Me Petetin reconnaît qu’il est sûrement plus facile d’organiser ce type de ravitaillement dans un État autoritaire plutôt qu’un État démocratique, mais il faut sauver des vies.
« Un confinement total n’est pas sans impact sur la santé mentale »
À l’audience, le gouvernement est assisté de William Dab, ancien directeur général de la santé. Ce dernier estime que les décisions de santé publique sont confrontées à une double menace : en faire trop ou pas assez. Mais, pour lui, il est trop tôt pour dire qu’un niveau supplémentaire de privation de liberté permettrait une meilleure maîtrise des risques. Et il est nécessaire de raisonner en termes de bénéfices-risques : un confinement total n’est pas sans impact sur la santé mentale de la population, sur le niveau de dépression. Et toute suppression de dérogations doit être pensée en termes d’acceptabilité. Le modèle chinois ne peut pas se résumer à un confinement total, il y a eu des dépistages et des traçages agressifs et il y a eu une énorme campagne épidémiologique… Une logistique irréalisable actuellement en France. Aujourd’hui, c’est le respect de la distanciation physique et l’hygiène des mains qui est la clé de la réussite du non-confinement total.
Lorsqu’Emmanuel Loeb, président du syndicat Jeunes Médecins, prend la parole, ce dernier replace le débat sur le surmenage des soignants, la rupture de traitements anesthésiants et anti-infectieux. « Nous ne prenons pas la mesure du drame humain qui est en train de se dérouler », estime Justin Breysse, président de l’Intersyndicale nationale des internes, lorsqu’il expose les problèmes à venir de saturation des réanimations et des morts dans le personnel hospitalier.
À l’issue de l’audience de référé, le président Combrexelle a déclaré vouloir rendre son ordonnance dans la journée. Se pose ainsi la question de rendre plus drastiques les interdictions de déplacement, l’arrêt des activités accueillant du public. Est-il possible de faire une cartographie de ce qui est essentiel à la vie du pays ? Et – question classique de police administrative, héritée de la jurisprudence Benjamin – quel équilibre trouver entre ordre public – de santé – et liberté individuelle.
« Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. »
Pour ce débat, l’Assemblée a tenté de concilier pluralisme et fait majoritaire : chaque groupe, quelle que soit sa taille, est représenté par trois membres, mais les chefs de file portent donc les pouvoirs du groupe. En Marche ! gardera donc la majorité. L’objectif est d’étudier le texte en commission dans la journée et de faire le débat en hémicycle pendant la nuit.
En introduction, la rapporteure LREM Marie Guévenoux veut rassurer : « Avec le Sénat, nous nous entendons sur l’essentiel. Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. » Et d’expliquer qu’en amont, de nombreux échanges ont eu lieu avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Philippe Bas, son homologue du Sénat. Pour accélérer les choses, « certains amendements votés par le Sénat ont été introduits sur les souhaits de l’Assemblée. Mais nous avons quelques dissonances qui persistent sur le texte ».
Hier, le Sénat a en effet adopté le texte avec deux gros cailloux pour le gouvernement. Il a précisé les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire et souhaité accélérer le dépôt des listes pour les élections municipales. La rapporteure Marie Guévenoux n’a posé que des amendements sur le second point. Qui enflamme les députés.
Dans les communes où il y aura un second tour, celui-ci serait repoussé en juin, si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, le premier tour serait annulé. Le point qui occupe tout le monde est : « Jusqu’à quand doit-on déposer les listes ? » Députés LR, PS, PCF tiennent absolument à ce qu’il ait lieu fin mars, comme le souhaite le Sénat, pour figer les choses. En face, LREM, FI et RN s’y opposent : dans la période, il est illusoire que des négociations d’entre deux-tours aient lieu, d’autant qu’on ne sait pas si ce second tour se tiendra.
La députée écologiste Delphine Batho s’exaspère : « C’est surréaliste. Nos débats tournent autour d’une chose : la date du dépôt, ou pas, du second tour des municipales. On se pince. On n’a pas de masques. On n’a pas de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, mais vraiment, ce qui mobilise les politiques, c’est la date de dépôt des listes. » La présidente Braun-Pivet tente d’accélérer : « Vous ne pouvez pas prendre et reprendre la parole en parlant quatre minutes à chaque fois, tout en disant qu’il faut moins de ce sujet. Je ne veux priver personne de prise de parole, mais j’en appelle à la responsabilité de chacun. »
« C’est un vrai sujet »
Dans la Ve République, le président préside, le gouvernement gouverne et le Parlement parle. Hier, l’Assemblée a sombré dans cette caricature. À 17h30, les députés n’ont toujours pas commencé avec le cœur du texte : l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances. Avec jusqu’à dix-sept prises de parole pour un amendement.
Le problème est profond. Depuis 2017, l’Assemblée n’arrive plus à légiférer vite. Et ce quelle que soit la commission. Une partie de l’opposition ne joue pas le jeu parlementaire et souhaite imposer ses sujets plutôt qu’amender les textes. Le tout dans un climat de forte défiance vis-à-vis de la majorité et du gouvernement, toujours soupçonnés de mentir ou de vouloir attaquer à la démocratie. Même si l’opposition n’a jamais eu autant de temps.
Dans le passé, le Parlement a montré sa capacité à adopter en trente-six heures des textes majeurs, dictés par la crise. Hier, cent vingt amendements ont été déposés, chaque député venant avec un « vrai sujet » (cette crise n’en manque pas) mais des débats parfois vains. La commission a ainsi débattu de détails sur les ordonnances, alors même que le gouvernement ne sera présent qu’en séance.
Le député communiste Stéphane Peu se plaint : « la difficulté dans nos débats est de faire accepter à la majorité des amendements qui ne proviennent pas d’elle. Tout le monde joue le jeu de l’union nationale et vous refusez systématiquement tous nos amendements. » Au final, quatorze amendements auront été adoptés. Sept de la majorité, sept de l’opposition, souvent sans portée. Le débat en séance est repoussé à samedi.
Le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017, permet au juge qui constate qu’un vice entraînant l’illégalité de l’autorisation est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.
La faculté ouverte par ces dispositions, juge le Conseil d’État, « relève de l’exercice d’un pouvoir propre du juge, qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu’il n’est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables ».
Le vice qui, dans l’affaire soumise au Conseil d’État, avait conduit la cour administrative d’appel de Bordeaux à annuler l’autorisation, délivrée le 6 décembre 2010 par le préfet de Charente-Maritime, au titre de la législation pour les installations classées, pour exploiter une unité de production de ciment, portait sur la composition du dossier de demande d’autorisation. À l’époque, ce dossier devait mentionner les « capacités techniques et financières de l’exploitant ». En l’espèce, la société pétitionnaire s’était bornée, sur le plan financier, à indiquer son capital social et le fait qu’elle était une filiale à 100 % de la société Holcim France, dont elle avait précisé le chiffre d’affaires et le résultat net sur les trois dernières années. C’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a pu juger qu’« en indiquant que la société Ciments de La Rochelle était une filiale de la société Holcim France, sans préciser s’il existait un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille, le dossier de demande ne pouvait être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités dont la société Ciments de La Rochelle était effectivement en mesure de disposer et que cette insuffisance avait été de nature à nuire à l’information complète du public ».
À l’occasion d’un litige portant sur une autorisation préfectorale d’exploiter une centrale hydroélectrique, le Conseil d’État a été amené à déterminer l’applicabilité du SAGE avant d’examiner l’appréciation portée par la cour administrative d’appel sur la compatibilité de l’arrêté en cause avec celui-ci, exigée par l’article L. 212-5-2 du code de l’environnement. En effet, approuvé conformément au I de l’article L. 212-10 du même code, le SAGE n’avait pas été complété par un règlement comme le prévoit le II du même article.
La haute juridiction estime que « les dispositions de l’article L. 212-10 du code de l’environnement ont pour objet de permettre, dans les conditions et limites qu’elles prévoient, que les SAGE déjà approuvés ou en cours d’élaboration lors de la promulgation de la loi du 30 décembre 2006 relèvent du régime prévu par cette loi pour les futurs SAGE. Il ne résulte ni des dispositions du II de l’article L. 212-10 ni d’aucune autre disposition qu’un SAGE approuvé conformément au I de cet article et constituant dès lors un PAGD cesserait d’être applicable faute d’avoir été complété, dans le délai prévu au II du même article, par l’adoption d’un règlement ». Le SAGE valant PAGD demeurait donc, en l’espèce, opposable à l’arrêté litigieux.
À l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir formé par la société Hasbro European Trading BV (HET BV) tendant à l’annulation de plusieurs paragraphes de commentaires administratifs de l’administration fiscale publiés les 12 septembre 2012 et 7 août 2019 au Bulletin officiel des finances publiques – impôts (BOFiP-impôts), le Conseil d’État module dans le temps l’application d’un revirement de jurisprudence concernant le délai de forclusion applicable.
Il a ainsi distingué selon que les commentaires ont été publiés entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et à compter du 1er janvier 2019, les dispositions législatives et réglementaires applicables se différenciant sur ces deux périodes.
Deux règles jurisprudentielles ont été dégagées par le juge à l’issue de l’examen de ces dispositions quant au point de départ du délai de recours pour excès de pouvoir d’un contribuable contre des commentaires valablement publiés et prescrivant l’interprétation d’une loi fiscale. Le délai de recours commence à courir, pour les commentaires qui ont été insérés au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, au jour de cette mise en ligne, et pour ceux qui ont été mis en ligne sur le site « bofip.impots.gouv.fr » à compter du 1er janvier 2019, également au jour de cette mise en ligne.
Rappelant la jurisprudence constante selon laquelle « il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l’ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours » (CE, ass., 16 juil. 2007, n° 291545, Société Tropic travaux signalisation, Lebon avec les concl. ; AJDA 2007. 1577 , chron. F. Lenica et J. Boucher ; ibid. 1497, tribune S. Braconnier ; ibid. 1777, tribune J.-M. Woehrling ; D. 2007. 2500 , note D. Capitant ; RDI 2007. 429, obs. J.-D. Dreyfus ; ibid. 2008. 42, obs. R. Noguellou ; ibid. 2009. 246, obs. R. Noguellou ; RFDA 2007. 696, concl. D. Casas ; ibid. 917, étude F. Moderne ; ibid. 923, note D. Pouyaud ; ibid. 935, étude M. Canedo-Paris ; RTD civ. 2007. 531, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. Kovar ), la Haute juridiction estime que « la règle de forclusion [concernant la première période] revient sur une jurisprudence constante et, dans cette mesure, est de nature à porter atteinte au droit au recours. Elle ne saurait, par conséquent, fonder le rejet pour irrecevabilité d’un recours formé contre un commentaire publié entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de lecture de la présente décision ». Aucune règle de forclusion ne s’appliquant aux recours formés préalablement à cette décision contre de tels commentaires, celui formé par la société HET BV contre les commentaires publiés le 12 septembre 2012 était donc recevable.
Quant aux commentaires publiés à compter du 1er janvier 2019, « la règle de forclusion […] qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales et réglementaires antérieures aux commentaires administratifs à l’égard desquels elle s’applique, et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application à tout litige intéressant des commentaires administratifs mis en ligne, dans les conditions décrites plus haut, à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date à laquelle il en est saisi ». En l’occurrence, la requête contre les commentaires administratifs publiés le 7 août 2019 ayant été déposée le 28 octobre 2019 n’était pas tardive. Les conclusions de la société sont cependant rejetées sur le fond.
Les projets de loi simple et organique d’urgence pour faire face à l’épidémie seront débattus aujourd’hui au Sénat, pendant que l’Assemblée étudiera le projet de loi de finance rectificative. Demain, les choses seront inversées. L’objectif étant d’adopter des textes conformes, les textes ne devraient plus évoluer après ce soir.
Adapter les règles des justices administrative et judiciaire
L’article 7 du projet de loi simple prévoit qu’afin de faire face aux conséquences de la propagation du virus, le gouvernement pourra prendre différentes ordonnances, qui devront être adoptées dans les trois mois. Ces mesures seront provisoires.
Une ordonnance permettra d’adapter, interrompre, suspendre ou reporter les différents délais imposés par la législation, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures d’interruption seront applicables à partir du 12 mars et ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures administratives prises pour ralentir le virus.
Une autre ordonnance permettra d’adapter les règles des justices administrative et judiciaire, dans le seul but de limiter la propagation du virus. Sont visées les règles de compétences territoriales, de formation de jugement, de délais de procédure et de jugement, de publicité et tenues des audiences, de recours à la visio-conférence et les modalités de saisine.
Par ailleurs, l’organisation du contradictoire devant les juridictions autres que pénales pourra être aménagée. Comme le précise le Conseil d’État, « ces adaptations ne pourront porter atteinte à la substance même des différentes garanties constitutionnelles ou conventionnelles qui régissent la conduite du procès ».
Toujours pour limiter les contacts physiques, l’alinéa suivant prévoit de modifier les règles relatives au déroulement de la garde à vue, pour permettre l’intervention à distance des avocats et la prolongation sans présentation devant un magistrat. Le déroulement et la durée des détentions provisoires et assignations à résidence sous surveillance électronique, seront également modifiés pour allonger les délais d’audiencement (trois mois en première instance, six mois en appel) et permettre une prolongation par une procédure écrite.
Enfin, les règles d’affectation des détenus devraient être assouplies, tout comme les modalités d’exécution des fins de peine, ainsi que, pour les mineurs, les mesures de placement et autres mesures éducatives.
À noter, le projet de loi organique prévoit de suspendre jusqu’au 30 juin les délais des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), que ce soit l’étude des QPC par le Conseil constitutionnel ou leur transmission par le Conseil d’État ou la Cour de cassation.
Par ailleurs, les mandats des conseillers prud’hommes devraient être prolongés.
En droit des étrangers, une ordonnance spéciale devrait aussi allonger, jusqu’à 6 mois, les durées des différents titres de séjour et récépissés qui devaient expirer entre le 16 mars et le 15 mai.
Enfin, les délais applicables aux habilitations à légiférer par ordonnances prises par les précédents textes seront tous prolongées de quatre mois.
Le ministre de l’Intérieur avait annoncé, dès la soirée du 16 mars, l’intention du gouvernement d’instaurer une contravention pour les personnes qui ne respecteraient pas les règles relatives au confinement de la population.
Conformément à l’article R. 610-1 du code pénal qui permet de déterminer des contraventions par décret en Conseil d’État, le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 a ainsi créé une contravention de la 4e classe en cas de violation des interdictions ou en cas de manquement aux obligations édictées par le décret du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements, ainsi qu’en cas de méconnaissance des mesures, notamment préfectorales, prises sur son fondement.
Pour rappel, le décret du 16 mars 2020 a, conformément aux récentes annonces présidentielles, interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile jusqu’au 31 mars 2020 afin de lutter contre la propagation du virus. Plusieurs exceptions ont été fixées, pour lesquelles il est impératif de se munir d’une attestation écrite et signée, sur la base d’un modèle fourni par le gouvernement (Dalloz actualité, 18 mars 2020, art. T. Bigot).
Le montant de l’amende forfaitaire pour violation de ces règles, dont le paiement éteint l’action publique conformément au code de procédure pénale, s’élève à 135 €. L’amende forfaitaire majorée s’élève quant à elle à 375 €.
Report du second tour des élections municipales
Par cohérence avec les nouvelles mesures de restriction, le second tour des élections municipales, communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon prévu le 22 mars 2020 a été reporté par un décret du 17 mars.
Le décret se contente d’abroger en urgence la disposition réglementaire qui prévoyait la date d’organisation du second tour des élections, sans régler le sort des questions juridiques qui seront susceptibles de se poser localement. En effet, le code électoral prévoit normalement, à son article L. 227, l’obligation d’élire les conseillers municipaux dans le courant du mois de mars.
Les villes dans lesquelles les élections ont été remportées dès le premier tour dimanche dernier devront réunir rapidement le premier conseil municipal, à qui il appartiendra d’élire le maire et ses adjoints. L’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales faisant obligation de tenir la première réunion entre ce vendredi et ce dimanche. À charge pour les municipalités d’identifier et de mettre en place les moyens permettant de concilier cette réunion avec les mesures sanitaires et les restrictions en vigueur.
Nouvelles modalités de distribution de certains médicaments
Un nouvel arrêté publié le 18 mars est venu compléter l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.
Au nombre des modifications apportées figure notamment la mise en place d’un rationnement du paracétamol. Afin de prévenir une consommation excessive de paracétamol, sa distribution en pharmacie est limitée jusqu’au 31 mai 2020 à deux boîtes par patients qui déclarent présenter des symptômes, et d’une boîte dans les autres cas. La vente par internet des spécialités composées exclusivement de paracétamol, d’ibuprofène et d’aspirine est totalement suspendue.
Eu égard à la forte mobilisation du personnel soignant en cette période de crise, le risque d’indisponibilité des médecins pour renouveler les ordonnances avait conduit le ministère chargé de la santé à autoriser les pharmacies d’officines à dispenser, dans le cadre de la posologie initialement prévue et lorsque la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est expirée, une certaine quantité de médicaments. Cette possibilité a été encadrée : les boîtes de médicaments ainsi délivrées ne peuvent pas excéder des périodes supérieures à un mois renouvelables.
Afin d’assurer la bonne prise en charge des patients, l’arrêté autorise la mobilisation des moyens de l’armée pour transporter tout patient vers un autre établissement.
Au premier jour du confinement sanitaire, mardi 17 mars, la cour d’appel de Rouen inaugurait la visioconférence pour le contentieux des libertés en droit des étrangers, qui fait partie des contentieux d’urgence maintenus en cette période de pandémie. Les avocats habituellement organisés en « défense massive », décident « au vu des circonstances », dit Me Vincent Souty, de n’y aller qu’à deux, avec Me Cécile Madeline. Première audience vidéo : un Soudanais apparaît à l’écran, dans une minuscule salle de type salle d’entretien avec avocat, entouré de près par deux fonctionnaires de police. Il ne parle pas français, le seul interprète disponible ne peut intervenir qu’au téléphone, qu’on place sous la vidéo, en haut-parleur, pour une « conf’call » judiciaire inédite. Le retenu suivant est arrivé menotté, en contact physique étroit avec les fonctionnaires qui Cl’escortent. « Ni les retenus, ni les fonctionnaires ne portaient de masques. Le policier avait même posé sa main sur le bras du retenu », rapporte Vincent Souty. « Le gouvernement demande à tout le monde de se confiner, et au centre de rétention administrative (CRA), ils se font des papouilles ! » ironise-t-il. « À un moment, on voyait quatre policiers et le retenu dans un tout petit espace », témoigne Cécile Madeline.
Devant le juge des libertés et de la détention (JLD), les avocats ont déploré que « le préfet ait pris le risque sanitaire de placer M. (un ressortissant Algérien) en rétention, alors qu’il y a de forts risques de contamination au centre de Oissel », est-il écrit sur l’ordonnance. Puis, ils listent : au centre de rétention administrative de Oissel en Seine-Maritime (76), d’où ces retenus comparaissent, les occupants – ceux qui restent – sont livrés à eux-mêmes, sans consigne ni matériel. Les retenus dorment à six par chambre et se déplacent à leur gré à l’intérieur du centre. Les personnels de nettoyage et les associations qui offrent une assistance juridique aux personnes retenus ont exercé leur droit de retrait, mais la cantine fonctionne ; ainsi, tout le monde peut se réunir à table, dans le réfectoire du CRA. Ni les fonctionnaires de police, ni les retenus ni disposent de masque ou de gel hydroalcoolique, et les quantités de savon disponibles n’ont pas été augmentées. Ils ne disposent d’aucun mouchoir jetable, mais pour occuper les retenus, un baby-foot (qui n’est pas le divertissement idéal pour freiner la propagation d’un virus) a été mis à leur disposition.
Interrogé sur le manque de matériel, le ministère de l’Intérieur affirme que « les personnels policiers intervenant dans les CRA ont reçu en dotation des équipements de protection appropriés ». Mais le fait même que des ordonnances de prolongation de rétention et des appels de la préfecture soient intervenus ce week-end encore, interroge sur la stratégie adoptée en temps de crise, alors que l’administration, malgré le matériel qu’elle dit avoir mis à la disposition des fonctionnaires de Police, ne semble pas être à même de faire respecter les règles sanitaires indispensables à la limitation de la propagation du virus. Dans un communiqué commun, les organisations membres de l’observatoire de l’enfermement des étrangers, dont le syndicat de la magistrature, estiment que « leur [les retenus] libération immédiate est une exigence absolue, tant juridique que sanitaire ».
Sur ce point, le ministère de l’Intérieur explique que « seuls les étrangers en situation irrégulière qui ne présentent pas de symptômes évocateurs d’une infection par le covid-19 peuvent faire l’objet d’une procédure de placement en centre de rétention administrative (CRA). » Cette directive, en vigueur depuis mardi 17 mars, précise que « si lors de sa rétention, un étranger présente les symptômes évocateurs de l’infection par le covid-19, il est immédiatement placé en isolement dans une chambre simple et fait l’objet d’une évaluation médicale conduite par le médecin de l’unité médicale du CRA dans les meilleurs délais ».
Enfin, « si l’évaluation médicale conclut à une infection par le covid-19, la rétention est immédiatement levée de la rétention et se traduit soit par une assignation à résidence (s’il dispose d’un hébergement), soit par une prise en charge médicale. »
Le juge de la cour d’appel de Rouen a infirmé l’ordonnance de prolongation de rétention rendue le 14 mars. « Il apparaît en l’espèce que les consignes de sécurité, les mesures barrière recommandées pour lutter contre l’épidémie de coronavirus ne sont pas suffisamment respectées au centre de rétention administrative pour contrer la propagation de ce virus qualifié de pandémie mondiale », écrit-elle notamment. Les difficultés logistiques liées à la fermeture de frontières, d’aéroports sont également mentionnées, ainsi que les recommandations de l’OMS. En outre, la cour souligne qu’« éloigner M. […] alors que celui-ci vit en France, pays où le virus est actif et n’a pas atteint son développement maximum, alors qu’il est au centre de rétention où il a été noté que les mesures contre la contamination ne sont pas optimales, et même si M. était porteur sain, est un risque de faire rentrer le virus avec lui dans ce pays, de contaminer de nombreuses personnes et d’ainsi aider à la propagation du virus alors que toutes les mesures prises, y compris le confinement des personnes, ont un but contraire. » Tous les retenus de cette audience ont été libérés.
À Lyon, une JLD statuant sur la prolongation de la rétention d’un Albanais, a rendu une ordonnance semblable, en déclinant et détaillant tous les motifs qui la conduisaient à prendre cette décision. La juge rappelle la situation sanitaire, le manque de matériel dédié au tribunal pour assurer la sécurité de tous, les vaines tentatives de faire fonctionner la visioconférence, la non-adaptation des locaux, souvent exigus et ne permettant pas le respect des règles sanitaires. Elle juge, dans son ordonnance rendue mercredi, que tous ces éléments constituent des « circonstances insurmontables » et empêchent la tenue de l’audience.
Au CRA de Vincennes (qui est à Paris) et du Mesnil-Amelot (77), les conditions sanitaires sont semblables à celles du centre de Oissel. « La préfecture ne semble pas vouloir assumer la remise en liberté des personnes retenues », observe Me Patrick Berdugo. Seuls certains retenus ont été remis en liberté d’office, « ceux ressortissants de pays qui ont décidé la fermeture de leur espace aérien », explique Me Nayeli Magraner, qui représente un ressortissant colombien retenu au Mesnil-Amelot. Son client Mexicain a tenté, mercredi matin et sur papier libre, de déposer une DML au greffe du CRA, qui attend « un ordre de la préfecture », a-t-il été dit au retenu sans plus de précisions. En attendant d’éventuelles directives aux préfectures, c’est le juge qui libère les retenus. La cour d’appel de Paris, lundi 16 mars, a refusé le caractère suspensif de l’appel du parquet contre une ordonnance de mise en liberté rendue le 15 mars par le JLD et, le 17 mars, confirmé l’ordonnance du JLD. La plupart des décisions vont dans le même sens, mais pas toutes. Ainsi, mercredi 18 mars, la cour a maintenu un Malien en rétention au CRA de Vincennes (confirmant une ordonnance du JLD), estimant « qu’aucun cas de coronavirus n’a été dénoncé dans le centre de rétention administrative dans lequel se trouve l’intéressé, ledit centre comportant des unités dont, à la connaissance de la cour, le nombre de retenus par unité n’excède pas 50 personnes, lesdites personnes n’étant pas fixées dans une même pièce, par ailleurs, les vols pour le Mali ne sont pas, en l’état, suspendus ». Le fait qu’un test de dépistage du coronavirus n’ait été fait au CRA de Vincennes n’est pas mentionné dans la motivation de l’ordonnance. S’il est effectivement expulsé, le retenu sera placé en quatorzaine à son arrivée au Mali.
Au Mesnil-Amelot, il restait, mercredi à la mi-journée, environ 170 retenus répartis sur les deux centres. À Bordeaux, le CRA a été intégralement vidé de ses retenus mardi soir. « La Cimade nous a contacté, explique Victoire Tirol, avocate à Bordeaux, pour assister les personnes pour qui elle avait rédigé des DML. » La préfecture de la Gironde avait demandé la prolongation de la rétention de quatre personnes ; huit autres comparaissaient en raison d’une demande de mise en liberté de leur part. Dans la soirée, tous ont été libérés « Il convient de constater que cette situation de fait (la fermeture des liaisons aériennes, ndlr), instaurée pour une durée indéterminée, vide la mesure de rétention administrative, dont Monsieur fait l’objet, de toute perspective », est-il écrit dans l’une de ces décisions.
Le CRA de Bordeaux n’est pas resté longtemps vide. Dès mercredi, il a accueilli les six retenus du CRA d’Hendaye (qui a fermé) dont le JLD de Bayonne a refusé la mise en liberté, et deux du CRA de Mont-de-Marsan, dont la situation devrait être examinée par la cour d’appel de Bordeaux, qui pourrait tous les remettre en liberté.
Les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce, qui imposent au demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale de présenter une étude d’impact analysant les effets du projet sur le centre-ville, sont conformes à la Constitution, a jugé le Conseil constitutionnel.
Dans le cadre de son recours contre le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) avait obtenu le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette disposition de la loi ELAN (CE 13 déc. 2019, n° 431724, AJDA 2019. 2582 ; RDI 2020. 153, obs. M. Revert ). Les nouvelles règles de l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) sont l’un des outils majeurs du plan du gouvernement pour revitaliser les centres-villes.
Le Conseil constitutionnel considère qu’« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer le contrôle des commissions d’aménagement commercial sur la répartition territoriale des surfaces commerciales, afin de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. »
Le requérant invoquait une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre. Pour juger la mesure proportionnée à l’objectif d’intérêt général, le Conseil constitutionnel donne une interprétation plus nuancée des dispositions en cause que celle du CNCC. Ainsi, les dispositions du paragraphe I de l’article « se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l’appréciation globale des effets du projet sur l’aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville. En particulier, elles ne subordonnent pas la délivrance de l’autorisation à l’absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés par ces dispositions. »
De même, le CNCC soutenait que le paragraphe IV de l’article imposait au demandeur d’établir qu’aucune friche commerciale en centre-ville ou, à défaut, en périphérie ne pouvait accueillir son projet. Au contraire, pour le Conseil constitutionnel, il s’agit, là aussi, simplement d’un critère supplémentaire. « Ces dispositions n’ont […] pas pour effet d’interdire toute délivrance d’une autorisation au seul motif qu’une telle friche existerait. Elles permettent en outre au demandeur de faire valoir les raisons, liées par exemple à la surface du commerce en cause, pour lesquelles les friches existantes ne permettent pas l’accueil de son projet. »
Enfin, en prévoyant que l’analyse d’impact « s’appuie notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux existants dans la zone de chalandise pertinente, les dispositions contestées [du] paragraphe III n’instituent aucun critère d’évaluation supplémentaire. »
Ce texte, un projet de loi organique ayant le même objet (qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité) et un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie ont été présentés en conseil des ministres le 18 mars. Les deux premiers devaient être examinés par le Sénat jeudi 19 et par l’Assemblée nationale vendredi 20, le troisième faisant la navette en sens inverse.
État d’urgence sanitaire
L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout de douze jours. Cette déclaration donnerait au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ainsi que de procéder à des réquisitions. Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté. Un comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.
Report du second tour des muncipales
Le titre Ier du projet confirme le report du second tour des élections municipales (au plus tard au mois de juin 2020) et en tire les conséquences. Les élus du premier tour entrent en fonction immédiatement (sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où moins de la moitié des conseillers municipaux ont été élus). Dans les autres communes, les mandats sont prorogés jusqu’au second tour. Le gouvernement serait habilité par ordonnance à adapter le droit à cette situation, notamment s’agissant du fonctionnement des intercommunalités.
Ordonnances pour mesures provisoires
Le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique.
Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés (v. Dalloz actualité, 19 mars 2020, art. P. Januel)
Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.
Dans un communiqué, diffusé mardi 17 mars, la cour d’appel de Paris a rappelé qu’elle appliquait les consignes de la garde des Sceaux : fermeture du palais de justice, à l’exception des contentieux dits « essentiels » :
• les audiences de la chambre des appels correctionnels concernant les prévenus détenus et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences ;
• les permanences du parquet général ;
• les référés en matière civile visant l’urgence ;
• les audiences de privation de liberté en matière civile (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;
• les audiences de la chambre de l’instruction pour le contentieux de la détention.
Les sessions d’assises sont reportées compte tenu des risques de contagion pour les jurés et le public. Les services d’accueil seront uniquement joignables par téléphone.
Une page dédiée aux informations sur le covid-19, avec notamment le planning des audiences (v. document joint), a été créée sur le site internet de la cour d’appel de Paris « qui sera régulièrement actualisée ».
La réserve sanitaire, créée par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, est un corps de 30 000 personnes volontaires mobilisables par les pouvoirs publics en vue de répondre aux situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaire graves. En vertu de la loi, elle a pour objet de compléter, en cas d’événement excédant leurs moyens habituels, ceux mis en œuvre dans le cadre de leurs missions par les différents services de santé (renfort hospitalier, campagnes de vaccination, opérateurs téléphoniques, contrôles aux aéroports). La réserve est composée de professionnels de santé et étudiants dans les filières médicales qui, après avoir été déclarés aptes physiquement, subissent une période de formation auprès de l’Agence nationale de santé publique.
Le réserviste bénéficie d’un certain nombre de protections légales. En effet, la loi interdit par exemple à l’employeur de sanctionner un réserviste en raison de ses périodes d’absences. Les personnes réservistes bénéficient également du régime de la protection fonctionnelle durant leurs missions, qui oblige l’État à prendre en charge la réparation intégrale des préjudices qu’ils subissent ou qu’ils font subir en cas d’accident. Les réservistes sont indemnisés au cours de leurs missions, lesquelles ne peuvent pas excéder en principe une durée de quarante-cinq jours par année civile.
Conformément à l’article L. 3134-1 du code de la santé publique, il peut être fait appel à la réserve sanitaire par arrêté motivé du ministre chargé de la santé. C’est ainsi que, par arrêté du 4 mars 2020, l’ensemble de la réserve sanitaire a été mobilisée pour une durée indéterminée pour constituer des équipes d’intervention rapide placées auprès des agences régionales de santé pour renforcer les établissements de santé.
Usage du droit de réquisition
Le droit de réquisition s’entend généralement comme un dispositif exceptionnel de l’État qui, moyennant un mécanisme de rétribution ou d’indemnisation, est actionné par temps de guerre ou afin d’assurer la continuité du service public en période de mouvement social prolongé. Il peut aussi être mobilisé lors d’une crise sanitaire, au titre du pouvoir de police spéciale détenu par le gouvernement.
La loi n° 2004-906 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est venue renforcer et adapter les instruments dont dispose l’État en matière de santé publique, et a notamment créé un pouvoir de police sanitaire spécifique, afin de mieux prévenir et gérer les menaces sanitaires graves. Ce cadre juridique, rendu nécessaire par la latence de la menace bioterroriste et l’apparition de nouvelles pathologies infectieuses, est un des rares cas possibles d’extension des pouvoirs des autorités administratives en raison de circonstances exceptionnelles, en plus de l’état d’urgence et de l’état de siège.
En matière sanitaire, cet outil a été utilisé à plusieurs reprises ces dernières années pour limiter la propagation du virus Ebola, afin de renforcer les contrôles sanitaires, d’autoriser l’utilisation de certains traitements et de sécuriser le circuit transfusionnel et la réalisation des examens médicaux des personnes contaminées. Il a aussi servi de fondement juridique pour permettre la distribution de kits gratuits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe H1N1 en 2009. À cette dernière occasion, le ministre de la santé avait d’ailleurs autorisé par arrêté les préfets à procéder à toute réquisition nécessaire à la mise en œuvre de la campagne de vaccination (arr. du 4 nov. 2009).
Depuis la loi du 5 mars 2007, le droit de réquisition est expressément mentionné au code de santé publique. Ainsi en vertu de ses articles L. 3131-8 et L. 3131-9, le premier ministre peut, lorsque l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, procéder par décret aux réquisitions de produits ou de professionnels de santé. C’est ainsi que, par un premier décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 suivi d’un décret correctif n° 2020-247 du 13 mars 2020, le premier ministre a décidé de réquisitionner les stocks et les productions de masques de protection respiratoire et de masques antiprojections. Des personnels de santé du secteur privé pourraient, à terme et en fonction de l’évolution de la pandémie, être réquisitionnés par l’État.
La réglementation du prix des solutions hydroalcooliques
Un prix est soit déterminé par le libre jeu du marché, soit fixé par les pouvoirs publics dans des conditions prévues par la loi au titre de son pouvoir de police économique – en témoignent notamment les prix du gaz, des péages, des courses de taxi ou de l’électricité. Parallèlement aux dispositifs propres à certains produits, la loi prévoit, depuis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté de prix et de la concurrence, la possibilité pour le gouvernement de lutter contre des hausses excessives de prix par « des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cette disposition a depuis été codifiée à l’article L. 410-2 du code du commerce.
Cette disposition permet par exemple de réguler le prix du carburant ou du gaz dans certains départements ou collectivités d’outre-mer où un opérateur, en raison des spécificités géographiques, pourrait se trouver en situation de monopole économique et imposer des prix excessifs (v. par ex. décr. n° 2003-1241, 23 déc. 2003, réglementant les prix des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ou le décret n° 88-1048, 17 nov. 1988 réglementant les prix de certains produits dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon).
Sur le fondement de ces dispositions, le gouvernement a souhaité protéger les consommateurs contre les risques induits par une situation manifestement anormale du marché résultant de la pandémie, et a procédé, après avis du Conseil national de la consommation, à la réglementation du prix de vente des gels hydroalcooliques (décr. n° 2020-197, 5 mars 2020).
Afin de prévenir la propagation du virus covid-19, le décret du 16 mars 2020 a, conformément aux annonces présidentielles, interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile jusqu’au 31 mars 2020.
Seulement cinq exceptions sont prévues à cette interdiction générale :
• les trajets entre le domicile et le travail, et les déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;
• les déplacements pour effectuer des achats de fournitures professionnelles et des achats de première nécessité dans des établissements qui sont toujours ouverts ;
• les déplacements pour motif de santé ;
• les déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ;
• les déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.
En cas de déplacement, les personnes doivent se munir d’une attestation permettant de justifier que le déplacement correspond bien à l’une de ces exceptions. En outre, le décret autorise les préfets de département à prendre des mesures complémentaires de restriction, si les circonstances locales l’exigent. Des mesures qui devront en tout état de cause être proportionnées et limitées dans le temps.
Si par le passé, des mesures de confinement de la population ont déjà été prises par les autorités administratives, c’est la première fois qu’un tel dispositif est déployé sur l’ensemble du territoire national et concerne les personnes potentiellement non atteintes par le virus. En 2012, le préfet du département de l’Aveyron avait ainsi été habilité par le gouvernement à prendre des mesures de confinement pour les personnes atteintes d’une tuberculose résistante contagieuse (arr. du 22 oct. 2012 habilitant le préfet du département de l’Aveyron à prendre des mesures de confinement de toute personne atteinte d’une pathologie hautement contaminante).
Nouvelle mise à jour de la réglementation concernant les commerces
Par un arrêté modificatif du 16 mars, la liste des établissements dont les activités demeurent autorisées ou qui sont autorisés à recevoir du public a fait l’objet d’une deuxième mise à jour.
Le nouvel arrêté précise la possibilité pour les juridictions de continuer à accueillir du public dans leurs salles d’audience, en fonction néanmoins des règles fixées par leur plan de continuité d’activité interne. Les établissements sportifs sont quant à eux fermés jusqu’au 15 avril 2020.
La possibilité de continuer à recevoir du public pour certaines activités est élargie à l’ensemble des commerces et établissements et ne se limite plus aux seuls établissements relevant de la catégorie M. La liste consolidée des commerces et établissements autorisés à recevoir du public est la suivante :
• entretien et réparation de véhicules automobiles, de véhicules, engins et matériels agricoles,
• commerces d’équipements automobiles,
• commerces et réparation de motocycles et cycles,
• fourniture nécessaire aux exploitations agricoles,
• commerces de détail de produits surgelés,
• commerces d’alimentation générale,
• supérettes,
• supermarchés,
• magasins multi-commerces,
• hypermarchés,
• commerces de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé,
• commerces de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé,
• commerces de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé,
• commerces de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé,
• commerces de détail de boissons en magasin spécialisé,
• autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé,
• distributions alimentaires assurées par des associations caritatives,
• commerces de détail de carburants en magasin spécialisé,
• commerces de détail d’équipements de l’information et de la communication en magasin spécialisé,
• commerces de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé,
• commerces de détail de matériels de télécommunication en magasin spécialisé,
• commerces de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé,
• commerces de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé,
• commerces de détail de produits pharmaceutiques en magasin spécialisé,
• commerces de détail d’articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé,
• commerces de détail d’optique,
• commerces de détail d’aliments et fournitures pour les animaux de compagnie,
• commerces de détail alimentaires sur éventaires et marchés,
• vente par automates et autres commerces de détail hors magasin, éventaires ou marchés n. c. a.,
• hôtels et hébergement similaire,
• hébergement touristique et autre hébergement de courte durée lorsqu’il constitue pour les personnes qui y vivent un domicile régulier,
• terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier,
• location et location-bail de véhicules automobiles,
• location et location-bail d’autres machines, équipements et biens,
• location et location-bail de machines et équipements agricoles,
• location et location-bail de machines et équipements pour la construction,
• activités des agences de placement de main-d’œuvre,
• activités des agences de travail temporaire,
• réparation d’ordinateurs et de biens personnels et domestiques,
• réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication,
• réparation d’ordinateurs et d’équipements périphériques,
• réparation d’équipements de communication,
• blanchisserie-teinturerie,
• blanchisserie-teinturerie de gros,
• blanchisserie-teinturerie de détail,
• services funéraires,
• activités financières et d’assurance
À compter du 17 mars, les commerces de détail d’optique et les commerces de location de véhicules sont intégrés à cette liste.
Néanmoins, si les commerces précités demeurent autorisés à recevoir du public durant le confinement, toute fréquentation physique d’un de ces commerces qui n’aurait pas pour but de faire des achats de première nécessité, conformément au dispositif provisoire de confinement, est désormais interdite.
Les magasins de vente et centres commerciaux de catégorie M conservent quant à eux le droit d’exercer leurs activités par le biais de la livraison ou du retrait de commandes.
Le président de la République a annoncé hier que « toutes les réformes en cours seraient suspendues », à commencer par celles des retraites. Les deux textes, contre lesquels se battent les avocats depuis le mois de décembre, devaient être examinés par le Sénat début avril. La présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl, a déclaré « prendre acte de cette décision qui va dans le sens de l’union et de la cohésion nationale. L’important est désormais la lutte collective contre la pandémie. Les avocats y prendront toute leur part. »
Ce 12 mars à minuit s’est achevée la période de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, déposée dans le cadre de la première mise en œuvre du référendum d’initiative partagée (RIP) prévu, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, à l’article 11 de la Constitution. Proposition de loi qui visait à faire échec à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », promulguée depuis lors, dont certaines dispositions redéfinissent le cadre juridique applicable à la société Aéroports de Paris (ADP) en vue de sa future privatisation.
Le Conseil constitutionnel a annoncé, le 13 mars, un nombre de soutiens valablement déposés d’un peu plus d’un million d’électeurs – contre les près de 4,7 millions requis. Malgré l’échec annoncé de cette procédure (le Conseil constitutionnel disposant d’un délai d’un mois pour consolider le nombre définitif de soutiens recueillis), la porte-parole du gouvernement annonçait à la sortie du conseil des ministres le report du projet de privatisation des aéroports de Paris en raison notamment de l’instabilité des marchés financiers impactés par le coronavirus.
Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les opérations de recueil des soutiens
Au titre de sa mission de contrôle de la régularité des opérations prévue à l’article 45-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a examiné l’ensemble des réclamations portées par les électeurs durant la période de neuf mois et relatives à la régularité des opérations. Le Conseil constitutionnel a annoncé avoir enregistré, au 4 mars, pas moins de 4 212 réclamations.
Concrètement, ces réclamations sont d’abord instruites par une formation d’examen des réclamations, composée de trois membres nommés. En cas de rejet de la réclamation par la formation restreinte, l’électeur peut déposer, dans un délai de dix jours, un recours devant le Conseil constitutionnel à qui il appartient alors de vérifier l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations de recueil des soutiens. La formation a également la faculté de renvoyer directement la réclamation au Conseil assemblé, sans condition ni formalité.
Par deux premières décisions rendues dès 2019, le Conseil constitutionnel avait inclus dans son contrôle de la régularité des opérations les réclamations tendant à la publication et à la mise à jour du nombre de soutiens recueillis (10 sept. 2019, décis. n° 2019-1-1 RIP), ainsi que les réclamations tendant à l’adoption de mesures permettant une information sincère des électeurs (15 oct. 2019, décis. n° 2019-1-2 RIP).
Cinq nouvelles décisions du Conseil constitutionnel
Les Sages ont rendu, ce 12 mars, jour de clôture de la campagne, cinq nouvelles décisions dont la diversité nous éclaire sur la nature du contrôle qu’il exerce sur la validité des opérations de recueil des soutiens.
Ainsi, à un électeur qui demandait la substitution de son nom d’usage à son nom de famille sur la liste publique des soutiens, le Conseil constitutionnel répond que l’absence de mention du nom d’usage, en complément du nom de famille, n’entrave ni la vérification de la présence ou de l’absence de son propre nom sur cette liste ni la vérification de la qualité d’électeurs des autres personnes figurant sur cette liste. Cette circonstance n’est donc pas de nature à entacher d’irrégularité les opérations de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-3 RIP).
Un autre électeur réclamait, quant à lui, la suppression pure et simple de son nom de la liste, affirmant qu’il aurait été victime d’une usurpation d’identité. Néanmoins, à défaut d’avoir produit devant la formation d’examen des réclamations qui en a pourtant fait la demande, puis devant le Conseil constitutionnel, un commencement de preuve de la fraude alléguée et des précisions sur les circonstances dans lesquelles cette usurpation aurait pu être commise, la juridiction écarte le grief (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-4 RIP).
Dans une troisième décision, le Conseil constitutionnel précise qu’il n’appartient pas à la formation d’examen des réclamations de faire droit à la demande d’un électeur de se voir transmettre le cahier des charges, les directives données par le ministère de l’intérieur pour la réalisation du site internet, ainsi que l’algorithme utilisé, dès lors qu’une telle demande ne vise pas à contrôler la régularité des opérations de recueil des soutiens. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel précise que la méconnaissance à elle seule du règlement européen sur la protection des données personnelles n’est pas de nature, même si elle s’avère établie, à entacher d’irrégularité les opérations de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-5 RIP).
La méconnaissance du délai de quarante-huit heures, prévu à l’article 3 du décret du 11 décembre 2014, pour procéder à l’enregistrement d’un soutien déposé en format papier à la mairie dans le système informatique du ministère de l’intérieur ne constitue pas non plus une irrégularité, tant que l’enregistrement du soutien a pu intervenir avant la fin de la période de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-6 RIP).
Enfin, dans une dernière décision (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-7 RIP), le Conseil constitutionnel est amené à statuer sur la compatibilité de la publicité de la liste des soutiens, prévue à l’article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013, avec le secret du vote garanti par l’article 3 de la Constitution. Reprenant les termes de la décision du 5 décembre 2013 par laquelle il a validé cette disposition (5 déc. 2013, n° 2013-681 DC, Dalloz actualité, 12 déc. 2013, obs. D. Poupeau ; AJDA 2013. 2465 ; ibid. 2014. 893, étude C. Geslot ; D. 2014. 1516, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ), il rappelle qu’en « permettant à toute personne de consulter l’intégralité de la liste des soutiens, le législateur organique a entendu garantir l’authenticité de celle-ci en reconnaissant à toute personne le droit de vérifier, dès le début de la période de recueil des soutiens et à tout moment, qu’elle-même ou toute autre personne figure ou ne figure pas sur cette liste ». Dès lors qu’elles ont été déclarées conformes à la Constitution, le grief est écarté.
Le Conseil constitutionnel rejette donc l’ensemble des recours dirigés contre les opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi.
par Jean-Marc Pastorle 13 mars 2020
Crim. 4 mars 2020, F-P+B+I, n° 19-83.390
L’ancien maire de Givors avait nommé sa sœur au poste de directeur général des services en septembre 2014. Cité devant le tribunal correctionnel, il a été reconnu coupable de prise illégale d’intérêt et sa sœur coupable de recel de ce délit. La cour d’appel a confirmé la culpabilité de l’ancien maire en le condamnant à six mois de prison avec sursis et à une peine d’inéligibilité d’un an. Sa sœur a quant à elle été condamnée à quatre mois de prison avec...
C’est un bilan « relativement mitigé » de la loi Montagne II du 28 décembre 2016 (V. AJDA 2017. Dossier 781 ) que dressent les députés Marie-Noëlle Battistel, Frédérique Lardet, Vincent Rolland et Jean-Bernard Sempastous, dans un rapport d’évaluation de cette loi pour la commission des affaires économiques (n° 2735). Des avancées ont été permises par la loi, notamment en matière de numérique, d’urbanisme, d’accès aux services publics ou de tourisme. Mais elles demeurent « généralement modestes face aux difficultés qui persistent ».
Le rapport déplore en particulier que la possibilité d’adaptation des normes aux spécificités de la montagne n’ait connu...
La consécration d’un « objectif de valeur constitutionnelle » de protection de l’environnement
Introduite par la loi EGALIM (art. 83, L. n° 2018-938, 30 oct. 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, qui ajoute un paragraphe à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime), l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou la protection de l’environnement vient mettre un terme à la possibilité pour des entreprises de produire en France, exclusivement pour l’exportation, des pesticides contenant des substances dangereuses non autorisées dans l’Union européenne.
Dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir (CE 7 nov. 2019, n° 433460 [décision de renvoi] contre une circulaire relative à l’entrée en vigueur de la disposition contestée [circ. relative à l’entrée en vigueur de l’interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l’environnement, en application de la modification de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime]), l’Union des industries de la protection des plantes soutenue par l’Union française des semenciers, directement touchée par cette interdiction, a sollicité la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au motif que cette interdiction porterait atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’association professionnelle requérante soutenait que cette restriction à la liberté d’entreprendre n’était pas justifiée par un objectif de protection de l’environnement et de la santé, dans la mesure où cette interdiction n’empêche pas des pays étrangers autorisant les pesticides en question à en fabriquer ou à en importer auprès de concurrents localisés hors de France.
À cet argument, le Conseil constitutionnel oppose un nouvel objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de « protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » dégagé du préambule de la Charte de l’environnement, alors qu’il avait jugé dans une décision antérieure que le préambule se limitait à formuler des constats et des objectifs non invocables à l’appui d’une QPC (Cons. const. 7 mai 2014, Sté Casuca, n° 2014-394 QPC, Dalloz actualité, 21 mai 2014, obs. A. Cayol ; D. 2014. 1039 ; AJDI 2014. 541 , obs. C. de Gaudemont ).
Cette consécration d’un OVC de protection de l’environnement est une nouvelle étape s’inscrivant dans le prolongement de la reconnaissance de la protection de l’environnement en tant que « but d’intérêt général », consacré en 2013 dans une QPC relative à l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national (Cons. const. 11 oct. 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2013. 2005 ; D. 2013. 2344 ; ibid. 2586, point de vue F. Laffaille ; ibid. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 1844, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ), puis en tant qu’« objectif d’intérêt général » en 2016 dans une décision relative à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits (Cons. const. 4 août 2016, n° 2016-737 DC, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Dalloz actualité, 29 août 2016, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2016. 1605 ; Constitutions 2016. 487, chron. K. Foucher ).
L’invocabilité de l’objectif de protection de l’environnement en QPC vient confirmer l’importance de la Charte de l’environnement, et de son préambule, parmi les éléments du bloc de constitutionnalité.
La consécration de la valeur constitutionnelle de la protection de l’environnement entraîne un assouplissement du contrôle du Conseil constitutionnel quant à la conciliation entre cet objectif et la liberté d’entreprendre, par rapport au contrôle qu’il effectue lorsque cette liberté doit être conciliée avec un motif d’intérêt général. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle sur ce point qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (consid. 9), en conséquence de quoi il se limite à un contrôle de la disproportion manifeste. La marge d’appréciation qui est laissée au législateur dès lors qu’un objectif à valeur constitutionnelle doit être concilié avec une liberté constitutionnelle est ainsi étendue, en comparaison notamment avec ce que le Conseil a pu juger dans la décision relative à la fracturation hydraulique précitée (Cons. const. 11 oct. 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, préc.) ou encore à l’occasion de la censure de dispositions donnant compétence au Gouvernement pour fixer une quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles (Cons. const. 24 mai 2013, n° 2013-317 QPC, Syndicat français de l’industrie cimentière et a., Dalloz actualité, 5 juin 2013, obs. R. Grand ; AJDA 2013. 1080 ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ).
La protection du « patrimoine commun des êtres humains » matérialisée par la prise en compte des atteintes à la santé et à l’environnement à l’étranger résultant d’activités exercées en France
Dans la présente décision, le nouvel OVC de protection de l’environnement est utilisé en combinaison avec un autre OVC, celui de la protection de la santé, consacré depuis de...
Article
par Estelle Benoitle 12 mars 2020
CE 4 mars 2020, req. n° 423443
Le centre hospitalier de la commune de Capesterre-Belle-Eau a versé à la société Savima, sous-traitante d’un marché de conception-réalisation relatif à la construction d’un nouvel hôpital local, une avance forfaitaire de 20 % du montant des travaux sous-traités. Après avoir résilié le marché aux torts de la société à qui les actifs du chantier avaient été en partie cédés, le centre hospitalier a demandé le remboursement total de cette...
Avant d’interrompre ses travaux à l’occasion des élections municipales, le Sénat a adopté, le 5 mars, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). Il a globalement approuvé le texte hétéroclite du gouvernement (v. AJDA 2020. 262 ) mais y a ajouté un certain nombre de dispositions – pas toujours simplificatrices au demeurant – concernant notamment les collectivités territoriales.
Les sénateurs souhaitent cependant maintenir certaines commissions consultatives que le gouvernement veut supprimer. Il en va ainsi de la Commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, de l’Observatoire de la récidive et de la désistance, de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires et du Conseil supérieur de la mutualité. En matière de...
Après trois élections législatives perdues sous les couleurs du RPR et des Républicains, Francis Szpiner remonte au front. L’avocat parisien espère bien remporter le très à droite XVIe arrondissement de Paris à l’occasion des municipales. Pour Me Szpiner, cette élection pourrait bien en effet être la bonne, poussé par la dynamique qui porte la droite parisienne. En cas de victoire, l’avocat recevra en guise de cadeau d’anniversaire – il aura 66 ans le soir du deuxième tour – le fauteuil de maire.
Profession d’avocat oblige, la campagne du candidat est cependant très marquée par les métiers du droit. Ce jeudi 5 mars, au stade Jean-Bouin, le meeting de Francis Szpiner a ainsi un air de réunion de cabinet. Sur l’estrade, l’avocat de STAS (Szpiner, Toby, Ayela et Semerdjian) est en effet épaulé par l’un de ses associés, François Baroin, l’une des figures de la droite. Les deux hommes sont également entourés par deux autres juristes, Claude Goasguen et Rachida Dati, qui brigue l’hôtel de ville. En tout, ils sont sept avocats sur la liste Szpiner, sans compter un élève avocat. « Le métier d’avocat prépare bien à l’engagement public, résume Me Szpiner. La première chose qu’un conseil doit faire, c’est écouter des personnes exposant leur problème, puis leur trouver une solution. Comme en politique, on ne peut pas voir la vérité révélée et on ne peut pas faire ce métier si on n’aime pas autrui. »
« L’un des plus grands pénalistes »
Ce soir-là, le meeting de Francis Szpiner commence par un éloge appuyé de François Baroin. Le candidat ? « C’est l’un des plus grands pénalistes des cinquante dernières années », rappelle-t-il à l’adresse de l’assistance qui a bravé le coronavirus et la pluie. Le président de l’Association des maires de France poursuit. « Avec sa voix de stentor, c’est un régal de l’écouter dans son exercice professionnel, un métier dans lequel il excelle. » Me Szpiner a récemment représenté la famille d’Imad Ibn Ziaten au procès en appel d’Abdelkader Merah et Sand Van Roy, l’actrice qui accusait Luc Besson de viol. L’ancien avocat d’Alain Juppé, proche de Jacques Chirac, s’est également emparé d’une partie de la défense du sulfureux Alexandre Djouhri, suspecté dans l’enquête sur le financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.
Me Szpiner n’est pas le seul ténor qui s’invite dans ces élections. Jean-Yves Le Borgne, sur la liste de Philippe Goujon, soutient ainsi le maire dissident du XVe arrondissement. Et, dans d’autres villes en France, des avocats mettent sur pied des listes composées uniquement de juristes pour prolonger le combat contre la réforme des retraites. Francis Szpiner, encarté à droite depuis 1982, n’est cependant pas là pour une candidature de témoignage. Mais son élection dans le XVIe arrondissement pourrait être contrariée par les divisions de la droite locale. Il affronte en effet deux candidatures dissidentes. Danièle Giazzi, maire (LR) depuis la démission du candidat élu en 2014, Claude Goasguen, qui a préféré l’Assemblée nationale en 2017. Tout comme la sénatrice LR Céline Boulay-Espéronnier. En embuscade, l’adjointe sortante Hanna Sebbah, chargée des associations, un temps elle aussi LR, espère rafler la mairie sous les couleurs de la République en marche dans la foulée du très bon score du parti présidentiel aux élections européennes de l’an passé. « La réforme des retraites ne favorise pas la majorité, remarque cependant Me Szpiner. De nombreux avocats, qui exercent et votent dans le XVIe arrondissement, me disent qu’il est hors de question de voter pour le parti présidentiel. »
Le candidat rattrapé par l’avocat
Quant à la préfète Béatrice Marre, qui conduit les troupes d’Anne Hidalgo, elle a la lourde tâche de défendre une maire sortante qui clive. La gestion de la propreté, de la sécurité et de la circulation dans la capitale hérisse le poil de l’opposition. Des arguments répétés par Me Szpiner. Mais, bien souvent, le candidat est rattrapé par l’avocat. Exemple, ce dimanche 8 mars, au marché de l’avenue de Versailles, porte de Saint-Cloud. Me Szpiner, un tract à la main, est interpellé par une mère de famille. Son fils vient de se faire vertement éjecter en demi-finale d’un concours d’éloquence. La faute à un trop grand étalage de culture générale et d’une trop grande confiance en soi, selon les mots du jury. « Quand on vient vous reprocher de faire état de votre culture, c’est catastrophique », se désole Me Szpiner, qui avoue cependant « qu’il y a de tout dans ces concours ». « Je n’ai jamais été pour le nivellement par le bas », poursuit-il en glissant sa carte à l’intention du futur juriste. Puis, avant de partir, il délivre un dernier conseil : « quand vous êtes un bon civiliste, vous pouvez tout faire ».
L’avocat poursuit son chemin vers la porte de Saint-Cloud à travers le marché. Après plusieurs semaines de réunions d’appartements, meeting et tractages, Me Szpiner, entre deux bises, des poignées de main et un commentaire sur le match de rugby, est à l’aise comme dans le prétoire. L’avocat s’amuse en distillant des bons mots.
« Marcel Campion, c’est comme Coluche », confie une électrice. « Coluche était plus drôle ! », réplique aussitôt l’avocat.
Un militant d’En Marche l’apostrophe amicalement. Il n’a jamais été socialiste et pensera à lui pour le deuxième tour. Un peu plus loin, l’avocat signale à d’autres militants marcheurs, décidément très intéressés par le candidat LR, « qu’un traître, c’est par définition un ami ». Si, dans le XVIe, les candidates de la droite dissidente embêtent Me Szpiner, « les schtroumpfs » – les militants d’En Marche portent des K-Way bleu clair – lui sont beaucoup plus « sympathiques ». De quoi suggérer des reports de voix au second tour.
En cas de victoire, l’avocat a déjà tout prévu. Il devrait se libérer du temps en se concentrant sur un peu moins de dossiers. Tout en gardant la main sur les affaires prioritaires, telles que l’association La voix de l’enfant, la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme, ou encore le droit des affaires avec Me Caroline Toby. Le barreau et la mairie, la perspective n’effraie pas le juriste. Et l’avocat de rappeler : « Cela a plutôt bien réussi à Valenciennes, avec Jean-Louis Borloo, non ? »
Le Conseil d’État était saisi par plusieurs employés de la SNCF qui recherchaient l’abrogation des dispositions du e) du paragraphe 2.1 de l’article 2 du chapitre V du statut des relations collectives en tant qu’elles fixent un âge maximal de trente ans pour le recrutement d’agents dans le cadre permanent. Or, depuis le 1er janvier 2020, les sociétés du groupe SNCF ne peuvent plus procéder à des recrutements sur le fondement des dispositions dont l’abrogation était demandée.
Rappelant que « l’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger un...
À partir d’un état des lieux de la situation des jeunes des territoires éloignés des métropoles, la mission propose un scénario visant à diversifier et à accentuer les dispositifs. Ce plan d’action se décline en vingt-cinq mesures qui pourraient être mises en place à partir de la rentrée scolaire 2020. Les jeunes qui grandissent dans une zone de montagne ou dans une petite ville font face à une addition d’obstacles : ils ont moins d’accès à l’information concernant les filières et les métiers, moins d’opportunités de formation, connaissent la fracture digitale et bénéficient de moins de mobilité.
La mission recommande la création d’un programme national de mentorat qui permettrait de tisser des liens entre les territoires, entre les générations et entre les catégories socio-professionnelles. Elle souhaite que le ministère mette en place des mesures incitatives pour attirer et stabiliser les enseignants dans les établissements isolés. En terme de maillage territorial, elle propose de créer la « Fabrique des rôles-modèles », un dispositif pour favoriser les rencontres inspirantes dans 100 premiers établissements ruraux, de systématiser les immersions des jeunes ruraux dans le monde de la formation et de l’emploi ou encore de faciliter l’engagement des jeunes des territoires isolés (service national universel, service civique…).
Par délibération n° 13-893 du 14 décembre 2018, le conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a autorisé l’expérimentation d’un dispositif de reconnaissance faciale à l’entrée de deux lycées, consistant, d’une part, à assurer un contrôle d’accès à l’établissement des lycéens identifiés par le système et, d’autre part, à suivre la trajectoire des lycéens et visiteurs occasionnels non identifiés par le système (v. C. Rotily et L. Archambault, Données biométriques issues d’expérimentations de reconnaissance faciale sur le territoire français : un défi à l’aune du droit 2.0 ?, Dalloz IP/IT 2020. 54 ). Ce faisant, la délibération a, premièrement, approuvé les termes de la convention tripartite entre la région, les lycées et la société implantant le dispositif, deuxièmement, lancé l’expérimentation au sein des deux établissements et, troisièmement, autorisé le président de la région à signer la convention tripartite.
Saisie par la région PACA, la CNIL s’est montrée défavorable au recours à une telle expérimentation qui « n’apparaît ni nécessaire ni proportionné pour atteindre [les finalités recherchées] » (v. son communiqué de presse). Concomitamment, quatre organisations ont saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la délibération.
Le 27 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération de la région PACA, mais seulement en tant qu’elle a lancé l’expérimentation, au motif qu’elle est entachée d’incompétence et d’illégalité en ce qu’elle ne respecte pas les principes régissant le recueil du consentement et de nécessité et proportionnalité au regard des finalités recherchées.
Sur la compétence de la région PACA, celle-ci prétendait que l’objectif de cette expérimentation relève de sa mission d’accueil, d’hébergement ou d’entretien des lycées figurant à l’article L. 214-6 du code de l’éducation. Rejetant ces prétentions, le tribunal administratif rappelle qu’il résulte de l’article R. 421-10 du code de l’éducation que c’est au chef d’établissement qu’il appartient de prendre des dispositions « pour assurer la sécurité des personnes et des biens ». La région PACA a dès lors excédé ses compétences puisque l’instauration du système de reconnaissance faciale a notamment pour objet « le renforcement de la sécurité dans les établissements scolaires ».
Sur la base légale du consentement, le tribunal administratif rappelle que les données personnelles traitées dans le cadre d’un système de reconnaissance faciale sont des données biométriques, sensibles par nature et soumises aux articles 6 de la loi n° 78-17 « Informatique et Libertés » et 9 du Règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), qui interdisent par principe leur traitement, sauf notamment si la personne concernée a donné son consentement explicite. La région PACA se prévalait de cette exception, soutenant que le traitement des données avait pour base légale le consentement des lycéens ou, le cas échéant, de leurs représentants légaux, manifesté par la signature d’un formulaire. Cette seule signature ne constitue pas une garantie suffisante à l’obtention d’un consentement libre et éclairé selon le tribunal administratif, dans la mesure où « le public visé se trouve dans une relation d’autorité à l’égard des responsables des établissements publics d’enseignement concernés ».
Sur les finalités du traitement, le tribunal administratif juge également insuffisants au regard des articles précités les objectifs de fluidification et de sécurisation des contrôles à l’entrée des lycées avancés par la région PACA, qui ne démontre pas qu’ils « constituent un motif d’intérêt public ni même que ces finalités ne pourraient être atteintes de manière suffisamment efficace par des contrôles par badge, assortis, le cas échéant, de l’usage de la vidéosurveillance ».
Toutefois, le tribunal administratif considère comme irrecevable le recours en excès de pouvoir formé à l’encontre de la partie de la délibération approuvant la convention tripartite d’expérimentation conclue entre la région PACA, la société partenaire et les deux lycées, et autorisant le président de la région à les signer. Cette partie de l’acte doit en effet être attaquée sous la forme d’un « recours de pleine juridiction en contestation de la validité de ces conventions devant le juge du contrat ». La délibération présente en effet « le caractère d’un acte détachable aux conventions tripartites d’expérimentation […] en ce qu’elle approuve leur contenu et autorise son président à les signer ». « La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer » ne peut donc pas être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir qui n’est pas compétent. Cette irrecevabilité soulève dès lors des interrogations sur l’avenir du dispositif expérimental de reconnaissance faciale, la convention tripartite d’expérimentation restant pour l’heure approuvée par la région et signée par le président du conseil régional.
Article
par Jean-Marc Pastorle 10 mars 2020
Avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération sportive, il est institué un préalable obligatoire de conciliation organisé par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). L’article R. 141-23 du code du sport dispose que les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties et doivent être appliquées dès leur...
L’incertitude sur les règles juridiques applicables à une catégorie d’agents publics peut rendre impossible une formalité pourtant imposée par les textes.
Le Conseil d’État était saisi par l’évêque de Metz d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy confirmant l’annulation du licenciement, décidé en 2015, d’un agent de la mense épiscopale du diocèse. Les menses épiscopales, établissements publics du culte régis par le droit local d’Alsace-Moselle, sont chargées d’administrer les biens du diocèse,...
Le droit à la protection fonctionnelle, érigée en principe général du droit (PGD) depuis 1963 (CE 26 avr. 1963, Centre hospitalier de Besançon, n° 42783), est désormais codifié à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors. Ainsi, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité – sous conditions – de couvrir sa défense au civil et au pénal ainsi que de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. La protection fonctionnelle peut s’étendre, dans certaines hypothèses, à certains membres de sa famille. Une protection particulière renforcée pour les parents de militaires est prévue à l’article L. 4123-10 du code de la défense, fondée sur le risque spécial de menaces et violences auxquels ils sont exposés du fait des fonctions de l’agent.
En l’espèce, Mme C. B. [qui est la mère de M. D. B., un Tarjuman ayant servi d’interprète aux forces armées françaises en Afghanistan en qualité de personnel civil de recrutement local et bénéficiant d’une carte de résident en France depuis 2016 au titre de la protection...
L’affaire Haenel et le traitement judiciaire des plaintes pour agressions sexuelles
« Adèle Haenel a changé d’avis sur le traitement de la plainte depuis qu’elle a rencontré notre service qui est vraiment spécialisé dans les crimes sexuels sur mineurs », atteste la capitaine de police Véronique Béchu qui dirige le groupe central des mineurs victimes, l’un des six services opérationnels que compte l’Office central pour la répression contre les violences aux personnes (OCRVP). Début novembre 2019, à l’issue d’une grande enquête de Mediapart, l’actrice française accusait Christophe Ruggia de l’avoir agressée sexuellement et harcelée alors qu’elle était âgée de douze à quinze ans et qu’il la faisait tourner dans son film Les Diables (2002). Elle refusait alors de porter plainte. « Je n’ai jamais pensé à la justice parce qu’il y a une violence systémique qui est faite aux femmes dans le système judiciaire, expliquait-elle sur le plateau du magazine en ligne. (…) Il y a tellement de femmes qu’on envoie se faire broyer, soit par la façon dont on va récupérer leur plainte, soit dans la façon dont on va disséquer leur vie et porter le regard sur elles, la faute c’est elles. »
Quelques jours plus tard, le parquet portait plainte, estimant l’action publique nécessaire dans cette affaire. Une enquête pour agressions sexuelles sur mineure de moins de quinze ans par personne ayant autorité et pour harcèlement sexuel était confiée à l’OCRVP, en particulier à ce service, incitant Adèle Haenel a finalement déposer plainte à son tour. « La justice a fait un pas, j’en fais un », confiait-elle à Mediapart. « Mon dossier est maintenant traité de manière idéale, avec des gendarmes et des policiers attentifs et bienveillants. Je souhaite ce traitement à toutes les victimes », déclarait-elle dans une interview au New York Times, le 24 février, quatre jours avant son départ précipité au milieu de la 45e cérémonie des Césars alors que le prix de la meilleure réalisation était attribuée à Roman Polanski, accusé de viols par plusieurs femmes. Elle rappelait néanmoins, fidèle à sa ligne de départ : « on a un système judiciaire qui ne fait pas des violences faites aux femmes sa priorité », évoquant « les grandes difficultés qui jalonnent le parcours d’une femme victime de violences sexuelles ».
Me Emmanuel Daoud, avocat dans des affaires de viols et d’agressions sexuelles, et représentant d’ECPAT, ONG de lutte contre l’exploitation sexuelle d’enfants basée à Bangkok (Thaïlande) et partenaire de l’OCRVP, confirme : « On sait que ce n’est pas parce qu’une plainte est déposée qu’elle sera traitée. On sait qu’on va devoir relancer le parquet dix, quinze, vingt fois jusqu’à ce que ça bouge et quitte à énerver le procureur. On sait que ça sera lent, sauf quand les violences ont été constatées médico-légalement ou qu’il s’agit de mineurs qui le sont encore. Et on prépare nos clients à cette réalité qui ne doit pas être une fatalité ». Selon le pénaliste, chacun fait une « balance avantages / inconvénients pour savoir si cela vaut vraiment le coup. Les enquêteurs le font tous les jours pour tous les dossiers ».
« Ce n’est pas que la justice ne veut pas, c’est qu’elle ne peut souvent pas, commente Véronique Béchu. Souvent les faits sont prescrits, les preuves matérielles manquent et la loi française est faîte de manière à ce que le doute profite à l’accusé ». L’affaire Haenel, très suivie, aura au moins permis de faire davantage connaître le travail de l’OCRVP. Et de le faire reconnaître, comme l’attestent ses avocats de la comédienne, Yann Le Bras et Anouck Michelin : « notre cliente s’est rendue compte qu’elle avait affaire à des policiers et des gendarmes extrêmement professionnels et disponibles. L’audition était programmée sur cinq heures et s’est finalement terminée à 3h du matin (soit une durée de 12 heures, ndlr) pour que tout soit dit et consigné d’un seul tenant ». Une manière d’éviter aux personnes qui se présentent comme victimes l’épreuve d’auditions séquencées et répétées à divers interlocuteurs, et de faciliter le travail des enquêteurs. « Ce qu’elle en retient c’est qu’ils savent de quoi ils parlent, ce sont des enquêteurs spécialisés et leurs questions, extrêmement pertinentes, permettent de réveiller des souvenirs, ajoute Me Le Bras. Ils lui ont par exemple demandé de se remémorer les odeurs lorsqu’elle se trouvait chez M. Ruggia ». Plus globalement : « ils créent un climat de confiance dans une sphère compliquée parce qu’intime qui permet d’avoir un tableau très précis et de trier entre les gens qui mentent, qui extrapolent, qui en rajoutent, et ceux qui ne mentent pas ». L’enquête est toujours en cours après trois auditions au sein de l’office et notamment une confrontation avec Christophe Ruggia. « L’enquête est parfaitement menée, étape par étape. Et Adèle Haenel bénéficie de l’accompagnement de son entourage, de son psy et de ses avocats ». La capitaine Béchu invite les victimes de violences sexuelles à « libérer la parole, pas forcément dans les médias mais par un service de police dédié ».
Sur 16 400 plaintes enregistrées en France, seulement 1 600 seront jugées en cour d’assises, soit plus de dix fois moins, rappelle le documentaire Elle l’a bien cherché, réalisé par Laetitia Ohnona qui a travaillé pendant sept ans sur les viols et leur traitement en France. (« 200 000 viols sont commis chaque année » en France, « deux femmes sur six ont été victimes de viol ou de tentative de viols dans leur vie »).
Une brigade en situation d’extrême sous-effectif
Deux chiffres, éloquents, suffisent à résumer la situation. Le groupe central des mineurs victimes est composé de treize enquêteurs. Chaque année, ils reçoivent 70 000 affaires à traiter. « En Angleterre nos homologues disposent d’un service de 250 personnes, les Néerlandais sont 130 alors qu’ils ont trois fois moins d’habitants que nous », rappellent la capitaine Béchu et son adjointe la capitaine Katie Steel. « Et heureusement que ces pays sont là dans certains dossiers pour nous aider sinon nous n’en aurions pas les moyens ». Cette unité, très autonome au sein de l’OCRVP, a pour mission la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne autrement dit la pédopornographie sur internet – le critère du web étant le vecteur de saisine de l’office – ainsi que dans le cadre du tourisme.
La France est le troisième pays européen le plus concerné par ces enjeux derrière la Hollande et l’Allemagne, et avant l’Angleterre selon les enquêtrices. Du fait de son expertise, le groupe reçoit également les affaires médiatiques, sensibles ou d’enjeu international comme les affaires Haenel, Matzneff ou Epstein. Il est le seul compétent sur tout le territoire français. La brigade de protection des mineurs est, elle, compétente pour Paris et la petite couronne mais aussi pour des dossiers envoyés par la sûreté nationale (viols, incestes, fugues, bébés secoués…). C’est ce service qui a fait l’objet du film Polisse de Maïwenn (2011). Véronique Béchu y a exercé treize ans avant d’arriver à l’OCRVP : « dans le film, on voit tout le panel des affaires qu’on peut traiter mais il déforme quand même la réalité. La façon dont on s’adresse aux enfants, c’est pas du tout ça ». Pour le reste, tous les commissariats disposent d’une brigade de la protection de la famille et les départements d’une sûreté départementale avec des agents formés aux questions de mœurs. L’office a notamment monté des canevas d’audition pour les collègues en local. La libération de la parole depuis #Metoo, réelle selon les deux capitaines, semble impossible à endiguer par un service de treize agents qui gère également le Darknet, un réseau internet couvert et anonyme.
« On essaie d’identifier les producteurs qui filment et abusent d’enfants prépubères, c’est-à-dire de moins de dix ans, sinon il y a trop à faire », reconnaît le commissaire Philippe Guichard, le patron de l’office. De même, en matière de tourisme sexuel, les investigations sont ciblées en Asie du Sud-Est pour les mêmes raisons. « On essaie d’envoyer en local les dossiers plus classiques de détention et diffusion d’images pédopornographiques ou de sextorsion – le fait de solliciter un mineur par écran pour obtenir des images à but sexuel – », précisent les cheffes du service qui conservent notamment les dossiers avec un grand nombre de victimes, un même modus operandi, des auteurs présumés qui exercent une activité en lien avec des mineurs, et les dossiers à l’international. La coopération sur le sujet est totale à la différence d’autres domaines comme les homicides d’expatriés français tués à l’étrangers, l’un des cinq autres groupes opérationnels de l’OCRVP. « Les demandes d’entraide y sont régulièrement refusées, c’est de la diplomatie », souligne le commissaire. Alors qu’en matière de pédocriminalité, « pas de concurrence, tout le monde travaille main dans la main ». Quand un suspect de pédophilie est découvert dans un pays étranger, la communication est immédiate, grâce à Siena, la messagerie sécurisée d’Europol et d’Interpol, et les demandes d’autorisation exemptées, la protection de l’enfance étant l’enjeu principal et unanime. Les Français de l’OCRVP sont même considérés comme experts à l’international. Plusieurs fois par an ils se rendent en Inde, au Vietnam, au Sri Lanka, aux Philippines, en Thaïlande notamment, pour former leurs homologues aux cybertechniques d’enquête, sous pseudonyme, et ainsi resserrer la coopération internationale, y compris avec les ONG locales : « ce sont ces acteurs qui nous signalent les comportements inquiétants de Français à l’étranger ». En quelques années, certains pays ont changé leur législation et renforcé la répression sur ces thématiques. Les pédocriminels eux, s’adaptent. « Ils cherchent des pays très pauvres où ils peuvent être tranquilles. Les prochains sur la liste ce sont la Birmanie et le Bangladesh. »
Aujourd’hui, le nouvel enjeu concerne le live-streaming soit « l’achat de séquences spécifiques de viols d’enfants commandées en direct, explique le commissaire Guichard, souvent aux Philippines. Ça vaut autour de 50 $, là-bas c’est considérable. Les auteurs en commandent jusqu’à 50 ». Le 13 janvier, à Paris, le procès inédit sur le sujet de Stéphan L. se clôturait sur la condamnation de l’accusé à cinq ans d’emprisonnement pour « complicité d’agressions sexuelles sur mineurs » par instigation. Véronique Béchu et Katie Steel regrettent la qualification de complicité plutôt que celle d’auteur. « La peine est la même mais dans l’imaginaire collectif c’est moins grave, or c’est bien lui qui derrière son écran paie, choisit sur catalogue l’enfant et les sévices qu’il va subir ». Elles souhaitent une qualification spécifique suffisamment large pour intervenir dès les premiers échanges de mails et de vidéos.
« En France, ce n’est pas une infraction d’avoir des échanges afin d’obtenir une photo pornographique d’enfant alors que dans les pays anglo-saxons, c’est puni de quatorze ans de prison », assurent les enquêtrices. « Pas sûr que ça réponde aux principes fondamentaux de la procédure pénale », nuance Emmanuel Daoud. Le thème est encore nouveau, et la collaboration avec le parquet et les Philippines jeune en la matière ce qui ne fait que révéler davantage le manque de moyens du groupe central des mineurs victimes. « On parle de priorité nationale dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs en France – et contre les violences faîtes aux femmes, ndlr – mais le manque d’effectif est criant par rapport à l’ampleur du sujet », déplore-t-on au groupe central des mineurs victimes. Un constat repris par Me Daoud et par Me Le Bras : « Si on considère que ça devient une thématique d’actualité, il va falloir faire de la comptabilité humaine ».
Un office ultraspécialisé composé d’enquêteurs et d’analystes
L’OCRVP a été créée par le décret du 6 mai 2006 sur les ruines de deux structures (l’OCDIP et la DNRAPB). Il est l’un des cinq offices centraux de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF) qui dépend donc de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il est d’ailleurs situé à Nanterre dans leurs locaux. L’OCRVP se compose de six groupes opérationnels et d’une plateforme d’appui. Le premier groupe concerne les homicides sans mobiles apparents. « On ne prend que les affaires extrêmement lourdes, jamais en début de parcours, et souvent en appui du service territorial compétent », explique le commissaire Guichard qui dirige l’office. Parmi ceux-là, un certain nombre de cold cases, ces fameux dossiers vieux de dix, quinze, vingt ans, jamais élucidés, jamais refermés. Le second groupe porte sur les disparitions criminelles ou inquiétantes ce qui correspond juridiquement à « un homicide sans corps découvert », avec là aussi beaucoup de vieux dossiers. Un autre groupe travaille sur les affaires en série, des meurtres ou des viols avec un mode opératoire ou des traces similaires. En ce moment, l’office travaille notamment sur le meurtre de l’étudiante Sophie Le Tan en Alsace et sur le parcours « sur les cinq dernières années » de son principal accusé, Jean-Marc Reiser, déjà acquitté dans une affaire de meurtre en 2001. Vient ensuite le groupe axé sur les homicides d’expatriés français tués à l’étranger : ici l’office œuvre en collaboration avec le service local étranger.
Il y a enfin le groupe des mineurs victimes, évoqué plus haut. Puis celui des dérives sectaires (Caimades), le seul en France à travailler à temps plein sur le sujet. La superintendante Lénaïg Le Baïl, précise que 40 % des signalements faits à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) – supprimée par le gouvernement actuel – concernent des cas d’exercice illégal de la médecine. Par exemple, le cas Mercuri du nom d’un ostéopathe et guérisseur, mis en examen pour abus de faiblesse, escroquerie et exercice illégal de la médecine en 2018. La plupart sont émis par des proches des victimes sous emprise, plus rarement d’une ancienne victime sortie de l’emprise ou enfin du service central du renseignement territorial (SCRT). « On n’est pas là pour juger de la pertinence des croyances même si on doit s’intéresser au discours, nous on est là pour détecter d’éventuelles infractions pénales », affirme-t-elle. La loi About-Picard de juin 2001 sert de socle avec l’infraction d’abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique. Là encore, un gros travail d’audition est mené avec des canevas, un protocole prédéfinis pour mettre en lumière les processus d’emprise. Les dossiers courent sur plusieurs années, sont souvent menés seuls, parfois en cosaisine si des infractions connexes sont relevées, par exemple un service financier.
La plateforme d’appui est, elle, composée de différents services qui interviennent en soutien de ces groupes et de manière transversale. D’abord les psychocriminologues qui font du profilage et de l’assistance à audition. Ensuite, le groupe des relations internationales qui fait du rapprochement entre les cadavres découverts sous X et les disparitions de personnes. Certains sont spécialisés dans la téléphonie et les réseaux sociaux, « un incontournable dans toutes les enquêtes », précise le commissaire Guichard. Puis la plateforme d’analyse criminelle qui dépend de la DCPJ. Onze analystes sont chargés de la mise en œuvre du logiciel SALVAC (système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes), développé par les autorités canadiennes et utilisé en France depuis 2002. Ce service autonome de l’OCRVP est une aide « pour tous les enquêteurs de France » qui consiste à faire du « rapprochement d’affaires », résume Gwladys Gouilliart, capitaine de police et cheffe du groupe. « C’est le seul outil du pays spécialisé dans les atteintes aux personnes, commun à la police et à la gendarmerie, et qui tient compte du comportement des agresseurs », explique-t-elle.
En somme « c’est un outil qui traque les prédateurs » de viols, d’agressions sexuelles, d’enlèvements, de crimes ou de tentatives, dans des cas où victimes et auteurs ne se connaissent apparemment pas, et où il n’y a pas de mobile apparent. 15 000 dossiers ont été intégrés dans la base, la moitié des auteurs sont identifiés. « Les premiers condamnés depuis la création du SALVAC commencent à sortir de prison et à recommencer. On a déjà réinscrit plein d’auteurs dans la base », s’alarme la responsable qui regrette que ce logiciel demeure méconnu. « 90 % du temps, nous sommes pro-actifs », souligne-t-elle. Ainsi, le service propose lui-même ses services aux collègues sur le territoire qui sont chargés d’une enquête. Il arrive que ceux-ci ne répondent pas favorablement comme c’est le cas pour le dossier Nordahl Lelandais, un ancien militaire accusé de meurtres et d’agressions sexuelles sur mineures de moins de quinze ans. « Une aberration », souffle-t-on à l’office. « Je ne dispose pas d’éléments explicatifs », abrège Gwladys Gouilliart.
Un directeur « à l’ancienne » et des cold cases
« Certains m’appellent le Maigret des années 2000 », lance le commissaire Philippe Guichard qui dirige l’OCRVP depuis six ans. « C’est le plus beau poste pour les personnes intéressées par les affaires de sang et de sexe », dit-il. Sa spécialité. « Ce que j’adore, c’est comprendre ce qui a pu se passer et envisager des hypothèses, trouver la bonne ». Inspecteur pendant onze ans, il a pris la tête d’un commissariat des Yvelines après avoir obtenu son examen de commissaire et a rejoint la brigade criminelle de Versailles avant de devenir chef de la division criminelle. L’Express a fait un portrait de ce « flic à l’ancienne » en mai 2018, insistant sur les dossiers qui l’ont marqué, en particulier celui d’Estelle Mouzin, une fillette de neuf ans disparue en 2003 en Seine-et-Marne. Aujourd’hui encore, il demeure l’un de ceux qui connaît le mieux l’affaire.
L’Office continue de travailler sur le sujet parmi d’autres cold cases. « Je pense que tous les dossiers sont sortables. Il faut y croire sinon pas la peine de faire ce métier », lance le breton qui a recouvert son bureau de tableaux de sa région. Lui pense que la médiatisation est toujours bonne à prendre : « il faut que le dossier ne tombe pas dans l’oubli », justifie-t-il. Alors il communique beaucoup avec les journalistes et n’hésite pas à relancer une affaire par le biais d’un reportage, d’un appel à témoins, d’un commentaire. « Les magistrats n’aiment pas ça, ils considèrent que c’est du viol du secret de l’instruction, mais un témoignage peut être très important », dit-il. Et de préciser, « je ne révèle rien aux médias ! »
L’OCRVP creuse les pistes inexplorées, entend les trois voisins pas rencontrés sur une enquête de voisinage étendue à cent personnes, cherche des axes nouveaux, à coup de brainstormings, de réunions, de déplacements et un gros travail d’audition. « Aussi prestigieux soit le service d’enquête, il y a toujours des manques. Ils sont dans le tunnel, lancent la piste qu’ils estiment la plus sérieuse et quand ça ne marche pas, une autre affaire a déjà pris le pas, moins de gens travaillent sur la première ». Les dossiers les plus anciens remontent aux années 1980 comme celui de Sabine Dumont, une fillette enlevée et tuée dans l’Essonne en 1987. L’Office est saisi à différents moments de l’enquête, quand on estime que leur expertise et leur regard extérieurs peuvent faire avancer le dossier. Dans le cas de Sophie Le Tan, c’est la DCPJ qui a été saisie avec l’ensemble de ses services et offices. Idem dans l’affaire Léa Petitgas, une jeune nantaise disparue en décembre 2017. Il s’agit souvent de cosaisie avec les enquêteurs sur place qui sont la mémoire du dossier, le but étant d’intervenir en bonne intelligence.
« On n’arrive jamais dans une logique de préemption des dossiers ni pour prendre la gloire à leur place, assure la superintendante Lénaïg Le Bail. En général on travaille main dans la main et à l’initiative des gendarmes ou policiers sur place. Travailler avec des gens qui ne le souhaitent pas, ça ne sert à rien. » C’est moins vrai pour les cold cases où les premiers enquêteurs ont cessé d’investiguer. « La première chose qu’on regarde c’est l’état des scellés, dit-elle. L’évolution technique prouve que ça vaut toujours le coup de refaire des analyses ADN notamment ». Sur les dossiers d’ampleur, l’office demande des gels de données téléphoniques sur tout le territoire – très coûteux – qui peuvent aller de quelques heures à une journée. Par exemple, tous les appels en France le jour de la disparition d’Estelle Mouzin sont stockés.
« Il n’y a pas une chaîne où un jour se passe sans émission, sujet, documentaire sur une affaire de sang ou de sexe », relève le commissaire Guichard qui considère la communication comme « une partie du job ». En l’occurrence, cette semaine-là, il intervient à la Chancellerie, reçoit Gabriel Attal, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse pour discuter de la cybercriminalité, participe à une réunion avec Alerte Enlèvement, une autre au parquet de Paris sur l’affaire Epstein, répond à une demande d’expertise d’industriels qui veulent développer des outils de gestion des affaires criminelles, rencontre Uber pour réfléchir à un moyen de pallier le phénomène des agressions par des chauffeurs, participe à une réunion de crise au ministère des Affaires étrangères, s’entretient avec des candidats à cinq postes ouverts au sein de l’Office, et répond à une interview du Monde, de Mediapart ou de l’émission Non élucidé. « Il faut bien que les Français sachent que la police n’est pas que la lutte contre les gilets jaunes mais aussi de l’investigation lourde, dit-il. Et qu’il n’existe pas un violeur ou un agresseur en liberté dont on ne s’occupe pas ». Ce qui, en l’état des moyens attribués à la police et à la justice, malgré tout leur professionnalisme, et si l’on en croit les témoignages de cet article, semble être un idéal loin d’être encore atteint.
L’accord donné par le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) au transfert de l’autorisation de création d’un établissement médico-social est une compétence exercée au nom de l’État. Par conséquent, une éventuelle faute dans l’exercice de cette compétence engage la responsabilité de celui-ci et non de l’ARS.
La société Thessalie avait été autorisée, en 2007, à créer un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes dans le Calvados. En juin 2014, la société a demandé au directeur de l’ARS Basse-Normandie le transfert de l’autorisation à un groupe qui s’apprêtait à la racheter. Le directeur de l’ARS a refusé au motif qu’il ne disposait plus des crédits nécessaires au fonctionnement de l’établissement....
Par un arrêt du 28 février, le Conseil d’État a à nouveau illustré sa jurisprudence relative à l’indemnisation d’un candidat évincé de la conclusion d’un contrat public pour cause de passation irrégulière (CE 18 juin 2003, req. n° 249630, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe c. Commune du Lamentin, Lebon T. ; AJDA 2003. 1676 ; v. aussi CE 10 juill. 2013, req. n° 362777, Compagnie martiniquaise de transports, Lebon T. ; AJDA 2013. 1482 ).
En vertu de celle-ci, lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a le droit d’être indemnisé de son...
« Vous êtes de ces magistrats qui ont, à la fin, une belle carrière »
La question des allers-retours des hauts magistrats parisiens entre les cabinets et les juridictions est récurrente. Ainsi, le député FI Ugo Bernalicis interroge Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris : « Vous êtes de ces magistrats qui ont servi à la fois au siège et au parquet, qui ont eu des responsabilités politiques dans les cabinets ministériels et qui sont passés par l’inspection, et qui ont, à la fin, une belle carrière. Est-ce que vous pensez que les postes de magistrat à l’administration centrale de la justice posent un problème d’indépendance ? »
Noël réplique : « Le passage en administration centrale n’obère pas l’indépendance du juge. » Au contraire, « il est important que le magistrat s’ouvre sur la société, ce que permet le passage en administration centrale ». Par ailleurs, « si des magistrats ne participaient à des cabinets, alors vous auriez des administrateurs civils, des membres du Conseil d’État qui porteraient eux l’appréciation sur le fonctionnement de la justice. Je préfère que ce soient des magistrats judiciaires ».
Les mêmes questions sont posées ensuite à François Molins, procureur général près la Cour de cassation. « J’ai été directeur de cabinet du garde des Sceaux pendant deux ans et demi. Quand je suis arrivé au parquet de Paris, il y a eu la polémique qu’on connaît. Tous ont dit : on ne critique pas vos qualités personnelles mais votre passage institutionnel ; je ne l’ai, pour autant, pas très bien vécu. […] En arrivant au parquet de Paris, j’aurais pu être tenté de protéger les gens avec lesquels j’avais travaillé quelque temps avant. Je ne l’ai pas fait. Je pense avoir ouvert des enquêtes ou des informations sur la quasi-totalité des mouvements politiques. »
« Le regard des politiques sur la justice devrait changer »
Autre question rituelle posée aux magistrats : les pressions politiques. François Molins cite une affaire datant du début des années 1980. « C’était dans un monde ancien avec une situation qui a beaucoup évolué. » « Depuis la loi de 2013, je n’ai jamais eu à subir, de quelque façon que ce soit, des instructions ou des tentatives d’instruction de la part du pouvoir politique. » « La seule affaire dont j’ai eu à connaître concernait un magistrat, je n’en dirai pas plus afin de ne pas trahir le secret de la procédure en cours, pour lequel on a découvert, à l’occasion de perquisitions effectuées après son départ à la retraite, qu’il y avait, au travers de ses relations avec certains élus, des éléments pouvant évoquer d’éventuelles corruptions ou trafics d’influence. J’ai saisi un juge d’instruction. »
Auditionné le même jour, le secrétaire général de l’USM, Jacky Coulon abonde : « Nous n’avons jamais eu de collègues qui se seraient plaints d’atteintes à l’indépendance. Il y a d’autres difficultés, comme la dépendance de la police judiciaire vis-à-vis du ministère de l’intérieur. » Pour Katia Dubreuil, du Syndicat de la magistrature, des problèmes viennent de la hiérarchie. « Ce sont des collègues déchargés de leur contentieux de manière unilatérale par un président à qui les décisions prises ne conviennent pas. Ce sont des convocations paradisciplinaires du président pour reprocher telle ou telle décision susceptible de déplaire en haut lieu. »
Pour François Molins, « le regard des politiques sur la justice devrait changer. Je suis personnellement frappé que, chaque fois qu’une enquête ou une instruction vise un homme ou une femme politique, sa stratégie de défense est de mettre en cause l’impartialité du procureur ou du juge, ou de l’accuser d’être à la solde du pouvoir ». Une manière de renvoyer la balle aux députés : les perquisitions au siège de la France insoumise figuraient dans les motifs de la résolution FI créant la commission d’enquête.
« L’image publique de la justice est entachée par le statut du parquet »
Pour Jacky Coulon : « Le statut du parquet qui met la nomination et la discipline des procureurs aux mains du pouvoir exécutif nuit à l’image d’indépendance de la justice, une indépendance que l’on constate pourtant concrètement dans les affaires individuelles. Je peux vous garantir que, depuis 2013, je n’ai pas eu d’instructions dans des dossiers individuels. […] Si le CSM nommait les procureurs et les procureurs généraux, on n’aurait pas comme procureur de la République celui qui était conseiller du ministre dans son cabinet. »
Il faut être plus ambitieux, pour François Molins, et « investir le CSM du pouvoir de proposer les nominations des procureurs généraux et des procureurs de la République ». Marie-Christine Tarrare, de la Conférence nationale des procureurs généraux, nuance : « La majorité des procureurs généraux sont pour le maintien du pouvoir de proposition du garde des Sceaux, pour veiller à l’uniformité au niveau national de la politique pénale. »
Autre piste, pour Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de Paris, il serait bon qu’après dix ans de carrière, les magistrats choisissent définitivement entre siège et parquet « avoir été juge d’instruction, puis ensuite magistrat au parquet, où l’on va rendre des rapports sur l’instruction, voilà qui me paraît un peu compliqué ! »
Dernier point, lancinant : les moyens. Pour Joëlle Munier, présidente de la Conférence nationale des présidents de TGI, certaines décisions sont ainsi contraintes. Ainsi, « il arrive que la protection judiciaire indique au juge des enfants qu’elle n’a pas de solution alternative à l’incarcération, faute de financements suffisants. C’est une atteinte à la décision juridictionnelle ».
À la suite d’un contrôle antidopage positif à l’occasion d’un match du championnat de France de Top 14, un joueur de rugby professionnel a été suspendu provisoirement, à titre conservatoire, par la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage. Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil d’État précise que « lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire, prise à titre conservatoire sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du...
La création dans la fonction publique d’un contrat de projet, à l’image de ce qui existe dans le code du travail, est l’une des innovations de la loi de transformation de la fonction publique (v. E. Aubin, Le contrat, avenir de la fonction publique ?, AJDA 2019. 2349 ). Le décret n° 2020-172 du 27 février 2020 permet son entrée en vigueur dans les trois versants de la fonction publique.
Il fixe en effet, dans trois chapitres différents, les règles applicables à ce nouveau contrat respectivement dans la fonction publique de l’État (FPE), la fonction publique territoriale (FPT) et la fonction publique hospitalière (FPH). Celles-ci...
Comment démontrer qu’un travail rémunéré a été fourni lorsque le périmètre de la mission n’est pas connu ? Voilà la fiche de poste que le parquet national financier doit, lui, remplir pour démontrer que Penelope Fillon, assistante parlementaire de son époux, a été complice de détournements de fonds public.
Il est dit que le parquet a un boulevard devant lui. C’est parfois vrai tant Mme Fillon hésite, élude ou, pire, est bien incapable de répondre aux questions du tribunal sur « la plus-value » de son travail. Elle apparaît, souvent, comme « l’épouse de », qui assiste aux mondanités locales en raison de son état civil davantage que son poste d’assistante parlementaire. Quand elle hésite, son mari, à côté d’elle à la barre, la pousse et répond pour elle. « Je voudrais rajouter un point », répète-t-il. Que dire de la litanie des collaborateurs locaux et nationaux que Penelope n’a pas rencontrés et dont certains, interrogés pendant l’enquête, ont dit tout ignorer de son rôle ? D’autres savaient qu’elle avait un rôle mais ignoraient qu’elle était payée. La présidente de la 32e chambre a tenté hier, minutieusement, de les trouver, ces traces de travail.
Hier, la défense du couple Fillon, venue avec valises, classeurs et reproductions d’articles de presse locaux des années 1980 aux années 2000, d’éloges funèbres, de parrainages de jumelages de communes, avait l’intention de justifier, ce que Penelope Fillon a eu du mal à faire à l’audience précédente, son travail auprès de François Fillon. Vague ambiance prud’homale. Telle année, on note la présence de Mme Fillon au comice agricole de la Sarthe. « En quoi cela se rattache à votre mandat de député ? », interroge la présidente du tribunal. Développement économique agricole et crédibilité de la politique française en la matière, répond François Fillon. Penelope Fillon assiste à un vernissage dans une galerie d’art, l’article de presse y mentionne « Mme Fillon, représentante de son mari ». Sa venue à une soirée dans une maison de retraite, à la fin des années 1980 ? Elle y représente encore François Fillon. Pour l’éloge funèbre de tel maire, Penelope Fillon précise qu’elle a rassemblé les éléments pour que son époux puisse écrire le texte. En 1998, il y a ce discours concernant un départ à retraite et cette « petite note manuscrite » dans laquelle quelqu’un répond à une vieille dame. À chaque fois, la magistrale demande à la prévenue quelle a été sa plus-value. Les réponses sont discrètes, parfois laborieuses. « Si les gens me demandaient de l’aide, je les aidais. » Le tribunal s’interroge encore sur son utilité alors que François Fillon disposait d’une secrétaire expérimentée à la mairie. Pour répondre au courrier que le député recevait à son domicile, Penelope notait dans des carnets des éléments de réponse qui servaient ensuite à son mari et à sa secrétaire. Des carnets qu’elle n’a jamais gardés. Pour la défense, Penelope Fillon, n’était pas une simple « passeuse » car elle faisait le tri entre ce qui avait un intérêt et ce qui n’en avait pas.
Malgré tout, comment démontrer qu’un travail rémunéré a été réellement exécuté quand personne ne sait vraiment en quoi il consiste ? « Le rôle de Penelope était de superviser les choses, il était de faire le lien entre les équipes et moi-même. Je n’ai jamais demandé à Penelope de faire du secrétariat. Oui, c’est un rôle de donneur d’ordre, avec un niveau de relation de confiance que je n’avais pas avec d’autres collaborateurs. » D’où l’absence de traces tangibles, d’archives, d’éléments incontestables. Et puis, a-t-il ajouté, « pendant cinquante ans, un grand nombre de parlementaires travaillaient avec un membre de leur famille. On ne peut juger les faits reprochés sans prendre en compte cette dimension. On ne travaille pas de la même manière. […] Pour les électeurs, s’adresser à son conjoint, c’est s’adresser directement au parlementaire. […] Mais cela a créé des suspicions, la décision de supprimer les membres de la famille a été prise mais vous ne pouvez juger sans prendre en considération ces éléments ».
Les débats se poursuivent jusqu’au 11 mars.
Sur le procès des époux Fillon, Dalloz actualité a également publié :
• Procès Fillon : le procès débute mercredi avec l’examen de deux QPC, par M. Babonneau, le 24 février 2020
• Procès Fillon : « Que serait un grand procès pénal sans QPC ? », par M. Babonneau, le 26 février 2020
• Procès des époux Fillon : « Nous avons mal pour vous, madame », par M. Babonneau, le 28 février 2020
Environ deux ans après la mise en œuvre de cette loi, la Cour des comptes dresse, à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, un premier bilan de la réforme. Ses travaux se sont organisés autour du triptyque – orientation, affectation, réussite – poursuivi par la loi ORE et, plus largement, par le Plan étudiants, selon lequel la réussite des étudiants aux examens universitaires est mieux assurée lorsqu’ils ont, d’une part, bénéficié, au cours du secondaire, d’un réel accompagnement dans leur choix d’orientation et que, d’autre part, l’affectation dans une formation a été déterminée, en priorité, par...
Penelope Fillon est une collaboratrice très spéciale. Elle l’est d’abord pour son mari, François Fillon, qui la sollicite jour et nuit, week-end compris, ce qui ne pourrait être demandé à aucun autre assistant parlementaire. Sans elle, il n’y aurait jamais eu, par exemple, de « maillage » territorial du député. Mais elle est aussi, et ce sont ses propres termes, « une variable d’ajustement » dans les salaires qu’il lui verse, toujours « dans la fourchette haute » comme le relève le tribunal. Pour le parquet national financier, Mme Fillon est tout autant spéciale car il peine, lui, à constater la matérialité du travail accompli pendant tant d’années contre salaires.
Hier, au troisième jour du procès1, Penelope Fillon est invitée à la barre par la présidente de la 32e chambre correctionnelle. Mme Clarke – c’est le nom de jeune fille de cette Galloise de 65 ans – a un léger accent, elle parle doucement mais sans hésitation. De la salle d’audience, c’est sa chevelure blanche immaculée qui appelle le regard. Après des études littéraires et un diplôme inachevé de notaire, Penelope Clarke épouse François Fillon en 1980. Il devient député en 1981 dans la Sarthe, en remplacement de son mentor Joël Le Theule, qui vient de mourir. « C’est le décès de Joël Le Theule qui a tout changé, mon mari a décidé de le remplacer, j’ai décidé que j’allais rester dans la Sarthe pour l’épauler ». Voilà, Penelope Fillon commence sa carrière de collaboratrice, avec un objectif central : celui de faire le relais avec les habitants. « C’était ce rôle local qu’il m’avait demandé de faire », raconte-t-elle, dans toute la circonscription. À partir de 1981, François Fillon lui donne des missions ponctuelles et précises sur des sujets variés : « l’aménagement du bocage sabolien » (30 000 F), « organisation du secrétariat » (30 000 F), « collaboration générale » (22 613,50 F) ou encore « études générales » (15 500 F). « Mon mari avait besoin de connaître profondément la circonscription, il m’a demandé de remplir ces différentes missions ».
— Pouvez-vous décrire le travail type que vous faisiez, de manière générale, les tâches à accomplir, interroge la présidente Nathalie Gavarino.
— Je faisais différentes sortes de travail. On recevait énormément de courrier à la maison [entre 35 et 40 par semaine, précisera-t-elle plus tard, ndlr], je faisais ceci, des petites revues de presse sur la partie locale pour qu’il soit au courant des événements dans chaque village, dans chaque commune. Il utilisait les revues de presse, des résumés pour établir des fiches quand il était invité dans des manifestations dans les communes, pour qu’il soit au courant de ce qui se passait.
— Dès 1981, il vous donne des contrats d’étude. Comment les thèmes ont-ils été choisis ?
— C’est mon mari qui m’a donné le thème, je faisais des recherches sur place. Par exemple, sur le bocage, il voulait avoir une idée de comment développer la communauté de communes.
— Vous faisiez des recherches à la bibliothèque, par exemple ?
— Non, c’était très général et local.
— Combien de temps vous a pris chacune des études ?
— De mémoire, six mois. […] Une bonne partie du temps, j’avais de l’aide à la maison, je n’avais pas d’heures précises, fixes.
— Mais quel était le volume horaire de votre travail ?
— Je ne peux vous répondre, c’était dans les années quatre-vingt [la prévention couvre les périodes allant de 1998 à 2002, de 2005 à 2007, 2012 et 2013, ndlr].
— C’étaient des rapports écrits ?
— Oui, je les donnais à mon mari mais je ne sais pas ce qu’il en fait. […]
— Comment était fixée la rémunération ?
— C’était mon mari.
— Les rémunérations étaient très variées, constate la présidente. Elles allaient de 4 000 F à 30 000 F.
— Je pense que mon mari a décidé du montant en fonction du montant du crédit parlementaire.
— Le paiement devait se faire, en principe, contre facture. Vous en avez présenté ?
— Non.
— Lors de l’instruction, vous avez parlé de « petits rapports », c’est-à-dire ?
— Ce n’étaient pas des rapports lourds, plutôt des choses ponctuelles, c’était plutôt petit. […] Les rapports, je les ai donnés à mon mari, les bulletins de salaire, je les ai gardés dans une chemise.
À partir de 1986, il n’est plus question de missions d’études, de rapports, mais de contrats de travail. Penelope Fillon les enchaîne, à temps plein ou à mi-temps. Le salaire ? « C’est mon mari qui gérait son crédit », répète-t-elle à la barre. Son travail ? « Rencontrer les habitants, faire des revues de presse, des fiches pour les manifestations. » Elle travaillait à Sablé, à son domicile, elle était collaboratrice parlementaire locale et n’avait pas « besoin » d’un badge d’accès à l’Assemblée nationale puisqu’elle n’avait « pas besoin d’y aller ». « Ça ne vous intéressait pas de savoir combien vous alliez être payée ? », s’étonne le tribunal. « Si, bien sûr, mais je n’allais pas faire de réclamation ! », répond Penelope Clarke. « Oui, vous n’alliez pas l’assigner aux prud’hommes », sourit la magistrate. La salle rit. Et même quand elle perd 30 % de rémunération, elle ne proteste pas. Les salaires de Penelope Fillon étaient plutôt « dans la fourchette haute » des rémunérations des assistants parlementaires. « Je ne savais pas quelle était la fourchette, mon mari a toujours choisi les montants selon les règles de l’Assemblée nationale. Je n’ai jamais fait de comparaison. » Il y a ensuite huit années sans contrats, où elle continue de travailler pour son mari mais sans salaire. « Ça ne m’a pas posé de problème », dit-elle. Cela ne lui pose pas de problème non plus de ne pas poser de jours de congé ou de bénéficier de congé maternité (ils ont eu cinq enfants). L’avocat de François Fillon rappellera que ce n’est pas inhabituel pour les assistants parlementaires de ne pas prendre de jours de congé.
« Il n’y a qu’une seule Penelope Fillon »
Cela fait deux heures que Penelope Fillon est à la barre. « Son mari » prend des notes. Le procureur Aurélen Létocart se lève. Il « compatit » car la prévenue affronte « un exercice délicat ». La caresse. Puis : « la rémunération est fixée non par vous, mais par votre employeur. J’ai une autre vision, qui me trouble : à chaque maternité correspond un nouveau contrat, avec une augmentation en fonction des besoins croissants du foyer. Est-ce une vision tronquée ? » La prévenue écarte cette possibilité. « À propos des congés que vous n’avez jamais pris, continue le magistrat, il y avait à chaque rupture de contrat une indemnité compensatrice. C’est assez atypique, ça, non ? » En 2002, par exemple, elle touche 16 000 € d’indemnités. Mme Fillon ne s’est « pas occupée de regarder les détails, c’est une négligence de ma part. […] C’est mon mari qui s’occupait de ça ». Le parquet continue de s’étonner de tout. « Lors de vos missions ponctuelles, l’organisation du secrétariat, ça consistait en quoi ? », lance le procureur Bruno Nataf. « Il s’agissait de mettre en place une équipe avec secrétariat, il s’agissait de réfléchir avec ceux impliqués dans l’organisation pour faire en sorte que les choses se passent le mieux possible. » « 30 000 F pour organiser le secrétariat local, qui existait déjà, soit neuf mois de SMIC de l’époque sur une durée qu’on a du mal à se représenter, c’est beaucoup, non ? ». « Je ne me suis pas occupée du montant », répète-t-elle. « Nous avons mal pour vous, madame », conclut Bruno Nataf.
Penelope Fillon s’assoit. Son époux regarde droit devant. C’est à lui de parler. On l’entend mieux. Il revient sur ses débuts, sur le fait qu’il ne rêvait pas de devenir député mais que le couple avait néanmoins décidé « de plonger dans un mode de vie qui s’apparente à un sacerdoce ». La mission de son épouse consistait « à superviser mon agenda, ce qu’elle faisait de manière extrêmement régulière. Je lui demandais de superviser le courrier parlementaire, c’était une masse considérable de demandes d’intervention. La troisième chose que je lui demandais, c’était d’être présente sur le terrain auprès d’associations, de structures comme des clubs, qui forment le tissu d’une circonscription locale. Et, grâce à cette présence, cela me permettait d’avoir des informations précises quand j’y intervenais, parfois jusqu’à dix fois dans le week-end. Elle me donnait des détails, par exemple, sur les maires. Je ne suis pas extraordinairement patient, je ne passe pas beaucoup de temps à écouter. Ensuite, elle recevait les gens qui souhaitaient me rencontrer. Enfin, le dernier travail, oui, elle m’a conseillée. Il n’y a pas un seul discours de ma carrière qui n’ait été relu par Penelope ». L’ancien premier ministre ironise « sur la méconnaissance du parquet qui croit que le travail d’un député, c’est de déposer des amendements et faire de grands discours ». Oui, Penelope était indispensable, « sa force, c’était de connaître, par sa présence, sa proximité, remarquablement bien les gens ». Quid des rémunérations de sa femme ? « Oui, sa rémunération a varié en fonction des disponibilités de mon enveloppe budgétaire. Oui, c’était une variable d’ajustement. » Dans le public, les regards étonnés se croisent. Le parquet reviendra sur le sujet. « C’est une question qui méconnaît le principe de séparation des pouvoirs, le député est le seul maître des tâches et des rémunérations de ses collaborateurs », tranche François Fillon.
La journée n’est pas terminée. La présidente veut évoquer l’interview de Penelope Fillon donnée en 2007 au Sunday Telegraph, dans laquelle elle affirme notamment n’avoir « jamais été réellement » l’assistante de son mari « ou quelque chose dans le genre ». C’est une pièce importante pour l’accusation. Penelope Fillon revient à la barre. « J’ai toujours fait attention de ne pas être l’élue à la place de mon mari. La presse britannique avait envie de me présenter comme première dame de France et je ne voulais surtout pas qu’elle puisse le penser, que j’étais une conseillère spéciale ou quelque chose. J’ai délibérément réduit ce que j’avais fait. […] Quand je dis que je n’ai jamais été son assistante, j’ai voulu dire assistante au Parlement sur le travail législatif, etc. C’est comme ça que j’ai senti les choses. Je ne voulais pas que la journaliste puisse penser que j’avais un rôle important. » Le procureur Aurélien Létocart : « Qui faut-il croire ? La Penelope Fillon qui, sans pression, se livre aux journalistes ou la Penelope Fillon qui, devant les enquêteurs, devant le tribunal, force le trait, tente de surdynamiser le peu d’activité qu’elle a eu ? » « Il n’y a qu’une seule Penelope Fillon », répond la prévenue.
Le procès reprend lundi 2 mars.
1 Les deux QPC plaidées mercredi 27 février n’ont pas été transmises.
« Faire éclater la vérité »
Dans une déclaration liminaire, François Fillon a estimé qu’il avait « déjà été condamné, il y a trois ans, sans appel par un tribunal médiatique », sa vie avait été auscultée « dans les moindres recoins », avec pour conséquence de l’avoir « empêché » de concourir normalement à l’élection présidentielle de 2017. Cela a causé « des dégâts irréparables » pour son élection, pour sa place « dans le courant de pensée » auquel il appartenait – « quelle que soit la décision, rien n’y changera » – pour son honneur « et celui de mon épouse et de Marc Joulaud ». Il est temps, selon l’ancien premier ministre, « de faire éclater la vérité sur la nature du travail de collaborateur parlementaire, sur les raisons qui ont conduit les parlementaires à travailler avec leur famille et la réalité du travail de mon épouse ».
Le rapport d’information constate la multiplication de la création de services de médiation au sein des administrations, en raison, notamment, de la hausse du nombre de conflits intervenus avec les usagers, eux-mêmes nés, entre autres, de l’absence récurrente de réponse à leur demande.
Mais pour les rapporteurs, Sandrine Mörch et Pierre Morel-À-L’Huissier, il faut apporter à ces médiateurs des garanties d’indépendance afin de renforcer...
C’est une transformation profonde de l’ensemble du système de formation des élus locaux que préconise un rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), rendu public le 24 février. Le gouvernement avait demandé cette étude dans le cadre de la préparation de l’ordonnance prévue à l’article 105 de la loi Engagement et proximité.
Le rapport pose un diagnostic sévère sur le dispositif actuel. Celui-ci repose à la fois sur un droit de chaque élu à une formation financée par sa collectivité et sur un droit individuel à la formation (DIFE), financé par une cotisation gérée par la Caisse des dépôts et consignations. Les organismes de formation doivent être agréés par le ministère de l’intérieur. Mais en pratique, relève le rapport, « seule une minorité d’élus suit des formations ». Et ce sont ceux des petites communes qui ont le moins de possibilités réelles de se former. Le pire étant que seul ce taux de recours extrêmement faible permet d’assurer la soutenabilité budgétaire du système.
Pas d’obligation de formation
La mission propose donc de refondre totalement le dispositif. Celui-ci serait fondé sur un droit à l’information d’une journée, généralisé à l’ensemble des élus en début de mandat. Des formations complémentaires seraient ensuite essentiellement destinées aux maires et aux titulaires d’une délégation. Le rapport rejette l’idée d’une obligation de formation « pas conformes aux traditions démocratiques » et « très probablement peu efficace ». Elle préconise l’unification des deux dispositifs actuels, par la création d’un compte de formation de l’élu local (CFEL), articulé avec le compte personnel de formation (CPF). Si le CFEL ne financerait, en principe, que des formations liées à l’exercice du mandat, les droits non utilisés pourraient abonder le CPF pour financer des formations de réinsertion professionnelle. Réciproquement, un élu pourrait mobiliser son CPF pour abonder son CFEL.
Surtout, l’ensemble des droits de tous les élus seraient mutualisés au sein d’un fonds national de formation des élus locaux (FNFEL), géré par la Caisse des dépôts. Un plafond de la dépense annuelle maximale par élu pourrait être ajusté tous les ans en fonction du taux de recours. Le rapport recommande, enfin, de supprimer l’agrément des organismes de formation au profit d’une procédure de déclaration d’activité alignée sur le droit commun.
Cette proposition de loi avait été déposée par le sénateur Alain Milon en octobre dernier et adoptée le 5 novembre. Les députés l’ont modifié à la marge le 15 janvier tout en adoptant conforme l’article 1er, qui supprime la barrière d’âge de 75 ans pour faire une demande de PCH.
Sur la question des fonds départementaux de compensation...
« La France a peu tiré profit de l’environnement économique et financier favorable de la seconde moitié des années 2010 pour consolider ses finances publiques », déplore la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2020. Celui-ci pointe, comme à l’accoutumée, un certain nombre de dysfonctionnements des finances et de la gestion publiques. Les magistrats de la rue Cambon regrettent ainsi la hausse du déficit public en 2019 (73,8 milliards d’euros, soit 3,1 points de PIB), due à la fois à la transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi en allégement de cotisations sociales et aux mesures prises à la suite du mouvement des gilets jaunes. 2020 ne verra aucune amélioration du déficit structurel du fait des choix du gouvernement de baisser les...
S’attaquer à une « jurisprudence constante de la Cour de cassation ». Pierre Cornut-Gentille, avocat de Penelope Fillon, a demandé, mercredi 26 février, si la jurisprudence de la chambre criminelle – « remontant aux années trente » – en matière de point de départ de la prescription d’infraction dissimulée, au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée, pouvait encore raisonnablement s’appliquer au cas de sa cliente, poursuivie notamment pour complicité de détournement de fonds publics.
Selon l’avocat, le parquet national financier a fixé la révélation des faits au jour de la publication d’un article du Canard enchaîné du 25 janvier 2017, date de la révélation de l’affaire. Or, conteste la défense de Penelope Fillon, la quasi-imprescriptibilité de fait de cette jurisprudence constante doit désormais être confrontée à la décision du Conseil constitutionnel du 24 mai 2019, selon laquelle, « en matière pénale, il appartient aux législateurs, afin de tenir compte des conséquences attachées à l’écoulement du temps, de fixer les règles relatives à la prescription de l’action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions ». D’ailleurs, la loi du 28 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale n’a-t-elle pas a fixé comme « par anticipation » au Conseil constitutionnel des délais butoirs pour éviter cet écueil ? « Cette jurisprudence est-elle conforme au nouveau principe constitutionnel du 24 mai », interroge Me Cornut-Gentille.
Pour le parquet, l’interprétation par la défense de la décision constitutionnelle est fausse. Le procureur Aurélien Létocart ironise : « Que serait un grand pénal sans QPC », tacle-t-il à l’adresse de François Fillon qui n’aurait pas été, au temps de la création de la QPC, « son plus ardent défenseur ». Si c’est bien le gouvernement de Nicolas Sarkozy, dont François Fillon était le premier ministre, qui a institué la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, il en aurait dit que c’était « une violation de la Constitution ».
Revenons à la QPC. Dans l’affaire de mai 2019 – il s’agissait d’examiner l’article 7 du code de procédure pénale – le Conseil constitutionnel, tout en consacrant un principe, avait rejeté la QPC. Certes, la règle de prescription doit s’adapter à la matérialité de l’infraction, mais, dans l’affaire examinée en 2019, la personne poursuivie (pour séquestration, un crime) ne se trouvait nullement dans l’impossibilité de démontrer que l’infraction avait pris fin, dès lors que le juge pénal apprécie souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l’infraction a cessé. Le parquet national financier applique le même raisonnement pour le cas de Penelope Fillon. Dans le cas de l’article 8 du code de procédure pénale, l’interprétation qu’en a faite la jurisprudence relativement au report du point de départ de la prescription « n’altère aucunement la capacité de la défense à établir la date à laquelle l’infraction a, selon elle, pris fin ». Pour Pierre Cornut-Gentille, il n’est pas possible de comparer les points de départ du délai de prescription d’une infraction criminelle de nature continue et d’une infraction délictuelle de nature instantanée. C’est tout le sens du principe dégagé par le Conseil constitutionnel. Sans surprise, le parquet demande de ne pas renvoyer la QPC.
« Sous l’Ancien Régime, le détournement de fonds publics était puni de la peine de mort par pendaison »
Une seconde QPC, celle de François Fillon plaidée par son avocat Antonin Lévy, porte sur l’interprétation de l’article 432-15 du code pénal : un parlementaire peut-il être visé par l’infraction de détournement de fonds publics ? Le Conseil constitutionnel ne s’est effectivement jamais prononcé sur la conformité de cet article du code pénal. Pour Me Lévy, l’absence de référence explicite aux députés et aux sénateurs à l’article 432-15 (il n’est question, pour rappel, que des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public), n’est pas « un oubli » ou « une légèreté », estime l’avocat. C’est la volonté du législateur. L’avocat cite travaux préparatoires, débats parlementaires, doctrine. À l’inverse, quand le législateur veut expressément viser députés et sénateurs – « les personnes investies d’un mandat électif », il le fait. Antonin Lévy a contre lui la jurisprudence constante – à nouveau – de la Cour de cassation qui a, à de nombreuses reprises, jugé qu’un parlementaire, « qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, est une personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du code pénal ». Mais, insiste l’avocat, la personne investie d’un mandat électif restant « exclue de la lettre du texte », la Cour de cassation a violé le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Il faut donc transmettre. « Sous l’Ancien Régime, le détournement de fonds publics était puni de la peine de mort par pendaison. On peut donc considérer que le critère de gravité est rempli », a ironisé – encore – le procureur Aurélien Létocart. La salle a souri, les prévenus, moins.
La 32e chambre correctionnelle se prononce aujourd’hui. Si les QPC ne sont pas transmises à la Cour de cassation, les débats s’ouvriront.
François Fillon encourt jusqu’à dix ans de prison et 150 000 € d’amende.
par Estelle Benoitle 26 février 2020
CE 12 févr. 2020, req. n° 432598
Le Conseil d’État était saisi par M. B. d’une demande d’exécution de deux décisions rendues les 23 février et 6 mars 2009 par lesquelles avait notamment été mis à la charge de l’État le versement à M. B. d’une somme sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (CJA).
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Le Conseil d’État a rejeté le recours d’une vingtaine d’universitaires contre la note n° 2018-081 du 7 mai 2018 par laquelle la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a rappelé aux présidents et directeurs des établissements publics d’enseignement supérieur et de...
La société Frangaz contestait l’arrêté du préfet de l’Aude approuvant le PPRT autour des sites de plusieurs établissements situés sur la zone portuaire de la commune de Port-la-Nouvelle. Dans les secteurs délimités par le plan, les propriétaires des biens concernés peuvent mettre en demeure les personnes publiques de procéder à l’acquisition de leur bien et l’État peut déclarer d’utilité publique l’expropriation au profit de ces mêmes personnes des immeubles et droits...
Le fait qu’une condamnation pénale soit réputée non avenue en application de l’article 132-35 du code pénal n’empêche pas que s’applique à la personne condamnée l’interdiction d’être membre du conseil d’administration d’un organisme d’habitation à loyer modéré ou de le diriger, prévue notamment en cas de condamnation pour corruption aux articles L. 241-3 et L. 432-12 du code de la construction et de l’habitation.
Le Conseil d’État a cassé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles qui avait refusé d’annuler l’élection, en 2015, de Pierre Bédier à la présidence de l’Office public interdépartemental de l’Essonne, du...
Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi formé par la ville de Paris contre un arrêt de la cour administrative d’appel par lequel avait notamment été annulée sa décision de refus de délivrer une attestation de permis tacite, sollicitée par la société Le Toit parisien, décision de refus dont le juge de...
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a organisé le transfert automatique de la compétence plan local d’urbanisme (PLU) aux communautés de communes. Les litiges qui ont suivi donnent l’occasion de répondre à certaines questions laissées en suspens. Ainsi, le Conseil d’État indique la marche à suivre dans l’hypothèse où une commune membre d’une communauté de communes a déjà engagé une procédure d’élaboration de son PLU avant le transfert de cette compétence à la communauté. Deux cas de figure se présentent...
Dans un arrêt du 12 février, le Conseil d’État précise les modalités de réparation d’une perte de chance causée par une infection nosocomiale.
Mme D. a été victime d’un accident vasculaire cérébral lié à un cavernome (malformation des vaisseaux sanguins). Une intervention chirurgicale a été programmée à l’hôpital Nord de Marseille où elle était hospitalisée pour réaliser l’ablation de ce cavernome. Toutefois, une infection nosocomiale dont elle a été victime a contraint les médecins à reporter l’opération de huit jours. Estimant que ce délai avait...
Dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, il n’appartient pas au service instructeur de vérifier la validité de l’attestation établie par le demandeur suivant laquelle il remplit les conditions définies à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme (CE, sect., 19 juin 2015, n° 368667, Salbris, Lebon avec les concl. ; AJDA 2015. 1238 ; ibid. 1416 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; RDI 2015. 430, obs. P. Soler-Couteaux ; AJCT 2016. 57, obs. R. Bonnefont ). Toutefois, il doit refuser l’autorisation s’il a connaissance d’informations de nature à établir une manœuvre frauduleuse (CE 23 mars 2015, n° 348261, Lebon ; AJDA 2015. 605 ).
Mais, « lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l’objet de la demande de permis, titulaire d’une promesse de vente qui n’a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l’autorité...
Selon l’article 18 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 (JO 11 févr.), à compter du 1er janvier 2022, il incombera au...
Les faits remontent à 2013, et pourtant les thèmes de la déontologie des agents publics et du principe de laïcité n’ont jamais autant nourri l’actualité juridique et politique qu’aujourd’hui.
En septembre 2013, le service de chirurgie générale, viscérale et digestive du centre hospitalier de Saint-Denis accueillait un agent étranger, en qualité de nouveau praticien stagiaire associé. À la suite de son arrivée dans l’établissement de santé, le directeur lui a demander de tailler sa barbe, jugée trop fournie, « pour en supprimer le caractère ostentatoire ». Face au refus répété du médecin stagiaire, le directeur a finalement cru bon de mettre fin au stage du praticien, par une décision du 13 février 2014.
Le respect du devoir de neutralité en présence d’un signe d’appartenance religieuse
Les agents publics sont soumis par la loi au devoir de neutralité et au principe de laïcité. Tous les agents publics, y compris stagiaires (CE 28 juill. 2017, n° 390740, Lebon ; AJDA 2017. 1592 ; ibid. 2084 , note P. Juston et J. Guilbert ; AJFP 2017. 338, et les obs. ), mais que les agents publics.
Le devoir de neutralité n’est pas une limite à la liberté d’opinion des agents publics, dans la mesure où ce n’est jamais l’appartenance ou l’adhésion intellectuelle ou morale à une croyance religieuse qui est sanctionnée. Le Conseil d’État a d’ailleurs récemment rappelé que le principe constitutionnel de laïcité, s’il se manifeste le plus souvent comme une obligation pesant sur les fonctionnaires, constitue aussi une garantie à leur profit, puisqu’il en résulte l’interdiction pour l’État, en qualité de recruteur, d’apprécier différemment des candidats en fonction de leurs opinions religieuses (CE 27 juin 2018, n° 419595, Syndicat national de l’enseignement supérieur, Lebon avec les concl. ; AJDA 2018. 1364 ; Just. & cass. 2019. 186, concl. F. Dieu ; AJFP 2019. 51 , comm. E. Aubin ; AJCT 2018. 613, Pratique M. Bahouala ; ibid. 2019. 482, étude E. Roux ).
Le devoir de neutralité constitue en réalité une limite, plus opérationnelle, à la liberté d’expression de l’agent, car c’est bien le fait d’afficher l’appartenance à la croyance qui est interdite. Ainsi par exemple, les membres d’une congrégation peuvent concourir au fonctionnement du service public sans que cela méconnaisse le principe de laïcité, dès lors que l’intervention est exclusive de tout prosélytisme (CE, 27 juil. 2001, n°220980). A contrario, le fait pour un agent public de faire usage de son adresse électronique professionnelle au profit d’une association religieuse et le fait d’apparaître sur le site de celle-ci en qualité de membre constituent bien un manquement au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité (CE 15 oct. 2003, n° 244428, Odent, Lebon ; D. 2003. 2728, et les obs. ; AJFP 2004. 31, et les obs. , note O. Guillaumont ; AJCT 2019. 482, étude E. Roux ).
L’agent public est donc libre de croire, mais pas de manifester ses convictions religieuses.
Et à cet égard, la jurisprudence relative à l’interdiction du port de signes religieux au sein des établissements scolaires a...
À la suite d’une détresse respiratoire de sa femme, M. F. a appelé le numéro 18 et a été mis en relation avec la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, laquelle a dépêché sur place une équipe dont l’intervention n’a pas permis d’éviter son décès. Estimant que ce décès était dû à des fautes commises lors de l’intervention des secours, l’époux de la défunte et ses fils ont obtenu du tribunal administratif de Paris la condamnation de l’État à réparer divers préjudices....
Le premier ministre a réuni les partenaires sociaux à Matignon le 13 février pour annoncer ses arbitrages à l’issue des concertations menées sur les fins de carrière, la pénibilité et la transition vers le futur système universel de retraite (v. AJDA 2020. 265 ).
S’agissant des fonctionnaires, il a, en particulier, précisé les règles de transition pour ceux, nés à partir de 1975, qui auront effectué une partie de leur carrière sous le régime du code des pensions. Alors que le rapport Delevoye préconisait une transformation des droits acquis en points, c’est maintenant deux calculs séparés qui sont envisagés ; la retraite, unique, étant le résultat de l’addition des deux. Au moment du départ, les droits issus du régime du code des pensions seront pris en compte...
Il avait été annoncé pour novembre 2019, puis pour fin janvier 2020. C’est finalement le 18 février que le très attendu rapport de la mission haute fonction publique, pilotée par l’avocat aux conseils Frédéric Thiriez, ancien membre du Conseil d’Etat, a été officiellement remis au premier ministre et rendu public.
Pas de regroupement mais un tronc commun de six mois
Les pistes les plus explosives, comme le regroupement des sept grandes écoles de service public, y compris l’École nationale de la magistrature, ont finalement été écartées. Pour « décloisonner la haute fonction publique », qui est le premier des trois grands objectifs du rapport, la mission préconise un tronc commun de six mois, au bout duquel chacun regagnerait « son » école d’application. Cette période débuterait par trois semaines de préparation militaire supérieure, suivies de trois semaines d’encadrement des jeunes du service national universel et de deux semaines d’enseignement sur l’organisation administrative, la déontologie et le management. L’élément majeur est une mission opérationnelle de quatre mois dans une administration, une collectivité territoriale, un hôpital, etc. Les élèves devraient poser un diagnostic et présenter des propositions opérationnelles sur une problématique concrète.
Le rapport veut donc maintenir six grandes écoles de service public (il préconise en effet la fusion de l’École des hautes études de santé publique et celle de la sécurité sociale) mais propose quelques réorganisations. Il préconise ainsi que toutes aient le statut d’établissement public et se voient confier l’organisation des concours. Le recrutement des cadres supérieurs de la capitale relèverait du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et de l’Institut national des études territoriales (INET). Les concours resteraient distincts, avec cependant des banques d’épreuves communes.
Transformer l’ENA
Quant à l’ENA, elle deviendrait l’École d’administration publique (EAP) et formerait également les ingénieurs. Le rapport présente deux hypothèses pour sa transformation : en faire un établissement d’enseignement supérieur et de recherche ou une « académie interne à l’administration », option qui semble avoir la préférence de la mission. « La suppression du classement de sortie s’impose dans la future école, afin que les élèves se consacrent exclusivement à leur formation », estime le rapport. Le choix des postes à la sortie se ferait par rapprochement des vœux des élèves et des souhaits des administrations, avec éventuellement l’intervention d’une commission pour départager les candidats à un même poste.
Plus de classement, plus de botte… Quel avenir alors pour les grands corps tant vilipendés ? Pour les corps d’inspection, la mission recommande la « fonctionnalisation ». C’est-à-dire que les postes au sein des inspections générales des finances, de l’administration ou des affaires sociales (qu’elle propose par ailleurs de regrouper) deviendraient des emplois fonctionnels occupés par voie de détachement.
En revanche, elle estime que des obstacles constitutionnels et conventionnels s’opposent à un tel schéma pour le Conseil d’État et la Cour des comptes. Elle préconise donc simplement de différer l’accès à ces corps, selon deux variantes. Soit les postes au Conseil d’État et à la Cour des comptes ne seraient plus offerts à la sortie de l’EAP, mais les administrateurs civils pourraient y postuler après quatre ans de service, soit les postes demeureraient proposés à la sortie de l’EAP mais les élèves ayant fait ce choix auraient l’obligation d’effectuer tout d’abord deux ans dans une administration, de préférence déconcentrée. Et ils ne seraient titularisés dans le corps choisi qu’au bout de deux ou trois ans. Le rapport recommande également que l’accès au grade de conseiller d’État ou conseiller maître soit subordonné à l’accomplissement d’une période de mobilité de trois ans « sur un poste opérationnel à niveau de responsabilité élevé ».
Haute fonction publique : diversifier et dynamiser
Pour diversifier la haute fonction publique, second objectif de la réforme proposée, le rapport préconise de « supprimer les épreuves sociales discriminantes », comme la culture générale. Il veut également diversifier la composition des jurys et créer vingt classes préparatoires « égalité des chances » en région. Un concours spécial serait réservé aux élèves issus de ces classes, sélectionnés essentiellement sur critères sociaux. Il ne recommande finalement pas la suppression des recrutements parallèles mais la réduction du nombre de postes au profit du concours de l’EAP. Le concours interne, le troisième concours, les tours extérieurs et les voies parallèles d’accès à la magistrature seraient remplacés par un concours professionnel unique.
Parmi les propositions visant à dynamiser la gestion des hauts fonctionnaires figure la création d’un Institut des hautes études du service public, formation commune des hauts fonctionnaires susceptibles d’être nommés sur des fonctions managériales. Le rapport préconise également la poursuite du mouvement de fusion des corps et, spécifiquement pour la fonction publique territoriale, des cadres d’emploi d’administrateur et d’ingénieur en chef. Toujours pour la fonction publique territoriale, il recommande la création d’un centre national de gestion (tout en indiquant que « cette mission devrait être confiée au CNFPT »). La reconnaissance juridique de la catégorie A+ et la création de voies d’accélération de carrière (fast track) pour les cadres les plus performants sont également suggérées.
Une mise en œuvre en 2022
Moins de deux heures après la remise du rapport, le premier ministre a annoncé dans un communiqué que le gouvernement retenait cinq axes de travail, qu’il souhaite voir mis en œuvre en 2022. Il s’agit d’un plan de diversification sociale et géographique des recrutements ; du décloisonnement des formations des hauts fonctionnaires par la création d’un tronc commun ; du renforcement du caractère opérationnel et de la dimension terrain de la formation ; de la fin de la titularisation et de l’avancement automatique dans les grands corps et de la création d’un institut des hautes études du service public, « chargé de la détection et de la formation continue des agents destinés aux postes de cadres dirigeants ».
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a prévu que les demandes d’indemnisation formées devant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage (CSP, art. L. 1142-28). La haute juridiction, interrogée par le tribunal administratif de Lyon sur le champ d’application de la prescription des actions, précise que doivent être dans le champ d’application de la prescription décennale « non seulement les actions susceptibles d’être engagées contre l’ONIAM sur le fondement des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 du code de la santé publique, mais aussi, bien qu’elles ne soient pas expressément...
Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, une décision individuelle explicite créatrice de droits prise par l’administration ne peut être retirée que si elle est illégale et dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision (CE, ass., 26 oct. 2001, n° 197018, Ternon, Lebon avec les concl. ; AJDA 2001. 1037 ; ibid. 1034, chron. M. Guyomar et P. Collin ; ibid. 2002. 738, étude Y. Gaudemet ; RFDA 2002. 77, concl. F. Séners ; ibid. 88, note P. Delvolvé ; Rev. UE 2015. 370, étude G. Eckert ). Le Conseil d’État a, en quelque sorte, fixé un point d’équilibre entre la protection des droits acquis par le bénéficiaire de l’acte et la sauvegarde de la légalité.
La jurisprudence Ternon – qui opère un revirement en abandonnant la jurisprudence Ville de Bagneux (CE, ass., 6 mai 1966, n° 55283, Ville de Bagneux, Lebon ) – est désormais codifiée à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) qui dispose que « l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ». Le CRPA ne différencie ainsi plus les décisions implicites des décisions expresses.
Cela étant, un vice de procédure peut ne pas affecter la légalité d’une décision administrative. C’est le cas des vices dits « Danthonysables », florissant au sein de la vie administrative. À titre d’exemple, la jurisprudence Danthony peut trouver à s’appliquer en droit de la fonction publique (CE 24 juill. 2019, n° 416818, Dalloz actualité, 19 sept. 2019, obs. C. Biget ; Lebon ; AJDA 2019. 1611 ; AJFP 2019. 360, et les obs. ), en droit de l’urbanisme (CE 22 déc. 2017, n° 395963, Sempy [Cne], Dalloz actualité, 9 janv. 2018, obs. J.-M. Pastor ; Lebon avec les concl. ; AJDA 2018. 7 ; ibid. 272 , chron. S. Roussel et C. Nicolas ; RDI 2018. 175, obs. P. Soler-Couteaux ; AJCT 2018. 229, obs. A.-S. Juilles ; RFDA 2018. 357, concl. J. Burguburu ; ibid. 370, note R. Noguellou ), concernant une procédure d’enquête publique (CE 27 févr. 2015, n° 382502, Ministre de l’intérieur, Communauté urbaine de Lyon, Dalloz actualité, 9 mars 2015, obs. R. Grand ; Lebon ; AJDA 2015. 425 ; AJDI 2016. 27, étude S. Gilbert ; RDI 2015. 288, obs. R. Hostiou ), etc.
Dans la décision du 7 février 2020, après avoir rappelé sa jurisprudence Ternon, le Conseil d’État évoque sa jurisprudence Danthony. En effet, « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony, Dalloz actualité, 5 janv. 2012, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2012. 7 ; ibid. 195 , chron. X. Domino et A. Bretonneau ; ibid. 1484, étude C. Mialot ; ibid. 1609, tribune B. Seiller ; D. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJDI 2014. 16, étude S. Gilbert ; ibid. 2015. 25, chron. S. Gilbert ;...
Devant le juge de l’asile, c’est toujours la même histoire. Après avoir été ensorcelées par la cérémonie du « Juju », les jeunes femmes sont brinquebalées depuis leur Nigeria natal à travers l’Afrique du Nord, le Niger, la Libye, dans des conditions barbares imposées par les passeurs clandestins. Elles échouent d’abord dans un camp de réfugiés en Italie, puis, acheminées par ceux qui les ont fait venir, achèvent leur voyage sur le trottoir parisien, plus précisément rue Saint-Denis, où, douze heures par jour, liées par le sort et contraintes par la force, elles se prostituent dans les conditions sordides qu’offrent les cages d’escalier délabrées qui accueillent leurs passes.
La situation est connue des autorités, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Depuis une trentaine d’années à Paris, le phénomène est d’une telle ampleur que « la communauté nigériane est la plus représentée au sein des femmes qui se prostituent sur la voie publique […], elles constituent 60 % de la masse des femmes que nous rencontrons », explique Vanessa Simoni, membre de l’association Les amis du bus des femmes, lors d’une conférence donnée le 18 juin 2019 à CNDA.
Les femmes nigérianes forcées de se prostituer constituent une communauté fermée, contrôlée par les puissants réseaux criminels qui les ont fait venir et leur demandent le remboursement d’une dette qui oscille entre 25 000 et 50 000 €, ce qui leur prend deux ans en moyenne. « Pour s’extraire du réseau, elles ont deux choix : l’obtention d’un titre séjour subordonnée à une plainte, ce qu’elles refusent en général, et la procédure de demande d’asile », résume Me Élie Weiss, un avocat qui assiste régulièrement ces femmes devant le juge de l’asile.
Cette deuxième voix est la plus prisée. Dans une décision du 30 mars 2017, la CNDA en grande formation a reconnu l’existence d’un groupe social des femmes nigérianes de l’État d’Edo victimes d’un réseau de prostitution et parvenues à s’en extraire « ou ayant entamé des démarches en ce sens ». Pour prouver son appartenance à ce groupe, le récit doit correspondre au parcours habituel de ces femmes, démontrer qu’elles partagent « une histoire commune et une identité propre », tel que cela est stipulé dans la convention de Genève. Elle confirme en cela une reconnaissance déjà présente dans une de ces décisions, rendue en 2015.
Il s’agit du « Juju », cérémonie mystique dirigée par un marabout, qui peut impliquer de manger un foie de poule cru, d’être scarifiée, enduite d’onguents divers. Cette cérémonie sert à faire peser sur la victime la menace d’une malédiction qui s’abattrait sur elle et sa famille si elle ne remplissait pas ses obligations. Accompagnée de scarifications, cette cérémonie permet de marquer ces femmes et de reconnaître celles qui auraient voulu échapper à leur sort. De retour au Nigéria, ces femmes, reconnues par leurs cicatrices, risquent des violences graves et la mort sociale.
Il y a ensuite la vie en communauté, sous la coupe du réseau : nommer les lieux de prostitution, raconter le quotidien, désigner les « madams », ces proxénètes qui surveillent leurs gagneuses et prélèvent tout ou partie de leur gain. Toutes ces filles vivent ensemble : elles vont à l’église ensemble et partagent des appartements, généralement loués par des « marchands de sommeil », en banlieue parisienne. Enfin, outre le quartier de Strasbourg-Saint-Denis, elles travaillent dans le quartier de Château-Rouge (XVIIIe arrondissement) et dans le bois de Vincennes.
Mais, le 16 octobre 2019, le Conseil d’État a resserré la jurisprudence de la CNDA. L’asile ne peut être désormais accordé que si les demandeuses apportent la preuve de leur extraction totale du réseau, excluant du « groupe social » les femmes nigérianes qui auraient « seulement amorcé des démarches pour s’en extraire ». En l’espèce, Mme A… avait écrit un courrier à la brigade de répression du proxénétisme de Paris et adressé une plainte au procureur de la République, deux documents dont la CNDA a estimé qu’ils « présentaient de façon lacunaire son parcours, l’identité de sa proxénète et des autres membres du réseau ainsi que les conditions de son activité de prostitution ».
« En recherchant, pour caractériser son appartenance au groupe social dont elle se revendiquait, si des éléments permettaient d’établir que Mme A… était effectivement parvenue à s’extraire du réseau, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n’a pas commis d’erreur de droit », a estimé le Conseil d’État. « Un groupe d’individus peut posséder une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions lui conférant le caractère de groupe social au sens de la convention de Genève sans pour autant faire l’objet de persécutions », expliquait la rapporteure publique pour éclairer les juges du Conseil d’État. « Cela signifie que la caractérisation d’un groupe social n’implique pas automatiquement la reconnaissance de la qualité de réfugié », concluait-elle, estimant que le périmètre de ce groupe social est très limité. Pourquoi ? « Parce que le regard réprobateur de la société décrit par la Cour dans ses décisions successives s’explique pour des motifs à la fois d’ordre économique, criminel et superstitieux qui n’ont pas lieu de jouer à l’encontre de femmes qui continuent d’être exploitées », poursuit-elle. « Il vous faut être prudents car une vision trop extensive du groupe social comporterait un risque d’instrumentalisation du droit d’asile par les réseaux de traite. »
Vanessa Simoni en convient. « Ce n’est un secret pour personne : lorsque ces femmes arrivent en France, elles sont immédiatement orientées par leur réseau dans le processus de demande d’asile. » Cela permet aux femmes de circuler librement dans la rue, de présenter un papier en cas de contrôle et de se voir délivrer l’allocation demandeur d’asile (environ 300 € par mois). Dans ce contexte, l’obtention de l’asile ou de la protection subsidiaire est de nature à favoriser les activités criminelles du réseau. La restriction opérée par le Conseil d’État joue donc comme un garde-fou, pour se prémunir de la manipulation du droit d’asile par les réseaux criminels, au détriment des femmes victimes de traite. Ces femmes présentent généralement des discours stéréotypés et ne sont pas à même de fournir les explications détaillées exigées par le juge et, en toute logique, ne peuvent apporter la preuve de leur sortie du réseau.
Cette position présente l’inconvénient d’exclure les bonnes volontés du droit d’asile, ces femmes vulnérables et perdues qui pourraient compter sur le bénéfice de l’asile pour se libérer de l’emprise physique des proxénètes qui l’exploitent. Pour elles, la démarche doit débuter auprès des travailleurs sociaux comme Onyemah Egwunwoke, de l’association L’amicale du nid, qui accompagne des femmes nigérianes victimes de la traite dans ces démarches. « Il faut d’abord leur expliquer que le droit est de leur côté. On leur demande de bien expliquer leur situation actuelle, comment leur famille a réagi à l’annonce de l’intention de quitter le réseau car, si on ne peut pas expliquer tout cela, c’est louche » aux yeux des autorités. Aux yeux de l’OFPRA, tout est louche, d’après Onyemah Egwunwoke. « Ils ne peuvent pas croire que les femmes se sont extraites du réseau alors qu’elles vivent encore auprès de leur communauté », déplore-t-elle, mais dans cette communauté très refermée sur elle-même, l’aide matérielle – et le soutien psychologique – ne peut provenir, le plus souvent, que des sœurs d’infortune.
L’exemple de Gift, 25 ans aujourd’hui, est éloquent. Elle est arrivée en 2015 avec sa sœur, fut prostituée pendant plus d’un an, avant d’être orientée, à l’occasion d’un contrôle de police, vers une association. Tout d’abord, le soutien de sa famille au Nigéria a été déterminant. Puis, il a fallu, pour quitter le réseau, accepter d’être seule. « Je dormais où je pouvais, dans les églises parfois, je faisais le 115 pour avoir un lit, parfois je dormais dans la rue », explique-t-elle. Outre le traumatisme lié à l’exploitation sexuelle qu’elle a subie (« pour quitter vraiment la prostitution, il faut arriver à parler de ce qui nous est arrivé »), l’absence totale de moyens financiers et matériels constitue un obstacle important à l’émancipation de Gift, qui a dû accepter une vie de SDF pour prouver qu’elle souhaitait se défaire de la traite dont elle est victime. Gift a aussi pris des cours de français. Malgré cela, l’OFPRA a rejeté sa demande. « Ils ont cru que j’étais encore dans le réseau, car je n’ai pas répondu aux questions concernant ma sœur », explique-t-elle. Cette dernière, mineure, avait été placée dans une famille d’accueil après avoir été interpellée en même temps que Gift. Les deux sont proches, mais Gift n’a pas voulu évoquer son cas, par peur que cela lui nuise. Face à cette dissimulation manifeste, l’OFPRA a considéré que l’extraction du réseau n’était pas certaine. « Devant la CNDA, j’ai été bien conseillée par mon avocat, on a demandé le huis clos et j’ai pu parler en toute confiance. Si tu n’arrives pas à parler, ils vont croire que tu lis un discours. » Aujourd’hui, Gift a un emploi « alimentaire » et envisage de se former pour exercer un métier qui lui plaît.
En 2018, l’OFPRA a reçu 2 982 demandes d’asile de la part de ressortissants nigérians, la plupart émanant de femmes victimes de la traite. La CNDA a enregistré 2 318 recours. En 2019, le nombre s’élevait à 2 276, dont 57 % de femmes. Sur les 2 438 décisions rendues par la CNDA en 2019, 20,8 % ont abouti à une protection de la France (26 % pour les femmes, 12 % pour les hommes).
Sur ce même sujet, lire aussi sur Dalloz actualité, De Benin City à la rue Saint-Denis, la traite des femmes nigérianes, 4 déc. 2019, et Proxénétisme nigérian : « Leur ancien statut de victime ne doit pas atténuer leur responsabilité », 6 déc. 2019, par J. Mucchielli.
L’assemblée du contentieux du Conseil d’État a, dans une décision Czabaj (CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 1479 ; ibid. 1629 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; AJFP 2016. 356, et les obs. ; AJCT 2016. 572 , obs. M.-C. Rouault ; RDT 2016. 718, obs. L. Crusoé ; RFDA 2016. 927, concl. O. Henrard ; RTD com. 2016. 715, obs. F. Lombard ), jugé de manière souveraine qu’un requérant dispose d’un délai d’un an pour contester par la voie de l’excès de pouvoir une décision administrative qui oublierait de mentionner les voies et délais de recours, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant. Le champ d’application de ce délai de forclusion purement prétorien, qualifié de délai raisonnable, a depuis lors été étendu à de multiples reprises par la haute juridiction.
Dans une décision du 10 février 2020, le Conseil d’État a cette fois-ci reconnu la possibilité pour les juridictions de rejeter par ordonnance les requêtes qui ne satisfont pas à cette condition de recevabilité.
En l’espèce, un fonctionnaire d’État a saisi le tribunal administratif de Lille en vue d’obtenir l’annulation d’un arrêté du 14 janvier 2011 qui fixait les conditions de sa nomination et de son reclassement. Dans le cadre du déroulement tout à fait normal de l’instruction, la requête a été transmise par le tribunal aux ministres défendeurs, qui ont produit des écritures en défense, que le tribunal a ensuite communiquées au requérant. Seulement voilà, la décision Czabaj étant intervenue dans l’intervalle pour limiter à un an le délai de recours de l’intéressé, les ministres ont utilement produit, en défense, une copie de la jurisprudence afin de démontrer que la requête n’était pas recevable.
À la suite de cette production, le tribunal administratif disposait alors de plusieurs options : considérer cette production de pièce comme une fin de non-recevoir soulevée en défense, et examiner son bien-fondé à l’occasion du jugement, ou s’en approprier la portée pour relever d’office le moyen tiré de...
Il a donc fallu plus d’une décennie à la France pour voter la ratification du Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires locales (projet de loi adopté par le Sénat le 28 mars 2019 et par l’Assemblée le 16 janv. 2020, sans modification, et publié au JO du 28 janv. 2020, Dalloz actualité, 22 janv. 2020, obs. E. Benoit). Ce texte, qui s’ajoute à la Charte européenne de l’autonomie locale, a été adopté à Utrecht le 19 novembre 2009. En adoptant la loi n° 2020-43, la France devient le 20e État membre du Conseil de l’Europe à le ratifier.
Une reconnaissance de la démocratie territoriale : la consécration du droit de participer à la gestion des affaires publiques
Fruit d’une réflexion qui a duré plus de vingt-cinq ans, la Charte européenne de l’autonomie locale a été ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe le 15 octobre 1985 et constitue encore aujourd’hui un instrument juridique unique de promotion et de protection de l’autonomie locale (F. Durand, Le 30e anniversaire de la charte européenne de l’autonomie locale, AJDA 2015. 2313, obs. F. Durand ; R. Hertzog, La France et la charte européenne de l’autonomie locale, Je t’aime, moi non plus ?, AJDA 2016. 1551, obs. R. Hertzog ). Le texte est le fruit du travail d’un comité d’experts gouvernementaux, placé sous l’autorité du Comité directeur pour les questions régionales et municipales, sur la base d’un projet présenté par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, prédécesseur du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Elle impose que l’autonomie locale doit être intégrée dans le droit interne ou dans la Constitution des États membres pour garantir sa mise en œuvre effective. Elle prévoit par ailleurs le fonctionnement démocratique des collectivités ainsi que le principe selon lequel tout transfert de compétences aux collectivités locales doit s’accompagner d’un transfert des ressources financières. La Charte dispose en outre que les élus des collectivités locales doivent bénéficier d’un statut assurant le libre exercice de leur mandat. Enfin, les limites territoriales bénéficient d’un régime protecteur selon lequel aucun changement dans la délimitation territoriale ne peut s’effectuer sans accord de la collectivité locale concernée. Les États s’engagent enfin à respecter un certain nombre de droits fondamentaux tels le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques, le droit des collectivités à l’autonomie, le droit aux élections des organes locaux…
Le Protocole additionnel a, quant à lui, été élaboré par le Comité européen sur la démocratie locale et régionale et a été ouvert à la signature le 16 novembre 2009. Entré en vigueur le 1er juin 2012, il a pour principal objectif de consacrer le droit pour toute personne de participer aux affaires d’une collectivité locale. Comme le préambule de la Charte précédemment, le préambule du présent Protocole rappelle que « le droit de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l’Europe ». Mais, contrairement à la Charte qui se contentait de cette simple mention, l’article 1 du Protocole prévoit en détail que :
« 1. Les États Parties assurent à toute personne relevant de leur juridiction le droit de participer aux affaires des collectivités locales.
2. Le droit de participer aux affaires d’une collectivité locale désigne le droit de s’efforcer de déterminer ou d’influencer l’exercice des compétences de la collectivité locale.
3. La loi prévoit des mesures qui facilitent l’exercice de ce droit. Sans opérer de discrimination injustifiée à l’égard de quelque personne ou groupe que ce soit, la loi peut prévoir des mesures spécifiques adaptées à certaines situations ou catégories de personnes. En accord avec les obligations constitutionnelles ou internationales de la Partie, la loi peut, notamment, prévoir des mesures spécifiques réservées aux seuls électeurs.
4.1 Chaque Partie reconnaît par la loi à ses citoyens le droit de participer, en qualité d’électeur ou de candidat, à l’élection des membres du conseil ou de l’assemblée de la collectivité locale dans laquelle ils résident.
4.2 La loi reconnaît également ce droit à d’autres personnes pour autant que la Partie en décide ainsi conformément à ses dispositions constitutionnelles ou à ses obligations juridiques internationales.
L’article 6 de la directive 2011/92/CE du 13 décembre 2011 impose une séparation fonctionnelle dans le cas où l’autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de la consultation en matière environnementale. Le Conseil d’État, dans un arrêt France nature environnement de 2017, avait jugé que, lorsque le préfet de région est compétent pour autoriser les projets, les services placés sous son autorité ne disposaient pas d’une autonomie réelle pour donner un avis (CE 6 déc. 2017, n° 400559, Dalloz actualité, 13 déc. 2017, obs. J.-M. Pastor ; Lebon T. p. 499 et 691 ; AJDA 2017. 2437 ). En revanche, la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable peut être regardée comme disposant, à l’égard du préfet, d’une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental (CE 20 sept. 2019, n° 428274, Ministre de la transition écologique et solidaire, Dalloz...
L’annulation pour excès de pouvoir d’une décision administrative refusant le versement d’une somme d’argent ouvre droit au versement d’intérêts moratoires, majorés de cinq points deux mois après que la décision de justice est devenue exécutoire.
L’espèce qui a amené le Conseil d’État à renverser sa jurisprudence Roca (CE 28 juill. 2000, n° 191373, Lebon T. p. 1172 ) concernait un agent de la ville de Nanterre. Recruté en tant que vacataire, M. D… avait obtenu du tribunal administratif de Cergy-Pontoise l’annulation du refus du maire de la...
Augmentation importante des assignations à résidence
Entre novembre 2018 et novembre 2019, 134 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS, qui ont succédé à l’assignation à résidence) ont été prononcées, soit presque deux fois plus que la première année (73 MICAS). 57 % des MICAS ont été prononcées contre des sortants de prison. Si le phénomène avait émergé en 2017/2018 (v. Dalloz actualité, 22 févr. 2019, art. P. Januel), 31 % seulement des MICAS étaient alors prononcées contre des ex-détenus.
Comme nous l’indique le corapporteur d’application de la loi SILT, le député LREM Raphaël Gauvain, « les services de polices et de renseignement sont très préoccupés par certains sortants de prison, condamnés pour terrorisme. Or ces sortants bénéficient rarement d’aménagements de peine et ont des sorties sèches, sans contrôle judiciaire ». Pour le député, les MICAS sont donc une mesure utile pour gérer les sortants de prison.
Parmi les éléments utilisés pour prononcer une MICAS, le comportement de l‘intéressé en détention (violence et menaces envers le personnel), les relations avec d’autres détenus radicalisés, le soutien à la charia ou « un contact difficile avec les femmes ».
Pour le ministère de l’intérieur, « ces mesures, qui permettent d’imposer des obligations dont le degré d’atteinte aux libertés est variable (présentation aux forces de l’ordre, astreinte géographique) mais dont le non-respect est lourdement sanctionné par l’autorité judiciaire, constituent des mesures d’entrave administrative nécessaires et pertinentes ». De fait, les poursuites judiciaires pour non-respect des obligations sont en forte augmentation (47 contre 9 l’année précédente, avec 21 peines d’emprisonnement prononcées).
Une banalisation des autres mesures de police administrative
L’utilisation des autres mesures est stable. 251 périmètres de protection ont été instaurés. Aux côtés des forces de l’ordre, près de 15 000 agents privés de sécurité et 760 policiers municipaux ont contrôlé plus de 5 millions de personnes. 1 500 d’entre elles se sont vu interdire l’accès aux périmètres et trois armes ont été saisies (dont une arme blanche et une arme factice). 13 périmètres avaient été pris dans le cadre de manifestations. Le ministère a ensuite rappelé aux préfets la nécessité de fonder ces arrêtés sur un risque terroriste.
2017/2018 | 2018/2019 | |
Périmètres de protection | 224 | 251 |
Fermeture de lieux de culte | 5 | 2 |
MICAS | 73 | 134 |
Visites domiciliaires | 69 | 74 |
Exploitations de données | 40 | 36 |
Interdiction de sortie du territoire | 49 | 21 |
Gel des avoirs | 200 | 209 |
Arrêtés d’expulsion | 22 | 31 |
Nombre de nouvelles mesures (de novembre à novembre)
107 requêtes préfectorales ont été transmises au juge des libertés et de la détention (JLD) et 74 visites domiciliaires ont eu lieu. Dans 11 cas, la justice a préféré procéder à une perquisition judiciaire. Une visite domiciliaire a donné lieu à des poursuites pour financement du terrorisme et six personnes ont été poursuivies pour recel d’apologie du terrorisme.
Même s’ils ne relèvent pas de la loi SILT, entre le 1er novembre 2018 et 2019, 31 arrêtés d’expulsion ont été prononcés à l’encontre d’individus liés à la mouvance terroriste et islamiste radicale, contre 22 l’année précédente. 16 ont été exécutés, 6 ont été pris à l’encontre d’individus se trouvant à l’étranger et 9 sont en attente d’exécution (dont 4 sont actuellement incarcérés).
Une nouvelle loi en 2020
Avant la fin de l’année 2020, plusieurs mesures de la loi SILT doivent être prolongées par le Parlement. Il est fort probable qu’elles soient pérennisées.
Par ailleurs, dans son rapport adressé aux parlementaires, le gouvernement esquisse des pistes d’évolution de la loi. Il suggère notamment de supprimer le caractère cumulatif des conditions permettant de prendre une MICAS ou une visite domiciliaire : actuellement, l’administration doit démontrer que le comportement de la personne constitue une menace mais également qu’elle est en relation avec des personnes terroristes ou qu’elle adhère à cette idéologie. Autres pistes : supprimer l’autorisation d’exploitation par le juge des libertés et de la détention des données saisies dans une visite et étendre les arrêtés de fermeture de lieux de cultes aux lieux connexes. Des réflexions sont également en cours pour réfléchir à des mesures judiciaires de suivi des sortants de prison.
Au regard de la compétence de principe du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), un directeur d’hôpital ne peut prononcer la suspension d’un praticien hospitalier que dans des circonstances exceptionnelles, juge le Conseil d’État.
Au vu d’un rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales et de l’administration de l’éducation nationale relevant de nombreux témoignages concordants lui imputant des faits de harcèlement moral, Mme B., professeur des universités-praticien hospitalier, a été suspendue de ses fonctions d’enseignement et de recherche par le président de l’université de Bordeaux et de ses fonctions hospitalières par le directeur général du CHU. Les ministres de l’Enseignement supérieur et de la...
En juillet 2018, la Cour de Luxembourg a défini le champ et les effets de l’exemption de la mutagénèse de la directive 2001/18/CE dite « directive OGM » (CJUE 25 juill. 2018, aff. C-528/16, Confédération paysanne, AJDA 2018. 1523 ; ibid. 2280, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2019. 725, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2018. 423, obs. A. Dionisi-Peyrusse ) ; elle en a conclu que les organismes obtenus par mutagenèse sont des organismes génétiquement modifiés (OGM). Suivant cette interprétation, le Conseil d’État juge que « doivent être inclus dans le champ d’application de la directive 2001/18/CE les organismes obtenus au moyen de techniques ou méthodes de mutagénèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de la directive le 12 mars 2001. À cet égard, il ressort des pièces du dossier que tant les techniques ou méthodes dites « dirigées » ou « d’édition du génome » que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro soumettant des cellules de plantes à des agents mutagènes chimiques ou physiques, […], sont apparues postérieurement à la date d’adoption de la directive 2001/18/CE ou se sont principalement développées depuis cette date. Il résulte de ce qui précède que ces techniques ou méthodes doivent être regardées comme étant soumises aux obligations imposées aux organismes génétiquement modifiés par cette directive ».
Mise en œuvre...
La procédure de modification simplifiée d’un plan local d’urbanisme (PLU) peut être mise en œuvre dans tous les cas où une modification de droit commun n’est pas requise, notamment pour rectifier une erreur matérielle (art. L. 123-13-3). Le Conseil d’État vient de préciser que le recours à cette procédure est légalement possible « en cas de malfaçon rédactionnelle...
Le maire de Saint-Clément-de-Rivière avait délivré à la société Decathlon un permis d’aménager en vue de la réalisation d’un lotissement multiactivités situé en limite territoriale de la métropole de Montpellier. Le projet comprenait huit lots dont deux sont inconstructibles en vertu du plan d’occupation des sols (POS). L’association Non au béton a donc contesté l’arrêté du maire en tant qu’il prévoyait des constructions à usage de logement en méconnaissance du règlement du POS. Le moyen a été écarté par le tribunal administratif de Montpellier au motif que ces lots participaient à l’économie générale du lotissement et étaient donc nécessaires à la cohérence de l’ensemble...
Le juge des référés du Conseil d’État, statuant dans une formation à trois juges, a suspendu sur trois points, le 31 janvier 2020, la circulaire du ministre de l’intérieur du 10 décembre 2019 relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats et aux élus des élections municipales. Saisi par le Parti socialiste, Les Républicains, Debout la France et plusieurs personnes physiques, le juge a retenu un doute sérieux sur la légalité des deux éléments les plus critiqués de la circulaire : le seuil de 9 000 habitants et l’attribution d’une nuance « divers centre ».
Ces recours posaient un problème de recevabilité, la circulaire n’ayant pas été publiée, même si elle a largement fuité. Les juges des référés le surmontent en considérant que, s’il est constant que « la circulaire litigieuse, de nature réglementaire, n’a pas fait l’objet, à ce jour, d’une publication et n’est donc pas encore juridiquement opposable, il ressort des indications données par les représentants du ministre de l’intérieur, lors de l’audience, qu’elle sera prochainement publiée pour permettre son application lors de l’enregistrement des candidatures aux élections municipales qui débute d’ici quelques jours ». De ce fait, l’urgence est établie.
De longue date, les ministres de l’intérieur, avant les élections municipales, donnent des...
Critiqué parce qu’il prévoit la création d’un fichier national biométrique des mineurs non accompagnés (v. AJDA 2019. 253), le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 autorise également les départements à solliciter, s’ils le souhaitent, les préfectures afin que celles-ci reçoivent l’étranger se déclarant mineur et regardent s’il figure déjà sur l’une des bases de données gérées par le ministère de l’intérieur. Alors que certains y voient la marque de l’étatisation de la protection des mineurs isolés (v. D. Burriez, AJDA 2019. 802 ), les contempteurs du texte subissent un nouveau revers. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du recours contre ce décret, avait jugé conforme à la Constitution la création d’un fichier biométrique des mineurs isolés (Cons. const., 26 juill. 2019, n° 2019-797 QPC, AJDA 2019. 1606 ; ibid. 2133 , note D. Burriez ; D. 2019. 1542, et les obs. ; JA 2019, n° 604, p. 10, obs. S. Zouag ; AJ fam. 2019. 434 et les obs. ; Constitutions 2019. 387, chron. L. Carayon ; ibid. 439, Décision ). Le Conseil d’Etat, pour sa part, juge qu’il ne méconnaît pas les articles 3 et 20 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant, reconnaissant ainsi implicitement à cette seconde stipulation un effet direct que sa jurisprudence antérieure lui déniait (CE, 6 juin 2001, n° 213745, Mme Mosquera, Lebon T. 787).
De la bonne application du décret
Le Conseil d’Etat rappelle que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, le décret n’a « ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur ». De même, il « ne modifie pas l’étendue des obligations du président du conseil départemental en ce qui concerne l’accueil provisoire d’urgence des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, non plus que sa compétence pour évaluer, sur...
L’article 45 vise à supprimer l’interdiction, pour l’assureur de protection juridique, d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat. À noter, l’assureur ne pourra toujours pas proposer le nom d’un avocat à son assuré, sans demande écrite de la part de ce dernier, ni lui imposer. L’article 46 vise à exclure du champ du droit des marchés publics, les prestations de représentation légale par un avocat et les conseils juridiques s’y attachant.
Ces deux mesures figuraient dans un projet de loi contre la surtransposition de directives européennes, adopté au Sénat en novembre 2018, mais jamais mis à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le lobbying des sénateurs-avocats avait permis, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, de supprimer la première disposition.
Différentes mesures de simplification
Le titre III vise à simplifier les procédures applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Il limite les effets de l’actualisation d’études d’impact existantes ou du changement de réglementation sur un projet d’installation. Il allège également les procédures de consultation du public et rend optionnelles, dans plusieurs cas, les consultations du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Parmi les différents articles de simplification, le projet prévoit de simplifier la vente en ligne de médicaments, de supprimer les certificats médicaux d’aptitude d’un enfant mineur à un sport ou de dématérialiser progressivement la délivrance des documents provisoires aux étrangers.
Plusieurs décisions administratives seront déconcentrées, notamment dans le secteur de la santé. Enfin, le projet de loi entérine la suppression de plusieurs commissions, dont la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, la commission de suivi de la détention provisoire, l’observatoire de la récidive et de la désistance et le conseil national de l’aide aux victimes.
C’est en séance publique que les sénateurs ont paru les plus divisés en adoptant un texte considérablement modifié, tant vis-à-vis du projet provenant de l’Assemblée nationale que de celui de la commission spéciale. Ainsi, ils ont adopté l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes mais en réservant le remboursement aux seuls couples infertiles, en excluant de fait les couples de femmes. Ils se sont, en outre, opposés...
En 2008, le gouvernement initiait le plan Ville durable qui fit la promotion des démarches éco-quartiers et éco-cités dans le sillage du Grenelle de l’environnement. Dix ans plus tard, le ministre de la Ville et du logement, Julien Denormandie, lance une nouvelle feuille de route pour « pour atteindre une ville neutre en carbone à 2050. » Il entend pour cela mettre à disposition des collectivités des outils pour lancer et multiplier des projets de ville durable. L’État intervenant comme un « soutien aux...
En l’espèce, la requérante est membre de la communauté du peuple autochtone mapuche, au Chili. Installée en Suisse depuis 1996, elle a même reçu en 2008 un prix saluant sa contribution à la lutte contre les violations des droits de l’homme subies par sa communauté au Chili. Le territoire traditionnel de la communauté mapuche est en effet occupé par des propriétaires terriens non autochtones et des concessions forestières ou minières. Craignant de subir telles violations à son retour au Chili, la requérante a formé une demande d’asile auprès des autorités suisses. Au bout de dix ans de procédure, la Suisse a cependant refusé de faire droit à sa demande et a formulé en juillet 2019 une demande d’expulsion. Le mois suivant, la requérante a déposé une plainte devant le Comité des Nations unies contre la torture, qui supervise l’adhésion des États parties à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce comité indépendant est composé de dix membres experts et peut être saisi de plaintes individuelles à l’encontre des États parties (Convention, art. 22).
La demanderesse invoquait en particulier le risque de violation du premier paragraphe de l’article 3 de la Convention, qui prohibe l’expulsion ou le refoulement d’un individu vers un autre État lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’y être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. Pour déterminer s’il existe de tels motifs, le Comité rappelle qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, les États parties doivent tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Or, si le Comité refuse de considérer qu’il existe de telles violations systématiques des droits de l’homme au Chili, il remarque néanmoins que les Mapuches, qui tentent de maintenir leur mode de vie traditionnel, « subissent des affrontements violents avec l’appareil sécuritaire chilien », « qu’il a existé un dysfonctionnement de la justice militaire lors de jugements d’activistes mapuches » et que, « selon le rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, la situation actuelle des peuples autochtones au Chili est le produit d’une longue histoire de marginalisation, de discrimination et d’exclusion, liée principalement à diverses formes oppressives d’exploitation et de dépossession de leurs terres et ressources ». Le Comité relève par ailleurs qu’il a récemment été recommandé au Chili, dans le cadre de l’Examen périodique universel (un mécanisme parallèle de contrôle des droits de l’homme qui consiste en un examen de tous les États membres des Nations unies par leurs pairs), d’enquêter sur toutes les accusations d’homicides illicites, de recours excessif à la force, de violence, de traitements cruels, inhumains et dégradants par des agents des forces de l’ordre, y compris contre des Mapuches. Sur ces fondements, le Comité conclut à une situation généralisée de tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants à l’encontre des dirigeants mapuches, devant entrer sous la protection de l’article 3 de la Convention.
Restait au Comité à déterminer si la requérante risquait personnellement d’être soumise à la torture ou à d’autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants en cas de renvoi au Chili. En rappelant son observation générale n° 4, selon laquelle l’obligation de non-refoulement existe chaque fois qu’il y a des « motifs sérieux » de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture dans un État vers lequel elle doit être expulsée, que ce soit à titre individuel ou en tant que membre d’un groupe susceptible d’être torturé dans l’État de destination (observation générale n° 4). Le Comité a pour pratique de considérer alors que des « motifs sérieux » existent chaque fois que le risque de torture est « prévisible, personnel, actuel et réel ». Le Comité rappelle que le paragraphe 28 de son observation générale n° 4 fait mention de tortures et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auxquels « une personne ou sa famille ont été exposées ». Or, en l’espèce, une telle situation est caractérisée puisqu’en raison de leurs actions de défense de leurs droits fondamentaux, la sœur de la requérante a été torturée et agressée à plusieurs reprises, de même que son neveu, qui a notamment eu besoin de recourir à une opération chirurgicale prise en charge en Suisse par l’Organisation mondiale contre la torture et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme.
Tout en rappelant au passage la responsabilité du Chili qui manque d’empêcher activement de tels actes, le Comité conclut qu’il est raisonnable de penser qu’un renvoi au Chili exposerait la requérante à des actes de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et estime que le renvoi de la requérante constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention. Les autorités helvètes sont également priées de ne pas expulser la requérante tant que sa demande d’asile sera à l’examen. En outre, conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur, le Comité invite la Suisse à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’elle aura prises pour donner suite aux observations ci-dessus. Dépourvue de force exécutoire, la mise en œuvre de la décision du Comité dépendra de la volonté des autorités suisses. Le Comité ayant son siège à Genève, haut lieu de la diplomatie multilatérale, il est cependant probable que la requérante obtienne satisfaction. Reste à noter que cette affaire fournit une nouvelle illustration de ce que le mécanisme des plaintes individuelles du Comité des Nations unies contre la torture est une voie de droit non négligeable pour tout requérant qui estimerait que la France, qui est liée par la Convention depuis 1986, a violé ses obligations en la matière (pour une illustration d’une autre voie de droit, la Cour européenne des droits de l’homme, v. not. CEDH 18 avr. 2013, Mo. M. c. France, req. n° 18372/10, N. Devouèze, Risque de torture : la CEDH s’oppose à l’expulsion par la France d’un Tchadien, Dalloz actualité, 23 mai 2013).
Le Conseil d’État a rejeté, le 31 janvier, l’ensemble des recours contre les élections européennes de mai 2019. Il a, à cette occasion, précisé les modalités d’inscription et de radiation des listes électorales après la création du répertoire électoral unique (REU).
L’élection au Parlement européen était en effet la première pour laquelle s’appliquait la loi du 1er août 2016 (v. B. Camguilhem, AJDA 2017. 167 ). Le Conseil d’État rappelle qu’en vertu de l’article L. 16 du code électoral dans sa rédaction issue de cette loi, « la liste électorale de la commune, et à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement, est désormais extraite d’un répertoire électoral unique et permanent, qui est tenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). A cet effet, le maire transmet à l’INSEE l’ensemble des informations utiles. Si en vertu de l’article L. 18 du code électoral, le maire est compétent pour radier, à l’issue d’une procédure contradictoire, les...
À la veille du transfert à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) du contrôle déontologique des agents publics, le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020, qui précise les nouvelles règles issues de la loi de transformation de la fonction publique (v. A. Taillefait, AJDA 2019. 2356 ), a enfin été publié au Journal officiel.
L’un des points que devait trancher le décret est de savoir quels agents publics seraient soumis systématiquement au contrôle de la HATVP lorsqu’ils souhaitent exercer une activité privée en cumul ou après avoir quitté leurs fonctions publiques....
Il existe, depuis la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, un droit d’accès aux documents administratifs au profit des personnes qui en font la demande. Le régime juridique de ce droit de communication, codifié depuis le 1er janvier 2016 aux articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), est précisé par de nombreuses décisions du Conseil d’État et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui l’articulent avec l’évolution des technologies.
Se fondant sur une lecture littérale et assez logique de l’article L. 311-9 du CRPA, qui dispose que « L’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur (…) », le Conseil d’État a enfin l’occasion de reconnaître le principe selon lequel le demandeur est libre de choisir la modalité d’accès au document administratif qu’il préfère. Cette liberté s’exerce sous trois réserves : les considérations liées aux possibilités techniques de la communication, les considérations liées à la conservation des documents et l’éventuel caractère abusif de la demande. Ce principe se déduisait déjà depuis longtemps, puisque le Conseil d’État a alternativement interdit à une administration de recourir à un autre mode de communication que celui sollicité par le demandeur (CE 15 mai 2006, n° 278544, Daubigney, AJDA 2006. 1805 ), et a reconnu à l’administré le droit de réclamer le mode de communication...
Il précise ainsi, pour la Cour comme pour les chambres régionales et territoriales des comptes, les règles du contradictoire et le rôle du greffe de chaque juridiction dans la communication des pièces et documents aux parties. Il réécrit les dispositions relatives à la rectification d’erreur matérielle en les rapprochant de celles de...
Si les représentants syndicaux bénéficient d’une liberté d’expression plus large que les autres agents publics, celle-ci n’est pas illimitée et doit être conciliée avec leurs obligations déontologiques (sur le respect du devoir de réserve, v. CE 12 déc. 1997, req. n° 134341, Dalloz jurisprudence). Ces obligations...
Les deux instances demandent qu’un alinéa soit ajouté à l’article 2 du projet de loi – instituant un système universel comprenant les avocats – excluant tout simplement la profession du nouveau système. Elles rappellent que le régime autonome de retraite des avocats est « autonome et équilibré », « pérenne », « solidaire » et « prévoyant ». « Les avocats sont d’ailleurs une exception dans l’exception des régimes autonomes des professions libérales, puisqu’ils sont les seuls à gérer en autonomie leur régime de base et leur régime complémentaire », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’amendement.
Le Conseil national des barreaux (CNB) exige que la loi soit « d’abord évaluée avant d’envisager une intégration de régimes autonomes ». Ainsi, dans un dernier amendement, après l’article 65 du projet de loi, le CNB propose : « la présente loi fera l’objet, après évaluation de son application par la mission d’évaluation des comptes de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur ».
Les autres amendements visent notamment :
à supprimer la référence aux professionnels libéraux qui intégreraient le régime universel nouvellement créé ;à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance (notamment pour déterminer le taux et l’assiette des cotisations ou encore pour organiser les modalités de gouvernance) – se référant à l’avis critique du Conseil d’État sur la méthode gouvernementale ;
à supprimer l’article 20 du projet de loi qui prévoit de soumettre les avocats au même niveau de cotisations que les salariés « pour un revenu en deçà d’un PASS », ce qui « engendre un préjudice économique réel pour près de 50 % de la profession d’avocat qui gagne moins de 40 000 € » ;
à supprimer l’article 40 qui prévoit un minimum de retraites accordé à compter de l’âge d’équilibre sur 516 mois de cotisations. « Une moins-value », selon le CNB, qui s’appuie encore sur l’avis du Conseil d’État : le régime autonome permet aujourd’hui de garantir à chaque avocat 17 119 € annuels, quelle que soit la rémunération au cours de la carrière de l’avocat ;
à exclure les avocats des mécanismes de solidarité alors même qu’ils ne peuvent compter sur la sécurité sociale pour remplacer les revenus manquants (art. 42) ;
Des malfaiteurs ont profité de la faveur de la nuit pour cambrioler un restaurant guadeloupéen. La police ainsi que des connaissances du propriétaire de l’établissement se lancent à leur poursuite. Malheureusement, un agent de la police confond ces derniers avec les malfaiteurs et tire sur l’un d’eux, qui subit de graves préjudices.
La victime principale ainsi que sa mère et son frère saisissent la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) qui ouvre le droit à une indemnité pour chacun d’eux. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) procède au paiement et se retourne, ainsi que l’article 706-11 du code de procédure pénale le lui autorise, contre l’agent judiciaire de l’État. En effet, ce dernier représente l’État en défense dans les domaines des accidents causés par ses agents (v. Rép. pr. civ., v° Agent judiciaire de l’État, par J.-P. Besson et J. Amouroux). Les sommes en jeu sont importantes puisque la CIVI a évalué le montant total des préjudices subis par les trois victimes à 1 849 649,58 €.
Le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a toutefois déclaré l’action de la FGTI irrecevable car prescrite. Celui-ci a donc interjeté appel de ce jugement et la cour d’appel de Basse-Terre a fait droit à sa demande. Elle a par ailleurs reconnu la responsabilité de l’État et l’a condamné à payer la somme demandée.
L’agent judiciaire de l’État a formé un pourvoi en cassation. Sur les trois moyens invoqués, seuls le deuxième, qui se rapporte à la prescription de l’action, et le troisième, qui soulève la question de la responsabilité de l’État, seront analysés par la Cour de cassation. Il fallait donc déterminer si le délai quadriennal de l’action amorcé par le FGTI avait été interrompu et si la responsabilité sans faute de l’État pour rupture d’égalité devant les charges publiques pouvait être retenue.
À ces questions, la Cour de cassation donne sa réponse sous la forme d’un rejet des deux moyens retenus.
Sur la prescription de l’action attachée à la loi du 31 décembre 1968
L’article premier de cette loi prévoit un délai de quatre ans au terme duquel se prescrivent, au profit de l’État, les créances qui n’ont pas été payées à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Les premiers juges ont ainsi considéré que le point de départ du délai correspondait au 1er janvier suivant le paiement, par le FGTI, des premières indemnités aux victimes et qu’il s’était écoulé quatre ans sans que rien ne soit venu interrompre la prescription. L’article 2 de la loi précitée prévoit pourtant plusieurs cas interruptifs de la prescription. On peut lire, au sous-alinéa deux du premier alinéa que la prescription est interrompue par « tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ». Dans cette affaire, il y a eu un tel recours matérialisé par la plainte et la constitution de partie civile des demandeurs devant le juge d’instruction. Cependant, le tribunal a considéré que la constitution de partie civile ayant été faite devant ce juge et non devant la personne publique responsable, cela ne correspondait pas à un cas d’ouverture de l’interruption de la prescription. La cour d’appel, dont la décision a été confirmée par la Cour de cassation, a considéré, au contraire, qu’il était indifférent que le recours ait été formé devant le juge d’instruction et en l’absence de l’agent judiciaire de l’État.
La question des conditions de l’interruption de l’action quadriennale de la loi de 1968 est ancienne. Elle a pour origine le changement qui a eu lieu entre l’ancien système issu d’une loi de 1831 et le nouveau crée par la loi de 1968 qui avait pour objectif « la préservation des deniers publics et la stabilisation de l’administration débitrice par la clôture rapide des budgets publics » (F. Lombard, Recours juridictionnel : les conditions d’interruption de la prescription quadriennale, AJDA 2017. 1845 ). Le point d’orgue des difficultés relatives à l’interprétation de cette loi est sans doute le célèbre arrêt Commune de Férel du Conseil d’État (CE 24 juin 1977, req. n° 96584, Lebon ). Dans celui-ci, la haute juridiction administrative subordonne l’interruption du délai de prescription du sous-alinéa 2 de l’article 2 de la loi de 1968 à la mise en cause d’une collectivité publique. S’en est suivi un important débat sur la pérennité de cette jurisprudence. Pour une partie de la doctrine, la solution adoptée en 1977 a été abandonnée dans un arrêt du 27 octobre 2006 (CE 27 oct. 2006, req. n° 246931, Dalloz actualité, 5 nov. 2006, obs. B. Lapouille ; Lebon avec les concl. ; AJDA 2006. 2389 , chron. C. Landais et F. Lenica ) qui ne subordonnerait désormais la reconnaissance de l’effet interruptif « qu’à la seule la condition que la plainte porte sur une créance susceptible, d’une manière ou d’une autre, d’être mise à la charge d’une collectivité publique » (C. Landais et F. Lenica, art. préc.). Cependant, pour d’autres, dont Olivier Henrard qui rapportera sur une décision du 10 mars 2017 (dans laquelle il est jugé que le sous-alinéa 2 de la loi subordonne l’interruption du délai de la prescription quadriennale en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d’une collectivité publique, v. CE 10 mars 2017, req. n° 404841, Dalloz actualité, 16 mars 2017, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2017. 550 ; ibid. 1845 , note F. Lombard ) il s’agit d’une mauvaise interprétation de l’arrêt. Selon lui, le sous-alinéa 2 de l’article 2 de la loi de 1968 doit être interprété au regard des autres sous-alinéas mentionnant la présence d’une collectivité publique. Il faut donc nécessairement qu’un recours soit dirigé contre une administration pour interrompre la prescription. Ce qui est indifférent, ce n’est pas la présence d’une administration, c’est la nature de cette administration. Pour le rapporteur, la lecture des travaux préparatoires de la loi encourage cette interprétation tout comme celle de l’ancien article 2244 du code civil, qui exige que, pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie doivent être signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire (Civ. 3e, 23 mai 2013, n° 12-14.901, Dalloz actualité, 14 juin 2013, obs. M. Kebir ; D. 2013. 2123, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin , cité in O. Henrard, concl. sous CE 10 mars 2017, req. n° 404841, préc.). Ce n’est pourtant pas à cette interprétation que semble se rallier la Cour de cassation dans cet arrêt du 16 janvier 2020. La deuxième chambre civile explique que « c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé qu’il était indifférent que l’agent judiciaire de l’État n’ait pas été partie à l’information judiciaire ni au procès correctionnel » et que « la constitution de partie civile à l’occasion de cette procédure avait bien interrompu la prescription de l’action en responsabilité contre l’État ».
Il serait toutefois bien audacieux de présager de la portée de cette décision et l’on peut regretter l’insuffisance de motivation de la Cour de cassation (v. les travaux de réflexion sur la réforme interne de l’institution ; v. aussi, P. Deumier, Motivation enrichie : bilan et perspectives, D. 2017. 1783 ou encore C. Jamin, Le Grand Inquisiteur à la Cour de cassation, AJDA 2018. 393 ) qui confère pourtant, à la décision, ses lettres de noblesse (F-P+B+I). Il y a, en effet, une certaine continuité dans la jurisprudence administrative concernant l’existence d’une plainte avec constitution de partie civile. Dans plusieurs décisions, le Conseil d’État (CE 27 oct. 2006, req. n° 246931, préc. ; 26 mai 2010, req. n° 306617, Lebon ; AJDA 2010. 1061 ; 17 mars 2014, req. n° 356577, Dalloz actualité, 27 mars 2014, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2014. 657 ; v. aussi CE 11 avr. 2008, req. n° 294767, Dalloz actualité, 23 avr. 2008, obs. C. Faivre ; Lebon ; AJDA 2008. 781 ) a considéré que, dans ce cas, la mise en cause de l’administration était inutile et que la plainte avec constitution de partie civile suffisait à interrompre la prescription quadriennale. Mais cela ne suffit sans doute pas à dire que le principe posé dans la jurisprudence Commune de Ferel est dépassé. La Cour de cassation se contentant de se rallier à l’analyse du Conseil d’État concernant les plaintes qui, lorsqu’elles impliquent une volonté de mettre en jeu l’administration, ne nécessitent pas de la part du créancier qu’il mette directement en cause cette dernière.
Sur la responsabilité de l’État pour rupture d’égalité. Le troisième moyen du pourvoi pose moins de difficultés. L’agent judiciaire de l’État remettait en cause le bien-fondé du recours subrogatoire du FGTI prévu à l’article 706-11 du code de procédure pénale en expliquant que la faute qui est reprochée à l’État (rupture d’égalité devant les charges publiques) est sans rapport avec la faute pénale (le coup de feu de l’agent de police) qui a permis à la victime de s’adresser à la CIVI pour obtenir réparation. L’agent judiciaire semble oublier que le lien entre la faute pénale et le fondement juridique invoqué pour engager la responsabilité de la personne poursuivie n’est pas exigé (v. Rép. pr. civ., v° Responsabilités encourues pour fonctionnement défectueux du service public de la justice, par S. Guinchard, n° 56). Dit autrement, il importe peu que le FGTI ait agi contre l’agent judiciaire de l’État sur le fondement d’une responsabilité sans faute alors que la CIVI a ouvert le droit à indemnisation des victimes à la suite de la reconnaissance de la responsabilité de l’agent de police sur le fondement d’une faute pénale. L’absence d’identité des causes juridiques ne peut valoir que lorsqu’il n’existe vraiment aucun rapport entre la responsabilité de l’État et la faute ayant ouvert le droit à indemnisation par la CIVI ou que les responsabilités trouvent leur origine dans des faits générateurs différents (Civ. 2e, 5 juill. 2006, n° 05-13.606, Dalloz jurisprudence). La Cour de cassation le rappelle bien ici : il n’y a qu’un seul fait générateur qui réside dans le coup de feu tiré par l’agent de police et la responsabilité de l’État a un lien de causalité avec ce coup de feu.
L’Observatoire international des prisons (OIP) a initié les trente-deux requêtes qui ont abouti à cet arrêt de première importance. Trente-deux personnes, détenues dans les établissements pénitentiaires de Fresnes, Nîmes, Nice, Ducos (Martinique), Baie-Mahault (Guadeloupe) et Faa’a Nuutania (Polynésie), ont poursuivi l’État pour des conditions de détention indignes. De nombreux recours administratifs ont été entrepris, parfois en vain, souvent pour n’obtenir que de modestes injonctions de la part d’un juge du référé-liberté peu enclin à élargir son champ d’intervention.
Le premier recours fut exercé en 2012 contre les conditions de détention de la maison d’arrêt des Baumettes (Marseille), à la suite d’un rapport alarmant du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Le juge administratif consentit à ordonner la dératisation des locaux. En juillet 2015, le Conseil d’État avait en appel daigné faire changer les draps et nettoyer les cellules dans un établissement où des détenus étaient entassés sur des matelas (200 % de taux d’occupation) par des températures caniculaires, dans des conditions d’hygiène déplorables.
Les dernières procédures administratives d’urgence visaient la maison d’arrêt de Fresnes, deuxième maison d’arrêt de France par sa taille, dont la vétusté et la surpopulation ont également atteint des sommets. Là, tout en consentant à se rendre sur place pour constater l’ampleur des dégradations, de la vétusté, de l’insalubrité alléguées, les juges ont accepté de prononcer des injonctions plus nombreuses contre l’administration, sans toutefois se permettre d’ordonner des mesures permettant de faire véritablement cesser les atteintes à la dignité des personnes détenues.
« Les recours ont été déposés entre 2015 et 2018 », précise Nicolas Ferran, juriste à l’OIP, qui a encadré les recours. Cela signifie que l’instruction fut extrêmement rapide pour les derniers dossiers, preuve que la CEDH avait à cœur de lier de traiter ces trente-deux cas, dans un arrêt commun, pour en augmenter la portée. Cet arrêt n’est pas un arrêt dit « pilote », mais « cela n’a aucune espèce d’importance », dit Patrice Spinosi, l’avocat des requérants. Le but était d’obtenir les deux recommandations générales que la cour a effectivement faites.
La Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention en raison des conditions matérielles dans lesquelles les requérants ont été détenus et, en particulier, « en raison du manque d’espace personnel dont ils ont disposé. Elle observe à cet égard que la prolongation du moratoire sur l’encellulement individuel ne permet pas d’augurer des perspectives d’amélioration immédiates (§ 121) ». « C’est la première fois que la Cour se prononce sur les conditions de détention en général et non sur un point précis (quartier disciplinaire, par exemple), sur un établissement en fonctionnement », précise Nicolas Ferran. En l’espèce, six établissements.
La Cour européenne a également constaté que les référés administratifs ne pouvaient être considérés, à l’heure actuelle, comme des recours « permettant de faire cesser ou d’améliorer, de manière effective, des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ». Elle a relevé que le gouvernement ne contestait pas la suroccupation des établissements concernés qui, comme l’indique le CGLPL, est un facteur d’aggravation de conditions de détention matérielles indignes.
La Cour ajoute : « Dans les affaires examinées, la Cour a ainsi pu constater que l’exécution des décisions du juge administratif se heurte à un phénomène structurel, attesté par les requêtes, les statistiques, les nombreux rapports nationaux et internationaux ainsi que par les tierces interventions. Les juges recommandent à l’État défendeur d’envisager l’adoption de mesures générales. […] Cette mise en conformité devrait comporter la résorption définitive de la surpopulation carcérale ».
La Cour européenne se permet de donner des exemples à suivre : « Ces mesures pourraient concerner la refonte du mode de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires (§ 124 à 126 et 205 de la décision) et l’amélioration du respect de cette capacité d’accueil. La Cour note également que la loi de programmation 2018-2022 comporte des dispositions de politique pénale et pénitentiaire qui pourraient avoir un impact positif sur la réduction du nombre de personnes incarcérées. Par ailleurs devrait être établi un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire (§ 167), de redresser la situation dont ils sont victimes et d’empêcher la continuation d’une violation alléguée ».
« Le juge doit ainsi être en mesure de pouvoir faire cesser toute atteinte », résume Patrice Spinosi. En conséquence de cet arrêt, « la France est aujourd’hui sous la surveillance du Conseil de l’Europe. Cette décision engage la France, elle devra rendre des comptes », explique l’avocat. Comme l’écrit la juge O’Leary dans son opinion concordante écrite à la suite de la décision, cet arrêt « jouera un rôle important de catalyseur des changements qui doivent être opérés par l’État défendeur », à l’instar des arrêts pilotes ou leading cases.
La France est condamnée à verser 513 250 euros aux 32 requérants.
« L’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales » (v., par ex., CE 6 nov. 2013, n° 361837, Région Auvergne, Lebon ; AJDA 2013. 2234 ; RDI 2014. 164, obs. A. Galland ).
Toutefois, « la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le...
« Se dissimuler le visage, c’est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société ». Tels étaient les premiers mots de la circulaire du 2 mars 2011, relative à la mise en œuvre de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010, au terme de laquelle nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. « La République se vit à visage découvert » proclamait alors le gouvernement de l’époque, dans un contexte marqué par un vif débat sur la place du voile intégral dans la société française. Depuis lors, la dissimulation du visage dans l’espace public peut être réprimée par une amende de deuxième classe, ainsi que par l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté.
Quelques années plus tard, la loi n° 2019-290 du 10 avril 2019, visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, instituait un nouveau délit, dit de « dissimulation du visage aux abords d’une manifestation », à l’article 431-9-1 du code pénal. Depuis lors, « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime ».
Par principe donc, la République ne saurait accepter qu’un citoyen, quel qu’il soit, puisse dissimuler son visage dans l’espace public (a fortiori, aux abords immédiats d’une manifestation et sans motif légitime) … à ceci près, que les pouvoirs publics semblent consentir, depuis de nombreux mois déjà, à ce que les forces de l’ordre soient autorisées, sans véritable fondement légal, à porter une cagoule lorsqu’elles procèdent à des opérations de maintien de l’ordre.
Observée à Paris comme en province, lors de cortèges exposés à de vives tensions, aussi bien qu’aux abords de manifestations parfaitement pacifiques, cette pratique interroge tous ceux qui, de près ou de loin, s’inquiètent du recul progressif de nos libertés publiques au profit de politiques publiques toujours plus sécuritaires.
Par une décision n° 2019-299 du 10 décembre 2019, le Défenseur des droits est venu apporter d’heureuses précisions en la matière, rappelant que « les fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie appartenant aux services et unités engagés en opération de maintien de l’ordre ne peuvent, au cours de ces opérations, dissimuler leur visage, notamment par une cagoule ».
Cette décision doit être saluée dans la mesure où elle permet d’interroger l’accoutumance progressive de notre société à une pratique...
Pour la Haute juridiction, les surfaces de vente des magasins de commerce de détail prises en compte pour l’assujettissement à la TASCOM « ne doivent pas nécessairement être situées dans des établissements réalisant exclusivement des ventes au détail et que sont assujettis à la taxe, à concurrence du chiffre d’affaires relatif à la surface de commerce de détail, les établissements de commerce de détail pratiquant également le commerce en gros ou d’autres activités ». Il en résulte également que le chiffre d’affaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe « est celui qui est réalisé par les surfaces de ventes au détail, en l’état, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’acheteur est un particulier ou un professionnel de sorte que les ventes au détail, en l’état, à des professionnels, tant pour leurs besoins propres que lorsqu’ils incorporent les produits qu’ils ont ainsi achetés dans les produits qu’ils vendent ou les prestations qu’ils fournissent, doivent être prises en compte pour la détermination du chiffre d’affaires, à la différence des ventes à des professionnels revendant en l’état, l’activité de ces derniers relevant alors d’une activité de grossiste ou d’intermédiaire ».
Dès lors, une société n’est pas fondée à soutenir, dès lors qu’il est constant que l’activité qu’elle exerce sur les surfaces de vente des établissements n’est pas limitée à la vente en gros, qu’elle ne pourrait être assujettie à la TASCOM au seul motif que sa clientèle serait presque exclusivement composée de professionnels qui achètent des produits pour les besoins de leur activité et que le montant de ses ventes aux particuliers se limiterait à 3 % de son chiffre d’affaires.
Légalité du taux réduit en faveur de certaines professions
Par ailleurs, le Conseil d’État estime que le bénéfice de réduction de taux en faveur des professions dont l’exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées ne crée pas de rupture d’égalité entre les établissements exerçant à titre exclusif une activité de vente de marchandises éligibles et ceux l’exerçant seulement à titre principal. Ce bénéfice prévu au A de l’article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ne méconnaît pas les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques.
Après presque deux ans de concertation et cinquante jours de grève pour la contester, la réforme des retraites a été présentée au conseil des ministres du 24 janvier. La consultation du Conseil d’État – dont l’avis est fort critique (v. encadré) – n’a entraîné qu’assez peu de modifications par rapport aux avant-projets (v. AJDA 2020. 77 ). Ainsi le gouvernement a maintenu l’annonce d’une loi de programmation permettant de garantir aux enseignants une revalorisation de leur rémunération, bien que le Conseil d’Etat ait considéré qu’il s’agissait d’une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi, procédé contraire à la Constitution.
Le projet de loi organique relatif au système universel de retraite (SUR), outre l’intégration dans le futur système des magistrats, des parlementaires et des membres du Conseil constitutionnel, prévoit une « règle d’or » d’équilibre. Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) devront fixer chaque année la trajectoire financière du SUR. Elles devront prévoir un solde financier positif ou nul pour l’année en cours et les quatre années à venir. Si les dispositions de la LFSS ont pour effet de porter la somme des soldes cumulés entre l’exercice 2027 et le terme de la projection sur cinq ans à un montant négatif supérieur à 3 % des recettes annuelle, cette même loi prévoit les moyens pour...
La Conférence des présidents du Sénat a demandé hier que la procédure accélérée ne soit pas engagée sur la réforme des retraites. Un acte rare. Depuis qu’il en a la possibilité (2008), le Sénat ne s’était opposé que deux fois à la procédure accélérée (en 2014, sur la loi redécoupant les régions et la loi NOTRe). Cette contestation sera sans incidence : pour que le gouvernement renonce à la procédure accélérée, il faudrait que la conférence des présidents de l’Assemblée rejoigne celle du Sénat. Or, les responsables de la majorité ont indiqué souhaiter que ce texte soit étudié selon le calendrier prévu (débat dans l’hémicycle dès le 17 février).
La réforme des retraites étant un texte dense, flou, très contesté et étudié dans un calendrier réduit, la procédure fait l’objet de multiples contestations. La conférence des présidents de l’Assemblée a d’ailleurs rejeté hier les demandes des groupes LR, PS et GDR de saisir le conseil constitutionnel sur la conformité de l’étude d’impact du projet de loi. Depuis 2010, c’est la troisième fois que l’opposition à l’Assemblée tente de contester une étude d’impact (les deux précédents étaient les réformes des retraites de 2010 et 2013). La contestation de l’étude d’impact fait l’objet d’une procédure particulière : seule la conférence des présidents de la première assemblée saisie peut la déférer au conseil constitutionnel. Ce qu’avait fait, en vain, le Sénat en 2014 sur la loi redécoupant les régions.
Toutefois, les débats à l’Assemblée ne se feront pas en procédure du « temps législatif programmé » : en raison des délais restreints, les groupes d’oppositions ont pu y faire obstacle. Par ailleurs, l’installation de la commission spéciale a pris du retard, le groupe GDR ayant insisté pour que les délais prévus par le règlement de l’Assemblée soit strictement respectés.
Aux côtés de la loi Engagement et proximité récemment promulguée ou encore de la proposition de loi visant à remédier au phénomène de dépeuplement des registres de naissance dans les communes dépourvues de maternités, le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les collectivités locales engagées au service de nos ruralités (n° 251 [2019-2020]), participe d’un mouvement général consistant à remettre les communes rurales au centre des préoccupations. Pour les sénateurs, « la ruralité n’est pas un monde qui se meurt, mais une part...
Les biens immobiliers à usage de bureaux font partie quasi-systématiquement du domaine privé des personnes publiques. Un arrêt du 23 janvier en offre une parfaite illustration dans trois hypothèses.
Il résulte de l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques que, sauf lorsqu’ils forment un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public, les biens immobiliers à usage de bureaux font partie du domaine privé des personnes publiques. Cette qualification prime sur la définition générale de l’article L. 2111-1 du même code qui dispose qu’un bien immobilier doit pour faire partie du domaine public de la personne publique propriétaire être affecté...
La proposition de loi vise à remédier au phénomène de dépeuplement des registres de naissance dans les communes dépourvues de maternités, généré par l’article 55 du code civil en ce qu’il prévoit que la déclaration de naissance est faite à l’officier d’état civil du lieu de...
Avoir des statistiques efficaces sur l’immigration relève de la gageure. Dès le stade de la définition de ce qu’est un immigré, la France se distingue des organismes internationaux. La diversité des mesures de flux qui en découle entraîne les premières lacunes : la population immigrée en France s’élèverait à 6,4 millions de personnes selon le Haut conseil à l’intégration, 8,2 millions selon Eurostat.
Partants de ce constat qui entraîne la méfiance des citoyens face aux chiffres avancés par les pouvoirs publics, les députés Stéphanie Do (LREM) et Pierre-Henri Dumont (LR), auteurs d’un rapport sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale (n° 2615), formulent 22 propositions pour mieux connaître la...
par Estelle Benoitle 23 janvier 2020
Issu de la loi ORE, le CESP a pour mission de veiller « au respect des principes juridiques et éthiques qui fondent la procédure nationale de préinscription […] ainsi que les procédures mises en place par les établissements […] pour l’examen des candidatures ». En raison de l’intérêt national accordé à la réforme de l’admission dans...
Les départements qui veulent relever la limitation de vitesse sur leurs routes à 90 km/h, comme le leur permet la loi d’orientation des mobilités, vont faire face à un parcours d’obstacles. Une circulaire du ministre de l’intérieur du 15 janvier invite les préfets à se montrer vigilants et exigeants et à ne pas hésiter à déférer les décisions qui leur sembleraient...
Il aura fallu plus d’une décennie à la France pour voter la ratification du protocole additionnel à la charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales. Bien que, déposé le 4 mars 2015, le projet de loi de ratification du protocole ait attendu plusieurs années avant d’être finalement adopté, par le Sénat, le...
Le gouvernement s’oppose toujours à l’instauration d’un droit à l’erreur pour les collectivités territoriales. Mais le Sénat est obstiné. Il a adopté, le 16 janvier, une proposition de loi visant à créer un droit à l’erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale.
Lors de l’examen de la loi ESSoC, qui a créé un...
M. A., ressortissant russe, avait demandé l’annulation du décret d’extradition prononcé à son encontre. Son avocat avait à cette fin formé une requête sommaire, enregistrée le 4 janvier 2019, annonçant la production d’un mémoire complémentaire. L’article R. 611-22 du code de justice administrative (CJA) prévoit, dans cette hypothèse, que cette production doit parvenir au Conseil d’État dans un délai de trois mois, sous peine de désistement d’office. L’avocat avait toutefois été suspendu par le conseil de l’ordre avant l’expiration du délai imparti pour cette production, ce qui avait entraîné, par application de l’article R. 634-1 du CJA, la suspension de ce délai.
Après constitution d’un nouvel avocat le 4 octobre suivant, le président de la 2e chambre de la section du contentieux du Conseil d’État avait fixé à deux mois à compter de cette date le délai de production de ce mémoire. La Haute juridiction a ainsi jugé que « le mémoire complémentaire ayant été produit le 4 décembre 2019, soit avant l’expiration de ce nouveau délai, M. A. ne saurait être regardé comme s’étant désisté de sa requête ».
La communauté de communes de Sélestat avait lancé une procédure de passation d’un contrat de délégation de service public pour la gestion et l’exploitation des services de la petite enfance sur son territoire. Deux des onze candidats initialement retenus, l’association La Farandole et l’association de gestion des équipements sociaux (AGES), ont déposé une offre avant d’être invités à participer à la phase de négociation avec l’autorité délégante. Le conseil de communauté a décidé d’approuver le choix de l’association La Farandole et le contrat a été signé le 2 juillet 2013. L’AGES a formé un recours gracieux le 22 août 2013, soit dans le délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées.
De la même manière qu’il a jugé qu’un recours gracieux du préfet interrompt le délai de deux mois dont celui-ci dispose pour saisir le juge (CE 28 juin 2019, n° 420776, Plastic omnium systèmes urbains (Sté), Lebon ; AJDA 2019. 1371 ), le Conseil d’État considère...
En 2019, le Défenseur des droits a vu décupler les réclamations concernant le système des forfaits post-stationnement, issu de la dépénalisation du stationnement payant. Dans un rapport publié le 14 janvier, il présente vingt recommandations pour rétablir les droits des usagers, mis à mal par un dispositif complexe et parfois mal appliqué par les...
Il est 16h30, vendredi. Le procès se termine. « Monsieur Preynat, levez-vous ». L’ancien vicaire s’approche de la barre, il a un carnet jaune dans les mains, il lit ses notes : « Je suis venu devant le tribunal avec le désir d’être loyal dans la reconnaissance des agressions dont j’ai été l’auteur, celles jugées ici et les prescrites. Je n’ai pas menti devant vous. J’ai été sincère dans les réserves exprimées, dans les limites de mes souvenirs et de ma mémoire. […] Je regrette sincèrement […] cela pour la recherche de plaisir sexuel. […] Ma demande de pardon, je la réitère auprès de toutes les victimes, même celles qui sont prescrites, et de leur famille mais mes excuses vont aussi auprès des autres prêtres et de l’Église que j’ai salis par mes agissements. Enfin, je tiens à réaffirmer que, depuis 1991, j’ai été fidèle à la promesse faite à Mgr Decourtray (de ne plus recommencer, ndlr) ». Bernard Preynat a levé la tête vers le tribunal, s’est rassis. Il n’a pas regardé les parties civiles, il ne s’est d’ailleurs jamais directement adressé à elles. Il s’est beaucoup excusé pendant cinq jours, il a reconnu – dès le début de l’enquête – l’essentiel des faits, il n’a pas pinaillé lorsque le tribunal a tenté une estimation sordide du nombre de victimes potentielles (des milliers), il a à peine grommelé lorsque, plus tôt dans la semaine, le cas des victimes prescrites a été examiné en détail et il n’a pas tenté de profiter de la demande de renvoi des avocats en grève. Bernard Preynat « ne ment pas », comme l’a martelé son avocat. Il ne ment pas, il ne feint pas un malheur, une peine. A-t-il pour autant pris la mesure de sa vie pendant ces cinq jours de procès ?
Plus tôt dans l’après-midi, la procureure Dominique Sauves a rappelé, dans son réquisitoire, les 531 cotes et les cinq tomes du dossier, les heures d’auditions, les trente-six victimes déclarées, les cinq jours de procès, tout cela « pour un seul homme ». Selon elle, Bernard Preynat « a été actif pour retarder l’échéance de son procès » entre la mise en avant de la prescription – « pour l’impunité » – et de sa propre victimisation – « pour se justifier ». Ce sont ses « deux chevaux de bataille » « pour effacer ses fautes », a-t-elle argué. De la part d’une ancienne avocate, accuser un prévenu de vouloir échapper à son procès parce qu’il fait valoir des moyens juridiques légaux de procédure paraît étonnant, voire d’une mauvaise foi assez piquante. Sur le fond, Dominique Sauves s’interroge : « qu’est-ce donc le dossier » de « ce pervers narcissique » ? « C’est le dossier de toutes les contradictions, de toutes les trahisons. Trahison de la mission d’éducateur dans un cadre sécurisant alors qu’il va en abuser. Il va tordre le cou aux valeurs qu’il a lui-même mission d’enseigner. C’est le dossier de toutes les trahisons, encore, en raison de l’abus de pouvoir, de domination, de perversité exercé. Il a détourné l’idéal religieux et scout. »
Bernard Preynat, c’est encore, selon elle, « une méthode économique » de l’abus avec des parents et une Église qui vont « lui fournir involontairement l’objet de ses déviances. […] Le silence de l’Église, il s’en est servi. Le silence des parents, il l’a entretenu ». Aujourd’hui encore, l’ancien curé, fondateur du groupe de scouts de Saint-Luc, « écoute la douleur mais il ne l’entend pas ». Alors la procureure va prononcer le nom de chacune des victimes même prescrites – « car il est insupportable pour elles de ne jamais les entendre » –, les étreintes, les caresses sur le corps, sur le sexe, les caresses parfois réciproques, sur le bermuda, sous le bermuda, les baisers. « Bernard Preynat n’est rien d’autre qu’un pédophile en série. […] Quand il s’excuse, s’agit-il d’un repentir actif ? Que nenni ! […] ». L’ancien prêtre, « adulé » par sa paroisse, ne parle que de lui, n’a jamais fait preuve d’empathie, savait parfaitement qu’il commettait des interdits puisqu’il se cachait des autres et, pire, « il n’a pas bougé d’un iota depuis 1962 ». « Ah, il a le mérite de la constance ! », ironise la magistrate, cet homme pédophile qui n’est qu’un pédophile comme les autres, « agissant sous l’autorité de la soutane ». Face à cela, il faut « une réponse pénale forte, à la hauteur du calvaire des victimes », une peine adaptée au trouble social occasionné, à la gravité, à la multiplicité des actes et leurs conséquences encore vivaces. C’est un « dossier stupéfiant, grave, effrayant », répète le parquet. Pour cela, il faut prononcer une peine qui « ne sera pas inférieure à huit ans ». Dominique Sauves ne requiert pas de mandat de dépôt ni d’obligation de soins. Depuis l’étage, où la presse est installée, les épaules de Bernard Preynat n’ont pas fléchi. Il ne regarde pas son avocat. Suspension.
« Ce que je vous demande à vous et aux victimes, c’est d’admettre que Bernard Preynat n’a pas attendu d’être jugé et condamné pour arrêter ses agissements »
Devant la salle, la foule attend. C’est l’heure de la plaidoirie de la défense. L’avocat du père Preynat, Frédéric Doyez a deux carnets posés l’un sur l’autre. Il utilise des crayons de couleur à mine épaisse. Il a pris quelques notes pendant les plaidoiries des parties civiles et pendant le réquisitoire. Les curieux s’entassent sur les bancs de la salle, des étudiants en journalisme, des avocats, des partisans de l’ecclésiastique – à droite de la salle –, des proches des victimes, des victimes prescrites – celles-ci sont assises du côté gauche. Lorsque l’avocat se lève, une feuille à la main qu’il regardera à peine, les neuf visages des parties civiles – ces enfants devenus des hommes – le scrutent. Il est temps faire souffler « un vent salubre » sur ce procès, estime l’avocat. Discuter la prescription de faits, d’abord, peut être vécu « comme un crachat au visage de ceux auxquels on peut l’opposer, comme une injure à la souffrance, mais il y a dans ce dossier un problème de droit évident. Je renonce à les développer ici mais je n’y renonce pas. On ne peut pas, dans un instant où l’on estime d’autres valeurs, renoncer à la loi ».
Par ailleurs, ne faut-il pas reconnaître que les faits datent d’une époque autre ? « Il faut lire Le Consentement de Vanessa Springora [sur l’écrivain Gabriel Matzneff, ndlr] pour comprendre comment une société a toléré qu’on ne dise pas un mot à des situations d’infraction. On a beau jeu de se rassembler derrière Mme Bombardier. […] On nous trompe en parlant d’un cercle d’intellectuels parisiens car c’était en réalité tous les spectateurs d’Apostrophes et une société entière qui n’était pas choquée par ce qui est constitutif de ce que vous jugez aujourd’hui. […] Ce n’est pas le procès d’une loi, d’une époque, d’une société mais il faut tout de même avoir un regard derrière nous. […] Il faut se tourner vers le passé en se disant que l’avenir apportera des solutions. » Frédéric Doyez s’adresse aux parties civiles. « Pour autant, dire cela, est-ce une négation de votre souffrance ? De ce que vous avez vécu ? Ce message-là, vous ne l’entendrez pas. » Me Doyez va néanmoins sous-entendre que le travail d’enquête, mené par l’association de victimes du prêtre, La parole libérée, va jeter un flou, proche « du vertige », car il va mélanger les agressions, les harmoniser, les mettre sur le même plan alors que toutes les victimes n’ont pas vécu les mêmes atteintes. Il n’y a eu aucune victime déclarée après 1991 – « on en a la preuve », rappelle l’avocat – et pourtant, La parole libérée a tenté de démontrer le contraire et « de troubler la mémoire » du dossier. La sortie du film Grâce à Dieu de François Ozon sur Bernard Preynat et la tenue du procès du cardinal Barbarin vont également troubler ce procès. Ce dernier aurait dû se tenir en 1991.
« Ce que je vous demande à vous et aux victimes, c’est d’admettre que Bernard Preynat n’a pas attendu d’être jugé et condamné pour arrêter ses agissements. […] Je vis difficilement que rien ne lui soit reconnu, que l’on passe sous silence la lutte qui a été la sienne pour redevenir un homme qui conserve tout le poids ce qu’il a fait. Il faut un moment reconnaître la sincérité, qu’on n’est pas dans un montage, dans un calcul. […] Il devait répondre, il a répondu, avec sa mémoire de 75 ans, avec une imprécision liée au nombre. Méfiez-vous des statistiques, […] ne tombons pas dans des chiffres qui font impression. Il a beaucoup agressé, il a fait beaucoup de mal, pêché mortel et véniel ». Pour la peine requise, une peine excessive et décalée selon l’avocat, Bernard Preynat « paierait le prix du présent. Ce qui doit être prononcé, c’est la rétribution du passé ». Il demande du sursis.
Délibéré le lundi 16 mars 2020, à 10 heures. La présidente a remercié toutes les parties pour « la tenue de l’audience ».
Une quatrième loi sur le sujet
Cette proposition de loi a une genèse disputée. Avec l’augmentation des féminicides et leur médiatisation, l’action des pouvoirs publics a été mise en cause. Des parlementaires, de tous bords, se sont fortement impliqués sur ce sujet, multipliant auditions, déplacements et rencontres.
En septembre, au lancement du Grenelle des violences conjugales, les députés Les Républicains ont décidé d’inscrire dans leur niche parlementaire une proposition de loi d’Aurélien Pradié (v. Dalloz actualité, 25 sept. 2019, art. P. Januel). Les députés En Marche !, se faisant couper l’herbe sur le pied, n’ont eu d’autre choix que de soutenir ce texte, qui est devenu la loi du 28 décembre 2019.
En conclusion du Grenelle, pour lutter contre les féminicides, le premier ministre a décidé de donner un débouché plus législatif que budgétaire (v. Dalloz actualité, 26 nov. 2019, art. T. Coustet). Fin novembre, une nouvelle proposition de loi a donc été annoncée, pour combler quelques failles législatives sur le retrait de l’autorité parentale, la possibilité de lever le secret médical des femmes violentées, l’interdiction de la médiation civile ou l’espionnage au sein du couple (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2019, art. P. Januel).
Rien de révolutionnaire. Reste que changer la loi est une solution visible et peu coûteuse. D’autant que, pour les députés qui n’ont souvent que l’arme de l’amendement à la main, tout problème se transforme vite en « vide législatif » à combler. Mais trois lois sur le sujet, un Grenelle et la lutte contre les amendements hors sujets (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. P. Januel) font qu’il y a peu d’idées nouvelles et utiles à creuser. En face, la rapporteure et la majorité doivent tenir bon et refuser tous les amendements inconstitutionnels, superflus ou mal rédigés. Un rôle parfois ingrat, notamment quand une députée vient défendre un amendement contraire à la jurisprudence constitutionnelle, avec cet argument : « Ici, on n’est pas au Conseil constitutionnel et je ne crois que vous soyez détenteur de ses avis ».
« Nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité »
De nombreux parlementaires s’étant impliqués sur la question, chacun tente de tirer la couverture à lui. En introduction des débats sur le retrait de l’autorité parentale, la députée LR Valérie Boyer rappelle qu’elle avait une proposition de loi sur le sujet qui n’a pas été adoptée en septembre. Son idée de favoriser le retrait de l’autorité parentale avait finalement été intégrée à la Loi Pradié, en toute fin de parcours. Elle y revient : « J’avais l’espoir que votre majorité montre que ces causes pouvaient dépasser les postures, et je regrette que ça n’ait pas été le cas quand vous avez rejeté ce texte des Républicains [le sien] sur l’autorité parentale. Je tenais à le souligner parce que ceux qui ont été marqués toute leur vie car ils ont assisté au meurtre de leur mère méritaient que l’on ne perde pas de temps ».
Guillaume Gouffier-Cha, chef de file des députés LREM : « Chère collègue Valérie Boyer, je sais que vous avez travaillé longuement sur ce sujet, comme nos collègues du Sénat. Je pense que ce retrait de l’autorité parentale a profondément marqué l’opinion publique, notamment parce que la mesure avait été annoncée fortement, dès le 3 septembre, par le premier ministre. »
Le député LR Aurélien Pradié choisit un ton plus consensuel, pour livrer une pique finale : « Nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité. J’entends depuis tout à l’heure l’importance de ce texte. Mais convenons bien que ni ce texte ni aucun autre ne réglera immédiatement la question des violences conjugales dans notre pays. Il faudra encore de nombreuses mesures pour endiguer ce drame, et il faudra surtout des moyens. »
« Cela permettrait de donner un signal fort »
Le texte en lui-même suscite peu de débats, mis à part l’article qui rend possible la levée du secret médical et le signalement par un médecin en cas de danger immédiat de la victime et d’emprise. Le débat est complexe mais les arguments ont le temps d’être échangés. L’opposition craint que cette mesure vienne briser le lien de confiance entre le médecin et la patiente. Cécile Untermaier (PS) : « Nous ne voulons pas que le médecin ne soit plus le refuge attendu, espéré et confiant des personnes victimes de violence. » En face, le député LREM Guillaume Gouffier-Cha : « Ce sujet vient bousculer les habitudes de notre société, qui est une société du silence, où nous ne parlons pas des violences conjugales. » Sa collègue Annie Chapelier : « On parle constamment du lien entre un médecin et sa patiente. Mais la possibilité de signalement concernera tous les professionnels de santé. L’infirmière, la sage-femme, le dentiste qui reçoit la patiente qui s’est fait briser les dents par son conjoint, et qui voudrait aussi avoir la possibilité de signaler. » Le texte ne bouge pas, mais la notion d’intime conviction pourrait évoluer en séance.
De nombreux problèmes ne trouvent pas de solution législative mais les députés tiennent à leurs « amendements signal ». La députée LREM Florence Provendier propose que l’enfant capable de discernement soit auditionné avant le retrait de l’autorité parentale, arguant que, sur le terrain, la mesure n’est pas appliquée. La rapporteure Bérengère Couillard lui rappelle que l’article 388-1 du code civil le prévoit déjà dans toutes les procédures et lui propose de retirer l’amendement. La députée est rétive : « Je suis perplexe… Il n’y a pas de mise en application objective de l’article du code civil, donc mon amendement a toute sa place. Pour moi, il est compliqué de le retirer. » Ce qu’elle fait finalement.
L’article 6 prévoit le retrait automatique de l’obligation alimentaire des enfants, en cas de crime d’un parent sur l’autre. Certains députés souhaiteraient aller plus loin et viser plusieurs délits. La députée Modem Laurence Vichnievsky, ancienne magistrate, intervient. « Il faut être prudent sur l’automaticité car il y a des cas de figure qu’on n’imagine pas quand on propose un texte. » Et elle rappelle que le cas de Jacqueline Sauvage serait visé par l’article : « Aurait-il fallu décharger ses enfants de l’obligation alimentaire envers leur mère ? » La députée Valérie Boyer a une solution. Instaurer une automaticité… avec des exceptions. « Cela permettrait de donner un signal fort. »
Un texte qui a peu évolué
La rapporteure Bérengère Couillard a fait adopter un amendement qui vise à ce que certaines peines alternatives à l’incarcération prévues à l’article 131-6 du code pénal puissent être, pour tout délit, prononcées en complément de la peine de prison (notamment les interdictions de paraître). Le délit d’atteinte au secret des correspondances sera aggravé s’il est commis dans le couple. Les députés LREM ont créé plusieurs délits pour pénaliser spécifiquement le fait de payer pour faire tourner, à l’étranger, la vidéo d’un crime ou d’un abus sexuel.
D’ici la séance, Bérengère Couillard veut travailler sur l’extension de l’indignité successorale pour les violences graves et non mortelles et la limitation de l’accès des mineurs à la pornographie sur internet.
Ce texte pérennise une expérimentation lancée depuis trois ans pour protéger la forêt francilienne particulièrement exposée au mitage forestier, qui devait prendre fin en mars 2020. Le mitage se manifeste par la vente de parcelles de petite taille, pour un prix élevé, à des particuliers qui font ensuite l’objet d’un usage non conforme à leur vocation naturelle ou à leur classement dans les documents d’urbanisme.
Le mécanisme retenu pour contrecarrer cette évolution a été de créer un droit de préemption de petites parcelles forestières au profit de la seule société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’Île-de-France (C. rur., art. L. 143-2-1 introduit par la loi n° 2017-257 du 28 févr. 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain). Le droit de préemption est limité aux petites parcelles, d’une surface inférieure à trois hectares, situées dans des zones délimitées par un document d’urbanisme. Par conséquent, peuvent être préemptés les biens situés dans les zones agricoles protégées, les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains, ou les zones agricoles, naturelles ou forestières délimitées par un document d’urbanisme. En dehors de ces zones, la SAFER ne peut pas préempter les parcelles de moins de trois hectares. Enfin, ce droit s’exerce à l’occasion des ventes mais également des mutations à titre gratuit. La SAFER d’Île-de-France a vocation à rétrocéder les forêts ainsi acquises à des propriétaires privés ou publics.
Un projet de loi organique de cinq articles et un projet de loi ordinaire qui en compte 64. Le gouvernement a transmis, le 10 janvier, aux organisations syndicales – dont plusieurs les ont rendus publics - les avant-projets de loi instituant un système universel de retraite. Ces textes transmis au Conseil d’Etat – qui doit les examiner avant le 24 janvier, date annoncée de leur passage en conseil des ministres – ont ensuite été rectifiés après l’annonce par le Premier ministre du retrait « provisoire » de l’âge pivot.
Le projet de loi organique a pour objet, d’abord, d’imposer un équilibre du système sur chaque période de cinq années. En cas de déficit, la loi de financement de la sécurité sociale devra prévoir les mesures nécessaires. Il étend, ensuite, le champ de ces lois de financement aux régimes complémentaires obligatoires de retraite. Enfin, il permet l’intégration dans le champ de la réforme des parlementaires, des membres du Conseil constitutionnel et des magistrats.
Le projet de loi ordinaire crée le régime universel par points applicable « à tous les assurés qui exercent une activité professionnelle en étant soumis à la législation française de sécurité sociale ». Il met ainsi fin aux régimes dits spéciaux, mais aussi à ceux des fonctionnaires des trois versants, des contractuels, des ouvriers de l’État, des militaires, etc. Les assurés nés à partir du 1er janvier 2004 entreront dans le nouveau système à compter du 1er janvier 2020 ; ceux nés à partir de 1975 à compter du 1er janvier 2025. Une Caisse nationale de retraite universelle sera créée pour gérer le système et absorbera les caisses préexistantes, dont la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dès 2022.
L’une des principales innovations pour les fonctionnaires sera de cotiser sur l’ensemble de leur rémunération, y compris le régime indemnitaire. Afin d’éviter une baisse brutale de leur revenu net, une ordonnance fixera les modalités d’une convergence, sur quinze ans au plus. Pour les régimes spéciaux, la convergence se fera sur vingt ans. Une ordonnance mettra également en place « de nouveaux dispositifs statutaires d’invalidité d’origine professionnelle et non professionnelle » pour les fonctionnaires et les militaires, qui ne soient plus considérés comme une mise à la retraite. Ceci leur permettra de continuer à acquérir des points. L’ordonnance pourra également revoir les règles des congés et disponibilités pour raisons de santé.
L’extinction de la catégorie active précisée par ordonnance
Comme annoncé, le texte prévoit l’extinction de la catégorie active. Les fonctionnaires se voient étendre le système du compte professionnel de prévention (C2P), permettant un départ anticipé à la retraite. Les règles de transition seront fixées par ordonnance. Toutefois, les fonctionnaires « qui concourent à des missions publiques de sécurité, y compris civiles, de surveillance douanière ou pénitentiaire » et qui exercent, pendant une durée minimale qui sera fixée par décret, des fonctions comportant une dangerosité particulière conserveront une possibilité de départ anticipé. Leur droit à la retraite sera ouvert dix ans avant l’âge d’équilibre pour ceux dont la limite d’âge est inférieure à cet âge, cinq avant pour ceux dont la limite d’âge est égale à l’âge d’équilibre. Ils bénéficieront de points supplémentaires financés par une cotisation spéciale de leur employeur. Pour leur part, les militaires conservent un droit à retraite ouvert au bout d’une durée variant selon leur statut (de 17 ans pour les militaires commissionnés à 27 ans pour les officiers de carrière). On notera, enfin, que l’article 1er du texte annonce, dans le cadre d’une loi de programmation des « mécanismes » permettant de garantir aux enseignants et aux chercheurs une retraite d’un montant équivalent à celle des corps comparables de la fonction publique de l’État.
Le juge des référés du Conseil d’État estime en effet que le deuxième alinéa de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne fait pas obstacle « à ce que les parents d’un enfant qui est né après que leur demande d’asile a été définitivement rejetée, présentent, en son nom et pour un motif qui lui est propre, une demande. Lorsque l’enfant est titulaire d’une attestation de demande d’asile et que ses parents ont accepté les conditions matérielles d’accueil, l’[OFII] est tenu, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, d’héberger l’enfant avec ses parents ainsi que ses éventuels frères et sœurs mineurs, et de lui verser, par l’intermédiaire des parents », l’allocation pour demandeur d’asile (ADA).
Les mineurs isolés peuvent être exclus du bénéfice de l’allocation pour demandeurs d’asile (CE 23 déc. 2016, n° 394819, Association La Cimade, Dalloz actualité, 12 janv. 2017, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2017. 6 ; ibid. 238 , concl. X. Domino ; D. 2017. 261, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ). En l’espèce, les parents de la jeune B…, titulaire d’une attestation de demandeur d’asile, ont demandé à ce que leur fille puisse bénéficier des conditions matérielles d’accueil. L’OFII soutenait qu’en tant qu’enfant de moins de trois ans, elle devrait être prise en charge, sur le fondement de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, par le département de Loir-et-Cher avec sa mère. Or, constate le Conseil d’État, la jeune B… n’est pas une mineure isolée. Par ailleurs, l’OFII ne peut utilement invoquer, s’agissant de l’ADA, l’application à une telle hypothèse des dispositions combinées des articles L. 744-9 et D. 744-18 du CESEDA, qui en réservent le bénéfice aux personnes âgées de plus de dix-huit ans révolus.
Alors que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire présenté par la secrétaire d’État Brune Poirson en juillet dernier (Dalloz actualité, 15 juin 2019, obs. M.-C. de Montecler) comptait treize articles, le texte adopté par l’Assemblée nationale en décembre dernier dépassait les cent trente. Les sénateurs, puis les députés ont cherché à élargir l’ambition du projet. Et si seuls sept articles ont été adoptés conformes, relevait le sénateur Hervé Maurey, président de la commission mixte paritaire (CMP), c’est souvent parce que les autres « ont été enrichis » et non détricotés.
Le point le plus délicat du texte était la mise en place d’une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. Les élus locaux avaient manifesté une ferme hostilité à ce dispositif qu’ils voyaient comme un risque majeur de déstabilisation des filières de tri. Les sénateurs avaient donc supprimé du texte toute référence à la consigne pour recyclage (l’approuvant en revanche pour le réemploi). Le président de la République avait fini par admettre, lors du dernier congrès des maires, que la consigne ne pouvait se faire sans l’accord des élus. Le compromis, amorcé par les députés lors de leur examen du texte et finalisé en CMP, consiste à laisser du temps aux communes et intercommunalités pour faire la preuve de l’efficacité de leurs dispositifs. Le texte fixe un objectif de collecte pour recyclage des bouteilles de 77 % en 2025 et 90 % en 2029. Par ailleurs, le nombre de bouteilles plastiques à usage unique pour boisson mises sur le marché doit être réduit de moitié d’ici à 2030. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) devra publier chaque année une évaluation des performances en matière de tri de ces bouteilles. Ce n’est qu’après la publication, en 2023, du bilan de l’année 2022 que le gouvernement pourra éventuellement mettre en place un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi.
De nouvelles filières REP pour les mégots et les chewing-gums
Les autres volets du texte étaient beaucoup plus consensuels. Le Parlement a renforcé les obligations que voulait imposer le gouvernement en matière d’information des consommateurs, notamment sur la réparabilité des produits. Il a validé également la réforme des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP). Celle-ci passe par la création de nouvelles filières (matériaux de construction, jouets, articles de sport et de loisir, article de sport et de loisir, articles de bricolage et jardinage, produits du tabac équipés d’un filtre en plastique, lingettes préimbibées, gommes à mâcher synthétiques non biodégradables, engins de pêche contenant du plastique). Mais aussi par l’extension de filières existantes (par exemple celles des emballages à ceux destinés aux professionnels). Par ailleurs, les missions des filières REP sont élargies (obligation d’adopter une démarche d’écoconception, soutien aux filières de réemploi, etc.).
Sénateurs et députés se sont accordés sur la fixation ou le renforcement d’un certain nombre d’objectifs de la politique des déchets. Ainsi, la France devrait réduire le volume des déchets ménagers et des déchets d’activités économiques de 15 % en 2030 ; atteindre 100 % de plastique recyclé d’ici le 1er janvier 2025 ; mettre fin à la mise sur le marché des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040 ou encore réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2025 dans la distribution alimentaire et la restauration collective, d’ici 2030 dans les autres secteurs.
La commande publique doit donner l’exemple
Ils ont souhaité également que les personnes publiques soient exemplaires dans leurs achats comme dans leurs dons (v. encadré). À compter du 1er janvier, elles devront dans leurs achats, dès que cela est possible, réduire la consommation de plastiques à usage unique et la production de déchets et privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées en prévoyant des clauses et des critères utiles dans les cahiers des charges. Elles devront promouvoir le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation. Les biens qu’elles acquerront devront être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit. De même, elles devront acquérir en priorité des pneus rechapés.
La commission mixte paritaire est également parvenue à un accord sur une série de mesures de lutte contre les dépôts sauvages de déchets. Le texte permet notamment au maire de prononcer une amende administrative dans un tel cas. Il habilite les agents de surveillance de la voie publique et les agents habilités et assermentés des collectivités à constater les infractions liées aux dépôts sauvages. Il permet aussi de mettre en fourrière les véhicules utilisés pour commettre de telles infractions, voire de les confisquer.
Parmi les autres mesures validées par la CMP, on peut encore citer : l’accroissement de la possibilité d’utiliser les eaux de pluie et de réutiliser les eaux usées traitées ; l’encouragement des conventions entre collectivités afin de permettre aux producteurs de déchets de pouvoir déposer ceux-ci dans le lieu de collecte le plus proche (qui peut appartenir à l’intercommunalité voisine) ; l’accélération de l’harmonisation des schémas de collecte des emballages ménagers et l’attribution aux régions d’une compétence en matière d’économie circulaire.
Le texte de la CMP devrait être voté par l’Assemblée nationale le 21 janvier 2020 puis par le Sénat le 30.
Extension du domaine du don
Les parlementaires souhaitent élargir la possibilité pour les personnes publiques de donner les biens dont ils n’ont plus l’usage en vue leur réutilisation. Ainsi, les collectivités territoriales pourront offrir leur ancien matériel informatique à toutes les associations reconnues d’utilité publique. Les acteurs de la filière de distribution et les établissements de santé pourront céder le matériel médical dont ils veulent se défaire à des associations et structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) dont l’un au moins des objets est de reconditionner ce matériel. L’État pourra céder aux structures de l’ESS les constructions temporaires et démontables dont il n’a plus l’usage.
À la suite de la réunion ratée de lundi entre le gouvernement et les instances professionnelles des avocats, la ministre de la Justice et le secrétaire d’État devaient, dans un courrier, proposer « des garanties » aux avocats sur l’avenir de la réforme des retraites, dont la profession ne veut pas.
Hier, Le Monde, dévoilait ce que seraient ces propositions : « Selon nos informations, le gouvernement devrait en particulier proposer le maintien d’une caisse autonome propre aux avocats dans le cadre du régime universel. Des mesures d’accompagnement seront également précisées. Le CNB devrait alors convoquer une assemblée générale extraordinaire avant de se prononcer sur ces propositions ».
La présidente du Conseil national des barreaux (CNB), Christiane Féral-Schuhl, hier en fin de journée, affirmait qu’elle n’avait toujours rien reçu. Quoiqu’il arrive, les membres du CNB ont été convoqués hier soir à une assemblée générale extraordinaire vendredi 17 janvier, à 17 heures, « compte tenu de l’urgence sur le dossier de la réforme des retraites ».
L’article 6 de l’avant-projet de loi simple prévoit que les magistrats seront intégrés au système universel de retraite (v. Dalloz actualité, 14 janv. 2020, art. M. Babonneau). L’âge limite de 67 ans, qui relève de la loi organique, resterait inchangé. Par rapport à d’autres fonctionnaires, les magistrats disposent de primes importantes, ce qui limitera les effets de l’allongement de la période de calcul.
Mais, pour Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats, « pour l’instant, beaucoup de...
La société IPC Petroleum France SA demandait l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 2 février 2018 lui ayant accordé une concession de mines d’hydrocarbures en tant que le terme de cette concession est fixé au 1er janvier 2040. Ce décret méconnaîtrait, selon elle, le droit au respect des biens prévus par l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
L’article L. 132-6 du code minier autorise le titulaire d’un permis exclusif...
M. A., ressortissant tunisien, entré irrégulièrement en France en 2011, a sollicité en 2014 un titre de séjour en sa qualité de parent d’un enfant français. Le préfet de la Drôme a rejeté sa demande en lui faisant obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Grenoble puis la cour administrative d’appel de Lyon ont rejeté la demande de M. A. tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral. Saisi en cassation, le Conseil d’État précise qu’il résulte des articles 371-2, 375, 375-3, 375-7 et 375-8 du code civil que « la circonstance qu’un enfant de nationalité française a fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que son père ou sa mère étrangers puisse obtenir un titre de séjour en tant que parent de cet enfant s’il contribue effectivement à son entretien et à son éducation conformément aux décisions de justice en définissant les modalités ». Bien que l’enfant ait été confié au service d’aide sociale à l’enfance, son père, qui s’est vu reconnaître un droit de visite hebdomadaire et a exercé ce droit de manière assidue et régulière, contribuait effectivement à l’entretien et à l’éducation de son fils. Le Conseil d’État a, dès lors, enjoint au préfet de la Drôme de délivrer un titre de séjour à M. A. en sa qualité de père d’un enfant français.
Mme C., qui avait été reconnue prioritaire et devant être relogée en urgence est décédée en janvier 2017 sans avoir bénéficié d’une offre de relogement correspondant à ses besoins. Sa mère et ses sœurs, imputant à l’État la responsabilité de ce décès au motif que sa carence à assurer le relogement de Mme C. l’aurait contrainte à demeurer dans un logement insalubre, ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l’État en réparation des...
Une délégation de service public peut légalement être attribuée en prenant en compte un critère ou un sous-critère relatif au nombre d’emplois locaux dont la création sera induite par la gestion du service.
Le Conseil d’État était saisi par un candidat malheureux à la délégation de la gestion et de l’exploitation du port de Mayotte. La société...
Une équipe d’évaluation du GRECO, composée de hauts magistrats et universitaires internationaux, s’est rendue en France en avril et a procédé à de nombreuses auditions. Alors que le précédent rapport se consacrait au Parlement et aux magistrats (v. Dalloz actualité, 9 oct. 2017, obs. E. Autier), ce cinquième rapport se centre sur la prévention de la corruption parmi les personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif ou membres des services répressifs.
Prévenir les conflits d’intérêts dans les ministères et à l’Élysée
Concernant l’exécutif, l’équipe d’évaluation du GRECO note que la « législation en matière d’éthique et de probité a été considérablement renforcée au cours des dernières années et constitue un fondement solide ». Les préconisations se centrent sur les membres des cabinets.
Le rapport estime positif que les membres des cabinets se soumettent des déclarations de patrimoine et d’intérêts. Il révèle certains chiffres sur l’activité de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) : en 2018, 490 relances ont été faites en raison de retards, dont 136 à des membres de cabinets ministériels. La même année, 120 injonctions ont été émises (dont 29 membres de cabinets, un collaborateur du président et un directeur d’administration centrale). Le rapport recommande d’accroître la transparence des déclarations des membres de cabinet, toutefois très limitée par la jurisprudence constitutionnelle (v. Dalloz actualité, 14 oct. 2013, obs. D. Poupeau). Il préconise aussi de soumettre les proches à des obligations déclaratives.
Par ailleurs, la HATVP a été saisie à plusieurs reprises pour avis, avant des nominations dans des cabinets ministériels ou à l’Élysée. Le rapport préconise de transcrire dans la loi cette « pratique émergente de l’exécutif ». Il suggère aussi d’élargir l’actuel registre des déports des ministres, aux conseillers de cabinet. Le GRECO note que la charte d’éthique de la présidence de la République est en cours de révision, « afin de définir un cadre plus contraignant pour les conseillers, ceci à la suite d’un scandale retentissant ayant impliqué l’un d’eux ».
Concernant le lobbying, « une plus grande transparence s’impose ». La loi Sapin 2 ne fait reposer les obligations que sur les seuls lobbyistes. Pour le GRECO, les membres de l’exécutif et leurs cabinets devraient publier à intervalles réguliers la liste des lobbyistes qu’ils ont rencontrés ainsi que les thèmes abordés.
Enfin, en matière répressive, le rapport recommande le renforcement du parquet national financier et la suppression de la Cour de justice de la République.
Police et gendarmerie : imposer une rotation dans les services sensibles ?
Second axe du rapport : la prévention de la corruption au sein des services répressifs (police et gendarmerie). Le rapport relève avec satisfaction l’existence d’un code de déontologie mais voudrait le voir développé sur les questions d’intégrité, avec davantage d’explications et d’exemples concrets.
Le GRECO note qu’entre 2013 et 2017, peu de sanctions ont été prononcées, que ce soit en raison d’activités annexes exercées (39 sanctions en quatre ans), de violation du secret professionnel (six, v. Dalloz actualité, 18 déc. 2019, art. P. Januel) ou d’accès indu à des fichiers de police (trois policiers et deux gendarmes sanctionnés en quatre ans). Le rapport recommande de rendre les contrôles de sécurité plus réguliers au cours de la carrière des personnels. La fréquence de ces contrôles devrait dépendre de l’exposition aux risques et de l’accès à des informations sensibles. Pour les services les plus exposés (courses et jeux), le GRECO recommande même d’imposer un système de rotation.
Enfin, si le rapport salue l’introduction d’une législation sur les lanceurs d’alerte, il juge la procédure « relativement complexe » et préconise un état des lieux avant son amélioration programmée (v. Dalloz actualité, 16 déc. 2019, obs. C. Collin).
La trêve des confiseurs n’en aura sans doute guère été une pour la direction générale de l’administration et de la fonction publique. La période des fêtes de fin d’année a en effet vu la publication d’une série d’importants textes d’application de la loi de transformation de la loi fonction publique (L. n° 2019-828, 6 août 2019, v. dossier AJDA 2019. 2343 ). Si un nombre conséquent de décrets et même d’ordonnances reste à paraître, ce sont des mesures phares de la loi qui sont ainsi entrées en vigueur le 1er janvier 2020.
Rupture conventionnelle
Tel est le cas de la rupture conventionnelle, avec les décrets n° 2019-1593 et 2019-1596 du 31 décembre 2019. Applicable dans les trois versants de la fonction publique, mais aussi aux ouvriers de l’État et aux praticiens hospitaliers, ce nouveau mode de cessation des fonctions concerne les agents contractuels à durée indéterminée ainsi qu’à titre expérimental du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025, les fonctionnaires. Le premier des deux décrets détermine la procédure applicable, le second fixe le plancher et le plafond de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
L’initiative de la rupture peut être prise soit par l’agent soit par l’administration. Elle est formalisée par une lettre recommandée ou remise en main propre contre signature. Au moins dix jours francs et au plus un mois après réception de cette lettre, un entretien est organisé (qui peut être suivi d’autres). Le fonctionnaire ou l’agent peut se faire assister par un conseiller syndical. Outre les motifs de la demande et le principe de la rupture, l’entretien doit porter sur la date de cessation des fonctions, le montant de l’indemnité et les conséquences de la cessation de fonction, notamment en termes d’indemnisation du chômage et de respect des obligations déontologiques.
La convention est établie selon un modèle qui sera défini par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. La signature ne peut avoir lieu que quinze jours francs au moins après le dernier entretien. Après cette signature, chacune des parties dispose d’un délai de rétractation de quinze jours. Fixée par la convention, la cessation des fonctions intervient au plus tôt un jour après l’expiration du délai de rétractation.
Si la loi (art. 72) fixe les exclusions pour les fonctionnaires, c’est le décret qui précise que la rupture conventionnelle n’est pas possible, pour les contractuels, pendant la période d’essai, en cas de licenciement ou de démission, ni pour les agents pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein et les fonctionnaires détachés en tant que contractuel. Le plafond de l’indemnité spécifique de rupture est égal à un douzième de la rémunération annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans. Le plancher varie, selon l’ancienneté, d’un quart de mois par année jusqu’à dix ans à trois cinquièmes de mois entre vingt et vingt-quatre ans.
Recrutement des contractuels
Autre axe majeur de la loi, l’élargissement des possibilités de recrutement des contractuels peut également entrer dans les faits grâce, principalement, au décret n° 2019-1414 du 19 décembre 2019. Celui-ci fixe, dans les trois versants de la fonction publique, la procédure de recrutement. Affirmant le respect du principe d’égal accès aux emplois publics, il prévoit un socle de règles, modulées selon la nature de l’emploi et, pour la fonction publique territoriale, la taille de la collectivité. Il est à noter que, lorsque le recrutement d’un contractuel est justifié par la nature des fonctions ou les besoins du service, l’administration doit d’abord établir le constat du caractère infructueux de la recherche d’un fonctionnaire. L’autorité de recrutement doit publier l’avis de vacance ou de création de poste sur le site Place de l’emploi public. Elle vérifie ensuite la recevabilité des candidatures au regard des dispositions législatives et réglementaires régissant l’accès à l’emploi à pourvoir et son occupation. Elle peut également écarter les candidatures qui, « de manière manifeste » ne correspondent pas au profil recherché. Les candidats présélectionnés sont ensuite convoqués à un ou plusieurs entretiens de recrutement conduits par une ou plusieurs personnes. Ainsi, dans la fonction publique de l’État, pour les contrats à durée indéterminée ou lorsque le niveau de l’emploi le justifie, deux personnes doivent intervenir. Il en va de même, pour la fonction publique territoriale, dans les collectivités de plus de 40 000 habitants.
Emplois de direction
Le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 fixe, pour sa part, des règles relatives à l’occupation des emplois de direction de l’État, que ce soit par des fonctionnaires, des magistrats ou des militaires, par voie de détachement, ou par des contractuels. Il pose des règles générales, notamment l’examen des candidatures et l’audition des candidats par une instance collégiale ou la nomination pour une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite de six ans. Il fixe surtout la liste des emplois concernés : sous-directeurs et chefs de service des administrations de l’État ; experts de haut niveau et directeurs de projet, emplois de direction de l’administration territoriale ; emplois fonctionnels des services déconcentrés de l’éducation nationale ; chefs de postes consulaires, etc. Il institue également un service extraordinaire dans le corps des sous-préfets.
Accompagnement des restructurations
Enfin, les décrets n° 2019-1441, 2019-1442 et 2019-1444 du 23 décembre 2019 ainsi qu’un arrêté du même jour mettent en œuvre les dispositifs d’accompagnement des fonctionnaires de l’État en cas de restructuration d’un service ou d’un établissement public. Les agents concernés peuvent bénéficier d’un congé de transition professionnelle en vue d’exercer un nouveau métier, dans le secteur public ou le privé. Ils bénéficient également de priorités de mutation ou de détachement. La mise à disposition dans le secteur privé peut être prononcée pour une durée maximale d’un an, après accord de l’organisme d’accueil. Le décret n° 2019-1442 traite du cas des cadres sur emploi fonctionnel. Le décret n° 2019-1444 et l’arrêté créent une indemnité d’accompagnement à la mobilité fonctionnelle.
Élargissement du dispositif des nominations équilibrées
Le décret n° 2019-1561 du 30 décembre 2019 établit la nouvelle liste des emplois de dirigeants d’établissements publics de l’État auxquels s’applique le dispositif des nominations équilibrées. Pour la fonction publique territoriale, et à compter des prochaines élections municipales, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de 40 000 à 80 000 habitants et le Centre national de la fonction publique territoriale sont soumis au dispositif. Pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale nouvellement concernés, la contribution financière est fixée à 50 000 € par nomination équilibrée manquante.
L’activité des sapeurs-pompiers professionnels (SPP) ne peut pas dans son intégralité déroger aux règles plafonnant le temps de travail posées par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 1988, a tranché le Conseil d’État. La Haute juridiction confirme ainsi la position prise par plusieurs cours administratives d’appel en application de la jurisprudence de la CJUE (v. not., CAA Nantes, 19 oct. 2018, n° 17NT00382, Syndicat autonome SPP-PATS 45 c/ SDIS du Loiret, AJDA 2019. 318 ; AJFP 2019. 93, et les obs. ; CAA Bordeaux, 27 mai 2019, n° 17BX00972, Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Vienne, AJDA 2019. 2095 ).
Pour contester un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes qui l’avait condamné à indemniser un SPP dont le temps de travail excédait largement les limites posées par la directive, le service départemental d’incendie et de secours...
Dans un arrêt du 19 décembre, le Conseil d’État affine sa jurisprudence sur les motifs qui peuvent justifier le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée ou la proposition d’un contrat substantiellement différent.
Il avait déjà jugé que, si l’agent contractuel n’a pas droit au renouvellement, le refus ne peut être fondé que sur l’intérêt du service (CE 10 juill. 2015, req. n° 374157, Département de la Haute-Corse, Dalloz actualité, 20 juill. 2015, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2015. 1395 ; AJFP 2015. 327, et les obs. ; AJCT 2016. 54, obs. P. Rouquet ). Il précise qu’un tel motif « s’apprécie au...
À la suite de la vérification de comptabilité de la société civile immobilière (SCI) Les Villas Saint-Vincent, l’administration fiscale a estimé que cette société avait accordé des avantages occultes à son gérant, M. B…, du fait de la minoration, d’une part, du prix de cession, au titre d’une VEFA conclue en 2009, d’un appartement de type F2 et, d’autre part, du prix de vente d’un appartement de type F4 cédé en 2010.
Pour mémoire, la VEFA est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution, l’acquéreur étant tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux.
Les faits sont les suivants : l’administration fiscale a assujetti le gérant de la société et son épouse à des cotisations...
L’assemblée du contentieux a tranché une question inédite en posant le principe suivant lequel la responsabilité de l’État peut être engagée en raison d’une loi déclarée contraire à la Constitution. La doctrine s’interrogeait sur cette question depuis la réforme constitutionnelle de 2008 qui permet, via la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, l’abrogation d’une loi déjà entrée en vigueur si le Conseil constitutionnel la déclare inconstitutionnelle (v. not. T. Ducharme, Responsabilité de l’État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution, AJDA 2019. 2568 ).
Les affaires qui lui étaient soumises concernaient des dispositions législatives relatives à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 1er août 2013, n° 2013-336 QPC, D. 2013. 1967 ; Dr. soc. 2013. 968, chron. G. Dumortier, P. Florès, A. Lallet, M. Vialettes et Y. Struillou ; RFDA 2013. 1255, chron. A. Roblot-Troizier et G. Tusseau ; Constitutions 2013. 592, obs. C. Radé et P. Gervier ; RTD civ. 2014. 71, obs. P. Deumier ). La société Paris Clichy (requête n° 425581) et la société hôtelière Paris Eiffel Suffren (requête n° 425983) ont demandé réparation des préjudices qu’elles estimaient avoir subis du fait de l’application du premier alinéa de l’article 15 de l’ordonnance du 21 octobre 1986 (v. CAA Paris, 5 oct. 2018, nos 17PA01180 et 17PA01188, AJDA 2018. 2352 , concl. A.-L. Delamarre ). Dans une troisième espèce (requête n° 428162), M. A. recherchait la condamnation de l’État en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’absence de versement de toute prime de participation au titre des exercices allant de 1989 à 2001.
Une responsabilité sous conditions
L’assemblée du contentieux a profité de cette occasion pour distinguer la réparation des préjudices nés de l’adoption de la loi de celle des préjudices nés de son application. La première est une responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques. La seconde, sur laquelle porte l’innovation principale de l’arrêt, est présentée comme découlant « des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, pour réparer l’ensemble des préjudices qui résultent de l’application d’une loi méconnaissant la Constitution ou les engagements internationaux de la France ».
Pour qu’une telle demande de réparation puisse aboutir, des conditions doivent nécessairement être remplies : la responsabilité de l’État n’est susceptible d’être engagée du fait d’une disposition législative contraire à la Constitution « que si le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1, lors de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité, ou bien encore, sur le fondement de l’article 61, à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ». Il faut, en outre, « que la décision du Conseil constitutionnel, qui détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause, ne s’y oppose pas, soit qu’elle l’exclue expressément, soit qu’elle laisse subsister tout ou partie des effets pécuniaires produits par la loi qu’une action indemnitaire équivaudrait à remettre en cause ». Lorsque ces conditions sont réunies, « il appartient à la victime d’établir la réalité de son préjudice et l’existence d’un lien direct de causalité entre l’inconstitutionnalité de la loi et ce préjudice ».
Prescription quadriennale
Par ailleurs, la demande doit être faite dans les quatre années suivant la date à laquelle les dommages subis peuvent être connus dans toute leur étendue, « sans [que la victime] puisse être légitimement regardée comme ignorant l’existence de sa créance jusqu’à l’intervention de la déclaration d’inconstitutionnalité ».
Dans les trois affaires, le Conseil d’État estime qu’il n’existe pas de lien direct de causalité entre l’inconstitutionnalité des dispositions et le préjudice subi par les deux entreprises et le salarié. Il rejette par conséquent leur demande d’indemnisation.
par Jean-Marc Pastorle 8 janvier 2020
CE, ass., 24 déc. 2019, OFPRA, req. n° 427017
L’article 1er de la Convention exclut le réfugié palestinien tant qu’il bénéficie effectivement de l’assistance ou de la protection de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Ces exclusions ne s’appliquaient cependant pas au réfugié palestinien qui, ne bénéficiant plus matériellement des prestations offertes par cet organisme de l’ONU, échappait de ce seul fait à cette clause d’exclusion et est donc susceptible de se prévaloir de la protection prévue par la convention de New York, en sa qualité d’apatride (CE, 22 nov. 2006, n° 277373, Office français de protection des réfugiés et apatrides, Lebon ; AJDA 2007. 91 , concl. C. Vérot ). Le Conseil d’État revient sur cette jurisprudence de 2006 et précise dans quels cas le réfugié est exclu du...
Le maire de Montreuil a décidé de préempter un immeuble pour l’acquisition duquel M. et Mme D… avaient conclu une promesse de vente. Ces derniers, qui n’avaient pas reçu notification de la décision de préemption du 24 septembre 2008, avaient toutefois demandé à la commune des informations sur l’état d’avancement du projet. Cette dernière a répondu par...
Moins attendues que celles de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les treize décisions du Conseil d’État méritent tout de même attention en ce qu’elles livrent un mode d’emploi pratique de l’appréciation du droit au déréférencement d’un lien renvoyant vers des données à caractère personnel. Ces arrêts s’inscrivent dans la droite ligne de l’arrêt de la CJUE rendu le 24 septembre 2019 (CJUE 24 sept. 2019, GC c. Commission nationale de l’informatique et des libertés, aff. C-136/17, Dalloz actualité, 27 sept. 2019, obs. N. Maximin ; AJDA 2019. 1839 ; ibid. 2291, chron. P. Bonneville, C. Gänser et S. Markarian ; D. 2019. 2022 , note J.-L. Sauron ; Dalloz IP/IT 2019. 631, obs. N. Martial-Braz ; Légipresse 2019. 515 et les obs. ), le Conseil d’État ayant sursis à statuer en l’attente de sa réponse.
Les faits opposent systématiquement – et classiquement – des personnes s’étant vu refuser une demande de déréférencement sur le moteur de recherche Google. À la suite du rejet par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de leur plainte vis-à-vis de ces refus, ces personnes ont saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre ce rejet.
Sur les treize décisions, cinq ont abouti à un non-lieu, dans la mesure où soit Google avait déjà procédé au déréférencement des liens litigieux, soit le contenu des pages web visées avait été modifié (req. nos 391000, 397755, 399999, 407776 et 423326).
Pour le reste, le Conseil d’État réaffirme, d’une part, que lors d’un recours en annulation d’un refus de la CNIL de mettre en demeure l’exploitant d’un moteur de recherche de procéder à un déréférencement, « le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision » et, d’autre part, que le droit au déréférencement s’exerce dans les conditions prévues par l’article 17 du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), relatif au droit à l’effacement, et visé par l’article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (loi Informatique et Libertés).
Outre ce rappel, l’intérêt des décisions rendues par le Conseil d’État réside dans l’appréciation du droit au déréférencement en fonction des catégories de données personnelles en cause. Une méthodologie différente est adoptée selon que les données sont :
des données à caractère personnel qui ne relèvent pas de catégories particulières ;des données à caractère personnel dites « sensibles » ;
des données à caractère personnel dites « pénales ».
Sur les données à caractère personnel ne relevant pas de catégories particulières
Sur le fondement de l’article 17 du RGPD, et depuis l’arrêt Google Spain, toute personne peut demander à l’exploitant d’un moteur de recherche le déréférencement d’un lien renvoyant à une page web contenant des données personnelles (CJUE 13 mai 2014, aff. C-131/12, Dalloz actualité, 21 mai 2014, obs. L. Constantin ; AJDA 2014. 1147, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ; D. 2014. 1476 , note V.-L. Benabou et J. Rochfeld ; ibid. 1481, note N. Martial-Braz et J. Rochfeld ; ibid. 2317, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJCT 2014. 502, obs. O. Tambou ; Légipresse 2014. 330 et les obs. ; JAC 2014, n° 15, p. 6, obs. E. Scaramozzino ; Constitutions 2014. 218, chron. D. de Bellescize ; RTD eur. 2014. 283, édito. J.-P. Jacqué ; ibid. 879, étude B. Hardy ; ibid. 2016. 249, étude O. Tambou ; Rev. UE 2016. 597, étude R. Perray ). À la lumière de la décision rendue par la CJUE le 24 septembre 2019 (aff. C-136/17, préc.), le Conseil d’État dans quatre de ses arrêts (req. nos 395335, 403868, 405910 et 409212) adopte la méthode d’appréciation suivante :
« Il appartient en principe à la CNIL, saisie par une personne d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web publiées par des tiers et contenant des données personnelles ne relevant pas de catégories particulières la concernant, d’y faire droit. Toutefois, il revient à la CNIL d’apprécier, compte tenu du droit à la liberté d’information, s’il existe un intérêt prépondérant du public à avoir accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne de nature à faire obstacle au droit au déréférencement. Pour procéder ainsi à une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel et le droit à la liberté d’information et apprécier s’il peut...
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Taxes et droits
Les débats ont été rudes concernant le projet de contribution payée par les titulaires d’un office ministériel qui visait à financer un fonds pour garantir le maillage territorial des offices (v. Dalloz actualité, 22 oct. 2019, art. P. Januel). Les députés se sont longtemps opposés au gouvernement et à un important lobbying des professions concernées par l’instauration de cette taxe, pourtant prévue depuis la loi Macron de 2015. Alors que la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était entendue sur une position de compromis (taxe repoussée d’un an et taux de 0,3 %), elle s’est fait battre en séance et l’article a été supprimé. En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à proposer d’établir une « contribution volontaire obligatoire », qui serait contrôlée par les services de la Chancellerie. Cette disposition pourrait figurer dans le projet de loi sur le parquet européen.
Le Parlement a par ailleurs décidé de supprimer la taxe sur les actes des huissiers de justice (à partir de 2021) et le droit fixe de 125 € sur l’enregistrement des contrats de mariage.
Sur les taxes sur les titres de séjour, le Parlement est allé plus loin que l’amendement adopté en première lecture à l’initiative de la députée LREM Stella Dupont (v. Dalloz actualité, 23 oct. 2019, art. P. Januel). Les sénateurs avaient adopté un amendement précisant que les autorisations provisoires de séjour n’étaient pas concernées par la taxation. L’Assemblée, en nouvelle lecture, a abaissé le montant du droit de visa de régularisation de 340 à 200 €. Par ailleurs, un amendement du gouvernement a aligné la durée du titre de voyage des apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire sur la durée la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans.
Une réforme de l’aide juridictionnelle maintenue
La réforme de l’aide juridictionnelle (AJ) a été préservée. Issue d’un amendement des députés Naïma Moutchou (Modem) et Philippe Gosselin (LR) (v. Dalloz actualité, 27 oct. 2019, art. P. Januel), elle prévoit notamment que le plafond de ressource sera fixé par décret (il devrait augmenter) et son calcul basé sur le revenu fiscal de référence. Les actions manifestement abusives seront exclues et les règles de retrait de l’AJ assouplies. La garde des Sceaux a promis que la réorganisation du ressort des bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) sera « envisagée avec souplesse » et a rappelé qu’il y restera un accueil physique dans tous les tribunaux via les services d’accès unique du justiciable. Par contre, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’ont proposé de rétablir un droit de timbre de 50 € pour financer un élargissement de l’aide et une revalorisation des unités de valeur. L’heure n’est pas à la création de taxes.
Une lutte contre la fraude renforcée
Sur l’article 57, le Parlement a encadré l’article initial du gouvernement visant à permettre la collecte et l’exploitation, par le fisc et les douanes, des données rendues publiques sur les réseaux sociaux (v. Dalloz actualité, 5 nov. 2019, art. P. Januel). L’expérimentation sera limitée aux activités occultes, aux domiciliations fiscales frauduleuses, à certains manquements sur les alcools, tabac et métaux précieux et à certains délits douaniers. Les agents seront spécialement habilités et la sous-traitance sera interdite. Les données sensibles (orientation sexuelle, opinion) seront détruites au bout de cinq jours et les données inutiles au bout de trente.
Sur l’indemnisation des aviseurs fiscaux (v. Dalloz actualité, 5 mai 2019, art. P. Januel), à l’initiative de la députée Christine Pires Beaune (PS), le Parlement a fortement étendu le dispositif. Celui-ci était, jusqu’ici, limité à la fraude internationale. À titre expérimental, le dispositif d’indemnisation concernera l’ensemble des manquements les plus graves à la plupart des impositions (y compris la TVA), dès lors que le montant des droits éludés sera supérieur à 100 000 €. Les aviseurs seront également anonymisés.
Était contesté l’arrêté du préfet d’Eure-et-Loir ayant déclaré d’utilité publique les travaux d’aménagement de la rue de Bruxelles, à Vernouillet. Le Conseil d’État, saisi en cassation après que les juges du fond avaient rejeté le recours du requérant dont la maison se trouvait dans le périmètre de la déclaration, relève que...
Le texte poursuit la suppression de la taxe d’habitation, pour 80 % des foyers fiscaux à partir de 2020 et 100 % en 2023, et la mise en place d’un nouveau schéma de financement pour les collectivités territoriales à compter de 2021. Celui-ci comporte plusieurs volets, dont le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes et la mise en œuvre de mesures de compensation pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et les départements.
Le PLF 2020 revalorise les enveloppes de dotation de...
Après un accord en commission mixte paritaire (CMP) le 11 décembre, le Sénat, le 18, puis l’Assemblée nationale, le 19, ont adopté définitivement le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Ce texte devrait donc être promulgué prochainement.
Sénateurs et députés sont parvenus à un compromis sur le volet intercommunalité. Les premiers ont accepté de renoncer à leur article sur les communautés « à la carte », ce sujet devant être remis sur la table lors de l’examen, prévu en 2020, du projet de loi dit « 3D » (décentralisation, déconcentration, différenciation). Les seconds ont consenti à la suppression de la catégorie des compétences optionnelles des intercommunalités. De même, un accord a été obtenu sur le sujet hautement inflammable du transfert des compétences eau et assainissement. Il consiste, tout d’abord, en la réouverture, jusqu’au 1er janvier 2020, du délai prévu par la loi du 3 août 2018 pour permettre aux communes de demander le report d’un transfert de l’une ou l’autre de ces compétences. Les sénateurs ont ensuite accepté la formule souhaitée par le gouvernement de la délégation de la communauté à la commune ou à un syndicat. Le conseil de communauté devra motiver un éventuel refus. À noter également que les députés ont accepté que l’ensemble des communes touristiques puisse retrouver la compétence promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme. En matière d’urbanisme, le seuil de création des plans locaux d’urbanisme (PLU) infracommunautaires est abaissé de cent à cinquante communes et le rôle des communes dans l’élaboration et l’évolution du PLU intercommunal est renforcé.
La CMP a également entériné la mise en place de pactes de gouvernance et de conférences des maires dans les communautés. Les pactes pourront notamment prévoir des délégations du président de l’établissement public de coopération intercommunale aux maires des communes membres pour l’engagement de certaines dépenses et la mise à disposition de services. Le texte, qui supprime l’obligation de révision périodique des schémas départementaux de la coopération intercommunale, met en place des procédures pour la division des communautés de communes et d’agglomération et pour la restitution de certaines compétences aux communes. Et le Sénat a eu le dernier mot sur la composition des commissions départementales de la coopération intercommunale, qui devront comprendre 50 % de maires.
Augmentation des indemnités des maires
Volet emblématique du texte, le titre sur les droits des élus comporte une batterie de mesures allant de l’extension du congé pour élection aux candidats dans une commune de moins de 1 000 habitants au renforcement du droit à la formation, en passant par l’augmentation du crédit d’heures et des mesures en faveur des élus handicapés. La mesure centrale en est bien sûr l’augmentation des indemnités des maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants. C’est globalement la proposition du Sénat qui a été retenue. Celle-ci fait passer, par exemple, l’indemnité du maire d’une commune de moins de 500 habitants de 17 % à 25,5 % de l’indice 1015 de la grille de la fonction publique.
Les députés ont renoncé à l’extension du scrutin de liste aux communes de 500 à 1 000 habitants. Le texte adopté prévoit qu’une modification du code électoral devra intervenir avant le 31 décembre 2021 pour étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements.
À l’initiative du Sénat, la loi prévoit une série de mesures tendant à simplifier le fonctionnement du conseil municipal et, en particulier, à faire face à la pénurie de candidats. Les assemblées délibérantes des communes de moins de 100 habitants seront réputées complètes si cinq membres ont été élus. De 100 à 499 habitants, neuf conseillers pourront suffire.
Pouvoir d’amende et d’astreinte pour le maire
Le titre relatif au renforcement des pouvoirs de police du maire faisait relativement consensus. Le texte donne à l’édile la possibilité de prononcer des astreintes pour obtenir le respect de ses arrêtés en matière de fermeture des établissements recevant du public et des immeubles menaçant ruine ou pour faire respecter les règles d’urbanisme et les obligations de débroussaillement. Ses pouvoirs sont étendus en matière d’exécution d’office des travaux d’élagage en bordure des voies publiques. Le préfet pourra transférer au maire ses compétences en matière de fermeture des débits de boissons.
Conçue notamment pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets, la disposition permettant au maire de prononcer des amendes administratives pour un certain nombre d’incivilités, comme l’occupation sans titre du domaine public, a provoqué une polémique inattendue. Les associations de défense des personnes sans abri ont craint que certains maires n’usent de ce pouvoir à l’encontre de ceux-ci. Le texte adopté exclut une telle amende à l’encontre d’une personne ayant installé sur la voie ou le domaine public « les objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires ».
La loi Engagement et proximité prévoit aussi
la création d’une procédure de demande de prise de position formelle du préfet sur un acte qu’envisage de prendre une collectivité (« rescrit du préfet ») ;un cadre juridique pour les médiateurs territoriaux ;
la généralisation de la tarification sociale de l’eau ;
la création d’une nouvelle catégorie de licence de quatrième catégorie pour les débits de boissons dans les communes de moins de 3 500 habitants qui n’en disposent pas ;
un droit de préemption pour la préservation de la ressource en eau.
Ce fut un réquisitoire à deux voix pour dénoncer la « fraude fiscale massive, éclairée et assumée » du couple Balkany, une « fraude érigée en système », « une fraude fiscale qui confine à l’arrogance ». En écho, les voix de la défense ont demandé une « justice apaisée » et souhaité que la cour ne donne pas le signal d’une justice qui « se mêlerait de politique ».
Le parquet s’est voulu sévère à l’égard de ces deux élus qui se sont enrichis en économisant « un impôt qui devait abonder les ressources publiques ». Bruno Revel et Muriel Fusina se sont réparti les rôles. Au premier, la démonstration de la fraude fiscale des époux Balkany. À la seconde, le rappel des grands principes et le quantum des peines.
C’est une fraude fiscale simple mais « protéiforme et réitérée », reprochée en termes identiques à Patrick et Isabelle Balkany, assure Bruno Revel. Protéiforme, car elle concerne l’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur la fortune (ISF). Réitérée, car elle s’échelonne entre 2009 et 2014 pour l’IR et de 2010 à 2014 pour l’ISF.
« On est loin du contribuable de bonne foi »
Les époux ont organisé leur impunité, selon l’avocat général, par « la dissimulation de leurs avoirs » immobiliers, notamment la villa Pamplemousse sur l’île de Saint-Martin aux Antilles et la villa Dar Gyucy à Marrakech, via des sociétés-écrans dans des paradis fiscaux.
Les avocats généraux reprennent les chiffres du fisc. Le couple aurait éludé près de 1,3 million d’euros au titre de l’ISF et 3 millions au titre de l’IR, leur patrimoine étant évalué à 18 millions d’euros sur la période de prévention. Une évaluation de l’assiette contestée par leur défense qui le chiffre à moins de 6 millions d’euros.
De 1995, date de leur séparation, à 2014, avec un retour à la vie commune en 1997, le couple Balkany n’a pas souscrit de déclaration d’impôts commune. Les époux ont plaidé l’erreur de bonne foi, l’ignorance de la loi, la bêtise… En établissant des déclarations séparées, ils ont minoré leurs impôts. Mme Balkany n’en a pas payé de 2009 à 2013 et a même touché sur cette période jusqu’à 6 500 € au titre de femme isolée. « La fraude a été massive tant sur l’impôt sur le revenu que sur l’impôt sur la fortune. On est loin du contribuable de bonne foi », a ironisé l’avocat général.
« Ceux qui se sont soustraits à l’impôt ont alourdi la facture de ceux qui ont joué le jeu », a renchéri Muriel Fusina qui évoque une reconnaissance « a minima » des époux, « uniquement lorsque les éléments matériels sont sur la table ». Arrivée après le début des réquisitions, car « coincée dans les bouchons », selon son avocat, Isabelle Balkany encaisse en silence. Parfois fait non de la tête en regardant ses conseils.
« Non, il ne s’agit pas de faire un exemple en condamnant Isabelle et Patrick Balkany à des peines de prison ferme sévères. Il s’agit de prendre en compte le fait que les auteurs de cette fraude sont des personnes choisies par le suffrage universel », a-t-elle poursuivi.
L’avocate générale requiert l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, pour « regagner » une « crédibilité démocratique », et demande quatre ans avec mandat de dépôt contre M. Balkany, dix ans d’inéligibilité et dix ans d’interdiction de gérer une société. À l’encontre de Mme Balkany, quatre ans, dont deux avec sursis, et mêmes peines complémentaires, avec exécution provisoire pour celle d’inéligibilité.
Le parquet général s’appuie sur l’article 471 du code pénal et l’article 131-10 du code de procédure pénale pour réclamer cette mesure d’exécution provisoire. Si la cour suit ces réquisitions, le couple ne pourrait se représenter aux prochaines municipales, comme il l’a annoncé.
« La fonction d’exemplarité de ce procès est déjà remplie. Ils ont tout perdu. »
« La défense ergote et continuera d’ergoter sur l’assiette parce que les évaluations doivent être revues à la baisse et cela doit avoir une incidence sur les peines prononcées », a plaidé Me Romain Dieudonné, l’avocat de M. Balkany, rappelant que le couple niait posséder la villa de Marrakech et contestait les évaluations du fisc sur leur résidence de Giverny et la villa Pamplemousse.
L’avocat a rappelé que son client avait reconnu « un certain nombre de manquements fiscaux » même s’il n’avait pas adopté « l’attitude du repentant ». Ce qui est requis, dit-il en substance, ce n’est pas la confirmation de la peine de première instance mais une aggravation. La demande d’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité signe la « mort sociale » de Patrick Balkany, maire de Levallois depuis 1983 avec un intermède entre 1997 et 2001. « Je demande une justice apaisée, une justice raisonnée et une réponse cohérente au regard de ce dossier et l’âge de mon client. »
De son côté, l’ancien bâtonnier parisien Pierre-Olivier Sur a demandé à la cour de ne pas prendre « le risque de donner le signal que la justice se mêlerait de politique ». La prison est-elle nécessaire, s’interroge-t-il avant de répondre par la négative. « La fonction d’exemplarité de ce procès est déjà remplie. Ils ont tout perdu. » L’inéligibilité, ce n’est pas à la justice de trancher, mais aux électeurs.
Me Sur a tenté de lisser l’image donnée par sa cliente lors de cette audience, tout à la fois désinvolte et bravache, voire méprisante, haussant le ton avec le ministère public, accusant l’avocat du fisc de mentir ou bousculant la présidente au point, parfois, de lui en faire perdre la maîtrise des débats. Cette femme, qui a « appris à lire et à écrire avec Camus », qui a vu « ses premiers films avec Charlie Chaplin », « vous l’avez vue, tremblante et seule, vous l’avez vue sous l’influence de l’angoisse et de la peur », a poursuivi l’avocat.
En première instance, Patrick Balkany était seul sur le banc des prévenus, son épouse absente après une tentative de suicide. Le maire de Levallois avait échappé au contrôle de ses avocats.
En appel, ce fut une symétrie inverse. Isabelle Balkany face à la cour, son mari hospitalisé après la première journée d’audience, sa défense incapable de la maîtriser.
La cour a rejeté mercredi après-midi la modification de contrôle judiciaire de M. Balkany dans le dossier de fraude fiscale. La cour, dans une autre composition, a ordonné sa remise en liberté sous caution préalable de 500 000 €. Une somme que le maire de Levallois dit ne pas pouvoir réunir.
Délibéré le 4 mars.
Le Conseil d’État était saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté du 29 mai 2018 portant déremboursement de spécialités pharmaceutiques. Les requérants estimaient que les avis rendus par la commission de la transparence étaient irréguliers parce que l’un de ses membres, rapporteur du dossier, et deux des experts extérieurs sollicités par la commission avaient pris publiquement position en faveur du déremboursement des spécialités...
Un secret rarement respecté
Inscrit en 1957 à l’article 11 du code de procédure pénale, le secret de l’enquête et de l’instruction s’applique à tous les éléments de la procédure. Sa première motivation est de protéger les preuves. Lors de l’enquête sur les attentats de Strasbourg en décembre 2018, la publication de la méthode utilisée pour déterminer l’origine des armes du terroriste « a mis à bas la stratégie d’enquête ». De même, la fuite dans la presse des éléments de l’autopsie d’Alexia Daval aurait pu avoir des conséquences catastrophiques. Ces fuites dégradent la relation de confiance entre magistrats et forces de l’ordre. Des magistrats ne confient plus d’affaires sensibles à certains services de police judiciaire « dans lesquels ils soupçonnent un risque plus élevé de violation du secret ». Ce secret permet également de garantir la présomption d’innocence et est une protection pour les personnes mises en cause.
Mais, pour Xavier Breton et Didier Paris, ce secret est aujourd’hui « concurrencé par le désir d’information des citoyens, stimulé par les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu, et leur volonté d’une plus grande transparence du fonctionnement de la justice ». Si, pour les députés, certaines fuites stimulent parfois les enquêtes judiciaires ou répondent aux attentes légitimes de la population (attentats), la situation n’est pas satisfaisante.
De nombreux délits mais peu de sanctions
Seules les personnes qui concourent à la procédure sont tenues au secret de l’instruction. Outre les magistrats, cela concerne les greffiers, les huissiers, les officiers et agents de police judiciaire, les enquêteurs de personnalité et toute personne requise par un magistrat (interprète, expert). Si les avocats ne sont pas concernés, ils restent soumis au secret professionnel et ne peuvent révéler des éléments que sous réserve des droits de la défense.
Sur le plan pénal, la violation du secret de l’instruction est punie d’un an d’emprisonnement. De nombreux autres délits sont prévus pour les personnes qui ne seraient pas parties à la procédure. Ainsi, il est interdit de publier des commentaires qui influenceraient une décision de justice. Si une partie transmet à des tiers des pièces du dossier de procédure auquel elle a accès, elle encourt 10 000 € d’amende. En cas de fuite dans la presse d’éléments du dossier, un journal peut aussi être poursuivi pour recel de violation du secret. Un journaliste s’est ainsi vu condamner pour avoir publié le portrait-robot d’un suspect.
Mais si les délits sont nombreux, les condamnations restent rares : moins d’une dizaine par an. À cela s’ajoutent les poursuites disciplinaires d’une vingtaine de policiers et une dizaine de gendarmes par an. « Hormis les cas où des faits de corruptions sont avérés, les sanctions restent faibles. » En quarante ans, seuls quatre magistrats ont été sanctionnés (deux procédures disciplinaires sont en cours).
Délit | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 |
Révélation d’informations à des personnes susceptibles d’être impliquées (C. pén., art. 434-7-2) | 6 | 3 | 2 | 6 |
L’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 2 décembre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Ce texte traduit sur le plan financier les mesures impliquées par la loi de transformation du système de santé (v. p. 2488).
C’est ainsi qu’il revoit le financement des hôpitaux de proximité. Celui-ci comportera deux parts : une garantie pluriannuelle de financement, concernant l’activité de médecine et fixée en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement , des besoins de santé de la population du territoire et de la qualité de la prise en charge des patients, et une dotation de responsabilité territoriale, permettant de financer les missions optionnelles. Cette dotation doit notamment permettre de rémunérer les professionnels libéraux intervenant dans les hôpitaux de proximité.
Dans le but d’améliorer la pertinence des soins, la loi opère une refonte du contrat...
par Carine Bigetle 6 décembre 2019
CE 29 nov. 2019, req. n° 421523
M. A., ressortissant russe d’origine tchétchène, avait rejoint en France son épouse admise au statut de réfugié et obtenu lui-même ce statut en mai 2015 au titre de l’unité de la famille. L’article L. 711-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que l’OFPRA peut mettre fin au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l’une des...
Ce texte, annoncé en conclusion du Grenelle des violences conjugales (v. Dalloz actualité, 26 nov. 2019, art. T. Coustet), vient après les lois Schiappa, Belloubet et Pradié (v. Dalloz actualité, 25 sept. 2019, art. P. Januel). Déposé par le groupe LREM, avec comme premiers signataires Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, les quatorze articles seront à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dès janvier.
Autorité parentale, médiation, armes
L’article 1er vise à favoriser le retrait de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences conjugales. Les députés considèrent que ce retrait est actuellement insuffisamment prononcé, notamment lorsque l’enfant n’a pas été victime directe des violences. Le juge pénal, ou ultérieurement le juge civil, pourra retirer l’exercice d’un ou plusieurs attributs de l’autorité parentale. L’article 2 prévoit que l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement seront suspendus automatiquement pour six mois en cas de poursuite ou de condamnation pour crime d’un parent sur l’autre. À noter, une grande partie de ces deux articles a déjà été intégrée à la proposition de loi Pradié lors des débats en commission mixte paritaire, la semaine dernière. Malgré le caractère douteux de la recevabilité de l’amendement (v. Dalloz actualité, 3 avr. 2019, art. P. Januel), les parlementaires LR ont profité de leur majorité en commission mixte paritaire pour l’imposer.
L’article 3 complète l’article 138 du code de procédure pénale pour prévoir que, dans le cadre du contrôle judiciaire, le juge pourra suspendre le droit de visite et d’hébergement, y compris en l’absence de violences directes à l’encontre des enfants.
L’article 4 exclut la possibilité pour le juge civil d’ordonner une médiation en cas de violences de l’une des parties sur l’autre. La médiation pénale sera aussi totalement interdite.
L’article 6 décharge les enfants d’obligation alimentaire envers un parent qui aurait commis un crime conjugal. L’article 7 aggrave les peines pour harcèlement moral au sein du couple, qui seront portées à dix ans d’emprisonnement en cas de suicide (ou de tentative de suicide) de la victime. L’article 9 favorise les saisines d’armes en cas de violences conjugales par un officier de police judiciaire, dès le stade de l’enquête.
Secret médical, espionnage, porno et aide juridictionnelle
L’article 8 décharge de son obligation de secret, le professionnel de santé qui dénoncerait au procureur, sans l’accord de la victime, des violences conjugales « lorsqu’il a l’intime conviction que la victime majeure est en danger immédiat et qu’elle se trouve sous l’emprise de leur auteur ».
L’article 10 durcit les peines prévues à l’article 226-1 du code pénal lorsqu’un espionnage est commis au sein du couple et rajoutera la géolocalisation d’une personne dans les atteintes à la vie privée pénalisables.
L’article 11 renforce la responsabilité des éditeurs de sites pornographiques sur l’accès des mineurs à leurs contenus. Ils ne pourront plus se contenter d’une simple question sur l’âge et devront se doter d’outils plus fiables pour contrôler la majorité (carte bleue). À noter, le Royaume-Uni vient récemment de reculer sur un projet semblable.
Enfin, l’article 12 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixera les procédures concernées par l’aide juridictionnelle provisoire. L’objectif est d’y inclure l’ordonnance de protection, comme le préconisait le rapport Moutchou-Gosselin (v. Dalloz actualité, 27 oct. 2019, art. P. Januel).
C’est une des innovations de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Les lignes directrices de gestion ont été imaginées pour compenser partiellement la réduction du champ d’intervention des commissions administratives paritaires (CAP) (v. C. Chauvet, Le dialogue social dans la loi du 6 août 2019, AJDA 2019. 2343 ).
Le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 traite à la fois des lignes directrices de gestion et de « l’évolution » des attributions des commissions administratives paritaires. Pour les décisions applicables à partir du 1er janvier 2020, les CAP perdent leurs compétences en matière de mobilité (mutation, détachement, intégration, réintégration après détachement, mise en disponibilité). Au 1er janvier 2021, ne connaîtront plus systématiquement que des refus de titularisation et...
La Haute juridiction était saisi du pourvoi de M. P. contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant son recours contre le rejet de ses demandes tendant à l’enlèvement d’ouvrages installés provisoirement sur le site de l’École nationale des Beaux-arts. Édifiés en 2001, ils auraient dû être enlevés à l’été 2005. Or onze ans plus tard, les bâtiments n’avaient toujours pas été démontés.
« Lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l’implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans...
Orpheline et maltraitée par sa tante, Blessing fuit Bénin City sitôt qu’elle en eut l’occasion, et, après un long, éprouvant, terrifiant voyage, elle parvint à Paris, via le Niger, l’enfer libyen et l’Italie. « J’avais entendu que les filles nigérianes venaient pour se prostituer. J’ai cru que ça serait différent pour moi. Mais quand je suis arrivée, je ne savais pas ce que je pouvais faire, je n’avais rien à faire. C’est ainsi que j’ai commencé à me prostituer. »
Blessing se tient à la barre de la cour d’assises de Paris, assistée d’une interprète de l’anglais vers le français.
« J’ai été violée par deux clients et, en plus, ils m’ont soutiré l’argent que j’avais gagné. Quand j’ai raconté ça aux autres filles, on m’a répondu : c’est normal, quand vous travaillez dans la rue, ce sont des choses qui arrivent. »
Sweet est partie du Nigéria le 17 juillet 2012, fuyant, à 16 ans, un mariage non désiré que sa belle-famille voulait lui imposer. En mars 2013, elle est arrivée à Paris, après six mois en Italie et un mois en Belgique, où elle a commencé à se prostituer, avant de faire le trottoir dans la Ville Lumière, entourée de ses compatriotes, rue Saint-Denis.
« Moi, on m’a dit que je pourrai faire des études et chanter, parce que je chante très bien », dit Joy. « Je pensais faire des concerts et aller à l’école », mais Joy s’est prostituée dans le quartier de Strasbourg-Saint-Denis. Tout comme Cherish, Isoken, Glory, Queen, Rita et Diana, parties civiles. Tout comme Ruth, Angel, Lisa et Sweet, accusées. Les deux premières sont détenues depuis près de quatre ans : il leur est reproché, ainsi qu’à Sweet et Joe, la traite d’êtres humains et la complicité de ce crime, en plus de l’infraction de proxénétisme en bande organisée, qui pèse également sur Lisa. Au fond du prétoire, il y a Charles, à qui l’on reproche l’aide à l’entrée et à la circulation d’un étranger en France.
En vertu de l’article 225-4-1 du code pénal, la traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation. Les réseaux de proxénétisme nigérians sont de puissantes organisations criminelles, qui disséminent des filles dans toutes les grandes capitales européennes. On dit de Benin City, quatrième ville la plus peuplée du Nigéria, qu’elle est une ville qui vit du fruit de la prostitution. Tout débute donc là-bas. Dans cette affaire, jugée du 25 novembre au 6 décembre par la cour d’assises de Paris, tout débute par le « Juju ».
C’est une cérémonie mystique dirigée par un marabout, qui peut impliquer de manger un foie de poule cru, d’être scarifiée, enduite d’onguents divers. Par exemple, une touffe des cheveux de Diana a été placée dans un autel appelé shrine, avant que, nue, elle ne soit marquée par de la poudre noire. Cette cérémonie sert à faire peser sur la victime la menace d’une malédiction qui s’abattrait sur elle et sa famille si elle ne remplissait pas ses obligations, c’est-à-dire le remboursement d’une dette colossale, dont le montant est bien supérieur au montant déboursé par la femme qui a pris la fille sous sa coupe, l’a amenée chez le marabout, avant de lui faire entreprendre le voyage jusqu’en Europe.
Parmi les filles qui partent, peu d’entre elles croient aux pouvoirs surnaturels du Juju. « C’est juste une garantie supplémentaire », dit Angel. Les garanties principales, plus triviales, consistent en des menaces sur la famille, restée au pays.
Là-bas, la patronne, c’est Mama Precious. Elle n’est pas mise en cause, car les enquêteurs n’ont pu étendre leurs investigations jusqu’au Nigéria. Mais il est admis dans ce dossier que Mama Precious décidait de tout. Elle était en contact avec des proxénètes, sur place. Dans ce dossier, les enquêteurs ont mis au jour deux réseaux distincts, tous deux approvisionnés par Mama Precious.
Le premier Réseau est celui de Ruth, 33 ans aujourd’hui, qui est la sœur de Mama Precious. Ruth est à Paris depuis 2008 et, comme toutes ses compatriotes arrivées dans ces conditions, elle s’est prostituée pour rembourser sa dette de 50 000 €, alors que son voyage, par l’entremise de passeurs, n’a coûté que 5 000 €, mais le système est ainsi fait, et chaque prostituée passant proxénète le perpétue. C’est en 2014 qu’elle a fait venir Joy. Elle l’a installée dans l’appartement de deux pièces qu’elle sous-louait à Chelles (Seine-et-Marne), à un marchand de sommeil qu’elle nomme Valentin, pour 1 200 € par mois. Elle faisait payer à Joy un loyer de 250 €, du reste, il semble que c’était la somme demandée pour chacune des occupantes, bien que certains témoignages divergent. La nuit, de 18 heures à 6 heures du matin, Joy se prostituait dans le quartier de Strasbourg Saint-Denis, tout comme Rita, Cherish, Blessing et une autre Blessing et, le dimanche, elle percevait une partie de leurs recettes qui contribuait au remboursement de leur dette, fixée entre 30 000 et 40 000 €. À cela s’ajoutait l’achat de l’emplacement, que les prostituées se revendent entre elles, pour un montant de 3 000 €. Après Chelles, Ruth, enceinte, est partie vivre à Rouen, où son bébé a vu le jour. Mais elle continuait à diriger les filles sur place, par l’entremise de Lisa. Cette dernière, ancienne prostituée, était chargée de percevoir les loyers ainsi que les recettes de la prostitution, dont les sommes sont estimées à 800 € par semaine. Et que faisait Ruth ? « J’envoyais cet argent au Nigéria, pour rembourser ma dette. »
Ruth minimise son rôle, malgré de nombreuses écoutes qui démontrent son haut niveau d’implication. Le président demande : « Si vous ne faites pas partie du réseau, pourquoi c’est à vous qu’on s’adresse ?
— Je faisais ça pour rendre service, car c’était la famille, c’est Mama Precious qui les a envoyées.
— Mais vous avez joué un rôle dans leur venue. »
Les écoutes révèlent que Ruth était en contact avec au moins deux passeurs, Abu et Musa, et qu’elle pilotait les filles depuis l’Italie, où elles avaient débarqué, jusqu’à Paris.
Ruth laisse le président lire les témoignages et écoutes dont il ressort qu’elle était la proxénète de cinq filles nigérianes, dont elle réglait le quotidien et surveillait le travail, et qu’elle avait contribué à faire venir en France, pour qu’elles se livrent à la prostitution. Ruth raconte qu’elle aurait aimé arrêter de se prostituer, mais que sa famille l’en a dissuadée, avant de lui proposer de faire venir des filles qui travailleraient pour son compte, ce qu’elle a fait. Dans sa gestion du réseau, elle était en contact avec sa sœur, au Nigéria, où elle envoyait l’argent gagné par les filles. Depuis qu’elle est en prison, dit-elle, elle n’a reçu aucune lettre, aucun mandat, aucun soutien de ses anciens partenaires restés au pays, dont certains pensent qu’ils s’y pavanent en voiture de luxe, et qui ont remplacé Ruth par d’autres prostituées désireuses à leur tour de profiter de la manne, et, surtout, de cesser de vendre leur corps.
Lorsqu’elle vivait à l’appartement de Chelles, Ruth y a hébergé Angel et, avec elle, plusieurs filles qui se prostituaient pour Angel. Angel, ancienne prostituée également : « j’accepte ce que j’ai fait ». Comme Ruth, elle a acheminé des filles nigérianes, en cheville avec Mama Precious, par l’intermédiaire des mêmes passeurs. Isoken, Edith, Queen et Diana sont parmi celles qu’Angel a tenues sous sa coupe, avec la complicité de Sweet et de Joe.
Ce dernier était le petit ami d’Angel, qu’elle a carrément fait venir du Nigéria pour lui tenir compagnie et peut-être pour l’aider un peu. Joe fait de la coiffure, il n’est pas à l’aise à l’audience et sa nouvelle copine française, une grande fille aux cheveux platine, tremble à ses côtés. Joe dit avoir été contraint par Angel de s’impliquer dans le réseau, ce qui, le concernant, signifie qu’il est allé en Italie chercher la dénommée Isoken, partie civile. « En fait, je l’aimais, et elle profitait de l’amour que j’avais pour elle. Elle me frappait, aussi », dit-il d’Angel. Un homme sous l’emprise de sa femme, qui a finalement pu s’émanciper. Au cours de l’année 2015, il s’est éloigné d’Angel, jusqu’à rompre avec elle, assure-t-il, deux mois avant que tout le monde soit interpellé (janvier 2016). Joe dit n’avoir rien fait que rendre des services sous la contrainte, qu’il est sur le bon chemin, ce qui est vrai (travail, conjointe, projets communs en France). Malgré tout, Joe n’est pas à l’aise. Le président lui dit franchement : « Est-ce que vous trouvez ça normal qu’un homme vive du fruit de la prostitution de sa femme ? » Joe est tout penaud. Parmi les accusés, il est le seul qui semble avoir peur.
Angel reste totalement impassible. Le président lui dit : « Les conversations déterminent que vous jouez une part active dans leur venue, ça donne l’impression que c’est une organisation habituelle.
— J’assume, moi je ne sais pas faire autrement », a-t-elle répondu.
Un jour, elle n’avait pas encore cessé de se prostituer, Mama Precious lui envoie une dénommée Diana. Cette minuscule jeune femme aux longs cheveux vert fluo, qui pensait être coiffeuse à Paris, raconte à la cour son périple à travers l’Afrique, la semaine de barque en méditerranée, sans manger ni boire, dit-elle, avant d’échouer en Italie. Angel envoie Sweet chercher Diana. C’est Charles qui fournit les billets de train, et qui accueille les deux jeunes femmes à Paris. Diana a affirmé à Sweet qu’elle avait 17 ans. « Et vous l’avez crue ? », demande le président. Non, elle ne l’a pas crue. « Ça ne m’a pas étonné, car les gens sont petits au Nigéria », a répondu Angel, quand le président lui a demandé ce qu’elle pensait de la physionomie de Diana. « Mais ce n’est pas une question de taille, on a vu une photo de 2015, c’est une gamine !
— On a discuté, elle paraissait majeure, sinon, elle aurait jamais fait ça. »
D’après Angel, toutes les filles qui prétendent ne pas savoir qu’elles allaient se prostituer en France mentent. « Elle savait bien qu’elle allait se prostituer, Diana, elle vient ici pleurer, mais je suis désolée, elle et toutes les autres filles savaient », abonde Sweet. C’est acquis : tout le Nigéria est au courant de cette pratique. « Vous étiez peut-être la seule à Bénin City qui ignorait ce que les femmes faisaient quand elles partaient dans ces conditions ! », a lancé une avocate de la défense à Queen, l’une des filles d’Angel.
Mais Diana dit qu’elle ne savait pas, quand elle est arrivée en France à l’âge de 10 ans, qu’elle allait devoir se prostituer dans les rues de Paris. Diana est cette toute petite femme, qui s’est prostituée en 2014 pour le compte d’Angel, assistée de Sweet, à qui elle devait rembourser 35 000 €. Diana retient toute l’attention de la cour, car c’est par son témoignage qu’a débuté l’enquête.
Le 13 février 2015, elle est interpellée sur son lieu de travail pour racolage. Courant 2014, elle avait déjà été contrôlée à deux reprises, mais elle avait menti sur son âge, et les policiers l’avaient laissée repartir. Cette fois-ci, elle se retrouve au commissariat du IIe arrondissement, déclare comme à son habitude être née en 1994, avant d’être transférée au centre de rétention de Vincennes, où elle a annoncé avoir des informations à donner sur sa proxénète, ce qui a intéressé la brigade de protection des mineurs. Tout d’abord, un examen de détermination d’âge osseux a conclu qu’elle avait 15 ans, alors que Diana affirmait désormais être née en juillet 2003, ce qui lui ferait 11 ans et demi, et c’est l’âge retenu par le dossier, compte tenu de la fiabilité relative de ces examens (c’est une hypothèse), et tant Diana paraît jeune, encore ce mercredi 27 novembre, lorsqu’elle raconte son histoire en français, et non en anglais, comme les autres parties civiles. « J’ai commencé dans le bois de Vincennes, avec une amie d’Angel qui avait une voiture, et puis je suis allée à Strasbourg-Saint-Denis quand il y a eu une place pour moi. » Et alors, comment se déroulait son quotidien, que devait-elle faire ? « On est dans la rue, on attend le client et voilà.
— Aviez-vous beaucoup de clients ?
— Parfois deux ou trois par nuit, mais ça pouvait aller jusqu’à vingt. »
Diana avait beaucoup de succès, car « les clients aimaient bien les filles petites » (ce qui ne signifie pas qu’ils aimaient les enfants, mais les petits gabarits, est-il précisé).
— La prestation, c’est combien ?
— Pour 50 €, tu fais la pipe et tu touches. »
Les tarifs étaient souvent de 30 € pour une fellation, et ils montaient à 150 € si le client souhaitait avoir des rapports à l’hôtel, sinon, ça se déroulait dans une cage d’escalier. D’après Diana, celui qui l’a déflorée a payé 300 €, mais les accusées contestent que Diana ait été vierge à son arrivée.
Diana raconte sa vie de prostituée, les sommes qu’elle devait verser chaque semaine. Angel la surveillait de près, la menaçait et, parfois, elle la frappait, Sweet et Joe peuvent en témoigner. Depuis la barre de la cour d’assises, l’ancienne prostituée, qui désormais rêve d’être cheffe de cuisine, émeut les jurés et les deux accusées du box, qui encourent vingt ans de réclusion criminelle, la regardent tristement.
Les plaidoiries et réquisitions doivent débuter ce mercredi 4 décembre.
La personne qui demande à l’administration de respecter une obligation qui incombe à celle-ci n’est pas tenue de préciser les mesures nécessaires. Et le refus de prendre de telles mesures est néanmoins susceptible de recours, a jugé le Conseil d’État.
Plusieurs associations avaient demandé au directeur de la prison de Fresnes et au préfet du Val-de-Marne la mise en place d’un dispositif permettant le recueil et l’instruction des demandes d’asile formulées par les détenus de ce centre...
En première partie de son rapport, la Cour souligne qu’il est aujourd’hui impossible de produire un chiffrage global de la fraude et elle presse le gouvernement de se doter des outils nécessaires. Elle note le renforcement notable de la coopération internationale contre la fraude. En 2018, la France fut le pays qui a reçu et envoyé le plus de renseignements sur des contribuables (1,8 million reçus, 1 million envoyés). Une succession de lois (2013, 2016 et 2018) a aussi renforcé l’arsenal contre les fraudeurs. Toutefois, la Cour regrette le manque d’impulsion interministérielle sur la lutte contre la fraude. Exemple parmi d’autres, la délégation nationale à la lutte contre la fraude n’a plus de dirigeant depuis 6 mois. La réussite de la Task Force TVA mise place pour révéler de nouveaux schémas de fraude « fait clairement apparaître les lacunes des autres instances de coopération interministérielles ».
Le rapport note aussi que la baisse des effectifs de vérificateurs fiscaux (de 4 260 en 2013 à 3 812 en 2018), une tendance européenne. Mais la diminution du nombre de contrôles sur place n’a pas été compensée par l’amélioration de leur efficacité. Résultat, les montants recouvrés sont passés de 10 milliards d’euros en 2013 à 8 milliards en 2018. Un chiffre faible, comparé au Royaume uni (15 milliards) ou à l’Allemagne (19 milliards).
La part de la justice
À rebours de ce qui se produit chez nos voisins, la Cour constate une baisse du nombre de condamnations pour fraude fiscale (de 934 en 2008 à 586 en 2017). Et même si la justice tend à devenir plus sévère, l’emprisonnement reste exceptionnel, contrairement aux États-Unis et à l’Allemagne. Autre problème de la justice, sa lenteur : il y eu en moyenne 714 jours entre la réception de la procédure au parquet et la décision du tribunal correctionnel pour les personnes jugées en 2016 et 2017.
La Cour regrette que la part des renseignements fournis par la justice à l’administration fiscale, soit réduite. Elle note aussi que les professionnels du droit et du chiffre font peu de déclarations de soupçons à Tracfin. De 2015 à 2018, un seul avocat a fait une déclaration.
Autre point noir : les montants confisqués en matière de fraude fiscale demeurent, au final, faibles (7,5 millions d’euros en 2018 selon l’AGRASC). Comme le préconisait le rapport Saint Martin-Warsmann, la Cour recommande de systématiser les enquêtes patrimoniales et les saisies pénales.
Pour la Cour, « l’aménagement du verrou de Bercy et la déconcentration de l’action pénale vont impliquer pour le ministère de la justice de réévaluer son organisation pour mieux traiter l’afflux de plaintes à la fois en termes qualitatif comme quantitatif ».
Pour mieux organiser la justice, le rapport recommande de confier au parquet national financier (PNF) un droit d’évocation en matière de fraude fiscale et demande que les critères d’orientation des procédures entre les différents services de police fiscale soient fixés par circulaire. La Cour souhaite aussi que soient « adaptés les moyens humains et techniques des juridictions et services d’enquête » et que soit envisagée une spécialisation des JLD dans les juridictions qui le nécessitent, et en premier lieu Paris.
Recommandations de la Cour des comptes
Évaluer la fraude aux prélèvements obligatoires : une exigence démocratique, un outil utile pour éclairer la stratégie de lutte contre la fraude
1. (Insee, DGFiP) Achever l’estimation en cours de la fraude en matière de TVA et engager sans tarder les travaux relatifs aux autres prélèvements obligatoires, en commençant par l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.
2. (DGFiP, Acoss) Améliorer dans la durée les outils et méthodes d’estimation :
- S’agissant de la DGFiP : en incluant dans la programmation du contrôle fiscal une fraction de contrôles aléatoires et en faisant évoluer les systèmes d’information en vue de faciliter l’exploitation statistique des données du contrôle fiscal.
- S’agissant de l’Acoss : en perfectionnant les méthodes mises en œuvre pour estimer la fraude aux cotisations sociales (fréquence des campagnes générales et élargissement du champ de la méthode à l’ensemble des cotisations sociales).
- S’agissant à la fois de la DGFiP et de l’Acoss : en engageant les travaux nécessaires à la mesure du biais de détection.
3. (DGFiP) Favoriser au niveau de l’Union Européenne l’intensification des échanges de bonnes pratiques en matière d’évaluation de la fraude fiscale.
4. (DGFiP, Acoss, Insee) Engager dans l’ensemble des administrations et organismes concernés (DGFiP, Acoss, services statistiques ministériels) des travaux réguliers d’estimation de la fraude aux prélèvements obligatoires et confier à une institution extérieure, comme le Conseil des prélèvements obligatoires, la responsabilité de veiller à leur cohérence et d’en publier les résultats d’ensemble.
5. (DGFiP, DLF, DSS) Poursuivre les efforts de simplification de la norme relative aux impositions de toutes natures et aux cotisations sociales :
Pour casser l’engrenage de la hausse des prix des logements, ce texte contient deux mesures fortes : la première modifie les conditions de vente de foncier public par l’État ou les collectivités territoriales en proscrivant, à horizon 2021, le recours à la vente par adjudication afin de prévenir les achats purement spéculatifs de terrains issus...
Dans une ordonnance par laquelle il a rejeté la requête d’un détenu contestant la prolongation de son placement à l’isolement, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que les deux procédures prévues par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative répondent à des situations différentes. Ainsi, dans un récent revirement de jurisprudence (CE 7 juin 2019, n° 426772, Lebon ; AJDA 2019. 1190 ; ibid. 2137 , concl. A. Iljic ; AJ pénal 2019. 459, obs. J. Falxa ), le Conseil d’Etat relevait que la décision plaçant d’office...
Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique que l’Assemblée nationale a adopté le 26 novembre diffère sensiblement du texte du Sénat (v. AJDA 2019. 2084 ). Sur de nombreux points en effet, les députés sont revenus au texte du gouvernement et ont supprimé une bonne partie des amendements des sénateurs tendant à renforcer la place de la commune au détriment des intercommunalités.
Sur la question du transfert des compétences eau et assainissement que le Sénat voulait rendre facultatif, les députés sont revenus au système de délégation de la compétence à la commune par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Ils ont également refusé l’intercommunalité à la carte, souhaitée par les sénateurs, au profit d’une...
Cette recherche, soutenue par la mission de recherche Droit & Justice, a été dirigée par Yoann Demoli et Laurent Willemez. Elle s’est appuyée sur le fichier des magistrats en poste au 1er janvier 2018. Ils ont également reçu 1 200 réponses à un questionnaire adressé aux magistrats sur leurs parcours et leurs conditions de travail et ont mené des entretiens individuels. Des données qui permettent d’étudier les carrières et les discours.
Un corps élitiste mais qui s’ouvre timidement
Les magistrats viennent très majoritairement des groupes sociaux les plus favorisés. 63 % avaient un père chef d’entreprise, cadre ou d’une profession intellectuelle supérieure. Mais, si on compare à l’étude menée par Jean-Luc Bodiguel dans les années 1980, le corps évolue. Alors qu’il y a trente ans, 10 % des magistrats avaient un père magistrat, ils ne sont plus que 3,8 %. Par ailleurs, les magistrats sont plus souvent enfant de cadres supérieurs du privé (25 %), « marquant une forme d’ouverture à d’autres groupes sociaux favorisés ».
Ces dernières années, le nombre d’enfant d’ouvrier et employé a légèrement augmenté, même s’il reste limité (14 % des magistrats entrés dans le corps depuis 2006 contre 9 % pour la génération 1975-1990). L’ouverture sociale est particulièrement marquée dans les magistrats issus du deuxième concours, d’autant que ce concours permet à des fonctionnaires de catégorie B d’évoluer.
Pour l’origine géographique, Paris et l’ouest de l’Île-de-France restent fortement surrepresentés et la France méridionale sous-représentée. Autre élément notable, l’endogamie : sur cent magistrats en couple, 21 % sont avec un autre magistrat (un taux qui monte à 30 % pour les hommes magistrats).
Siège ou parquet ?
37 % des magistrat·es ont occupé des fonctions au siège et au parquet (17 % uniquement au parquet et 45 % uniquement au siège). Le parquet apparaît comme une fonction bien plus souvent choisie par les hommes que par les femmes. Selon l’étude, les magistrats ayant fait le choix de la spécialisation parquet valorisent des éléments particuliers liés notamment à la fonction de maintien de l’ordre social, au travail d’enquête et à une préoccupation répressive, ce « qui les rapproche des métiers d’ordre sans pour autant s’y identifier ». Le parquet est un travail collectif : 68 % des parquetiers estiment travailler de manière collégiale, quand la moitié des juges des enfants et des juges placés pensent le contraire.
Deux tiers des magistrats affirment travailler en partie chez eux. Des chiffres élevés montrant un rapport particulier au travail. Par ailleurs, 40 % des magistrats disent travailler en soirée plusieurs fois par semaine et 80 % affirment travailler au moins une fois par mois le week-end (13 % tous les week-ends). Ce sont les juges d’instruction et les juges des enfants qui travaillent le plus en soirée.
Un corps féminisé, mais où les femmes ont de moins bonnes carrières
Quelque 66 % des magistrats sont des femmes et elles sont majoritaires dans presque toutes les tranches d’âge : seuls les plus de 65 ans sont majoritairement des hommes. Mais cette féminisation masque de profondes inégalités : les hommes deviennent chefs de juridiction plus jeunes et bien plus fréquemment. Après 40 ans, les hommes sont deux fois plus souvent chefs de cour que les femmes. Après dix-sept années dans le corps, 42 % des hommes âgés de 56 à 60 ans et seulement 29 % des femmes ont accédé au grade hors hiérarchie.
Pour comprendre ces inégalités, les chercheurs ont étudié les déroulés de carrière. Les personnes entrées par le concours externe occupent plus facilement des hauts postes que celles issues des concours internes. Le passage par la Chancellerie accroît fortement l’accès à la hors-hiérarchie, tout comme un détachement : « pour réussir dans la magistrature, il faut en sortir, au moins provisoirement ». Par ailleurs, une forte mobilité fonctionnelle est corrélée négativement à l’accès aux positions les plus prestigieuses : pour accéder à la hors-hiérarchie, mieux vaut se spécialiser.
Au contraire, la mobilité géographique accroît significativement la chance d’accéder aux hautes fonctions. Les magistrats bougent beaucoup : en moyenne, cinq années de carrière s’accompagnent d’un poste supplémentaire. Pour les chercheurs, la « mobilité est une propriété centrale de l’identité magistrate ». Le passage par de multiples fonctions est souvent valorisé dans les discours. Parce que la mobilité permet de rompre avec les routines. Et parce que la propriété principale du droit que portent la plupart des magistrats c’« est de s’adapter de manière omnibus à toutes les situations, d’être un langage à visée universaliste et de régulation globale de l’ensemble de la société ». D’où une « vision très favorable et optimiste de cette polyvalence ». La mobilité est à ce point ancrée qu’elle est défendue par ceux-là même qui semblent en souffrir le plus, en l’occurrence, les chefs de cour, le turn-over désorganisant les juridictions.
La mobilité géographique est au cœur des stratégies d’ascension, avec pour moment central les « transparences » et les « vœux utiles ». Pour monter, il faut bouger, ce qui est parfois difficilement compatible avec la vie familiale (14 % des magistrats se déclarent « célibataires géographiques »). Et ce sont surtout les femmes qui renoncent à cette mobilité géographique. Les femmes ont parcouru en médiane 788 kilomètres depuis leur entrée en fonction, contre 1 060 kilomètres pour les hommes. Les choses sont néanmoins différentes quand les deux conjoints sont magistrats et peuvent mener de concert des stratégies professionnelles parallèles.
par Jean-Marc Pastorle 29 novembre 2019
CE 22 nov. 2019, req. n° 422655
Un baigneur pratiquant le surf sur le rivage de la commune de Saint-Leu (La Réunion) a été victime d’une attaque de requin qui a conduit à l’amputation de sa main droite et de sa jambe droite. Il a recherché la responsabilité de l’État aux fins de réparation des préjudices résultant de cet accident, en soutenant que le préfet aurait dû exercer son pouvoir de substitution en raison de l’insuffisance des avertissements de danger. Le tribunal administratif de La Réunion puis la cour administrative d’appel de Bordeaux ont rejeté sa...
Dans le cadre d’un marché de services réguliers de transports publics non urbains de personnes, le département de l’Isère avait retenu trois critères de jugement des offres. La notation de l’un des deux sous-critères de la valeur technique dépendait exclusivement du niveau de qualité du service que le candidat s’estimait en mesure de garantir et ne résultait que de l’indication par le candidat lui-même d’une note dite « note qualité » qu’il devait s’attribuer à l’aide d’un outil de simulation.
La cour administrative d’appel de Lyon, saisie dans le cadre d’un recours en annulation du contrat, avait validé le choix d’une telle...
En admettant la conformité à la Constitution des examens radiologiques osseux pour la détermination de l’âge des jeunes étrangers, le Conseil constitutionnel avait déçu nombre de défenseurs des droits de mineurs non accompagnés (Cons. const., 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, AJDA 2019. 662 ; ibid. 1448 , note T. Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, et les obs. , note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix ; RDSS 2019. 453, note A.-B. Caire ; Constitutions 2019. 152, Décision ). Il avait cependant précisé que de tels examens ne pouvaient pas constituer « l’unique fondement dans la détermination de l’âge de la personne ». Et qu’il appartient « à l’autorité judiciaire d’apprécier la minorité ou la majorité de celle-ci en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis. »
Par deux arrêts du 21 novembre, la Cour de cassation donne leur plein effet à ces réserves, sans d’ailleurs se référer explicitement à la décision n° 2018-768 QPC. Elle était saisie, d’abord, d’un pourvoi du département du Cantal contre un arrêt de la cour d’appel de Riom ayant déclaré mineur M. X. et l’ayant placé auprès de l’aide sociale à l’enfance (n° 19-17.726). Le département invoquait divers éléments, dont un examen osseux,...
À l’Assemblée nationale, depuis la rentrée, les députés grondent. Le contrôle trop strict des « cavaliers législatifs » les empêche de débattre d’amendements importants. Un cavalier législatif est un amendement sans lien avec le projet ou de la proposition de loi initialement déposé. Il ne suffit pas qu’un amendement ait un rapport avec le titre ou le thème de la loi : il faut qu’il ait un lien, direct ou indirect, avec un article du texte initial.
Les récentes réformes du règlement du Sénat et de l’Assemblée nationale (v. Dalloz actualité, 9 juill. 2019, art. P. Januel) ont consacré un filtrage des amendements cavaliers, exercé par la présidence de l’assemblée et des commissions.
Progressivement, les députés s’aperçoivent des impacts de la réforme qu’ils ont adoptée. En commission des lois, deux cents amendements au projet de loi « Engagement et proximité » ont été refusés : cela a fortement déplu aux députés, comme la noté le blog des Cuisines de l’Assemblée. Des députés, de la majorité comme de l’opposition, ont regretté des décisions qu’ils avaient parfois du mal à comprendre. La présidente de la commission des Lois, Yaël Braun Pivet, a rappelé que ce filtrage n’était pas nouveau et touchait aussi le gouvernement. Ainsi, dans la loi Justice, des amendements du gouvernement sur l’usage des armes des militaires ou l’orientation des mineurs non accompagnés avaient été déclarés irrecevables.
Ce contrôle est aussi une réponse à l’augmentation de la durée des débats. Avec la fin du cumul des mandats et la multiplication des groupes parlementaires (passé de quatre à huit en dix ans), le nombre d’amendements explose et les débats s’éternisent. Amender permet aux parlementaires de trouver un sens à leur mandat. Ce filtrage n’allait pas de soi. « Ce n’est pas dans notre culture de limiter la discussion », souffle un haut fonctionnaire parlementaire. De fait, un député de l’opposition regrette qu’« on se prive de débats parfois importants ou de la possibilité d’introduire un article consensuel. D’autant que nous n’avons pas la main sur l’ordre du jour comme l’a le gouvernement ».
Un administrateur du Sénat indique aussi les difficultés posées par la jurisprudence constitutionnelle : « En reprenant les décisions du Conseil constitutionnel, il nous est difficile de comprendre pourquoi certains amendements sont censurés, et d’autres non. D’autant que le Conseil est peu loquace dans ses décisions de censure. »
Alors que la jurisprudence sur l’article 40 (un amendement ne peut créer de dépenses) est bien établie, celle sur les cavaliers doit encore se construire. Chaque président de commission est alors en première ligne pour prendre les décisions et les assumer auprès de ses collègues. Les députés regrettent déjà le contrôle plus souple fait par le collège du Sénat. Ainsi, dans la loi modernisant le code électoral, les députés n’ont pas pu discuter des règles d’incompatibilités des commissaires de police alors que les sénateurs avaient traité celles des préfets.
Comme le Conseil a progressivement resserré l’étau
La notion de cavalier est apparue dans la jurisprudence constitutionnelle en 1985 (85-191 DC et 85-199 DC). La montée en charge a été progressive. Dans les années 2000, le Conseil constitutionnel censure en moyenne cinq cavaliers par an. En 2008, lors de la réforme constitutionnelle, les parlementaires ont inscrit à l’article 45 C que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». L’idée était alors d’assouplir la jurisprudence constitutionnelle, que les députés trouvaient trop stricte, en permettant le dépôt d’amendement ayant un lien « même indirect » avec le texte. Mais, loin d’avoir limité la jurisprudence du conseil, le Parlement l’a alors consacré.
Un tournant est pris à l’été 2015. 17 des 308 articles de la loi Macron (2015-715 DC) et 26 des 39 articles de la loi adaptant la procédure pénale au droit de l’Union européenne (2015-719 DC) sont censurés. À l’époque, ce sont les sénateurs qui demandent au Conseil constitutionnel de contrôler plus strictement les cavaliers. Une préoccupation qui rejoint celle du président du conseil, Jean-Louis Debré, qui dénonce des lois trop bavardes. 20 des 169 articles de la loi Sapin 2 (2016-741 DC) et 36 des 224 articles de la loi Égalité et Citoyenneté (2016-745 DC) sont ensuite censurés.
À la suite de ces décisions très sèches, le Parlement a tenté de contrôler les cavaliers plus en amont. Mais, en mai 2019, alors que les députés et les sénateurs avaient filtré un nombre important d’amendements, 22 des 221 articles de la loi PACTE ont encore été censurés par le conseil (2019-781 DC). Ils venaient à part équivalente des deux chambres.
Le préfet de police a refusé d’accorder à la société SMPA Transmar le concours de la force publique pour exécuter un jugement ordonnant l’expulsion des occupants d’un local commercial lui appartenant. Le tribunal administratif de Paris a, par un premier jugement, condamné l’État à indemniser le préjudice d’indisponibilité de la société jusqu’à la date du 31 décembre 2010. Le local étant toujours indisponible après cette date, la société obtint, par un nouveau jugement, que la...
Le texte vise à prévenir les dommages que les affluences record sur certains sites touristiques, comme l’Île de Porquerolles, le Mont Saint-Michel ou encore la dune du Pilat, peuvent avoir sur l’environnement.
À l’origine, la proposition prévoyait d’élargir à la protection...
Pour l’instruction d’une déclaration préalable de travaux déposée par M. A. en vue de la réfection de son hangar, le maire de l’Île-d’Yeu lui a demandé la communication de pièces complémentaires. Le pétitionnaire les a transmises. Si le maire s’est opposé à la déclaration préalable, il est apparu que l’administration ne s’est pas fondée sur les pièces complémentaires demandées. Dans le cas, précise le Conseil d’État, « où le pétitionnaire, en réponse à la demande de pièces complémentaires, a fourni une pièce qui a été indûment demandée car ne figurant pas sur la liste limitative des pièces prévue par les dispositions des articles R. 431-36 et R. 431-16 du code de l’urbanisme […], cette irrégularité n’est pas, par elle-même, de nature à entraîner l’illégalité de la décision de l’autorité administrative refusant de faire droit à la demande d’autorisation ».
Toutefois, l’autorisation d’urbanisme « n’ayant d’autre objet que d’autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire et l’autorité administrative n’ayant, par suite, pas à vérifier l’exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance de son projet à moins qu’elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande […], l’administration ne peut légalement refuser l’autorisation demandée en se fondant sur la consistance du projet au vu d’une pièce ne relevant pas de cette liste limitative ».
Relayant les difficultés des magistrats à l’égard d‘un contentieux procéduralement complexe, le syndicat réclame de la stabilité. D’abord dans les réformes. « Il importe au premier chef d’endiguer la frénésie législative et réglementaire », précise-t-il, tout en déplorant que le gouvernement n’accorde qu’un crédit assez faible aux avis que rend le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel. Stabilité juridictionnelle ensuite. Le SJA veut que...
Événement, ce jeudi 21 novembre à la 10e chambre correctionnelle de Paris : le prévenu est CRS. Il s‘agit de Tayeb C…, 44 ans, râblé fonctionnaire bien mis à l’accent toulousain, la tête basse sur sa chaise, qui a jeté un pavé lors de la manifestation du premier mai. Il défend son geste (« à l’instant T, le geste qu’il fallait faire »), qui lui vaut de comparaître pour violences volontaires, sans ITT, car le pavé n’a atteint personne, de fait le banc des parties civiles est vide.
Les jets de pavés n’ont pas tous la même portée : tout est fonction de qui le lance, comment il le lance, dans quel contexte. C’est le contexte qui occupe les débats. « C’était des scènes de guérilla, l’ambiance était extrêmement tendue, les manifestants étaient très agressifs », commence Tayeb C… à la barre. Il relate : ce 1er mai, il aurait dû être en repos, mais sa mission a été prolongée pour renforcer les dispositifs de maintien de l’ordre du défilé de la fête du Travail. Le président : « Comment avez-vous vécu ce prolongement de mission ? » « On l’a mal vécu, mais on ne peut pas se permettre de ne pas faire nos missions, on a signé pour être CRS », dit Tayeb, qui, après dix ans en commissariat, a intégré les CRS en 2014 pour « l’esprit de cohésion » qui y règne.
La cohésion des hommes de la CRS n° 27, compagnie à laquelle appartient Tayeb C…, a été mise à l’épreuve des assauts des black blocks. Que font-ils ? Le président voudrait avoir la vision du policier : « ils agissent en groupe pour s’en prendre aux forces de l’ordre et dégrader le mobilier urbain ». Malins et organisés, les casseurs savent décamper au bon moment, se fondre dans la masse, changer de tenue pour se camoufler, et ainsi échapper à l’interpellation.
Mais il n’y a pas qu’eux. Des manifestants non vêtus des oripeaux de la révolution, en « civil », canardent les CRS et sèment la pagaille sur leur passage. La compagnie compte plusieurs blessés dans ses rangs. Les pavés volent, boulevard de l’Hôpital, en face de la Pitié-Salpêtrière, ce 1er mai 2019 : une giboulée de pavés lancés par des manifestants, qui s‘écrasent au hasard sur la chaussée, dans les nuages de fumigènes, alors que, tout autour, les bruits d’explosions retentissent, le mobilier urbain est saccagé, les barricades flambent ; les forces de l’ordre chargent, les casseurs détalent, et vice versa. C’est le grand chambardement du 1er mai, dont le traditionnel cortège, cette année, s’était aussi paré de jaune. Les tensions hebdomadaires entre « gilets jaunes » et forces de l’ordre ont scellé la discorde entre manifestants et CRS.
Il fait 30 degrés, l’équipement de protection est une étuve, l’épuisement et la nervosité accablent les forces du maintien de l’ordre. « On est arrivés dans un esprit républicain et pas revanchard, et tout de suite, on a été attaqués. C’était un mélange des personnes qui vous insultent et crachent leur haine de l’État, et les blacks blocs qui nous attaquent », résume le capitaine de la CRS n° 27, qui commandait trois compagnies ce jour-là. L’homme narre avec gravité les événements de ce jour : « Après six heures trente de combat, car c’était un combat, Monsieur le Président, je me suis effondré [aux côtés de Tayeb C…] » Il est 16h47, une grosse pierre – les vidéos sont visionnées à l’audience – frappe le capitaine à la tête – casquée. Il tombe, inconscient. Tayeb C… est déstabilisé. Il tente d’interpeller celui qui a jeté le pavé mais, lesté de sa carapace, il est repoussé par l’homme. Les images montrent ensuite l’évacuation du capitaine sur une civière, qui aurait soufflé à ses hommes de se désengager, car ils n’étaient plus en mesure, selon lui, de faire face aux violences.
Cela tourneboule Tayeb C… « Notre capitaine était sérieusement blessé, c’est notre officier, c’est le boss, on est en tension parce que ça bouge de partout. » Cinquante minutes plus tard, Tayeb C… se tient aux côtés d’un collègue qui reçoit un projectile dans l’omoplate. Il n’est pas vraiment blessé, mais Tayeb C… veut le mettre à l’abri. La vidéo montre les trottoirs et la contre-allée du boulevard de l’Hôpital, la caméra est sur le même trottoir. Et, à 17h39, Tayeb C… ramasse un pavé et le lance derrière des buissons, vers la chaussée. « Je me saisis d’un pavé, je le renvoie vers une zone neutre.
— C’est quoi, pour vous, une zone neutre ?
— Un endroit où il n’y a personne.
— On a l’impression que c’est contradictoire avec la présence d’une foule.
— J’ai fait ce geste pour me donner le temps de reprendre le collègue en main et partir avec lui, aller nous réfugier dans une armoire électrique. C’est un geste stratégique.
— Qu’est-ce que vous espériez avec ce geste ?
— Mettre une distance de sécurité entre moi et les individus.
— À quelle distance sont-ils ?
— Environ 8 mètres. »
Le président fait remarquer que des collègues en avant assuraient une ligne de protection, mais il y a « la théorie et la pratique », disent les policiers, sous-entendant que, dans les faits, ils ne protégeaient pas grand-chose. Le président demande si le jet de pavé ou de tout autre objet non réglementaire (car le pavé n’est pas en dotation chez les CRS) est prévu par la doctrine du maintien de l’ordre, le prévenu répond qu’il y a la théorie et la pratique. En somme, acculé, le policier a usé des moyens du bord pour se tirer d’un mauvais pas. C’est un « réflexe de défense ».
Le président dit : « on sait qu’on a le temps qu’il faut, dans cette salle d’audience, nous avons de la lumière et de l’air à respirer, de la sérénité pour juger des faits pour lesquels vous n’avez eu qu’une fraction de seconde de réflexion ». Il ajoute : « On comprend mal la compatibilité entre un tir réflexe et le fait de viser une zone vide ». Ce qu’il faut retenir de la défense de Tayeb C…, c’est qu’il n’a visé personne.
Ce qu’il faut retenir du réquisitoire de la procureure, c’est « qu’il suffit d’adopter un geste ou un comportement qui peut occasionner des blessures graves ». Or « le jet de pavé pouvait en toute logique retomber sur l’un des membres du cortège » et la procureure estime que cette violence n’était pas légitime. Elle demande trois mois de prison avec sursis (« une réponse équilibrée »). En défense de Tayeb C…, maître Laurent Boguet se moque du « jet de pavé minable » et explique que « l’élément intentionnel ne peut pas être déduit du fait qu’on se saisisse d’un pavé, mais de ce qu’on en fait », un jet minable qui s’achève derrière un buisson. Il demande la relaxe et, à défaut, la non-inscription de la condamnation au Bulletin n° 2.
Décision le 19 décembre, annonce le président, après avoir rappelé que la tâche du tribunal sera rude. La salle se vide, un brouhaha émane du fond, une jeune fille s’énerve contre une policière qui lui demandait un peu rudement de quitter la salle : « Elle va faire quoi, elle va me jeter un pavé ? », puis elle claque des talons.
Si le contribuable conteste qu’une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l’administration fiscale d’établir qu’une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de...
Le contrôle de validité exigé du comptable public avant paiement n’est pas un contrôle de légalité mais un contrôle des pièces justificatives. La différence entre les deux peut être subtile, comme le montre une nouvelle fois le Conseil d’État dans un arrêt du 13 novembre.
La haute juridiction était saisie par deux comptables successifs de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour des comptes qui les avait constitués débiteurs de l’établissement public du fait de versements indus de primes à certains de ses agents (Cour des comptes, 10 avr. 2018, n° S2018-0986, Office national de l’eau et des milieux...
Même si le plan « Ma santé 2022 », concrétisé par la loi de transformation du système de santé, fixe la ligne d’une nouvelle organisation de soins (Dalloz actualité, 20 sept. 2018, obs. M.-C. de Montecler), « l’hôpital décroche et l’horizon 2022 ne peut pas être la seule réponse », a reconnu le premier ministre. Le plan d’urgence, en trois axes, apporte des mesures supplémentaires.
En premier lieu, pour restaurer l’attractivité de l’hôpital public, plusieurs mesures sont mises en place pour le personnel médical : augmentation de la prime d’engagement de carrière hospitalière et de la prime d’exercice territorial, fusion des quatre premiers échelons du statut de praticien hospitalier et accès plus rapide au bénéfice de l’indemnité de service public exclusif. Une prime annuelle nette de 800 € sera allouée aux 40 000 personnels hospitaliers travaillant dans les territoires en tension (Paris et petite couronne) et gagnant moins que le salaire médian, d’environ 1 950 € par mois. La ministre de la santé a annoncé la mise en place d’un grade de débouché en catégorie B pour revaloriser le métier d’aide-soignant et une réforme du statut de praticien hospitalier dans les six prochains mois, dans le cadre des ordonnances d’application de la loi de transformation du système de santé.
Encadrer l’intérim médical
Lever les blocages à l’hôpital public constitue le deuxième axe du plan. Pour cela, Agnès Buzyn a annoncé que le personnel soignant sera mieux intégré à la gouvernance des hôpitaux et que le management de proximité sera renforcé. Le gouvernement prévoit de prendre des mesures immédiates pour renforcer la place des médecins dans la prise de décision et une mission sur ce sujet va être confiée au professeur Olivier Claris, chef de service aux Hospices civils de Lyon. Enfin, la ministre entend lutter contre les dérives de l’intérim médical en lançant des campagnes de contrôle individuel (niveau des rémunérations perçues, respect des repos de sécurité, règles de cumul d’emplois publics).
Le troisième axe porte sur l’investissement dans l’hôpital. L’objectif national de dépenses d’assurance-maladie pour 2020 va bénéficier de 300 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport au projet de loi de financement de la sécurité sociale initiale. Ce montant sera porté à 500 millions d’euros en 2021 et 700 millions d’euros en 2022. Les tarifs hospitaliers ne baisseront pas ou seront en hausse jusqu’à la fin du quinquennat, a annoncé Édouard Philippe. Pour relancer l’investissement courant, 150 millions d’euros seront fléchés sur les trois prochaines années, pour permettre aux hôpitaux d’acheter le matériel indispensable pour le travail des soignants au quotidien. Édouard Philippe a également annoncé, à partir de 2020, une reprise de dettes des hôpitaux, de 10 milliards d’euros en trois ans, afin d’alléger les charges des établissements.
Une loi sera présentée au premier semestre 2020 en même temps que la loi de programmation des finances publiques.
Dans la première affaire (requête n° 422938), M. B… avait obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un litige portant sur l’échange de son permis de conduire. Le tribunal administratif avait adressé à l’avocat, sur le fondement de l’article R. 612-5-1, une invitation à confirmer le maintien de ses conclusions. L’absence de réponse a conduit le juge à prononcer le désistement.
Dans la seconde espèce (requête n° 417855), la requérante avait, en cours de procédure, changé d’avocat. Le nouvel avocat n’ayant pas donné suite à l’invitation, le tribunal a donné acte du désistement d’office.
Dans les deux...
Le développement des technologies de reconnaissance d’image et d’utilisation de la biométrie appelle à un débat national sur la question de la reconnaissance faciale. En effet, l’usage de cette technologie nécessite une vigilance particulière. La reconnaissance faciale est une technique de traitement de données biométriques, autrement dit « relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique, qui permettent ou confirment son identification unique » (régl. [UR] 2016/679, 27 avr. 2016, dit « RGPD », art. 4, § 14). Ces caractéristiques physiques sont inhérentes à la personne humaine et, à l’inverse d’un identifiant ou d’un mot de passe, elles sont impossibles à modifier (CNIL, communication relative à la mise en œuvre de dispositifs de reconnaissance par empreinte digitale avec stockage dans une base de données). Pour ces raisons, ces données sont considérées comme des données sensibles soumises à une interdiction de traitement, sauf exceptions strictement encadrées (RGPD, art. 9 ; L. n° 78-17, 6 janv. 1978, art. 6). À titre d’illustration, le traitement de données biométriques doit au préalable faire l’objet d’une analyse d’impact relative à la protection des données (CNIL, délib. n° 2018-326, 11 oct. 2018, JO 6 nov.).
L’accroissement des dispositifs facilitant la reconnaissance faciale ainsi que le caractère particulièrement sensible des données personnelles utilisées à l’occasion de ce traitement ont conduit la CNIL à s’emparer de ces questions. Récemment, elle a considéré qu’un dispositif de reconnaissance faciale de lycéens mis en place à l’entrée d’établissements scolaires dans un objectif de sécurisation et de fluidification des entrées apparaissait disproportionné eu égard aux principes de proportionnalité et de minimisation des données à caractère personnel (CNIL, communiqué du 29 oct. 2019, Expérimentation de la reconnaissance faciale dans deux lycées : la CNIL précise sa position). À l’occasion de cette décision, la CNIL a précisé que les différents cas d’usage relatifs à la reconnaissance faciale sont à l’étude. Elle a ainsi présenté le 15 novembre dernier les éléments techniques, juridiques et éthiques à prendre en compte en la matière.
Concrètement, expose la CNIL, les techniques de reconnaissance faciale se divisent en deux phases : « la collecte du visage et sa transformation en un gabarit, puis la reconnaissance de ce visage par comparaison du gabarit correspondant avec un ou plusieurs autres gabarits ». Cette même technique peut remplir deux fonctions : l’authentification, afin de vérifier que la personne est bien la bonne (par ex. : déverrouillage d’un appareil ou accès à des services), ou l’identification, afin de reconnaître une personne dans une situation donnée (par ex. : identification sur la voie publique de personnes recherchées). Ces techniques ne sont cependant pas sans risque, la CNIL en ayant décelé quatre principaux.
• Caractère sensible des données (II-1). La donnée biométrique reste la donnée intime par excellence, puisqu’elle a trait un élément unique du corps humain et ne peut donc être révoquée. De la sorte naît un risque évident de sécurité. La CNIL recommande à ce titre de limiter la reconnaissance faciale à certains cas particuliers et, le cas échéant, de faire de la sécurisation de ces données une priorité.
• Disponibilité et accessibilité des données (II-2). Dans un contexte où la photographie et la vidéo sont devenues communes et où les personnes s’exposent de plus en plus sur les réseaux sociaux, il est aisé de collecter plusieurs images représentant le visage d’une personne. La CNIL ajoute que « la reconnaissance faciale peut constituer une réelle technologie “sans contact” » puisqu’il est possible de reconnaître une personne à partir de dispositifs qu’elle ne peut détecter, sans aucune interaction (par ex. : reconnaissance faciale pour un contenu publié sur le réseau Facebook).
• Généralisation des techniques de surveillance (II-3). Selon la CNIL, les dispositifs de captation d’images ou de vidéo peuvent, en raison de leur accroissement, « devenir des supports d’une surveillance, au sens générique du terme (régalienne ou privée), sans précédent ». En effet, ajoute la CNIL, se constate un changement de paradigme : « le passage d’une surveillance ciblée de certains individus à la possibilité d’une surveillance de tous aux fins d’en identifier certains », ce qui génère « un risque évident d’atteinte à l’anonymat dans l’espace public […] physique ou numérique ». La CNIL estime que ce risque doit être pris au sérieux car il est susceptible « de remettre en cause certains de nos principes fondamentaux ».
• Pertinence du traitement (II-4). La reconnaissance faciale fonctionne selon une méthode comparative, qui implique que la correspondance entre le gabarit à comparer et le ou les gabarits de référence n’est pas certaine et résulte d’un calcul probabiliste. Ainsi, la CNIL explique que, « si cette probabilité dépasse un seuil déterminé dans le système, celui-ci va considérer qu’il y a correspondance ». En fonction des réglages du dispositif, des risques de biais peuvent donc survenir (v. not., S. Prévost et P. Sirinelli, Méconnaissance faciale, Dalloz IP/IT 2019. 1). À titre d’illustration, la CNIL explique que, « si l’on privilégie, par exemple dans une finalité sécuritaire forte (lutte contre le terrorisme), la réduction des “faux négatifs”, le nombre de “faux positifs”, c’est-à-dire de personnes susceptibles d’être identifiées comme suspectes à tort (avec les inconvénients que cela génère), peut s’accroître ». Eu égard à ce caractère faillible, ajouté au coût économique d’un dispositif de reconnaissance faciale, la CNIL conclut que sa mise en place peut ne pas être pertinente.
La CNIL a déduit de ces risques trois exigences fondamentales :
1. « Tracer des lignes rouges, avant même tout usage expérimental. ». Les principes de légitimité des objectifs poursuivis, de stricte nécessité du traitement de données biométriques et de proportionnalité du traitement au regard de la finalité, constituent effectivement la ligne à ne pas dépasser. Les analyses de la CNIL en fonction du contexte permettront de dresser progressivement ces lignes selon les situations particulières.
2. « Placer le respect des personnes au cœur de la démarche. » Compte tenu du caractère particulièrement sensible des données objet de la reconnaissance faciale, les dispositifs expérimentaux ne devront en aucun cas avoir pour objectif d’accoutumer les personnes à ces techniques. Le droit des personnes devra occuper une place centrale dans la mise en place d’un système de reconnaissance faciale.
3. « Adopter une démarche sincèrement expérimentale. » La CNIL privilégie l’expérimentation à la mise en place en amont d’un régime, qui lui permettra d’adapter et de parfaire le cadre juridique en accord avec l’évolution de la technique.
Face à ces exigences, la CNIL rappelle enfin sa ligne de conduite globale. Elle indique ne pas vouloir « opposer de manière stérile la protection des données, d’une part, et les objectifs, légitimes, poursuivis par certains projets de reconnaissance faciale, d’autre part », mais bien « inviter à rechercher une voie permettant de concilier ces deux séries d’exigences, dans une optique de long terme et en s’attachant aux enjeux éthiques de toute transformation numérique ». La CNIL rappelle également qu’elle reste une autorité de régulation. De la sorte, elle insiste sur le fait qu’elle « jouera son rôle de garante indépendante de ces grands principes, dans sa double mission de conseil aux pouvoirs publics et, autant que nécessaire, de contrôle du respect de la loi », excluant tout « choix politique » et préservant par là même « sa totale indépendance » en refusant d’être « partie prenante de l’organisation effective des expérimentations en matière de reconnaissance ou de leur pilotage » (v. déjà CNIL, communiqué du 19 sept. 2018, La CNIL appelle à la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo, par lequel elle demandait au législateur de se saisir de ces questions).
C’est donc en tant que régulateur que la CNIL avertit des risques soulevés par la mise en place de dispositifs de reconnaissance faciale, tout en affirmant sa volonté d’adopter une démarche expérimentale afin de ne pas freiner l’innovation. La pertinence de l’adoption d’un tel système doit être savamment pesée, en l’attente d’une ligne politique claire dressée par le législateur. L’analyse d’impact relative à la protection des données est en cela un préalable indispensable puisqu’elle permet de mesurer justement la proportionnalité entre les objectifs poursuivis et le respect du droit des personnes.
Incontestablement le ton a changé dans les relations entre l’État et les communes. Même le premier vice-président de l’Association des maires France (AMF), André Laignel, habituellement impitoyable critique des autorités de l’État, s’en est réjoui dans son discours d’accueil du président de la République, le 19 novembre, au 102e congrès des maires. Quant au président de l’AMF, François Baroin, malgré quelques piques, il a proclamé l’attachement des maires au président de la République, dont ils sont, a-t-il dit, « la garde nationale rapprochée ». Un chef de l’État dont le maire de Troyes a même déclaré souhaiter « la réussite du mandat ». Quant à Emmanuel Macron, il n’a eu de cesse de câliner les maires dont il a « tant appris », se sentant à leur contact, a-t-il affirmé, « chaque jour un peu plus maire de la commune France ».
Mais sur le fond ? L’intervention d’Emmanuel Macron était « un discours pour rien », a réagi très vite André Laignel (www.lepoint.fr). Pour le numéro 2 de l’AMF, « le discours a été long mais le contenu faible ». Pendant une heure et demie, le chef de l’État a brossé devant les maires, un portrait flatteur de l’action de son gouvernement en matière de déconcentration, de santé, d’éducation, de couverture numérique du territoire, d’éducation, de sécurité, de laïcité…. Il les a appelés à prendre leur part dans ces différents chantiers. Mais il n’a guère répondu à leurs demandes précises, renvoyant à l’intervention du Premier ministre (prévue après le bouclage de ce numéro). Sur tous les dossiers qui opposent les maires à l’État, il est resté vague ou ironique. Pas de réponse non plus sur la demande de l’AMF de maintien des modifications du Sénat au projet de loi Engagement et proximité (AJDA 2019. 2084), sinon un flou « vous souhaitez aller plus loin encore dans la souplesse d’organisation. J’y suis prêt ».
L’autonomie fiscale, un « fétichisme français »
Le chef de l’État n’a guère été plus clair sur la nouvelle étape de la décentralisation annoncée pour l’année 2020. Plus pondéré qu’André Laignel, Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, qui intervenait au congrès le lendemain, s’est déclaré « extrêmement interrogatif ». Il n’a « pas ressenti une vraie volonté décentralisatrice chez le chef de l’État ».
Il est vrai qu’Emmanuel Macron a consacré davantage de temps à critiquer les étapes de la décentralisation de ces dernières années qu’à présenter son projet. Il a seulement affirmé que la bonne méthode est pour lui que les transferts de compétences soient accompagnés du transfert de la responsabilité et de moyens dynamiques. Mais il s’en est pris aussi au « fétichisme français » de l’autonomie fiscale, estimant, au regard de l’exemple allemand, que celle-ci n’était pas nécessaire à la décentralisation. Sa proclamation selon laquelle seules les communes « qui ont une clause de compétence générale » peuvent avoir une fiscalité propre n’a sans doute guère été appréciée par Dominique Bussereau et son homologue de Régions de France, Renaud Muselier.
Les trois grandes associations d’élus réunies au sein de Territoires unis et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont annoncé, au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron leur intention de travailler ensemble à des propositions pour la nouvelle étape de la décentralisation.
Dans un arrêt de grande chambre, la Cour de justice de l’Union s’est prononcée pour la première fois sur la portée du droit conféré aux États membres par l’article 20, § 4, de la directive 2013/33, dite Directive « accueil », de déterminer les sanctions applicables lorsqu’un demandeur de protection internationale se rend coupable d’un manquement grave au règlement du centre d’hébergement dans lequel il est accueilli ou d’un comportement particulièrement violent. Le juge de Luxembourg a ce faisant fortement encadré la marge d’appréciation des États membres en jugeant que cette disposition ne leur permet pas d’infliger une sanction consistant à retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil du demandeur ayant trait au logement, à la nourriture ou à l’habillement.
En l’espèce, un ressortissant afghan arrivé en Belgique en tant que mineur non accompagné avait été accueilli dans un centre d’accueil, après avoir introduit une demande de protection internationale. Après avoir participé à une bagarre, il s’est fait exclure par le directeur du centre pour une durée de quinze jours puis a contesté la décision d’exclusion devant les juridictions belges. Saisie d’un appel, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne au moyen d’une question préjudicielle sur la possibilité pour les autorités belges de retirer ou de limiter le bénéfice des conditions matérielles d’accueil d’un demandeur de protection internationale en général, et d’un mineur non accompagné en particulier. La question qui était ici posée à la Cour consistait donc à déterminer les modalités d’articulation entre la faculté de restreindre le bénéfice des conditions d’accueil et la situation de vulnérabilité accrue d’un mineur non accompagné.
Après avoir rappelé que la directive ne donne pas de définition de la notion de « sanction », visée à l’article 20 § 4, et que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans la détermination de ces sanctions (§ 41), la Cour a relevé que le libellé de la directive ne peut en lui-même pas permettre de répondre à la question posée par la juridiction, et qu’il convient de prendre en compte aux fins de l’interprétation la finalité de la directive et son économie générale (§ 42). En suivant cette ligne d’interprétation, le juge de Luxembourg estime que de telles sanctions peuvent, en principe, porter sur les conditions matérielles d’accueil et que les États membres peuvent, par exemple, en limiter ou retirer le bénéfice lorsqu’un demandeur a dissimulé ses ressources financières (§ 40). Par ailleurs, « eu égard à sa finalité et à ses conséquences défavorables pour ce demandeur », le retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil constitue bien une « sanction » au sens commun du terme (§ 43).
Cependant, la Cour ne se contente pas de rappeler la nature des mesures de sanction, elle en profite ici également pour en encadrer les conditions de prononcé. De telles sanctions doivent en effet selon la Cour et conformément à l’article 20, § 5, de la directive, être objectives, impartiales, motivées et proportionnées à la situation particulière du demandeur. Elles doivent par ailleurs, et en toutes circonstances, préserver un niveau de vie digne (§§ 45, 46 et 48). En particulier, l’exigence relative à la préservation de la dignité du niveau de vie commande, selon la Cour, que « la personne concernée ne se trouve pas dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que ceux de se loger, de se nourrir, de se vêtir et de se laver ». De plus, le juge européen prend soin de rappeler l’exigence de proportionnalité dans le prononcé des sanctions, inscrite à l’article 20, § 5, de la directive.
Enfin, la Cour prend soin de consacrer quelques paragraphes à la prise en compte particulière de la situation d’un mineur non accompagné. Elle précise que celui-ci est une personne vulnérable, état qu’il faut prendre en compte « de manière accrue » lors du prononcé de sanctions, tout autant que « la considération primordiale » qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux (§§ 54 à 55).
En somme, un retrait, même temporaire, du bénéfice de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil ou des conditions matérielles d’accueil relatives au logement, à la nourriture ou à l’habillement est inconciliable avec l’obligation qui pèse sur les États membres de garantir au demandeur un niveau de vie digne. En effet, une telle sanction priverait celui-ci de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires. En outre, elle méconnaîtrait l’exigence de proportionnalité. Les États membres en général, et les autorités en charge de l’accueil des demandeurs de protection internationale en particulier, ont par conséquent l’obligation d’assurer en permanence et sans interruption un niveau de vie digne et un accès aux conditions d’accueil propre à garantir ce niveau de vie. Ils ne sauraient dès lors se contenter de remettre au demandeur une liste de centres privés pour sans-abris susceptibles de l’accueillir. Par ailleurs, s’agissant d’une sanction consistant à limiter le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, telle qu’un retrait ou une limitation de l’allocation journalière, la Cour a précisé qu’il appartient aux autorités compétentes d’assurer en toutes circonstances qu’une telle sanction est, eu égard à la situation particulière du demandeur ainsi qu’à l’ensemble des circonstances de l’espèce, conforme au principe de proportionnalité et ne porte pas atteinte à la dignité de ce demandeur. À cet égard, elle a rappelé que les États membres peuvent prévoir d’autres mesures que celles portant sur les conditions matérielles d’accueil, telles que le maintien du demandeur dans une partie séparée du centre d’hébergement ou son transfert dans un autre centre d’hébergement, voire encore de mettre le demandeur en rétention.
Enfin, lorsque le demandeur est un mineur non accompagné, il doit être considéré comme une personne vulnérable au sens de la directive. Dans ce cas, les autorités nationales doivent prendre en compte « de manière accrue » la situation particulière du mineur, le principe de proportionnalité dans le prononcé des sanctions ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant.
Or si ces conclusions s’appliquent au droit belge, elles résonnent également en droit français. Le législateur français a en effet transposé le régime d’octroi et de retrait des conditions matérielles d’accueil prévu par la directive « accueil » aux articles L. 744-7 et L. 744-8 du CESEDA. En particulier, le bénéfice de conditions matérielles d’accueil, qui fait l’objet d’une décision expresse du directeur général de l’Ofii (CESEDA, art. L. 744-3), peut être retiré si le demandeur d’asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement (CESEDA, art. L. 744-5 et D. 744-36). Le juge administratif français s’était sur ce point montré particulièrement sévère, en considérant par exemple qu’alors même que la décision de retrait des conditions matérielles d’accueil n’avait pas été précédée d’une mise en demeure, le recours du demandeur devait être rejeté au motif que son comportement affectait de manière permanente la tranquillité des autres résidents (CE 15 févr. 2019, n° 427803). Ainsi, comme le droit belge que le juge communautaire vient de condamner, le droit français permet qu’un demandeur d’asile soit sanctionné par un retrait du bénéfice des conditions d’accueil en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement. La décision des juges de Luxembourg vient donc ici limiter une telle possibilité, surtout lorsqu’elle s’applique à un mineur non-accompagné.
Le Conseil d’État procède à deux séries d’éclairage en matière d’installation classée : sur le point de départ de la prescription trentenaire de l’obligation de remise en état du site siège de l’installation et sur les obligations de l’État de procéder à des opérations de dépollution lorsqu’il n’est plus possible de mettre en demeure l’ancien exploitant.
Sur le site du Petit Port des Seynes, propriété de la commune de Marennes depuis 1958, la société Saint-Gobain a exploité, entre 1872 et 1920, une fabrique de soude et d’engrais chimique. La commune, souhaitant créer une zone d’aménagement concerté, a fait réaliser en 2001 une étude qui a mis en évidence une importante pollution des sols et des eaux souterraines du site. Si la société Saint-Gobain avait cessé son activité de fabrication de soude et d’engrais chimique en 1920, un rapport d’expert, déposé en 2009, a confirmé la pollution du site et son imputabilité aux activités de la société. Toutefois, le préfet, considérant que l’action était prescrite, a, par une décision du 11 juin 2010, refusé d’ordonner à la société Saint-Gobain de remettre le site en l’état.
L’obligation de remise en état du site siège d’une installation classée se prescrit par trente ans (CE 8 juill. 2005, n° 247976, Société Alusuisse-Lonza-France, Lebon avec les concl. ; AJDA 2005. 1829 , chron. C. Landais et F. Lenica ; D. 2005. 3075 , note B. Quiriny ; RFDA 2006....
Les articles L. 2131-1 et R. 2131-2 du code de la santé publique prévoient que la femme enceinte reçoit, lors de son premier examen médical ou, à défaut, au cours d’une autre consultation, une information sur les risques de malformation du fœtus et les examens permettant d’évaluer ce risque. Ces dispositions, juge le Conseil d’État, imposent au praticien d’un centre hospitalier qui reçoit une femme dont la grossesse a été suivie dans un autre cadre de vérifier que sa patiente a bien reçu cette information et, à défaut de la lui donner.
Mme D., alors âgée de 40 ans, a bénéficié, à 16 semaines et demie...
Un EPCI, membre d’un syndicat mixte, lui avait transféré ses compétences en matière de valorisation des déchets. Le syndicat a conclu des contrats pour assurer l’exécution de sa compétence. Par arrêté préfectoral, l’EPCI a été regroupé avec d’autres communes extérieures au syndicat pour constituer une communauté urbaine compétente de plein droit en matière de déchets ménagers. En conséquence, l’EPCI a été retiré du syndicat. Par ordonnance, le juge des référés du tribunal...
La compétence du juge judiciaire relative aux décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) inclut les litiges portant sur la responsabilité de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du fait de ces décisions.
M. A. et Mme C. avaient saisi le tribunal administratif de Poitiers d’une demande de condamnation de l’État à réparer le préjudice subi en raison d’un défaut de scolarisation pendant deux ans de leur fille handicapée. Le tribunal avait rejeté leur requête, puis, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé la juridiction administrative incompétente.
Saisi d’un pourvoi par les époux A., le Conseil d’État rappelle qu’une carence de l’État dans l’accomplissement de sa mission d’organisation du service public de l’éducation entraînant la déscolarisation d’un enfant handicapé engage sa responsabilité (CE 8 avr. 2009, n° 311434, M. et Mme Laruelle, Lebon ; AJDA 2009. 678 ; ibid. 1262 , concl. R. Keller ; D. 2009. 1508, obs. C. De Gaudemont
M. B…, héritier indirect du créateur de la fondation, a demandé au juge d’annuler cet arrêté. La cour administrative d’appel de Nantes, sur renvoi du Conseil d’État, a rejeté sa demande (CAA Nantes, 27 avr. 2018, n° 17NT01772, AJDA 2018. 1685 , concl. F.-X. Bréchot ). Selon la cour, il ne pouvait soutenir que l’arrêté méconnaîtrait les règles du code civil relatives aux conditions dans lesquelles les prestations grevant une libéralité peuvent être modifiées au motif que le bail emphytéotique conclu entre la fondation et la commune ne constitue pas une...
Par une décision du 27 juillet 2016, l’Autorité de la concurrence a autorisé l’opération de concentration entre la Fnac et Darty, sous réserve de la réalisation effective des engagements proposés par la Fnac, qui consistaient en la cession à des acteurs de la distribution de produits électroniques dits « bruns » et « gris », avant le 31 juillet 2017, de cinq magasins Darty situés en région parisienne. Constatant que la société n’avait pas respecté ses engagements,...
Un étranger qui demande un titre de séjour temporaire pour raison médicale doit prouver aux autorités françaises que les soins dont il a besoin ne sont pas proposés dans son pays d’accueil. C’est l’un des deux critères médicaux d’évaluation obligatoire qui conditionne l’octroi du précieux sésame (CESEDA, art. L. 313-11).
Un avis est délivré par un collège de médecin. Pour l’y aider, l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a développé sa propre base de données : la bibliothèque d’information sur le système de soins des pays d’origine (BISPO). Cette bibliothèque centralise, pour les différents pays d’origine des demandeurs, des informations actualisées sur la qualité du système de santé et de l’offre de soins. Il s’agit d’un allié censé harmoniser les pratiques et réduire l’aléa qui gravite autour de ces avis.
L’outil intègre des sources issues des banques de données des grandes organisations internationales, dont l’OMS. Elle comporte une entrée par pays et une entrée par pathologie. Une fiche de description pour chaque pays est disponible.
Dans son rapport 2019 dédié à la situation des personnes malades étrangères, le défenseur des droits faisait valoir paradoxalement l’effet couperet de cette base de donnée. « On constate une baisse drastique du nombre d’avis favorables ». Il est passé d’environ « trois quarts à un peu plus de cinquante pour cent ».
Pour Me Estellia Araez, nouvelle présidente du syndicat des avocats de France (SAF), la décision est une vraie victoire. « Cet avis va permettre d’avoir une vraie discussion contradictoire sur l’appréciation portée par les médecins dans le cadre des demandes des titres de séjour pour raison de santé », espère-t-elle.
Une seconde obligation de quitter le territoire (OQTF) peut être légalement prise sur la base d’un refus de séjour assorti d’une première OQTF à laquelle l’étranger ne s’est pas conformé. Saisi d’une demande d’avis par le tribunal administratif de Limoges, le Conseil d’État précise également les règles de la substitution de motifs en la matière.
La haute juridiction considère tout d’abord que, « en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu’une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d’un certain délai après son intervention, lorsqu’une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu’une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l’égard d’un étranger qui s’est maintenu sur le territoire malgré l’intervention antérieure d’un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire », la nouvelle OQTF doit être regardée comme fondée sur le refus de titre de séjour, donc sur le 3° du I de l’article L. 511-1 du...
Les sapeurs-pompiers volontaires (SPV) qui subissent, du fait d’un accident de service, un préjudice qui n’est pas réparé par les prestations prévues par la loi du 31 décembre 1991 peuvent demander à la personne publique auprès de laquelle ils sont engagés une réparation complémentaire, même en l’absence de faute de celle-ci. En transposant aux SPV la jurisprudence Moya-Caville (CE, ass., 4 juill. 2003, n° 211106, Moya-Caville, Lebon 323 avec les concl. ; AJDA 2003. 1598 , chron. F. Donnat et D. Casas ; D. 2003. 1946 ; AJFP 2003. 22, et les obs. ; ibid. 25, étude S. Deliancourt ; RFDA 2003. 991, concl. D. Chauvaux ; ibid. 1001, note P. Bon ), telle que modifiée par la jurisprudence Centre hospitalier de Royan (CE 16 déc. 2013, n° 353798, Centre hospitalier de Royan, Lebon T. ; D. 2014. 2362, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ), le Conseil d’État tranche une question qui divisait les cours administratives d’appel.
Saisie du cas de M. B., ancien SPV du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Ardennes, blessé en intervention, la cour administrative d’appel de Nancy avait en effet jugé que le régime particulier de protection sociale instauré par la loi du 31 décembre 1991 excluait tout recours à l’encontre du SDIS en l’absence de faute de...
Quelques semaines après son rapport sur l’expérimentation (v. L. Dutheillet de Lamothe et T. Janicot, AJDA 2019. 2038 ), le Conseil donne, dans un arrêt du 6 novembre, un mode d’emploi de l’expérimentation. Il apporte en particulier des précisions sur les conditions de sa pérennisation sur une partie seulement du territoire.
L’occasion lui en été donnée par le recours de plusieurs associations contre le décret n° 2018-385 du 3 mai 2018 portant expérimentation de certaines modalités de traitement des demandes d’asile en Guyane.
La Haute juridiction considère qu’il résulte des dispositions de l’article 37-1 de la Constitution « que le pouvoir réglementaire peut, dans le respect des normes...
La réserve d’interprétation porte sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, la loi permettant de porter à 150 térawattheures, au lieu de 100 actuellement, le volume maximal d’électricité nucléaire historique qu’Électricité de France peut être tenue d’offrir annuellement à la vente aux autres fournisseurs d’électricité. Ces dispositions,...
Encore récemment, le Conseil d’État estimait que l’interdiction faite aux médecins de recourir à la publicité poursuivait un objectif d’intérêt général de bonnes informations des patients et de protection de la santé publique (CE 4 mai 2016, n° 383548, Lebon ; AJDA 2016. 1616 ). Mais c’était avant que la Cour de justice de l’Union européenne, interprétant la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, en conclue qu’une interdiction générale et absolue de toute publicité pour des soins buccaux et dentaires serait contraire à la libre prestation de services (CJUE 4 mai 2017, aff. C-339/15, Dalloz actualité, 29 mai 2017, obs. T. Soudain ; AJDA 2017. 1709, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2018. 583, obs. H. Aubry, E....
L’instruction du 4 juillet 2019 prise par le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministre de l’intérieur oblige les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) à transmettre la liste des étrangers accueillis en hébergement d’urgence à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Mais, temporise le Conseil d’État, les personnes interrogées peuvent refuser de répondre sans encourir de conséquences.
Par cette instruction, les ministres concernés ont, dans le cadre du pouvoir d’organisation des services placés sous leur autorité, notamment défini les caractéristiques du traitement de données, prenant la forme de la transmission d’informations des SIAO à l’OFII prévue à l’article...
Créée par la loi du 11 février 2005, la PCH bénéficie à plus de 284 000 personnes, pour un coût d’environ 1,9 Md€. Pour autant, elle est perçue comme complexe et rigide dans sa mise en œuvre. D’où la présente proposition de loi qui vise à répondre aux questions les plus urgentes dont la suppression de la limite d’âge de 75 ans pour solliciter la prestation et la création d’un droit à vie à la PCH dès lors que le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.
La finalité des fonds départementaux de compensation est redéfinie afin de les rendre opérationnels. Créés en 2005 pour plafonner le reste à charge des personnes handicapées, ils fonctionnent jusqu’à présent sans base réglementaire en raison des imprécisions de la loi.
Des assouplissements sont apportés aux conditions de service de la prestation : le bénéficiaire pourra recevoir des paiements ponctuels de PCH (attribuée pour une durée déterminée), par exception au principe d’un versement mensuel. Les modalités de contrôle d’effectivité exercé par le président du conseil départemental sont par ailleurs améliorées.
Enfin, les sénateurs ont souhaité créé, auprès du ministre chargé des personnes handicapées, un comité stratégique, chargé de réfléchir à une prise en charge intégrée (gestion logistique et financières) des transports des personnes handicapées. Le gouvernement, qui approuve la proposition de loi dans son principe, l’a placée en procédure accélérée.
Dans son rapport Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer, publié le 13 mai 2019, le Défenseur des droits décrit la vulnérabilité de ces personnes qui sont, de plus, fragilisées par la suspicion persistante que la France serait trop généreuse à leur égard.
Sur 225 500 titres de séjour délivrés à l’issue d’une première demande en 2018, moins de 2 % l’étaient pour raisons médicales. La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a dégradé la situation (E. Aubin, La loi du 7 mars 2016 : le...
Le titre Ier, qui contient un article unique, vise à favoriser le recours au congé de proche aidant. Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier pour concilier la vie de l’aidant avec les contraintes de l’entreprise. En revanche, le texte a été amputé des...
Cette proposition de loi renforce le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) qui, jusqu’à présent, ne pouvaient préempter des bâtiments ayant eu un usage agricole pour leur rendre un tel usage que si cette activité agricole a été exercée au cours des cinq années précédant l’aliénation. Il suffisait donc aux propriétaires de bâtiments agricoles d’attendre cinq ans pour éviter une préemption par les SAFER et revendre leur bien plus cher à des non-professionnels. La proposition de loi comble cette lacune pour permettre aux SAFER de préempter des bâtiments qui ont eu un usage agricole si l’activité agricole a été exercée au cours des vingt années précédant la vente.
Dans le même esprit, l’exploitation de marais salants est reconnue comme activité agricole. Elle répond à une forte demande des saliculteurs dont l’activité, qui n’est ni une production végétale, ni animale et n’est pas considérée comme une activité agricole au titre de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Désormais, les bâtiments utilisés pour une activité salicole seront soumis au droit de préemption des SAFER.
C’est une première victoire pour les 248 parlementaires opposés à la privatisation d’aéroports de Paris. Le Conseil constitutionnel juge remplies les conditions constitutionnelles et organiques d’ouverture de la phase de la procédure dite du « référendum d’initiative partagée » consistant dans le recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris.
Introduite en 2008 dans la Constitution et régie par les troisième à sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution, cette procédure rend possible, à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, l’organisation d’un référendum sur une proposition de loi déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
Dans ce cadre, le contrôle du Conseil constitutionnel porte, en application de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, sur trois points. Il doit vérifier, dans le délai d’un mois à compter de sa transmission, que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ensuite, que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution et, enfin, qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution.
La proposition de loi n’est pas contraire à la Constitution
Cette grille de lecture est appliquée au texte en cause. Le premier point ne pose pas de difficultés : il a bien été présenté par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.
S’agissant des conditions mentionnées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11, le Conseil constitutionnel relève que cette proposition « a pour objet de prévoir que “l’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et de Paris-Le Bourget revêtent le caractère d’un service public national au sens du neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946” ». Elle porte donc sur la politique économique de la nation et les services publics qui y concourent et répond ainsi à l’un des objets cités au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. De plus, ajoute-t-il, « à la date d’enregistrement de la saisine, elle n’avait pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Et aucune proposition de loi portant sur le même sujet n’avait été soumise au référendum depuis deux ans » (art. 11, al. 6). La proposition de loi n’est pas contraire à la Constitution.
Enfin, il considère que l’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget ne constituent pas un service public national dont la nécessité découlerait de principes ou de règles de valeur constitutionnelle. « Ainsi, la proposition de loi, qui a pour objet d’ériger ces activités en service public national, ne comporte pas par elle-même d’erreur manifeste d’appréciation au regard du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 », selon lequel « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Reste maintenant à obtenir le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit un nombre de 4 717 396.
Il relève que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l’avenir. Et, en l’absence de disposition législative l’y autorisant, l’administration ne peut, même lorsqu’elle est saisie d’une demande de l’intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d’admission à la retraite....
Un ressortissant albanais, entré irrégulièrement en France, a fait l’objet, le 5 mai 2017, d’un arrêté l’obligeant à quitter sans délai le territoire français et d’un arrêté de placement en rétention. Alors qu’il était en rétention, il a formulé une demande d’asile cinq jours plus tard. Le préfet de la Haute-Garonne a pris un arrêté décidant, sur le fondement de l’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), son maintien en...
La société Total Marketing France, dont l’offre a été rejetée de la consultation lancée par société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Dijon. Ce dernier a rejeté sa demande d’annulation de la procédure de passation. Le Conseil d’État écarte le pourvoi introduit par la société, cette dernière n’est pas recevable à saisir le juge du référé.
La Haute juridiction relève que « si les...
Les dispositions de l’article L. 8253-1 du code du travail relatives à la contribution spéciale ne prévoient pas expressément que le procès-verbal constatant soit communiqué au contrevenant. Pour autant, « le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, lorsque la personne visée en fait la demande, afin d’assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution, qui revêt le caractère d’une sanction administrative » (CE 29 juin 2016, n° 398398, Sté DLM Sécurité, Lebon ; AJDA 2016. 1370 ; D. 2017. 261, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ). En l’espèce, le Conseil d’État précise que le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher la sanction d’irrégularité que « dans le cas où la demande de communication a été faite avant l’intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l’intéressé, prononce la sanction ». Si la communication du procès-verbal est demandée alors que la sanction a déjà été prononcée, « elle doit intervenir non au titre du respect des droits de la défense mais en raison de l’exercice d’une voie de recours. Un éventuel refus ne saurait alors être regardé comme entachant d’irrégularité la sanction antérieurement prononcée, non plus que les décisions consécutives, même ultérieures, procédant au recouvrement de cette sanction ».
Dans la première affaire (requête n° 419242), le Conseil d’État était saisi par La Ligue nationale pour la liberté des vaccinations d’un recours contre le décret du 25 janvier 2018, pris en application de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui rendait obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, onze vaccins. Pour la requérante, cette extension de la liste des vaccins obligatoires porte atteinte au droit à l’intégrité physique. Dans sa décision, la haute juridiction reconnaît qu’une « vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit ». Toutefois, elle peut être admise « si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l’efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu’il peut présenter ».
Le Conseil d’État relève qu’il s’agit « d’infections graves », « très contagieuses », « susceptibles de complications graves, […] pouvant entraîner la mort et […] crée[r] pour la femme enceinte un risque élevé de décès ou de malformations congénitales graves du fœtus ». Or « la couverture vaccinale constatée à la date des dispositions critiquées restait insuffisante pour créer une immunité de groupe, seule à même d’éviter de nouvelles épidémies et de protéger les personnes qui ne peuvent être vaccinées ». Les onze vaccins obligatoires présentent un niveau d’efficacité compris entre 85 et 90 %, voire égal à 100 % pour quatre d’entre eux. Dans ces conditions, estime le Conseil d’État, les dispositions critiquées « ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l’objectif poursuivi d’amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l’ensemble de la population, et proportionnée à ce but ».
La seconde espèce (requête n° 415694) concernait le refus implicite de la ministre de la santé de prendre les mesures nécessaires pour imposer aux fabricants de vaccins de ne pas utiliser de sels d’aluminium comme adjuvants pour les vaccins obligatoires. Pour rejeter les requêtes, le Conseil d’État estime « qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi, à ce jour, entre adjuvants aluminiques et maladie auto-immune » et qu’en « l’état des connaissances scientifiques, les vaccins contenant des adjuvants aluminiques ne peuvent être qualifiés de spécialités nocives ou de spécialités pour lesquelles le rapport entre les bénéfices et les risques ne serait pas favorable ».
Une page est en train de se tourner pour la justice antiterroriste française. Annoncé à la fin décembre 2017, le parquet national antiterroriste (PNAT) se concrétise. On devrait très prochainement savoir quelle personnalité sera désignée pour diriger la nouvelle structure qui va signer la fin de la section C1 du parquet de Paris. Selon le quotidien Le Monde, le ministère de la justice a proposé la nomination du conseiller à la Cour de cassation Jean-François Ricard.
Avec la création du PNAT, cette section stratégique va en effet disparaître au profit de l’arrivée du deuxième parquet national en France. Une absorption – les magistrats actuellement en poste à C1 attendent d’en savoir plus sur leur futur patron avant de candidater dans la nouvelle structure – qui va donc au-delà des nombreux changements de nom intervenus en trente-trois ans d’existence.
Dans les années 1980, les attentats d’Action directe, du Front de libération populaire de la Palestine ou encore du Hezbollah poussent le législateur à centraliser l’intervention judiciaire, concurrente et non exclusive, à Paris. Le magistrat Alain Marsaud, auteur d’une tribune remarquée dans la presse, prend la tête en 1986 du nouveau service central de lutte antiterroriste. La structure s’appellera 14e section, section A6, et enfin C1 depuis 2004. La section, logée dans la quatrième division du parquet de Paris, suit actuellement près de 416 informations judiciaires et dirige 271 enquêtes préliminaires.
Le tournant des attentats
Avant d’être supplantée par ce nouveau parquet national, la section spécialisée sur les affaires de terrorisme et d’atteinte à la sûreté de l’État a été sérieusement musclée ces dernières années au fil des attentats qui ont meurtri l’Hexagone. « Les moyens ont été renforcés progressivement au fur et à mesure de l’accroissement de la menace, observe Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. Il y a les très gros dossiers et les filières, plus le retentissement médiatique qui impose une pression à l’ensemble de la chaîne pénale. »
De sept magistrats, il y a six ans, les effectifs ont ainsi bondi à quinze sous la direction de la discrète Camille Hennetier. Inconnue du grand public, mis à part une apparition dans un documentaire télé sur le travail des parquetiers de Bobigny, la magistrate est arrivée en 2013 à C1. Recrutée par le procureur François Molins, l’un de ses anciens patrons, elle est nommée cheffe adjointe avant de devenir responsable de la section un an plus tard.
Quelques mois avant la tuerie de Charlie Hebdo et les attaques de Saint-Denis et de Paris, Camille Hennetier prend les rênes d’une section où l’essentiel du travail est alors encore dominé, à côté des premiers dossiers syriens, par le règlement des grands dossiers de terrorisme basque ou corse. Depuis, « le contentieux s’est complètement transformé », constate cette magistrate de 45 ans.
La cheffe de la section C1, qui a débuté sa carrière à l’instruction à Aurillac avant d’opter pour le parquet à Paris et la formation à l’École nationale de la magistrature, situe précisément le point de bascule en décembre 2014. Ce mois-là, deux ans après les tueries de Toulouse et de Montauban, trois agressions commises à Joué-les-Tours, Nantes et Dijon signent le début des passages à l’acte d’individus radicalisés aux personnalités fragiles.
Le feu sacré
Résultat, les magistrats de la section C1 vont devoir mettre les bouchées doubles. Un investissement hors-norme qui est déjà la marque de fabrique de la section. « Ce n’est pas comme le droit commun, il faut avoir le feu sacré, se souvient Irène Stoller, cheffe de la section de 1996 à 2001. Il ne faut pas chercher à faire carrière et se donner à fond. »
Un esprit de corps qui marque. Les premiers magistrats antiterroristes de la fin des années 1980 se retrouvent tous les trimestres pour un déjeuner près des Halles, avant de passer également à table avec les anciens enquêteurs des services de police. « Ce qui soude une équipe, c’est le fait d’avoir traversé des événements hors normes, riches et difficiles », note de son côté Camille Hennetier.
Exemple avec le soir du 13 novembre 2015. La magistrate est avertie des attaques menées au Stade de France. Alors que la permanence fonce vers Saint-Denis, François Molins l’appelle : il y a eu des tirs dans la capitale. Sur place, à quelques mètres du Carillon, ils apprennent tous deux qu’il se passe quelque chose au Bataclan. « C’était surréaliste, très confus, comme un sentiment de chaos », se souvient-elle. Pendant douze jours, le temps de la flagrance, la section se plonge dans cette enquête hors norme.
« Ce qui a changé, c’est le volume »
Face à cette vague terroriste, l’organisation de C1 est restée la même. La section regroupe toujours un pôle chargé du suivi des informations judiciaires, un bureau des enquêtes et une permanence. « Ce qui a changé, c’est le volume » de travail, souligne Camille Hennetier. « Il a d’abord fallu muscler le bureau des enquêtes, poursuit-elle. Désormais, le flux se déporte sur le règlement des dossiers et des audiences. »
Un travail reconnu à l’extérieur. « La section fait un travail formidable en prévention », signale Guillaume Denoix de Saint Marc, le directeur général de l’Association française des victimes du terrorisme. « Nous sommes reçus quand nous le demandons », poursuit-il, déplorant seulement des divergences de vues sur les demandes de constitution de partie civile de l’association sur les dossiers de « revenants », ces djihadistes de retour de Syrie.
La permanence de C1 a cependant été renforcée pour faire face à l’imprévu. « S’il se passe un événement, même de faible intensité, cela prend tout de suite des proportions très importantes, analyse Camille Hennetier. Nous comprenons ce retentissement médiatique important, mais c’est parfois un peu excessif et cela a un impact certain sur notre travail. Il faut se positionner vite et en même temps le faire de façon réfléchie, alors que les investigations se poursuivent. »
La section antiterroriste a alors quelques heures pour se prononcer sur une éventuelle saisine. À charge pour C1, en lien avec le procureur de Paris, de trancher sur le caractère terroriste des faits. « C’est toujours un moment délicat, une décision importante qui va être discutée ensuite », signale Camille Hennetier.
Critiques
Une question sensible dans l’antiterrorisme français. Le fiasco de l’affaire du groupe de Tarnac, suspecté d’avoir saboté des lignes TGV en 2008, est encore frais dans les mémoires. Après dix ans de procédure judiciaire, débutée avec une enquête préliminaire suivie par la section C1, l’affaire se terminera par de nombreuses relaxes… en correctionnelle.
La qualification terroriste n’avait pas été retenue à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation, une déroute pour l’accusation. « Dans les affaires dites de terrorisme, c’est-à-dire politiques, le parquet est aux ordres, estime Me Irène Terrel, avocate du principal accusé au début de l’affaire. Cette dépendance au pouvoir, qui s’observe aussi dans les affaires de droit commun, est aggravée, empêchant une justice objective. »
Me Simon Cohen, partie civile au procès d’Abdelkader Merah, regrette lui de ne pas avoir été entendu assez tôt dans son affaire. Alors qu’il plaide dès septembre 2012 pour que l’association de malfaiteurs retenue soit interprétée au sens criminel et non délictuel, il ne sera suivi que trois ans plus tard par le parquet antiterroriste. « Trois ans de perdus », soupire-t-il encore aujourd’hui. Une contradiction de forme entre l’intitulé de sa mise en examen et les textes visés, reconnaît le parquet, qui a été purgée au règlement.
« Plus les pouvoirs sont concentrés, plus les errements sont marquants, et plus les défauts sont nets », analyse Me Cohen. « La justice antiterroriste a été érigée au rang de corps de super-magistrats, s’inquiète l’avocat toulousain. Comme si les parquetiers ou les juges d’instruction de la galerie Saint-Éloi n’étaient pas des juges comme les autres. »
Les sénateurs estiment que le texte va faire disparaître 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects de l’exploration-production sur le territoire national et que la mesure phare du projet de loi sera, sur le plan environnemental, « contre-productive ».
Pour autant, le Sénat a...
Le premier concerne le futur code. Serpent de mer, le projet est, cette fois, bien engagé. « C’est un travail de longue haleine. Pour nous aider, nous sommes accompagnés de la commission supérieure de codification et d’un comité des experts mis en place en octobre 2016 », a indiqué la DAJ. La codification se fera à droit constant. « Nous souhaitons faire un code pédagogique et utilisable », a affirmé Laure Bédier.
L’entreprise ne portera pas seulement sur les ordonnances de 2015 et leurs décrets d’application, mais sur l’ensemble des textes applicables en la matière, à l’image de la loi de 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique ou de la loi de 1975 sur la sous-traitance. Les règles jurisprudentielles figureront également dans le futur code. « Mais ce sera une codification a minima. Il faut laisser la jurisprudence vivre. » La structure sera classique. D’abord les articles en L., puis les articles en R. « Nous n’avons pas voulu mélanger les articles législatifs et réglementaires comme cela a pu être le cas pour le code des relations entre le public et l’administration », a précisé Laure Bédier. Le projet devrait être transmis au Conseil d’État avant l’été prochain et la codification terminée avant la fin de l’année 2018.
Le second chantier concerne la transformation numérique de la commande publique. Sur le sujet, la directrice a précisé les futures échéances. « On est encore très loin de les respecter », a-t-elle avoué. Dès le 1er avril prochain, l’acheteur public devra accepter le document unique de marché européen. « Nous travaillons actuellement à une version plus simple que celle présentée initialement. » Au 1er octobre 2018, la dématérialisation sera obligatoire pour tous les marchés publics, alors qu’elle restera facultative pour les contrats de concession et les marchés de défense. À compter de cette date, l’acheteur devra aussi publier les données essentielles des marchés sur son profil d’acheteur. Enfin, Laure Bédier a annoncé la mise en place d’un plan général d’accompagnement des acheteurs sur le chantier de la transformation numérique qui portera sur 19 actions techniques, comme l’archivage, la signature électronique ou encore l’interconnexion.
Durant les huit premières années de mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO), plus de 124 000 ménages ont pu accéder à un logement, indique le comité de suivi de la loi. Mais un droit qui peine à être respecté. En effet, 55 089 ménages reconnus prioritaires, dont 43 973 en Île-de-France, sont en attente d’une proposition de logement, et leur nombre stagnant – passé de 25 596 en 2015 à 25 202 en 2016 – doit être lu comme un recul : dans le contexte actuel de crise du logement, il apparaît que de nombreuses décisions de commissions de médiation ne respectent pas les critères de reconnaissance fixés par la loi. L’augmentation importante (+ 23 %) des recours pour excès de pouvoir contre les décisions des commissions traduit ce recul aux effets pervers. En effet, si nombre de décisions sont illégales, beaucoup de ménages abandonnent simplement l’idée de faire valoir leur droit, par épuisement. À cela s’ajoute un contentieux indemnitaire qui continue de décevoir malgré quelques percées du juge administratif (V. CE 16 déc. 2016, n° 383111, Lebon ; AJDA 2017. 954 , note A. Blandin ; ibid. 2016. 2461 ).
Le comité de suivi réclame la mise en place d’un plan d’urgence d’accès au logement pour les ménages prioritaires en attente de logement ainsi que la pérennisation du financement par l’État du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement.
La loi Égalité et citoyenneté, un espoir ?
La publication de la loi Égalité et citoyenneté a été une avancée positive pour le droit au logement opposable, estime le comité de suivi. Les obligations d’attribution d’un logement pesant sur l’État ainsi que sur Action Logement à travers leurs contingents de logements réservés ont été élargies aux collectivités et au patrimoine propre des bailleurs sociaux. Ceux-ci doivent désormais réaliser 25 % de leurs attributions à des publics prioritaires (V., P. Quilichini, La loi Égalité et citoyenneté à la recherche de la mixité sociale, AJDA 2017. 1223 ). Selon le rapport, ces dispositions devraient être pleinement opérationnelles pour l’année 2019 : les conventions d’utilité sociale actuellement en cours sont prorogées jusqu’au 1er janvier 2018, et les organismes HLM doivent conclure avant le mois d’août 2018 de nouvelles conventions avec les préfets qui respectent ces nouvelles dispositions.
Le dispositif de répression du dopage est basé sur une dualité entre les fédérations sportives, qui jouissent du pouvoir disciplinaire à titre principal, et l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui jouit d’un pouvoir de sanction subsidiaire important puisqu’elle peut s’autosaisir pour réformer les décisions des fédérations. Ce deuxième volet, prévu au 3° de l’article L. 232-22 du code du sport, porte-t-il atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Le Conseil d’État a renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel.
Il n’a pas eu à renvoyer la QPC pour les articles L. 232-23-3-3 et L. 232-23-3-10 du code du sport. Le premier prévoit une suspension de deux ans lorsque l’infraction est consécutive à l’usage ou à la détention d’une substance spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsque l’AFLD démontre que le sportif a eu l’intention de commettre ce manquement. Le requérant reprochait à cet article de permettre le prononcé d’une sanction pour réprimer un manquement qui ne repose que sur un élément matériel, sans exiger qu’il revête un caractère intentionnel. Mais le Conseil d’État estime que ces dispositions n’ont pas pour effet d’instituer une présomption irréfragable de culpabilité à l’encontre du sportif qui a fait l’objet d’un contrôle antidopage positif et elles ne le privent pas « de la possibilité d’apporter, dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il est l’objet et au cours de laquelle est assuré le respect des droits de la défense, tous éléments de nature à établir que la présence dans le prélèvement de substances interdites est le fruit d’une contamination alimentaire ou d’un acte de malveillance dont il a été victime, en dépit de l’absence de toute négligence de sa part et, par voie de conséquence, de n’être pas sanctionné ».
Quant à l’article L. 232-23-3-10 du code du sport relatif à la réduction de la durée des mesures d’interdiction « lorsque les circonstances particulières de l’affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité », le Conseil d’État estime qu’il ne méconnaît pas le principe d’individualisation des peines car il ouvre à l’autorité compétente « la possibilité de prendre en compte des circonstances propres à chaque espèce et de réduire, le cas échéant, la durée des mesures d’interdiction prononcées à titre de sanction ».
Depuis l’arrêt Grand Port Maritime du Havre (CE 19 janv. 2011, n° 343435, Lebon ; Dalloz actualité, 25 janv. 2011, obs. R. Grand ; AJDA 2011. 135 ; 2011. 800 , note J.-D. Dreyfus ; RDI 2011. 275, obs. R. Noguellou ), on sait que les cas d’annulation par le juge du référé contractuel d’un MAPA sont limités. Le pouvoir adjudicateur n’étant pas soumis à l’obligation de notifier, avant la signature du contrat, la décision d’attribution, l’annulation ne pourra être prononcée par le juge du référé contractuel qu’en l’absence des mesures de publicité requises pour sa passation (CJA, art. L. 511-18, al. 1) ou en raison de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence...
Le propriétaire d’une parcelle de terre classée en zone non constructible l’a divisée et donnée à bail à divers entrepreneurs pour y déposer des matériaux, engins, véhicules hors d’usage, moyennant un loyer. Des agents de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement ayant constaté la...
Des mesures utilisées dès la promulgation
Au 3 novembre, selon le ministère de l’intérieur, 21 mesures individuelles de contrôle administratives avaient été prises. Elles concernaient toutes des personnes qui étaient auparavant assignées à résidence sous le régime de l’état d’urgence. Sur ces 21 mesures, deux ont été contestées. Un recours a été gagné par le ministère de l’Intérieur, l’autre est en instance, le tribunal administratif de Grenoble ayant renvoyé vers le Conseil d’État une QPC (le Conseil d’État devrait se prononcer sur la transmission au Conseil constitutionnel à la fin du mois). Aucune visite domiciliaire n’a encore été faite.
De manière logique, au 3 novembre, aucune fermeture de lieux de culte n’avait pu être prononcée, mais deux procédures contradictoires, préalable à l’arrêté de fermeture, étaient en cours.
Le premier arrêté, concernant un périmètre de protection, a été pris par le préfet du Nord dès le 2 novembre sur le domaine de la gare de Lille Europe, pour une durée d’un mois. Le périmètre est activé 30 minutes avant le départ de chaque train Thalys, au niveau de la zone de départ de ces trains.
Un contrôle parlementaire par un triumvirat
La commission des lois a également adopté les modalités du contrôle parlementaire prévu par la loi du 30 octobre. Comme pour le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, en seront chargés la présidente de la commission Yaël Braun-Pivet, le député LaREM Raphaël Gauvain (rapporteur de la loi SILT), et le député LR Eric Ciotti (rapporteur d’application). À noter que seule la présidente Yaël Braun-Pivet est habilitée « secret défense », en tant que membre de la délégation parlementaire au renseignement.
Les députés des autres groupes, en particulier Nouvelle Gauche, France insoumise et Modem ont regretté que ce contrôle ne soit pas plus ouvert et soit fait par des représentants des deux principaux groupes. Mais pour Yaël Braun-Pivet, le fait de n’être qu’à trois permet un contrôle plus opérationnel et souple pour organiser des contrôles sur place et des auditions. Toutefois, elle souhaite que des informations soient fréquemment transmises à l’ensemble de la commission et surtout à son bureau, organe qui accueille des représentants de l’ensemble des groupes politiques.
Par ailleurs, si des circonstances venaient à amplifier l’utilisation des mesures prises par le ministère de l’Intérieur, les modalités de contrôle pourraient être revues.
La commission des loins a mis en ligne une partie de ces données en ligne. On y trouve notamment la carte des assignés à résidence. À lire http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission... ">ici.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du travail de la commission sur les chantiers de la justice. Pour faire un bilan de ces visites, la commission des lois de l’Assemblée nationale a organisé, ce mercredi matin, un échange de vues pendant deux heures, invitant les députés à faire un rapport d’étonnement.
À l’exposé des différents rapports, on a parfois l’impression que les députés ont surtout vu ce qu’ils étaient venus chercher. Tous soulignent la qualité de l’accueil fait par l’administration à ces visites inopinées, parfois accompagnées de journalistes, et la « vraie franchise » dans les réponses aux questions.
Surpopulation, sécurité pénitentiaire et conditions carcérales
Pour les députés LR, les principaux problèmes sont ceux qui relèvent de la sécurité pénitentiaire. Éric Ciotti : « Il faut s’attaquer à la situation des prisons qui aujourd’hui se trouvent dans un état critique : la vétusté, le déficit de places, la surpopulation carcérale qui conduit à des conduits de privation de liberté indignes, la violence, la radicalisation, et un personnel qui est confronté à une situation de grande tension et qui le supporte de plus en plus mal, sachant que 1 800 postes sont vacants dans nos prisons ».
Le député de la Manche Philippe Gosselin insiste : « Les personnels attendent des signaux : on parle beaucoup des portables et des addictions. Il y aura beaucoup de choses à faire. La demande de fouille et la possibilité de fouilles reviennent avec insistance. Il y a déjà eu un débat sur cette question et il faudra le rouvir ».
Cette revendication est reprise par plusieurs élus de la majorité. Ainsi, pour Caroline Abadie, députée LaREM de l’Isère, « la fouille à la sortie des parloirs pouvait assurer une certaine tranquillité des téléphones portables ». Pour Jean-Michel Mis, qui a visité le centre pénitentiaire Saint-Étienne-La Talaurdière, « la question des personnels sous serment doit aussi être posée, ainsi que la lourdeur des tâches administratives ».
Par rapport à leurs collègues de droite, les députés de la majorité insistent plus sur les conditions d’incarcération et la vétusté des établissements. La différence des impressions tient aussi à la diversité des établissements visités, maison d’arrêt ou maison centrale, prison récente ou datant du XIXe siècle. La députée Modem Laurence Vichnievsky, habituée aux établissements parisiens dans sa vie professionnelle et qui a visité le centre pénitentiaire récent de Riom, a ainsi été marquée par la modernité et l’absence de bruit. Mais elle rappelle qu’en tant que magistrate parisienne, les personnes préféraient être incarcérée à la Santé, à l’état effroyable, plutôt qu’à Fleury, plus récente. Pour elle, « il faut s’interroger sur la taille des structures » et les relations humaines à l’intérieur des prisons.
Les unités de vie familiale (UVF) et le travail en détention sont fréquemment évoqués, souvent pour regretter la sous-exploitation des équipements par manque de personnel ou d’entreprises partenaires. Ainsi comme le souligne le député Modem Erwan Balanat, les UVF de Lorient-Plœmeur, dont la construction a coûté 2 millions d’euros, ne sont pas mises en service. Les manques d’effectifs et de l’attractivité du métier de surveillant reviennent eux aussi souvent.
On est parfois étonné par la méconnaissance du sujet par certains parlementaires. Ainsi, pour le député LR Raphaël Schellenberger, qui a visité la maison centrale d’Ensisheim, la « circulation des téléphones et des stupéfiants pourrait être très simplement réglée par une autorisation plus large de procéder à des fouilles par palpation ». Le député confond ici les fouilles par palpation (largement utilisées) et les fouilles à nu, dont le caractère systématique a été limité par le législateur. Le député donne également aux fouilles un caractère magique qu’elles n’ont jamais eu. En fin d’intervention, il abordera la question de la peine de mise en hôpital psychiatrique des personnes déclarées irresponsable pénalement… De même, Christophe Euzet, député LaREM qui a visité le centre de rétention administratif (!) de Sète, a une solution concrète pour limiter les extractions : développer la visioconférence, « qui doit être une piste à étudier »…
Au-delà du constat, quelles solutions ?
L’objet de l’échange était de faire un rapport sur les visites. Mais plusieurs élus abordent la question de la politique pénale. Pour le député ex-PS, devenu LaREM, Florent Boudié, qui a été frappé par la surpopulation carcérale, cette situation est « le résultat de l’inconséquence des gouvernements successifs, y compris celui que j’ai pu soutenir dans le mandat précédent, cette façon de repousser la patate chaude. En fin de quinquennat, on annonce des plans de construction de centres pénitentiaires, 20 000 places sous Sarkozy, 15 000 sous Hollande et finalement on repousse le sujet à plus tard […]. Nous démarrons le quinquennat avec une ambition de 15 000 places. Notre rôle sera de peser lourd pour qu’il y ait respect de cet engagement en totalité ». Il demande également le développement des peines alternatives.
Il est un des seuls à aborder les questions de probation et de peines alternatives. Ugo Bernalicis, député France insoumise, pour qui « toute personne qui pour le milieu fermé est fatalement pour la récidive », regrette que les services pénitentiaires insertion et probation (SPIP) restent le parent pauvre de l’administration pénitentiaire. La députée socialiste, Cécile Untermaier s’interroge également : « Comment se fait-il que le quartier de semi-liberté soit vide alors que l’on parle de surpopulation ? », avant d’insister sur le budget global : « il faut se mobiliser pour avoir des budgets plus conséquents sur la justice. Les réformes ne seront possibles que si les effectifs sont remis à niveau ».
Après ces constats posés, le travail sur les prisons se poursuivra mardi prochain par l’audition de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan.
La garde des Sceaux a adressé aux magistrats du parquet une circulaire de présentation de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité, étendue à tous les crimes et à toute une série de délits par la loi pour la confiance dans la vie politique (v. Dalloz actualité, 2 juin 2017, art. C. Fleuriot ; ibid., 3 août 2017, art. M.-C. de Montecler ). Cette peine doit être prononcée expressément par le juge, qui en fixe la durée mais qui peut, par une décision spécialement motivée, l’écarter expressément en fonction des circonstances de l’infraction ou de la personnalité de son auteur. La circulaire précise les particularités d’application de la loi pénale dans le temps en raison de la réserve d’interprétation posée sur cette mesure par le Conseil constitutionnel (v. Dalloz actualité, 11 sept. 2017, art. M.B )
Le décret du 3 novembre 2017 modifie les mesures relatives aux suspensions du droit de conduire et à la reconnaissance du permis de conduire. Le préfet, à qui appartient la vérification d’aptitude, peut prendre une mesure de suspension du droit de conduire dans le cas où un conducteur a négligé ou refusé de se...
À deux mois de sa mise en place effective, la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) subit déjà un lifting. Le décret n° 2017-1525 du 2 novembre 2017 transpose à cette future juridiction spécialisée les évolutions de la procédure administrative contentieuse issues des décrets du 2 novembre 2016 (V., F. Poulet, La justice administrative de demain selon les décrets du 2 novembre 2016, AJDA 2017. 279 ) et du 6 avril 2017 (V., A. Claeys, La réforme de la procédure d’exécution devant le Conseil d’État, AJDA 2017. 1945 ).
Les dispositions réglementaires relatives à la CCSP, codifiées aux articles R. 2333-120-20 à R. 2333-120-67 du code général des collectivités territoriales, sont issues d’un décret du 10 juin 2015 (AJDA...
Cette possibilité est ouverte « alors même [que la partie] a la faculté de solliciter le mandatement d’office de la somme qu’une collectivité locale ou un établissement public a été condamné à lui payer ».
En l’espèce, à la suite de l’annulation d’un marché de mobilier urbain passé entre le département des Alpes-Maritimes et la société JC Decaux, le Conseil d’État, par un arrêt du 10 avril 2008 (CE 10 avr. 2008, n° 244950, Société Decaux c/ Département des Alpes-Maritimes, Lebon avec les concl. ; AJDA 2008. 725 ; ibid. 1092 , chron. J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau ; RDI 2008. 385, obs. R. Noguellou ; RTD com. 2008. 695, obs. G. Orsoni ), a condamné le département au remboursement des dépenses utiles pour un peu plus d’1 M€. En exécution de cet arrêt, la société a demandé au tribunal administratif...
Le XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui s’est tenu le 2 novembre 2017 à Matignon, a débouché, à l’issue de longues discussions, sur un accord politique. C’est au plus tard en novembre 2018 que la population de la Nouvelle-Calédonie doit être consultée sur l’accès à la pleine souveraineté du territoire. Il reste donc peu de temps pour préparer la consultation. D’où l’importance de cette réunion qui devait avant tout trancher la question de la constitution des listes électorales.
L’article 218 de la...
Le préfet de Mayotte avait demandé et obtenu du tribunal administratif de l’île l’annulation des délibérations adoptées lors de la séance du 17 février 2017 du conseil de la communauté de communes du nord de Mayotte, dont l’élection du président et des vice-présidents.
Saisi d’un recours, le Conseil d’État confirme l’annulation au motif de l’irrégularité de la convocation. Il estime, en effet, que,...
Créée par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), l’article L. 621-42 du code du patrimoine soumet à autorisation préalable du gestionnaire, assortie ou non de conditions financières, l’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux.
Fruit d’un amendement sénatorial lors de la discussion de la loi LCAP, cet article est la réponse du législateur à l’affaire du Domaine de Chambord (TA Orléans, 6 mars 2012, n° 1102187, AJDA 2012. 1227 , concl. Jérome Francfort ; D. 2012. 2222 , note J.-M. Bruguière ; CAA Nantes, 16 déc. 2015, n° 12NT01190, Établissement public du domaine national de Chambord, AJDA 2016. 435 , note N. Foulquier ; ibid. 2015. 2464 ; RDI 2016. 89, obs. N. Foulquier ).
Cet article est uniquement applicable aux six domaines...
Le Sénat a adopté, le 31 octobre, une proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites. Quelques mois à peine après les mesures prévues par la loi Égalité et citoyenneté (v. AJDA 2017. 991, obs. F. Aumond ), les sénateurs veulent remettre en chantier la loi « Besson » du 5 juillet 2000. Avec, selon le rapport de Catherine Di Folco, l’objectif d’« apporter des réponses concrètes » aux difficultés constatées sur le terrain et notamment aux stationnements illicites.
Le texte adopté vise à clarifier les compétences en la matière puisque la...
Mme B…, contaminée par le virus de l’hépatite C à la suite d’une transfusion, a obtenu la condamnation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 30 000 € en réparation de ses préjudices. Elle s’est pourvue en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Paris ne lui a attribué qu’une rente provisionnelle alors qu’elle réclamait l’indemnisation définitive de son préjudice personnel futur (3 mars 2016, n° 12PA01289, AJDA 2016. 1137 , concl. F. Roussel).
Le préjudice spécifique de contamination est reconnu par le juge judiciaire à l’égard des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C (Civ. 1re, 1er avr. 2003, n° 01-00.575, RTD civ. 2003. 506, obs. P. Jourdain ). Le Conseil d’Etat admet de même que l’inquiétude morale des victimes de virus peut ouvrir droit à réparation (CE 27 mai 2015, n° 371697, Dalloz actualité, 8 juin 2015, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2015. 1072 ; ibid. 2340 , note H.-B. Pouillaude ; D. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RDSS 2015. 734, obs. D. Cristol ). Pour autant, bien que le droit à réparation ne puisse être diminué en raison du refus de la victime de se soumettre à des traitements médicaux (CE 3...
La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été publiée au Journal officiel du 31 octobre 2018.
Pour rappel : v. Dalloz actualité, 11 oct. 2017, art. P. Januel ; ibid., 29 sept. 2017, art. P. Januel ; ibid., 14 sept. 2017, art. T. Coustet ; ibid., 20 juill. 2017, art. S. Fucini ...
Ce plan global, qui fait suite au rapport Filâtre présenté le 19 octobre dernier (v. Dalloz actualité, 24 oct. 2017, obs. E. Maupin ), conduira à une réforme profonde du premier cycle universitaire pour un coût annoncé de plus d’un milliard d’euros sur l’ensemble du quinquennat. Il fera l’objet d’un projet de loi « Accueil et réussite des étudiants », qui sera présenté en conseil des ministres le 22 novembre prochain.
Sur les vingt mesures présentées, la plus attendue concernait le successeur de la plateforme admission post bac (APB) et la sélection par tirage au sort. La nouvelle plateforme, qui sera lancée en janvier 2018, « sera plus simple et plus transparente », a promis le premier ministre. Pour permettre à chacun d’identifier...
Le Conseil d’État reconnaît la possibilité pour le juge de moduler même sans texte, eu égard à la gravité de la faute commise, le montant de l’amende qu’il inflige à la suite d’une contravention de grande voirie. Une limite : ce montant doit se situer entre le plancher et le plafond prévus par les textes.
M. B… s’est amarré sans autorisation à un emplacement du port de Boulogne-sur-Mer réservé à un autre bateau qui devait y débarquer le produit de sa pêche. Il n’a pas obtempéré à l’ordre qui lui avait été donné de faire mouvement et de libérer le poste. L’officier de port a alors dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie relatant ces faits et le préfet du Pas-de-Calais a poursuivi le contrevenant devant le tribunal administratif de Lille au titre de la contravention de grande voirie. Condamné au paiement d’une amende de 8 000 € en application du 2° de l’article L. 5337-5 du code des transports, M. B… s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’État donne de la souplesse au juge de la contravention de grande voirie en faisant à nouveau évoluer son office. Dans cette matière, les pouvoirs de ce dernier ont été étendus tant au titre de l’action en réparation des dommages portés au domaine public (CE 7 déc. 2015, n° 362766, CMA CGM [Sté], Lebon ; AJDA 2015. 2411 ) qu’en matière de liquidation d’astreinte (CE 15 oct. 2014, n° 338746, Voies navigables de France, Lebon ; AJDA 2015. 996 , note M. Baldovini ; ibid. 2014. 2033 ).
En l’espèce, le pouvoir du juge s’étoffe concernant l’amende. Ainsi, précise le Conseil d’État, « lorsqu’il retient la qualification de contravention de grande voirie s’agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d’infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences ».
La brièveté du stationnement prise en compte
Le bateau de M. B… étant d’une longueur de vingt et un mètres, l’article L. 5337-5 précité prévoit que l’amende qui doit être infligée est de 8 000 €. Par conséquent, la solution dégagée par le Conseil d’État permet au juge de la contravention de grande voirie de moduler l’amende entre ce maximum possible pour les bateaux d’une longueur supérieure à vingt mètres et inférieure ou égale à cent mètres, et 500 €, maximum possible pour les bateaux d’une longueur inférieure ou égale à vingt mètres. Le Conseil d’État retient la brièveté du stationnement irrégulier pour juger « qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de fixer à 4 000 € l’amende infligée à M. B… ». Ce dernier est donc fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif avait fixé à 8 000 € le montant de l’amende au lieu de 4 000 €.
La haute juridiction était interrogée par la cour administrative d’appel de Versailles saisie par une enseignante d’un recours contre un jugement qui avait rejeté sa demande d’annulation du refus du ministre de lui verser une ATI.
Elle rappelle qu’aux termes de l’article 4 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d’administration publique pour l’application...
L’article 1er du texte prévoit un décalage d’un an de la déclaration des indicateurs de performances. L’actuel article L. 213-11 du code de l’environnement dispose que les éléments pris en compte pour l’application de la majoration de la redevance au titre du prélèvement sur la ressource en eau sont déclarés par...
La statue du pape polonais avait été offerte à la petite commune bretonne par son auteur, le sculpteur russe Zurab Tsereteli, don accepté lors d’une délibération le 28 octobre 2006. Ce n’est qu’en 2012 que la Fédération morbihannaise de la libre pensée et des habitants de la commune ont demandé au maire de faire retirer l’imposant monument (7,5 m de hauteur) puis contesté son refus devant le tribunal administratif de Rennes qui avait annulé la décision du maire.
La croix est un signe religieux, pas l’arche
La cour administrative d’appel de Nantes avait analysé les demandes rejetées comme tendant à l’abrogation de la délibération du 28 octobre 2006 (15 déc. 2015, n° 15NT02053, Ploërmel [Cne], AJCT 2016. 212, obs. C. Otero ). Or l’administration saisie d’une demande en ce sens « n’est tenue de procéder à...
Dans un avis, le Conseil d’État estime que la Polynésie française est seule compétente pour définir les règles de procédure administrative non contentieuse dans les matières relevant de sa compétence. Dès lors, la règle du « silence gardé vaut acceptation », définie par l’article L. 231-1 du code des relations entre le...
Si l’organisme chargé du service de la prestation doit être informé de l’ensemble des ressources, de la situation familiale et de tout changement en la matière, il doit l’être aussi de toutes informations relatives au lieu de résidence, ainsi qu’aux dates et motifs des séjours à l’étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois.
En l’espèce, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a informé M. B. de la fin de son droit au RSA à compter du 1er juin 2009 et lui a réclamé un trop-perçu. Le tribunal administratif, pour rejeter la demande d’annulation, a estimé, au regard des mentions portées sur les passeports algériens de M. et Mme B. que l’administration avait pu légitimement considérer qu’ils n’avaient pas « une présence stable et régulière sur le territoire français ».
Pour la Haute juridiction, « en se fondant ainsi exclusivement sur la fréquence des séjours des intéressés hors du territoire français, pour juger qu’ils n’avaient pas droit au bénéfice du [RSA] depuis le 1er juin 2009, sans […] rechercher préalablement si M. et Mme B. justifiaient d’une résidence stable et effective en France, au sens de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, puis déterminer ensuite, le cas échéant, si la durée totale de ces séjours par année civile excédait trois mois et justifiait ainsi que l’allocation ne leur soit versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire, le tribunal a commis une erreur de droit ».
La Cour de justice de l’Union européenne estime que l’État membre qui n’a pas transféré à l’expiration du délai de six mois un demandeur de protection internationale vers l’État membre responsable qui avait accepté de le reprendre devient responsable de plein droit de la demande de protection. Le demandeur peut se prévaloir de l’expiration de ce délai, fixé par le règlement Dublin III, obligeant ainsi les États à prévoir un recours effectif et rapide.
M. Majid Shiri, ressortissant iranien, est entré dans l’Union européenne par la Bulgarie, État membre dans lequel il a introduit, le 19 février 2015, une demande de protection internationale. Il a ensuite fait une demande d’asile en Autriche. Ce pays a demandé aux autorités bulgares – qui l’ont accepté – de reprendre M. Shiri en charge. Ce dernier s’est opposé devant les juridictions autrichiennes au rejet de sa demande de protection internationale en Autriche et à son renvoi vers la Bulgarie, en faisant valoir que l’Autriche est, en vertu du règlement Dublin III, devenue responsable de l’examen de sa demande du fait qu’il n’a pas été transféré en Bulgarie dans un délai de six mois à compter de l’acceptation de sa reprise en charge par les autorités bulgares. La cour administrative autrichienne a alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle. Cette dernière répond clairement que « si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la responsabilité est transférée de plein droit à l’État membre requérant, sans qu’il soit nécessaire que l’État membre responsable refuse de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée ».
Traitement rapide des demandes
Sur les conditions de transfert, le juge français requiert l’accord de l’État responsable du « dubliné » (CE 19 juill. 2017, n° 408919, Préfet du Pas-de-Calais, Lebon ; AJDA 2017. 1526 ). Protecteur des libertés individuelles, il juge également que si le dubliné ne peut pas être placé en rétention, même s’il risque de prendre la fuite (Civ. 1re, 27 sept. 2017, n° 17-15.160, AJDA 2017. 1862 ). Or, en l’espèce, la Cour de justice de l’Union européenne, guidée par l’objectif de traiter rapidement les demandes de protection internationale, juge que l’État membre, qui retarde la procédure, doit supporter la charge de l’examen de la demande de protection internationale. Et elle précise « qu’un demandeur de protection internationale doit pouvoir disposer d’une voie de recours effective et rapide qui lui permette de se prévaloir de l’expiration du délai de six mois ». En l’occurrence, la Cour estime que le droit que la réglementation autrichienne reconnaît au demandeur de protection internationale d’invoquer des circonstances postérieures à l’adoption de la décision de transfert prise à son égard, dans le cadre d’un recours dirigé contre cette décision, satisfait à cette obligation de prévoir une voie de recours effective et rapide.
L’élaboration de la charte de déontologie de la juridiction administrative par le vice-président du Conseil d’État est conforme à la Constitution.
Une association de défense du cadre de vie d’un quartier peut justifier d’un intérêt suffisant pour lui conférer qualité pour agir contre un permis de construire, estime le Conseil d’État.
Le Premier ministre n’a pas ménagé ses efforts pour persuader les présidents des départements des bonnes intentions du gouvernement à leur égard. Mais à l’arrivée, il ne semble avoir convaincu ni les élus de droite, ni ceux de gauche.
Le juge de l’aide sociale doit prendre en compte, pour fixer le montant de celle-ci, une décision du juge judiciaire en matière d’obligation alimentaire, juge le Conseil d’État.
Les onze groupes de travail mis en place dans le cadre de la concertation sur l’accueil et la réussite des étudiants ont remis, le 19 octobre, leur rapport général à Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur. Sur leur feuille de route, l’épineuse question du système admission post-bac (APB).
Si le préfet veut imposer des prescriptions complémentaires à l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), il doit respecter une procédure contradictoire, que vient d’expliciter le Conseil d’État.
Le fonctionnaire qui invoque une discrimination peut, pour apporter au juge des éléments de nature à faire présumer une atteinte au principe d’égalité, présenter des éléments statistiques (sur la preuve de la discrimination, v. CE, ass., 30 oct. 2009, n° 298348, Mme Perreux, Lebon p. 407 avec les conclusions ; AJDA 2009. 2391 ; ibid. 2385, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi , chron. S.-J.
En limitant le périmètre de l’arrêté d’encadrement des loyers au seul territoire de la commune de Lille, le préfet du Nord a méconnu les dispositions légales qui n’envisagent la mesure qu’au niveau de la zone d’urbanisation dans laquelle il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande.
Le Conseil d’État a rejeté, le 11 octobre, le recours d’une organisation syndicale de l’éducation populaire contre le décret n° 2016-1051 du 1er août 2016 relatif au projet éducatif territorial. Ce texte avait pérennisé les assouplissements de taux d’encadrement des activités périscolaires, prévus, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires par un décret du 2 août 2013 (V. AJDA 2013. 1654 ).
Le Conseil d’État précise la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire à l’égard des réclamations portant sur les opérations électorales visant à désigner les représentants des locataires au conseil d’administration des offices publics de l’habitat.
Retardées depuis 2013, les audiences du juge des libertés et de la détention (JLD) vont officiellement ouvrir le jeudi 26 octobre 2017, a annoncé hier l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFÉ)
Dans une déclaration adoptée en assemblée plénière le 17 octobre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) « s’alarme de la multiplication des violations des droits fondamentaux des personnes migratoires observées sur le terrain et de certaines orientations des politiques migratoires envisagées par le gouvernement ».
Mercredi 18 octobre 2017, le Sénat a définitivement adopté le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (V. Dalloz actualité, 11 oct. 2017, art. P. Januel ; ibid., 29 sept. 2017, art. P. Januel ).
Deux mesures de la loi Égalité et citoyenneté tendant à diversifier le recrutement dans la fonction publique entrent en vigueur.
Le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé le 13 octobre 2017 le lancement d’une mission préparatoire au « pacte financier État-collectivités territoriales » qu’il souhaite conclure. La mission a été confiée au sénateur du Val-d’Oise et ancien ministre Alain Richard et à l’ex-directeur général des collectivités territoriales Dominique Bur. Ils seront chargés de proposer des évolutions sur trois chantiers : la maîtrise des dépenses locales, la refonte de la fiscalité locale et le financement et la gestion des allocations individuelles de solidarité.
Repenser les missions de l’État pour le transformer. Telle est la mission que le gouvernement a confiée au comité Action publique 2022 qui a carte blanche pour imaginer l’organisation idéale des services publics… Sans perdre de vue l’objectif de baisse des dépenses.
Le gouvernement s’est opposé à la proposition de loi visant à permettre aux communes de conserver les compétences eau et assainissement. Un groupe de travail va être créé sur ce sujet.
La garde des Sceaux est intervenue lors du congrès annuel organisé par l’union syndicale des magistrats (USM) le 13 octobre 2017.
Un marché public de travaux n’aura le caractère d’un contrat administratif que « s’il porte sur l’exécution de travaux immobiliers exécutés pour le compte de la personne publique et dans un but d’intérêt général ou s’il a pour objet l’exécution même d’un service public », peu important que la personne publique assure ou non la maîtrise d’ouvrage, rappelle la Cour de cassation.
« Le délai de recours contentieux ouvert aux candidats évincés pour contester la liste des lauréats d’un appel d’offres court à compter de la notification aux intéressés du rejet de leur offre, cette information les mettant en mesure de demander la communication de la liste dans son intégralité », précise le Conseil d’État.
Le rapport annuel sur les finances locales donne raison aux élus qui assurent qu’ils ont fait de gros efforts d’économies en 2016. Mais, contrairement aux mêmes élus, les magistrats de la rue Cambon estiment que ces efforts peuvent et doivent se poursuivre.
Conséquence logique de la position du Conseil d’État selon laquelle une crèche peut revêtir une pluralité de significations, la cour administrative d’appel de Nantes et le tribunal administratif de Lyon viennent de retenir des solutions différentes sur les crèches installées dans les locaux du conseil départemental de la Vendée pour la première, du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, pour le second.
Appliquant les conditions posées par sa jurisprudence Decaux, le Conseil d’État considère que « l’entrepreneur dont le contrat est écarté peut prétendre, y compris en cas d’annulation du contrat par le juge du référé contractuel, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ».
Une dépense engagée par un candidat à une élection ne peut pas être écartée de son compte de campagne au motif qu’il apparaît postérieurement qu’elle n’a pas été utile.
Lundi après-midi en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs se sont accordés sur une version commune du « projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » (V. Dalloz actualité, 29 sept. 2017, art. P. Januel ). Les députés ont fait plusieurs concessions aux sénateurs. La majorité de droite du Sénat a en effet été plus exigeante en matière de libertés publiques que l’Assemblée (alors même que les députés LR ont rejeté un texte qui n’allait pas assez loin).
Le Conseil d’État a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance par un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) des orientations définies au III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est invocable à l’appui d’un recours contre un arrêté assurant la mise en œuvre du schéma, alors même que ce dernier ne peut plus être contesté par la voie de l’exception.
Le Conseil d’État précise les caractéristiques d’une ligne de transport régulier qui doivent être prises en compte par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) pour apprécier l’équilibre économique des services de transport organisés par une région.
Invitée par l’USM, dans le cadre du congrès annuel consacré cette année à l’indépendance du ministère public, Nicole Belloubet a déclaré vouloir rénover le statut du parquet, et en a profité pour présenter la future politique des ressources humaines de la magistrature.
Une révision constitutionnelle aux contours incertains
« Si on veut avoir la certitude que nos magistrats soient impartiaux, nous devons leur donner les moyens d’exercer leurs fonctions en toute indépendance ». C’est en ces termes que la ministre a affiché son ambition de réformer le statut du ministère public. L’inscrire dans la loi constitutionnelle, ajoute-t-elle, est « une garantie de l’exigence d’indépendance et un engagement du président de la République ». Sans doute une façon de faire écho à la lettre adressée au garde des Sceaux le 5 octobre dernier par la Conférence nationale des procureurs généraux et la Conférence nationale des procureurs de la République (v. Dalloz actualité, 5 oct. 2017, art. M. Babonneau ), et d’anticiper la réponse à venir du Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité sur l’indépendance du parquet (v. Dalloz actualité, 28 sept. 2017, art. M. Babonneau ).
Il est vrai que cette réforme est attendue et promise depuis vingt ans mais n’a jamais abouti. Là encore, l’ambition affichée de la ministre pourrait prendre des allures de gageure, privée de majorité au Parlement depuis les dernières élections sénatoriales. Afin de parer à cette éventualité, la garde des Sceaux a indiqué qu’elle s’entretenait discrètement « depuis septembre » avec les parlementaires, et qu’elle tenait un calendrier précis. Le 27 octobre prochain, elle recevra à ce titre les syndicats des magistrats.
En revanche, pas question de remettre en cause l’existence du lien hiérarchique avec le garde des Sceaux dans le cadre de l’exécution de la politique pénale. « Je suis très attachée au modèle français du ministère public que je qualifierais de troisième voie. Je veux un parquet dont le lien avec le garde des Sceaux n’est pas complètement coupé », a ainsi tempéré Nicole Belloubet.
Promouvoir une nouvelle dynamique de gestion des ressources humaines
Même si la ministre souhaite placer les réformes sous le sceau de la concertation, la question des moyens cristallise les tensions. D’un côté, Virginie Duval, présidente de l’USM, a affirmé, dans son discours, que la politique de la justice dépend « de beaucoup de la détermination de Bercy ». D’un autre côté, la ministre a indiqué que son ministère fait l’objet d’une augmentation « notable » des moyens de près de 4 %, dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 (soit en 3 ans, une augmentation représentant presque un milliard d’euros).
La modernisation de la justice, chantier lancé le 6 octobre dernier (v. Dalloz actualité, 9 oct. 2017, art. T. Coustet ), semble passer par celui des ressources humaines. La présidente du l’USM n’a pas caché son scepticisme et a ainsi rappelé que la magistrature compte encore moins de juges qu’en 1827 à population égale. En réponse, la ministre a annoncé qu’elle a pour ambition de « dynamiser en profondeur » son attractivité. Le nouveau directeur des services judiciaires (DSJ), M. Peimane Ghaleh-Marzban, qui entrera en fonction le 16 octobre prochain, aura notamment en charge le dossier de la mobilité, en lien avec le récent rapport rendu par le CSM (v. Dalloz actualité, 21 sept. 2017, art. T. Coustet ). Rappelant qu’un quart des mouvements concerne « les magistrats en poste depuis moins de deux ans », la ministre a indiqué que le DSJ devra présenter aux syndicats des propositions qui améliorent la stabilité fonctionnelle et géographique des effectifs.
En parallèle, la fonction devra attirer « tous les talents ». La garde des Sceaux souhaite ainsi revoir – une nouvelle fois – les modalités du premier concours d’accès, pour en « alléger les épreuves », et promouvoir les autres voies d’accès, dont 51 % des magistrats sont issus, afin de faciliter la reconversion professionnelle par « des formations plus adaptées à d’autres profils ».
En l’espèce, la ville de Dunkerque a consenti, par acte du 9 avril 2010, à la société GHM une promesse synallagmatique de bail à construction afin de réaliser et d’exploiter un hôtel restaurant contigu au palais des congrès Le Kursaal. Reprochant à la commune d’avoir refusé de réitérer la promesse par acte authentique, la société Dunotel, venant aux droits de la société GHM, s’est tournée vers le juge judiciaire. La cour d’appel de Douai a rejeté...
Candidate à un appel d’offres lancé par le ministère de l’écologie pour la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité, la société Reunisolis a été informée par courrier du 27 juin 2016 du rejet de son offre. Elle a formé le 8 août un recours gracieux,...
Le propriétaire de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Lattes, après avoir été exproprié d’une partie de son terrain, a demandé au maire de la commune de convoquer le conseil municipal afin de modifier le classement prévu par le PLU. La décision implicite par laquelle le maire a rejeté cette demande a été...
Le juge des référés du Conseil d’État a donc rejeté la demande de suspension de la circulaire du 6 septembre 2017 qui fixe les orientations à respecter pour la mise en œuvre du dispositif relatif aux contrats aidés pour le second semestre 2017. Il ressort de ce document que les deux tiers des crédits d’aide à l’insertion ont été consommés au cours du premier semestre 2017. L’insuffisance d’emplois financés au second semestre a imposé de cibler le dispositif « vers les bénéficiaires les plus éloignés de l’emploi et là où ils sont indispensables à la cohésion...
Comme l’année précédente, la situation financière des collectivités territoriales s’est globalement améliorée en 2016, constate la Cour des comptes dans son rapport Les finances publiques locales, rendu public le 11 octobre. Cette amélioration est due en particulier à la contraction des dépenses de fonctionnement, qui ont baissé de 1,1 %. Mais, tout en saluant cet effort, la Cour estime que ce mouvement de maîtrise des finances publiques locales « doit être poursuivi et amplifié ».
En effet, la Cour craint une reprise de la hausse des dépenses en 2017, sous l’effet notamment de l’impact des « normes » nouvelles (qu’elle définit comme les décisions prises au niveau national qui impactent les dépenses locales). Elle évalue cet impact à environ 1 milliard d’euros, soit plus du double de 2016. Elle évoque également les « coûts de transition » de la réforme territoriale (de l’alignement vers le haut des politiques publiques et des régimes de rémunération du personnel au changement des logos).
Une situation financière hétérogène et fragile
Par ailleurs, l’amélioration d’ensemble « ne doit pas masquer le caractère globalement fragile et très hétérogène de la situation financière des collectivités locales », a déclaré le premier président, Didier Migaud, lors de la présentation du rapport à la presse. La Cour s’inquiète en particulier de la baisse de l’autofinancement du bloc communal, du poids des dépenses sociales pour les départements et de l’alourdissement de l’endettement des régions. Sur le deuxième point, ses prévisions sont très pessimistes et, à long terme, elle ne voit d’autre solution que la recentralisation du revenu de solidarité active. Elle constate également des situations très différentes au sein de chaque catégorie de collectivités.
Contrairement aux associations d’élus, la Cour estime que la baisse des dépenses peut et doit se poursuivre. Mais, si la baisse générale des dotations a été un levier efficace, l’État doit aujourd’hui avoir une action plus fine, tenant compte de la diversité des situations. Il faut prendre en compte non seulement les efforts de gestion déjà réalisés – et qui eux aussi ont été hétérogènes – mais surtout la richesse et les charges des collectivités. La Cour prône donc une réforme des dotations faisant une part plus large à la péréquation. Par ailleurs, s’il est trop tôt pour réaliser un bilan global de la réforme territoriale – que la Cour prévoit d’effectuer en 2019 –, le rapport laisse percer un certain scepticisme. Les lois MAPTAM et NOTRé constituent « une avancée notable » mais qui, pour les magistrats de la rue Cambon, « doit être considérée comme une première étape ». En effet, aucun niveau d’administration n’a été supprimé (un ayant même été ajouté sur le territoire des métropoles de Paris et Marseille) et la clarification des compétences a été modeste.
Surtout, la Cour des comptes appelle à une évolution des relations entre l’État et les collectivités vers un « partage des responsabilités en matière de maîtrise des finances publiques ». Elle pointe ainsi le manque de concertation et de dialogue autour de la fixation de l’objectif d’évolution de la dépense locale. « Il est essentiel, estime-t-elle, que, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, les prévisions relatives à leur trajectoire financière soient élaborées dans le cadre d’un exercice partagé ». Et la Cour de prôner à nouveau le vote d’une loi de financement des collectivités locales.
La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté, le 6 octobre, le recours de la Fédération de la libre pensée de Vendée contre le refus du président du conseil général de ce département de faire droit à sa demande tendant à ce qu’aucune crèche de la nativité ne soit installée dans les locaux de la collectivité. La veille, le tribunal administratif de Lyon avait, pour sa part, annulé la décision du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche à l’hôtel de région du 14 décembre 2016 au 6 janvier 2017.
Loin de marquer des divergences de jurisprudence, ces solutions différentes sont la conséquence logique de l’approche casuistique de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122, Cne de Melun, Lebon avec les concl. et n° 395223, Fédération de la libre pensée de Vendée, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 2135 ; ibid. 2375, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2456, entretien D. Maus ; ibid. 2017. 345, édito. N. Dissaux ; AJCT 2017. 90 , obs. F. De la Morena et M. Yazi-Roman ; RFDA 2017. 127, note J. Morange ).
La cour de Nantes était saisie d’un des deux dossiers soumis à l’assemblée et que celle-ci avait choisi de lui renvoyer après cassation (alors qu’elle avait réglé au fond l’affaire de Melun). Se tenant scrupuleusement aux critères posés par l’assemblée, elle relève « que la crèche en litige est, depuis l’achèvement de cet immeuble, et plus précisément depuis décembre 1990, installée chaque année, durant la période de Noël, dans le hall de l’hôtel du département de la Vendée, soit depuis plus de vingt ans à la date de la décision contestée ; qu’elle est mise en place au début du mois de décembre et est retirée aux environs du 10 janvier, dates qui sont exemptes de toute tradition ou référence religieuses, et que son installation est dépourvue de tout formalisme susceptible de manifester un quelconque prosélytisme religieux ; que cette crèche de 3 mètres sur 2 mètres est située dans un hall d’une superficie de 1 000 m² ouvert à tous les publics et accueillant, notamment, les manifestations et célébrations laïques liées à la fête de Noël, en particulier l’Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et celui des enfants de la DDASS ; que, dans ces conditions particulières, son installation temporaire, qui résulte d’un usage culturel local et d’une tradition festive, n’est pas contraire aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques et ne méconnaît pas les dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ».
Refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité
Au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, en revanche, il « ne ressort pas des pièces du dossier que l’installation de cette crèche dans l’enceinte de ce bâtiment public, siège d’une collectivité publique, résulte d’un usage local. En effet, aucune crèche de Noël n’a jamais été installée dans les locaux du siège lyonnais de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette installation était accompagnée d’un autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif, alors même que la crèche a été réalisée par des artisans de la région et que l’installation permet l’exposition de leur savoir-faire ». L’installation de la crèche lyonnaise a donc « méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ».
Il est à noter que le tribunal administratif de Lyon avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 tel qu’interprété par l’assemblée du contentieux. Il refuse la transmission de cette QPC qui, selon lui, ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l’interprétation du Conseil d’État s’appuie expressément sur la Constitution et en particulier sur les trois premières phrases du premier alinéa de son article 1er.
Dans le cas où le contrat est écarté en raison d’une faute de l’administration, il peut en outre sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Il peut ainsi « demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre […]. Saisi d’une demande d’indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice ».
En l’espèce, la société Cegelec Perpignan a été déclarée attributaire du lot n° 8 du marché passé par le centre hospitalier de Narbonne pour la construction d’un centre de gérontologie. Saisi par la société Spie Sud-Ouest, le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Montpellier, après avoir constaté que la signature du contrat avant l’expiration du délai de stand-still avait privé la société Spie Sud-Ouest de la possibilité d’introduire un référé précontractuel, a prononcé l’annulation du marché en raison de plusieurs irrégularités affectant les critères de sélection des offres. Le centre hospitalier a relancé une procédure et attribué le nouveau marché à la société Spie Sud-Ouest. La société Cegelec a alors demandé à l’hôpital puis au juge administratif de l’indemniser du préjudice subi en raison de l’annulation du marché dont elle était titulaire. Le tribunal administratif a condamné la personne publique à lui payer 132 616 €. En appel, la cour administrative de Marseille a ramené à 12 470 € la condamnation. Selon elle, la société ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à la conclusion du contrat, dès lors que la procédure engagée était, comme l’a jugé le juge des référés contractuels, suffisamment irrégulière pour qu’il prononce la nullité de ce contrat. Ainsi, elle n’a pas droit à la rémunération des bénéfices qu’elle attendait du contrat, lequel n’a connu aucun commencement d’exécution.
Pour le Conseil d’État, la cour administrative d’appel « a ainsi entendu juger que les manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur avaient eu une incidence déterminante sur l’attribution du marché à la société Cegelec Sud-Ouest et que, dès lors, eu égard aux motifs retenus en l’espèce par le juge du référé contractuel, le lien entre la faute de l’administration et le manque à gagner dont la société entendait obtenir la réparation ne pouvait être regardé comme direct ; que la cour n’a entaché son arrêt sur ce point d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur de qualification juridique ».
Dans un arrêt du 4 octobre, le Conseil d’État apporte de nouvelles précisions à la jurisprudence Gourlot (CE 27 juin 2005, n° 272551, Lebon T. ), qui a posé le principe que sont des dépenses de campagne susceptibles de faire l’objet d’un remboursement par l’État « celles dont la finalité est l’obtention des suffrages des électeurs. »
En l’espèce, le litige opposait la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) à deux candidats têtes de liste Modem-UDI aux élections européennes de 2014. La Commission avait réformé le compte de l’ancien...
Lundi après-midi en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs se sont accordés sur une version commune du « projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » (V. Dalloz actualité, 29 sept. 2017, art. P. Januel ). Les députés ont fait plusieurs concessions aux sénateurs. La majorité de droite du Sénat a en effet été plus exigeante en matière de libertés publiques que l’Assemblée (alors même que les députés LR ont rejeté un texte qui n’allait pas assez loin).
Une des principales modifications par rapport à la version votée par l’Assemblée est la suppression pour les personnes assignées à résidence (art. 3) de devoir déclarer tous leurs numéros d’abonnement et identifiants (hors mots de passe).
Présente dans le projet de loi déposé par le gouvernement, cette possibilité avait été supprimée par le Sénat en raison de l’atteinte à la vie privée et du principe de non auto-incrimination, mais l’Assemblée l’avait rétablie. C’est la seconde fois que le gouvernement échoue à l’inclure dans un projet de loi, après une première tentative en 2016.
Par ailleurs, la CMP a précisé le fait qu’une personne qui diffuse une idéologie djihadiste ne pourrait être assignée que si cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à cette idéologie.
Concernant les visites domiciliaires (art. 4), les parlementaires ont rétabli la possibilité d’un recours en nullité devant la chambre de l’instruction contre une visite domiciliaire qui aurait fondé une procédure judiciaire, alors même que l’ordonnance autorisant la visite peut déjà faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris.
Sur la fermeture des lieux de culte (art. 2), ces derniers pourront être fermés aux fins de lutter contre le terrorisme, si les « propos qui y sont tenus, les idées ou théories qui y sont diffusées ou les activités qui s’y déroulent » provoquent à la violence, à la haine, à la discrimination ou au terrorisme (ou en font l’apologie). Les parlementaires ont donc supprimé la notion « d’écrits », redondante avec les notions « d’idées et théories ». Par ailleurs, la violation de l’interdiction sera passible de six mois de prison, une peine plus conforme à l’échelle des peines que les trois ans envisagés par l’Assemblée.
Autre concession de l’Assemblée, sur l’article 10 relatif aux contrôles d’identité frontaliers, la CMP a réduit les zones au sein desquelles ils pourront avoir lieu à 10 km autour des points de passage frontaliers (notamment les ports et aéroports), à la place des 20 km prévus.
La CMP a également conditionné les subventions d’actions de prévention et lutte contre la radicalisation au respect d’un cahier des charges arrêté par le ministre de l’intérieur (art. 4 ter B nouv.), alors même que ces actions relèvent parfois d’autres ministères.
Sur le PNR maritime (art. 7), les parlementaires ont aligné les conditions d’accès des services aux conditions prévues pour le PNR aérien : il s’agira d’un accès indirect et non direct.
Enfin, la commission mixte paritaire a élargi l’information en temps réel du Parlement et la « clause d’autodestruction » à d’autres articles. Alors que l’Assemblée avait réservé cette clause aux mesures les plus attentatoires aux libertés (assignation et visites domiciliaires), la CMP l’a étendue aux périmètres de protection et à la fermeture de lieux de culte. Toutefois, cette clause d’autodestruction, un classique des lois terrorisme, a souvent sauté ensuite sans débat au cours de textes législatifs ultérieurs.
Ce texte de compromis sera étudié par l’Assemblée mercredi 11 et par le Sénat le 18 octobre. Les groupes parlementaires de gauche devraient rapidement décider s’ils saisissent le Conseil constitutionnel.
Le Conseil d’État a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance par un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) des orientations définies au III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est invocable à l’appui d’un recours contre un arrêté assurant la mise en œuvre du schéma, alors même que ce dernier ne peut plus être...
Le Conseil d’État précise les caractéristiques d’une ligne de transport régulier qui doivent être prises en compte par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) pour apprécier l’équilibre économique des services de transport organisés par une région.
Le litige, en l’espèce, est un nouvel exemple de la mise en place délicate des liaisons régulières interurbaines – innovation de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – qui sont susceptibles de concurrencer directement le transport ferroviaire. La société Eurolines avait déposé auprès de l’ARAFER, le 4 décembre 2015, deux déclarations portant sur un service régulier interurbain de...
Si la demande précise les questions à inscrire à l’ordre du jour, il ne peut refuser, en tout ou partie, de les inscrire que s’il estime, sous le contrôle du juge, qu’elles ne sont pas d’intérêt communal ou que la demande présente un caractère manifestement abusif.
Dès lors, précise le Conseil d’État dans un arrêt récent, « le maire d’une commune de moins de 3 500 habitants qui, à la suite de la demande de la majorité des membres...