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Au début des années 2000, la déontologie était un concept exotique, réservé aux pays scandinaves. Des choses se sont progressivement mises en place. Un comité de déontologie au Sénat en 2009, puis un déontologue à l’Assemblée nationale. En 2013, le scandale Cahuzac a entraîné la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et imposé les déclarations de patrimoine et d’intérêts. En 2017, la loi Confiance, votée après une présidentielle marquée par l’affaire Fillon, a été une nouvelle brique à l’édifice.

Pour le directeur général de l’observatoire de l’éthique publique, Mathieu Caron, « jusqu’aux années 2000, nous avons traité les questions de probité des responsables publics sous un angle excessivement pénal. Cela a été un échec à double titre. D’abord, le faible nombre de peines de prison ferme a nourri le ressentiment d’une impunité des politiques. Ensuite, de nombreux écarts de nos politiques ne relèvent pas de la responsabilité pénale mais de la responsabilité politique, voire individuelle ». D’où l’intérêt de la déontologie, qui vise à introduire des questionnements et une autodiscipline des responsables. De la « morale en action ».

La technique du « copain de vestiaire »

Outre des inspirations britanniques ou canadiennes, la France étend souvent des institutions préexistantes. Ainsi, à la suite de l’affaire Cahuzac, l’ancienne commission de déontologie s’est muée en HATVP. Pour Baptiste Javary, qui a soutenu une thèse sur la déontologie parlementaire, « c’est ce qui explique cette focalisation sur les déclarations de patrimoine, une spécificité française ».

Par ailleurs, les instances déontologiques s’adaptent à leurs institutions. Alors que l’Assemblée a fait le choix d’un déontologue indépendant, le Sénat a mis en place un comité de déontologie composé d’un sénateur par groupe, au départ présidé par Robert Badinter. Pour un haut fonctionnaire parlementaire, « ce choix a été fait dans l’inconscient de chaque assemblée ».

Au Sénat, le comité fonctionne par consensus. « En deux ans, il n’y a qu’un ou deux votes, sur des sujets secondaires », nous explique son président, le sénateur LR Arnaud Bazin. Le président du Sénat Gérard Larcher prend au sérieux ce comité et demande aux groupes d’y envoyer des sénateurs ayant une certaine envergure. Pour Arnaud Bazin, « les membres transmettent à l’intérieur de leurs groupes les bonnes pratiques ». Un fonctionnement qui nous a été décrit par d’autres, comme la technique du « copain de vestiaire » : « si un sénateur adopte un comportement contestable, il sera recadré par un membre du comité. Si cela ne suffit pas, son président de groupe, voire le président du Sénat, interviendra ». L’institution est très consciente du risque de scandale et ne souhaite plus être entachée par un mouton noir.

L’Assemblée nationale, plus exposée médiatiquement et plus clivée politiquement, a fait le choix d’un déontologue extérieur. Depuis 2017, c’est Agnès Roblot-Troizier, professeure de droit public : « J’ai beaucoup plus de pouvoirs que mes prédécesseurs parce qu’il y a eu une volonté politique de renforcer mes missions. Cette volonté est liée à un contexte : l’affaire Fillon, puis la loi Confiance de 2017 qui lui a répondu. Certains députés ont bien compris l’intérêt du recours au déontologue et me sollicitent par anticipation pour s’assurer de leur respect des règles déontologiques : ce réflexe est particulièrement sain. »

Les recours à la déontologue, en effet, explosent. Sur sa première année, Agnès Roblot-Troizier avait été saisie à 1 467 reprises. Vingt fois plus que Noëlle Lenoir, cinq ans auparavant. Pour y faire face, la déontologue dispose de dix fonctionnaires, contre une seule auparavant. L’arrivée d’une nouvelle génération de députés, élus dans les suites de l’affaire Fillon, est une des explications. Mais le constat est identique au Sénat. Pour Arnaud Bazin, « il y a une forte appétence des nouveaux collègues. La déontologie entre dans les mœurs et dans l’esprit des parlementaires ».

Quand une députée doit rembourser ses frais de mandat

Spécificité de la France : déontologie et contrôle sont mélangés. Pour Sofia Wickberg, docteure en science politique, « la France donne une place prépondérante aux institutions de contrôle indépendantes et aux administrations, là où d’autres misent sur l’autorégulation. En Suède, la pression du groupe parlementaire est centrale. On me disait souvent qu’il ne fallait pas embarrasser le groupe ». En France, les groupes parlementaires sont faibles et excluent rarement leurs membres mis en examen.

Le plus bel exemple de ce tropisme français pour les administrations de contrôle est la HATVP. Créée en 2013, elle a, en cinq ans, saisi 73 fois la justice. Elle a aussi saisi le parquet national financier pour dix-huit parlementaires, dont Jean-Christophe Cambadélis ou Thierry Solère en raison de l’utilisation de leur enveloppe de frais de mandat, avant 2017. Car s’il n’existait alors pas de règles internes sur ces enveloppes (ou sur les collaborateurs familiaux fictifs), le droit pénal punit tout détournement à des fins d’enrichissement personnel. Instaurer des règles internes protège du pénal. Ce que confirme Arnaud Bazin : « Je dis toujours aux collègues qu’il vaut mieux un comité de déontologie plutôt que de se retrouver dans des situations délicates devant la HATVP. »

Quand il a fallu instaurer un contrôle des frais de mandat en 2017, le législateur l’a confié aux instances déontologiques. Le résultat d’un long combat. Comme le rappelle la déontologue : « À l’origine, l’IRFM [indemnité représentative de frais de mandat, ndlr] était perçue comme un complément de salaire, sans contrôle. D’où des pratiques qui aujourd’hui choquent. »

Même si 2019 a été une année d’apprentissage, les deux assemblées tirent un bilan positif de ce contrôle. Au Sénat, trente-cinq experts-comptables ont travaillé pendant trois mois et aucun signalement n’a été fait au bureau. Difficile d’en savoir plus sur les parlementaires épinglés. Les instances déontologiques cultivent le secret et la seule source d’information est le rapport annuel. Toutefois, à l’Assemblée nationale, selon nos informations, une députée de l’opposition a vu son compte refusé et doit rembourser 30 000 €. D’autres députés ont dû rembourser certaines dépenses insuffisamment justifiées.

Quand la déontologie se noie dans le sirop

Mais parfois la déontologie hoquette. Ainsi, la HATVP, après un premier mandat de Jean-Louis Nadal tonitruant, se fait plus discrète depuis quelques mois. Elle doit digérer de nombreuses réformes, dont le contrôle du lobbying et du pantouflage des fonctionnaires. Son collège a été complété avec difficulté, plusieurs personnalités refusant de l’intégrer. D’autant que les membres du collège sont, comme les ministres, strictement contrôlés, ce qui a posé problème à certains d’entre eux dans le passé.

Autre exemple de la digestion lente des nouvelles règles : l’affaire des sirops Monin. Fin 2019, le député François Cormier-Bouligeon avait posé à la buvette avec des bouteilles de sirop Monin, produit de sa circonscription. Or l’article 5 du code de déontologie est clair : les députés « s’abstiennent d’utiliser les locaux ou les moyens de l’Assemblée pour promouvoir des intérêts privés ». La déontologue a donc logiquement saisi le bureau. Mais plutôt qu’un simple rappel à la règle, ce dernier a considéré « qu’en l’absence de conflit d’intérêts, il n’y avait pas lieu à statuer ». Une interprétation très libre de la règle et un désaveu pour la déontologue. Pour Agnès Roblot-Troizier, « il y a eu, selon moi, une forme d’incompréhension de la règle. De mon point de vue, le bureau a envoyé un mauvais signal ».

Une tension fréquente entre déontologue et organe de sanction. Pour Baptiste Javary, « même au Canada ou au Royaume-Uni, c’est le Parlement qui sanctionne. Et ils déjugent parfois le déontologue. Après, dans les pays qui fonctionnent avec un comité de déontologie, il n’est pas toujours facile de réprimander un collègue. Alors que la déontologue, indépendante, n’a rien à craindre ». Une indépendance qu’Agnès Roblot-Troizier revendique : « Il faut une certaine indépendance pour exercer les fonctions d’un déontologue. Il m’est parfois opposé le fait que, n’étant pas élue, je connaîtrais mal le quotidien d’un député. Mais j’échange régulièrement avec les députés et j’ajouterais, de manière imagée, qu’un médecin n’a pas besoin d’avoir été malade pour poser un diagnostic. Une trop forte proximité peut également nuire. »

La France n’a plus à rougir

La France est-elle devenue un pays scandinave ? Pas encore. Pour Elsa Foucraut, de Transparency International : « Nous sommes à un état encore immature, il y a une vraie progression de la déontologie dans toutes les sphères, mais les acteurs sont encore dans une démarche de gestion du risque : ils saisissent le déontologue d’abord pour se protéger, plus dans une démarche de questionnement. La déontologie continue de faire peur. » Pour Sofia Wickberg : « Je ne dirai pas que la France est en retard aujourd’hui. Mais les règles sont encore récentes, et il y a besoin de les intérioriser, comme dans les pays où elles existent depuis cinquante ans. »

Ce que confirme Agnès Roblot-Troizier : « Chaque pays a fait avancer la déontologie en fonction de ses affaires. Nous ne sommes pas au bout et nous cherchons encore les bons instruments. Mais nous n’avons plus à rougir de notre situation si on se compare aux autres pays. » Une avancée qui pourra répondre à la crise de confiance envers les politiques ? Pour la déontologue : « L’antiparlementarisme actuel est très inquiétant. Porter un discours rassurant sur l’honnêteté des parlementaires, comme je le fais, est inaudible. Mais, à la différence de certains, je ne pense pas que la déontologie et la transparence soient une source de cet antiparlementarisme. En revanche, elles répondent à l’augmentation de la demande citoyenne souhaitant des élus irréprochables. »

Auteur d'origine: Bley
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Pour la première fois depuis que le contrôle sur les activités privées que veulent exercer les ex-agents publics a été confié, par la loi de transformation de la fonction publique (v. A. Taillefait, Déontologie et égalité professionnelle après la loi Dussopt, AJDA 2019. 2356 ), à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le Conseil d’État s’est prononcé sur une délibération de celle-ci en la matière.

Alors que les prises de position de feu la commission de déontologie de la fonction publique n’ont fait l’objet d’à peu près aucun recours durant ses presque 25 années d’existence, il n’aura fallu que quelques mois pour que le juge soit saisi d’un avis de la HATVP. Le transfert n’est effectif que depuis janvier 2020 et c’est en juin que M. G., ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, a saisi le Conseil d’État d’un recours contre une délibération de la HATVP et la décision du ministre conforme à celle-ci, qui faisaient partiellement obstacle à ses projets de reconversion. M. G. voulait créer un cabinet de conseil, ce que la HATVP a jugé compatible sous réserves avec ses anciennes fonctions. Mais il souhaitait aussi présider le salon World nuclear exhibition (WNE), organisé par le Groupement des industries française de l’énergie nucléaire (GIFEN). Or, dans ses fonctions administratives, M. G. a été membre des...

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Auteur d'origine: Montecler

Classée seconde de la procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord-cadre mono-attributaire et d’un marché subséquent n° 1, la société Manganelli a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lille. La Métropole européenne de Lille se pourvoit en cassation contre l’ordonnance annulant la procédure de passation au seul motif qu’il était prohibé de prévoir des conditions d’attribution pour les marchés...

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Auteur d'origine: emaupin
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Les restrictions portées à l’exercice du culte par les dispositions du décret du 29 octobre 2020, dans le cadre du confinement, ne portent pas atteinte à la liberté du culte ni au droit au respect de leur liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion. Le juge du référé-liberté du Conseil d’État rejette le recours présenté par des associations, fidèles et membres du clergé contre les articles 4 (limitation quant à la possibilité de sortir) et 47 (interdiction des rassemblements, à l’exception des enterrements, dans les lieux de culte) du décret.

La liberté du culte, liberté fondamentale, comporte dans ses composantes, outre le droit de tout individu d’exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l’ordre public, celui de de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. Cette liberté doit être conciliée, rappelle le Conseil d’État, avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Et, contrairement à l’appréciation qu’il avait portée en mai (CE 18 mai 2020, n° 440366, AJDA 2020. 1733 , note T. Rambaud ), il estime que la situation sanitaire actuelle justifie l’interdiction.

Les mariages limités à six personnes

Regrettant l’absence de clarté de certaines dispositions, le juge...

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Auteur d'origine: emaupin

Si bien des arrêts existent sur la consignation en cas de préemption urbaine, cet arrêt aborde ce thème de façon inédite. Six mois après la réalisation d’une vente immobilière sous conditions suspensives, la communauté urbaine de Lyon exerça son droit de préemption au prix de la promesse de vente et informa le vendeur d’une consignation du prix de vente. Ce dernier assigna la métropole de Lyon en rétrocession de son bien. Entre-temps, il avait vu son recours contre l’arrêté contestant l’exercice du droit de préemption rejeté par la juridiction administrative.

Son action en rétrocession fut également rejetée par la cour d’appel.

À l’appui de ses moyens, le vendeur contestait les conditions de consignation du prix de vente, qu’il estimait non respectées. Les deux questions se posant devant la Cour de cassation étaient ainsi les suivantes :

• l’existence d’un recours en annulation devant la juridiction administrative caractérise-t-elle une situation d’obstacle au paiement justifiant la consignation prévue par l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme ?

• L’article 642 du code de procédure civile, qui permet une prorogation du délai expirant un dimanche, est-il applicable au délai pour agir en consignation prévu par le code de l’urbanisme ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi et valide, quant aux deux moyens, le raisonnement de la cour d’appel. L’article L. 213-14 du code de l’urbanisme régit les modalités de paiement du prix de vente lorsque le droit de préemption urbain est exercé. La disposition fixe un délai de quatre mois pour le paiement du prix en cas d’acquisition, ou, en cas d’obstacle au paiement, pour la consignation. Elle prévoit qu’en l’absence de paiement ou de consignation, le vendeur retrouvera sa liberté contractuelle et donc la faculté de vendre le bien à qui elle le souhaite. Avant l’entrée en vigueur de la Loi ALUR (L. n° 2014-366, 24 mars 2014), le délai était de six mois, et c’est ce délai qui est applicable aux faits de l’arrêt. Il est à noter que l’ancienne disposition était moins souple pour le vendeur qui, en l’absence de paiement ou de consignation, pouvait agir en rétrocession du bien. C’est ainsi sur ce fondement qu’agissait le demandeur au pourvoi, qui soutenait le manquement aux conditions pour consigner prévues à l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme pour justifier son action en rétrocession du bien. Il essayait également de faire jouer l’absence de prorogation du délai qui arrivait à expiration un dimanche. Mais la Cour de cassation, en se rangeant derrière l’appréciation des juges du fond dont elle valide le contenu, n’est pas de cet avis.

La condition relative à l’ouverture de la consignation : caractérisation de la notion d’obstacle au paiement

L’article L. 213-14 du code de l’urbanisme exige qu’en cas d’obstacle au paiement, la consignation de la somme due doit être effectuée par le titulaire du droit de préemption. Mais qu’est-ce qu’un obstacle au paiement ? Pour les juges du fond, l’obstacle se caractérisait par l’existence d’un recours en annulation que le vendeur avait préalablement formé devant la juridiction administrative. Ces derniers se sont fondés sur l’hypothèse où le juge administratif aurait annulé la décision administrative d’exercice du droit de préemption urbain sur l’immeuble. Dès lors, une telle réponse aurait constitué, pour la communauté urbaine de Lyon, un « risque avéré de non-représentation » du vendeur, ou plus concrètement, un risque que le vendeur garde la somme conclue du fait de la vente et ne la restitue pas au titulaire. La troisième chambre civile illustre la notion d’obstacle au paiement, offrant ainsi une interprétation de l’article L. 213-14 qui permettra sans aucun doute aux titulaires du droit de préemption urbain d’avoir une meilleure marge de manœuvre lors de la consignation, dans les cas où une méfiance existe à l’égard du vendeur.

L’argument du demandeur au pourvoi n’avait en outre guère de chance de prospérer, puisque ce dernier considérait que « seule l’existence d’un obstacle au paiement de l’indemnité d’expropriation permet à l’expropriant de prendre possession du bien exproprié en consignant le montant de l’indemnité ». Or une telle exigence ne concerne qu’un cas spécifique, qui est celui où la mairie propose un prix inférieur au prix de vente et où le vendeur manifeste son désaccord : alors l’article 214-4 du code de l’urbanisme, qui dispose qu’« à défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation », trouve à s’appliquer. Or, dans ce cas d’espèce, la mairie avait préempté au prix de vente initial et, donc, telle disposition ne pouvait s’appliquer, ce qu’ont rappelé les juges du fond, approuvés par la troisième chambre civile.

La condition relative au délai pour consigner : applicabilité des dispositions du code de procédure civile

La loi ALUR a modifié le délai applicable pour agir en paiement ou en consignation en le réduisant : quatre mois au lieu de six dans l’ancienne version de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme, dans les temps qui suivent – les dispositions n’ont sur ce point pas changé –, « soit la décision d’acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d’expropriation, soit la date de l’acte ou du jugement d’adjudication ».

La disposition n’en dit pas plus sur la computation du délai. Or le délai des six mois trouvait à s’appliquer un dimanche et la commune avait agi le lundi. Un tel délai devait-il être considéré comme ayant expiré, rendant le titulaire de l’action forclos, ou bien était-il prorogé au lundi suivant ?

L’article 642 du code de procédure civile énonce une prorogation : « Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures », mais « le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ». Pour le demandeur au pourvoi, un tel article n’était pas applicable car « les règles de computation des délais de procédure ne s’appliquent pas aux délais prévus pour l’accomplissement d’un acte ou d’une obligation de nature non contentieuse ». La troisième chambre civile justifie l’applicabilité d’un tel mode de computation des délais de façon assez laconique, en faisant référence, sans le citer, au contenu de l’article 640 du code de procédure civile qui évoque que les règles de computation s’appliquent « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai ».

Or l’applicabilité d’un tel article au cas d’espèce ne va pas de soi. Une interprétation stricte de la loi porterait à penser que les dispositions des articles 640 et suivants sont dans le code de procédure civile et concernent donc… les délais de procédure, et plus précisément des procédures en cours. D’ailleurs, le chapitre « la computation des délais » relève des délais, actes d’huissiers de justice et notifications relatives au livre Ier, sur les dispositions communes à toutes les juridictions. Il n’en va pas ainsi de l’action litigieuse ici, qui était une action en consignation du prix.

Cependant, il n’existe pas, en droit positif, d’autres dispositions communes relatives aux délais. Les articles 640 et suivants relatifs à la computation des délais semblent avoir une valeur de principe de droit, voire de droit commun, de computation des délais. En outre, on peut considérer que, si, formellement, il n’y avait pas, dans le cas d’espèce, de procédure ou d’instance, du point de vue substantiel en revanche, un contentieux était déjà né puisque la consignation avait lieu en réaction au recours qu’avait intenté le vendeur devant la juridiction administrative. L’applicabilité de l’article 642 signifierait ainsi qu’il y a, par extension, un contentieux qui rayonne sur l’action en consignation.

Auteur d'origine: Agailliard
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Le Tribunal des conflits use de sa compétence découlant de l’article 1er de la loi du 20 avril 1932 pour régler un litige au fond (v. désormais l’art. 15 de la loi du 24 mai 1872 dans sa rédaction issue de la loi du 16 févr. 2015). Cette attribution permet que lui soient déférées des décisions rendues par les juridictions des deux ordres ayant le même objet et présentant entre elles une contrariété conduisant à un déni de justice – notion qu’il déjà été amené à définir (v. T. confl., 14 févr. 2000, n° 2929, Ratinet, Lebon ; D. 2000. 138 ; RFDA 2000. 1232, note D. Pouyaud ; RDSS 2001. 84, obs. G. Mémeteau et M. Harichaux ).

La juridiction administrative avait été saisie d’une demande de condamnation du centre hospitalier régional (CHR) d’Orléans à raison d’un retard de diagnostic et de traitement ayant causé à Mme D… de lourdes séquelles irréversibles. Le juge administratif avait fait partiellement...

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Auteur d'origine: pastor

Dans le passionnant livre-enquête que Marc Hédrich consacre à l’une des plus graves erreurs judiciaires du XXe siècle, tout part d’une ville, Le Havre, qui n’a ici rien à voir avec le visage bonhomme qu’en livre Maupassant dans Pierre et Jean. Il y a sans doute deux facettes dans cette ville portuaire, oscillant entre l’aspect d’une villégiature aux nombreux canotiers et le visage industriel des docks dans lesquels se déroule, puis se trame, l’affaire Jules Durand, à laquelle s’est consacré Marc Hédrich, lui-même président de cour d’assises.

Or une erreur judiciaire est avant tout le produit d’un contexte et d’un endroit. L’erreur renvoie à un lieu qui peut en exacerber les tensions et les passions qu’elle suscite. Et ce qui frappe d’emblée, dans l’affaire Jules Durand, c’est la dextérité avec laquelle l’auteur décrit cette importante place portuaire dans laquelle les fils du drame vont se nouer. Les mots de Marc Hédrich donnent d’ailleurs vie à ce beau tableau de Raoul Dufy (Fin de journée au Havre) qu’il cite ; on ressent cette omniprésence du charbon et de la question de l’alcool. L’environnement du port du Havre est difficile pour les nombreux dockers-charbonniers et l’auteur a raison de considérer que Zola aurait tout aussi bien pu s’y déplacer. La tâche est rude dans ce « Germinal sur mer » (p. 31).

Et en 1910, il faut relever les conditions de vie des charbonniers, celles d’« une population ouvrière usée par un travail physique harassant, souvent sans domicile, constituant une corporation très touchée par la précarité, l’alcoolisme et la violence » (p. 32). Le Havre connaît une forte croissance mais les ouvriers ne sont pas épargnés, de surcroît angoissés par l’arrivée du machinisme qui n’en finit pas de conquérir du terrain. Et effectivement, en lisant Marc Hédrich, on peut très bien s’imaginer « ces maisons aux briques noircies et ce nuage de poussière qui recouvre la ville », dont « le décor fait un peu penser à ces villes minières du Nord. En vérité, seules l’odeur iodée de l’océan et les sirènes des steamers sortant du port rappellent que nous ne nous trouvons pas dans un coron du Pas-de-Calais » (p. 32).

Au début du mois de septembre 1910, le port est paralysé par une grève dure, menée notamment contre la Compagnie générale transatlantique. Les charbonniers font bloc, emmenés par les syndicats, mais certains d’entre eux penchent plutôt du côté du patronat, ce qui crée évidemment des crispations. Dans la nuit du 9 septembre 1910, une rixe éclate sur le port et Dongé décède des suites de ses blessures. Les trois ouvriers ayant matériellement participé à l’acte sont arrêtés mais la justice n’entend pas se limiter à cela. Très vite, le nom de Jules Durand, l’un des leaders du mouvement, est évoqué. L’idée d’un assassinat commandité s’installe. Durand aurait, peu de temps auparavant, prononcé les mots fatidiques. C’est un curieux personnage, ce Durand. Peut-être dérange-t-il ? Il est vrai que « tenter de dresser le portrait d’un ouvrier au début du siècle est une gageure tant les sources sont limitées » (p. 53). Pour autant, Marc Hédrich y parvient. Né en 1880, « calme, instruit, buveur d’eau, raisonnable et écouté, Jules Durand apparaît comme un leader syndical charismatique » (p. 65). Il est proche de sa famille et s’est lancé dans un dur combat contre l’alcool qui fait des ravages chez les ouvriers.

S’ensuit alors le récit d’une incroyable erreur judiciaire, sur près de dix ans, une erreur judiciaire que l’on qualifierait volontiers d’absurde si sa réalité n’avait pas une dimension si tragique et qu’elle n’avait pas conduit Durand à la folie. L’on trouve en effet de tout dans cette imposture de justice : une instruction expéditive, des témoins auditionnés au sein même de la compagnie, un verdict que le jury regrettera à peine quelques minutes après son prononcé, alors qu’il avait immédiatement compris les conséquences de sa décision. Condamné à mort, Durand est emprisonné dans des conditions carcérales très difficiles. Le port s’embrase, la nouvelle se répand. L’affaire est rapidement comparée à ce qu’a vécu le capitaine Dreyfus : Durand devient la victime d’un système parce qu’il est syndicaliste, au terme d’une machination ourdie pour tenter de mettre un terme à la grève. Défendu par le futur président René Coty, le charbonnier finira par être gracié puis, après un long combat mené par Jaurès et le député Meunier, réhabilité et innocenté, le 15 juin 1918, par la Cour de cassation. Mais, « l’interné du matricule 10358 ne saura rien de ce sursaut de justice ». Progressivement, il a sombré dans la folie. Injustement condamné, il ne supportera pas la perspective d’être exécuté.

Marc Hédrich se fait l’habile chroniqueur de cette erreur judiciaire qui constitue une tache indélébile dans l’histoire du système judiciaire français. Sans sensationnalisme, et avec beaucoup de pédagogie, il relate la longue histoire de cette innocence bafouée, avec ses tenants et ses aboutissants, ses principaux acteurs. L’on est frappé par la rapidité de l’enquête menée et de l’instruction diligentée. Surtout, l’on est sidéré par les conséquences de cette intolérable manipulation. Jules Durand a beau être innocenté : plus jamais il ne sera le même. L’histoire de cette erreur judiciaire est celle de la déchéance d’un homme. Jules Durand est emporté par le rouleau compresseur de cette justice de classe qui le broie. Malheureusement, sa raison cède. Il est interné. Rien, vraiment rien, ne pourra réparer ce qu’il a subi. Fort heureusement, la pugnacité de Jean Jaurès et de Paul Meunier l’a aidé et aura permis la restauration, bien longue, de sa dignité, pourtant si vite détruite.

La pratique de Marc Hédrich, comme président de cour d’assises, est essentielle. Elle lui permet de se plonger, avec un siècle de recul, dans les rouages de ce procès si particulier. Les mécanismes de l’instance sont analysés avec un soin tout particulier, replacés dans leur contexte de l’époque tout en étant comparés avec le droit positif. L’enquête qu’il mène permet de comprendre comment la justice a pu être si facilement instrumentalisée dans ce dossier et on avance dans cette affaire avec lui, effaré de voir avec quelle facilité la mécanique implacable s’est mise en place. De surcroît, l’auteur fait preuve d’un remarquable sens critique sur l’institution, multipliant les observations lucides sur les dysfonctionnements survenus dans ce dossier. Mais surtout, l’ouvrage de Marc Hédrich est salutaire. L’affaire Jules Durand avait été éclipsée par l’un de ces singuliers mouvements de l’histoire qui relèguent certains événements dans des zones d’ombre dont il est difficile de s’extirper. Le livre s’inscrit dans cet enchaînement récent de manifestations qui tendent à redonner à ce drame toute la place qu’il mérite dans l’histoire. En définitive, il faut se souvenir que Jules Durand a été la victime d’un crime. Il ne s’en est jamais remis ; notre époque lui doit cette postérité. Et Marc Hédrich y a fort bien participé.

 

M. Hédrich, L’Affaire Jules Durand. Quand l’erreur judiciaire devient crime, préf. H. Leclerc, Michalon, coll. « Histoire », 2020.

Auteur d'origine: babonneau
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L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016 (AJDA 2016. 285 ) sur dix zones géographiques, va donc être étendue. Cinquante nouveaux territoires vont être concernés par cette seconde vague.

Mais pour n’en laisser aucun de côté, la voie à une augmentation dérogatoire par décret a été ouverte.

La question de la participation financière des départements au financement de l’expérimentation, pomme de discorde entre les deux chambres (contrairement aux députés [AJDA 2020. 1688 ], les sénateurs ont refusé de voter...

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Auteur d'origine: emaupin

En dépit des nombreuses controverses qu’il a suscitées, le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières a été définitivement adopté. Les députés, le 30 octobre, et les sénateurs, le 4 novembre, ont validé le texte de la commission mixte paritaire.

Les deux chambres ont donc partagé le point de vue du gouvernement selon lequel l’interdiction totale des insecticides à base de néonicotinoïdes, en vigueur depuis le 1er...

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Auteur d'origine: Montecler

Le Sénat a adopté en première lecture, le 3 novembre, le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution. Codifié depuis 2003, ce dispositif permet aux collectivités territoriales de déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de...

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Auteur d'origine: pastor

Le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France, s’inscrit dans un mouvement de durcissement de l’accès à l’aide médicale de l’État (AME) entamé depuis plusieurs années. La loi...

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Le procureur de la République ayant consacré une grande partie de ses réquisitions à décrire un système clientéliste dont Serge Dassault serait l’incontestable chef, il a semblé judicieux aux avocats de la défense de démystifier le tribunal, qui pourrait être tenté de croire l’accusation. Yann Prévost, avocat de Christelle de Oliveira, a plaidé dans la foulée, lundi soir, filant la métaphore monstrueuse : « On essaie de faire de Serge Dassault une sorte de croquemitaine dont le spectre plane sur le dossier », dit-il. Les choses sont plus prosaïques. L’action se déroule à Corbeil-Essonnes, une jeune femme se lance en politique et attire la bienveillance du vieux, riche, puissant, charismatique leader politique de sa ville, qui lui propose de se présenter face à Manuel Valls. « On a la faiblesse de céder à cette proposition facile, et on se met en situation de fraude électorale », explique l’avocat, car Serge Dassault a alors naturellement financé la campagne de Christelle de Oliveira. Pour ce fait, elle sera condamnée, l’avocat ne le conteste pas. Mais il conteste en revanche que le don de 450 000 € reçu sur son compte portugais soit autre chose qu’un « don pur et simple », car il n’y a aucun moyen de raccrocher cela à une contrepartie, dit-il. Il a averti le tribunal : « Ne faites pas l’erreur de croire que votre décision doit être le fondement d’une exemplarité de la vie politique car, au nom des grands principes, on fait n’importe quoi. Et si on se présente devant vous avec une telle solennité, c’est que nous pensons qu’il n’y a aucune démonstration qui est faite », a-t-il plaidé.

Me David-Olivier Kaminski a ensuite raconté l’histoire de son client. Younès Bounouara a une vingtaine d’années lorsqu’il rencontre Serge Dassault, qui, en visite aux Tarterêts, se fait caillasser par les jeunes du quartier. Bounouara les arrête. « Avec Younès, quand on était élu municipal, on ne se faisait pas caillasser quand on entrait dans la cité. » Entre « SD », surnom donné par Bounouara à Serge Dassault, et lui, s’est nouée une relation particulière. « Younès n’est dans aucun organigramme : il n’est pas l’un de ses collaborateurs de son entreprise, pas de la mairie, ni l’un des colistiers, rien sinon ce “leader positif” – surnom de Bounouara – qu’on va utiliser ». « Younès était celui qui disait la vérité à Serge, il était celui qui lui expliquait les pièges, les chausse-trappes dans cette cité des Tarterêts. » Sur le dossier lui-même, Me Kaminski ne dit qu’une chose : l’argent que Bounouara a perçu, il l’a gardé pour lui. Il demande la relaxe mais demande qu’en cas de décision contraire, le tribunal opère une confusion de peine avec celle qu’il purge actuellement (quinze ans de réclusion criminelle).

L’avocat de Machiré Gassama, Pierre Combles de Nayves, a haussé le ton et hissé le niveau. « Je voulais revenir sur les propos qu’a tenus hier monsieur le procureur de la République, lorsqu’après un certain nombre de citations, il a décidé de requérir la peine de cinq ans d’emprisonnement contre Serge Dassault, mort. Hier, le ministère public évoquait Shakespeare, permettez-moi de lui répondre par Sophocle, car j’ai pensé à Créon qui refusait la dignité du mort parce qu’il était du camp adverse. Il y a des lois sacrées, on ne juge pas les morts, laissez les morts en paix. Il y a dans cette salle des gens qui auraient pu invoquer Serge Dassault, le charger pour se déculpabiliser, mais, voyez-vous, il y a une dignité dans cette défense. »

L’avocat a ensuite dénigré le travail de démonstration juridique de l’accusation. « La présomption d’innocence impose à l’accusation la charge de la preuve. Cela suppose la qualité de la preuve, et cela veut dire qu’elle doit être probante. Ce dossier, c’est une poubelle probatoire. On a décidé d’accepter de faire du tribunal correctionnel la caisse de résonance des rumeurs », fustige-t-il. Ironique : « Ne vous ennuyez pas à aller chercher la responsabilité personnelle de chacun, ce n’est pas nécessaire, il y a un système ! » Désabusé : « Pourquoi cet effort de démonstration n’a pas été fait ? Pourquoi ? Parce qu’il y a la conviction absolue qu’ils sont tous coupables, et qu’on trouvera bien une infraction à leur coller. » Enfin, juridique : « Machiré Gassama est prévenu de blanchiment et recel de financement illégal de fraude électorale : le délit de campagne électorale n’est pas générateur de revenus, l’infraction de recel ne peut pas être constituée si l’infraction principale ne génère pas de produit ». Sur le blanchiment : « On raisonne de la même manière pour le blanchiment, on ne blanchit qu’une infraction qui génère un profit. Juridiquement, cette qualification n’est pas possible ». Et enfin sur le blanchiment de fraude fiscale : « De quelle fraude fiscale on me parle ? De celui qui a transmis les fonds ? Qui a reçu les fonds ? » Ce n’est pas précisé dans la prévention, dit-il.

Me Julien Andrez plaide pour Jacques Lebigre. Lui aussi pense que le dossier est vide. « Sur six heures, plus de cinq heures et demie ont été consacrées à des affirmations juridico-philosophiques pour tenter de justifier que le délit d’achat de vote est un délit grave. Ce débat est vain. Évidemment que les faits sont graves, s’ils sont avérés. Cette technique oratoire, c’est d’essayer d’alourdir le climat », et d’emporter par l’émotion une culpabilité qui n’est pas juridiquement démontrée, dit-il.

Enfin, Me Sébastien Schapira a plaidé pour Jean-Pierre Bechter. D’abord, il a parlé au tribunal. « Je voudrais partager avec vous mon malaise, le malaise que j’ai eu à voir votre tribunal. Je suis là pour vous convaincre et j’ai besoin d’être convaincu que vous m’écoutez. Dès le premier jour, on avait fait des conclusions de nullité, on les a plaidés, et, Madame le Président, vous avez dit : “le tribunal part délibérer cinq minutes”. Cela m’a tout de suite scotché, car je ne vois pas comment une juridiction collégiale peut savoir après nos plaidoiries qu’elle aura besoin de cinq minutes. En tant qu’avocat, en tant que prévenu, on a besoin d’être respecté. J’ai eu l’impression qu’à chaque fois qu’on voulait prendre la parole, qu’on voulait faire un pas vers la manifestation de la vérité, nous n’étions pas écoutés. »

L’avocat déplore que le parquet n’ait pas vraiment évoqué son client, qui finalement n’a été qu’un « substitut », pense-t-il, pour pallier la mort du principal mis en cause. « On a fait une demi-heure de philosophie politique, on est fatigué, pas le temps de faire du droit », a-t-il lancé à l’adresse du procureur. Alors, Sébastien Schapira a fait du droit.

L’infraction de recel détention d’achat de votes : elle ne peut pas être constituée, Monsieur Bechter n’ayant jamais détenu, dissimulé ou transmis une quelconque chose résultant d’une hypothétique infraction d’achat de votes. Dans ses réquisitions à l’audience, le ministère public soutient pourtant que monsieur Jean-Pierre Bechter se serait rendu coupable de recel détention en ce qu’il aurait détenu des dons et promesses ou les aurait transmis à des tiers, se faisant l’intermédiaire entre monsieur Serge Dassault et les électeurs visés. Or les dons, promesses ou libéralités sont l’un des éléments constitutifs de l’infraction d’achat de votes, c’est en effet le moyen de l’existence de ce délit. Il ne s’agit pas du produit de cette infraction qui, à ce stade, n’est pas encore consommée.

Me Schapira estime que le parquet, par « cette façon de faire des va-et-vient entre les qualifications retenues, de tordre le droit et de proposer des lectures inédites et désarticulées des infractions d’achat de votes et de recel n’a manifestement qu’un seul but, revendiqué à l’audience : retenir à tout prix monsieur Bechter dans les liens de la prévention du délit de recel, plus sévèrement puni que le délit d’achat de votes ».

Me Schapira conteste également que le recel reproché à son client puisse être un recel d’usage, car l’infraction originaire ne serait pas constituée. Les achats de votes supposent qu’une convention préalable ait existé entre Serge Dassault et les personnes bénéficiaires des dons. Or aucune contrepartie à ces dons n’a pu être établie par l’accusation. « Les affirmations de ces personnes consistant à soutenir que des fonds leur auraient été versés par Serge Dassault afin d’obtenir que les électeurs de la ville de Corbeil-Essonnes votent pour lui ne sont corroborées par aucun élément matériel probant », dit-il, alors qu’il est établi que des dons ont bénéficié à de nombreuses personnes, indépendamment de leur inscription ou non sur les listes électorales. La présence de son nom sur le listing des Pinsons, le siège de campagne, n’est pas une preuve en soi, plaide-t-il, rappelant que de nombreuses personnes figurant sur cette liste n’ont pas été interrogées. Enfin, il manque un élément matériel (le fait d’avoir bénéficié du produit de l’infraction d’origine) et l’élément intellectuel (le fait d’avoir connaissance de la provenance illicite du produit dont il tire profit).

Enfin, Jean-Pierre Bechter s’est approché de la barre, et, détachant ses mots avec difficultés, il a dit : « Je n’ai jamais péché, je suis innocent de tout ce que l’on m’accuse de manière fallacieuse. »

La décision sera rendue le 17 décembre.

 

Sur le procès Dassault, Dalloz actualité a également publié :

« Tous ceux qui s’approchent de Serge Dassault, c’est pour son oseille », par J. Mucchielli, le 8 octobre 2020.

« Je suis au courant que Serge Dassault pouvait se montrer généreux », par J. Mucchielli, le 14 octobre 2020.

Procès Dassault : une requête en récusation déposée contre la présidente du tribunal, par J. Mucchielli, le 20 octobre 2020.

Achat de votes à Corbeil : « On n’a jamais vu en France une ville livrée à un tel degré de corruption », par J. Mucchielli, le 3 novembre 2020.

Auteur d'origine: babonneau

Jusqu’au bout, sénateurs et députés sont restés divisés sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le 30 octobre, la commission mixte paritaire a échoué, le Sénat reprochant à l’Assemblée nationale de ne pas donner au Parlement les moyens de contrôler l’exercice des pouvoirs exceptionnels du gouvernement. Ils avaient en effet ramené au 31 janvier 2021 le terme de l’état d’urgence sanitaire et supprimé la prolongation du régime transitoire de sortie afin que le Parlement puisse se prononcer au terme de trois mois d’application de l’état d’urgence sanitaire.

Enorme couac

Finalement, les députés – qui ont le dernier mot – devaient voter en nouvelle lecture, le 4 novembre, pour une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 suivi d’un régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021, qui adapte celui qui avait été institué, le 11 juillet dernier, à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Cela ne s’est cependant pas passé comme prévu. En raison du cafouillage créé concernant un éventuel couvre-feu en Ile-de-France, annoncé trop précipitamment par le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal et des élus de la majorité pas assez nombreux lors de la séance du 3 novembre à 21 h, l’opposition a réussi à ramener la prorogation au 14 décembre. Un autre amendement a également été adopté, prévoyant que le confinement décrété par l’exécutif ne pourra être renouvelé au-delà du 30 novembre qu’après accord du Parlement. Sans aucun doute, le gouvernement va demander une nouvelle délibération sur l’article premier. Par ailleurs, le texte proroge dans la même mesure les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie, à savoir le système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui centralise l’ensemble des résultats des tests effectués, et Contact Covid, élaboré par l’Assurance maladie pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts. Le projet de loi autorise également le gouvernement à agir par ordonnance dans de nombreux domaines (prolongation de la durée de validité de certains titres de séjour ; mesures relatives à l’activité partielle, aux contrats des sportifs et de leurs entraîneurs ; règles de délibération des collectivités territoriales, en particulier de quorum ; congés de reconversion des militaires ; réserve civique mais aussi adaptation des compétences de l’Autorité de régulation des transports de manière à permettre la modulation des redevances pour services rendus par les services publics aéroportuaires, etc.).

Des limites et des exceptions

Avant la promulgation de la loi, le gouvernement peut s’appuyer sur le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui prescrit, dans ce cadre, les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ce texte, fait de restrictions et de dérogations multiples, interdit les réunions de plus de six personnes sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Mais ne sont pas concernés les activités professionnelles, les services de transport et les établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit (refuges et fourrières ; cliniques vétérinaires ; organisation d’épreuves de concours ou d’examens, etc.). Cette dérogation ne s’applique pas à la célébration de mariages, limités à six personnes. Les lieux de culte sont autorisés à rester ouverts, dans la limite de trente personnes, mais tout rassemblement en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires. Les déplacements de personne hors du lieu de résidence sont interdits, sauf attestations dérogatoires spécifiques et évitant tout regroupement de personnes. Le décret habilite les préfets de département à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent.

Quarantaine et mise à l’isolement

Une mesure de mise en quarantaine ou de placement et maintien en isolement peut être prescrite à l’entrée sur le territoire ou dans l’une des collectivités ultramarines pour les personnes ayant séjourné, au cours du mois précédant cette entrée ou cette arrivée, dans une zone de circulation de l’infection. La mesure se déroule, au choix de la personne qui en fait l’objet, à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté à la mise en œuvre des consignes sanitaires qui lui sont prescrites, en tenant compte de sa situation individuelle et familiale. Lorsque la mesure interdit toute sortie du domicile ou du lieu d’hébergement, ses conditions doivent permettre à la personne concernée un accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur, en prenant en compte les possibilités d’approvisionnement et les moyens de communication dont dispose la personne concernée par la mesure.

Pour une vue d’ensemble de l’impact budgétaire, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a détaillé le 29 octobre les mesures déployées pour un coût estimé, à ce stade, de 15 milliards d’euros par mois confiné.

Services publics : objectif continuité

Conformément à l’objectif de continuité des services publics, annoncé par le président de la République, la justice ne va pas se reconfiner. Le retard accumulé au premier semestre en raison de la grève des avocats, puis du confinement n’a pas été rattrapé et, si les conditions matérielles de fonctionnement des juridictions judiciaires ne se sont pas améliorées, les tribunaux judiciaires n’auront pas à mettre en place des « plans de continuité d’activité ». Les juridictions administratives vont également poursuivre une activité pratiquement normale. Autre exception à ce reconfinement : les écoles, collèges et lycées resteront ouverts avec un protocole sanitaire renforcé. Les crèches aussi, tandis que le supérieur bascule entièrement dans l’enseignement en ligne. Une circulaire du 29 octobre relative à la continuité du service public dans les administrations et les établissements publics de l’État encourage le télétravail pour les activités qui le permettent, mais de nombreux services, telles les finances publiques qui manipulent des données sensibles, ne sont pas en mesure de mettre des outils informatiques à dispositions de leurs agents.

Auteur d'origine: pastor

Le Sénat a adopté, le 30 octobre, le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2027 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Comme le titre légèrement modifié du texte l’indique, les sénateurs, contre l’avis du gouvernement, veulent accélérer la programmation (le texte d’origine la faisait courir jusqu’à 2030). Selon la sénatrice, Laure Darcos, rapporteur du projet, ce raccourcissement permettra une « trajectoire budgétaire « plus crédible et plus efficace ».

D’autres amendements du Sénat ont en revanche été adoptés avec l’accord du gouvernement ou sur sa...

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Auteur d'origine: pastor

L’aide juridictionnelle a fortement augmenté ces dernières années. Si, pour les avocats, cette hausse reste insuffisante, pour Bercy, elle l’a été de 226 millions d’euros entre 2015 et 2021 (+ 62 %). En septembre, le rapport Perben recommandait une augmentation de 100 millions d’euros.

Lundi, le gouvernement proposait une réforme coûtant 50 millions d’euros. Une hausse présentée par Éric Dupond-Moretti comme une première marche. Reste à savoir quelles seront les conditions pour monter la suivante. La réforme des retraites ayant été pour l’instant enterrée, elle ne peut plus faire l’objet d’un compromis.

Le ministre hier a évoqué plusieurs éléments en négociation avec les avocats : « Nous devons discuter de plusieurs de leurs engagements, d’abord en matière de déontologie – mais ce n’est peut-être pas la question la plus importante –, ensuite sur l’expérimentation de l’avocat en entreprise. Nous sommes en train d’en discuter et, comme vous le savez, ce n’est pas simple. »

Selon nos informations, le ministère réfléchit à une expérimentation qui pourrait avoir lieu à Paris (qui concentre un grand nombre d’avocats et dont le barreau n’a jamais été frontalement opposé à la création de l’avocat en entreprise) ou plus vraisemblablement dans les Hauts-de-Seine (qui concentrent un grand nombre d’entreprises). Il faudra aussi trouver un véhicule législatif pour porter l’expérimentation.

Pour financer l’aide juridictionnelle, le rapport Moutchou-Gosselin proposait le retour du droit de timbre. Si la Chancellerie y est sensible, le gouvernement a promis de ne pas créer de nouveaux impôts. Autre contrepartie évoquée par le ministre : une réforme de la formation des avocats et de son coût. Sandrine Clavel et Kami Haeri viennent de rendre un rapport sur le sujet.

Trois autres amendements ont été adoptés. D’abord, une proposition Laurent Saint-Martin, dans les suites de son rapport sur l’Agrasc, qui vise à renforcer le rôle de l’agence et permettre l’affectation des biens saisis, notamment des voitures, aux services judiciaires. La chancellerie travaille à ce que des biens de moindre valeur soient donnés aux associations.

L’Assemblée nationale a aussi rétabli un délai de forclusion pour le dépôt des mémoires de frais et prolongé de deux ans l’expérimentation d’une tentative de médiation familiale préalable obligatoire.

Auteur d'origine: babonneau

Après avoir cité les travaux savants de philosophes, des personnages de Victor Hugo, le procureur de la République, Patrice Amar (PNF), a longuement évoqué Shakespeare, décelant dans la pièce jouée à Corbeil-Essonnes par Serge Dassault le souffle tragique de l’auteur anglais, ses morts et ses trahisons, l’avidité, l’argent, la folie.

« Serge Dassault a été la cible de l’avidité de voyous qui ont fait la démonstration de la violence dont ils étaient capables, mais ce sont des appétits que Serge Dassault et sa cour ont eux-mêmes aiguisés », dit le procureur. Les prévenus, dont Younès Bounouara, avaient dit au cours des débats que le milliardaire était victime de rackets de la part de voyous. Ils avaient dépeint le portrait d’un vieillard abusé, victime de son altruisme. Très peu pour Patrice Amar : « La fable du philanthrope désenchantée, il faut la réfuter comme étant irrecevable sur un plan strictement démocratique », dit-il, car, quels qu’aient été les dessins de Serge Dassault, il a corrompu le scrutin. « Cela ne change rien à la nature de ce procédé, qui est un procédé clientéliste. » C’est un « mobile narcissique et intéressé, qui n’est pas de nature à excuser. L’argument philanthropique dissimule un autre mal, le paternalisme, or rien n’est plus éloigné de l’égalité républicaine que le paternalisme, c’est la formule du maître bienveillant ».

Son réquisitoire a ainsi égrené les témoignages accusateurs de ce dossier, qui sont à la fois de vils opportunistes qui en avaient après sa fortune et des rouages de son système. En tout et pour tout, Dassault a dépensé 30 millions, c’est ce que valait Corbeil-Essonnes pour lui, a dit le procureur, et ce n’est rien en comparaison des 17,5 milliards auxquels sa fortune était estimée en 2018. Ces millions lui ont servi à bâtir un système. Ce procès est le procès d’un système : « Cette affaire est exceptionnelle, on n’a jamais vu en France une ville livrée à un tel degré de corruption », assène le procureur.

« Au sommet, il y a la puissance financière de Serge Dassault, et puis tout un tas de manifestations différentes de ce système. » Jacques Lebigre est chargé de la remise des fonds. Younès Bounouara était « son bras gauche » et Jean-Pierre Bechter, qui se présenta à la suite de Dassault et devint de fait son second, son « bras droit ». Machiré Gassama n’a pas su résister à l’appât du gain, dit encore le procureur. Gassama a été payé de 400 000 € par Dassault, par l’intermédiaire de Bounouara, pour un terrain au Mali dont l’existence même n’a pas été démontrée. Cet argent provenait d’un compte libanais, qui a servi à rémunérer les « rouages » pour un total de 3,3 millions d’euros. D’autres comptes, occultes, existaient ; sur ordre de Dassault, les fonds étaient virés pour divers projets. « Ces versements peuvent être qualifiés d’achat de vote et de financement illicite de campagne électorale », affirme-t-il. 200 000 € pour une crèche au Maroc. Un don pour un bar à chicha à Casablanca, qui n’a jamais vu le jour, « comme les autres projets ». Il cite une personne ayant perçu un million d’euros, puis 600 000 €, pour un projet à Cannes. Des projets plutôt folkloriques situés dans des pays étrangers : une usine de cuir en Tunisie, élevage de poules en Algérie. Caractéristique commune : ils ne sont jamais réalisés. « Ce sont de faux prêts destinés à habiller et à blanchir des sommes en réalité distribuées pour des motifs électoraux. »

Pour soutenir que ces dons ont servi à l’achat de vote, le procureur s’est fondé sur des témoignages – dont la défense rejette la crédibilité – et sur le listing des « pinsons », le siège de campagne du clan où une liste de noms et de sommes et prestations avait été retrouvée. Le financement illégal de campagne électorale est constitué, selon l’accusation, qui fait un rapide calcul : les sommes déboursées par Dassault atteignent 6,3 millions d’euros pour la campagne de 2009, 8,7 millions pour 2010. « Le plafond de 84 000 € a été pulvérisé. »

Le procureur a alors requis cinq ans d’emprisonnement « à titre posthume » contre Serge Dassault, formule symbolique pour souligner qu’il était le premier responsable de ce système, et que seule sa mort, le 29 mai 2018, lui a permis d’échapper au courroux du parquet. Contre Jean-Pierre Bechter, le numéro deux : quatre ans, qui seront aménageables du fait de l’âge (76 ans) et de l’état de santé dégradé de l’ancien édile. Il est également requis 100 000 € d’amende. Contre Jacques Lebigre, Christelle de Oliveira, Machiré Gassama et Younès Bounouara, des peines de deux ans de prison et 15 000 € d’amende ont été demandés, alors que, contre tous, la peine d’inéligibilité de cinq ans a été requise.

Les avocats de la défense plaident ce mardi 3 novembre.

 

Sur le procès Dassault, Dalloz actualité a également publié :

« Tous ceux qui s’approchent de Serge Dassault, c’est pour son oseille », par J. Mucchielli, le 8 octobre 2020.

« Je suis au courant que Serge Dassault pouvait se montrer généreux », par J. Mucchielli, le 14 octobre 2020.

Procès Dassault : une requête en récusation déposée contre la présidente du tribunal, par J. Mucchielli, le 20 octobre 2020.

Auteur d'origine: Bley

Il y a un an, les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin mettaient en œuvre une réforme de l’aide juridictionnelle. Lors de la présentation du budget, Éric Dupond-Moretti avait annoncé une augmentation de l’aide de 50 millions d’euros. Cette hausse n’étant que prévisionnelle, il était nécessaire de la traduire en mesure. En commission, le ministre avait précisé qu’il s’attendait à une hausse des missions entraînée par la réforme de la justice pénale des mineurs et il annonçait le triplement du nombre d’UV pour les missions de médiation (de 4 à 12 UV).

Le gouvernement a déposé hier un long amendement sur l’aide juridictionnelle, ayant trois objets principaux. D’abord, revaloriser le montant de l’unité de valeur de référence, de 32 € à 34 € HT.

Ensuite, l’amendement inscrit dans la loi les cas de commission d’office ouvrant droit à l’aide juridictionnelle sans examen préalable de la situation du justiciable. Il donne aux bureaux de l’aide juridictionnelle (BAJ) la mission de faire un contrôle a posteriori, pour recouvrer des sommes auprès des personnes non éligibles. L’Union nationale des CARPA (UNCA) centralisera les informations permettant de procéder au recouvrement. Par ailleurs, le retrait de l’aide juridictionnelle pourra intervenir jusqu’à quatre ans après la fin de l’instance.

Enfin, l’amendement simplifie les modalités de versement d’une dotation annuelle unique permettant aux CARPA de rétribuer les avocats. La répartition par barreau de cette dotation sera faite par arrêté du garde des Sceaux.

Dans les suites du rapport Perben, les avocats réclament une hausse plus importante de l’aide juridictionnelle (même si le budget aura augmenté de 62 % entre 2015 et 2021). Mais la réforme des retraites, principal sujet de crispation, est provisoirement enterrée. Tout comme l’idée de réintroduire le droit de timbre. Une augmentation plus importante ne pourra qu’être le résultat d’une négociation avec la profession.

Auteur d'origine: babonneau

Pour Éric Dupond-Moretti, « nous devons tous ensemble, membres du même ministère, garder confiance en l’avenir et être à la hauteur des attentes des Français qui – surtout en cette période difficile – ne peuvent se passer du service public de la justice ».

S’agissant des mesures à prendre :

• Les services d’accueil uniques des justiciables resteront ouverts mais sur rendez-vous.

• L’activité juridictionnelle sera maintenue en présence des personnes « dûment convoquées », dans le respect des mesures sanitaires applicables à la covid-19.

• Le déploiement des ordinateurs portables, inexistant lors du premier confinement notamment pour les greffiers, devra être achevé « au plus vite ».

• Les mesures sanitaires seront tout autant appliquées au personnel pénitentiaire qu’au personnel dont la présence ponctuelle et régulière est requise.

• Concernant plus particulièrement les prisons : « le respect des mesures sanitaires ne conduit pas à remettre en cause les conditions de vie comme les parloirs ou le travail en détention », a ajouté Éric Dupond-Moretti. Lors du confinement de mars, toutes les visites et les activités avaient été interrompues.

• L’activité des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera également maintenue « avec les adaptations et précautions nécessaires ».

• Un suivi régulier de la situation sera mis en place avec les chefs de cours d’appel « de zone de défense », les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Et avec les organisations syndicales, a-t-il précisé également.

 

À consulter également, paru vendredi 30 octobre 2020 :

Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Et notamment, au titre des exceptions, sont autorisés :

- à l’article 4, 7° : les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

- à l’article 45, I : Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public, sauf :

les salles d’audience des juridictions,
 les crématoriums et les chambres funéraires,
 l’activité des artistes professionnels,
 les activités mentionnées au II de l’article 42, à l’exception de ses deuxième, troisième et quatrième alinéas.
Auteur d'origine: babonneau

Pour juger l’affichage d’un permis de construire irrégulier, et donc insusceptible de déclencher le délai de recours contentieux à l’égard des tiers, le tribunal administratif de Bastia a relevé que le panneau ne mentionnait pas l’adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et a estimé que, compte tenu de la taille de la...

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Auteur d'origine: pastor

par Charlotte Collinle 30 octobre 2020

Motion des présidentes et présidents des régions de France, 18 oct. 2020

La dernière session (19 au 23 octobre) de la réunion plénière du Parlement européen s’est à nouveau tenue à Bruxelles au lieu de Strasbourg (v. la lettre du président du Parlement). Depuis le début de l’épidémie de la covid-19, et en particulier depuis la décision des autorités françaises de classer l’ensemble du département du Bas-Rhin en zone rouge, aucune des sessions plénières du Parlement européen n’a pu se tenir au siège du Parlement européen de Strasbourg. Conséquence inattendue de l’épidémie, le débat entre pro et...

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Auteur d'origine: ccollin
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Le Sénat, le 27 octobre, et l’Assemblée nationale, le 28, ont adopté définitivement le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) dans le texte de la commission mixte paritaire (CMP). Ainsi s’est achevé le parcours chahuté d’un texte retardé mais aussi profondément modifié du fait de la crise sanitaire. Le projet du gouvernement comportait cinquante articles (AJDA 2020. 262 ). Il en comptait quatre-vingt-six en quittant le Sénat le 5 mars (Dalloz actualité, 12 mars 2020, obs. M.-C. de Montecler) et cent soixante-sept après son examen par les députés le 6 octobre (Dalloz actualité, 8 oct. 2020, obs. M.-C. de Montecler).

Le seuil des marchés de travaux porté à 100 000 €

Parmi les ajouts au palais Bourbon figurent plusieurs articles modifiant le code de la commande publique. Ceux-ci visent notamment à faciliter l’accès à la commande publique des entreprises en difficulté mais aussi des petites et moyennes entreprises (PME). L’ensemble des marchés globaux devront réserver une part minimale de l’exécution à des PME ou à des artisans. Le pouvoir réglementaire pourra dispenser certains marchés de procédure de publicité et de mise en concurrence pour « un motif d’intérêt général ». En outre, jusqu’au 31 décembre 2022, les marchés de travaux pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes pourront être conclus sans publicité ni mise en concurrence.

La loi ASAP crée également dans le code une série de règles applicables en cas de circonstances exceptionnelles pour la passation et l’exécution des marchés et des concessions. Elle rend applicables les dispositions du code de la commande publique relatives à la modification des contrats en cours d’exécution à ceux signés avant le 1er avril 2016. Enfin, les services de représentation légale d’un client par un avocat sortent du champ de la commande publique. Il en va de même des consultations en vue de la préparation d’une telle procédure.

Faciliter les implantations industrielles

Le projet de loi reprenait une grande partie des propositions du rapport Kasbarian (AJDA 2019. 1844 ) pour faciliter les implantations industrielles. Ces mesures d’assouplissement de règles en matière d’environnement et d’urbanisme ont été amplifiées lors des débats. On peut citer ainsi la fin de l’application automatique de règles nouvelles aux projets d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Lorsqu’un projet ou programme doit être soumis à concertation à la fois en application du code de l’environnement et du code de l’urbanisme, le maître d’ouvrage peut opter pour la première seulement. Les mesures réglementaires du code du patrimoine en vigueur lors de la date de réception du dossier du projet d’implantation industrielle s’appliqueront pour la suite des démarches relatives à l’archéologie préventive. Les permis et les décisions de non-opposition à travaux pourront, sous certaines conditions, recevoir exécution avant la délivrance de l’autorisation environnementale.

Les règles relatives à la participation du public et à l’évaluation environnementale en droit de l’urbanisme sont également revues. L’évaluation devient systématique pour les plans locaux d’urbanisme. En revanche, elle ne l’est plus pour les unités touristiques nouvelles (UTN). Seules la création ou l’extension d’UTN structurantes y seront soumise obligatoirement. En outre, les autorisations d’UTN dont la caducité intervient entre la publication de la loi et le 30 avril 2021 sont prorogées de six mois.

Le délai dans lequel les collectivités territoriales et associations concernées par un projet, un plan ou un programme peuvent demander l’organisation d’une concertation préalable est réduit de quatre à deux mois. En contrepartie, le préfet devra informer les régions, départements et communes sur le territoire desquels est prévu le projet. L’information reste facultative pour les associations, les autres collectivités et les groupements. La loi prévoit aussi une simplification des procédures applicables aux ouvrages réalisés par les collectivités territoriales dans l’exercice de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

Contentieux des éoliennes en mer

Une série de dispositions visent à soutenir les énergies renouvelables. Parmi elles figure la possibilité d’exclure de la procédure de mise en concurrence l’occupation du domaine public de l’État pour l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir de sources renouvelables. Pour l’éolien en mer, les procédures de mise en concurrence pourront être lancées avant la fin du débat public ou de la concertation préalable. Le Conseil d’État devient compétent en premier et dernier ressort pour connaître des recours juridictionnels contre les décisions relatives à ces installations. De leur côté, les cours administratives d’appel deviennent compétentes en premier et dernier ressort sur les recours contre les décisions relatives aux projets d’ouvrage de prélèvements d’eau à usage d’irrigation.

La loi comporte enfin une série de dispositions de simplification très diverses. On relèvera ainsi la généralisation du dispositif Justif’Adresse, expérimenté dans quatre départements en application de la loi ESSOC. La justification du domicile lors de la délivrance d’un titre ou d’une autorisation peut se faire par consultation directe par l’administration d’un fournisseur de bien ou de service ou d’un service public. La loi étend également la procédure administrative d’expulsion des squatteurs à la résidence secondaire. Le préfet ne peut refuser de la mettre en œuvre que pour un « motif impérieux d’intérêt général ». Les établissements d’accueil de la petite enfance et les assistants maternels devront communiquer leurs disponibilités à la Caisse nationale d’allocations familiales, en vue d’une meilleure information des familles.

En matière de santé sont prévus un assouplissement des conditions du commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine, la création automatique du dossier pharmaceutique – sauf opposition du bénéficiaire – et la simplification des règles de mise en œuvre des protocoles locaux de coopération entre professionnels de santé.

Habilitations à légiférer par ordonnance :

La loi ASAP donne au gouvernement plusieurs habilitations à légiférer par ordonnances. Celles-ci concernent notamment :

la modification des règles applicables à l’Office national des forêts pour élargir le recrutement d’agents contractuels de droit privé ;
 l’organisation des chambres d’agriculture et le statut de leurs agents ;
 la simplification et mise en cohérence des législations applicables aux modes de garde de la petite enfance. Sont notamment prévues des possibilités de dérogations s’agissant du nombre et de la qualification des adultes encadrant les enfants.
Auteur d'origine: Montecler

En 2018, l’avocat Sylvain Boueyre avait réclamé la communication de plusieurs rapports de l’ordre. Ce dernier refusait, considérant que ces documents « relevaient de l’organisation interne du service ». Après un avis favorable de la CADA et un nouveau refus de l’ordre, Sylvain Boueyre saisissait le tribunal administratif de Paris. Celui-ci a rendu sa décision le 8 octobre.

L’ordre soutenait que le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) n’était pas applicable aux relations entre un avocat et l’ordre et que ce conflit relevait du juge judiciaire, en se basant sur l’article 19 de la loi du 31 décembre 1971. Mais, pour le tribunal, aucune disposition spéciale ne « régit la communication des documents produits ou reçus dans le cadre de leur mission de service public par l’ordre aux avocats qui en font la demande ». Dès lors, le CRPA est bien applicable au présent litige, qui relève de la justice administrative.

L’ordre étant un organisme privé chargé d’une mission de service public mais qui exerce également une activité privée, seuls les documents « qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs ». Figurent au nombre de ces missions « ses activités normatives, ses décisions à caractère financier notamment celles concernant la CARPA, ainsi que l’ensemble des décisions individuelles ou collectives liées à l’accès à la profession et à l’exercice de celle-ci ».

De nombreux rapports communicables

Le tribunal conclut à la communicabilité de plusieurs rapports : ainsi, ceux « sur le contrat de prévoyance et contrat de perte de collaboration des avocats libéraux », sur la convention conclue entre l’ordre et les experts comptables « concernant les braconniers du droit et du chiffre » et « sur l’évolution des taux et les conséquences sur les comptes de l’ordre et de la CARPA ». De même, deux rapports sur la publication des rapports et des travaux du Conseil devront être communiqués.

Le tribunal considère également communicables différents procès-verbaux et comptes rendus des conseils de l’ordre. Enfin, doivent être transmis les comptes de résultat comptables de l’ordre, ainsi que le rapport de présentation des comptes.

En revanche, les rapports portant sur des modifications de règlements, sur les cotisations ou les documents relatifs aux rémunérations et avantages du bâtonnier et des membres du conseil de l’ordre relèvent du fonctionnement interne et « ne présentent pas un lien suffisamment direct avec les missions de service public exercées par cet organisme privé ». Tout comme le rapport du commissaire aux comptes et un audit sur les finances de l’ordre. La décision est faiblement motivée. Par ailleurs, Sylvain Boueyre devrait demander à l’ordre la communication de nouveaux documents.

Auteur d'origine: babonneau

C’est un procès qui prend une résonance toute particulière depuis l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité pour avoir montré en classe une caricature du prophète lors d’un cours sur la liberté d’expression.

Ils sont deux dans le box. Abdel K…, 34 ans et Yann T…, 35 ans. Derrière eux, des policiers cagoulés. Deux hommes qui ont, de fin 2016 à fin 2017, traduit en français et diffusé la propagande émise depuis la Syrie par le centre médiatique de l’État islamique, An-Nûr. Un troisième homme aurait dû être à leurs côtés mais, cas contact au covid-19, il sera jugé en mars 2021. Ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

L’organisation terroriste a très tôt développé l’arme de la propagande, estimant que « la guerre médiatique, c’est 50 % du combat ». Pour ce faire, elle a créé une agence de presse, A’maq, une radio officielle, Al Bayan, des magazines en anglais et différentes langues. Selon l’accusation, le site An-Nûr a également développé une forte activité de propagande et d’endoctrinement, et d’enrôlement des candidats au djihad.

Abdel K…, barbe taillée sous le masque et lunettes au-dessus, a commencé à s’intéresser à la zone irako-syrienne en 2016. Soit après les attentats de 2015. « Je cherchais à comprendre. J’étais curieux. […] J’ai suivi quelques comptes et, de fil en aiguille », il est devenu traducteur de dépêches de l’agence de presse de l’État islamique. « C’est un peu comme l’AFP », glisse le prévenu.

« J’ai été approché par une personne qui m’a demandé si j’étais intéressé pour faire de la traduction. Je ne sais pas qui c’est », assure Abdel K…. Il a été contacté via les réseaux sociaux « par quelqu’un à l’intérieur de l’appareil médiatique en Syrie ». Un dénommé Hamza, dont les enquêteurs pensent qu’il s’agit d’Adrien Guihal, la voix française qui a revendiqué l’attentat de Nice en 2016. Ensuite, il est invité à rejoindre un groupe Telegram.

« Vous avez des infos de l’agence A’maq et vous les traduisez, vous agencez l’information. » Tout en respectant la présentation exigée par le bureau médiatique en Syrie. Ni vérification, encore moins de contextualisation. Pas vraiment du travail journalistique. Abdel K…, n’a pas été payé « par qui que ce soit pour [son] travail de traducteur », qui lui prenait de trois à cinq heures par jour.

Après quinze jours, il intègre une autre chaîne Telegram appelée Markaz An-Nûr, composée de mounassirs, des traducteurs choisis par l’administrateur de la chaîne. Il s’agit de traduire les bulletins de la radio Al Hayan, les textes de revendications d’attentats ou les vidéos d’assassinats.

Abdel K… est-il un petit traducteur, comme il le prétend, ou « un fonctionnaire zélé » de l’État islamique, selon l’expression du président de la 16e chambre, Jean-Baptiste Acchiardi ? « An-Nûr, en 2016, c’est le principal vecteur sur Telegram de la propagande de l’EI », relève le président. « Je ne peux pas le contester », lui répond le prévenu.

Via deux comptes Telegram, Abdel K… est en lien avec quatre-vingt-douze chaînes Telegram comptant près de huit cents abonnés. Une chaîne Telegram permet la diffusion d’informations auprès de ses abonnés. Elle est publique et accessible par mots clés. Il en a administré quarante-huit et en a créé seize.

Sur ce nombre de chaînes qui interroge le tribunal, le prévenu répond que beaucoup d’entre elles correspondaient à des sauvegardes, une chaîne étant rapidement bloquée à la demande des autorités, il fallait alors la dupliquer avec un autre nom. Mais souvent ses explications sont nébuleuses.

À compter d’octobre 2017 et la chute de Raqqa en Syrie, Abdel K… est devenu, selon l’accusation, le responsable, voire l’émir de la propagande francophone en France, un « super » administrateur de la chaîne Telegram An-Nûr et supervisant la chaîne Markaz An-Nûr. Ce qu’il réfute. « Comment l’EI pourrait nommer un émir en France ? Ça n’a pas de sens, ce sont des dingues du contrôle », dit-il.

À l’organisation pyramidale de la structure médiatique, il oppose le mode participatif des mounassirs, les traducteurs. « Je ne cherche pas à minimiser mon rôle, mais je ne veux pas qu’on m’attribue des choses que je n’ai pas faites. […] Sincèrement, je n’ai pas envie de prendre pour tout le monde, qu’on me dépeigne comme la tête du réseau, semblable aux frères Clain », répond-il au président qui lui fait remarquer les contradictions entre ses propos et son rôle d’administrateur de certaines chaînes Telegram.

Jean-Michel et Fabien Clain étaient membres de l’appareil de propagande de l’EI. Fabien Clain a revendiqué les attentats de novembre 2015.

Interrogé sur le contenu de ces chaînes, écrits appelant à commettre des attentats, vidéos d’exécutions, bulletins d’informations de l’EI, il reste sans voix. Se rappelle-t-il, lui demande le président, de l’ouvrage Conseils aux moudjahidines dans les terres ennemies ? Non, il ne s’en souvient pas. « Ces petits conseils sont imprimés avec en fond d’image une photo de Paris et de la tour Eiffel », précise Jean-Baptiste Acchiardi. Long silence. « Ça m’inspire de l’horreur. Je vous le dis aujourd’hui, j’ai honte de ces images-là ».

Dans la salle, les parents des deux prévenus. Le tribunal a commencé mercredi en fin de journée l’interrogatoire de Yann T…. Il reprendra jeudi.

Auteur d'origine: babonneau

L’interprète en russe a patienté une partie de l’après-midi, mais il a quitté le palais lorsqu’arrive finalement Aleksandr, flanqué de l’un de ses fils. Ce dernier indique à la cour qu’ils sont d’abord allés à celui des Batignolles. On rappelle l’interprète. Né à Tbilissi il y a une soixantaine d’années, Aleksandr affirme ne plus avoir la nationalité géorgienne ; et ne plus en avoir du tout, d’ailleurs. En 2018, sur le tarmac de Roissy, il s’est soustrait à une mesure d’éloignement, en refusant à deux reprises d’embarquer dans des vols pour Kiev. Le tribunal correctionnel l’a condamné à deux mois ferme. Pendant son incarcération, sur appel du parquet, la cour a ajouté une interdiction du territoire, pour dix ans. C’est après avoir purgé sa peine d’emprisonnement qu’Aleksandr a pris connaissance de la décision et formé opposition. C’est donc libre qu’il comparaît, avec l’intention à la fois noble, abracadabrante et funeste de venir plaider sa cause en personne, sans avocat.

La présidente explique à Aleksandr que la Géorgie avait délivré un laissez-passer consulaire, et le reconnaissait donc bien comme l’un de ses ressortissants : « Oui, mais c’est un pays dangereux. » Elle lui rappelle aussi qu’à Tbilissi, il a été condamné, pour violences avec arme : « Oui, mais ce n’était pas moi. » Et enfin qu’en France, il a de petits antécédents, relativement anciens il est vrai, sous sa véritable identité, ainsi que sous deux alias distincts. Peu à peu, on croit comprendre qu’Aleksandr a sans doute fait une demande d’asile, sans obtenir de statut, puis entamé une procédure de régularisation, sans plus de succès. La présidente essaie longuement d’y voir plus clair et appelle au secours l’avocate générale : « Vous n’auriez pas des questions sur ce point ? » Levant à peine le nez, elle rétorque simplement : « Eh bien moi, je trouve ça très clair… » Ce qui est clair, c’est surtout que tout cela l’intéresse très moyennement.

Tout un pan des réquisitions louvoie entre caricature et outrance, ce qui ne laisse pas une marge énorme : « Les reconduites sont voisines de zéro, et après, on a des événements [terroristes] comme celui de la semaine dernière, et la presse qui demande ce que fait la justice. […] Certains font un scandale dans l’avion, les passagers prennent leur défense, mais ensuite, ils sont, eux ou leurs familles, assassinés par ces personnes. […] Qu’il aille commettre ses infractions en Géorgie, en Ukraine ou ailleurs, où il veut, mais pas chez nous ! » Elle ajoute que « je ne doute pas, en plus, qu’il demande toutes les aides… » Depuis les bancs, le fils explose : « On n’a jamais rien demandé ! » Et sort entre deux gendarmes. L’avocate générale réclame un an ferme et, « bien évidemment », la fameuse interdiction du territoire pour dix ans. La cour sort délibérer, non sans avoir lancé : « Vous, vous ne bougez pas. »

La greffière fait plusieurs allers-retours. On croit entendre au loin de gros sabots cogner sur le plancher : ce sont ceux du mandat de dépôt qu’Aleksandr, visiblement confiant, est bien le seul à ne pas voir venir. Pendant vingt-cinq interminables minutes, le fils vient ponctuellement coller son visage contre la porte. Il essaie de deviner, à travers les deux hublots successifs, la tournure que prennent les événements, mais ne peut guère apercevoir qu’un coin de moulures de la salle d’audience. Agitation chez les gendarmes, qui ne peuvent téléphoner ni dans la salle ni dehors, puisque le fils s’y trouve : ils restent donc dans le sas. Agitation également chez la greffière, qui se met subitement à tamponner des tas de trucs. La cour revient et s’installe. Dans le dos d’Aleksandr, les gendarmes approchent sur la pointe des pieds et enfilent leurs gants. Ils sont deux, puis cinq, puis neuf.

Aleksandr ne voit toujours rien venir, mais son téléphone se met à sonner : c’est son fils qui tente de le prévenir. Lorsqu’il comprend ce qui est en train d’arriver, il se décale lentement dans une travée, entre deux bancs des avocats. Puis se retrouve coincé contre un muret : on se dit qu’il a décidément le chic pour s’engager dans des impasses. Pendant qu’on l’entrave, alors que son téléphone se remet à sonner, il vocifère : « Ça m’est absolument égal », traduit l’interprète sans y mettre le ton. « Dans ce cas, la cour ne regrette pas du tout sa décision ! », répond la présidente, estomaquée. On le fait sortir par une porte dérobée. Devant la salle, son fils tente toujours de rentrer. Puis d’en savoir plus : « Il a pris combien ? — Aucune idée, Monsieur. — Vous l’emmenez où ? — Aucune idée, Monsieur. » Les gendarmes dégainent leur botte secrète pour s’en débarrasser : « Vous aussi, vous êtes sans papiers, Monsieur ? »

Auteur d'origine: babonneau

Dès le 13 mars 2020, le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a décidé de suspendre les compétitions organisées par la Ligue, avec effet immédiat. Le 30 avril, le conseil d’administration de la LFP a prononcé l’arrêt définitif des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 pour la saison 2019/2020. Par...

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Auteur d'origine: pastor
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Statuant en référé-liberté dans une formation à trois juges, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours de la Fédération musulmane de Pantin demandant la suspension de l’arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis prononçant la fermeture pour six mois de la grande mosquée de la ville.

L’arrêté préfectoral du 19 octobre est fondé sur l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure et les juges s’appuient explicitement sur l’interprétation qu’en a donné le Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, AJDA 2018. 710 ; D. 2018. 876, et les obs. , note Y. Mayaud ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2018. 277, chron. O. Le Bot ). Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat (réc., CE, ord., 18 mai 2020, n° 440366, AJDA 2020. 1032 ; ibid. 1733 , note T. Rambaud ; D. 2020. 1110, et les obs. ; AJ fam. 2020. 329 et les obs. ), les juges des référés admettent que la liberté de culte est une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et, sans surprise, que l’arrêté est susceptible d’y porter atteinte. Toutefois, au terme d’une analyse minutieuse des faits reprochés au lieu de culte, ils estiment qu’en l’état de l’instruction, il n’apparaît pas que le préfet aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Un contexte d’entrisme de la mouvance radicale

Deux séries de faits fondaient l’arrêté. Tout d’abord, M. D., président de l’association gestionnaire a relayé sur la page Facebook de la mosquée – qui compte, précise l’ordonnance – 98 787 abonnés, la vidéo du père d’une collégienne de Conflans-Sainte-Honorine critiquant violemment Samuel Paty. Si M. D. a exprimé ses regrets, le tribunal estime qu’il a fait preuve d’une « négligence incompréhensible, alors que sa position et ses fonctions auraient dû le conduire à plus de retenue ». Le tribunal reproche au président de la mosquée non seulement de n’avoir pas vérifié les faits allégués, mais aussi d’avoir laissé « sans réaction ni désaveu » le message d’un internaute révélant l’identité du professeur et l’adresse du collège. Il a ainsi facilité, « par l’intermédiaire du réseau social de la mosquée demeuré sans contrôle, son identification par des individus potentiellement radicalisés et susceptibles de passer à l’acte, et d’ailleurs même invités à le faire par de nombreuses autres vidéos circulant alors sur les réseaux sociaux. »

Cette diffusion « s’inscrit, en outre, dans un contexte d’entrisme de la mouvance radicale au sein de la Grande mosquée de Pantin ». Les juges évoquent ainsi la personnalité d’un des imams du lieu de culte, « impliqué dans la mouvance islamiste radicale d’ Île-de-France » mais aussi le départ de plusieurs fidèles vers la zone irako-syrienne. Ils constatent par ailleurs que les autres mosquées de la ville ou celles de communes voisines sont tout à fait en mesure d’accueillir les fidèles.

« Enfin, des mesures correctrices, lorsqu’elles sont assorties de garanties suffisantes, sont de nature, comme l’a relevé le préfet de la Seine-Saint-Denis lors de l’audience de référé, susceptibles de fonder une demande d’abrogation de la mesure. » Toutefois, le juge considère que le seul fait que l’imam controversé ait annoncé à la presse « se mettre en retrait » de la mosquée n’est pas une mesure suffisante. « Dans ces conditions, la Fédération n’établit pas, à la date à laquelle le juge des référés statue, qu’elle serait en mesure d’éviter la réitération des graves dérives constatées dans un passé récent et la menace à l’ordre et la sécurité publics qui en était résultée. »

Auteur d'origine: Montecler

Alexander Vinnik aime les blockbusters américains. À plusieurs reprises, ce Russe de 41 ans, a fait référence aux films hollywoodiens dans lesquels les policiers, forcément bons, arrivent à trouver le coupable grâce à une enquête minutieuse et acharnée. « Dans ces films, les enquêteurs établissent un lien entre les preuves et les mis en cause, avec l’ADN, les photos ». Tout le contraire, dit-il du travail des policiers français et des juges d’instruction qui l’ont renvoyé devant le tribunal. 

Après une première série de questions posées mercredi soir par l’un de ses avocats, Me Frédéric Belot, ce fut au tour jeudi de son avocate grecque, Me Zoi Konstantopoulou. L’avocate, ancienne députée du parti grec Syriza et présidente du parlement grec, est une adepte de la guérilla. Elle a l’art de créer des polémiques et incidents pour tenter de faire sortir de leurs gonds le tribunal ou le procureur.

Pendant plus de deux heures, elle a interrogé son client sur la procédure… grecque, dont n’est pas saisi le tribunal. Alexander Vinnik a été interpellé en juillet 2017, alors qu’il passait en famille des vacances en Grèce, à la demande des autorités américaines. Elles considèrent que le Russe serait l’un des responsables de la plateforme de monnaie virtuelle BTC-e, « le service de change utilisé par les cybercriminels à travers le monde ». BTC-E a été fermée en 2017. Durant sa détention en Grèce avant sa remise à la France en janvier 2020, M. Vinnik a entamé trois grèves de la faim, dont la plus longue a duré quarante-cinq jours.

Deux ordinateurs, une tablette et deux téléphones ont été saisis. Les autorités américaines en ont eu copie et ont transmis aux autorités judiciaires françaises un exemplaire du disque dur d’un ordinateur et des éléments d’un des téléphones. Pour la défense, le complot est évident, comme l’organisateur, les autorités américaines. Tel ce document du ministère de la Justice américain qui souhaite que ni M. Vinnik, ni sa défense ne prennent connaissance de documents.

S’ensuit une longue lecture de documents provenant de la procédure grecque que la défense a obtenue il y a peu. Ni le tribunal, le parquet ou les parties civiles n’en ont eu connaissance – ce qui évidement créé des tensions. Ces lectures se terminent par « Le saviez-vous ?» ou « Aviez-vous eu connaissance de ce document ? » Et, invariablement, la réponse est non. Parfois oui. Sans doute la variante judiciaire du jeu du Ni oui Ni non.

À la présidente qui s’inquiète de ne pas entendre de questions sur la procédure française, l’avocate répond par atteinte aux droits de la défense. Lorsqu’elle aborde enfin la procédure qui vaut à son client d’être renvoyé devant le tribunal, celui-ci affirme ne rien avoir avec le virus Locky.

En France, ce virus a fait près de deux cents victimes et un peu plus de 5 000 dans le monde. Pour récupérer les données que cryptées par le virus, les personnes devaient verser une rançon en bitcoin, l’équivalent de 3 000 €).

À la présidente qui trouve curieux que le prévenu travaille sur une plateforme d’échange de bitcoin alors que le, ou les, auteur(s) des attaques Locky exigent des rançons en bitcoin, Alexander Vinnik a une réponse simple : « Si j’avais vu que la plateforme servait à blanchir des fonds, je me serais adressé à la police ».

C’est à se demander si Alexander Vinnik n’aimerait pas interpréter son propre rôle au cinéma. Mais pas dans un film hollywoodien. Car les autorités judiciaires américaines veulent le juger, entre autres, pour blanchiment d’avoir criminels. Il risque outre-Atlantique une très longue peine de prison. 

Auteur d'origine: babonneau
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Présenté en Conseil des ministres le 21 octobre, le projet de loi dote le gouvernement, pour la seconde fois cette année, d’outils extraordinaires pour freiner la progression de l’épidémie de coronavirus.

Deux en un

Ce texte permet de prolonger l’état d’urgence sanitaire, déclaré par décret sur l’ensemble du territoire national depuis le 17 octobre 2020, au-delà du délai d’un mois autorisé par la loi (CSP, art. L. 3131-13 ; v., AJDA 2020. 1938 ), et d’intégrer les dispositions du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, dont l’examen au Parlement a été interrompu (v., AJDA 2020. 1686 ).

Le gouvernement veut proroger jusqu’au 16 février 2021, soit pour une durée de trois mois, l’état d’urgence sanitaire. Comme le prévoit...

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Auteur d'origine: pastor

Le dispositif de responsabilité élargie des producteurs (REP) mis en place en France pour la gestion des déchets issus de produits textiles, du linge de maison et des chaussures (TLC) institue-t-il un régime d’aides d’État aux termes de l’article 107, § 1, du TFUE ?  La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ne répond pas fermement par la négative. Tout dépend du contrôle public. À charge pour la juridiction nationale d’examiner ce point.

La REP est destinée à mettre en œuvre l’économie circulaire au sein de la filière des déchets afin que les producteurs assument la responsabilité de la gestion des produits une fois devenus déchets. En France,...

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par Emmanuelle Maupinle 22 octobre 2020

CE 19 oct. 2020, CNCCFP, req. n° 437711

La commission des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté les comptes de campagne du candidat tête de la liste « Calédonie ensemble » lors de l’élection qui s’est déroulé dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie en raison de sommes indûment déduites par le candidat.

Le Conseil d’État valide la décision de réintégrer ces sommes dans le compte de campagne. En effet, « les frais d’impression et d’affranchissement engagés pour informer les électeurs, notamment sur le...

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Auteur d'origine: emaupin

La première proposition de loi de janvier ne reprenait que les dispositions les plus consensuelles du rapport Thourot-Fauvergue (Dalloz actualité, 27 janv. 2020, art. P. Januel). Cette nouvelle version a dorénavant Jean-Michel Fauvergue, l’ancien patron du RAID, comme premier signataire.

La première partie vise à revoir le statut des policiers municipaux, dont les limites ont été mises en lumière par un rapport de la Cour des comptes publié hier. Mais deux articles ont été rajoutés : l’article premier lance une expérimentation dans certaines grandes villes, pour que les policiers municipaux aient des pouvoirs étendus (immobilisation de véhicule, saisie d’objet) et puissent faire des constats, avec relevé d’identité, de plusieurs délits (usage de stupéfiants, conduite sans permis, tag, introduction dans un bâtiment communal…). Autre rajout : l’article 4 qui crée un statut particulier d’une police municipale à Paris.

Les ajouts de la Place Beauveau

L’encadrement légal des drones, rendu nécessaire par une ordonnance du Conseil d’État (Dalloz actualité, 22 mai 2020, obs. C. Crichton) est prévu par l’article 22. Les drones pourront être utilisés pour notamment constater des infractions, surveiller les littoraux et les frontières ou réguler des flux de transport.

L’article 24 crée un nouveau délit de presse pour punir d’un an de prison, la diffusion « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, [de] l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». L’objectif est le floutage intégral des vidéos d’interventions policières, la simple diffusion du matricule d’un policier devenant un délit.

L’article 21 modifie le statut des caméras-piétons : les images pourront être transmises en direct au poste de commandement, les personnels accéder directement à leurs enregistrements et les images utilisées pour « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Un moyen de s’imposer dans la guerre des images, sans même avoir à flouter les identités des contrevenants ou des manifestants.

L’article 23 vise à interdire les crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées à de la prison pour des crimes, agressions (même sans ITT) ou menace à l’encontre d’un élu, policier, gendarme ou pompier. Une telle disposition n’existait jusqu’ici qu’en matière de terrorisme et a eu comme effet de limiter le suivi post-incarcération.

L’article 20 permet aux agents des CSU d’exploiter les images de vidéosurveillance. L’article 26 clarifie l’usage des armes par les militaires de l’opération Sentinelle. L’article 29 assouplie les contrôles d’alcoolémie routière par des agents adjoints. L’article 30 pénalisera la vente ou la possession des feux d’artifice dans des conditions non réglementaires.

Le texte, déposé avant l’attentat de Conflans, sera discuté mi-novembre et devrait accueillir des amendements gouvernementaux. Le site NextInpact évoque une expérimentation de la reconnaissance faciale. Hier, Jean Castex a évoqué un « délit de mise en danger par la publication de données personnelles » adapté aux réseaux sociaux, qui pourrait aussi intégrer le futur projet de loi séparatisme. Le concours Lépine sécuritaire est ouvert.

Auteur d'origine: babonneau

Entre les avocats de M. Vinnik et le tribunal, les incidents n’ont cessé depuis l’ouverture des débats. Mercredi, à peine l’audience avait-elle commencé qu’elle a explosé en vol au sujet de l’audition d’un témoin cité par la défense.

M. David Naccache est enseignant à l’École normale supérieure (ENS) et spécialiste en cryptologie et sécurité informatique. Cela fait déjà deux jours qu’il patiente dans le couloir de la salle d’audience, son sac à dos sur l’épaule. La défense l’a fait cité comme témoin mais souhaite l’entendre comme expert. Ce à quoi s’oppose le tribunal. La citation n’est pas la même. Le témoin sera juste interrogé sur ce à quoi il a assisté.

Lors de l’instruction, M. Naccache a été sollicité par la défense pour assister à un bris de scellés, et la copie de données informatiques provenant des autorités américaines. Les juges d’instruction s’y sont opposés. Il sait juste que le disque dur, objet d’une copie, est tombé en panne à l’issue de cette opération technique. Ce qui signifie qu’on ne dispose plus des données originelles. « On ne peut plus comparer la copie à la source », explique le témoin.

Lorsque la défense souhaite entendre son témoin comme expert sur cette perte de données, ce que refuse le tribunal et le parquet, et plus largement sur les monnaies virtuelles, l’incident est inévitable. Le ton monte, l’audience est suspendue avec appel au bâtonnier pour régler le litige. Elle le sera pendant plus de trois heures. Entre-temps, un procureur adjoint viendra épauler le représentant du ministère public à l’audience et le procureur de Paris, Rémy Heitz, passera une tête.

À 17 heures, l’audience reprend. Le tribunal estime que le témoin, cité comme témoin, a été entendu comme témoin sur les faits pour lesquels il a été cité et ne sera pas entendu comme expert. Point à la ligne. « Inadmissible », hurle Me Zoi Kostantopoulou. Pallas Athéna, la déesse de la guerre, ferait pâle figure au côté de l’avocate grecque. Elle marque l’audience de sa présence. Et de sa voix. Qui n’a rien à voir avec celle de Melpomène, la muse du chant. Florilège : « Vous cherchez à nous priver d’un droit fondamental » ; « On est là pour défendre, pas pour plaire au tribunal » ; « Vous tentez d’empêcher un témoin d’apporter des éléments sur des questions techniques qui portent sur le fond du dossier ».

Chaque phrase donne lieu à incident entre le tribunal, ou le parquet, et la défense. Qui donne lieu à des sous-incidents, qui eux-mêmes donnent lieu à de nouveaux incidents.

Au milieu de cet océan d’incidents, le tribunal a entendu une avocate, victime du rançongiciel. Enfin un peu d’humanité dans un flux de wallet, blockchain, bitcoin, etc. Son histoire, c’est un peu celle d’une descente aux enfers. En cliquant le 26 octobre 2016 sur un mail anodin, Michèle Fourtanier, spécialiste en droit corporel, a « perdu des années de travail ». À ces problèmes techniques se sont ajoutées des difficultés personnelles et financières. Au point qu’elle a dû vendre son appartement.

Pudique, cette petite femme de 68 ans explique au tribunal que cette affaire lui a aussi coûté la santé. Quatre ans plus tard, elle commence enfin à voir le bout du tunnel. « Si j’avais su dans quelle galère j’allais me retrouver, peut-être, peut-être que j’aurais payé », souffle-t-elle à la barre.

« Je compatis sincèrement. Je suis désolé, mais ce n’est pas moi », lui répond, toujours par le truchement de l’interprète, Alexander Vinnik. « Je le remercie de sa compassion », renvoie l’avocate avant de quitter la salle.

En fin de journée, le tribunal a interrogé une nouvelle fois le prévenu qui, une nouvelle fois, s’est dit étranger aux accusations dont il fait l’objet. L’ordinateur et le téléphone portables saisis en Grèce où il passait des vacances en famille ne lui appartiennent pas. Même si, dans l’ordinateur, une copie de son passeport a été retrouvée.

Quant aux éléments du dossier qui le relient à cette extorsion, adresses mail liées aux comptes bitcoins qui ont reçu les rançons, la blockchain, le livre comptable du bitcoin, tout ceci ne serait qu’une mauvaise enquête, voire un montage.

« Ce que vous appelez des preuves, ce sont des affirmations faites par les enquêteurs qui ont effectué travail négligent », lance-t-il à la procureur. À l’entendre, il ne serait qu’une victime collatérale du conflit entre la Russie et les États-Unis. « Je suis un Russe et les États-Unis comme l’Europe n’aiment pas la Russie. » Bref, le prévenu quitte les monnaies virtuelles pour celui de la géopolitique.

Les débats se poursuivaient dans la soirée. En raison des nombreux incidents, le procès, qui devait se terminer aujourd’hui, se poursuivra vendredi.

 

Sur le procès Alexander Vinnik, Dalloz actualité a également publié :

Rançongiciel Locky : la défense d’exaspération des avocats de l’unique prévenu, par P.-A. Souchard, le 20 octobre 2020.

Rançongiciel Locky : un cas d’école, selon un enquêteur, un travail bâclé selon le prévenu, par P.-A. Souchard, le 21 octobre 2020.

Auteur d'origine: babonneau
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Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme a sommé la France de prendre des mesures pour remédier aux conditions de détention indignes dans ses prisons (CEDH 30 janv. 2020, n° 9671/15, J.M.B. c/ France, AJDA 2020. 263 ; ibid. 1064 , note H. Avvenire ; D. 2020. 753, et les obs. , note J.-F. Renucci ; ibid. 1195, obs. J.-P. Céré, J. Falxa et M. Herzog-Evans ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; JA 2020, n° 614, p. 11, obs. T. Giraud ), la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence pour permettre au juge judiciaire de mettre fin à de telles situations (Crim. 8 juill. 2020, n° 20-81.739, AJDA 2020. 1383 ; ibid. 1383 ; D. 2020. 1774 , note J. Falxa ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; AJ fam. 2020. 498, obs. Léa Mary ; AJ pénal 2020. 404, note J. Frinchaboy ). De son côté, le Conseil constitutionnel a imposé au législateur de rendre possible un telle intervention dans le cas d’une détention provisoire (Cons. const. 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, AJDA 2020. 1881 ; D. 2020. 1894, et les obs. ; ibid. 2056, entretien J. Falxa ). On attendait la réaction du Conseil d’État, alors que la CEDH a jugé que le référé-liberté ne constituait pas un recours préventif effectif. Dans un arrêt du 19 octobre, la haute juridiction refuse de transformer l’office du juge du référé-liberté face à de telles situations, en s’appuyant explicitement sur les possibilités ouvertes par les décisions de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.

Sa réponse est d’autant plus symbolique que l’espèce dont il était saisi concernait la prison de Ducos, à Nouméa, où ont été détenues plusieurs des personnes qui ont obtenu la condamnation de la France par la Cour de Strasbourg en janvier 2020. Les limitations de l’office du juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, estime la haute juridiction, « découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en urgence. Au demeurant, il résulte des termes mêmes de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme que sa saisine a permis la mise en œuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, mais que la cessation de conditions de détention contraires aux exigences de l’article 3 de la convention est subordonnée à l’adoption de mesures structurelles à même de répondre à la vétusté et à la surpopulation du parc carcéral français. » Il n’appartient donc «...

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Auteur d'origine: Montecler

Dès lors qu’une administration a conclu une convention avec Pôle emploi pour assurer la gestion des allocations pour perte d’emploi dues à ses anciens agents, ceux-ci peuvent s’adresser à l’institution de gestion de l’assurance chômage, même pour les périodes antérieures à cette convention. Telle est la conclusion pratique que les intéressés peuvent tirer d’un arrêt du Conseil d’État du 14 octobre.

M. C. a été employé à plusieurs reprises par la direction générale de la concurrence de la consommation et de...

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Le décret n° 2020-1261 du 15 octobre 2020 relatif aux avances dans les marchés publics vient pérenniser certaines mesures figurant dans l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 (v. AJDA 2020.704). Ainsi, l’article R. 2191-8 du code de la commande publique (CCP) est complètement réécrit. Le plafonnement de l’avance à 60 % du montant du marché est supprimé, ainsi que l’obligation de constituer une garantie à première demande pour bénéficier d’une avance d’un montant supérieur à...

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Auteur d'origine: emaupin

Le ton a été vite donné. Alexander Vinnik, remis à la France le 23 janvier 2020 par la Grèce, est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour quatorze chefs de prévention. Avec un certain nombre de victimes pour chacune d’entre elles. Cela va de la tentative d’extorsion à l’extorsion via le rançongiciel Locky au blanchiment en bande organisée, en passant par l’accès frauduleux dans un système de traitement de données.

Près de deux cents victimes ont été recensées par les enquêteurs. De simples particuliers, des professions libérales, dont des avocats, des établissements publics, une banque, des sociétés de diverses tailles.

Deux des trois avocates de M. Vinnik, Mes Ariane Zimra et Zoi Konstantopoulou, ont souhaité que la présidente lise le nom des victimes pour chaque infraction. Une demande dont s’est désolidarisé le troisième avocat, Me Frédéric Belot. Ambiance.

Une lecture fastidieuse et répétitive à laquelle elle s’est prêtée pendant près d’une demi-heure. Dans le box, le prévenu, cheveux ras et veste de survêtement noire, masque chirurgical sur le visage, écoute l’interprète.

Une fois achevée cette lecture, les deux avocates ont plaidé la nullité de l’ordonnance de renvoi, avant de demander le renvoi du dossier, leur client n’ayant pas eu accès aux scellés originaux saisis lors de son interpellation en Grèce mais à des copies de copies, via les autorités américaines qui souhaitaient le juger. Manœuvre dilatoire, selon le parquet.

Une dernière demande pas tout à fait dans les règles de procédures remarque la présidente. Réponse de Me Konstantopoulou : « Je suis désolée, Madame la Présidente. Je ne suis pas avocate au barreau de Paris. Je n’ai peut-être pas respecté la procédure. Mais je vais le faire ». Ambiance toujours.

Après délibérations, les incidents sont joints au fond et l’audience peut enfin débuter. Il est 16h45. Selon l’accusation, Alexander Vinnik serait l’un des organisateurs et bénéficiaires du rançongiciel Locky. Ce malware, glissé dans la pièce jointe d’un mail, crypte toutes données de l’utilisateur qui le reçoit.

Pour les récupérer, celui-ci doit payer une rançon en bitcoin, une cryptomonnaie. Selon les enquêteurs, une partie de ces fonds ont ensuite été redirigés vers une plateforme Btc-e.com. Dans une opacité et un anonymat totaux. Et, derrière cette plateforme, toujours selon les enquêteurs, Alexander Vinnik. Sur les 183 victimes françaises identifiées, 20 ont payé.

Selon l’accusation, l’enquête aurait permis d’établir qu’Alexander Vinnik aurait reçu 76 % des rançons payées par l’ensemble des victimes de ce rançongiciel, doit un plus de huit millions de dollars.

« Je n’ai rien à voir avec tout ça », répond-il à la première question de la présidente qui lui demande s’il reconnaît ou conteste les faits qui lui sont reprochés. « J’ai été remis à la France comme un trophée militaire », affirme le prévenu, certain d’avoir été extradé « sans raison légitime et sans motif valable ».

Problème d’interprétariat ou problème de compréhension, les réponses de M. Vinnik sont évasives. Autodidacte de l’informatique, il n’est en rien le concepteur du rançongiciel. Il ne sait pas programmer. Il a fait en free-lance du « web-design » et du « trading d’actions, de monnaie, d’obligations ». Rien à voir, à l’entendre, avec le profil d’un cyberdélinquant.

La présidente, qui ne souhaite pas voir son nom cité, pose des questions sériées et précises. Alexander Vinnik reconnaît avoir travaillé comme opérateur sur la plateforme Btc-e.com.

La présidente : « Ça consiste en quoi ? »

Alexander Vinnik : « En général, c’est le traitement des ordres des clients de la plateforme ». Il s’occupait des entrées et sorties de fond au sein de la plateforme. Une petite main qui recevait des ordres d’un administrateur. Il « nous donnait des ordres internes dans le cadre de la plateforme ».

La présidente : « Qui était-il ? »

Alexander Vinnik : « Je ne savais pas combien d’administrateurs il y avait et je ne connaissais pas son nom. On l’appelait administrateur. »

La présidente : « Comment avez-vous été embauché ? »

Alexander Vinnik : « J’ai vu une annonce sur internet. »

À l’une des questions de Me Belot, le prévenu affirme qu’il est contre les cyberattaques et se dit désolé pour les victimes. Une nouvelle fois interrogé sur le rôle de l’administrateur, Alexander Vinnik, par le truchement de l’interprète, parle cette fois-ci de l’administration. Avant de se reprendre et d’employer à nouveau le terme d’administrateur. Lapsus ou mauvaise compréhension ?

Reprise des débats aujourd’hui à 13h30.

Auteur d'origine: babonneau

L’article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est contraire à la Constitution en ce qu’il n’autorise un fonctionnaire à se faire assister, au cours de la négociation d’une rupture conventionnelle, que par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative.

Le Conseil d’État avait renvoyé au Conseil constitutionnel une question...

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Auteur d'origine: Montecler

Le premier alinéa du paragraphe II de l’article 250 de la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019 est inconstitutionnel. Il mettait en place un dispositif pérenne de prélèvement minorant la dotation d’intercommunalité qui, selon le Conseil constitutionnel, méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques.

Jusqu’en 2018, la dotation d’intercommunalité de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) était minorée en fonction de ses recettes réelles de fonctionnement de...

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Auteur d'origine: pastor

La société A. s’était vue exproprié, au profit d’une société d’aménagement, une parcelle dont elle était propriétaire. La déclaration d’utilité publique était intervenue en juillet 2011 et l’ordonnance d’expropriation le 2 mars 2015.
Toutefois, cette dernière n’a été notifiée à la société expropriée qu’en mars 2019, soit quatre ans après son prononcé, et donc huit ans après la déclaration d’utilité publique.

Contestant, devant la Cour de cassation, l’ordonnance prononçant le transfert de propriété et l’envoi en possession au profit de la société d’aménagement, la société expropriée souhaitait voir la procédure annulée dans son ensemble, estimant qu’un délai déraisonnable s’était écoulé depuis le prononcé de l’ordonnance d’expropriation, faisant perdre à celle-ci sa base légale. En effet, comme le faisait valoir la société requérante, il ne peut être portée une telle atteinte au droit de...

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Auteur d'origine: Thill

Dans le cadre de l’exploitation d’un fonds de commerce, des travaux d’extension d’un local commercial avaient été réalisés en infraction aux règles d’urbanisme. Le tribunal correctionnel avait condamné le 17 février 2004 le propriétaire du fonds de commerce à une amende et à remettre les lieux en l’état, sous astreinte.

Le 26 août 2005, le propriétaire du local commercial a cédé son fonds de commerce à la société Scamille et l’acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l’acquéreur s’engageait à garantir le vendeur de l’exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.

Mis en demeure par l’administration de payer la somme de 20 880 € au titre de la liquidation de l’astreinte, l’ancien propriétaire du local commercial a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l’acquéreur à remettre les lieux en l’état.

Ayant été condamnée en première instance à payer cette somme à l’ancien propriétaire du fonds de commerce et à la remise en état des lieux, la société Scamille a interjeté appel.

N’ayant pas été entendue, la société Scamille s’est pourvue devant la Cour de cassation, qui a rejeté l’ensemble de ses pourvois.

Confirmation de la jurisprudence : les mesures de démolition peuvent faire l’objet de garanties contractuelles

Aux termes de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, en cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction aux...

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Auteur d'origine: Rouquet
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Une professeure certifiée d’histoire-géographie a fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle, à la suite de plusieurs rapports d’inspection qui ont mis en lumière diverses inaptitudes de la fonctionnaire à exercer normalement les fonctions pour lesquelles elle a été engagée, notamment des faiblesses d’ordre scientifique et pédagogique.

Après un premier rejet du gracieux présenté devant le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle saisit le tribunal administratif de Polynésie française afin de contester la légalité de la décision de licenciement. Le contentieux est porté devant la cour administrative d’appel de Paris, à la suite d’un jugement de rejet de sa demande, puis devant le Conseil d’État. Dans le cadre de son pourvoi, la requérante reprochait à la cour administrative d’appel, notamment, d’avoir commis une erreur de droit en estimant que l’absence de communication du rapport de saisine du conseil de discipline ne portait pas atteinte aux droits de la défense et, conséquemment, à la régularité de la procédure suivie par l’administration.
 

Droits de la défense et licenciement pour insuffisance professionnelle

Conformément à l’article 70 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, un fonctionnaire d’État peut être licencié pour insuffisance professionnelle sur la base d’éléments démontrant son inaptitude professionnelle à exercer normalement ses fonctions, tels que par exemple son inaptitude à accomplir les missions normalement dévolues ou la faiblesse de son activité (CE 28 nov. 1990, n° 78450, mentionné aux tables ; 17 mars 2004, n° 205436, mentionné aux tables ; AJDA 2004. 1495 ; 12 févr. 2014, n° 352878, mentionné aux tables, Lebon ; AJDA 2014. 383 ). Une telle mesure peut légalement se fonder sur une évaluation de la manière de servir de l’agent, réalisée durant une période suffisamment longue, et qui révélerait l’inaptitude professionnelle à exercer ses fonctions (CE 19 mars 2001, n° 807917, inédit ; 1er juin 2016, n° 392621, mentionné aux tables, ; AJDA 2016. 1155 ; AJFP 2017. 114, et les obs. ).

Bien que ne revêtant pas le caractère d’une sanction disciplinaire, le licenciement pour insuffisance professionnelle doit néanmoins être précédé de la procédure observée en matière disciplinaire. Il en découle que l’administration est tenue d’observer, d’une part, le principe général des droits de la défense,...

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Auteur d'origine: pastor

La réglementation de l’Union européenne en matière de droit de la concurrence, qui vise à protéger la libre concurrence, est particulièrement stricte en ce qu’elle interdit certaines pratiques, dont l’entente (ou cartel), qui consiste en des accords entre plusieurs entreprises dans le but de fausser, restreindre ou complètement empêcher le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.

Pour avoir entrepris des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des produits à base de carbone pour applications mécaniques et électriques entre 1988 et 1999, plusieurs sociétés membres d’un cartel avaient été sanctionnées d’amendes par la Commission européenne en 2003 (déc. n° 2004/420/CE, 3 déc. 2003). La fixation de façon directe ou indirecte des prix de vente et d’autres conditions de transaction applicables aux clients, la répartition les marchés par l’attribution de clients, les actions coordonnées de restrictions quantitatives, les hausses des prix et les boycottages à l’encontre des concurrents non membres du cartel sont autant d’infractions au paragraphe 1er de l’article 81 du Traité instituant la Communauté européenne, repris dans les traités actuels.

Parallèlement à cette condamnation, la SNCF qui s’est estimée lésée en raison du surcoût supporté sur ses achats de balais et de bandes d’usure en carbone et en graphite imputable aux pratiques anticoncurrentielles du cartel, a introduit un recours en réparation du préjudice subi devant le tribunal administratif de Paris.

Alors que le tribunal administratif a considéré que le préjudice n’était pas établi (TA Paris, 1er avr. 2014, nos 1308641 et 1301400), la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement et ordonné une expertises aux fins d’évaluation du préjudice de la SNCF (CAA Paris, 13 juin 2019, n° 14PA02419).

En cassation, le Conseil d’État rappelle la compétence de la juridiction administrative pour les recours en réparation d’un préjudice subi par la personne publique victime de pratiques anticoncurrentielles et revient notamment sur les règles relatives à la prescription.
 

Recours en responsabilité quasi-délictuelle et condamnation in solidum du cartel

Le Conseil d’État le rappelle sans détour : « lorsqu’une personne publique est victime, à l’occasion de la passation d’un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l’entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l’implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire ».

Cette décision s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle du Conseil d’État en...

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Auteur d'origine: pastor
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Une pratique mystérieuse

En 2018, dans son rapport annuel, la Cour des comptes s’était penchée sur les « règlements d’ensemble ». Elle contestait « une pratique dépourvue de base légale », instituée par une simple note de la direction générale des impôts du 20 juin 2004. Cette note indiquait que « dans certaines situations, les services peuvent être conduits à conclure avec l’usager un accord global qui inclut une atténuation des droits. Cet accord ne constitue pas une transaction au sens de l’article L. 247 du LPF mais un règlement d’ensemble du dossier ». Contrairement aux transactions fiscales, qui ne prévoient des atténuations que sur les pénalités, les règlements d’ensemble permettent de moduler le montant même de l’impôt dû.

En pratique, le règlement d’ensemble est privilégié dans des cas complexes, quand l’administration n’est pas sûre d’elle. Mais la Cour critiquait l’absence de « fondement juridique clairement identifié » et même du moindre encadrement : le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes n’est pas informé de ces règlements et Bercy ne procédait à aucun recensement exhaustif. Seuls quelques règlements ont été évoqués par la presse : Amazon en 2018, L’Oréal et surtout Google en 2019.

À la suite de l’alerte de la Cour des comptes, les parlementaires se sont emparés du problème. La députée socialiste Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, avait été interpellée par l’opacité de la procédure. Mi-2019, elle avait donc demandé des comptes à l’administration fiscale, qui lui avait répondu que faute de centralisation, il n’était pas « possible de communiquer des données chiffrées sur les règlements d’ensemble réalisés depuis 2011. » Fin 2019, Christine Pires Beaune a donc fait adopter un amendement pour exiger plus de transparence, via un rapport annuel.

Bercy a renoncé à 1,6 milliard d’impôts et pénalités

Nous nous sommes procurés ce rapport et ses annexes, qui traitent de l’ensemble des « Remises et transactions à titre gracieux et règlements d’ensemble en matière fiscale pour l’année 2019 ». Plusieurs éléments sont surprenants. D’abord, la DGFIP n’indique pas le cadre juridique applicable aux règlements d’ensemble, contrairement à ce qu’elle fait pour les autres procédures. Ensuite, elle n’a pu fournir la totalité des règlements d’ensemble après mise en recouvrement, n’en donnant que les principaux.

Au total, au moins 116 règlements d’ensemble ont été conclus l’an dernier dans des cas de fraude. 80 concernent des personnes morales, 36 des personnes physiques. Mais 94 % des montants concernent les personnes morales. Les sommes en jeu dépassent les 3 milliards : les contentieux portaient sur 2,4 milliards d’impôts éludés et 770 millions d’euros de pénalités.

Au final, le fisc a accordé 1,6 milliard d’euros de modérations : 514 millions sur les pénalités et surtout 1,12 milliard sur les droits. Un montant bien plus important que les chiffres qui avaient été fournis comme exemple à la Cour des comptes (qui n’évoquait que 29 millions d’euros de réduction pour 200 millions en contentieux). Pour les entreprises, le montant médian remis est de 708 700 €.

Selon le rapport, le règlement d’ensemble le plus important l’an dernier était de 523 millions d’euros. Il semble qu’il s’agisse du règlement conclu en marge de la CJIP Google. Dans cette affaire, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Paris avait donné raison à l’entreprise. Mais pour solder l’affaire sur le plan pénal, Google avait décidé de transiger avec la justice (la CJIP) et l’administration (le règlement d’ensemble).

Les résultats décevants du contrôle fiscal

Dans la lignée de la loi Essoc, l’administration fiscale souhaite encourager les transactions et les règlements d’ensemble. Dans une note du 12 juillet 2019, révélée par Mediapart, le directeur général des finances publiques encourage cette pratique en cas d’incertitude juridique.

L’objectif est d’obtenir de l’argent à un moment où les résultats du contrôle sont décevants. En juin dernier, Gérald Darmanin s’était félicité des bons chiffres de l’argent récolté grâce au contrôle fiscal. Un rapport du Sénat était plus mesuré : si les encaissements ont augmenté en 2019, le montant des droits et pénalités notifiés diminuent de manière inquiétante.

 

 

Auteur d'origine: babonneau


Saisi par la société Vert Marine d’une requête tendant à l’annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande d’abrogation des articles 19 et 23 du décret de 2016, le Conseil d’État avait sursis à statuer et interrogé la Cour de justice de l’Union européenne.

« Il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne [par l’arrêt C-472/19 du 11 juin 2020] que, pour ne pas méconnaître les objectifs de la directive du 26 février 2014, le droit français doit prévoir la possibilité pour un opérateur économique, lorsqu’il est condamné par un jugement définitif prononcé par une juridiction judiciaire pour une des infractions...

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Auteur d'origine: pastor

Un couvre-feu de 21h à 6h du matin appliqué à la région Île-de-France et à huit métropoles (Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Saint-Étienne et Toulouse), telle est la nouvelle mesure qui lance l’acte II de l’état d’urgence sanitaire. Déclaré non par une loi mais par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire sera appliqué à compter du 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire. Le gouvernement est en mesure de le décider pour quatre semaines mais au-delà sa prorogation ne...

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Auteur d'origine: pastor

Elles ont commencé à être distribuées à la mi-septembre. Près de 600 caméras-piétons sont en cours de déploiement chez les surveillants de l’administration pénitentiaire. Le nouvel équipement, distribué d’ici la fin de l’année pour cette expérimentation de deux ans, doit permettre de mieux protéger les personnels – en 2018 plus de 20 000 actes de violence physique ont été recensés, selon le bilan social du ministère. « La majorité des syndicats sont favorables à cet équipement, cela va permettre de clarifier des situations qui pourrissent la profession et de travailler dans la transparence », salue Sébastien Nicolas, secrétaire général FO Direction. Mais les nouvelles caméras-piétons vont également reposer la question de l’accès aux images. Un exercice actuellement, pour la vidéosurveillance, « extrêmement difficile », selon l’Observatoire international des prisons (OIP).

La section française de cette association pointe en effet plusieurs écueils dans la consultation de ces images dans des affaires disciplinaires, une possibilité encadrée depuis un décret du 24 octobre 2016. Ce dernier mentionne explicitement la possibilité d’un accès aux « données de vidéoprotection, à condition que celles-ci n’aient pas été effacées », et « sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ». « On nous explique bien souvent que l’accès n’est pas possible pour la sécurité des établissements », regrette justement Me Sylvain Gauché, membre de l’OIP. « Cela dépend des établissements pénitentiaires et de la bonne foi des directeurs », abonde Me Mélissandre Gaudin. L’accès aux films est pourtant crucial. Les images sont souvent le seul moyen d’échapper au « parole contre parole » dans les affaires disciplinaires ou judiciaires. « En prison, personne ne souhaite témoigner, et l’accès au service médical pour faire constater des blessures est difficile », rappelle Me Mélissandre Gaudin.

L’association s’est ainsi émue dans deux communiqués publiés cette année des conditions d’accès aux images dans la prison d’Aix-Luynes.

L’administration avait fait savoir au tribunal administratif de Marseille, saisi pour un recours, « que les enregistrements n’étant conservés que trois jours, ils avaient été supprimés », regrettait l’OIP.

L’association demande une extraction systématique des images en cas d’incident et l’instauration d’un délai de conservation minimum d’au moins six mois – actuellement, sauf transmission à l’autorité judiciaire ou enquête administrative, les images sont conservées au maximum un mois. Une durée trop courte pour le Défenseur des droits, qui avait demandé en 2017 que les données en lien avec des faits ayant débouché sur la rédaction d’un compte rendu d’incident « soient systématiquement conservées pendant une durée de six mois ».

« C’est un élément probant »

Mais ce tableau noir de l’accès aux images est démenti par Sébastien Nicolas. « En matière disciplinaire, il y a différentes pratiques des chefs d’établissement, nuance ce cadre de l’administration pénitentiaire. Des collègues visionnent les images avec l’avocat et la personne détenue, d’autres refusent, craignant que cela ne dévoile le champ de la caméra, et enfin des collègues qui vont examiner la vidéo avec l’avocat, sans le détenu, pour préserver ce secret sur les capacités de surveillance. » Et de préciser que la très grande majorité des chefs d’établissements, « s’ils ont une vidéo sous la main, vont la diffuser en commission de discipline. C’est un élément probant assez important ». La gestion de la conservation des images peut enfin être compliquée par le matériel utilisé, explique-t-il. Des établissements sont encore équipés de caméras analogiques, avec des bandes, « automatiquement écrasées », contrairement au numérique, signale Nicolas Sébastien. Le Défenseur des droits remarquait lui-même des capacités limitées « de stockage des données » dans certains cas.

Les images des nouvelles caméras-piétons devront, elles, être conservées jusqu’à six mois après leur enregistrement. « Est-ce que les nouvelles caméras-piétons vont fondamentalement changer quelque chose ? J’imagine que le problème sera le même », souligne l’avocat Sylvain Gauché. Mais elles constitueront bien cependant de nouvelles sources d’images supplémentaires, « notamment pour des endroits qui ne sont pas couverts par la vidéosurveillance, comme les cellules ». Exemple avec cette relaxe obtenue par Me Audrey Noailly devant le tribunal judiciaire de Rochefort. Son client, un détenu, était poursuivi pour outrage par le directeur de la maison d’arrêt de cette ville. Présenté en comparution immédiate, le détenu, déjà sanctionné de douze jours de quartier disciplinaire – un recours est prévu –, demandera un délai pour préparer sa défense en s’appuyant sur les images disponibles. « Il a fallu demander plusieurs fois au parquet l’accès à cette vidéo », relève Me Noailly. Une ténacité qui a payé. Le visionnage des images, avec le son, d’une caméra-piéton d’un des agents de l’équipe régionale d’intervention et de sécurité, déjà équipés de cet équipement, n’a pas permis de caractériser l’outrage.

Auteur d'origine: babonneau

La première affaire (n° 431618) concerne le point de départ du délai pour saisir le juge administratif en l’absence de proposition de logement. Selon le Conseil d’État, il résulte du II de l’article L. 441-2-3-1 et de l’article R. 441-18 du code de la construction et de l’habitation (CCH) ainsi que de l’article R. 778-2 du code de justice administrative, « que, lorsqu’une commission de médiation reconnaît à un demandeur, sur le fondement des dispositions du III ou du IV de l’article L. 441-2-3 du CCH, une priorité d’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, sans spécifier que l’accueil ne peut être proposé que dans...

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Auteur d'origine: emaupin

L’arrêté du 27 septembre 2020 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône instaurait notamment une « zone d’alerte maximale » sur les communes de Marseille et Aix-en-Provence et prescrivant une série de mesures de police administrative en vue de prévenir les risques de propagation des infections, la mesure de fermeture des bars et restaurants étant l’une d’elles. Cet arrêté se justifiait selon le préfet notamment par le passage du département en « zone de circulation active du virus » depuis le 13 août 2020, « l’augmentation significative » des taux d’incidence et de positivité à la covid-19 dans le département et par les indicateurs de l’activité épidémique du 25 septembre montrant une situation fortement dégradée dans la Métropole d’Aix-Marseille.

À noter que, si les éléments d’analyse du préfet concernent le département et l’aire métropolitaine, seules les communes de Marseille et d’Aix-en-Provence ont été in fine concernées ; le préfet justifiant ce sort particulier par la nécessité « de distinguer la situation des communes en fonction notamment de la situation sanitaire et notamment du taux d’incidence qui y est constaté ». On verra que l’essentiel du débat a porté sur la question des chiffres.

Une originalité a pesé dans la décision prise, qui d’ailleurs y fait référence : l’arrêté, limité à quinze jours on le rappelle, a prévu aussi une « clause de revoyure » dans un délai de huit jours. L’existence de cette clause a pesé aussi dans la décision rendue. Si l’autorité de police administrative s’était efforcée de tenir compte des apports de la jurisprudence covid-19 dans la rédaction de l’arrêté, les mesures prises sont-elles pour autant justifiées en droit et en fait ? C’est l’intérêt de l’ordonnance rendue qui a refusé de suspendre l’arrêté.

Une décision sans vraie surprise

Si l’une des parties a évoqué les nouveaux (?) principes relatifs à une mesure de police administrative (CE 6 sept. 2020, n° 443751, Ministre des solidarités et de la santé, Dalloz actualité, 8 sept. 2020, obs. M.-C. de Montecler), l’ordonnance ne répond pas à ce moyen (« La mesure n’est pas adaptée au terrain ce qui lui fait perdre sa lisibilité ») qui à la lecture de l’arrêté semblait quand même difficile à mobiliser.

La jurisprudence covid-19 en matière de police administrative, par son abondance, ses enseignements, voire ses innovations a donné lieu à commentaires et essais de synthèse (v. not. O. Renaudie, La police administrative aux temps du coronavirus, AJDA, 2020.1704 ). L’ordonnance rendue le 30 septembre s’inscrit dans ce sillage juridictionnel. On ne saurait être étonné que la question de l’urgence ne soit pas évoquée dans l’ordonnance dès lors que le juge estime qu’il n’y a pas d’atteinte à une liberté fondamentale. La question de l’urgence devenant ainsi sans objet. On imagine que dans sa confection la décision n’était pas aisée, ayant dû trancher sur deux points classiques qui mettent en évidence la difficulté au cas d’espèce de l’office du juge.

L’appréciation du caractère nécessaire, proportionné et adapté de la mesure de police

C’est « le » sujet. On sait que le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie « nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi ». Le juge a été confronté à des chiffres apportés par les requérants. On imagine la complexité de s’y confronter. Comment les appréhender, comment les retenir ou au contraire les écarter ? La région Sud avait présenté des chiffres selon elle de nature à contredire l’appréciation du préfet. Le juge estime que « ces données qui concernent l’ensemble de la région Sud ne sont pas pertinentes pour apprécier la situation spécifique à Marseille et Aix-en-Provence ». La question des alternatives à l’interdiction a aussi été débattue et on renvoie au paragraphe 9 particulièrement technique et circonstancié. À noter que les autres mesures proposées comme alternative à la fermeture ont été estimées insuffisantes en l’état de la situation sanitaire.

L’appréciation de l’atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale

La batterie des libertés fondamentales a été utilement mobilisée (liberté d’entreprendre, liberté du commerce et de l’industrie, droit de propriété, liberté d’aller et venir, la région Sud ayant aussi invoqué la libre administration des collectivités territoriales, au sujet de la fermeture des salles de sport, le juge des référés rappelle que le principe d’égalité devant la loi n’est pas une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA, v. TA Nice, ord, 30 sept. 2020, n° 2003885). La gravité des atteintes aux libertés fondamentales est certes reconnue par l’ordonnance (§ 10) mais, dès lors que l’interdiction « au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi » ne revêt pas un caractère manifestement disproportionné le juge refuse de suspendre. Visant au passage la clause de revoyure qui a donc pesé.

Un sujet qui reste d’actualité ?

Les suites de l’ordonnance désamorcées par la « clause de revoyure »

Un appel contre l’ordonnance avait été immédiatement annoncé dès le délibéré et formalisé. À noter que le juge des référés marseillais a rejeté d’autres requêtes ayant le même objet (ord. 2 oct. 2020, nos 2007347 et 2007348). Le revirement de situation a depuis changé la donne : le premier ministre ayant contacté la maire de Marseille pour évaluer les mesures prises et définir des adaptations nécessaires ; dès le 1er octobre, le ministre de la santé dans sa conférence de presse n’avait pas écarté, au motif du frémissement à la baisse de la situation à Marseille, de revoir le dispositif à condition de s’accorder sur des règles validées préalablement par le Haut Conseil de la santé publique. Le lundi 5 octobre les bars et restaurants sont de nouveau autorisés à ouvrir sous réserve de respecter des contraintes sanitaires plus drastiques. L’arrêté a donc épuisé ses effets et les appelants se sont désistés. Pour autant et au-delà du référé-liberté et même si le juge ne se prononcera pas sur le fond (a priori aucun recours en annulation n’ayant été déposé) des interrogations demeurent sur la légalité de ce type d’arrêté.

Des questions qui demeurent en suspens

Quid des rapports entre police administrative et carence dans la gestion du service public ? Si on s’en tient à la lecture de l’ordonnance un sujet n’a pas été évoqué devant le juge qui semble toutefois mériter débat car il est bien au cœur du sujet sanitaire : une mesure de police administrative est-elle faite et peut-elle être édictée, fût-ce en partie, pour pallier la carence et les insuffisances du service public hospitalier ? L’arrêté vise la hausse des contaminations et un afflux massif des patients qui seraient de nature à détériorer les capacités d’accueil du système médical départemental. S’il est clair que la mesure de police vise à éviter la propagation de l’épidémie, il ne saurait donc être sérieusement discutable que l’un des buts de la mesure litigieuse est d’éviter aussi que les structures hospitalières, un des critères du passage en zone d’alerte maximale étant la part de patients covid-19 dans les services de réanimation (30 %). Si c’est donc aussi pour éviter l’apoplexie du service public hospitalier on en mesure la conséquence immédiate, la question n’est pas sans interroger.

Quid des rapports entre police administrative et carence éventuelle dans la répression des infractions ? Le préfet, pour justifier sa décision, a mis en exergue les difficultés de faire respecter dans les bars et restaurants le port du masque et les gestes barrières. Cela pose un problème de fond qui renvoie à la manière dont depuis le mois de mars a minima les agents de police nationale ou municipale ont effectivement assuré les contrôles nécessaires, à tout moment et en tout lieu, et réprimandé les infractions constatées. La mesure d’interdiction semble aussi avoir été motivée en vérité par la carence des autorités de police dans le contrôle et la répression des infractions en temps utile. Là encore, est-ce le but et le motif d’une mesure de police administrative que de répondre à une carence (si elle est avérée) de ce type ? La question reste posée.

On relèvera qu’était reprochée entre autres l’absence de l’avis de l’ARS, pourtant visé dans l’arrêté. L’ordonnance indique que l’avis était en possession du préfet au moment de sa prise de décision. On suppose que des horodatages d’actes ont permis cette précision. Il n’est pas interdit sur ce point de relever la grande performance consistant un dimanche à recevoir pour l’autorité administrative l’avis de l’ARS, l’analyser, l’intégrer à la réflexion et rédiger l’arrêté en un temps record. On aimerait que ce soit tous les jours ainsi dans l’ensemble des administrations.

Auteur d'origine: pastor

Avant de prendre le décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, la France avait communiqué le texte à la Commission européenne en rappelant l’impact majeur de ces substances sur l’environnement et le risque pour la santé humaine. La Commission avait répondu qu’elle partageait les mêmes préoccupations et pris, en mai 2018, trois règlements d’exécution interdisant l’utilisation de l’imidaclopride, de la clothianidine et du thiaméthoxame. En juillet, la France publiait son décret, qui fut attaqué par l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP). Avant de statuer, le Conseil d’État...

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Auteur d'origine: pastor

Le Conseil d’État, à la suite d’un référé précontractuel formé par un candidat évincé sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, prononce l’annulation de l’intégralité de la procédure de passation d’un des lots d’un accord-cadre portant sur la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux. Le pouvoir adjudicateur, en l’espèce, a eu recours à l’ancienne procédure concurrentielle avec négociation de l’article 42 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 pour des prestations que le Conseil d’État qualifie désormais de « connues et normalisées ».

La procédure (concurrentielle) avec négociation

La négociation, qui était jusqu’alors une modalité de passation très encadrée et essentiellement limitée aux marchés à procédure adaptée (sans compter les contrats privés et les marchés passés par les entités adjudicatrices), a vu son statut renforcé par le législateur national et par le droit de l’Union européenne. C’est ainsi que la procédure concurrentielle avec négociation fait son apparition avec l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 qui viennent transposer la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014. La procédure concurrentielle avec négociation est définie par l’ordonnance du 23 juillet 2015 comme une procédure formalisée « par laquelle un pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques ». Elle se distingue de la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables en ce qu’elle nécessite une mise en concurrence préalable avant de pouvoir négocier avec les candidats présélectionnés. Le code de la commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019, a remplacé la procédure concurrentielle avec négociation par la procédure avec négociation ; rien ne change, si ce n’est le nom.

L’article 25 du décret du 25 mars 2016 (désormais codifié CCP, art....

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Auteur d'origine: pastor