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Entre 2005 et 2014, Monsieur D., propriétaire d’une parcelle à Grasse, a fait réaliser d’importants travaux sur une ancienne « maison de gardien », aboutissant à la réalisation d’une « maison de famille », constituant un ensemble immobilier destiné à l’organisation de grandes réceptions.

Plusieurs procès-verbaux d’infraction ont été dressés par la commune de Grasse, constatant la réalisation de constructions et d’extensions irrégulières sur la parcelle appartenant à Monsieur D., classée en zone NA du plan d’occupation des sols de la commune, n’autorisant que l’extension et l’aménagement des constructions existantes.

Pour régulariser ces travaux irréguliers, Monsieur D. ainsi que les diverses sociétés créées par ce dernier, ont déposé le 5 octobre 2005, par l’intermédiaire d’un architecte, une demande de permis de construire de régularisation.

Un permis de construire initial leur a ainsi été délivré le 18 juillet 2006 par la commune de Grasse, puis un permis de construire modificatif en date du 5 novembre 2008.

Poursuivant l’agrandissement de son domaine, Monsieur D. a réalisé plusieurs nouvelles extensions sans autorisation, qui ont fait l’objet de procès-verbaux en date des 25 juin 2012 et 21 janvier 2014.

Monsieur D. et plusieurs sociétés créées par ce dernier, ont été poursuivis pour exécution de travaux sans permis de construire, violation du plan local d’urbanisme ou du plan d’occupation des sols, poursuite de travaux malgré plusieurs arrêtés interruptifs de travaux.

Les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables, dit que le permis de construire obtenu le 18 juillet 2006 était frauduleux, que la fraude a entaché l’ensemble du projet et les a condamnés à payer diverses amendes et a ordonné la démolition de l’ensemble des ouvrages sous astreinte.

Parallèlement, le tribunal a reçu les constitutions de partie civile des époux B. et de Madame S. et a condamné les prévenus à leur payer des dommages et intérêts.

Toutes les parties et le ministère public ont formé appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Cette dernière, dans un arrêt rendu le 25 mars 2019, a condamné, pour infractions au code de l’urbanisme, la SCI F. et Monsieur D. à 200 000 € d’amende chacun, la SCEA L. à 50 000 € d’amende, et a ordonné une mesure de remise en état sous astreinte et s’est prononcée sur les intérêts civils.

C’est contre cet arrêt du 25 mars 2019 que Monsieur D. et les diverses sociétés créées par ce dernier se sont pourvues devant la Cour de cassation, qui a rejeté l’ensemble de leurs pourvois.

Les époux B. et Madame S., insatisfaits de la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en ce qu’elle a rejeté leurs demandes de remise en état au titre des réparations civiles, se sont pourvus...

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Auteur d'origine: Rouquet

L’ouverture des débats sur la loi Séparatisme, lundi, a été marquée par de nombreuses prises de parole de députés contre ce contrôle des cavaliers. Hier, sur 1 732 amendements, 332 avaient été déclarés irrecevables. Mais pour de nombreux groupes, il s’agissait de leurs amendements les plus importants. Ainsi, les amendements d’Aurore Bergé et Jean-Baptiste Moreau (LREM) sur les signes religieux ostentatoires des enfants ne seront pas débattus. Tout comme ceux des députés PS sur la mixité sociale ou du groupe LR sur le développement des enquêtes administratives. En conférence de presse, Jean-Luc Mélenchon a critiqué le durcissement de ce contrôle des cavaliers, œuvre d’un « comité occulte », « abus du gouvernement et de ses séides afin d’éliminer ici tout ce qui les dérange ».

Ne pas faire de nous « de mauvais législateurs »

Ce contrôle renforcé ne vient pas de nulle part. En 2019, à la suite de plusieurs censures importantes, l’Assemblée nationale avait décidé de mettre en place un contrôle préalable des cavaliers législatifs (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. P. Januel). Malgré cela, lors de sa décision sur la loi ASAP fin 2020, le Conseil constitutionnel a encore censuré vingt-six articles. Le 14 décembre, Richard Ferrand a donc écrit (lettre jointe à cet article) à l’ensemble des groupes pour les avertir que l’Assemblée procéderait à un strict contrôle des cavaliers : « S’en affranchir reviendrait à nous exposer à des décisions d’inconstitutionnalité encore plus sévères et ferait de nous de mauvais législateurs. »

La première victime de ce durcissement fut le gouvernement : alors qu’Éric Dupond-Moretti souhaitait introduire le recours juridictionnel sur les conditions de détention dans la loi Parquet européen, l’amendement fut déclaré irrecevable. Mais si ce contrôle est effectué avec la même vigueur, quelle que soit l’origine de l’amendement, le gouvernement a la main sur le contenu initial des projets de loi. C’est donc d’abord l’initiative parlementaire qui souffre.

Le contrôle est effectué par les présidents de commission et les rapporteurs, avec l’appui des administrateurs parlementaires. Mais il pose deux difficultés : d’une part, la jurisprudence sur les cavaliers est très incertaine, et il arrive aux assemblées et au Conseil constitutionnel d’adopter des positions contradictoires. Les efforts de pédagogie initiés par le Conseil dans ses récentes décisions devraient permettre à la jurisprudence de se forger. D’autre part, contrairement au contrôle de la recevabilité financière effectué par le président de la commission des finances, qui est un membre de l’opposition, celui sur les cavaliers met en première ligne les présidents de commission. Comme membres de la majorité, ils sont bien plus souvent contestés.

Les raisons d’un contrôle renforcé

La lutte contre les cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel a été progressive. Dégagé en 1985, ce contrôle a été systématisé en 2006. En 2008, les députés avaient souhaité assouplir la jurisprudence en indiquant à l’article 45 la notion de « lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ce faisant, loin d’assouplir le contrôle, ils ont alors inscrit le contrôle des cavaliers dans la Constitution. Quand, à partir de 2014, le Conseil a souhaité lutter contre des lois trop longues, trop bavardes et parfois incohérentes, il a alors trouvé dans cet article 45 une arme redoutable à défaut d’être efficace.

Car parallèlement, le nombre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat a continué d’augmenter. Le non-cumul des mandats, la multiplication des groupes… les explications à cette explosion sont multiples. Surtout, les parlementaires ont été incapables de s’autoréguler et la durée des débats n’a cessé de s’allonger.

Interrogés hier, plusieurs parlementaires regrettaient que Richard Ferrand ait aussi facilement accepté le durcissement du contrôle. « Cela profite à la majorité, qui évite ainsi que les débats sur un projet de loi ne débordent », indiquait un député d’opposition. « Mais cela restreint encore notre rôle politique. »

Auteur d'origine: Bley

L’usage de drones par les services de police et de gendarmerie a été révélé lors du premier confinement par divers articles de presse qui, en cascade, ont été à l’origine de plusieurs saisines du Conseil d’État. En l’absence de garanties, a-t-il énoncé, le traitement de données à caractère personnel résultant de cet usage n’est pas conforme à la loi Informatique et Libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978 (CE 22 déc. 2020, req. n° 446155, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. P. Dupont et G. Poissonnier ; CE, ord., 18 mai 2020, req. nos 440442 et 440445, Dalloz actualité, 22 mai 2020, obs. C. Crichton). En parallèle, la CNIL a mené sa propre instruction, d’abord par un courrier du 23 avril 2020 adressé au ministère de l’Intérieur et resté sans réponse, ensuite par une procédure de contrôle ouverte le 7 mai 2020. Le 12 janvier 2021, la formation restreinte de la CNIL a prononcé à l’encontre du ministère de l’Intérieur un rappel à l’ordre pour manquement aux dispositions de la loi Informatique et Libertés assorti d’une injonction de mise en conformité.

La CNIL a constaté que « la préfecture de police de Paris, le commissariat de Cergy-Pontoise et le groupement de gendarmerie départementale de Haute-Garonne ont utilisé des drones afin de vérifier le respect des mesures de confinement. Par ailleurs, la préfecture de police de Paris a également utilisé ces dispositifs pour d’autres finalités, telles que des missions de police judiciaire (reconnaissance d’un lieu avant une interpellation, surveillance d’un trafic de stupéfiants), des opérations de maintien de l’ordre (surveillance de manifestations) ou de gestion de crise et des contrôles routiers (surveillance de rodéos urbains) » (pt 10).

Sans surprise, la CNIL considère que toute opération « – notamment la captation, la transmission, la modification ou la consultation – portant sur l’image de personnes pouvant être reconnues constitue un traitement de données à caractère personnel » (pt 17) au sens de l’article 4, 2, du règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD). Il convient de rappeler que la simple collecte de données à caractère personnel constitue un traitement, ce quand bien même les données feraient immédiatement l’objet d’une occultation automatisée. Les drones équipés d’une caméra procèdent dès lors à un traitement de données à caractère personnel par la captation des images. Quand bien même ils seraient équipés d’un système de floutage, ajoute la CNIL, les drones enregistraient des images non floutées et l’accès à ces données non occultées était rendu possible par certaines personnes. Il existe donc en tout état de cause un traitement de données à caractère personnel.

Après avoir désigné le ministère de l’Intérieur comme responsable de traitement (pts 29-32) et rappelé qu’est applicable le titre III de la loi Informatique et Libertés portant transposition de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016, la CNIL s’est intéressée aux manquements commis par ledit ministère.

Le traitement doit tout d’abord être encadré par une disposition législative ou réglementaire (L. n° 78-17, art. 89, I) pour les traitements relevant de la directive (UE) 2016/680 (L. n° 78-17, art. 87 : « traitements de données à caractère personnel mis en œuvre, à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales »). Si le traitement est un traitement de données sensibles relevant de l’article 6, I, de la loi n° 78-17, il doit en outre être autorisé par un décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL (L. n° 78-17, art. 89, II). Tel n’est pas le cas en l’espèce, les traitements ayant lieu sans texte (pts 42-43). Sur ce point, l’avis n° 401214 rendu le 20 septembre 2020 par le Conseil d’État est intéressant puisqu’il estime que la surveillance policière par drones relève de la matière réservée au législateur conformément à l’article 34 de la Constitution, ce eu égard à l’atteinte aux libertés fondamentales qu’engendre une telle pratique. Par son arrêt rendu le 22 décembre 2020, le Conseil d’État mentionnait que le traitement de données à caractère personnel résultant d’une surveillance par drones aux fins de protection contre les menaces pour la sécurité publique et de prévention de telles menaces, « sans l’intervention préalable d’un texte en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation », est de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité (req. n° 443155, préc., spéc. pts 12-13). Or, dans ce cadre, était fait mention d’un « texte » sans précision supplémentaire. Sur cette question, la CNIL exige simplement une « disposition législative ou réglementaire » autorisée par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL (pt 40).

La CNIL reproche également au ministère de l’Intérieur l’absence d’analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel puisque le traitement effectué par drones fait naître un risque élevé du fait des caractéristiques des drones pouvant filmer en haute résolution à tout lieu et à tout moment ; de l’utilisation qui en est faite, de nature à révéler les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques des personnes, ou leur appartenance syndicale ; et que le traitement est potentiellement effectué à l’insu des personnes et en l’absence de toute information (pts 44-47 ; L. n° 78-17, art. 90).

La CNIL sanctionne enfin un manquement à l’article 104 de la loi Informatique et Libertés relatif à l’information des personnes (pts 49-53). D’une part, aucune des informations figurant à cet article n’était délivrée aux personnes. D’autre part, seul l’acte instaurant le traitement – inexistant en l’espèce – permet d’octroyer au responsable de traitement des restrictions aux droits des personnes et notamment au droit de l’information.

Les motifs de la CNIL concernant les mesures de publicité de la décision sont relativement inhabituels et méritent d’être relevés en ce qu’ils sont portés sur l’avenir de l’usage des drones. Après avoir souligné les risques pour les droits et libertés des personnes, la CNIL relève, d’une part, que la performance des drones ne cessera de s’améliorer, rendant de moins en moins aisé pour les personnes de prendre conscience des traitements opérés (pt 60), et, d’autre part, que « le perfectionnement de technologies telles que la reconnaissance faciale pourrait entraîner, à l’avenir, des risques encore plus importants pour les droits et libertés individuelles si elles étaient couplées à l’utilisation de drones » (pt 61). Le fait que « le public [ait] démontré, au cours des derniers mois, un intérêt légitime pour les questions relatives au traitement de ses données à caractère personnel par l’État » constitue également pour la CNIL un motif justifiant la mise en ligne de sa délibération (pt 63).

Auteur d'origine: nmaximin
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Le Conseil d’État avait été saisi par plusieurs organisations syndicales et associations d’une demande d’annulation des dispositions du I et du II bis, dans leur version issue du décret du 14 juin 2020, et du V de l’article 3 du décret du 31 mai 2020, en tant qu’elles s’appliquent aux manifestations sur la voie publique. Par une ordonnance du 13 juin 2020, le juge des référés du Conseil d’État avait suspendu l’exécution des dispositions du I de l’article 3 du décret du 31 mai 2020 (CE 13 juin 2020, n° 440846, Ligue des droits de l’homme, Confédération générale du travail, AJDA 2020. 1198 ; D. 2020. 1303, et les obs. ). Par un décret du 14 juin 2020, le Premier ministre a modifié la disposition suspendue en...

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Auteur d'origine: emaupin
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Au prix de quelques réserves et d’un déclassement, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution, le 14 janvier, la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE). La réforme voulue par le gouvernement pour faire du CESE le « carrefour des consultations publiques » va donc pouvoir entrer en vigueur (v. AJDA 2020. 2468 ).

La première réserve posée par les juges de la rue de Montpensier concerne l’article 9 de la loi qui permet à des personnes tirées au sort et à des représentants d’instances consultatives locales de...

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Auteur d'origine: Montecler

Cette nouvelle vision ne sera pas limitée à la création de nouvelles aires protégées mais tendra aussi à améliorer leur gestion ou leur intégration dans les territoires.

C’est la première fois qu’une stratégie qui intègre des enjeux terrestres et maritimes est adoptée. Pour y parvenir, sept objectifs ont été définis – développer un réseau d’aires protégées résilient aux changements globaux ; avoir une gestion efficace et...

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Auteur d'origine: emaupin

L’affaire du siècle a débuté par une pétition, et, ce jeudi 14 janvier 2021, la voici qui était portée devant le tribunal administratif de Paris. Fort d’un engouement populaire exceptionnel, la pétition ayant réuni 2,3 millions de signatures, les quatre associations à l’origine de la procédure, après avoir acté le rejet de demandes préalables indemnitaires de la part de l’État le 15 février 2019, entendent engager la responsabilité de l’État pour les « carences fautives » de sa politique en matière de réduction de gaz à effet de serre, et pour le préjudice écologique qui en résulterait et dont il serait un responsable.

Dans ses divers engagements internationaux, notamment lors des accords de Paris, la France s’est engagée à limiter ses émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre un bilan neutre en 2050. Pour cela, elle s’est fixé une trajectoire : 1,5 % de réduction des émissions par an, puis 3,2 % à partir de 2025. Pour ce faire, il lui faut améliorer son efficacité énergétique, qui se décline d’une part par la baisse de la consommation énergétique et d’autre part par l’amélioration de l’efficacité énergétique. Or, ces objectifs n’ont pas été atteints sur la période 2015-2019, comme en atteste l’observatoire climat-énergie, et comme le reconnaît le gouvernement lui-même. Le budget carbone aurait été dépassé de 4 %. En 2018 et 2019, la réduction des gaz à effet de serre n’a atteint que 0,9 %. Ce non-respect des plafonds d’émissions fixés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone se manifeste dans quasiment tous les secteurs : transports (en 2017, 10,6 % de dépassement), bâtiment (22,7 %) et agriculture (3,2 %). Dès lors, disent les associations, un simple objectif est insuffisant, et il est essentiel d’effectuer un véritable suivi et d’évaluer les mesures mises en œuvre. Dans son rapport de juillet 2020, le Haut conseil au climat pointait l’insuffisance des actions climatiques, au vu des objectifs poursuivis. La trajectoire fixée par le gouvernement (40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030) doit être contraignante.

Les associations requérantes demandent au tribunal administratif d’enjoindre l’État à prendre les mesures nécessaires aux fins de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ; prendre à tout le moins toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’augmentation de l’efficacité énergétique ; prendre les mesures nécessaires à l’adaptation du territoire national aux effets du changement climatique ; prendre les mesures nécessaires aux fins d’assurer la protection de la vie et de la santé des citoyens contre les risques liés au changement climatique.

Le gouvernement rejette ces accusations, estimant que des mesures complémentaires ont déjà été prises dans sa loi « énergie-climat » de 2019, et que celles-ci suffisent à démontrer les efforts réguliers de l’État pour atteindre les objectifs fixés.

« L’État a un rôle tout particulier, de réglementation et d’orientation des comportements »

Le rapporteur public, dans ses conclusions, a d’abord estimé que le préjudice écologique était un préjudice matériel, et que de ce fait les requérants n’avaient pas à arguer d’un préjudice personnel, mais d’un simple intérêt à agir au regard de leur activité.

Ensuite, elle a constaté que « l’État ne conteste pas les conclusions scientifiques » des rapports du GIEC de 2014 et 2018. Puis, le rapporteur public a évoqué l’arrêt Grande Synthe, rendu le 19 novembre 2020 par le Conseil d’État . Avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d’État a demandé au Gouvernement de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030. « C’est un arrêt peut être invoqué utilement à l’appui de la démonstration », a-t-elle dit, estimant que « la méconnaissance du budget carbone dès la première année suffit à établir une faute de l’État ».

Elle précise bien ce que la juridiction attend de l’État : « Si l’État est responsable, il n’est pas à l’origine de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, il a un rôle de régulateur. […] L’État a un rôle tout particulier, de réglementation et d’orientation des comportements afin d’imposer une limite de l’impact des comportements individuels. » La « modification structurelle » de nos comportements est de la responsabilité de l’État . Elle demande que le tribunal condamne l’État à la réparation du préjudice moral de trois des quatre associations requérantes (exceptée l’association « Notre affaire à tous », créée en 2015, qui n’aurait pas démontré un intérêt suffisant à agir), à l’euro symbolique demandé. Sa responsabilité peut être engagée en vertu de l’article 1247 du code civil, dit le rapporteur public. Cet article définit le préjudice écologique comme « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

Avant de demander au tribunal d’enjoindre l’État à mettre toutes les mesures en œuvre pour atteindre les objectifs permettant de faire cesser le préjudice écologique, le rapporteur public demande qu’il soit accordé un délai à l’État, comme dans l’arrêt Commune de Grande Synthe. Le tribunal remet donc sa clôture de l’audience à plus tard.

Auteur d'origine: Thill
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Pour la troisième fois en un peu plus de dix-huit mois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait se prononcer sur les rapports entre bien-être animal et abattage rituel. Ses deux premières décisions relevaient d’une logique d’articulation. D’un côté, le droit de l’Union européenne (UE) peut imposer que l’abattage rituel soit opéré dans des abattoirs agréés dans la mesure où un tel encadrement ne restreint pas la liberté religieuse (CJUE 29 mai 2018, aff. C-426/16, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen VZW e.a. c/ Vlaams Gewest,AJDA 2018. 1603, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; RTD eur. 2019. 395, obs. F. Benoît-Rohmer ). De l’autre, la certification européenne « agriculture biologique », qui inclut des standards élevés en matière de bien-être animal, ne peut être attribuée à la viande issue d’animaux abattus, selon les rituels religieux, sans étourdissement préalable (CJUE 26 févr. 2019, aff. C-497/17, OABA c/ Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Bionoor SARL, Ecocert France SAS, INAO, AJDA 2019. 1047, chron. P. Bonneville, S. Markarian, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2019. 805 , note F. Marchadier ; RTD eur. 2020. 323, obs. F. Benoît-Rohmer ). La dernière décision de la Cour, rendue le 17 décembre 2020, traduit cette fois une logique d’opposition. Les Etats membres souhaitant promouvoir le bien-être animal sont ainsi en droit de supprimer l’exception à l’obligation générale d’étourdissement préalable des animaux normalement accordée pour l’abattage rituel. 

C’est un décret adopté par le gouvernement flamand de Belgique le 7 juillet 2017 qui a transporté la controverse jusqu’aux prétoires. Celui-ci conditionne l’abattage rituel d’animaux à leur étourdissement préalable réversible et non létal. Il met ainsi à profit la possibilité laissée par le règlement (CE) n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, dont l’article 26, § 2 c), permet aux États membres d’adopter des mesures assurant une meilleure protection des animaux. Néanmoins, l’article 4, § 4, du même règlement prévoit explicitement une exception à l’obligation d’étourdissement préalable des animaux pour ce qui concerne la mise à mort réalisée conformément à des préceptes religieux. L’enjeu est donc de déterminer si la marge laissée aux États membres permet d’aller jusqu’à supprimer l’effet de l’exception prévue en matière d’abattage rituel. C’est dans ce contexte que la Cour constitutionnelle de Belgique, saisie par diverses associations juives et musulmanes de plusieurs recours en annulation contre le décret, a décidé de poser à la CJUE trois questions préjudicielles portant respectivement sur l’interprétation de l’article 26, § 2 c), du règlement, le respect de l’article 10, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux garantissant la liberté de religion et le respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique garanties par les articles 20, 21 et 22 de la Charte.

Le bien-être animal, une valeur de l’UE

La Cour, réunie en grande chambre, focalise l’essentiel de sa décision sur les deux premières questions, traitées conjointement. Elle rappelle avant tout que l’obligation d’étourdissement préalable, et plus généralement l’ensemble du règlement n° 1099/2009 soumis à son interprétation, traduisent le fait que le bien-être animal constitue une valeur de l’UE consacrée tant par l’article 13 TFUE que par la jurisprudence (v. not. l’arrêt Liga van Moskeeën préc., §§ 63-64 ; CJUE 23 avr. 2015, aff. C-424/13, Zuchtvieh-Export, § 35). Dès lors, ce n’est qu’à titre dérogatoire et pour assurer le respect de la liberté de religion qu’une exception est prévue pour ce qui concerne l’abattage rituel. À cet égard, compte tenu des disparités de traitement de l’abattage rituel entre les États membres, le législateur européen a entendu assurer un certain « degré de subsidiarité » en leur laissant la liberté d’adopter des mesures plus favorables à la protection des animaux. Dans ces conditions, c’est aux États membres eux-mêmes d’opérer la conciliation entre les deux valeurs protégées par le droit de l’UE. Assez logiquement, l’article 26, § 2 c), du règlement, pris in abstracto, ne porte donc aucune atteinte à la liberté de religion garantie par l’article 10, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux. Un État membre peut adopter des mesures plus favorables au bien-être des animaux au moment de leur mise à mort à la condition, cependant, que pareilles mesures respectent les droits fondamentaux.

Or, le décret adopté par la région flamande, qui relève effectivement, selon la Cour, du champ d’application de l’article 10, § 1er, de la Charte, apparaît limiter l’exercice du droit à la liberté des croyants juifs et musulmans. L’abattage rituel exige en effet que la mort de l’animal découle du seul fait qu’il se vide de son sang, raison pour laquelle, pour s’en assurer, l’étourdissement préalable n’est pas pratiqué. Afin de déterminer si une telle limitation de la liberté de religion est permise, la CJUE procède, en premier lieu, à différents constats. La réglementation nouvelle est bien prévue par la loi et n’aboutit pas à prohiber en tant que tel l’abattage rituel, encore que, sur ce dernier point, l’affirmation paraît un peu rapide et l’on pourrait objecter que l’absence d’étourdissement semble malgré tout en constituer pour les requérants un élément primordial. Le décret litigieux poursuit en outre un objectif d’intérêt général largement exprimé par le législateur flamand et reconnu par le droit de l’Union.

Proportionnalité de l’ingérence dans la liberté de manifester sa religion

En second lieu, la Cour se penche plus longuement sur le respect du principe de proportionnalité, sachant que dans le domaine des rapports entre État et religions, il convient de reconnaître la marge d’appréciation dont bénéficient les autorités nationales. Le raisonnement des juges procède en deux temps. D’une part, ils constatent que le législateur flamand s’est fondé sur un consensus scientifique établissant que l’étourdissement préalable constitue le meilleur moyen de réduire la souffrance des animaux au moment de leur mise à mort. Le décret adopté satisfait donc à la condition de nécessité. D’autre part, pour établir le caractère proportionné de l’ingérence dans la liberté de manifester sa religion, la Cour souligne que le législateur flamand s’est là encore appuyé sur des recherches scientifiques démontrant que l’étourdissement préalable n’avait aucune conséquence sur le fait que la mort des animaux était entraînée par la saignée. Selon ces études, la technique de l’électronarcose aboutit à un étourdissement réversible et non létal. Par conséquent, c’est l’argument principal au fondement de l’abattage rituel sans étourdissement qui est écarté, c’est-à-dire la crainte que la mort de l’animal soit causée par la technique d’étourdissement et non par la saignée. La Cour aurait sans doute pu s’arrêter là. Elle replace néanmoins le débat dans le cadre d’un conflit de valeurs : « la Charte est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques (…). Or, le bien-être animal, en tant que valeur à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une importance accrue depuis un certain nombre d’années, peut, au regard de l’évolution de la société, être davantage pris en compte dans le cadre de l’abattage rituel et contribuer ainsi à justifier le caractère proportionné d’une réglementation telle que celle en cause au principal » (§ 77). Pour toutes ces raisons, elle conclut au caractère proportionné des mesures adoptées par la région Flandre.

Respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique

Quant à la troisième question préjudicielle qui lui était posée, la Cour considère que la possibilité pour les États membres d’adopter de telles mesures ne contrevient pas aux principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique protégés par les articles 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux. Les requérants contestaient le fait que les États membres puissent imposer l’étourdissement préalable des animaux lors de l’abattage rituel alors que le règlement n° 1099/2009 ne contient aucune disposition semblable pour les animaux mis à mort lors de manifestations culturelles ou sportives ou dans le cadre d’activités de chasse ou de pêche. Pour les premières, la Cour retient qu’elles n’ont pas vocation à produire des denrées alimentaires autrement que de façon purement marginale. Elles n’entrent donc pas dans le champ de l’article 1er, § 1er, du règlement. Pour les secondes, les juges soulignent, non sans une certaine ironie, que les notions de chasse et de pêche perdraient tout leur sens si elles devaient être pratiquées sur des animaux préalablement étourdis.

Un bien-être animal valorisé

La tension persistante entre bien-être animal et abattage rituel en droit de l’Union européenne méritait bien un traitement à part entière. À ce titre, la décision rendue par la Cour fera date, d’autant qu’elle valorise nettement le bien-être animal en allant à l’encontre des conclusions de l’Avocat général G. Hogan. Elle n’apparaît toutefois pas exempte de critiques.

D’une part, si son raisonnement traduit un appel à faire évoluer les pratiques en matière d’abattage rituel, la Cour ne nomme pas explicitement les choses. Elle se range derrière les avis scientifiques mis en avant par le législateur flamand. Cependant, il faut savoir que le débat sur l’étourdissement préalable des animaux existe au sein même des institutions religieuses et que certaines y sont favorables (v. F. Marchadier, L’abattage, le bien-être de l’animal et la labellisation « agriculture biologique », D. 2019. 805 , spéc. p. 807, citant not., D. Boubakeur, Rapport de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris à propos du sacrifice islamique des animaux destinés à la consommation halal et sur les méthodes internationales récemment admises par les pays musulmans, Revue semestrielle de droit animalier, 2010/2, p. 169 ; A. Peters, L’abattage religieux et le bien-être animal revisités, Cahiers de droit européen, 2020/1, p. 128 citant par exemple une recommandation commune de la Ligue islamique mondiale et de l’OMS datant de 1986). Ce n’est évidemment pas à la Cour de le trancher pour ces dernières. Cela dit, l’évoquer aurait pu montrer que le bien-être animal et la liberté de religion ne sont pas, contrairement à ce que laissent entendre certains points de la décision, deux valeurs parfaitement irréconciliables.

D’autre part, il est permis de s’étonner du constat, partagé par la Commission, selon lequel la Flandre peut bien imposer l’étourdissement lors de l’abattage rituel dès lors que la libre circulation des produits provenant d’autres Etats membres n’est pas entravée et permet en conséquence de se procurer de la viande issue d’abattages rituels réalisés sans étourdissement.

Enfin, il n’apparaît pas inutile de rappeler que la possibilité d’imposer l’étourdissement y compris lors de l’abattage rituel d’animaux intervient dans un contexte où l’effectivité de la législation européenne en matière de bien-être animal est perçue comme laissant à désirer (v. not., C. Maubernard, Conclusions du Conseil de l’Union européenne : le bien-être animal entre consécration de haut niveau et vacuité des considérations matérielles, Revue semestrielle de droit animalier, 2020/1, pp. 131-133 ; Cour des comptes européennes, Rapport spécial n° 31/2018, Bien-être animal dans l’UE : réduire la fracture entre des objectifs ambitieux et la réalité de la mise en œuvre, novembre 2018). Il suffit de renvoyer sur ce point aux images de mauvais traitements dans les abattoirs régulièrement révélées dans les médias. Certes, ce n’est pas une raison pour ne pas adopter de mesures assurant une meilleure protection des animaux. Il faut néanmoins reconnaître qu’une fois ces remarques mises bout à bout et même si la promotion du bien-être animal peut être vue comme un progrès du point de vue d’une grande partie de l’opinion publique, les citoyens touchés par ces mesures n’en doivent pas moins garder un goût amer. 

Auteur d'origine: Dargent
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Le dispositif prévu par l’article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe à 1,2 % par an l’objectif national d’évolution maximale des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales (v. not., J.-F. Brisson, Décentralisation et contractualisation, AJDA 2019. 2435 ). Les contrats, conclus pour une durée de trois ans entre le représentant de l’État dans la région ou le département et les collectivités, devaient être finalisés avant la fin du premier semestre 2018. Faute d’accord avec le département de la Gironde, le préfet, par un arrêté du 24 octobre 2019, a notifié au département la fixation à 12 848 000 € pour l’exercice 2018 du montant de la reprise...

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Auteur d'origine: pastor

Un arrêté du 23 décembre 2020 (NOR : LOGL2036977A, JO 31 déc. 2020) procède, pour la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021, à l’actualisation des tarifs au mètre carré pour le calcul de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage en région d’Île-de-France (C. urb., art. L. 520-1 et L. 520-8).

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Auteur d'origine: Rouquet

Le dispositif du « logement d’abord » « constitue un exemple d’une politique publique permettant, lorsque les conditions nécessaires sont remplies, de faire mieux (au bénéfice des personnes sans domicile, y compris des plus fragiles d’entre elles) à un coût total moindre pour la collectivité publique ». Rien d’étonnant donc à ce que la Cour des comptes, apôtre notoire du faire mieux avec moins, plaide, dans un référé rendu public le 8 janvier, pour une accélération du plan « logement d’abord » 2018-20200, adopté...

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Auteur d'origine: Montecler
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Par une ordonnance du 22 décembre 2020, le Conseil d’État vient une nouvelle fois rappeler les limites fixées au recours par la puissance publique à des aéronefs sans pilote à bord équipés d’un dispositif de surveillance policière des manifestations. En l’absence d’encadrement législatif, le dispositif de surveillance par drone transmettant, même après floutage, des images à la préfecture de police de Paris pour un visionnage en temps réel, constitue un traitement illégal de données à caractère personnel.

Le dispositif policier des drones de surveillance : un traitement de données à caractère personnel illégal…

L’association La Quadrature du Net a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris aux fins de suspendre l’utilisation des drones lors de manifestations sur la voie publique, et d’enjoindre au préfet de police de cesser de capter et d’exploiter des images par ce procédé. L’association a produit une série de pièces (témoignages, clichés photographiques, articles de presse, vidéos diffusés sur les réseaux sociaux, etc.) donnant à penser que la préfecture de police continue à recourir des drones à des fins de police administrative, notamment pour la surveillance de manifestations publiques à Paris, et ce en dépit d’une ordonnance du Conseil d’État lui prescrivant d’y mettre fin (CE, ord., 18 mai 2020, n° 440442, La Quadrature du net et a., AJDA 2020. 1031 ; ibid. 1552 , note X. Bioy ; D. 2020. 1336, obs. P. Dupont , note P. E. Audit ; ibid. 1262, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJCT 2020. 530, obs. R. Perray et Hélène Adda ; Dalloz IP/IT 2020. 573, obs. Cassandra Rotily et L. Archambault ; RTD eur. 2020. 956, obs. A. Bouveresse ). Par ordonnance rendue le 4 novembre 2020, le juge des référés a rejeté la demande de l’association. Cette dernière a formé un pourvoi en cassation. Le 22 décembre 2020, le Conseil d’État a annulé l’ordonnance du juge et confirmé son opposition au procédé utilisé.

Véritables couteaux suisses aériens (J.-B. Charles et P. Dupont, J.-Cl. Transports, fasc. 962 : Drones civils. – Notion, cadre et régime, 2017 n° 1 ; P. Dupont, Les drones ou la Révolution aéronautique du 21e siècle, RFDAS, Vol. 276, n°4-2015, Pedone), les drones équipés d’appareils de photogrammétrie permettent de collecter des données. En l’espèce, la préfecture de police de Paris, qui s’est dotée d’une flotte d’une quinzaine d’aéronefs sans pilote à bord, utilise au moins quatre appareils équipés d’un capteur optique. Après application d’un procédé de floutage, les données collectées sont transmises au centre de commandement de la préfecture de police pour un visionnage en temps réel. Ce dispositif constitue-t-il un traitement de données à caractère personnel ?

Pour répondre à cette question, le Conseil d’État s’appuie (pts 3 et 4) sur la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel (JOUE, n° L. 119, 2 mai). Rappelons que, selon ce texte, les données à caractère personnel désignent « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable », ce qui comprend les éléments tels « qu’un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale » (art. 3.1). Par ailleurs, un « traitement » constitue toute opération effectuée ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquée à des données à caractère personnel, tels « que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction » (art. 3.2). Or, pour le Conseil d’État, le dispositif de surveillance mis en place par la préfecture de police, au regard de ses caractéristiques et de la finalité qu’il poursuit (pt 5 et 12), relève du champ d’application matériel de la directive (UE) 2016/680 : il constitue un traitement qui porte sur des données identifiantes (pts 6 et 7).

La Haute juridiction administrative s’est déjà prononcée - toujours en référé - sur la légalité d’un tel dispositif de surveillance utilisé pour limiter la propagation de la covid-19 dans le cadre des opérations de contrôle du confinement, en vertu du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 (JO 17 mars) et de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO 24 mars). À cette occasion, elle a ainsi précisé que l’emploi des drones de surveillance couplé à un système de traitement de données personnelles pouvait être légal mais sous deux conditions (CE, ord., 18 mai 2020, n° 440442, préc.). La première est de se conformer à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui impose de recourir, après un avis motivé et publié de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), à un arrêté autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel. La seconde condition consiste à doter les appareils embarqués de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées. À la suite de cette ordonnance, le Premier ministre a saisi pour avis le Conseil d’État qui a estimé que seul le législateur pouvait fixer les conditions d’usage des caméras aéroportées par l’administration (CE 20 oct. 2020, n° 401214, Dalloz actualité, 20 nov. 2020, obs. M.-C. de Montecler).

…qui nécessite un encadrement législatif actuellement à l’étude

Il n’est donc guère surprenant que le Conseil d’État ait censuré le dispositif utilisé par la préfecture de police qui, sans l’intervention préalable d’un texte en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée (pt 13). De toute évidence, il semble contrevenir aux dispositions de la directive (UE) 2016/680 et à la loi du 6 janvier 1978 (pt 12). Il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la décision du préfet de police de poursuivre l’utilisation de drones à des fins de police administrative dans le cadre de manifestations ou de rassemblements sur la voie publique et d’enjoindre au préfet de police de cesser de procéder aux mesures de surveillance par drone de ces manifestations ou rassemblements, tant que n’aura pas été pris un texte autorisant la création, à cette fin, d’un traitement de données à caractère personnel.

Dans son avis non contentieux n° 401214 rendu le 20 octobre 2020 (préc.), le Conseil d’État a précisé les conditions de légalité de la télésurveillance par drones. Ainsi, pour la haute juridiction administrative, « l’intervention d’un acte réglementaire autorisant le traitement des données personnelles collectées par une caméra aéroportée employée dans des missions de police générale ou à des fins de police judiciaire ne peut fournir une base légale suffisante à la captation d’images voire de sons par les autorités publiques au moyen de ce procédé [dans la mesure où celle-ci est] susceptible, par le survol rapproché et mobile de lieux publics ou de lieux privés qu’il permet, de porter atteinte à la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui implique le respect de la vie privée et d’affecter les garanties apportées aux citoyens pour l’exercice des libertés publique. [Un tel] procédé peut, par ailleurs, être utilisé aux fins de recueillir des preuves à l’appui de poursuites judiciaires et se rattache alors à la procédure pénale. À ce double titre, cette captation relève de matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, celui-ci pouvant seul, en en fixant les éléments principaux, définir les conditions permettant d’assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, comme il l’a fait pour la vidéo protection et les caméras individuelles ».

L’ordonnance du 22 décembre 2020 survient alors que la proposition de loi nº 3452 relative à la sécurité globale, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020, vise à remédier au vide juridique qui caractérise l’usage par la puissance publique des caméras aéroportées. Cette proposition adapte le régime des caméras individuelles de la police et de la gendarmerie nationales à leurs nouveaux besoins opérationnels (art. 21). Elle entend créer le régime juridique de captation d’images par des moyens aéroportés, aujourd’hui pratiquée en l’absence de cadre clair (art. 22). Le texte prévoit d’autoriser les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale et les forces de sécurité civile à filmer par voie aérienne pour des finalités précises, et ce en fixant les garanties qui assurent le respect des libertés publiques. Il introduit deux nouveaux articles nouveaux dans le code de la sécurité intérieure (CSI) :

- Art. L. 242-5 : « Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer : 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ; 2° La prévention d’actes de terrorisme ; 3° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ; 4° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ; 5° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ; 6° La régulation des flux de transport ; 7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières ; 8° Le secours aux personnes ; 9° La formation et la pédagogie des agents. »

- Art. L. 242 6 : « Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les services d’incendie et de secours, les formations militaires de la sécurité civile, la brigade des sapeurs pompiers de Paris et le bataillon des marins pompiers de Marseille peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer : 1° La prévention des risques naturels ou technologiques ; 2° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ; 3° La formation et la pédagogie des agents. »

Si ces dispositions devront de toute évidence se conjuguer avec les exigences du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JOUE, n° L. 119, 4 mai), dit « RGPD », et de la directive (UE) 2016/680, elles devraient permettre, comme le rappelle l’avis précité du Conseil d’État, d’élaborer, à l’instar de ce qui a été fait dans d’autres pays européens, un régime juridique commun de l’encadrement de l’emploi de caméras, complété le cas échéant par des dispositions adaptées aux spécificités de certains modes de captation. 

Auteur d'origine: Delpech
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Conformément à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà du 16 février 2021 nécessite une autorisation du législateur. Déclaré à compter du 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national par décret du 14 octobre 2020 (v. AJDA 2020. 1938 ) et prorogé jusqu’au 16 février 2021 par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, l’état d’urgence sanitaire a permis au gouvernement de prendre, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures limitant les déplacements des personnes hors de leur domicile, les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public, ainsi que l’accès aux établissements recevant du public.

Trois nouveaux rendez-vous !

Le projet de loi...

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Auteur d'origine: pastor
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Les élections municipales du 15 mars 2020 qui se sont tenues dans la commune d’Annemasse ont permis le renouvellement intégral du conseil municipal dès le premier tour avec un taux d’abstention record de près de 72 %. Conformément à l’article L. 262 du code électoral, les sièges ont été répartis de la manière suivante : la liste « Annemasse Ville d’Avenirs » a obtenu 2087 voix représentant 50,02 % des suffrages exprimés, soit la majorité absolue. Les listes « Générations Annemasse » et « Annemasse renouveau » ont respectivement obtenu 40,31 % et 9,65 % des suffrages. Elles ont donc pu compter sur 8 sièges pour la première et 1 siège au conseil municipal pour la seconde liste.

Élections municipales du 15 mars 2020 à Annemasse (taux d’abstention : 72,21%)
ListesVoixPourcentageSièges au conseil municipalSièges au conseil communautaire
« Annemasse Ville d’Avenirs »2087 (majorité d’une voix)50,02%3015
« Générations Annemasse »1682

40,31 %

84
« Annemasse renouveau »4039,65 %11
     

Les représentants de la liste arrivée en deuxième position ont saisi le juge administratif d’un recours tendant à l’annulation des opérations électorales du 15 mars 2020 à Annemasse. Selon les requérants, le taux d’abstention lié au contexte sanitaire aurait manifestement altéré la sincérité de l’élection.

C’est donc précisément sur cette question de l’existence d’un lien de causalité entre l’abstention, l’écart de voix et la sincérité de l’élection qu’ont dû trancher un nombre important de tribunaux administratifs depuis les résultats du 15 mars 2020 (v. not., R. Rambaud, Contentieux des élections municipales : les « lois » de l’écart des voix, AJDA 2020. 1596 ). Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2020 relatif aux opérations électorales de la commune d’Annemasse en est une dernière...

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Auteur d'origine: pastor

Si le projet de loi initial du ministère de la Justice avait pour objectif premier d’intégrer au droit français le parquet européen qui doit entrer en fonction en mars 2021, les dispositions relatives à la justice environnementale n’ont cessé de prendre de l’importance au fil des discussions. Partant du constat que le traitement actuel des infractions environnementales n’est pas satisfaisant, la loi nouvelle vise à adapter la procédure pénale aux spécificités d’un droit technique qui présente de forts enjeux en termes de réparation du préjudice et à laquelle la société civile prête de plus en plus attention. La loi du 24 décembre 2020 contient également deux innovations majeures en matière de justice pénale environnementale : la création de juridictions spécialisées et la possibilité de conclure une Convention judiciaire d’intérêt public pour les délits issus du code de l’environnement.

Améliorer la répression des infractions environnementales

L’objectif annoncé de la loi du 24 décembre 2020 (tel qu’il ressort de son étude d’impact et du rapport de l’Inspection générale de la justice d’octobre 2019 sur la justice pour l’environnement dont il s’inspire) est de renforcer la réponse pénale apportée aux délits environnementaux. Le contentieux de l’environnement ne constitue qu’une très faible part de l’activité des juridictions pénales, oscillant entre 0,5 % et 1 % des affaires traitées (étude d’impact, p. 142 ; rapport p. 20), un chiffre en baisse continue ces dernières années (rapport, p. 20). En outre, la réponse pénale aux infractions environnementales est constituée à 75 % de mesures alternatives aux poursuites, principalement des rappels à la loi ou des classements sans suite (Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, Inspection générale de la justice, oct. 2019, p. 55). Ainsi, en 2018, 1 993 condamnations ont été prononcées à l’encontre de personnes physiques pour des délits d’atteinte à l’environnement et 193 à l’encontre de personnes morales l’année précédente, pour des quantums d’amende jugés relativement bas par les autorités (étude d’impact, p. 158).

Cette situation résulterait pour partie d’un droit et d’une procédure ne parvenant pas à se saisir de la spécificité de la matière environnementale :

• en premier lieu, la grande technicité du droit pénal de l’environnement, nécessitant souvent la maîtrise de nombreuses données scientifiques, rend le traitement de ces dossiers délicats et conduit souvent les parquets à recourir à des qualifications pénales génériques plus faciles à manier, plutôt qu’aux qualifications prévues par le code de l’environnement (rapport, p. 26-27) ;

• en second lieu, la répression ne serait pas adaptée aux actes de pollution diffuse (utilisation de véhicules polluants, nuisances sonores, dépôts sauvages d’ordure, etc.). Ces actes, nombreux mais souvent isolés et individuels, ont très souvent pour sanction une contravention peu dissuasive alors que les moyens de preuve nécessaires à leur caractérisation sont difficiles à récolter (rapport, p. 28) ;

• enfin, la fragmentation du contentieux environnemental, que se partagent l’ordre administratif et l’ordre judiciaire, porte atteinte à la lisibilité et à l’efficacité de la lutte contre les infractions environnementales (rapport, p. 30).

La création de juridictions spécialisées

Afin d’y remédier, la loi du 24 décembre 2020 prévoit la création, dans le ressort de chaque cour d’appel, d’un pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement attaché à un tribunal judiciaire (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 15 ; la liste des tribunaux judiciaires concernés sera établie ultérieurement par décret).

Ce pôle spécialisé sera chargé de traiter les contentieux complexes – c’est-à-dire les affaires techniques, celles dans le cadre desquelles le préjudice subi est important ou celles qui s’étendent sur un vaste ressort géographique – qu’ils relèvent du code de l’environnement (étude d’impact, p. 158) du code forestier, de certaines infractions au code minier, du code rural et de la pêche maritime ou encore de certaines infractions non codifiées comme la mise illégale sur le marché de bois ou de produits dérivés de bois (L. n° 2014‑1170, 13 oct. 2014, art. 76).

Ces nouveaux pôles régionaux comprendront une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement dédiées. Les magistrats attachés à ces pôles spécialisés recevront une formation spécifique sur les problématiques environnementales, s’agissant notamment de l’évaluation du préjudice et de la détermination du lien de causalité. Ils exerceront leur compétence sur l’étendue du ressort de la cour d’appel pour les infractions complexes et les infractions connexes.

Les affaires ne présentant pas de gravité particulière ou de complexité continueront d’être traitées par les juridictions locales. À l’inverse, certaines affaires techniques d’ampleur telles que les pollutions de grande échelle liées à un produit réglementé (par exemple, l’accident de l’usine Lubrizol à Rouen) ou le contentieux des catastrophes environnementales et industrielles (telle la catastrophe de l’usine AZF à Toulouse en 2001) relèveront toujours de la compétence des deux pôles interrégionaux spécialisés de Paris et Marseille dédiés aux questions de santé publique et aux accidents collectifs (C. pr. pén., art. 706-2 et 706-176). De la même façon, les juridictions du littoral spécialisées continueront de traiter les affaires de pollution maritime tandis que les juridictions interrégionales spécialisées feront de même pour les dossiers de criminalité organisée ayant à la fois une grande complexité et une dimension environnementale (C. pr. pén., art. 706-75).

L’objectif du législateur est également que ces nouvelles juridictions, identifiées en tant que pôles de référence en la matière, facilitent la présence au moment de l’audience des agents et fonctionnaires spécialisés dans la lutte contre la criminalité environnementale. L’objectif est d’enrichir les débats lorsque des questions techniques se poseront, comme celle de la remise en état des milieux (étude d’impact, p. 153).

Plusieurs amendements déposés par le gouvernement et adoptés lors des discussions parlementaires ont complété ce dispositif en matière civile. La loi prévoit ainsi la création de juridictions miroirs en matière civile chargées des actions relatives à l’indemnisation du préjudice écologique ou des actions en matière de responsabilité civile prévues par le code de l’environnement ou certains régimes spéciaux de responsabilité civile (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 17).

La création d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale

Si, à ce jour, les mesures alternatives aux poursuites constituent la réponse pénale principale aux infractions environnementales, les parquets n’ont cependant d’autre choix que d’engager des poursuites judiciaires en présence d’atteintes graves à l’environnement commises par des personnes morales (étude d’impact, p. 151). Si le code de l’environnement prévoit déjà un mécanisme de règlement transactionnel à l’article L. 172-13, celui-ci n’a toutefois pas été pensé pour le traitement des infractions d’une certaine gravité (le code de l’environnement prévoit en effet un mécanisme de transaction pénale à l’article L. 173-12. Celui-ci permet à l’autorité administrative, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger auprès du procureur de la République avec les personnes morales ou physiques sur la poursuite des contraventions et délits prévus par le code de l’environnement. En échange, celles-ci doivent s’acquitter d’une amende transactionnelle et d’une ou plusieurs autres obligations comme la remise en conformité des lieux. Ce dispositif ne s’applique cependant qu’aux délits punis de moins de deux ans d’emprisonnement et le montant de l’amende se limite au tiers de celle encourue).

Or la complexité et la technicité du droit de l’environnement ont souvent pour conséquence d’allonger les procédures judiciaires liées aux atteintes à l’environnement et de retarder la réparation des dommages subis. L’étude d’impact du gouvernement considère ainsi que ce décalage temporel a pour conséquence le prononcé de sanctions jugées trop faibles par rapport au dommage environnemental causé et à l’éventuel profit qui a pu en être tiré (étude d’impact, p. 151).

C’est donc avec le triple objectif d’apporter une réponse pénale rapide et adaptée aux infractions environnementales les plus graves commises par les personnes morales et de mieux réparer les dommages causés du fait de l’infraction que la loi insère un article 41-1-3 au sein du code de procédure pénale créant une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 15).

Calquée sur le modèle de la CJIP de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale applicable aux infractions en matière d’atteinte à la probité et en matière fiscale issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin II », la CJIP environnementale est une mesure alternative aux poursuites qui permet au procureur de la République de proposer à une personne morale mise en cause pour certains délits environnementaux de bénéficier d’une convention qui éteint l’action publique à son égard en échange de l’acquittement de certaines obligations.

La loi du 24 décembre 2020 adapte toutefois ce mode de règlement transactionnel à la matière environnementale. Ainsi, le texte prévoit que cette nouvelle CJIP, qui ne peut aussi bénéficier qu’aux personnes morales, concernera seulement les délits prévus par le code de l’environnement et les infractions connexes, à l’exception notable des délits du titre II du code pénal. Sont ainsi exclus du champ de la CJIP environnementale les délits d’atteintes aux personnes (notamment les homicides et blessures involontaires).

En échange de l’arrêt des poursuites contre la personne morale, la CJIP pourra imposer à celle-ci les obligations suivantes :

• le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public dont le montant pourra atteindre 30 % du chiffre d’affaires moyen calculé sur la base des trois derniers chiffres d’affaires connus à la date du manquement ;

• la régularisation de sa situation via l’adoption d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans sous le contrôle des services compétents du ministère de l’Environnement ;

• la réparation du préjudice écologique dans un délai maximal de trois ans, toujours sous la supervision des services du ministère de l’Environnement ;

• et, lorsqu’il existe une victime identifiée, la CJIP prévoit également le montant et les modalités de réparation du dommage dans un délai d’un an.

Le nouvel article 41-1-3 du code de procédure pénale met à la charge de la personne morale bénéficiant d’une CJIP l’obligation de mettre en œuvre un programme de conformité. En toute logique, la mise en œuvre de celui-ci ne sera pas supervisée par l’Agence française anticorruption (AFA), comme ce qui est prévu à l’article 41-1-2 du code de procédure pénale, mais par les services du ministère de l’Environnement chargés de la police administrative de l’environnement (étude d’impact, p. 155). Cet élément n’est pas sans soulever quelques interrogations pour les entreprises quant à la nature du programme de conformité et aux modalités de l’évaluation de sa bonne application par les services du ministère. En effet, la loi et les rapports l’accompagnant donnent relativement peu de détails sur ce programme de conformité là où la loi Sapin II et la CJIP en matière d’atteintes à la probité conféraient le contrôle de la mise en œuvre du programme de conformité anticorruption à une entité dédiée, l’AFA, qui a par ailleurs produit des recommandations afin de guider les entreprises sur le sujet (P. Goossens et G. Robert, Justice environnementale : ce qui attend les entreprises, Le Moniteur, 5 mars 2020). Le texte de loi ne renvoie pas non plus à la prise d’un décret ultérieur par le gouvernement sur le contenu d’un tel programme de mise en conformité. Il est cependant probable que cette mission de contrôle échoie aux directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), sous contrôle des préfets de département (M. Pennaforte et J.-N. Citti, Convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale : contrat de confiance ou marché de dupes ?, Dalloz actualité, Le droit en débats, 19 juin 2020).

La spécificité la plus notable de la CJIP environnementale réside sans doute dans la place laissée à la réparation du préjudice. En effet, l’article 41-1-3 du code de procédure pénale prévoit que la CJIP environnementale doit régler la question de l’indemnisation du préjudice de la victime identifiée, mais aussi que la personne morale devra dans un délai maximal de trois ans réparer le préjudice écologique résultant des infractions commises.

En effet, un enjeu important de l’adaptation de la justice pénale environnementale identifié par les autorités réside dans l’obligation de réparation intégrale du dommage et de réparation des milieux affectés par les agissements faisant l’objet de la CJIP. Celles-ci entendent ainsi faire de la CJIP un outil permettant d’accélérer la réparation du préjudice écologique là où il est, à l’heure actuelle, théoriquement nécessaire d’attendre la condamnation judiciaire définitive d’une entreprise mise en cause pour que celle-ci intervienne, soit souvent plusieurs années après la survenance du dommage (étude d’impact, p. 151). Les récentes dispositions du code civil issues de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ayant consacré le préjudice écologique devront également être prises en compte. Se définissant comme une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » (C. civ., art. 1247), la notion de préjudice écologique vise à la réparation des atteintes d’une certaine gravité subies par l’environnement en tant que tel. Le régime de responsabilité mis en place accorde la primauté à la réparation en nature (C. civ., art. 1249) en imposant, par exemple, à l’auteur du fait dommageable la dépollution des sols contaminés ou la remise en état des milieux dégradés. Une telle action en réparation est cependant ouverte à un nombre limité de personnes (C. civ., art. 1248) : l’État, l’Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné ainsi que certains établissements publics et associations agréées qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement.

S’agissant des modalités procédurales de mise en œuvre de la CJIP environnementale, rien ne la distingue vraiment de son modèle créé par la loi Sapin II – l’article 41-1-3 renvoyant directement à l’article 41-1-2 du code de procédure pénale sur ce point. La CJIP peut donc intervenir tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, que ce soit dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire (la loi prévoit à cette fin l’insertion d’un article 180-3 du code de procédure pénale renvoyant directement aux dispositions de l’article 180-2 du code de procédure pénale). Celle-ci doit également faire l’objet d’une validation par le président du tribunal judiciaire ainsi que d’une publication sur les sites internet des ministères de la Justice et de l’Environnement et de la commune sur le territoire duquel a été commise l’infraction ou, à défaut, sur celui de l’établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient. Comme le relèvent certains commentateurs (M. Pennaforte et J.-N. Citti, art. préc.), la dimension territoriale de la publication de la CJIP environnementale, sur les sites des collectivités locales, mérite d’être soulignée. Non prévue en matière d’atteintes à la probité, cette publicité locale vise à prendre en compte les intérêts des acteurs locaux, riverains ou groupes d’intérêts, qui ont potentiellement subi les conséquences d’une atteinte à l’environnement, en portant à leur connaissance l’existence de la convention conclue et les informant par là de la possibilité de recours judiciaires en rapport avec les faits objet de la CJIP. Enfin, la prescription de l’action publique sera également suspendue pendant l’exécution des obligations mises à la charge de la personne morale sujet de la CJIP. Seule l’exécution entière de ces obligations éteint l’action publique, celle-ci pourra toutefois être mise en mouvement par le procureur dans l’hypothèse d’une mauvaise exécution de la convention.

La loi du 24 décembre 2020 vise ainsi à améliorer la prise en charge du contentieux pénal environnemental, qui semblait jusqu’ici délaissé par les juridictions faute d’outils adaptés. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond impulsé par les pouvoirs publics, en lien avec la Convention citoyenne pour le climat, à la suite de laquelle les ministères de la Transition écologique et de la Justice ont annoncé la création d’un délit d’écocide en novembre dernier (Pas de crime d’écocide, mais un délit pour punir les atteintes à l’environnement, Le Monde, 22 nov. 2020), visant à prévenir et sanctionner les atteintes graves à l’environnement, et d’un délit de mise en danger de l’environnement. Le gouvernement n’a toutefois pas précisé si ces derniers seront inscrits dans le code de l’environnement afin de pouvoir être éligibles à la CJIP environnementale nouvellement créée. L’ouverture de la CJIP aux délits environnementaux présente en outre certains avantages pour les opérateurs économiques, notamment dans les secteurs exposés au risque environnemental (industrie, énergie, BTP, etc.). Comparée à l’aléa et à la longueur de certaines procédures judiciaires, la CJIP offre aux entreprises mises en cause une certaine prévisibilité grâce à une procédure rapide ainsi que la possibilité de réduire l’amende finalement prononcée et un éventuel risque réputationnel en adoptant une démarche de coopération avec les autorités judiciaires.

Auteur d'origine: Dargent

Après s’être vu réclamer des masques et de l’hydroxychloroquine (voire des traitements encore plus fantaisistes), les juges administratifs des référés vont-ils devoir arbitrer les priorités de vaccination ? En tout cas, une première requête en ce sens a été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Le requérant, gravement handicapé, demandait au juge d’ordonner au ministre de la santé de le faire bénéficier d’un vaccin contre la covid-19 dans un délai de 48 h. Le juge n’oppose pas à la requête un refus de principe. Il rappelle qu’une « carence caractérisée d’une autorité administrative dans l’usage des pouvoirs que lui confère la loi pour mettre en œuvre le droit de toute personne de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin, peut faire apparaître, pour l’application de ces dispositions, une atteinte grave...

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Auteur d'origine: Montecler
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Sans grande surprise, le Conseil d’État a confirmé la position majoritaire parmi les juges du fond qui a fait obstacle à la plupart des tentatives des élus locaux pour réglementer l’épandage des pesticides sur le territoire de leur commune (v. not. TA Lyon, 12 déc. 2012, n° 1200196, Préfet du Rhône, AJDA 2013. 940 , concl. C. Burnichon  ; CAA Nantes, 24 mai 2005, n° 04NT00628, Mûrs-Erigné [Cne], AJDA 2005. 1919 ; TA Rennes, 25 oct. 2019, n° 1904029, Préfet d’Ille-et-Vilaine, AJDA 2019. 2148 ).

Seul le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait admis la compétence du maire (TA Cergy-Pontoise, 8 nov. 2019, n° 1912597, Préfet des Hauts-de-Seine, AJDA 2020. 307 , note C. Hermon ; ibid. 2019. 2275 ; AJCT 2020. 109, tribune A.-S. Denolle ; ibid. 340, étude G. Bailly ). Il est vrai que ces ordonnances étaient intervenues peu après que les juges du Palais-Royal avaient constaté l’insuffisance des mesures prises par l’État (CE 26 juin 2019, n° 415426, Association Générations Futures, Dalloz actualité, 8 juill. 2019, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2019. 1370 ; AJCT 2020. 109, tribune A.-S. Denolle ).

Mais, pour le Conseil d’État, « le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’État et dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains ».

Une réglementation qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre

Dans ce cadre, les produits phytopharmaceutiques font l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. « Il appartient ensuite au ministre chargé de l’agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l’environnement et de la consommation, éclairés par l’avis scientifique de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. » Et c’est au préfet qu’il revient, « d’une part, de fixer les distances minimales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, d’autre part, d’approuver les chartes d’engagements d’utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d’utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d’interdiction ou de restriction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l’environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l’agriculture ». Dès lors, le maire ne peut légalement user de son pouvoir de police générale « pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre ».

Auteur d'origine: pastor

Dans un avis du 24 mars 2020, le haut conseil de la santé publique recommandait d’effectuer de telles pratiques en respectant la stricte observance de règles d’hygiène et de mesures de distance physique. Pour le Conseil d’État, si le gouvernement n’était pas tenu de suivre cet avis, il n’a apporté aucun élément de nature à justifier de la nécessité d’imposer de façon générale et absolue, à la date où elles ont été édictées, les restrictions...

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Auteur d'origine: pastor

Les juges des référés du Conseil d’État l’avaient laissé entendre à plusieurs reprises. Mais c’est cette fois clairement et en formation collégiale que la Haute juridiction l’affirme : la fameuse attestation de déplacement dérogatoire, dont les Français ont dû se munir pour sortir de leur domicile lors des confinements du printemps et de l’automne, n’avait aucun caractère obligatoire. Tout document justifiant...

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Auteur d'origine: Montecler

À lla veille de Noël, deux nouvelles libertés fondamentales ont rejoint la liste de celles protégées par l’article L. 521-2 du code de justice administrative : la liberté de création artistique et celle d’accès aux œuvres culturelles. Pour autant, et au regard des incertitudes de la situation sanitaire, le juge des référés du Conseil d’État, en formation à trois, a rejeté le recours de nombreux artistes et organismes culturels qui lui demandaient d’enjoindre au gouvernement d’autoriser la réouverture des cinémas, théâtres et autres lieux culturels.

L’ordonnance toutefois laisse un rayon d’espoir aux artistes. D’abord parce que le juge admet que « la...

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Auteur d'origine: Montecler

Après avoir délivré à la société BC Promotion un permis de construire une résidence pour étudiants, le maire de La Rochelle a délivré un permis de construire modificatif procédant à la réduction du volume du dernier niveau de la construction projetée. Le tribunal administratif de Poitiers a, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, sursis à statuer sur les requêtes présentées par la société Lapeyre aux fins d’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire et...

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Auteur d'origine: pastor
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À la suite de la passation par le centre hospitalier de Chambéry d’un marché de conception-réalisation relatif à la construction d’un bâtiment hospitalier, le candidat arrivé en seconde position, la société Architecture Studio, demande l’annulation du marché litigieux ainsi que la réparation du préjudice lié à son éviction qui selon lui est irrégulière. En outre, la société évincée réclame l’indemnisation des frais exposés pour la présentation de son offre. Pour ce faire, il invoque l’irrégularité de l’offre de l’attributaire et la circonstance que le pouvoir adjudicateur n’ait pas fait procéder à la régularisation de son offre, elle-même irrégulière. Le Conseil d’État, à cette occasion, précise les contours de sa jurisprudence relative à l’indemnisation du candidat s’estimant irrégulièrement évincé.

Éviction irrégulière et « chance de remporter le contrat »

Le Conseil d’État expose très clairement la marche à suivre dans le cas où un candidat évincé d’une procédure de passation d’un contrat public « demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction ». Pour cela, il rappelle explicitement les principes qu’il a consacrés pour la première fois dans l’arrêt Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe c/ Commune du Lamentin (CE 18 juin 2003, n° 249630, Lebon ; AJDA 2003. 1676 ) et appliqués depuis lors de façon constante (CE 19 déc. 2012, n° 355139, Simon, Lebon ; AJDA 2013. 5 ; AJCT 2013. 244, obs. R. Bonnefont ; JT 2013, n° 151, p. 14, obs. A.-S. Juilles ). Il revient au juge de vérifier si le candidat évincé « était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat » ; soit il n’est pas démontré que le candidat avait une chance de remporter le contrat et « n’a [donc] droit à aucune indemnité », soit il avait a contrario une chance de remporter le contrat et « a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre ».

Dans le droit de la responsabilité administrative de façon globale, le juge administratif fait preuve d’une certaine souplesse dans l’appréciation de la perte de chance, dans la mesure où il s’agit d’une forte probabilité et non pas d’une certitude gravée dans le marbre – entorse au principe civiliste selon lequel le préjudice indemnisable doit être certain. Pour autant, le droit de la responsabilité, civile et administrative, reste fondé sur l’existence d’un lien de causalité entre une faute et le préjudice né de cette faute. En matière de commande publique, tout particulièrement, la perte de chance apparaît comme devant être la conséquence directe de l’éviction irrégulière du candidat (CE 10 juill. 2013, n° 362777, Compagnie martiniquaise de transports,...

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Auteur d'origine: pastor

Le recours du Syndicat de la juridiction administrative contre l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 donne l’occasion de mettre en pratique le regard neuf du Conseil d’État sur les ordonnances non ratifiées (CE 16 déc. 2020, n° 440258, Fédération CFDT des finances, Dalloz actualité, 18 déc. 2020, obs. J.-M. Pastor).

À l’appui de sa requête, le syndicat a soulevé quatre questions prioritaires de constitutionnalité portant sur plusieurs dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 et les ordonnances des 8 avril et 13 mai 2020 qui l’ont modifiée. Si le Conseil d’État rejette l’ensemble des arguments, l’intérêt de l’arrêt réside dans le fait que, le délai d’habilitation, qui était de trois mois à compter de la publication de la loi, étant expiré, il a dû déterminer si les dispositions critiquées de l’ordonnance relevaient du domaine de la loi ou de la compétence réglementaire.

Audience sans public ou avec un public restreint

L’article 6 de l’ordonnance permettait au président d’une formation de jugement d’une juridiction administrative, au vu de la situation sanitaire, de limiter, en tout ou partie, l’accès du public à une audience se tenant entre le 12 mars 2020 et le 10 juillet 2020. Ces dispositions relèvent du domaine de la loi et visent « à concilier l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice et le respect du droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable ».

Téléaudience

S’agissant de l’article 7 de l’ordonnance, le Conseil d’État fait le départ entre celles de ses dispositions relevant du domaine de la loi et celles relevant du domaine réglementaire. Les dispositions des premier à sixième alinéas de l’article 7 relèvent du domaine de la loi : elles permettent au président de la formation de jugement de recourir pour la tenue des audiences à des moyens de télécommunication audiovisuelle. Et elles « visent, dans le contexte général de la crise sanitaire, à concilier l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice et le respect du droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, dès lors qu’elles permettent, notamment, d’éviter le report du jugement de certaines affaires ».

Les dispositions des septième et huitième alinéas de l’article 7 en vertu desquelles, en cas de recours à un mode de télécommunication audiovisuelle ou à un autre mode de communication électronique pour la tenue d’une audience ou en cas de tenue, sur autorisation du président de la juridiction, d’une audience dans un lieu autre qu’une salle d’audience, le greffe dresse le procès-verbal des opérations et le rôle des audiences peut être publié sur le site internet de la juridiction, relèvent de la compétence réglementaire. Par suite, elles ne sont pas au nombre des dispositions législatives susceptibles de faire l’objet d’un renvoi au Conseil constitutionnel en application de l’article 61-1 de la Constitution.

Instruction sans audience en référé

L’article 9 de l’ordonnance qui permettait au juge des référés de se prononcer, par une ordonnance motivée, sur une requête présentée en référé sans tenir d’audience publique, lorsque la nature et les enjeux de l’affaire n’y font pas obstacle, relève du domaine de la loi. Dans le contexte particulier résultant de l’épidémie de covid-19, ces dispositions « ne privent pas de garanties légales les exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable », estime le Conseil d’État.

Auteur d'origine: pastor

La chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Pays de Saint-Malo, aux droits de laquelle sont venues la CCI territoriale Saint-Malo Fougères puis la CCI d’Ille-et-Vilaine, attribue un marché portant sur la fourniture et la mise en service d’une grue automobile portuaire à câble à la société Treuils et Grues Labor. La fourniture et l’installation sur la grue d’un système de contrôle et de commande sont sous-traitées à la société Ascorel. Après une réception provisoire des travaux avec des réserves, et malgré de multiples mises en demeure, la société Treuils et Grues Labor ne fait rien pour remédier aux dysfonctionnements qui affectent la grue. La CCI informe le titulaire de sa décision de conclure un marché avec la société In Situ, aux frais et risques de la société Treuils et Grues Labor, en vue de faire expertiser la grue. Les résultats de cette expertise conduisent la CCI à conclure un nouveau marché, portant cette fois-ci sur des travaux de remise en état de fonctionnement de la grue : le premier lot est attribué à la société Saint-Malo Hydraulique, le second à la société Ascorel. Ces travaux supplémentaires ne permettent pas de faire fonctionner la grue ; la CCI résilie le marché passé avec la société Treuils et Grues Labor pour faute.

La CCI saisit le juge du fond d’une part de la résolution du marché litigieux et d’autre part de la réparation du préjudice résultant de la mauvaise exécution de ce marché par la société Treuils et Grues Labor et son sous-traitant, la société Ascorel, mais également de la mauvaise exécution du marché d’expertise et celui portant sur des travaux de remise en état de fonctionnement de la grue par ces deux sociétés ainsi que par la société In Situ. Seule la société Treuils et Grues Labor est condamnée par le tribunal administratif de Rennes au versement d’une somme de plus de 200 000 €. La cour administrative d’appel de Nantes, quant à elle, ne fait que porter les dommages et intérêts dus par la société Treuils et Grues Labor à plus de 900 000 €. Les autres conclusions de la CCI sont rejetées. Alors que la société Treuil et Grues Labor demande l’annulation de l’arrêt de la cour, le Conseil d’État indique les possibilités ouvertes à l’acheteur public en cas de défaillance du titulaire.

Le recours à un marché de substitution aux frais et risques du titulaire défaillant

Le Conseil d’État rappelle que, par principe, « il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que l’acheteur public de fournitures qui a vainement mis en demeure son cocontractant d’exécuter les prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ». Cette règle prétorienne n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’État l’applique depuis la fin des années 1970 ; la Haute juridiction administrative considère que « la procédure du marché de gré à gré [pour conclure un contrat de remplacement] peut être utilisée, dans les cas...

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Auteur d'origine: pastor

Chers abonnés, chers lecteurs,

Après plus de cinq ans à la tête du fabuleux quotidien qu’est Dalloz actualité, j’ai été appelée à de nouvelles fonctions, hors du groupe Lefebvre Sarrut. 

Je tenais à vous remercier de votre fidélité précieuse, de vos remarques pertinentes, parfois agacées, souvent bienveillantes. Vous êtes chaque jour de plus en plus nombreux à nous lire et l’équipe de Dalloz actualité en est honorée. 

Merci aussi à cette équipe, justement, sans qui ce quotidien d’actualité juridique et judiciaire ne serait pas grand-chose. Chefs de rubriques acharnés, auteurs experts et forcenés, pigistes espiègles, secrétaires de rédaction vitales, drôles et (très) patientes, je vous remercie. Vous allez sacrément me manquer.

Enfin, je remercie Alain Lienhard, mon boss, qui m’a conseillée, aiguillée et protégée à chaque fois que cela a été nécessaire.

Laurent Dargent prend la main à compter d’aujourd’hui.

Bon vent à tous.

N’oubliez pas : lisez Dalloz actualité !

Auteur d'origine: babonneau

2020 s’achève dans quelques jous. Il était temps.

Nous avons de quoi nous féliciter malgré tout, ici, à la rédaction : avec les centaines de questions juridiques posées brutalement par l’apparition de la covid-19, vous avez été encore plus nombreux à nous suivre. 

Merci à vous et merci à l’équipe d’avoir tenu bon.

Allez, c’est l’heure de souffler un peu. 

Nous vous donnons rendez-vous le lundi 4 janvier 2021. Merci de votre fidélité et joyeuses fêtes.

Auteur d'origine: babonneau

Dans un arrêt du 18 décembre, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’État peut être engagée par une faute de l’inspection du travail dans l’exercice de ses missions de contrôle en matière d’hygiène et de sécurité.

Il était saisi par le ministre du Travail d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui avait condamné l’État à verser 2 000 € à M. B… en réparation de la faute résultant de l’absence de contrôle du respect de la réglementation édictée à compter de 1977 pour prévenir les risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante. Ancien employé du chantier naval de La Ciotat, M. B… invoquait un préjudice...

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Auteur d'origine: Montecler

Le recours introduit par les associations Alliance Vita, Juristes pour l’enfance et Pharmac’éthique contre l’arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 avril 2020 modifiant les conditions de réalisation de l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse pratiquée en dehors d’un établissement de santé est l’occasion pour le Conseil d’État de faire le point sur la répartition des compétences pour édicter les mesures nécessaires, lorsque l’état d’urgence sanitaire est déclenché, entre le Premier ministre et le ministre chargé de la Santé.

Par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, le législateur a « entendu, d’une part, permettre au Premier ministre de prendre certaines mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ou procédant à des réquisitions et, d’autre part, permettre au ministre...

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Auteur d'origine: emaupin

Le gouvernement affiche son intention de doter les pouvoirs publics de moyens pérennes pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles. C’est l’objet de ce nouveau projet de loi de crise dont le titre, sans équivoque, institue un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.

Le régime en vigueur proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021, s’ensuivra un régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021, qui adapte celui qui avait été institué, le 11 juillet dernier, à la sortie de l’état d’urgence sanitaire (v. Dalloz actualité, 4 nov. 2020, obs. J.-M. Pastor). Il en découle trois régimes d’urgence : celui des menaces sanitaires graves (CSP, art. L. 3131-1 à L. 3131-11), celui de l’état d’urgence sanitaire...

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Auteur d'origine: pastor
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La contestation de la redevance forfaitaire post-stationnement est un contentieux qui s’étoffe rapidement.  Il y a six mois, le juge administratif précisait les règles du recours contentieux (CE 10 juin 2020, n° 427155, Dalloz actualité, 16 juin 2020, obs. J.-M. Pastor ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2020. 1199 ) ; en septembre, le juge constitutionnel censurait la procédure subordonnant la contestation du FPS à son paiement préalable (Cons. const., 9 sept. 2020, n° 2020-855 QPC, Dalloz actualité, 10 sept. 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 1636 ). Nouvel épisode s’agissant cette fois de la procédure à suivre lorsque le greffe de la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) demande au requérant contestant un FPS de régulariser son recours.

M. B… a contesté un forfait de post-stationnement de 30 € mis à sa charge. Par courrier notifié, le greffe de la CCSP l’a invité, en application de l’article R. 2333-120-39 du code général des collectivités territoriales, à régulariser sa requête en y joignant plusieurs pièces...

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Auteur d'origine: pastor
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La commune de Plan-de-Cuques confie la réalisation d’une zone d’aménagement concertée à la société Euphémie, aux droits de laquelle vient désormais la société Copra Méditerranée. La convention d’aménagement conclue le 13 février 1995 prévoit à l’origine la construction de quatre-vingt-quatorze logements en quatre tranches successives. Une fois la première tranche réalisée, il s’avère que la commune fait part de sa volonté de mettre fin à l’aménagement, à la suite d’une étude hydraulique faisant état de risques d’inondation sur le territoire de la commune. Sa demande tendant à l’engagement de la responsabilité de la commune du fait d’une résiliation tacite pour motif d’intérêt général et à l’indemnisation du préjudice lié à cette résiliation est rejetée par les juges du fond. Le Conseil d’État, en cassation, précise les contours de sa jurisprudence en la matière.

Une exception très encadrée

Si le cocontractant a la possibilité de demander la résiliation – à condition qu’une clause contractuelle le prévoit – pour manquement par l’administration à ses obligations contractuelles, la résiliation unilatérale demeure l’un des pouvoirs exorbitants dont dispose l’administration. En outre, une clause contractuelle remettant en cause ce pouvoir de résiliation unilatérale est systématiquement frappée de nullité (CE 6 mai 1985, n° 41589, Association Eurolat, Crédit Foncier de France, Lebon ). Il n’en reste pas moins, selon la jurisprudence dite Béziers II, que le cocontractant peut contester la validité de la résiliation du contrat litigieux aux fins de reprise des relations contractuelles, et ce dans un délai de deux mois « à compter de la date à laquelle [le cocontractant] a été [informé] de la mesure de résiliation » (CE 21 mars 2011, n° 304806, Commune de Béziers, Dalloz actualité, 23 mars 2011, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2011. 591 ; ibid. 670 , chron. A. Lallet ; D. 2011. 954, obs. M.-C. de Montecler ; RDI 2011. 270, obs. S. Braconnier ; AJCT 2011. 291 , obs. J.-D. Dreyfus ; RFDA 2011. 507, concl. E. Cortot-Boucher ; ibid. 518, note D. Pouyaud ).

L’administration peut résilier unilatéralement un contrat administratif notamment pour motif d’intérêt général (CE, ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Lebon p. 246 ; 2 févr. 1983, n° 34027, Union des transports publics urbains et régionaux, Lebon  ; 27 oct. 2010, n° 318617, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes Le Cannet Mandelieu La Napoule, Dalloz actualité, 12 nov. 2010, obs. R. Grand ; Lebon ; AJDA 2010. 2076 ; AJCT 2011. 33, obs. G. Le Chatelier ). Cette faculté, concernant les contrats de la commande publique, a été par ailleurs codifiée aux articles L. 6, L. 2195-3 et L. 3136-3 du code de la commande publique.

La résiliation, cependant, est par principe expresse. En effet, pour des raisons de sécurité juridique tenant à la force obligatoire du contrat, le Conseil d’État affirme dans l’arrêt Département de la Seine-Saint-Denis qu’« en dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d’un contrat administratif résulte […] d’une décision expresse de la personne publique cocontractante ». En revanche, il admet qu’« en l’absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles » (CE 27 févr. 2019, n° 414114, Seine-Saint-Denis (Dpt), Dalloz actualité, 11 mars 2019, obs. E. Maupin ; Lebon

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La prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) met à l’épreuve les services de l’État et les départements. Le constat n’est pas nouveau (v. D. Burriez, La protection des mineurs isolés demandeurs d’asile, AJDA 2020. 2125 ). Cette fois-ci, c’est la Cour des comptes qui adresse un référé au Premier ministre pour pointer les faiblesses d’un système qui peine à répondre à l’un des engagements de la France au titre de la convention internationale des droits de l’enfant : conditions d’évaluation de la minorité et d’isolement très hétérogènes selon les...

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Après avoir jugé trois trentenaires goguenards qui juraient, la main sur le cœur, regretter d’avoir soustrait cette carte bleue à son propriétaire ; relaxé un quinquagénaire toxicomane, à la vie cabossée, la mémoire ravagée, au phrasé lent mais impeccable, venu acheter du Skenan à la gare du Nord ; et condamné un homme violent qui avait giflé sa compagne après une énième beuverie, la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, dont l’ordinaire se résume bien souvent à l’examen de dossiers sans spécificité apparente, des dossiers dits « généraux », appelle vers 18 heures un homme qui patientait depuis des heures en compagnie de ses trois avocats. Cet homme, dont le visage et la barbe de pieu musulman sont apparus dans les médias de masse après l’assassinat de Samuel Paty, est le fondateur et dirigeant de l’ONG BarakaCity, dissoute en grande pompe après l’attentat contre le professeur. Il comparaît pour avoir harcelé la journaliste Zineb El Rhazoui, absente à l’audience, représentée.

Idriss Sihamedi, Driss Yemmou de son vrai nom, 36 ans, a envoyé plus de quatre-vingts tweets entre le 23 septembre et le 11 octobre, qui lui valent sa comparution. Alors suivi par 20 000 personnes, plus du double aujourd’hui, Idriss Sihamedi a rendu publics des éléments de la vie privée de la journaliste, connue pour son engagement contre l’islamisme, la virulence de son discours contre l’islam politique qu’elle combat et dont elle estime qu’Idriss Sihamedi est l’une des figures. Par exemple, elle dénonçait le 27 août dernier des propos tenus par Idriss Sihamedi relevant selon elle de « l’apologie du terrorisme », après qu’il eut déclaré : « mourir en martyr est la plus belle chose ». À l’occasion de la republication des caricatures de Mahomet, il a tweeté : « Qu’Allah maudisse Charlie et enflamme leurs tombes à la chaleur du soleil », lorsque le procès débutait devant la cour d’assises de Paris, début septembre.

C’est donc en opposant idéologique, dans un contexte terroriste, politique et judiciaire très tendu, car le procès des attentats de janvier 2015 était en cours, qu’Idriss Sihamedi a divulgué le nom, la photo, le salaire et l’employeur du mari de la journaliste. Il a aussi révélé qu’elle possédait un luxueux riad touristique au Maroc et qu’elle réside aux Émirats arabes unis. Enfin, dans un tweet, il a écrit la première lettre du prénom de sa fille de 4 ans. Tous ces tweets, cette « charge » contre Zineb El Rhazoui, étaient accompagnées d’un hashtag #balancezinebelrhazoui #zinebgate, qui ont aidé à la diffusion de sa parole et ont contribué à la viralité des tweets, jusqu’à ce qu’un « twitto » anonyme décide de diffuser l’adresse parisienne de Zineb El Rhazoui, qui, constamment menacée, vit depuis 2015 sous protection policière.

Les membres du tribunal instruisent les affaires à tour de rôle et c’est une assesseure qui interroge Idriss Sihamedi. « Quel est votre objectif lorsque vous adressez ces tweets à Madame ?

— Engager un combat contradictoire. Je lui ai posé un certain nombre de questions dans un temps relativement très réduit.

— Très précisément, ce que l’on vous reproche, c’est la répétition de tweets qui ne lui sont pas favorables, et le fait qu’il y ait des éléments relatifs à sa vie privée. Pourquoi écrire autant de tweets ?

— J’essaie d’engager un débat avec elle, je suis dans un débat avec son avocat qui me répond, et je suis limité à 240 caractères par tweet.

— Sur la journée du 24 septembre, il y a trente et un messages, est-ce qu’il y a une utilité ?

— J’estime que les questions étaient très pertinentes. Pourquoi les poser plusieurs fois ? Parce que je n’ai pas de réponse.

— Et pourquoi utiliser des hashtags ?

— Pour rassembler les informations, interpeller l’opinion publique sur un sujet. »

Idriss Sihamedi prétexte un travail informatif, un travail de journaliste. La juge demande : « Pourquoi ne pas écrire un article de fond ?

— Car je ne suis pas invité dans les médias. »

La juge égrène une suite de vocables péjoratifs dont le prévenu a usé pour qualifier Zineb El Rhazoui. « Imposture foudroyante », « duplicité », « cupidité ». Zineb est « la plus grande arnaque » et elle est « fourbe ». Idriss Sihamedi s’en explique : « Il s’agit de dénoncer des contradictions entre ce que ces personnes disent sur des plateaux télé et la réalité. » Ainsi, dénoncer le fait qu’une cagnotte soit organisée pour payer ses frais de justice alors que madame El Rhazoui fait de gros bénéfices avec son riad et s’affiche bien souvent parée de vêtements et d’accessoires de luxe. « Mais quel est l’intérêt de dévoiler le nom de la rue du riad marocain ?

— J’ai des informations que personne n’a, je dois les partager.

— Pourquoi utiliser des propos dégradants à son encontre, quel est votre état d’esprit ?

— Mettre quelqu’un face à sa duplicité, car elle est dans un combat idéologique. Mon intention n’est pas de dévoiler sa vie privée. » Le prévenu prétend répondre à des pressions que le mari de la partie civile aurait exercées, selon lui, sur ses sources. « Donc, à votre tour, vous exercez des pressions », déduit la juge. « Du coup, vous répliquez, comme vous dites, vous n’êtes pas dans l’information.

— Twitter, c’est le clash et, malgré cela, je ne normalise pas cette attitude, je dis bonjour et s’il vous plaît. »

Après ces tweets, les deux protagonistes s’expliquent par mail. « Votre échange de mails est tellement plus apaisé que les messages sur Twitter. C’est à questionner l’usage fait de ces réseaux  », glisse la juge entre deux questions. Puis, elle prend un autre exemple de tweet : « “Est-ce que Zineb El Rhazoui peut nier que sa servante d’origine éthiopienne, à Dubaï, est bien traitée ?”, tweetez-vous. On est dans l’allégation. » M. Sihamedi débute plusieurs tweets par « je ne vais pas dévoiler que […] », avant de le dévoiler.

« Pour moi, ça entre dans le débat. Cette personne est une féministe acharnée et on connaît les conditions de travail de certaines immigrées dans ce pays. Il faut être cohérent.

— Vous aviez des éléments sur la situation des employées de maison, ou c’est de la pure allégation ?

— Les informations que j’ai font état de maltraitances à l’égard de cette personne », dit-il simplement. La juge le relance : « Pensez-vous que tous vos tweets correspondent au travail que l’on peut attendre d’un journaliste ?

— Moi, je lance une alerte. » Il donne l’exemple des enquêtes de Mediapart, des éléments de la vie privée des personnes publiques, divulguées dans des articles, comme la photo de Jean-François Copé dans la piscine de Ziad Takieddine. « Vous pensez que vos tweets, c’est du journalisme ?

— Je pense que chacun a sa déontologie », répond le prévenu. Il ajoute : « Elle m’a traité d’islamiste, elle m’a jeté en pâture ! »

Maître Thibaut de Montbrial représente Zineb El Rhazoui. « Ce procès illustre ce que les réseaux sociaux peuvent avoir d’effets délétères. Zineb El Rhazoui est ciblée par les islamistes », dit-il, en précisant qu’il a déposé vingt et une plaintes pour des menaces de mort. Il désigne le prévenu comme l’un des principaux « influenceurs de l’islamisme en France », puis cite longuement le décret qui dissout l’ONG BarakaCity. « Vous faites croire qu’il y a un débat, c’est très habile mais c’est faux. » L’avocat explique le procédé : « taguer » Zineb El Rhazoui en la mentionnant, en langage militaire, c’est « la désignation militaire d’un objectif », car parmi ses abonnés, il y en a peut-être un qui va se dire : « Je vais aller me la faire. » « Ce sont des effets extrêmement maîtrisés, et il est temps que la justice de la République française pose des limites. »

La procureure décrit une « stratégie de provocation numérique opportuniste », qualifiant la victime de « cible médiatique », dans un contexte d’actualité judiciaire qui amplifie la portée du questionnement incessant du prévenu. « Ces messages ne correspondent à aucun dialogue, aucun débat », relève-t-elle et, estimant le délit de harcèlement (C. pén., art. 222-33-2-2) caractérisé, elle requiert dix mois de prison assortis d’un sursis probatoire de trois ans, pendant lesquels Idriss Sihamedi ne devra pas entrer en contact avec la victime, devra réparer le dommage causé, exercer une activité professionnelle, résider en un lieu déterminé, ne pas porter ou même détenir une arme, obligations qui, si elles étaient transgressées, pourraient entraîner la révocation du sursis.

Me Ouadie Elhammamouchi a débuté sa plaidoirie en parodiant Richelieu : « Donnez-moi un tweet de la main d’Idriss Sihamedi, et je vous donnerai de quoi le pendre, signé Darmanin », dit-il. « On ne va pas faire semblant d’éluder le contexte politique ! » L’avocat déroule : « Il a été perquisitionné à 6 heures du matin, quinze personnes du RAID pour accoucher de cette procédure. Est-ce que c’est fréquent ? » Le dossier est vide : « Il n’y a rien dans ce dossier, la vérité c’est qu’on use de grands mots, mais qu’est-ce qu’il a fait, si ce n’est délivrer un certain nombre d’informations et demander un débat contradictoire ? Il la met en face de ses contradictions ! » La servante éthiopienne ? C’est une information. Vivre dans un pays islamiste ? C’est une information. Solliciter une aide financière ? « C’est un débat d’intérêt général. On ne peut pas venir quémander des fonds tout en faisant deux millions de chiffre d’affaires annuel. » Voilà pour le fond : « Sur la forme, les tweets ne sont pas vulgaires, pas menaçants », plaide-t-il, demandant la relaxe.

La décision sera rendue le 15 janvier.

Auteur d'origine: Bley

« La responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables publics est un régime contre-productif et à bout de souffle qui doit être supprimé. » Le rapport de Jean Bassères et Muriel Pacaud sur la responsabilisation des gestionnaires publics, que le gouvernement a rendu public le 15 décembre, n’y va pas par quatre chemins pour proposer de mettre fin à une fort ancienne tradition française.

Mais précisément, « reposant sur des principes édictés au xixe siècle, la RPP a vu sa philosophie obscurcie par la réforme de 2011, le régime oscillant désormais entre sanction du comptable et réparation du préjudice causé par ses manquements ». Les critiques classiques de la RPP sont connues : lourdeur de la procédure, faible impact réel notamment en raison du jeu des remises gracieuses accordées par le ministre (v. S. Damarey, Le comptable public, le préjudice financier, AJDA 2020. 1764 ). Le rapport Bassères ajoute que ce régime « nuit à la performance des réseaux comptables ». La crainte de la mise en jeu de leur responsabilité amène en effet les comptables à multiplier les actes de poursuites sur des « créances anciennes manifestement compromises » au lieu de se concentrer sur celles qui comportent des enjeux importants. Pour des raisons similaires, la RPP fait obstacle au contrôle hiérarchisé des dépenses. Enfin, on apprend que la réforme de 2011, conçue pour alléger la responsabilité des comptables a, paradoxalement, abouti à un triplement des sinistres pour leurs assureurs. Au point que le rapport évoque le risque que le système devienne non assurable.

Le rapport propose que la RPP soit limitée à la gestion de la caisse (qui représente moins de 1 % des charges prononcées aujourd’hui par le juge) et relève d’un système de débet administratif. Les juridictions financières y perdraient donc leur fonction juridictionnelle, ce qui, selon le directeur général de Pôle emploi, ne ferait pas obstacle au maintien de la qualité de magistrat de leurs membres. La suppression de la RPP n’implique pas davantage celle du principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable.

Les ordonnateurs justiciables de la CDBF

Pour le reste, « la logique juridictionnelle doit désormais laisser la place à une responsabilité managériale renforcée ». L’évaluation, la carrière et la rémunération des comptables devraient prendre en compte la réalisation de leurs objectifs en matière de qualité comptable, de délais de paiement, de taux de recouvrement. Et, pour les fautes les plus graves, l’outil disciplinaire devrait pouvoir être activé.

Néanmoins, « il est légitime de maintenir un régime de responsabilité juridictionnelle ad hoc tout en étant conscient de ses limites structurelles ». Et ce régime ne peut concerner les seuls comptables, les responsabilités étant le plus souvent entremêlées avec celles des ordonnateurs. Pour juger, donc, les infractions les plus lourdes des ordonnateurs et des comptables, le rapport recommande de doter la Cour de discipline budgétaire et financière de nouveaux moyens et d’une composition élargie. Différence de taille avec les projets de réforme qui ont échoué ces dernières années, le rapport préconise que cet élargissement de la responsabilité des ordonnateurs exclue les ministres et les élus locaux, leur responsabilité étant d’abord politique et souvent collégiale.

Cela suffira-t-il à faire aboutir le projet ? Dans leur communiqué de presse, les ministres Amélie de Montchalin et Olivier Dussopt indiquent que les recommandations du rapport « vont être étudiées afin d’identifier, en association avec toutes les parties prenantes, les propositions qui pourraient conduire à un progrès rapide ».

Auteur d'origine: Bley

par Stéphane Prigentle 21 décembre 2020

Civ. 3e, 19 nov. 2020, FS-P+B+I, n° 19-21.469

La société d’aménagement foncier et d’établissement rural Provence-Alpes-Côte d’Azur (la SAFER) notifie au notaire chargé d’instrumenter sa décision motivée d’exercice du droit de préemption. Cette décision est également notifiée à l’acquéreur évincé, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire. L’article R. 143-6, alinéa dernier, du code rural et de la pêche maritime prévoit enfin qu’une « analyse de cette décision est adressée dans le même délai au maire de la commune intéressée en vue de son affichage en mairie pendant quinze jours ».

Que se passe-t-il si, comme en l’espèce, la SAFER omet d’adresser au maire de la commune concernée l’analyse de la décision de préemption ?

Le vendeur et les acquéreurs évincés contestent la décision de préemption prise par la...

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Auteur d'origine: Thill

Que ceux qui ont compris le mode de scrutin du Conseil national des barreaux lèvent la main. Mais ce n’est pas tant la question ici. Un ancien bâtonnier niçois, qui a connu lui-même un contentieux électoral à rebonds, a déposé le 8 décembre un recours devant la cour d’appel de Paris afin de contester l’élection de 24 membres (mandat 2021-2023) de la circonscription nationale du collège ordinal.

Selon la requête, sur les 31 candidatures enregistrées 26 étaient des candidats poussés par la Conférence des bâtonniers, après « une vaste campagne de communication ». Résultat : sur les 24 postes à pourvoir au sein de ce collège ordinal national (ou provincial, en opposition au collège ordinal parisien), 23 ont été remportés par les candidats soutenus par la Conférence des bâtonniers.

« L’analyse des conditions dans lesquelles s’est déroulé le scrutin révèle de nombreuses irrégularités de nature à altérer la sincérité du vote », continue l’avocat. Ce dernier estime que l’information des électeurs n’a pas été suffisamment éclairée. La requête cite une plaquette éditée par la Conférence des bâtonniers à l’adresse des électeurs, qui « vous propose de choisir des élus qui assureront effectivement la défense de vos actions et des valeurs qui fondent l’ordinalité ». Ce qui chagrine le requérant vient après lorsque la plaquette présente la liste des 26 noms en ajoutant « Vous devez choisir parmi ces noms les 24 personnes (…) qui composeront l’équipe du collège ordinal des barreaux de province au sein de l’institution représentative des avocats ».

Une « désinformation » des électeurs pour l’avocat qui estime que l’électeur peut conclure de cette rédaction que seuls les noms de la plaquette sont les candidats, excluant de fait les candidats non soutenus par la Conférence des bâtonniers. Cette présentation – alimentée pendant la campagne notamment sur les réseaux sociaux, estime l’avocat – porterait atteinte au principe d’égalité entre les candidats et aurait pu résultat « d’assimiler » l’élection du collège ordinal à un scrutin de liste (en réalité, l’article 22 du décret du 27 novembre 1991 prévoit un scrutin uninominal majoritaire à un tour), portant ainsi atteinte à l’information sincère des électeurs.

Autre problème, selon la requête, la Conférence des bâtonniers n’a présenté que des bâtonniers et anciens bâtonniers dans sa liste alors que le même article 22 du décret de 1991 dispose que les membres et anciens membres des conseils de l’ordre peuvent se présenter. En agissant ainsi, la Conférence des bâtonniers – si on la considère comme une entité organisatrice des opérations électorales – n’a-t-elle pas également violé le principe de neutralité auquel elle devrait se soumettre ?

Dans certains barreaux, enfin, les bâtonniers - par l’intranet d’un barreau, par tweet, post facebook ont appliqué « les consignes reçues de la Conférence des bâtonniers » dirigeant ainsi le vote vers les candidats soutenus.

Toutes « ces irrégularités » justifieraient l’annulation des élections « sans qu’il y ait lieu de prendre en considération leur influence sur le résultat des élections ».

Interrogée, l’actuelle et sortante présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl n’a pas répondu à notre sollicitation. L’assemblée générale du Conseil national des barreaux se réunit vendredi 18 décembre et samedi 19 décembre pour élire notamment le successeur de Mme Féral-Schuhl. Selon la tradition d’alternance, un provincial.

Auteur d'origine: babonneau
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Ni obligatoire ni interdite. La distribution de repas différenciés permettant aux élèves de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses n’est qu’une faculté pour les collectivités gestionnaires du service de la restauration scolaire. Leur seule obligation est de tenir compte de l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public.

Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du maire de Chalon-sur-Saône contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 23 oct. 2018, n° 17LY03323, Chalon-sur-Saône [Cne], Dalloz actualité, 25 oct. 2018, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2019. 117 , note B. Bonnet ;  RFDA 2019. 499, concl. S. Deliancourt ) confirmant l’annulation par le tribunal administratif de Dijon des décisions de la ville de supprimer les menus sans porc dans les restaurants scolaires de la ville (TA Dijon, 28 août 2017, n° 1502100, Ligue de défense judiciaire des musulmans, Dalloz actualité, 4 sept. 2017, obs. E. Maupin ; AJDA 2017. 2207 , note D. Roman ; AJCT 2018. 35 , obs. François-Julien Defert ; ibid. 20, étude François-Julien Defert ; et 613, Pratique M. Bahouala ).

Pour rejeter la demande du maire (qui a confirmé après la lecture de la décision qu’il ne rétablirait pas les menus de substitution dans les cantines scolaires de Chalons),...

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Auteur d'origine: emaupin
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Par deux décisions récentes, le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence en affirmant que les dispositions d’une ordonnance non ratifiée doivent être regardées, dès l’expiration du délai de l’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité. (Cons. const. 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC, Association Force 5, Dalloz actualité, 3 juin 2020, obs. E. Benoit ; AJDA 2020. 1087 ; D. 2020. 1390, et les obs. , note T. Perroud ; RFDA 2020. 887, note C. Barthélemy ; ibid. 1139, chron. A. Roblot-Troizier ; RTD civ. 2020. 596, obs. P. Deumier ; Cons. const., 3 juill. 2020, n° 2020-851/852 QPC, AJDA 2020. 1384 ; ibid. 2095 , note M. Verpeaux ; D. 2020. 1408, et les obs. ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; RFDA 2020. 887, note C. Barthélemy ; ibid. 1139, chron. A. Roblot-Troizier ; RTD civ. 2020. 596, obs. P. Deumier ).

L’assemblée du contentieux définit les conditions et les modalités de contrôle de la légalité de ces ordonnances par le juge administratif lorsqu’il est saisi, que ce soit par voie d’action ou par voie d’exception.

Une ordonnance non ratifiée reste un acte administratif

La haute juridiction rappelle qu’alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, « les ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution conservent le caractère d’actes administratifs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification, qui ne peut être qu’expresse, par le Parlement […]. Leur légalité peut être contestée par voie d’action, au moyen d’un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d’État, compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, qui peut en prononcer l’annulation rétroactive, ou par la voie de l’exception, à l’occasion de la contestation d’un acte ultérieur pris sur leur fondement, devant toute juridiction, qui peut en écarter l’application, sous réserve, le cas échéant, d’une question préjudicielle ».

Il résulte uniquement de la décision n° 2020-851/852 QPC que, « lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité ».

Le Conseil d’État préserve et précise son contrôle

Pour autant, précise l’assemblée du contentieux, la circonstance qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse être soulevée « ne saurait faire obstacle à ce que le juge annule l’ordonnance dont il est saisi par voie d’action ou écarte son application au litige dont il est saisi, si elle est illégale pour d’autres motifs, y compris du fait de sa contrariété avec d’autres règles de valeur constitutionnelle que les droits et libertés que la Constitution garantit ».

De là, le Conseil d’État donne le mode d’emploi, à trois niveaux, de son contrôle.

Le requérant a le choix des moyens qu’il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit. « À défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d’opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l’argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation. »

Lorsqu’il est saisi, par voie d’action, d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une ordonnance, le Conseil d’État peut, « alors même que le délai d’habilitation est expiré et qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, annuler cette ordonnance, avant l’expiration du délai de trois mois à compter de la présentation de la question, sans se prononcer sur son renvoi au Conseil constitutionnel, si un motif autre que la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France est de nature à fonder cette annulation et que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande qu’il ne soit pas sursis à statuer ».

Si le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelle une disposition d’une ordonnance dont le Conseil d’État est saisi par voie d’action, « il appartient à ce dernier de tirer les conséquences, sur les conclusions de la requête, de la décision du Conseil constitutionnel, puis d’accueillir ou de rejeter le surplus des conclusions, en fonction du bien-fondé des moyens autres que ceux tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ».

Enfin, la loi par laquelle le Parlement ratifie une ordonnance lui donne rétroactivement valeur législative. Un recours en annulation devient donc, à compter de cette ratification, sans objet.

Application au cas d’espèce

Une fois posé le cadre de son contrôle, le Conseil d’État pouvait répondre au litige dont il était saisi par plusieurs syndicats qui lui demandaient d’annuler l’ordonnance du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire. La haute juridiction juge que cette ordonnance, qui a imposé la prise de jours de congés et de RTT aux agents placés en autorisation spéciale d’absence pendant le confinement du printemps dernier, est légale. Elle est, en particulier, justifiée par les besoins du service au cours de la période d’état d’urgence sanitaire et par l’objectif de diminuer le nombre de jours de congés susceptibles d’être posés par les agents lors de la reprise du travail.

Auteur d'origine: pastor

« C’est une totale réhabilitation et la victoire du droit sur la légèreté des accusations portées à son encontre », s’est félicité mercredi l’avocat de François-Marie Cornu, Me Olivier Morice. Cette décision de la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), compétente pour les magistrats du siège, met un terme aux poursuites engagées en 2015 contre le magistrat par le ministère de la justice.

Pourtant, le 12 juillet 2017, cette même formation disciplinaire, autrement composée, saisie des mêmes faits avait sanctionné M. Cornu. À savoir un blâme, avec inscription au dossier, pour manquements aux devoirs de réserve, de loyauté et de délicatesse, de confidentialité et au secret professionnel.

Enjeu de cette procédure, une interception téléphonique en date du 17 juillet 2015 qui a servi de fondements aux poursuites disciplinaires contre M. Cornu, à l’époque juge d’instruction au tribunal de grande instance (TGI) de Bastia. Elle avait motivé la sanction disciplinaire, le CSM estimant à l’époque que la nature et la teneur des propos caractérisaient « des manquements aux devoirs de loyauté et de délicatesse tant à l’égard de ses collègues magistrats que des services enquêteurs ».

Mais voilà, cette sanction, basée sur cette interception téléphonique, a été annulée par le Conseil d’État. Le 12 juin 2019, il a jugé qu’elle était « entachée d’une insuffisance de motivation », le CSM ayant écarté, sans y répondre, un moyen de défense de M. Cornu sur la légalité et les conditions de transmission de cette écoute téléphonique.

Revenons un peu dans le maquis corse, avec ses odeurs de thym et de myrte, ses histoires de vengeance et de soupirs silencieux. Installé en septembre 2013 comme juge d’instruction au TGI de Bastia, François-Marie Cornu est considéré comme un magistrat prometteur, très bien noté jusqu’alors par sa hiérarchie. Il se voit confier des dossiers de grande criminalité, notamment ceux concernant des assassinats commis dans la Plaine orientale.

Au fils des mois, le magistrat en vient à soupçonner certains gendarmes de couvrir un homme qu’il considère, malgré le peu d’éléments recueillis, comme impliqué dans plusieurs de ses dossiers, Olivier Sisti. Celui-ci est mis en examen en janvier 2015 pour assassinat (il est témoin assisté dans deux autres dossiers et victime dans d’autres). Le juge des libertés et de la détention (JLD) le laisse en liberté sous contrôle judiciaire. Contrôle qui sera levé six mois plus tard par la chambre de l’instruction.

En juin 2015, M. Cornu est dessaisi de ce dossier par le président du TGI à la demande du procureur de la République en application des dispositions de l’article 84 du code de procédure pénale.

Un mois plus tard, le 17 juillet 2015, le juge s’épanche au téléphone avec une partie civile du dossier dont il a été dessaisi. Ce qu’il ne sait pas, c’est que celle-ci est placée sur écoute dans le cadre d’une enquête préliminaire. Le magistrat critique l’action des gendarmes, celle du parquet, de la chambre de l’instruction… Le 23 juillet, une transcription de cette écoute atterrit sur le bureau du procureur.

La formation disciplinaire du CSM a été saisie par le ministère de la Justice et M. Olivier Sisti.

Plusieurs séries de griefs étaient retenus contre M. Cornu, dont manquement à ses devoirs de réserve, de loyauté et de délicatesse, de confidentialité et au secret professionnel.

Lors de l’audience du 4 décembre, la défense de M. Cornu a une nouvelle fois relevé le caractère illégal de l’interception téléphonique. Ainsi que son contenu. Ce qu’il n’avait pas fait auparavant.
Non-respect, d’une part, de l’article 706-95, qui veut que le JLD autorisant une telle interception soit «  informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l’alinéa précédent, notamment des procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation ».

Et absence de formalité de la retranscription, s’apparentant, selon la défense, à une « note blanche ».

Dans la décision rendue mercredi, si la formation disciplinaire du CSM considère qu’elle « ne peut porter une appréciation sur la régularité des actes juridictionnels », elle estime en revanche qu’il lui appartient « d’analyser la validité des moyens de preuve soumis à l’appui d’un grief disciplinaire ». Moyens contestés par le magistrat, qui « n’a pas été en mesure de les discuter préalablement dans le cadre d’une procédure pénale ».

« La pièce présentée comme portant retranscription de cette écoute téléphonique, qui ne revêt pas la forme d’un procès-verbal », relève la formation disciplinaire, « ne mentionne pas l’identité de l’officier de police judiciaire, auteur de la transcription de la correspondance, une telle formalité étant requise pour authentifier l’acte ». En toute logique, elle « ne peut, dans ces conditions, revêtir une force probatoire ».

La formation disciplinaire estime par ailleurs que l’enregistrement, placé sous CD-Rom, n’a pas été produit à l’appui de la procédure, empêchant le CSM comme le magistrat poursuivi d’y avoir accès. Elle considère qu’« en l’absence de tout autre élément susceptible d’étayer la réalité des propos imputés à M. Cornu, la preuve de la conversation incriminée n’est pas régulièrement rapportée, et le grief [de manquement aux devoirs de réserve, de délicatesse et de loyauté, ndlr] sera écarté ».

Toujours sur la base de cette interception, M. Cornu était poursuivi pour manquements aux devoirs de confidentialité, de violation du secret professionnel et d’atteinte à l’image de la justice. Il lui était reproché d’avoir évoqué des dossiers dont il était saisi et mis en cause l’institution judiciaire.

Dans une casuistique toute jésuitique, le CSM tient à rappeler que, « s’il était avéré, un tel comportement constituerait un manquement » aux devoirs précités « s’imposant à tout magistrat ainsi qu’une atteinte à l’image de la justice propre à en diminuer le crédit ». Cependant, comme la formation disciplinaire a « écarté la pièce pénale portant retranscription de cette conversation, il s’ensuit que ce grief, insuffisamment étayé par les autres investigations diligentées, sera rejeté ».

Cette décision constitue, selon l’avocat de M. Cornu, « une avancée importante pour la défense des magistrats car, jusque-là, le CSM se refusait à contrôler la régularité des actes de procédure reprochés à un juge. Il est manifeste que le CSM, dont je salue la décision, a fait évoluer sa jurisprudence en prenant en considération les arrêts de la Cour européenne au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce faisant, le CSM a reconnu implicitement l’irrégularité de l’interception téléphonique en Corse ».

La Direction des services judiciaires avait, après l’annulation de la sanction disciplinaire par le Conseil d’État, ajouté un nouveau grief contre M. Cornu. Il lui était reproché d’avoir, sur un compte ouvert à son nom, publié des attestations rédigées dans le cadre de la procédure disciplinaire. Faits qu’il avait contestés à l’audience.

Sur ce point, la formation disciplinaire l’a relaxé. « Il ressort des éléments de la procédure et des débats que de tels agissements […] n’ont pas été confirmés par les éléments fournis à l’appui du grief, les conditions de création du compte Twitter n’ayant pas été établies et seules les captures d’écran d’un tel compte ayant été produites, de sorte que ce grief n’est pas suffisamment étayé et sera rejeté ».

Le CSM a également considéré irrecevable la plainte de M. Sisti estimant qu’il n’avait pas qualité pour agir.

Auteur d'origine: babonneau
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Mme A., a saisi le juge des référés libertés après s’être vu refuser, en sa qualité d’avocate, l’accès aux locaux de la sous-préfecture de Sarcelles alors qu’elle était venue assister ses clients dans leurs démarches relatives au droit au séjour. Le préfet a justifié cette restriction par le contexte sanitaire et le caractère peu complexe des dossiers pour lesquels les usagers avaient été convoqués. Nous commenterons cette décision d’une part, en abordant le contrôle exercé sur la décision préfectorale et d’autre part, sur la liberté fondamentale particulière mise en exergue.

Le contrôle des mesures préfectorales en période d’état d’urgence sanitaire

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a créé un régime d’état d’urgence supplémentaire, lequel s’ajoute à l’état d’urgence sécuritaire créé par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée. Quand il est déclaré, l’état d’urgence sanitaire actionne trois autorités : le premier ministre qui peut prendre des mesures restrictives prévues par l’article L. 3131-15 du code de santé publique ; le ministre de la santé qui peut prescrire des mesures réglementaires ou individuelles ; les préfets de département qui sont habilités à prendre toutes mesures générales ou individuelles au niveau de leur circonscription. Si l’état d’urgence sanitaire a pris fin le 10 juillet 2020, face à la nouvelle progression de l’épidémie au cours des mois de septembre et d’octobre, il a été rétabli sur l’ensemble du territorial national à compter du 17 octobre par décret du 14 octobre 2020. Suite à la déclaration de cet état d’urgence sanitaire, un décret est intervenu pour prescrire les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19, son article 29 prévoyant que le préfet « est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles », afin de réglementer l’accès aux établissements recevant du public lorsque les circonstances locales le justifient. C’est sur ce fondement que le préfet du Val-d’Oise a pris l’arrêté litigieux. L’état d’urgence pose toujours un débat cornélien entre sécurité et libertés. En effet, si les libertés se voient amoindries en période de crise profonde par nécessité, l’Etat de droit doit continuer à exister dans l’état urgence sanitaire. En cas d’excès de l’autorité administrative, il appartient au juge administratif de sanctionner les actes pris par celle-ci.

À cet effet, le Conseil d’État a élaboré une grille de contrôle posée dans son célèbre arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État le 19 mai 1933, requête n° 17413 et 17520, avec la célèbre formule donnée par Monsieur le commissaire du gouvernement Michel : « la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ». Cette grille s’est particulièrement étayée par la suite, le juge du Palais-Royal soumettant toute mesure de police à un contrôle de proportionnalité sur trois critères : la mesure doit être adaptée à la situation donnée, nécessaire au règlement de cette situation et enfin proportionnée à l’ordre public qu’elle a vocation à assurer (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les concl. ; AJDA 2012. 35 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). Le juge constitutionnel applique également ces critères (Cons. const. 21 févr. 2008, n° 2008-562 DC, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, AJDA 2008. 714 , note P. Jan ; D. 2008. 1359, chron. Y. Mayaud ; ibid. 2025, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2009. 123, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; Constitutions 2010. 235, obs. M. Disant ; RSC 2008. 731, note C. Lazerges ; ibid. 2009. 166, obs. B. de Lamy ). En l’espèce, la mesure déférée de restreindre l’accès aux locaux des services des étrangers posait un problème au regard des trois critères de proportionnalité. En effet, le préfet du Val-d’Oise ne justifiait pas de l’impossibilité avérée d’assurer le respect des règles de distanciation physique lors des dépôts de demande de titre de séjour ni avoir mis en œuvre d’autres méthodes, telles que le réaménagement des conditions et des horaires d’accueil pour réguler le flux des usagers. Par ailleurs, il ressortait que les autres préfectures parisiennes, pourtant soumises aux mêmes contraintes sanitaires, parvenaient à organiser l’accueil dans leurs locaux des usagers accompagnés de leurs avocats, quelle que soit la nature de leurs demandes. En conséquence, l’interdiction édictée par le préfet du Val-d’Oise ne remplissait pas les exigences de proportionnalité : cette mesure n’était ni adaptée à la situation donnée, ni nécessaire au règlement aux buts poursuivis de préservation de la santé publique et ni proportionnée à l’ordre public au vu de la crise sanitaire qu’elle a vocation à assurer. Elle portait ainsi une atteinte gravissime à une liberté fondamentale.

La mission d’intervention de l’avocat : une liberté fondamentale à saluer

Le juge des référés de Cergy-Pontoise a été saisi sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui impose au juge de se prononcer dans un délai de 48 heures. Ce référé suppose pour l’essentiel deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence ne posant aucune difficulté en l’espèce, nous aborderons la question de la liberté fondamentale en cause. En l’espèce, le cas qu’avait à trancher le juge des référés de Cergy-Pontoise est fort intéressant car il aborde une liberté fondamentale attachée à une profession réglementée spécifique. Le juge administratif a eu à se prononcer sur plusieurs atteintes portées à des libertés fondamentales : notamment économique (CE, ord., 11 déc. 2020, Domaines skiables de France et autres, n° 44720 à propos de la fermeture des remontées mécaniques des sports d’hiver), culte (CE, ord., 29 nov. 2020, n° 446930, Association Civitas, AJDA 2020. 2343 ; AJ fam. 2020. 620 et les obs. sur la limite de 30 personnes dans les établissement de culte), liberté de manifester (CE, ord., 18 mai 2020, n° 440442, Association La Quadrature du net , Ligue des droits de l’homme, AJDA 2020. 1031 ; ibid. 1552 , note X. Bioy ; D. 2020. 1336, obs. P. Dupont , note P. E. Audit ; ibid. 1262, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJCT 2020. 530, obs. R. Perray et Hélène Adda ; Dalloz IP/IT 2020. 573, obs. Cassandra Rotily et L. Archambault concernant la surveillance par drones du respect des mesures de l’état d’urgence à Paris), protection en prison (CE, ord., 7 mai 2020, n° 440151, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Lebon ; AJDA 2020. 976 ; ibid. 1298 , note J. Schmitz sur les masques et tests de dépistage à la prison de Ducos Martinique), protection des avocats (CE, ord., 20 avr. 2020, n° 439983, Ordre des avocats au barreau de Marseille, Ordre des avocats au barreau de Paris, AJDA 2020. 816 ; D. avocats 2020. 266 et les obs. ). Dans le cas d’espèce, le juge des référés devait se prononcer sur l’atteinte portée au statut de l’avocat et à sa mission essentielle, celle de se déplacer et d’assister et de représenter les clients qui font appel à ses services en tout lieu. Il convient de rappeler les dispositions statutaires de la profession d’avocat prévues par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : article 3 bis, 1er alinéa : « L’avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions. » ; article 4 : « Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation » ; article 6 prévoit expressément que les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques. Nous pouvons mentionner également l’article 202-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui vise la représentation ou la défense d’un client par l’avocat devant les autorités publiques. Le juge constitutionnel rappelle que la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique notamment le droit à l’assistance effective de l’avocat (Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2011. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; Constitutions 2010. 571, obs. E. Daoud et E. Mercinier ; ibid. 2011. 58, obs. S. de La Rosa ; RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli ; ibid. 165, obs. B. de Lamy ; ibid. 193, chron. C. Lazerges ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig ). Par ailleurs, le Juge du Palais Royal a rappelé que la liberté d’aller et venir comporte le droit de se déplacer et constitue une liberté fondamentale CE, ord., 9 janv. 2001, n° 228928, Deperthes, Lebon ).

L’avocat est un marqueur de l’effectivité de l’État de droit dans une société démocratique : le niveau de la liberté d’action et de parole qui lui est reconnue et la protection dont il bénéficie pour exercer sa mission sont des garanties pour les libertés publiques et individuelles. En l’espèce, l’arrêté d’interdiction pris par le préfet du Val-d’Oise aboutissait à interdire à la requérante à ne pas pouvoir assurer la mission essentielle pourtant reconnue légalement et conventionnellement à un avocat, celle d’assister ses clients dans leurs démarches face à une autorité publique. À juste titre, le juge des référés a considéré en l’espèce que le libre exercice de la profession d’avocat, qui implique nécessairement une mission d’assistance et de conseil, et le droit pour un administré d’être accompagné par un avocat dans ses démarches, constituent des libertés fondamentales. En effet, le préfet ne pouvait, sans entraver gravement l’exercice de la profession d’avocat, décider de manière discrétionnaire de l’utilité de la présence d’un avocat en fonction de la complexité supposée du dossier. Si cela était possible, l’État de droit n’existerait plus puisqu’il se caractérise par la possibilité de permettre à toute personne de faire valoir ses droits, peu importe les circonstances de crise, de temps et de lieu. La décision attaquée aboutissait à nier totalement les droits non seulement garantis à tout avocat mais également ceux que possèdent toute personne désirant bénéficier de l’assistance d’un conseil formé. L’interdiction faite à Mme A. d’accéder aux locaux de la sous-préfecture de Sarcelles a porté une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice de la profession d’avocat et au droit des administrés d’être accompagnés lors de leurs démarches et de pouvoir accéder aux locaux de la sous-préfecture de Sarcelles. À relever l’intervention volontaire pertinente de l’Ordre des avocats du Barreau du Val-d’Oise et du Syndicat des Avocats de France.  

Auteur d'origine: pastor

L’objectif principal des cours criminelles était de juger plus rapidement certains crimes, notamment sexuels. Ceci pour, notamment, éviter des correctionnalisations. Les réticences étaient nombreuses. D’abord, « la crainte du recul de l’oralité, soulevée par les avocats, y compris l’actuel garde des Sceaux ». Ensuite, le coup porté au principe du jury populaire. Par ailleurs, certains avaient soulevé une possible hiérarchisation des crimes, au détriment des viols (ils constituent 90 % des affaires renvoyées devant les cours criminelles). Plus globalement, les opposants craignaient une dégradation de la qualité des débats dans un simple objectif d’économies.

Les députés constatent que ces risques « ne se sont pas ou peu matérialisés en l’état de l’expérimentation mise en place », même s’il « est encore trop tôt pour évaluer l’ensemble des effets », notamment sur les pratiques de correctionnalisation. Mais la trentaine d’auditions a « mis en évidence une quasi-unanimité des professionnels », à laquelle les députés ne s’attendaient pas forcément.

« Un bon exemple d’expérimentation efficace »

Les députés ont « observé in situ que les audiences se tiennent de la même manière que devant la cour d’assises » : les débats sont intégralement oraux, les témoins nombreux, les plaidoiries longues bien qu’adaptées à des juges professionnels. « Seuls des témoins périphériques sont parfois écartés, tout comme les experts qui ne sont plus nécessaires du fait de l’absence de jurés. » Toutefois, les députés notent que « l’absence de jurés conduit bel et bien à une perte de l’esprit et de la solennité qui caractérisaient la cour d’assises, ainsi qu’à un risque de déconnexion de la justice avec le peuple ».

Les audiences durent environ une demi-journée de moins qu’en cour d’assises et la préparation des audiences est plus rapide (tirage au sort, préparation des jurés). Même si ce gain reste limité : le stock d’affaires reste très élevé et les tribunaux disposent rarement de salles pour accueillir simultanément des sessions d’assises et de cour criminelle. Le gain financier est lui aussi réduit, ne serait-ce que parce qu’une cour criminelle nécessite de mobiliser cinq magistrats, dont au moins trois en activité. À noter, le taux d’appel reste, pour l’instant, bas (environ 20 %).

Les députés réaffirment leur « attachement à la cour d’assises » et souhaitent son maintien notamment pour les affaires les plus graves et les appels. Mais les cours criminelles constituent « un bon exemple d’expérimentation efficace », permettant d’affiner la réforme et de la faire accepter par les professionnels.

Six recommandations

Les députés s’interrogent toutefois sur les critères d’orientation. Actuellement, ce sont les crimes punis de quinze à vingt ans d’emprisonnement qui sont orientés vers la cour criminelle. Les députés préféreraient que le choix se fasse en fonction des affaires : certains crimes passibles de moins de vingt ans méritent d’être jugés un jury populaire, quand d’autres, plus graves, pourraient passer en cour criminelle, parce que les faits sont reconnus, la victime fragile ou l’affaire très technique. L’orientation pourrait s’opérer après consultation des parties et en cas de désaccord, le juge d’instruction trancherait sur des critères objectifs. Les députés proposent aussi de faire converger à neuf mois les délais maximaux entre la mise en accusation et le procès lorsque l’accusé est en détention provisoire.

Parmi les bonnes pratiques à conserver, les députés suggèrent « de s’assurer que la présidence soit confiée à un président de cour d’assises qui a l’habitude et la pratique de l’oralité des débats ». Dans certains ressorts, les députés notent qu’il y a eu un accord entre la juridiction et le barreau pour fixer le nombre de témoins. Une idée qu’il faudrait inscrire dans la loi.

Enfin, afin de renforcer le caractère « citoyen » de la cour criminelle, les députés suggèrent que des personnes extérieures qualifiées puissent être assesseurs, à côté des magistrats. Ils pensent notamment aux avocats honoraires.

Auteur d'origine: babonneau

Dans son premier fascicule, publié en juillet, la Cour des comptes estimait que les collectivités locales abordaient la crise sanitaire en meilleure situation financière que l’État (v. Dalloz actualité, 8 juill. 2020, obs. J.-M. Pastor). Le deuxième fascicule, qui porte sur les impacts immédiats de la crise, conclut à une incidence très inégale selon les catégories de collectivités et les disparités vont s’accroître. Toutes connaîtront une érosion d’épargne mais elle sera plus prononcée pour certaines collectivités du bloc communal, ainsi que pour les départements, en fonction de leur dépendance aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la hausse potentielle de leurs dépenses sociales.

Certaines communes, notamment touristiques, sont particulièrement exposées à l’effondrement de recettes particulières comme la taxe de séjour ou celles tirées de la présence d’un casino. Les collectivités assumant des charges de centralité importantes sont confrontées aux pertes de recettes liées à l’arrêt des équipements culturels, sportifs ou de loisir.

Départements fragiles, régions solides

Les fragilités financières des départements devraient également s’accentuer.

Sollicités au même titre que les autres collectivités dès le premier semestre par la mise en place de mesures d’urgence, leurs dépenses sociales ont augmenté, que ce soit au titre d’allocations individuelles de solidarité ou en appui aux établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de leurs compétences. Dans le même temps, leurs recettes de fonctionnement devraient se contracter, en particulier les produits de DMTO. Les effets devraient cependant être limités en 2020 : certaines recettes, compte tenu de leurs modalités de versement, ne devraient se dégrader qu’à compter de 2021 (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxe d’aménagement), d’autres sont issues de transferts de compétences assortis d’un mécanisme de garantie de l’État, qui devrait voir ce dernier assumer la plus grande partie des pertes de recettes concernées (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).

Enfin, les recettes des régions devraient être affectées dans des proportions modérées, la perte la plus substantielle pourrait porter sur la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules. En revanche, elles sont intervenues de manière très large en soutien aux secteurs économiques les plus touchés, que ce soit à travers leur contribution au fonds national de solidarité, la création de fonds régionaux exceptionnels ou de divers dispositifs de soutien. Leur épargne brute devrait ainsi diminuer en 2020 et le maintien d’un haut niveau de dépenses en investissement devrait les conduire à un recours accru à l’endettement. L’accord de méthode État-régions du 30 juillet 2020 devrait toutefois renforcer structurellement leurs ressources dès 2021 et permettre d’accroître leur effort dans le cadre du plan de relance national.

L’échec de la mise en place des métropoles

Le troisième fascicule de la Cour des comptes sur les finances publiques locales 2020 examine la mise en œuvre des réformes successives concernant les métropoles. Qualifiée d’« expression la plus aboutie du mouvement d’affirmation de l’intercommunalité », la création des métropoles n’a pas encore eu les effets structurants escomptés en matière de mutualisation, de transferts de compétence et de rayonnement. La Cour a analysé vingt et une des vingt-deux métropoles existantes, la métropole du Grand Paris n’a pas été retenue en raison de son statut particulier. Les transferts de compétences devaient permettre à la métropole d’atteindre un degré d’intégration élevé permettant une rationalisation de l’action publique sur son territoire. Pourtant, selon la cour, leur création n’a pas apporté de modification substantielle au socle des compétences dont disposaient les communautés urbaines, à l’image de la métropole de Lyon, héritée de l’ex-communauté urbaine créée en 1969, qui n’a pas gagné en efficience.

Les métropoles tardent à monter en puissance, leur périmètre d’intervention reste flou. La mutualisation des services n’a pas progressé significativement avec le statut métropolitain au-delà de ce qui existait avant son adoption (Toulouse, Nice, Tours). La Cour des comptes n’est pas tendre avec la métropole Aix-Marseille-Provence. Son statut dérogatoire, en partie destiné à pallier l’absence persistante de consensus politique des élus locaux, a laissé subsister les six anciens établissements intercommunaux sous forme de « conseils de territoire » qui se sont vu déléguer d’emblée par la loi l’intégralité des compétences métropolitaines. De fait, ces échelons locaux sont restés des centres de décision et de pouvoir, alors qu’ils étaient censés, après une brève période transitoire, n’exercer qu’un rôle essentiellement consultatif. Ils consomment ainsi l’essentiel des crédits d’investissement de la nouvelle institution, au détriment des projets métropolitains qui, à ce stade, sont réduits à la portion congrue, faute de moyens et de consensus politique.

Paradoxalement, la mise en place des métropoles a réaffirmé le rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques publiques, confirmant l’idée selon laquelle la métropole reste un établissement intercommunal au service des communes, « bien en retrait des ambitions initialement affichées par la loi qui en a fixé le statut ».

Auteur d'origine: pastor
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Les décrets nos 2020-1542 et 2020-1543, conformément à la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 (v. AJDA 2020. 281 ), organisent les services chargés de la mise en œuvre des politiques de la jeunesse, de la vie associative, de l’engagement et du sport. Ainsi, les missions de l’État en matière de sport, de jeunesse, d’éducation populaire et d’engagement civique jusqu’ici exercées au sein de services régionaux et départementaux distincts sont transférées au services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Elles seront confiées, dès le 1er janvier 2021, au niveau régional, au sein des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports placées dans les rectorats de région académique et, au niveau départemental, au...

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Auteur d'origine: emaupin

À la suite de l’expropriation partielle au profit d’une commune de plusieurs parcelles appartenant à Monsieur J., le juge de l’expropriation a fixé une indemnité de dépossession.

La commune a interjeté appel principal du jugement de première instance le 7 février 2018 et a déposé un mémoire, le 3 mai 2018, qui a été notifié le 15 mai 2018 à l’intimé.

Monsieur J., intimé, n’a ni conclu ni formé appel incident dans les trois mois suivant cette date, mais a formé un appel à titre principal le 27 septembre 2018.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, statuant en matière d’expropriation a déclaré irrecevable l’appel principal formé par Monsieur J. le 27 septembre 2018 aux motifs qu’il n’avait pas formé appel incident dans le délai de trois mois suivant la notification du mémoire de la commune et que la circonstance que le jugement de première instance n’ait pas été signifié à Monsieur J. était sans incidence sur l’irrecevabilité de son appel.

N’ayant pas été entendu, Monsieur J. s’est pourvu devant la Cour de cassation, qui a rejeté l’ensemble des moyens de son pourvoi.

Transposition des dispositions du code de procédure civile en matière d’expropriation

Aux termes de l’article R. 311-24 de code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le délai pour interjeter appel par les parties est d’un mois à compter de la notification du jugement d’expropriation.

En application de l’article R....

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Auteur d'origine: Thill

Une consultation est lancée en vue de l’attribution, par la commune de Challans, d’une concession de service public, d’une durée de trente ans, relative à la conception, la construction et l’exploitation d’un crématorium communal. La société Pompes funèbres funérarium Lemarchand, dont l’offre n’a pas été retenue le 20 décembre 2019, saisit le juge du référé précontractuel d’une demande d’annulation de la procédure de passation du contrat de concession, et ce sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative (ci-après « CJA »). La requête du candidat évincé étant rejetée au fond par une ordonnance du 27 février 2020, celui-ci décide de former un second référé précontractuel sur le même fondement. Sa demande de nouveau rejetée au fond, il se lance dans un troisième référé précontractuel, tendant encore à l’annulation de la procédure de passation, dont la requête est enregistrée au greffe le 2 mars 2020.

Toutefois, le candidat évincé apprend entre temps que le contrat de concession litigieux a été signé le 27 février 2020, soit le jour où sa seconde requête a été rejetée. La signature du contrat litigieux fermant d’office l’accès au juge du référé précontractuel, le candidat évincé modifie sa requête. Il saisit alors le juge du référé contractuel, sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du CJA, de l’annulation dudit contrat en contestant le non-respect par le pouvoir adjudicateur du délai de suspension prescrit par l’article L. 551-4 du CJA. Une fois de plus, la requête est rejetée, le juge du référé contractuel ayant considéré que la signature du contrat litigieux n’a pas privé le candidat évincé du droit à exercer un recours précontractuel. Le contentieux est porté en cassation devant le Conseil d’État qui rejette à son tour la demande du candidat évincé.

Outre l’évocation des règles en vigueur concernant la procédure du référé durant la période de l’état d’urgence sanitaire, la Haute juridiction administrative admet qu’il est possible de former plusieurs référés précontractuels relatifs à la même demande, et ce, tant que le contrat litigieux n’est pas signé. Il est également précisé que la signature, dans le respect du délai de suspension, ferme l’accès au juge du référé contractuel.

Le référé sous l’empire du covid-19

Crise sanitaire oblige, le Conseil d’État rappelle les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif : entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire, « il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé (…) ». L’ordonnance faisant mention d’une possibilité de...

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Auteur d'origine: pastor

La métropole Aix-Marseille-Provence lance une procédure d’appel d’offres ouvert en vue d’attribuer un accord-cadre multi-attributaire ayant pour objet des travaux d’aménagement, de réparation, d’entretien, de rénovation des bâtiments et d’ouvrages divers lui appartenant ; le lot litigieux est attribué à trois entreprises. La société classée en quatrième position conteste cette attribution en saisissant le juge du référé précontractuel de l’irrégularité tirée du caractère identique des offres respectivement présentées par deux des trois entreprises attributaires. Le candidat évincé pointe notamment du doigt la circonstance que ces deux entreprises sont « sans autonomie commerciale ». Le tribunal administratif de Marseille annule la procédure de passation du lot litigieux au stade de l’examen des offres, conduisant la métropole Aix-Marseille-Provence ainsi que les deux entreprises attributaires concernées à attaquer cette ordonnance devant le Conseil d’État.

Ce dernier rejette leurs pourvois et affirme que les deux entreprises attributaires n’ont pas respecté le règlement de la consultation en déposant chacune la même offre, tant sur les éléments techniques que sur le prix proposé, et ce par extension de la règle selon laquelle un candidat ne doit présenter qu’une seule offre. La Haute juridiction administrative revient à cette occasion sur les notions de candidature et d’offre.

Un candidat, une offre

Le Conseil d’État rappelle les dispositions alors applicables au litige, à savoir le I de l’article 57 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, depuis codifié à l’article R. 2151-6 du code de la commande publique qui énonce très clairement que « le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l’acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres ». De ces dispositions découle le principe selon lequel un candidat ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot, le pouvoir adjudicateur (« l’acheteur », désormais) pouvant en décider autrement dans le règlement de la consultation.

Pour mémoire, l’allotissement des marchés publics est par principe obligatoire depuis l’ancien code des marchés de 2006 ; cette règle est maintenue à l’article L. 2113-10 du code de la commande publique qui dispose que « les marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas...

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Auteur d'origine: pastor
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Le procès des écoutes n’aura pas fait pschit. Il n’aura pas non plus éclaboussé. Dix jours d’audience, souvent tendus, à l’extérieur comme à l’intérieur de la salle 2.01 du tribunal judiciaire, qui n’auront permis que de confronter les pratiques parfois hasardeuses des uns et des autres. D’un côté, une accusation s’acharnant à faire entrer dans la case d’une prévention les écoutes confidentielles d’un avocat avec son client. De l’autre, une défense qui refuse un peu vite de voir en quoi l’habitude des puissants de se rendre des services privilégiés nécessiterait d’instruire leur motivation. Retour sur les derniers jours du procès.

Nicolas Sarkozy : « Moi, avec ces écoutes, j’entends quelqu’un qui veut être rassuré par son avocat »

Septième jour du procès. Nicolas Sarkozy s’avance à la barre, il tient une pochette bleue qu’il pose sur le pupitre, en face du tribunal. Ce jour-là, le 7 décembre, ses deux fils aînés sont présents. Et comme chaque jour, de nombreux avocats viennent assister aux débats. L’ex-chef de l’État est soupçonné, avec son avocat Thierry Herzog et le magistrat à la Cour de cassation Gilbert Azibert, d’avoir conclu un pacte de corruption, dans le cadre de l’affaire Bettencourt en 2013 : le magistrat leur donne des informations sur le pourvoi en cours pour faire annuler la saisie des agendas présidentiels, en échange d’un poste au conseil d’État monégasque. Le poste ne sera finalement jamais demandé et la Cour de cassation rejettera en mars 2014 le pourvoi de Nicolas Sarkozy.

« Madame la Présidente, je n’ai jamais commis le moindre acte de corruption ou de trafic d’influence. […] Naturellement, je ne suis pas une victime, mais permettez-moi de rappeler quelques faits. » L’ancien président égrène sa garde à vue, « devant la presse du monde entier, en pleine nuit », sa mise en examen, l’erreur des juges d’instruction qui ont voulu lui faire signer un procès-verbal de mandat de dépôt – « révélateur d’un état d’esprit pas franchement à ma décharge » –, les conversations avec son avocat Thierry Herzog retranscrites « presque intégralement dans la presse », 3 700 conversations privées écoutées, celles avec son épouse, ses enfants, ses amis, son avocat, deux commissions rogatoires internationales, une Cour de cassation perquisitionnée, douze magistrats de la chambre criminelle interrogés, une enquête préliminaire « cachée »… « rien que pour moi », feint de s’étonner Nicolas Sarkozy. « Pour quelle raison ? C’est l’affaire du siècle ? Des milliers d’articles parce que c’est moi, c’est moi seul qui déchaîne tout cela. Que constate-t-on après six ans d’une telle mobilisation ? Pas un centime en cause, pas de victime, un arrêt de la Cour de cassation qui n’est pas rendu dans mon sens, à Monaco tout le monde dit que je ne suis pas intervenu pour Gilbert Azibert […], des bribes de conversation sans qu’il y ait le moindre début de quoi que ce soit. En toute franchise, quelle indignation. C’est la première fois, Madame la Présidente, que je vais pouvoir m’expliquer devant une justice impartiale. […] Je ne m’abriterai derrière aucune jurisprudence, je veux être lavé de cette infamie pas seulement du fait du droit, je veux la vérité des faits. »

Nicolas Sarkozy gesticule, ses mains sont aussi expressives que ses intonations, il s’adresse à la présidente du tribunal mais également aux représentants du parquet national financier. « On a osé parler de nous comme des “délinquants chevronnés” alors que nous n’avons jamais été attraits devant un tribunal. » Ce dossier, poursuit l’ancien politique, est un ramassis de « mensonges horribles » et « quand la justice ment, elle perd ». Deux exemples. Il y a eu la fameuse enquête préliminaire découverte par hasard et dont l’ex-cheffe du PNF, Éliane Houlette, avait dit à la défense qu’elle ne concernait pas Nicolas Sarkozy. Cette enquête était tellement connexe que la jonction avec l’information judiciaire Bismuth a été dans un premier temps demandée par un magistrat du PNF pour être finalement enterrée. Ce ne sont pas des mensonges de la défense, « toutes mes déclarations ont été confirmées ». Passons aux faits. Pour prouver qu’il n’y a pas eu de pacte de corruption entre Gilbert Azibert, Thierry Herzog et l’ex-chef de l’État, il faut d’abord comprendre les relations que ce dernier entretient avec son avocat. « Thierry Herzog n’est pas mon ami, il est comme un membre de la famille, que j’aime profondément, nous sommes liés par une amitié rare qui ne s’est jamais démentie. Il est l’ami de ma famille, il est un membre de ma famille. Je le connais par cœur, je l’appelle tous les jours. » L’ami est également devenu l’avocat, en 2006, à l’occasion de l’affaire Clearstream, « le premier d’un certain nombre de scandales qu’on allait me mettre sur le dos », puis de l’affaire Bettencourt, puis celle du financement libyen de la campagne présidentielle…

Quant à Gilbert Azibert, eh bien Nicolas Sarkozy « ne l’a jamais autant vu que depuis le début de ce procès ! » La salle rit, et elle va se gondoler davantage au fur et à mesure que le prévenu s’emporte dans ses explications. En réalité, il n’a pas rencontré le magistrat. En 2013, à un moment où son parti politique connaît en interne « une bagarre épouvantable » augurant un hypothétique retour, il pense notamment à la constitution d’un groupe de travail chargé de réfléchir aux liens entre le parquet et le garde des Sceaux. Son conseiller justice, Patrick Ouart, lui glisse le nom de Gilbert Azibert. Le prérapport ne sera jamais rendu, Gilbert Azibert ayant d’ailleurs été victime d’un AVC à cette époque.

En octobre 2013, les magistrats bordelais ordonnent un non-lieu en faveur de Nicolas Sarkozy, mis en examen pour abus de faiblesse dans le cadre de l’affaire Bettencourt. À ce moment, « je suis euphorique de cette victoire, c’est la première, j’espère qu’il y en aura d’autres. […] Dans ma conversation, je lui demande “on va gagner ?”, à propos de mes agendas, “qu’est-ce que t’en penses ?”, je suis comme ça ! Je suis à fond mais c’est tout, je sais qu’il n’y a pas d’enjeu. Vous me dites “Thierry Herzog et vous, vous en parlez régulièrement” de cette affaire de pourvoi. Mais sur 170 écoutes, il y a moins d’une dizaine de conversations où le nom d’Azibert est employé. […] Ça représente 7 % des conversations totales sur la ligne Bismuth. Si Whatsapp avait existé, j’aurais pas eu besoin de Bismuth, j’ai pris ce téléphone à la demande de Thierry. La messagerie Bismuth, Monsieur le Procureur, c’est Whatsapp ! »

Selon Nicolas Sarkozy, ces conversations ne trahissent rien. « Thierry dit tout et son contraire, il n’est pas la personne la plus rationnelle qui soit. […] Moi, avec ces écoutes, j’entends quelqu’un qui veut être rassuré et son avocat qui tente de le rassurer par tous les moyens imaginables. » Il a un avocat aux conseils « très compétent », Patrice Spinosi, qui s’occupe de tout et gérait cela avec Thierry Herzog, « ils faisaient leurs affaires. Il est pourtant bien question d’obtenir le sens de l’avis du conseiller rapporteur dans ces échanges, insiste la présidente. « Je vous demande de me croire, je ne savais pas la différence entre l’avis neutre et celui-ci. Je voyais que Thierry n’en savait pas plus que moi. D’ailleurs, dans ces conversations, vous voyez bien que je ne le relance jamais ! » « Vous demandez ponctuellement quand même à chaque fois d’appeler Gilbert Azibert pour avoir des éléments concernant la décision à venir, non ? » « La seule fois où j’ai fréquenté la Cour de cassation, c’était en tant que président de la République. […] Au fond, pour moi, c’est comme un club, où ils ne sont pas nombreux, des collègues qui échangent […] comme à la buvette du palais. […] Je cherchais à connaître l’ambiance, ce qu’ils disaient de moi. […] Thierry me disait qu’il avait un ami ancien pour savoir ce qu’il s’y disait. Je vous demande de me croire parce que c’est la vérité. »

En somme, ce qu’il veut, c’est une bonne nouvelle, peu importe que l’on parle d’un avis, d’un rapport. Thierry Herzog « bavarde » et Nicolas Sarkozy ne le relance pas. Il ponctue ses phrases de « bon, parfait ». Pour lui, il n’a reçu aucune information confidentielle mais uniquement des « impressions ». « Est-ce possible alors que Thierry Herzog vous ait menti concernant les informations qu’il aurait sur la décision à venir de la Cour de cassation, parce qu’il va très loin quand même ? » « Thierry ne me ment jamais pour les choses importantes mais là, […] ce sont des bribes de conversations mises bout à bout qui donnent une cohérence alors qu’elles n’en ont pas, ça donne l’impression d’une obsession. […] Si vous prenez toutes les conversations, jusqu’à la dernière minute, je demande si on a gagné ou pas. Ça montre que je ne sais pas ce qui se passe et que j’ignore le délibéré. » Un délibéré qui validera la saisie des agendas de l’ancien chef de l’État, donc. « Je veux être ra-ssu-ré. C’est ça, l’histoire Bismuth, un justiciable inquiet, un avocat affectueux et des écoutes. »

D’ailleurs, continue le prévenu, dont le masque ne cesse de glisser sous le nez, « jamais, jamais, jamais, je n’ai eu conscience que Thierry commettait le moindre délit et j’étais en faute ». Comme abattu, il estime que c’est « très difficile d’apporter la preuve négative, et là, on me demande de démontrer ce que j’avais dans la tête ». Pas de pacte pour Nicolas Sarkozy. Quid de la promesse d’un poste à Monaco ? Rien, non plus, estime la défense. Une écoute vient contredire cela, selon l’enquête. Lors d’une conversation avec Thierry Herzog qui lui demande d’intercéder en faveur de Thierry Herzog le 5 février 2014, l’ex-chef de l’État répond « je l’aiderai ». À la barre, il s’agite. « Mais cent fois dans sa vie, Thierry m’a demandé des services, “tu peux m’aider, il n’ose pas te demander”. J’aurais pu rendre ce service à Thierry, ça n’aurait pas été pour Gilbert Azibert. […] On parle d’un coup de pouce, pas d’un pacte. […] Ma vie a été de donner des coups de pouce, c’est ça, quarante ans de vie politique. […] Franchement, six jours avant le délibéré de la Cour de cassation, je ne sais même qu’il veut bosser à Monaco ! Je suis tellement au courant du pacte que je dis à Thierry “ah bon ? Il veut travailler à Monaco ?” Franchement ! S’il y a un pacte, il doit se nouer. » La salle rit, comme au cinéma. Le prévenu, porté par lui-même, poursuit sa démonstration. Que penser du séjour de Nicolas Sarkozy à Monaco ? Et de la venue précipitée de son avocat sur place ? Et du coup de fil au ministre d’État de la principauté ? Très simple, cela n’a strictement rien à voir avec l’affaire. Thierry Herzog s’en est expliqué quelques jours avant, à la barre du tribunal. Il est informé par un journaliste que les enregistrements Buisson vont sortir dans la presse et qu’ils concernent pour partie des conversations privées avec l’épouse du président, Carla Bruni. L’avocat prend le premier avion pour Nice, oublie son téléphone Bismuth à Paris, débarque à l’Hôtel de Paris et informe le président. « Je m’assieds… comment je vais expliquer ce truc-là à Carla ? Je suis à Monaco mais à mille années-lumière de Gilbert Azibert ! »


 

Pour l’accusation, un pacte de corruption qui a « froissé le tissu institutionnel qu’est l’État de droit »

Huitième jour du procès. La veille, les deux procureurs, Jean-Luc Blachon et Céline Guillet, n’ont pas accablé Nicolas Sarkozy de questions. L’accusation s’est d’ailleurs montrée relativement silencieuse pendant les débats. Ce 8 décembre, la salle du tribunal se remplit. Avocats, conseillers en communication, public. Les journalistes s’installent, certains sont délogés à la demande du parquet national financier car des membres du parquet viennent assister aux réquisitions. Et puis le murmure. « Vous avez vu qui est là ? » Jean-François Bohnert, patron du PNF, s’assoit aux côtés de ses deux procureurs. Il ne s’était pas montré avant cela. Il ne réapparaîtra pas le lendemain, pour les plaidoiries de la défense. « L’importance de l’affaire qui nous occupe aujourd’hui impose que le chef du PNF vienne développer quelques propos introductifs. […] Un procès n’est jamais un acte de vengeance ni public, ni privé. […] Ce procès n’est pas plus une vengeance institutionnelle, ni celle de la magistrature et encore moins celle du PNF. Personne ne cherche à se venger d’un ancien président de la République. Oui, monsieur Sarkozy, vous avez le droit à une justice impartiale. Messieurs Herzog et Azibert également. Un ancien chef de l’État a des droits mais il a aussi, avec toute l’exemplarité de sa charge, l’impérieux devoir de respecter le droit car c’est bien cela, l’État de droit. Ce n’est pas non plus une vengeance à l’égard d’un avocat et d’un magistrat. […] Mais personne n’est au-dessus ou en dehors de la loi, tel est bien le sens de ce procès. »

Contre « la confusion pernicieuse entretenue sur la place publique » entre les écoutes et les fadettes, soit entre l’information judiciaire – connue – et l’enquête préliminaire – cachée, selon la défense –, « il est de ma responsabilité de dire quelques mots sur l’enquête préliminaire ». Le magistrat développe son argumentaire en six points – ils sont importants et la défense y répondra le lendemain. 1. D’abord, l’enquête a été ouverte le 4 mars 2014, « le PNF avait un mois d’existence ». 2. Son objectif exclusif était d’identifier l’auteur de la fuite auprès de Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. 3. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette enquête n’a donné lieu à aucune écoute, mais seulement des fadettes « analysées sur une période soigneusement sélectionnée portant sur cinq heures et dix minutes de la journée du 25 février 2014 ». 4. Le PNF ne cherchait pas « impunément » une taupe, il n’y a eu « aucun voyeurisme ». 5. Le code de procédure pénale n’impose ni délai ni communication d’éléments dès lors qu’il y a classement sans suite. Et comme pour se dédire de sa prédécesseure Éliane Houlette, Jean-François Bohnert lance : « la doctrine du PNF a évolué en sept ans, et à mon arrivée, j’ai aussitôt pris la décision de classer sans suite cette enquête, en décembre 2019. Et c’est à mon initiative que son contenu a été communiqué à la défense ». 6. La conduite de cette enquête préliminaire a été soumise « au regard critique et indépendant de l’Inspection de la justice ». S’il y a eu quelques observations d’ordre organisationnel, « à aucun moment le PNF ne s’est affranchi de la légalité de son travail ». « J’ose le dire, continue le chef du parquet, le PNF n’est jamais sorti des clous. Si le tribunal n’est pas saisi de cette enquête préliminaire, votre tribunal est en revanche saisi de faits particulièrement graves. » Le PNF a fait son travail « sincèrement », « rigoureusement », « avec délicatesse », « marque de fabrique du parquet français, conclut M. Bohnert. Rien à voir, donc, « avec les méthodes de barbouze dont le PNF est accusé ».

Il faut maintenant démontrer que le pacte de corruption a existé. Jean-François Bohnert s’est assis. Il reste quatre heures de réquisitions, les plus importantes. À l’aide de slides – que le public n’a pas le temps de lire – Jean-Luc Blachon, procureur de la République financier adjoint, s’attaque en premier à la légalité des interceptions d’avocats que la défense veut écarter des débats. Sans elles, il n’y a pas de preuve de pacte. « Il y a un pacte de corruption qui se noue en février 2014, bien avant Monaco. En droit, ce voyage n’est rien. En fait, il n’est qu’un décor qui révèle les faux-semblants des prévenus. Un faux-semblant qui devient vide. […] Une fraction du barreau vous invite à faire un grand bond en avant : elle vous invite à statuer contre la loi au nom du caractère absolu du secret professionnel. » L’accusation a pour elle l’arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2016 qui a validé la transcription des écoutes téléphoniques entre l’ancien président de la République et son avocat, mais avait déclaré irrégulière la transcription des écoutes entre ce dernier et son bâtonnier, ainsi que les saisies effectuées à la Cour de cassation. Jean-Luc Blachon écarte aussi l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Versini de 2016*, que la défense a brandi comme étendard. Exit aussi, selon le procureur, l’arrêt de la Cour de cassation de juin 2016 selon lequel la transcription ne peut avoir lieu que si la conversation en elle-même révélait des indices de nature à faire présumer la participation de l’avocat à une infraction. La transcription n’étant pas possible si des indices ultérieurs ont permis de voir dans la conversation antérieure des indices de la participation de l’avocat à une infraction.

Les écoutes validées, leurs conversations permettent de démontrer, de matérialiser le pacte. Car, dans cette affaire, il n’y a rien d’autre que les conversations téléphoniques. La défense l’a répété à maintes reprises. « En 2013, Nicolas Sarkozy est mis en examen dans l’affaire Bettencourt, puis il y a le non-lieu. Il a décidé malgré tout le pourvoi, c’est là que se loge l’origine objective de ce dossier. » L’ancien chef de l’État veut faire annuler la saisie de ses agendas, voilà « un intérêt juridique bien réel » démontré par « l’agitation et l’empressement » des prévenus. C’est à ce point une « insistance » pour le chef de l’État que le mot « agenda » va ressortir de manière évidente de toutes les conversations. Le procureur diffuse alors un nuage de mots les plus utilisés par les protagonistes de l’affaire dans leurs conversations. Sans surprise, c’est « agenda ». La ficelle est épaisse : si l’on écoute les échanges sur les agendas, il y a effectivement beaucoup de chance que le mot revienne de manière récurrente. Les avocats de la défense sourient. Le procureur poursuit sa plongée dans « l’entrisme » facilité par des amitiés anciennes, qui « donne l’assurance de la discrétion », avec un magistrat « opportuniste ». Il suffit de constater « les initiatives nombreuses pour atteindre les objectifs recherchés ». L’acquisition d’une ligne dédiée « occulte » Bismuth, d’ailleurs, n’avait pas pour but, comme l’ont affirmé les prévenus, d’évoquer à l’abri d’enquêteurs trop zélés des stratégies judiciaires. « On cache des informations en ouvrant une ligne Bismuth, on prend la précaution de bavardages et puis soudainement, sur la ligne officielle, on a des relations officielles avec Gilbert Azibert. » La preuve, cette écoute du 1er février 2014 : « Réponds sur ton téléphone [officiel], qu’on ait l’impression d’avoir une conversation… » ou encore, quelques jours plus tard : « Je t’appelle, comme ça ces messieurs qui nous écoutent […] » Cela, pour Jean-Luc Blachon, est la démonstration « d’un besoin impérieux de désamorcer une pratique corruptive, sauf qu’il est trop tard ! » Et, « qu’on ait vu le prince de Monaco ou pas, cela ne change rien », ajoute-t-il. Enfin, Gilbert Azibert et Thierry Herzog « étaient en contacts fréquents, succédant ou précédant souvent les échanges avec Nicolas Sarkozy ». La matérialité des faits est démontrée. Hervé Temime, avocat de Thierry Herzog, lève les yeux au ciel. « N’importe quoi. »

Céline Guillet, première vice-procureure, enchaîne. Elle va revenir sur les volets de corruption et de trafic d’influence. Gilbert Azibert, d’abord, était bien, selon elle, « tiers à la procédure, de nombreux éléments du dossier montrent qu’il avait rejoint l’équipe de défense de Nicolas Sarkozy », depuis la remise par Thierry Herzog de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Bordeaux relatif à l’affaire Bettencourt « soumis au secret de l’instruction ». Un document qui a été retrouvé chez l’ancien magistrat lors d’une perquisition. Ce dernier devait faire partie du groupe de travail sur la procédure pénale de Nicolas Sarkozy, en 2013. « Ce ne sont pas seulement les compétences de Gilbert Azibert qui ont été recherchées mais sa proximité avec les juridictions bordelaises », pense la magistrate. Par la suite, lorsque le pourvoi devant la chambre criminelle est en cours, M. Azibert devient « un informateur de premier plan », étant avocat général au sein de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Le processus décisionnel « a été vicié par l’accès à des informations confidentielles », assène Céline Guillet. Pour rappel, la chambre criminelle n’a pas donné raison à Nicolas Sarkozy. C’est « implacable », estime néanmoins l’accusation : Gilbert Azibert a « utilisé » son confrère Patrick Sassoust, avocat général à la chambre criminelle, « aux fins d’obtenir des informations », qui a reconnu « une attitude pressurisante » du prévenu. « Ce qui est certain et qui ne souffre d’aucun doute, c’est que Gilbert Azibert a transmis à Thierry Herzog ce qu’il pensait être l’avis […] et la date du délibéré. » La démonstration est séduisante mais peine parfois à convaincre, car émaillée de « ils ont pu », « il est possible que », « c’est une hypothèse », « j’ai la faiblesse de croire », « je reste troublée », « nous n’avons pas tout compris des retranscriptions mais nous avons parfois deviné que la ligne Bismuth servait à échafauder les stratagèmes les plus troubles ». La défense n’hésitera pas à lui faire remarquer le lendemain.

Gilbert Azibert a rendu le service, reste à démontrer qu’il y a eu intention d’une contrepartie : le poste à Monaco. La corruption étant un délit formel, « l’élément matériel se réduit à un simple comportement, les suites de la sollicitation important peu ». En l’occurrence, pour la procureure, Gilbert Azibert lorgnait un poste au Conseil d’État monégasque – cinq conversations avec son ancien ami Francis Casorla, conseiller d’État de la principauté, en attesteraient. Nouvelle slide. 5 février 2014, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog échangent sur la ligne Bismuth. Voilà ce qu’ils se disent :

— [TH] Non, parce que ce n’est pas pratique. Je lui ai dit qu’après tu le recevrais mais que tu savais…

— [NS] Bien sûr.

— [TH] […] parfaitement ce qu’il faisait, d’accord. Et donc, il était très content.

— [NS] Moi, je le fais monter.

— [TH] Il m’a parlé d’un truc à sur Monaco, parce qu’il voudrait être nommé au tour extérieur. Je lui ai dit, écoute, heu…

— [NS] Je l’aiderai.

— [TH] T’inquiète pas, mais bien sûr, je lui ai dit t’inquiète pas, laissons passer tout ça et comme c’est pas avant mars que la personne prend sa retraite, tu, t’auras toujours le temps de, de voir le président, il te recevras, tu le sais très bien.

— [NS] Parce que, parce qu’il veut travailler à Monaco ?

— [TH] Ben oui, parce qu’il va y avoir un poste qui se libère au Conseil d’État monégasque et, heu, il était bien placé. Mais simplement, il me dit, heu, j’ose pas demander. Peut-être qu’il faudra que j’ai un coup de pouce. Ben je lui ai dit : tu rigoles avec ce que tu fais…

— [NS] Non, ben t’inquiète pas, dis-lui. Appelle-le aujourd’hui en disant que je m’en occuperai parce que moi je vais à Monaco et je verrai le Prince. »

« Cette retranscription est accablante. Elle établit que l’éventuelle aide rétribuerait Gilbert Azibert en remerciement de son intervention dans l’affaire Bettencourt », tranche la magistrate. D’ailleurs, lors de son séjour à l’Hôtel de Paris à Monaco, le 25 février 2014, Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas parlé au téléphone avec Michel Roger, ministre de Monaco ? Et l’arrivée « précipitée » de Thierry Herzog à Monaco ne démontre-t-elle pas que l’avocat avait découvert que la ligne Bismuth était aussi écoutée et que tout cela s’apparentait à « une opération de sauvetage in extremis ? […] Nous ne savons pas dire qui a renseigné Thierry Herzog mais cela ne veut pas dire que Thierry Herzog n’a pas été renseigné ». Protestations sur les bancs de la défense. « Qu’il n’y ait finalement pas eu de poste est indifférent à la caractérisation du délit. La seule promesse d’une contrepartie suffit à caractériser les deux infractions [corruption passive et active, ndlr] ».

Le trafic d’influence entre le magistrat et l’avocat est également caractérisé, reprend Jean-Luc Blachon. « Il suffit que l’avis de l’avocat général ait été important, ait une valeur et qu’il provoque la contrepartie pour que le délit soit établi. » La preuve de l’influence étant parfois complexe, les juges opèrent par faisceau d’indices. Ce que va faire le procureur. « Nicolas Sarkozy demande d’aller aux nouvelles de façon répétée, Thierry Herzog rapporte les actions entreprises auprès de Gilbert Azibert, celui-ci ne renie pas et la contrepartie rencontre toute sa place. Si le tribunal n’est pas convaincu par ce faisceau d’indices, il le sera par la volonté du législateur : le trafic d’influence se consomme par la seule réflexion du pacte. » Il suffit, poursuit-il, de le « penser, le croire, l’imaginer » et le trafiquant, de le « croire possible dans un concert frauduleux ».

Les amitiés, la convergence d’intérêts, la position du premier avocat général, la connaissance du milieu judiciaire, sont « autant de raisons pour Thierry Herzog de croire Gilbert Azibert. […] Le ministère public requiert la condamnation pour l’ensemble des délits reprochés. Le PNF n’est pas là pour dégoupiller le destin individuel de l’un ou de l’autre. Une justice qui ne passe pas est source de maux qui ne s’effacent pas. Ce dossier est l’histoire d’une double transgression, d’un double ébranlement. On pensait qu’un ancien président, avocat par ailleurs, avait gardé à l’esprit la grandeur, la responsabilité et les devoirs de la charge qui fut la sienne. […] On ne peut admettre qu’un ancien président oublie la République ». Le PNF aime l’emphase – il n’est pas un procès emblématique qui en fasse l’économie. Jean-Luc Blachon continue donc. « Gilbert Azibert et Thierry Herzog sont les instruments consentants de Nicolas Sarkozy au mépris des règles déontologiques de leur profession. Dans cette affaire, la loyauté de Gilbert Azibert auprès des chefs de juridiction a été détournée au profit d’intérêts personnels. » Thierry Herzog est, lui, « le mauvais génie », celui qui a « dressé un pont entre deux amitiés ». Ces faits auront « considérablement froissé le tissu institutionnel que constitue l’État de droit. […] On a laissé penser que les institutions judiciaires pouvaient succomber à ceux qui ont le pouvoir et les réseaux pour l’exercer ». Quatre ans de prison dont deux ferme sont requis à l’égard des trois prévenus. Une peine complémentaire pour Thierry Herzog : cinq ans d’interdiction d’exercice. Ils encourent dix ans de prison. L’audience est suspendue. Les avocats entourent Nicolas Sarkozy.


 

La défense : « Où est le pacte ? Où est le pacte ? »

En cet avant-dernier jour d’audience, les avocats venus écouter la défense sont encore plus nombreux que les jours précédents. On se salue, on s’épaule, les robes noires, tel un mur. Le patron du PNF, après avoir tancé la défense la veille, n’est pas revenu. Carla Bruni entre comme si de rien n’était. Il faut bien une surprise chaque jour. Jacqueline Laffont, l’avocate de Nicolas Sarkozy, plaide en premier et fait oublier les environs. « J’ai toujours l’honneur et, plus que jamais, le grand honneur de défendre Nicolas Sarkozy, un homme, un justiciable dont la particularité a été d’être président de la République. Ce que nous attendons de vous, de ce long parcours judiciaire, c’est une justice simple, libre, forte, courageuse, au-delà de toute forme de pression. Il n’y a pas d’un côté une institution à sauver et de l’autre un homme politique à blanchir. » Ce que l’avocate, et plus généralement la défense, reproche à l’accusation, c’est de n’avoir apporté « la preuve de rien » au cours de ces trois semaines de procès. « La sévérité d’une réquisition n’a jamais étayé la preuve. » « Jamais, jamais dans des réquisitions, je n’ai assisté à un tel recours de vocable qui exprime le doute. “Nous pensons que”, “nous croyons”, “cela pourrait rassembler”, “la thèse”, “le doute est permis”, “le trouble”, “nous acceptons de nous tromper”, etc., la liste est longue. Certes, nous avons eu droit aux slides, aux nuages de mots, aux agendas mais une diapositive ne remplacera jamais une preuve. On a voulu vous enfermer dans un dilemme pour vous interdire la relaxe. On a voulu vous subjuguer en vous dessinant des faisceaux d’indices. On veut encore vous faire croire que la violation des règles de droit reviendrait à désavouer une institution. Que ce soit clair, je ne m’attaque pas à une institution mais à un dossier. »

Il s’agit bien d’un dossier « particulier », pas seulement parce qu’il touche à « un ancien chef de l’État, un avocat aimé et un haut magistrat respecté ». Six ans d’instruction, dix-neuf conversations utilisées sur 3 700 écoutes, investigations, sept perquisitions, douze hauts magistrats de la Cour de cassation entendus, deux commissions rogatoires internationales. Pour Me Laffont, l’affaire est particulière car elle est partie « d’une conviction, d’un postulat, d’une volonté. Quand Nicolas Sarkozy vous dit qu’il était désolé car, s’il n’avait pas été là, les autres prévenus ne seraient pas là non plus, ce qu’il dit est malheureusement vrai ». Quels postulats ? Le premier : l’usage de la ligne Bismuth serait en lui-même le signe d’une intention délictuelle. Pas plus illégal que d’utiliser une messagerie cryptée contre d’éventuelles intrusions. Second postulat : la ligne Bismuth n’a été ouverte qu’après la découverte d’une surveillance sur les lignes officielles. Faux. Thierry Herzog a remis la preuve d’une lignée dédiée dès 2012 pour s’assurer la confidentialité de leurs échanges. Troisième postulat : les juges d’instruction et le parquet étaient convaincus qu’ils allaient découvrir des documents internes à la Cour de cassation. Les perquisitions ont démenti ce postulat. Quatrième postulat : Nicolas Sarkozy serait allé à Monaco pour faire une démarche en faveur de Gilbert Azibert. Mais il y a eu « un coup de chance incroyable », le mail de réservation de Nicolas Sarkozy retrouvé montre que ses vacances étaient déjà prévues et totalement déconnectées d’un éventuel pacte de corruption. Cinquième postulat : Nicolas Sarkozy aurait reçu la visite impromptue de Thierry Herzog à Monaco non pas parce qu’ils avaient été informés des enregistrements Buisson mais parce qu’ils auraient mis au courant d’écoutes sur la ligne Bismuth. « C’est le monde à l’envers, ce dossier. C’est le renversement total de la charge de la preuve. Vous avez tort, Madame la Procureure, l’affaire Buisson, on en avait entendu parler dès le 12 juillet, mais ce n’était que rumeur. Le 25 février, Thierry Herzog l’apprend de la bouche d’un journaliste. Ce n’est plus une rumeur, c’est une information. Est-ce qu’on invente l’affaire Buisson pour les besoins d’un procès ? »

Jacqueline Laffont s’agace. Le PNF agit comme si la défense n’avait apporté aucune preuve pendant ce procès. « Peu importe, peu importe, peu importe, nous dit le parquet. […] Quand les investigations sont à décharge, elles ne comptent pas. C’est ça, la justice ? Nous devons nous contenter de cela ? Peut-être qu’il n’y a rien, ce n’est pas grave pour l’accusation, elle va aller sonder dans l’esprit de Nicolas Sarkozy. Au nom de cette subversion du droit, on a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis. » Alors, pour démontrer la corruption et le trafic d’influence, encore faut-il savoir qui a proposé, qui a agréé. « Nous n’en savons rien. » « Sur quoi est fondée l’idée que des actes ont été effectués par Gilbert Azibert ? […] Ces preuves n’existeront jamais, rien. On trouvera chez M. Azibert un arrêt de la chambre de l’instruction concernant l’affaire Bettencourt mais aucun document secret. » Alors, continue l’avocate, les enquêteurs, à défaut de preuve matérielle, vont en conclure que M. Azibert a dû parler et donner des informations – la teneur des conclusions – obtenues à la Cour de cassation. Mais « ça n’est qu’une suspicion pour le PNF. Lui-même le dit : “le dossier ne le dit pas avec précision”, “c’est seulement une interprétation d’une écoute”, le parquet est “troublé”. Le trouble aurait dû être dissipé car la défense l’a expliqué ». Le PNF a alors pensé que Gilbert Azibert avait dû avoir des conversations dans les couloirs du quai de l’Horloge. « Mais le sens des réquisitions en faveur de la cassation était connu de tous ; le parquet continue de dire que le fait que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog avaient été informés douze heures avant, c’est cela la grande affaire de corruption ! […] Nous sommes avocats, nous aussi nous parlons avec les procureurs, il n’y a pas pour autant de violation du secret professionnel, ce sont des discussions informelles. Les magistrats du PNF savent très bien que ces dialogues sont encouragés. » Et l’avis du conseiller rapporteur, celui qui demeure secret, Thierry Herzog l’évoque mais comme tout le monde, il ne fait pas la différence avec l’avis de l’avocat général, qui n’est pas soumis au secret. Nicolas Sarkozy encore moins. Le parquet en déduit que quelqu’un à la Cour de cassation en a parlé à Gilbert Azibert. « Vous avez dit hier “C’est une hypothèse que nous formulons. Et nous acceptons de nous tromper”. La justice, elle, ne devra pas se tromper ! […] » Gilbert Azibert n’a pas pu lire ses conclusions, s’il les avait eues, il n’aurait pas dit qu’elles allaient « dans le bon sens » puisqu’au final, la Cour de cassation donne tort à Nicolas Sarkozy. « C’est tout le danger des écoutes, une source d’erreurs considérables. […] Nicolas Sarkozy l’a dit mieux que personne. […] Il veut être rassuré, il l’est, ça suffit. » Elle écarte également le trafic d’influence, qui aurait été exercé sur l’avocat général. « On vient vous dire que l’on devrait déduire du sens favorable des réquisitions de l’avocat général qu’elles seraient donc suspectes ! Mais c’est grave ! Est-ce que vous n’oseriez pas requérir la relaxe car cela serait suspect ? Quand on a, une fois n’est pas coutume, des réquisitions de relaxe, oui, on se met à espérer. » Même « suspicion » à l’encontre des douze conseillers entendus pendant l’enquête et qui ont tous affirmé n’avoir jamais été approchés par Gilbert Azibert. « J’ai quand même entendu le ministère public sous-entendre que, certes, ils avaient dit ça, mais avaient-ils le choix de dire autre chose ? Je suis outrée ! La thèse de l’infiltration de Gilbert Azibert à la Cour de cassation s’est effondrée lamentablement. »

Quant à la contrepartie, essentielle puisqu’elle a beau pouvoir ne pas être matérialisée, elle doit au moins avoir été « pensée », Jacqueline Laffont le répète : le voyage de son client à Monaco était un pur hasard et ce n’est que parce que l’ancien chef de l’État s’y rend qu’il le dit à Thierry Herzog que ce dernier lui parler de Gilbert Azibert. « Il serait allé passer des vacances à Quiberon, cette demande de coup de pouce n’aurait jamais été transmise. » Sauf que, là encore, pour la défense, le PNF est encore dans « l’hypothèse » en faisant dire à une conversation « le contraire » de ce qu’elle dit. « Toutes les investigations ont démenti la thèse du parquet », notamment la téléphonie. Nicolas Sarkozy a toujours dit avoir contacté le ministre d’État le matin – sans l’avoir eu – et une fois à midi. Thierry Herzog arrive à l’Hôtel de Paris en fin de journée et ne trouve pas son client dans sa chambre. Les appels le démontrent. Il n’est question ensuite que des enregistrements Buisson. Et « on vient vous rapporter une autre histoire sur les mêmes riens. Toutes les personnes entendues à Monaco seraient suspectes dans leurs réponses. Le PNF pourrait me donner la moitié d’un élément de preuve péremptoire ? À quel titre les magistrats du PNF jettent l’opprobre sur la Cour de cassation ou sur Monaco ? On n’a pas le droit de salir les gens ainsi. » Pas d’élément matériel, pas de déclaration, pas de témoignages, des écoutes insuffisantes et illicites – l’avocate cite la jurisprudence nationale et européenne –, « des mots volés », comme l’a écrit le journaliste Edwy Plenel que la défense a beaucoup cité. Quoi, le tribunal va déduire de la seule écoute du 5 février 2014 (v. supra) la culpabilité de Nicolas Sarkozy ? Mais encore faut-il un lien causal et déterminant, rappelle Jacqueline Laffont, c’est la jurisprudence Balkany. « Depuis six ans, j’ai souvent regretté que cette affaire se trouve dépassée et exagérée par les enjeux mais j’espère que cette audience a permis de les révéler au grand jour. […] Il faut accepter de dire que la justice reste faillible, qu’elle a pu se tromper, se fourvoyer. Vous avez la magnifique occasion de confirmer les propos du PNF, qui a dit qu’un procès n’est jamais un acte de vengeance institutionnelle. […] Vous relaxerez Nicolas Sarkozy. » Ce dernier a l’air satisfait, Carla Bruni également. Elle se lève et souffle « magnifique ».

Gilbert Azibert « n’a rien sollicité ni agréé », estime son avocat Dominique Allegrini. Ce dernier va aussi critiquer sévèrement l’instruction de l’affaire des écoutes. « Ce dossier est la parfaite illustration de tout ce qu’il ne faut pas faire dans une procédure pénale », a-t-il continué, insistant également sur les réquisitions qui sont autant de peines de mort, l’une sociale, envers son client, l’autre professionnelle, envers Thierry Herzog et la dernière politique, à l’encontre de Nicolas Sarkozy. « Ce macramé » que constituent les écoutes à filets dérivants a permis un tour de force. Celui de tenter de démontrer que « le virus Azibert » avait été inoculé dans « le cluster » que serait devenue la chambre criminelle de la Cour de cassation. Tous les magistrats interrogés ont déclaré, rappelle l’avocat marseillais, que Gilbert Azibert ne leur a jamais rien demandé et il n’y a pas eu non plus de contrepartie car le magistrat n’a jamais candidat au Conseil d’État monégasque. L’accusation a été faite « dans le vent » et « nous, la défense, sommes les Don Quichotte nous battant contre des moulins à vent ». L’avocat fait rire la salle. « Entre les faisceaux d’indices du parquet et les bateaux-mouches, je suis content d’être venu à Paris. » Plus sérieux, Dominique Allegrini fustige « ce laboratoire qui a accouché de ce Frankenstein judiciaire. La tête, c’est le juge Tournaire. Le bras gauche, les juges Thépaut et Simon. Le cœur, c’est l’OCLCIFF. Et le bras droit, c’est le PNF. Mais ce n’est plus un dossier. C’est une matriochka ! […] Je vais vous demander de fustiger les comportements ahurissants de ce dossier ». Et de relaxer son client.

L’ancien bâtonnier parisien Paul-Albert Iweins épaule Thierry Herzog depuis le début de la procédure [son client refuse de s’expliquer sur les écoutes, qu’il juge illégales, ndlr]. Plus grave, il s’insurge contre les écoutes qui « n’auraient jamais dû être retranscrites. Thierry Herzog, c’est un avocat dont le nouveau bâtonnier est venu faire les louanges, qui n’a aucune sanction disciplinaire. Il n’est pas mon ami, je ne l’ai connu que professionnellement mais ce que je savais de lui s’est trouvé confirmé : c’est un avocat confraternel et loyal. Il ne ressemble en rien aux faits qui lui sont reprochés. […] Le secret professionnel n’est pas un sanctuaire destiné à cacher les turpitudes mais si vous admettez ce qui a été fait dans ce dossier, vous admettez les écoutes à filets dérivants. Vous n’avez pas pu ressentir un malaise à la projection des écoutes qui ne sont rien d’autre que des discussions sur la stratégie de défense entre un client et son avocat. […] Le malaise vient aussi qu’il s’agit de bribes d’écoutes sur lesquelles on va bâtir un soupçon ». Me Iweins s’étonne. « Ne doit-on pas s’interroger de mettre pendant sept mois sur écoutes le chef de l’opposition ? En 2013, pour des faits remontant à 2006, 2007 ? […] Je le sais parfaitement, les écoutes judiciaires ne restent pas des écoutes judiciaires. » Sur la violation du secret professionnel qu’aurait commis Thierry Herzog, le bâtonnier rappelle que des éléments sont sortis dans la presse. « La violation du secret ne gêne pas le ministère public quand elle sert ses intérêts ! », cingle-t-il. « Nous ne demandons aucun privilège. Mais seulement d’être respectés. […] Aussi, vous permettrez à Thierry Herzog de continuer à appartenir à ce barreau dont on veut l’exclure alors que c’est sa vie. C’est sa vie ! Il l’a servi avec honneur, comme en témoignent les centaines de messages reçus depuis le début de l’audience ! » Il demande la relaxe de son client.

Hervé Temime est l’autre avocat de Thierry Herzog, son vieil ami. Il est le dernier à plaider. C’est le dixième jour d’audience. Me Temime tance, matraque et tance à nouveau l’accusation. Parfois avec espièglerie, parfois violemment. Il fustige une instruction qui n’a rien démontré, il démolit l’enquête préliminaire « cachée », il se moque de la venue surprise du chef du PNF le jour des réquisitions, « une visite qui a affaibli l’accusation ». « Pas une seule fois le parquet n’a prononcé le mot “preuve” en cinq heures de réquisitions ; le seul mot qui aurait dû guider votre démonstration totalement inexistante » face à des demandes de peine « d’une brutalité inutile, blessantes, humiliantes ». Il cite Pierre Truche, ancien premier président de la Cour de cassation. « Vous allez exercer un métier dangereux. Dangereux pour les autres. N’oubliez jamais cela. »

Dénoncer les dérives de l’instruction et de l’enquête préliminaire cachée : des perquisitions envisagées « uniquement parce que les écoutes sont un préétabli », des retranscriptions d’une conversation entre un avocat et son bâtonnier, une procédure suspendue mais violée par des magistrats instructeurs, des écoutes entre un avocat et son client. « Le respect du secret professionnel devrait nous réunir, il n’y a pas de bonne justice sans bonne défense, sans défense forte. Et il n’y a pas de défense sans secret professionnel. […] Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas de retranscription, c’est qu’ils ne veulent pas être entendus. Je ne veux pas qu’on m’écoute, c’est tout ! Les enquêteurs savent que c’est une ligne dédiée, on en pense ce qu’on veut, je n’accepte pas qu’on dise que ce sont des délinquants chevronnés quand il s’agit d’une ligne dédiée à des conversations entre un avocat et son client ! » À l’appui, un extrait de conversation, risible tellement elle ne dit rien pour le dossier mais « cette conversation dure en réalité huit minutes et 28 secondes, ils en ont retranscrit cinq secondes. Cela veut dire que les enquêteurs vont intercepter et donc entendre l’intégralité de la conversation qui pourrait toucher à la stratégie de défense dans le dossier dans lequel le juge a justement ordonné ces écoutes. Je demande le respect du droit ! » À l’appui, encore, le décompte, pour contrecarrer le nuage de mots projeté la veille – « Il ne suffit pas d’utiliser un moyen moderne pour démontrer quelque chose d’intelligent », tacle l’avocat : « Vous avez fait ce nuage de mots à partir de 19 conversations sur 3 700. Ça fait 0,54 %, soit 1 conversation sur 200… ». L’arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2016 l’a dit clairement, selon Hervé Temime, « toute conversation qui ne démontrerait pas la participation à une infraction ne peut être retranscrite. […] C’est comme si cette conversation n’avait pas existé et ne peut être utilisée. […] Toutes les écoutes devraient être rejetées. C’est d’autant plus grave que si droit positif avait été appliqué, toute cette procédure aurait dû être annulée. Car, encore plus grave, inattendu et incompréhensible : on n’a pas communiqué au PNF des retranscriptions partielles mais des synthèses de retranscriptions non vérifiés par les enquêteurs et les magistrats. C’est hallucinant ». Et, parmi ces conversations, aucune d’elles ne permet de présumer d’une quelconque participation à une infraction. « Vous écarterez ces moyens de preuve, au nom de la liberté de la preuve »

Hervé Temime va et vient, il regarde le tribunal, les procureurs – Jean-François Bohnert est toujours absent –, ses confrères, la salle. Il pose la main sur l’épaule de son ami et client. « Thierry Herzog, je l’affirme, est un avocat passionné, c’est un homme d’une intégrité sans faille. » Un homme à la générosité trop grande, « parfois on a envie de lui dire “mais t’es trop con” ». La salle sourit. C’est un avocat, qui protège ses clients « même s’ils sont plus puissants, plus intelligents, plus riches ». « C’est vous qui êtes là pour rassurer votre client, vous enjolivez la vérité, vous entretenez son optimisme. “Ne vous inquiétez pas, ça va aller.” C’est aussi bête que ça ! On ne peut donner une explication de texte à chaque écoute pour qu’elle ait un sens. On a tiré sur l’élastique. […] Nous ne contestons pas ces conversations, mais ces écoutes, ce sont des personnes qui ne disent pas forcément la vérité. » Thierry Herzog a-t-il trop rassuré, par excès de zèle ? Encore faut-il pouvoir le prouver. « Vide sidéral », « fausses analyses », « des doutes et des faisceaux d’indices ». Bref, cette instruction, « c’est 0 + 0 + 0 = rien ». Concernant la corruption, « il faut des actes reprochables ou corrompus, une contrepartie, que la prévention noyée dans son incertitude ne démontrera pas. […] Le droit positif implique un lien causal et déterminant dont la preuve doit être rapportée par l’accusation pour démontrer l’existence d’un pacte. Vous n’avez pas le moindre commencement de preuve de pacte. […] Qui porte atteinte à l’institution judiciaire ? » Pour l’accusation, ce pacte, c’était « le haut du spectre de la corruption ». Hervé Temime lève les bras au ciel ! Avec ces suppositions, « autant retirer le mot “relaxe” du code de procédure pénale ou on condamne 66 millions de Français avec ça ! […] On n’est pas loin du ridicule, l’avis du rapporteur qui dit l’inverse de ce que l’on croit, un autre avis pas communiqué, une date de délibéré connue de tous, tout cela pour un poste pour lequel Gilbert Azibert n’a pas candidaté ».

Vide aussi, le dossier visant le trafic d’influence. L’avocat, à l’instar de sa consœur et de ses confrères, estime qu’il « n’y a aucun élément pour supposer que Gilbert Azibert ait pu avoir la moindre influence sur la décision. Donc le PNF dégaine le subsidiaire. […] Ce faisceau d’indices, c’est zéro. […] Il n’y a pas de preuves ! Il n’y a pas de preuves ! L’influence supposée ? Mais elle est impossible à rapporter ! » Le pacte… de quoi ? à qui ? qui y répond ? qui agit ? quand ? où ? comment ? « La démonstration du lien causal et déterminant a été absente de nos débats. La poursuite est sans fondement. Rien, à part dix-neuf conversations, pas une pièce, pas un document, pas un post-it, pas une annotation, pas un témoignage, pas l’avis du conseiller rapporteur. […] Tout ce qui a été fait n’a jamais alimenté l’accusation, car tout est à décharge ». L’avocat égrène les actes d’enquête : les gardes à vue, les procédures devant le juge des libertés et de la détention, l’exploitation des scellés, l’exploitation des téléphones, les investigations, les demandes auprès de l’administration fiscale, les renseignements sur les adresses, les recherches EF, les auditions, les perquisitions, les transports, la téléphonie, les fadets (journalistes, lignes de l’épouse de Thierry Herzog, de sa belle-mère, du bâtonnier et de ses collaborateurs), les auditions dont celles d’un juge des tutelles dans l’affaire Bettencourt et du premier président de la cour d’appel de Douai, d’un greffier, des conseillers à la Cour de cassation, les auditions à Monaco et les commissions rogatoires internationales, etc. « Tout cela n’a rien donné. Voilà, si nous n’avons pas été exhaustifs, c’est par erreur. Il n’y a rien, rien, rien, pas une preuve, rien », conclut Hervé Temime. Cette affaire « a une importance symbolique mais si vous maniez simplement les règles du droit et celles d’une bonne justice, vous relaxerez sans hésitation Thierry Herzog, et ce sera justice ». Il est 20h14.

Gilbert Azibert n’a rien à ajouter. Thierry Herzog : « Merci, le plus beau mot de la langue française ». « Cette affaire a été pour moi un chemin de croix mais si c’était le prix à payer pour que la vérité chemine, je suis prêt à l’accepter. Je vous ai dit la vérité pendant ces trois semaines, comme à l’instruction. J’ai encore confiance en la justice de notre pays. »

Délibéré le 1er mars 2021.

 

 

* Le secret professionnel des avocats n’est pas intangible, de sorte que le droit français peut autoriser la transcription d’une conversation de nature à faire présumer la participation de l’avocat à une infraction. Ce qui importe alors est que les droits de la défense du client ne soient pas altérés, c’est-à-dire que les propos transcrits ne soient pas utilisés contre lui dans la procédure dont il est l’objet.

Auteur d'origine: babonneau

Le législateur pouvait rendre applicables en Nouvelle-Calédonie les règles de l’état d’urgence sanitaire, a jugé le Conseil constitutionnel le 4 décembre. Ces mesures, en effet, ne relèvent pas de la santé publique, compétence exclusive du territoire mais de l’ordre public et des libertés publiques.

La question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d’État visait quatre dispositions des lois du 23 mars 2020, du 11 mai 2020 et du 9 juillet 2020. Les requérants soutenaient qu’en rendant applicable en...

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L’auteur de la proposition de loi, le sénateur LR Michel Vaspart, est parti du constat que malgré plusieurs réformes depuis la fin des années 1990, les performances de nos ports maritimes demeurent décevantes pour des raisons diverses : coûts de passage portuaire trop élevés, sous-investissement chronique…)....

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Dans son avis, le Conseil d’État note que « les mesures du projet concernent pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, et les plus éminents d’entre eux : liberté d’association, liberté de conscience et de culte, liberté de réunion, d’expression, d’opinion, de communication, liberté de la presse, libre administration des collectivités, liberté de l’enseignement, liberté du mariage, liberté d’entreprendre, liberté contractuelle ». Quand il s’agit de réécrire plusieurs des lois fondatrices de la Ve République (lois de 1881, 1882, 1901 et 1905), le gouvernement a souvent la main tremblante… d’excitation. L’avis du Conseil d’État et les protestations contre les atteintes aux libertés publiques ont tempéré ses ardeurs.

Les assouplissements du Conseil d’État

Le Conseil d’État a suggéré d’adoucir le projet sur plusieurs points. À l’article 2, le long dispositif de carence républicaine qui aurait permis aux préfets de suspendre certains actes de collectivités est remplacé par une simple accélération des délais dans lesquels le juge administratif devra se prononcer, en cas d’atteinte au principe de neutralité des services publics.

Sur les dissolutions administratives d’associations à l’article 8, le gouvernement a reculé sur l’ajout des motifs « d’atteinte à la dignité de la personne humaine » et de « pressions psychologiques ou physiques sur des personnes ».

Sur l’instruction à domicile, l’existence d’un éventuel principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) reconnaissant le droit à une instruction des enfants au sein de la famille ainsi que sa contestation naissante ont conduit le gouvernement à adoucir sa position. L’article 21 prévoit qu’elle restera possible, sur autorisation, en raison de l’état de santé, l’itinérance de la famille ou d’une situation particulière propre à l’enfant à condition que les personnes responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille.

Le gouvernement a également assoupli les conditions de déclaration des associations cultuelles et limité la certification des comptes, pour les associations loi 1905, à celles qui reçoivent des dons étrangers importants. Mais le projet reste contesté par les principaux cultes.

Le Conseil a fait retirer du délit de séparatisme (art. 4) le fait que la personne ayant menacé ou intimidé un agent pour une application différenciée des règles aurait agi pour « des motifs tirés de convictions ou de croyances ». Sur l’article 18 (ex-art. 25), le Conseil a noté qu’il imposera « la démonstration d’une intention particulière de nuire ».

Des ajouts sur la haine en ligne

Deux points avaient fait l’objet d’une saisine rectificative du Conseil d’État : des dispositions sur les mineurs étrangers isolés (finalement absentes du texte) et la question des délits de provocation.

L’article 20 prévoit que les procédures de comparution immédiate ou à délai différé seront désormais applicables aux personnes suspectées d’avoir commis l’un des délits de provocation prévus par la loi de 1881 (provocation à la haine, au crime, au vol ou aux dégradations). Ne seront pas concernées, les personnes relevant du régime de responsabilité « en cascade » (présence d’un directeur de publication).

Le Conseil d’État a fait deux remarques : sur le délit de provocation à la haine, la comparution immédiate ne sera possible qu’en procédure de flagrance (la peine n’est que d’un an de prison). Par ailleurs, un journaliste qui tweeterait un message relevant d’un délit de provocation pourrait être jugé en comparution immédiate, la responsabilité en cascade ne s’appliquant pas.

Enfin, selon nos consœurs du Figaro, le gouvernement devrait réintégrer, par amendements, des dispositions de la loi Avia censurées par le Conseil constitutionnel, pour notamment imposer des règles de coopération aux plateformes.

 

L’étude d’impact à lire ici

L’exposé des motifs à lire ici

Auteur d'origine: babonneau