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Une loi fondatrice

Pour les députés Guillaume Larrivé (LR), Loïc Kervan et Jean-Michel Mis (LREM), la loi de 2015 est une loi fondatrice, « car elle poursuivait deux ambitions majeures : faciliter l’action opérationnelle et consolider le cadre juridique des services de renseignement, qui sont engagés dans la défense de la démocratie française et de nos concitoyens ». Dans un contexte terroriste majeur (v. Dalloz actualité, 3 sept. 2019, art. P. Januel), cette loi a été suivie par une augmentation très importante des crédits alloués aux services (+ 32 % en cinq ans).

La loi de 2015 a légalisé certaines pratiques qui existaient déjà. Ainsi, les IMSI Catchers « étai[en]t en réalité utilisée[s] depuis plus de quinze ans, sans qu’il existe un cadre juridique régissant spécifiquement [leur] utilisation ». La loi a aussi permis de surveiller l’entourage d’une cible. Contrepartie de cette légalisation, les pratiques ont été encadrées, avec un avis préalable d’une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La CNCTR a progressivement instauré un dialogue exigeant avec les services de renseignement. Si la première année, 6,9 % des demandes étaient rejetées, ce taux a chuté à 1,4 % en 2019, alors même le nombre de demandes a augmenté. Francis Delon, le président de la CNCTR, a indiqué aux députés ne pas avoir détecté de « problème majeur », en ajoutant qu’« il y a[vait] des imperfections » mais que « le cadre légal a[vait] constitué un très net progrès par rapport à auparavant ».

Autre innovation de la loi, une possibilité de recours via une chambre spécialisée du Conseil d’État. Cette chambre, habilitée secret défense, peut être saisie par toute personne afin de contrôler qu’elle n’a pas fait l’objet de surveillance illégale. Elle peut également être saisie par la CNCTR si le premier ministre ne donne pas suite à ses avis (ce qui n’est jamais arrivé), ou par une autre juridiction, via des questions préjudicielles. Le contentieux a essentiellement porté sur l’accès aux fichiers intéressant la sûreté de l’État. Toutefois, l’obligation faite au juge de ne pas révéler à un requérant qu’il est inscrit ou non dans un fichier pose de nombreux problèmes pratiques. À noter, le mécanisme de lanceur d’alerte instauré par la loi de 2015 n’a pas connu d’application.

5G, reconnaissance faciale, arrêt Tele2… De nouveaux enjeux

Le monde du renseignement fait face à de nouveaux enjeux technologiques. La 5G et son architecture décentralisée ainsi que la généralisation du cryptage vont remettre en cause l’usage des IMSI-catchers et l’identification des appareils mobiles. Pour l’instant, la mission n’appelle pas à des modifications du cadre légal.

Autre innovation : « l’usage de la reconnaissance biométrique à des fins de renseignement ». Celui-ci « n’est pas encore mûr et nécessitera des adaptations technologiques ». Toutefois, « compte tenu des risques que présente cette technologie pour les libertés publiques, la mission ne préconise aucune évolution législative en la matière, même à titre expérimental ».

Un point alerte les parlementaires : la décision Tele2 Sverige AB de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (v. Dalloz actualité, 2 janv. 2017, obs. M.-C. de Montecler). En décembre 2016, la juridiction européenne considérait qu’une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de données était contraire au droit de l’Union. Par la suite, la CJUE a été saisie de plusieurs questions préjudicielles par les juridictions françaises, dont les décisions devraient prochainement être rendues.

Pour les députés, « cette décision Tele2 Sverige AB, si elle devait être confirmée, remettrait en cause les techniques nécessitant le recueil, en temps différé, de données de connexion conservées par les opérateurs, qui font l’objet de près de 40 000 demandes par an ». Et la mission de dénoncer un « hold up jurisprudentiel » de la CJUE. Le rapport esquisse des voies pour contourner cette perspective. « Une option indirecte consisterait à faire en sorte que la conservation des données soit assurée par l’État et non plus par les opérateurs de télécommunications. » Autre piste : « faire évoluer le droit dérivé » en faisant sortir du droit de l’Union l’obligation de conservation généralisée des données et l’accès aux données conservées par les services concernés, qui relèverait du droit national. Modifier les traités ou compter sur une rébellion des juridictions nationales semblent être des perspectives plus hasardeuses.

Prolonger l’expérimentation des algorithmiques

La surveillance algorithmique était l’une des innovations les plus contestées de la loi de 2015. Pour les députés, « le soupçon initial d’une surveillance de masse des Français relève du fantasme ». Les services français ne pratiquent pas la surveillance mondiale car « ils n’en ont pas les moyens et qu’ils n’y ont pas intérêt ». Pour les députés, les trois algorithmes mis en place depuis 2015 sont des « outils de détection ciblée – et non de surveillance – en fonction de paramètres déterminés et dans un seul objectif : révéler une menace terroriste ». Les députés appellent à prolonger l’expérimentation pour cinq années supplémentaires et à intégrer les URL aux algorithmes et au champ du recueil de données de connexion en temps réel.

La surveillance algorithmique fera prochainement l’objet d’un court projet de loi afin de permettre sa prolongation. Un texte qui devrait également prolonger les mesures de la loi SILT. Sans faire de « big bang », les députés souhaitent, à moyen terme, aller plus loin et formulent treize propositions d’amendements à la loi de 2015. Pour renforcer le contrôle, la formation spécialisée du Conseil d’État pour se voir reconnaître un droit de visite. Le droit d’accès indirect aux fichiers, via la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), pourrait aussi être simplifié.

En contrepartie, la mission souhaite renforcer l’accès des services à certains fichiers (fichier national des détenus, ACCReD) et élargir les possibilités d’interconnexion de fichiers des services de renseignement (v. Dalloz actualité, 19 oct. 2018, art. P. Januel).

Enfin, la mission d’information appelle à ne pas renforcer le contrôle des échanges d’informations avec les services étrangers par la CNCTR. La CNCTR avait émis cette idée dans son rapport 2018 (v. Dalloz actualité, 30 avr. 2019, obs. G. Thierry), considérant que ces échanges étaient susceptibles de porter atteinte à la vie privée des Français, et que d’autres pays européens prévoyaient cet encadrement. La mission rejette sèchement cette proposition, qui « laisse planer des soupçons infondés sur les services » et qui entraînerait des problèmes de coopération avec les services étrangers. Les députés ne souhaitent pas que la CNCTR glisse d’une « mission de contrôle des techniques de renseignement vers un contrôle des services de renseignement ».

Auteur d'origine: Bley

Le tribunal administratif de Paris a largement annulé, le 5 juin, sur déféré du recteur d’académie, deux délibérations de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique (CFVU) de l’université Paris I qui avaient décidé de neutraliser, pour cette année universitaire, les notes inférieures à dix des étudiants pour tenir compte de la crise sanitaire.

Le tribunal a estimé qu’il résulte des dispositions de l’article L. 613-1 du code de l’éducation « que la délivrance des diplômes est obligatoirement subordonnée à un contrôle, nécessairement individuel, des connaissances et des aptitudes des élèves, avec les mêmes garanties d’égalité et d’impartialité pour chacun, ce qui exclut toute validation générale et indifférenciée ou une validation qui ne sanctionnerait pas des connaissances et des aptitudes suffisantes. »

Certes les dispositions de l’ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 « donnent une grande latitude aux établissements pour déterminer les adaptations qui peuvent être apportées aux modalités d’organisation des examens et concours eu égard à la situation particulière créée par l’état d’urgence sanitaire. » Toutefois, ces adaptations, selon le tribunal, « ne peuvent porter sur le principe fondamental du contrôle des résultats des élèves, ou méconnaître le principe d’égalité et celui de l’indépendance et de l’autorité souveraine des jurys. » En outre, la CVFU, si elle est compétente pour adopter les règles relatives aux examens, ne saurait « empiéter sur les règles communes qu’il revient au seul ministre de fixer, ni sur le pouvoir souverain des jurys ».

En décidant, « la suppression des examens de rattrapage, la validation par une note moyenne de 10 des résultats du premier et du second semestre, que les élèves aient été ou non présents, et la neutralisation de tous les stages, de façon générale et indifférenciée, la CFVU a méconnu le principe de l’obligation d’un contrôle des connaissances et des aptitudes ». En supprimant « toute notion de défaillance, pour tous les étudiants, de façon générale et absolue, sans ménager la possibilité d’une appréciation individuelle des situations, la CFVU a, en plus de méconnaître l’obligation du contrôle des connaissances et des aptitudes, méconnu le principe d’égalité. »

« Sans méconnaître les difficultés de l’organisation de l’enseignement et des examens à distance, au demeurant établies par une enquête réalisée à l’instigation de l’université, les mesures prises par cette dernière, qui présentent un caractère général et absolu et ne réservent aucune possibilité d’aménagement ou ne tiennent pas compte de la spécificité des différentes formations, n’apparaissent ni nécessaires ni proportionnées au sens des dispositions précitées de l’article 1er de l’ordonnance du 27 mars 2020. »

Le tribunal a enjoint au président de l’université de prendre, dans les huit jours, les mesures nécessaires pour que soient arrêtées les adaptations aux modalités de délivrance des diplômes, notamment aux modalités de contrôle des connaissances, dans le respect des règles posées par le jugement. Cela a été fait par un arrêté du 8 juin.

Auteur d'origine: Montecler

Le traditionnel rapport annuel d’activité du Défenseur des droits donne à Jacques Toubon l’occasion de dresser le bilan de son mandat et d’avouer que les décisions prises « pour justes et pertinentes qu’elles sont […] n’ont pas toute l’efficacité souhaitable ». Un appel à renforcer le caractère contraignant des recommandations est ainsi fait dans ce dernier rapport.

La gestion contestable du stationnement payant

L’année 2019 a connu une hausse des réclamations : 103 066, soit 7,5 % de plus qu’en 2018), dont plus de 60 000 soulèvent une difficulté dans les relations des usagers avec les services publics et...

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Auteur d'origine: pastor

Dalloz actualité publie l’avant-projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2030.

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Auteur d'origine: Bley

Les requêtes soulevées jeudi 4 juin devant le juge du référé-suspension du Conseil d’État, en premier ressort car, s’agissant d’actes à portée réglementaire, le tribunal administratif de Paris, d’abord saisi, s’est déclaré incompétent, portent sur trois décisions prises par la ligue de football professionnel (LFP) : l’interruption du championnat de ligue 1 et de ligue 2, la décision de figer le classement après vingt-huit journées de championnat ; la décision de reléguer les deux dernières équipes de ligue 1 en ligue 2, et de promouvoir les deux premières équipes de ligue 2 en ligue 1.

La condition d’urgence ne faisant pas de débat, il a été longuement débattu (trois heures) de la légalité de ces décisions. La première est attaquée uniquement par l’Olympique lyonnais (OL). En préliminaire, l’avocat de l’OL précise que, figé à la septième place du championnat, le club sera privé de compétition européenne pour la première fois depuis vingt-cinq ans. En découle un préjudice financier important, lié au sponsoring et à la perte de droits télévisuels, notamment. En réponse à cette introduction, l’avocat de la LFP souligne que les chances de l’OL de participer à la ligue des champions (LDC) étaient déjà très minces (« combien de championnats se sont joués dans les derniers instants ! », lui sera-t-il répondu), et qu’au vu des contraintes sanitaires, il ne serait pas possible de reprendre le championnat avant mi-juillet, ce qui créerait « un désordre considérable pour l’ensemble du football professionnel. Le remède proposé par l’OL est bien pire que le mal qu’il conteste ». Là-dessus, le président de l’OL, Jean-Michel Aulas, a cité les autres championnats européens en cours de reprise, affirmant que, « oui, c’est possible », après avoir rappelé combien il était un homme avisé, expérimenté, un chef d’entreprise important, au contraire de son interlocuteur de la LFP. C’est donc possible, selon M. Aulas, et ça ne l’est pas, selon son contradicteur.

La décision attaquée : « On a le sentiment, dit le juge, que le conseil d’administration de la ligue a cru devoir acter la fin du championnat, compte tenu des décisions gouvernementales. Quelle est la part de responsabilité de chacun ? » L’avocat de l’OL : « Je ne crois pas qu’une déclaration par un premier ministre, devant l’Assemblée nationale, tienne lieu de décision (dont la portée serait réglementaire) et, si tel est le cas, le vice de compétence est évident. » Le directeur de la LFP, Didier Quillot, a tenu à reprendre les faits ayant conduit à cette décision. Après la déclaration d’Édouard Philippe, disant que les championnats ne pourraient pas reprendre, le conseil d’administration, en date du 28 avril, a décidé d’arrêter les championnats, « à l’unanimité ». Le 30 avril, le diffuseur « prend acte de la déclaration du premier ministre » et décide de « résilier définitivement le contrat ». Le même jour, le conseil d’administration prend la décision de figer le classement, qui désigne un champion (le PSG), ceux qui joueront les coupes européennes, et prononce la relégation d’Amiens et de Toulouse en ligue 2. Didier Quillot explique au juge le déroulé : « C’était la volonté de la ligue de reprendre le plus tôt possible, et nous avions arrêté un calendrier de reprise, mais, la situation sanitaire se dégradant, la reprise a été repoussée, jusqu’à envisager une reprise le 17 juin, pour finir le 2 août. » Pourquoi ne pas commencer la saison suivante plus tard ? « Cela aurait nui aux diffuseurs, car des matchs auraient dû être joués en semaine », ce qui rapporte « moins de public, donc moins d’argent ». Mais ce scénario évolutif a été arrêté par la déclaration du premier ministre, par les éléments de la crise sanitaire », en vigueur à ce moment-là.

« La rétrogradation d’Amiens permet-elle de lutter contre le covid-19 ? »

C’est l’avocate de Toulouse qui ouvre les débats sur la deuxième question : pourquoi avoir décidé d’arrêter le championnat, pourquoi ne pas l’avoir annulé ? Elle dénonce le caractère selon elle « rétroactif » de la décision réglementaire, ce qui est illégal. La LFP met en avant des circonstances exceptionnelles, mais cette théorie, dit-elle, « suppose de ne pas avoir le choix, de ne pas pouvoir prendre une autre décision. Et, selon elle, cette décision ne s’imposait pas : « Quand on a joué 75 % d’un championnat, le championnat n’est pas joué. » L’avocat du club d’Amiens, troisième et dernier requérant, rejoint cette analyse. « En quoi les circonstances exceptionnelles justifient-elles ces mesures ? La rétrogradation d’Amiens permet-elle de lutter contre le covid-19 ? » L’OL abonde : « C’est ce qui a été retenu dans les autres sports. Dès lors qu’on ne peut pas finir dans les règles, on annule tout, car toute autre méthode introduit un biais qui pose un problème d’équité sportive. » L’avocat remet en question la compétence du conseil d’administration pour prendre une telle décision qui, selon sa lecture, porte sur le format du championnat (et non sur le calendrier), et relève donc de la compétence de l’assemblée générale de la LFP. L’avocat de la LFP conteste le caractère rétroactif de la décision. Puis : « En quoi la saison blanche est-elle plus respectueuse de l’application normale des règles du championnat ? », questionne l’avocat, qui estime que, sur le plan de la sécurité juridique, cette décision n’aurait pas été plus satisfaisante que celle qui a été prise.

C’est dans les mêmes termes que le débat sur la troisième question, celle de la relégation (d’Amiens et de Toulouse), a été mené. « Le sport interdit de changer les règles du jeu en cours de championnat », a dit l’avocate du club Toulouse football club. « À l’illégalité de la décision s’ajoute l’injustice », témoigne le président de la métropole d’Amiens, qui a beaucoup investi dans le club, et craint de ne pouvoir maintenir une activité économique à la hauteur de ses investissements. « C’est une décision précipitée, prise sur un motif faible, dans une situation juridique qui est un néant absolu », attaque l’avocat du club d’Amiens. Il plaide la possibilité d’organiser un championnat 2020-2021 dans des conditions différentes, notamment en accueillant les deux promus sans reléguer Amiens et Toulouse, soit une saison à vingt-deux au lieu de vingt. Impossible, dit la ligue, de remettre en cause le format du championnat. Impossible, dit-elle également, de jouer les championnats d’Europe avec les mêmes équipes que l’année précédente, l’UEFA l’interdit. En somme : « On a agi avec pragmatisme et dans le sens de l’intérêt général », dit la LFP.

La décision sera rendue en début de semaine prochaine.

Auteur d'origine: Bley

L’article 14 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 habilite le gouvernement à définir par ordonnance les conditions dans lesquelles les accords collectifs peuvent disposer d’une portée juridique, à l’instar des conventions collectives en droit du travail. Le rapport Renforcer la négociation collective dans la fonction publique, remis le 25 mai à Olivier Dussopt, formule vingt-neuf propositions pour mettre en œuvre cette réforme. Le projet d’ordonnance, dont le rapport inclut une première trame, devrait être inscrit en juin à l’agenda social.

Le rapport, rédigé par Marie-Odile Esch, membre du Conseil économique, social et environnemental, Christian Vigouroux, président de section honoraire au Conseil d’État et Jean-Louis Rouquette, inspecteur général des finances, considère que cette possibilité constituerait « une innovation juridique majeure ». Ces futurs accords seraient susceptibles de s’appliquer à l’ensemble des agents régis par le statut général, y compris aux agents non titulaires, sous réserve de quelques exceptions nécessitant la publication de textes. Ils seraient, en principe, conclus à un échelon disposant d’un comité social par l’autorité qui aurait été compétente pour prendre l’acte unilatéral ayant le même objet, soit, pour la fonction publique d’État, au niveau de l’ensemble de ce versant, d’un ministère ou d’une direction d’administration centrale, pour les accords nationaux, d’un service déconcentré pour les accords locaux ou au niveau d’un établissement public.

 

Vers un élargissement des thèmes de négociation

Pour la fonction publique territoriale, le rapport indique que les accords seraient en principe conclus au niveau de la collectivité concernée. Il envisage aussi de confier un rôle accru aux centres de gestion, qui interviendraient alors dans le cadre d’un mandat de négociation donné par une collectivité. Dans la fonction publique hospitalière, ils pourraient l’être soit au niveau national, soit au niveau de l’établissement, et, à terme, à l’échelon des groupements hospitaliers de territoire.

La mission préconise en outre d’enrichir les thèmes prévus par la réforme issue de la loi du 5 juillet 2010, en explicitant notamment celui relatif aux conditions et à l’organisation du travail (ajout de références à l’organisation des transports, à la prévention des risques psychosociaux…). Les accords pourraient également porter sur d’autres sujets, comme la mise en œuvre des régimes indemnitaires, les moyens dévolus aux syndicats ou les conditions de rémunérations et de gestion des contractuels.

Faire évoluer la culture du dialogue social

La mission estime cependant que cette réforme ne suffira pas à elle seule à renforcer la négociation collective et qu’elle doit s’accompagner d’« une évolution plus profonde de la culture du dialogue social ».

Elle suggère à cette fin plusieurs mécanismes, tels que la conclusion par les partenaires sociaux d’accords de méthode préalables, l’obligation de négocier sur certains sujets prioritaires, au-delà des cas déjà obligatoires, la suspension temporaire, légale ou volontaire, du pouvoir de décision unilatéral de l’employeur dès lors qu’une négociation est ouverte sur le même sujet ou encore l’instauration d’un droit d’initiative des syndicats en cas de carence de l’employeur.

Auteur d'origine: pastor

Les maires en rêvaient depuis longtemps. L’article 74 de la loi Engagement et proximité l’a fait. Le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020 permet l’entrée en vigueur de cette disposition et la naissance de ce qu’on appelle – assez improprement – le « rescrit du préfet ». Désormais, les collectivités et leurs groupements peuvent demander au représentant de l’État une...

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Auteur d'origine: Montecler

C’est un texte de circonstances, en raison de la crise sanitaire, qui vise à lutter contre l’absence ou l’empêchement des électeurs. Il autorise, pour le seul vote du 28 juin, une même personne à disposer de deux procurations, contre une seule permise...

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Auteur d'origine: pastor
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S’il est des accords improbables en commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en fait indéniablement partie. Le texte habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance dans de nombreux domaines était passé sous les fourches caudines du Sénat, qui, après l’avoir qualifié de « voiture-balai » pour légiférer par ordonnances, avait réduit le nombre d’habilitations de quarante à dix et aménagé les délais d’autorisation. L’échec attendu de la CMP n’a pourtant pas eu lieu. Celle-ci a confirmé la suppression de trente des quarante habilitations à légiférer par ordonnances afin de ne déléguer temporairement le pouvoir législatif au gouvernement que dans les seuls cas où cette méthode s’avérait indispensable.

Adaptation des délais

Ainsi, un délai d’habilitation de six mois est fixé pour permettre au gouvernement d’adapter les règles de l’activité partielle. Il pourra également modifier les règles d’organisation des concours et des sélections pour l’accès à l’enseignement militaire et les modalités de délivrance des diplômes. De nombreuses mesures sont, en revanche, intégrées dans la loi : prolongation de 180 jours des visas de long séjour et les autorisations provisoires de séjour, arrivés à expiration entre le 16 mai 2020 et le 15 juin 2020 ; prolongation jusqu’au 31 mai (pour les déboutés) et 30 juin (pour les réfugiés) du bénéfice de l’allocation pour demandeur d’asile des personnes ayant cessé d’y être éligibles en mars ; neutralisation de l’impact de la crise sanitaire sur la transformation des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée dans les trois versants de la fonction publique. La CMP a également élargi le périmètre des contrats doctoraux qui pourront être prolongés pour tenir compte de la crise. Sont aussi revues les règles de l’indemnisation versée aux victimes des essais nucléaires français. Il s’agit de permettre l’application rétroactive de l’article 232 de la loi de finances pour 2019 afin que la règle relative à la présomption de causalité qu’il fixe puisse être appliquée à toutes les demandes d’indemnisation en cours, quelle que soit leur date de dépôt, contrairement à ce qu’avait jugé le Conseil d’État (CE 27 janv. 2020, n° 429574, Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, Lebon ; AJDA 2020. 200 ; ibid. 1072 , note H. Arbousset ).

Les cours criminelles resteront expérimentales

La CMP a également encadré et limité dans le temps les habilitations liées au Brexit ainsi qu’au dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des entités soumises à la comptabilité publique et des organismes chargés d’une mission de service public, en excluant de la liste les organismes publics relevant des collectivités territoriales, les organismes sociaux et les caisses de règlements pécuniaires des avocats.

Un accord a été trouvé afin de limiter l’extension de l’expérimentation des cours criminelles, souhaitée par le gouvernement. La CMP, craignant un expédient de gestion du stock d’affaires en retard pour les sessions d’assises, a décidé de ne maintenir l’expérimentation que dans un nombre restreint de ressorts juridictionnels.

L’Assemblée nationale a adopté le texte le 3 juin, le Sénat le votera le 10 juin.

Auteur d'origine: pastor

Déjà évoqué par Le Monde, ce mail daté du 19 mai et signé par Catherine Pignon, directrice des affaires criminelles et des grâces (DACG), a été adressé à l’ensemble des chefs de juridiction. Dans le contexte de crise, « de nombreux décideurs publics et privés, en particulier les maires, ont manifesté leur inquiétude sur les conditions d’engagement de leur responsabilité pénale ».

Le courrier insiste sur le fait que « leur action ne doit pas être paralysée par le risque de voir leur responsabilité pénale engagée dans des conditions excessives, lorsqu’ils n’ont pas causé directement le dommage, par exemple […] en cas de contamination par le covid-19 sur les lieux dont le décideur a la responsabilité […] alors que le gouvernement n’impose plus leur fermeture ».

La directrice fait ensuite un rappel du cadre juridique existant et de la disposition adoptée dans la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Pour Catherine Pignon, « ce nouvel article constitue une disposition interprétative de l’appréciation in concreto de la faute d’imprudence ou de négligence énoncée par le troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal. […] J’appelle par conséquent votre attention sur la nécessaire analyse approfondie des situations, c’est-à-dire du contexte très particulier dans lequel ont été prises les décisions, afin de pouvoir caractériser l’existence d’une faute d’imprudence ou de négligence de la part des décideurs ».

Ce courrier est la suite directe du débat parlementaire. Sur le terrain, le protocole sanitaire de l’éducation nationale a alarmé de nombreux élus. Ils ont craint de voir leur responsabilité engagée en cas de non-respect de ce protocole très pointilleux. Tout autant qu’une condamnation, ce qui inquiète, c’est la mise en examen. Contrairement aux ministres, les élus locaux ne bénéficient pas du filtre de la Cour de justice de la République (CJR) : une mise en examen peut avoir un retentissement médiatique et politique important, d’autant plus fort que la procédure peut s’étirer. En période d’élections sénatoriales, les sénateurs ont fait de cette angoisse leur priorité.

Un risque très limité

Si les craintes des élus sont réelles, elles ne sont pas pour autant fondées. Pour Luc Brunet, spécialiste de la responsabilité pénale des élus, qui dirige l’observatoire SMACL, le cadre posé par la loi Fauchon de 2000 est déjà restrictif : « Il faut une faute qualifiée et un lien de causalité certain. D’autant que, pendant le temps scolaire, les enfants sont sous l’autorité de l’éducation nationale, non des collectivités. La seule nouveauté de l’amendement adopté, c’est l’obligation de prise en compte du contexte de crise sanitaire par les magistrats. Mais, depuis 1996, le juge doit déjà faire une appréciation in concreto de la responsabilité du dirigeant ».

Selon les données du SMACL, une petite dizaine d’élus locaux sont poursuivis chaque année du fait de mise en danger de la vie d’autrui ou d’atteintes involontaires (homicides et violences involontaires). « Nous n’avons comptabilisé que trente et une condamnations depuis 2000 », poursuit Luc Brunet.

Plus qu’une réforme de la responsabilité des élus, il serait plutôt intéressant d’élargir la responsabilité pénale des collectivités territoriales. Actuellement, elle ne peut être engagée que concernant les activités susceptibles de délégation de service public. Ce qui peut donner lieu à des jurisprudences byzantines et conduire à cibler l’élu davantage que sa collectivité.

Auteur d'origine: babonneau

Parmi les éléments du compromis, l’expérimentation des cours criminelles départementale sera étendue de 10 à 18 départements (le gouvernement souhaitait initialement en avoir 30). Par ailleurs, pour la réorientation des affaires pénales, les procureurs devront s’assurer que la procédure retenue permettra aux victimes de demander et d’obtenir une indemnisation. En l’absence de victime, le classement sans suite sera possible pour les procédures contraventionnelles.

L’entrée en vigueur de plusieurs dispositions a été repoussée. Citons le code de justice pénale des mineurs (31 mars 2021), la réforme du divorce (1er janvier 2021), ou l’application au lobbying envers les collectivités locales du registre des représentants d’intérêts de la HATVP (1er juillet 2022).

Immigration, consommation et trésorerie des CARPA

La CMP a validé un article adopté par le Sénat prévoyant la dématérialisation des récépissés de demande de titre de séjour ou de renouvellement. Elle a également prévu que les étrangers titulaires d’un visa de court séjour ou exemptés de visa, contraints de demeurer en France pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, bénéficieraient d’une autorisation provisoire de séjour.

En droit de la consommation, la CMP a conservé la transposition de la nouvelle procédure ad hoc de transaction administrative et la création d’un nouveau mécanisme d’indemnisation des consommateurs sous l’égide de la DGCCRF. A noter, le Sénat a rejeté un amendement gouvernemental qui prévoyait de permettre la DGCCRF d’enjoindre des restrictions d’accès à une interface en ligne qui proposait des contenus manifestement illicites.

La commission a rétabli plusieurs articles qui avaient été supprimés par le Sénat. Elle a ainsi réintroduit l’habilitation permettant au gouvernement de centraliser, par ordonnances, certains dépôts vers le compte du Trésor, en excluant explicitement les caisses de retraite et les CARPA. Elle a aussi rétabli la disposition qui rend rétroactifs les critères restrictifs d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.

Le texte sera étudié dès ce mercredi à l’Assemblée. Il sera le 10 juin au Sénat.

Auteur d'origine: babonneau
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Le 5 septembre 2019 s’est tenu à Caen un procès criminel sans jurés, sans témoins, sans experts, et qui ne concernait ni une affaire terroriste ni le grand banditisme. Les cinq magistrats professionnels ont jugé une tentative de viol. Une affaire d’une telle simplicité qu’il a été possible de la juger en une journée, verdict compris – bien que l’accusé niât l’infraction – car la victime était depuis longtemps décédée et que personne ne s’était constitué partie civile. Les journalistes, nombreux à s’être déplacés depuis Paris, ont ainsi pu contempler une nouvelle manière de juger les crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion, que la loi du 23 mars 2019 a décidé d’expérimenter dans sept juridictions, pour une durée de trois ans. Le but de la cour criminelle départementale est de réduire le temps d’audiencement afin de juger plus d’affaires et de réduire le stock de dossiers en souffrance.

La grève des avocats et la pandémie de covid-19 ont conduit le gouvernement à élargir l’expérimentation des cours criminelles, et de neuf (deux s’étaient ajoutées dans l’intervalle), les juridictions – toutes volontaires – vont passer à trente, incluant Paris, Bobigny et Créteil, les plus importantes juridictions du pays. « C’est l’augmentation d’une expérimentation sur laquelle nous n’avons aucun retour », a dénoncé le député Antoine Savignat (LR). C’est une réalité : « Nous n’avons pas assez de recul pour réellement savoir si les affaires sont suffisamment bien jugées ni voir l’impact sur l’oralité des débats », estime Christiane Besnier, ethnologue, directrice de recherche au centre d’anthropologie culturelle de l’université de Paris (Canthel). Elle est chargée, avec des experts de différentes matières (dont une historienne et une magistrate), de suivre des audiences de la cour criminelle et de rendre un rapport six mois avant la fin de l’expérimentation. Pour le moment, Christiane Besnier n’a assisté à aucun procès ayant tenu en une journée, ce qui laisse penser que le procès inaugural de Caen fait figure d’exception médiatique. Son intuition est que « l’on risque de perdre en qualité des débats, du fait de la réduction de l’oralité », mais ces préjugés peuvent être contredits, et l’ethnologue se garde de tirer des conclusions hâtives.

Sur le plan factuel, les cours criminelles départementales sont amenées à juger essentiellement des viols, largement majoritaires dans les infractions concernées qui, au total, représentent 57 % des crimes jugés habituellement par les cours d’assises. Selon des chiffres de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), entre septembre 2019 et mars 2020, sur 40 affaires jugées, 90 % ont été des viols. La peine moyenne prononcée a été de onze ans, le maximum : dix-sept ans. Surtout, la cour criminelle permet en moyenne de gagner une journée d’audiencement par rapport à la cour d’assises ; le taux d’appel a été de 23 %, alors qu’il atteint 32 % en moyenne devant les cours d’assises.

Avant même de juger, ces cours criminelles ont été rejetées par une partie du monde judiciaire et politique. Dès la publication du projet de loi, en réalité, ils furent nombreux à brocarder ce qui est considéré comme une régression, un renoncement à l’excellence. La cour d’assises, patiente et méticuleuse, est le lieu privilégié du débat judiciaire, où l’oralité joue un rôle crucial : du dossier émergent des vies, complexes et nuancées, qui ébranlent les certitudes ; des hommes et des femmes, issus de la société civile, jugent leurs semblables. « C’est une façon pour le citoyen de vraiment connaître la justice de l’intérieur, ils viennent à reculons et en ressortent transformés. Ils découvrent que c’est compliqué », explique Christiane Besnier. Quant aux avocats : « ils préfèrent les jurés parce qu’ils ont une marge de manœuvre plus grande pour intervenir sur le quantum de la peine de leur client », dit Christiane Besnier. La cour d’assises est hors d’atteinte des considérations budgétaires, de cette misère matérielle dont souffre l’institution judiciaire depuis des décennies. Djoheur Zerouki-Cottin, professeure de droit à l’université de Saint-Étienne, estime que la justice a dépassé le stade du simple manque de moyens qui pourrait être comblé par un budget accru. « Il suffirait d’allouer des moyens supplémentaires ? Il faut être réaliste, même si on avait plus de moyens, on ne pourrait pas rattraper le retard. » La cour d’assises pourvue d’un jury est un symbole coûteux ; réduire les coûts relève de l’urgence.

Les jurés sacrifiés, que reste-t-il du « peuple français », au nom duquel les auteurs d’infractions sont jugés ? La notion du jury populaire est étroitement liée à celle de légitimité démocratique. Le jury est instauré à la révolution en réaction à l’arbitraire de l’ancien régime ; sa légitimité provient de la citoyenneté, puisque les jurés sont tirés au sort parmi les personnes inscrites sur les listes électorales (à l’époque, une toute petite partie de la population). Mais de leur inexpérience peut surgir un aléa. La cour d’assises est un lieu d’affects, un citoyen ordinaire peut être submergé par des pensées qui pourraient le conduire à méjuger. L’histoire judiciaire française est jalonnée d’affaires célèbres dans lesquelles des assassins furent acquittés par complaisance, ou des non-coupables condamnés par représailles, et c’est pour cela que, depuis la loi du 25 novembre 1941, les magistrats délibèrent de la culpabilité avec les jurés. Il y aurait, d’une part, l’analyse rationnelle et objective, ancrée dans le droit, des magistrats professionnels et, d’autre part, le jugement émotif de profanes naïfs, dont l’inexpérience constitue à la fois une faiblesse et un atout. « Sous couvert de sagesse populaire, il y a souvent des préjugés, de la discrimination », pense l’avocat François Saint-Pierre, qui a écrit un livre sur la question et se méfie de la notion de bon sens. L’avocat estime qu’« il existe un principe de réalité qui s’impose à tous. On peut avoir les opinions qu’on veut, le monde change et il faut se projeter dans l’avenir. Je vois arriver de façon évidente la généralisation immédiate avec magistrats professionnels ».

Actuellement, les cours criminelles ne jugent qu’une grosse moitié des crimes, dans quelques juridictions, en première instance uniquement. La présence de jurés populaires focalise l’attention, mais est-ce la question centrale ? Djoheur Zerouki-Cottin estime que le débat est « pris en otage par une sorte de dogme sur la souveraineté populaire, qui serait intangible », alors qu’il existe « des considérations pragmatiques qu’on ne peut pas balayer d’un revers de manche ». Pour François Saint-Pierre, il est essentiel de repenser le rôle de chacun dans le prétoire pénal, et pas seulement aux assises. « Mes confrères se plaignent souvent du rôle prépondérant du président », relève-t-il, aux assises, bien sûr, mais aussi et surtout en correctionnelle. « Je souhaite aborder la question de l’expression orale, de la plaidoirie et des réquisitoires. Quel est l’enjeu de l’oralité des débats ? C’est un mode d’expression différent de l’écriture et un mode d’écoute différent de la lecture. Il est donc très important que les uns et les autres puissent s’exprimer par écrit d’abord, et par oral ensuite, en écoutant les plaideurs. Or il arrive souvent que le procès correctionnel consiste en long monologue du président, et c’est insupportable. La summa divisio, ce n’est pas forcément correctionnelle et assises. L’oralité des débats doit être repensée dans son ensemble », analyse Me Saint-Pierre.

Ce questionnement n’est pas nouveau. La procédure inquisitoire française est souvent critiquée pour donner un pouvoir trop important au président de l’audience, qui poursuit à l’oral l’enquête du juge d’instruction (« l’homme le plus puissant de France », selon le mot de Napoléon Ier, qui créa la fonction). Le président est maître de la temporalité des débats, qu’il dirige et, parfois, écrase, ne laissant que quelques miettes à l’accusation et privant la défense d’un combat à armes égales. En 2009, le comité Léger de réflexion sur la justice pénale a proposé de cantonner le président de l’audience pénale à un rôle d’arbitre, afin de renforcer sa neutralité. Le rapport proposait d’ôter au président le droit de rappeler les faits en début d’audience, phase souvent vécue comme un véritable préjugement. Il était également préconisé de lui dénier le droit de poser des questions aux différentes parties. Il serait cantonné, à la différence du droit américain où le juge unique est très actif dans la manifestation de la vérité, à un rôle d’organisation et de police des échanges contradictoires. Ce rapport n’avait pas songé à supprimer le jury. Il semblait à l’inverse favorable à la présence citoyenne au tribunal, puisqu’il préconise de créer des citoyens assesseurs en matière correctionnelle (expérimentée, puis abandonnée). En outre, le rapport proposait d’introduire une procédure de « plaider-coupable » criminelle, qui permettrait de juger plus rapidement les nombreux crimes où la culpabilité de l’accusé n’est pas discutée.

Il a été dit que ce rapport s’inspirait en plusieurs points du modèle allemand (v. § 18). Le modèle américain, accusatoire, est souvent décrit comme générateur d’inégalités sociales (et raciales). En Belgique, la cour d’assises est tout simplement délaissée. La loi du 19 février 2016 associe les magistrats aux jurés dans la délibération sur la culpabilité et généralise la « correctionnalisation » des affaires criminelles. Par une volonté politique, qui s’est in fine heurtée au fait que la cour d’assises est inscrite dans la constitution belge, la cour d’assises a été vouée à disparaître. La Belgique mais aussi la Suisse « illustrent une tendance irréversible vers une gestion plus administrative et technique de la justice criminelle », écrit Christiane Besnier dans « La justice criminelle en Europe - L’avenir de l’audience criminelle : France, Belgique, Suisse » (Cah. just. 2017. 639 ).

L’Italie a choisi de réformer sa procédure pénale il y a trente ans, passant d’un système inquisitoire très proche du droit français à ce qu’il est convenu d’appeler « le compromis accusatoire » (selon l’expression de Denis Salas). Le juge d’instruction a été supprimé et le procès pénal consiste en un débat, un face-à-face entre deux parties, l’accusation et la défense, et ce sont les parties qui se chargent de l’interrogatoire à travers le cross examination, comme aux États-Unis. Les cours d’assises, pourvues de jurés, jugent les infractions passibles d’au moins vingt-quatre ans de prison, tout le reste étant l’office du tribunal correctionnel, dont le fonctionnement est identique à celui de la cour d’assises, contrairement à la France, où la cour d’assises, outre le jury, est caractérisée par un rituel judiciaire qui fait sa singularité. La réforme du procès pénal en Italie est donc bien plus profonde que ce que propose la cour criminelle départementale, qui apparaît dès lors peu ambitieuse, dictée par d’uniques considérations budgétaires, quand il serait possible de redonner au jury une nouvelle signification en le réformant, tout en modernisant une procédure dont les fondements – encore en vigueur – ont été posés par un empereur, il y a plus de deux siècles.

Auteur d'origine: Bley

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, seule la ratification expresse d’une ordonnance permettait de faire basculer sa nature juridique de l’acte administratif à la loi. Depuis le 28 mai, le Conseil constitutionnel considère qu’une ordonnance non ratifiée acquiert rétroactivement valeur législative à compter de la fin du délai d’habilitation, à condition que le projet de loi de ratification ait été déposé dans le délai imparti. Les ordonnances ont pris de la hauteur au sein de la pyramide des normes ce jeudi 28 mai 2020 ! La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par une association environnementale portait sur la conformité de l’article L. 311-5 du code de l’énergie relatif aux autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité (dans sa version en vigueur du 1er juin 2011 au 19 août 2015) à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Ce dernier dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

L’association requérante soutenait que le législateur, en ne définissant pas, dès l’entrée en vigueur de l’article L. 311-5 du code de l’énergie (le 1er juin 2011), les conditions et limites du principe de participation du public à l’élaboration des décisions administratives en matière d’autorisation d’exploitation d’une installation de production d’électricité, ne se serait pas conformé aux dispositions de l’article 7 de la Charte.

Ces mesures n’ont en effet été mises en œuvre qu’à partir du 5 août 2013 à travers l’ordonnance n° 2013-714, entrée en vigueur le 1er septembre de la même année.

Aux termes de son contrôle, le Conseil constitutionnel estime que l’autorisation administrative évoquée à l’article L. 311-5 du code précité, ayant une incidence sur l’environnement, est concernée par l’article 7 de la Charte.

Sur le fond, inconstitutionalité

Il procède alors à un contrôle de constitutionnalité dans le temps de l’article L. 311-5, avant et après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 5 août 2013, au regard, tout d’abord, du contenu des mesures exigées par la Charte.

Reconnaissant l’absence de mise en œuvre de ces mesures entre la date d’entrée en vigueur de l’article L. 311-5 et celle de l’ordonnance du 5 août 2013, le Conseil...

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Auteur d'origine: pastor

Si le gouvernement a déclaré souhaiter organiser le second tour des municipales le 28 juin 2020, l’hypothèse d’une dégradation de la situation sanitaire dans les semaines à venir ne peut être écartée. Le ministre de l’Intérieur a donc présenté en conseil des ministres, le 27 mai, un projet de loi et un projet de loi organique qui anticipent ce scénario ne permettant au second tour de se tenir le 28 juin. Ainsi, le projet de loi prévoit l’annulation du second tour des élections municipales et communautaires et celle des élections métropolitaines de Lyon et des résultats du premier tour dans les communes et circonscriptions dans lesquelles un second tour est nécessaire. L’élection régulière des candidats élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste toutefois acquise. Mais dans les communes de 1 000 habitants et plus, dans les secteurs des communes de Paris, Lyon et Marseille, ainsi que dans les circonscriptions de la métropole de Lyon dans lesquels le premier tour du 15 mars 2020 n’a pas permis de désigner la totalité des conseillers à élire, les résultats de ce tour seront annulées et un nouveau scrutin à deux tours devra se tenir lorsque la situation sanitaire le permettra, et au plus tard au mois de janvier 2021. Le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon en exercice avant le scrutin du 15 mars serait jusqu’à l’entrée en fonction des nouveaux conseillers, soit jusqu’au scrutin organisé au plus tard au mois de janvier.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants où le scrutin organisé le 15 mars 2020 n’a pas permis d’élire le conseil municipal au complet, les électeurs seront convoqués pour un scrutin à deux tours portant sur les sièges vacants.

L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, qui proroge les délais de recours contre les opérations électorales du premier tour, est adaptée pour tenir compte du fait que l’entrée en fonction de certains conseillers municipaux et communautaires élus dès le 15 mars.

Conséquences sur les sénatoriales

Le projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles tire les conséquences de l’éventuel report du second tour des municipales sur les élections sénatoriales. En effet, les sénateurs de la série 2 doivent être, dans le calendrier actuel, renouvelés en septembre 2020. Si le second tour des élections municipales ne pouvait pas se tenir au mois de juin, à cette date, une large partie des membres du collège électoral serait donc composée d’élus dont le mandat serait prorogé, qu’il s’agisse des conseillers municipaux, des délégués des conseils municipaux ou, pour l’élection des six sénateurs des Français établis hors de France, des conseillers consulaires et de leurs délégués. Le projet de loi organique proroge le mandat des sénateurs de la série 2 en exercice d’un an, jusqu’à l’ouverture de la session ordinaire de 2021. Afin de ne pas décaler outre mesure le calendrier des élections sénatoriales, et notamment le rythme triennal de l’élection de chaque série suivie de l’élection du président du Sénat, le renouvellement suivant de la série 2 aura lieu en septembre 2026.

Auteur d'origine: pastor
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Moins de députés, plus de droits

Dès 2017, l’Assemblée était émiettée en sept groupes : LREM, Modem, LR, PS, UDI-Agir, Insoumis et communistes. En 2018, se crée Libertés & Territoires, groupe composite rassemblant des radicaux, des régionalistes et quelques ex-marcheurs. La semaine dernière un groupe Écologie, démocratie et solidarité s’est bâti autour de députés LREM écologistes et de gauche. Et, hier, s’est fondé un dixième groupe de centre-droit autour des députés du parti Agir. Ces soutiens du ministre de la culture Franck Riester ne s’entendaient plus avec les députés UDI. Si le positionnement politique de centre-droit est identique, les uns soutiennent le gouvernement, les autres s’y opposent.

Sur ces dix groupes, six ont moins de vingt parlementaires. Ils n’auraient pas pu exister avant 2008, quand l’effectif minimal pour créer un groupe était de vingt députés. Ce seuil ne dépend pas de la Constitution mais du règlement de chaque assemblée. À l’origine de la Ve République, il fallait trente députés pour faire un groupe. À la suite des législatives de 1988, les communistes passent sous cette barre. Le gouvernement Rocard n’ayant pas de majorité absolue, un accord est passé et une réforme du règlement abaisse le seuil de trente à vingt. En 2008, afin d’obtenir le soutien des radicaux de gauche à sa réforme constitutionnelle, Nicolas Sarkozy accepte une nouvelle diminution de ce seuil à quinze. L’amendement est finalement adopté à l’unanimité. Au Sénat, en 2011, pour permettre la création d’un groupe écologiste, ce seuil est abaissé à dix.

À mesure que le seuil diminuait, les moyens des groupes augmentaient (v. G. Bergougnous, La multiplication du nombre de groupes parlementaires : pluralisme ou balkanisation de la représentation nationale ?, Constitutions 2018. 376 ). Quelle que soit sa taille, chaque groupe a dorénavant accès à deux questions au gouvernement par semaine ainsi qu’une journée de niche parlementaire et une commission d’enquête par an. Les groupes ont un temps de parole réservé pour chaque discussion générale et explication de vote. Ils ont également des bureaux au palais Bourbon et des moyens pour salarier des collaborateurs de groupe, là encore sur une base qui n’est pas proportionnelle (56 000 €/mois pour les petits groupes, 400 000 €/mois pour LREM qui est composé de vingt fois plus de députés). En quittant un gros groupe pour un plus petit, un député a accès à plus de moyens, plus de temps de parole et peut espérer faire étudier sa proposition de loi.

L’uberisation réussie de la vie parlementaire

Mais ces changements de seuils et de moyens n’expliquent pas tout. Entre 2008 et 2017, les règles étaient comparables et il n’y a pas eu de fuite des députés de la majorité vers des petits groupes. Dans la législature précédente, les groupes écologistes ont même disparu en cours de mandat.

Les raisons de cette dispersion sont politiques. Pour Samuel Le Goff, ancien journaliste parlementaire aujourd’hui consultant à CommStrat « La République en marche paye le prix de l’absence de culture politique chez les députés élus 2017. Auparavant, certains députés avaient investi vingt ans dans leur parti avant d’être élus. Le quitter était un suicide politique. Les marcheurs arrivés en 2017 n’avaient ni cette culture partisane ni cet investissement. » De fait, l’essentiel des départs se concentrent sur les groupes LREM et UDI, là où le Modem et les Républicains ont réussi à conserver leurs troupes.

Autre problème, l’absence de cohérence idéologique des marcheurs élus en 2017. Des désaccords avec la politique gouvernementale ont motivé de nombreux départs. Mais à LREM, ces débats ne peuvent trouver de débouchés dans le parti.

D’autant que le parcours d’Emmanuel Macron, ayant eu raison contre les partis, a ravivé le mythe individualiste de la politique française. Dans notre pays, les groupes ont toujours été faibles face à leurs membres : l’unité de base de notre démocratie reste l’individu, là où d’autres pays se fondent sur les groupes. Au Parlement européen, il faut quarante eurodéputés ou un groupe pour pouvoir déposer un amendement, là où en France le caractère individuel de ce droit est sacré. Et les groupes parlementaires européens ont des moyens bien plus conséquents que les rachitiques groupes de l’Assemblée nationale.

Enfin, la gestion du groupe LREM par son président Gilles Le Gendre est critiquée. En début de mandature, traumatisé par le spectre des frondeurs, le groupe n’osait pas s’imposer à son gouvernement. Les députés devaient trop souvent se contenter de valider les copies et d’avaler les couleuvres. Et lors des remaniements, l’exécutif préférait faire appel à de nouveaux ministres de la société civile plutôt qu’aux députés. De nombreux députés ayant quitté LREM indiquent être mieux traités par les ministres depuis leur départ.

Résultat, à la République en Marche, ni le parti ni le groupe parlementaire ne sont assez puissants pour imposer quoi que ce soit à leurs députés. Ces derniers, sachant que ce choix aura peu de conséquences sur leur carrière, préfèrent fuir vers des groupes plus petits, plus cohérents, où ils seront plus libres et avec plus de moyens pour s’exprimer. La République en marche souffre d’une uberisation réussie.

Auteur d'origine: babonneau

Patrick Balkany est arrivé mercredi matin sous les ors de la première chambre de la cour d’appel vêtu tel un septuagénaire en vacances à Saint-Tropez. Teint hâlé, mais visage creusé, pantalon et chemise dans un dégradé ocre orangé, pull parme foncé jeté sur les épaules, chaussettes bleues, mocassins et lunettes de vue à verres fumés. Panama en moins. Quoique dans ce dossier, il en fut question, non pour s’abriter du soleil mais plutôt pour échapper au regard du fisc.

L’état de santé de Mme Balkany ne lui a pas permis d’assister au délibéré de la cour. Dans un arrêt de 79 pages, la chambre financière de la cour relève chez le couple une « persistance dans le mensonge, [qui] si elle n’ajoute rien à la gravité intrinsèque des faits sur le plan pénal, est néanmoins révélatrice de la volonté de leur[s] auteur[s] de continuer à dissimuler des agissements répréhensibles auxquels seul l’engagement de poursuites judiciaires est parvenu à mettre un terme ».

La cour a aggravé la condamnation de M. Balkany en retenant la prise illégale d’intérêt en lien avec l’opération immobilière dite des Tours de Levallois. Un délit dont il avait été relaxé par le tribunal correctionnel. Elle considère que le promoteur saoudien Mohamed Al Jaber a financé en partie la villa de Marrakech et a mis à disposition des époux son jet privé à plusieurs reprises en échange de délais de paiement. M. Al Jaber a été relaxé en première instance.

Les magistrats rappellent qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que ce délit est pleinement consommé dès que l’agent public a pris ou reçu un intérêt dans une opération, dont il avait, au temps de l’action, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration.

Peu importe donc que l’opération immobilière « ait dû être interrompue, M. Al Jaber n’ayant pas respecté ses engagements ». Comme il n’est pas nécessaire, ajoute la cour, « de rechercher si les délais de paiement accordés aux sociétés » du promoteur par les sociétés d’économie mixte de la ville de Levallois-Perret « relevaient de considérations juridiques et économiques justifiées, la constitution du délit de prise illégale d’intérêt ne nécessitant pas l’octroi d’une décision ou faveur au bénéfice de M. Al Jaber ».

Le blanchiment de fraude fiscale, estimée à 13 millions d’euros par le Fisc entre janvier 2007 et décembre 2014 concerne les villas Pamplemousse à Saint-Martin et Dar Gyucy à Marrakech.

La cour considère que les époux ont « mis en œuvre des moyens sophistiqués pour parvenir à [leurs] fins, en faisant créer par des gestionnaires suisses expérimentés diverses structures off shore qui étaient autant d’écrans pour ne pas apparaître aux yeux de l’administration fiscale et masquer l’origine des fonds ».

« Les transferts de fonds d’un compte à l’autre ont constitué des opérations de dissimulation. En effet, le résultat de ces transferts a été de masquer l’identité des bénéficiaires des comptes, M. et Mme Balkany, par le recours à des sociétés-écran et des comptes bancaires situés au Liechtenstein et au Panama ». Et, contrairement à ce qu’ils ont affirmé, les investigations « contredisent l’origine exclusivement successorale des fonds », note la cour.

Les deux époux voient leur condamnation pour omission déclarative et évaluations mensongères de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV) confirmée.

Un million d’euros de dommages et intérêts à l’État au regard de la mobilisation des services étatiques

La cour a maintenu la confiscation des biens immobiliers des époux Balkany, à savoir le moulin de Cossy à Giverny, sous réserve des droits des deux enfants du couple, nus-propriétaires de ce bien, la villa de Marrakech et le produit de la vente de la villa Pamplemousse.

Comme en réponse au couple qui n’a cessé de dire qu’il était ruiné depuis le début de leurs ennuis judiciaires, la cour a rappelé que leur revenu imposable en 2018 s’élevait à 220 000 €, qu’il dispose d’un revenu de 10 095,68 € par mois après retenue à la source ; que la valeur des biens mobiliers du moulin de Cossy s’élève à 542 880 €. Et que Mme Balkany a déclaré à la HATVP des biens mobiliers pour une valeur de 444 494 €.

« Au vu de ces éléments, la cour estime que la situation personnelle des époux Balkany leur permettra de vivre dans des conditions dignes malgré la confiscation de l’usufruit de leur domicile actuel et de la pleine propriété de leurs résidences secondaires ».

La cour les a condamnés chacun à payer une amende 100 000 €. Ils devront également payer 1 million d’euros de dommages et intérêts à l’État au regard de la mobilisation de ses services afin d’identifier leur patrimoine dissimulé à l’étranger. « Deux institutions ont été mobilisées : les finances publiques et la police judiciaire », a rappelé la présidente Sophie Clément. « Quatre ans d’investigations conduites par deux magistrats instructeurs ont été nécessaires, collectées dans quarante tomes de procédure. Vingt-deux commissions rogatoires internationales ont été délivrées sur quasiment les cinq continents pour démêler l’écheveau de sociétés off shore, élaboré par M. et Mme Balkany et leurs gestionnaires de fortune.

Une somme qu’ils devront payer solidairement avec leur fils Alexandre, l’avocat Arnaud Claude, et l’ex-homme lige de Patrick Balkany, Jean-Pierre Aubry, tous trois condamnés en première instance.

Patrick et Isabelle Balkany disposent d’un délai de cinq jours pour se pourvoir en cassation. Dans le volet de la fraude fiscale, leur condamnation, à respectivement quatre ans dont un avec sursis et trois ferme, est définitive. S’ils renonçaient à un pourvoi, les époux pourraient demander une confusion des peines. Ce serait ensuite à un juge d’application des peines d’examiner, au regard de leur âge, si une détention s’impose, ou pas.

Durant la vingtaine de minutes qu’a duré la lecture de cet arrêt, M. Balkany s’est contenté de dodeliner de la tête en signe de dénégation.

À l’issue du délibéré, il n’a pas souhaité s’exprimer, laissant les avocats du couple dénoncer une justice « disproportionnée ». Il était juste cramoisi. Tel un septuagénaire en vacances à Saint-Tropez qui ne s’est pas méfié du soleil.

Auteur d'origine: babonneau

par Jean-Marc Pastorle 27 mai 2020

CE, ord., 22 mai 2020, Association Alliance Vita et l’association Juristes pour l’enfance, Association Pharmac’éthique, req. n° 440216, 440317

L’arrêté en litige permet la réalisation d’une IVG au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu à l’article R. 2212-10 du code de la santé publique ainsi que la prescription par téléconsultation des médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG médicamenteuse.

Le juge des référés du Conseil d’État a relevé que le protocole validé par la Haute Autorité de santé permettant pour les IVG par voie médicamenteuse pratiquées jusqu’à la septième semaine de grossesse « est conforme aux principales recommandations nationales et internationales émises par les sociétés savantes de gynécologues et d’obstétriciens et qu’elles sont dans plusieurs pays mises en œuvre en dehors d’un établissement de santé ». Par ailleurs, les dispositions contestées, en ce qu’« elles permettent le recours à des téléconsultations en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, sont de nature à contribuer à la diminution de la circulation du covid-19 et, dès lors, à ce que la catastrophe sanitaire prenne fin ».

Les associations requérantes soutenaient également que les dispositions contestées exposent les femmes à des risques pour leur santé alors qu’elles ne sont pas prises en charge pour leur interruption volontaire de grossesse dans un établissement de santé. Cet argument est également écarté par le juge des référés qui relève que le médecin ou la sage-femme prescrivant une IVG par voie médicamenteuse « doit informer la femme sur les mesures à prendre en cas de survenance d’effets secondaires, lui prescrire un traitement analgésique approprié et l’informer de ce qu’en cas de toute difficulté, elle peut se rendre à tout moment dans un établissement de santé conventionné dont il lui remet les coordonnées ».

Auteur d'origine: pastor

Les avocats vont désormais pouvoir recevoir plus facilement les copies numérisées des dossiers pénaux. À la mi-mai, le Conseil national des barreaux (CNB) a salué la signature avec la Chancellerie d’un protocole en ce sens, qui suivait la finalisation, à la fin avril, d’un premier protocole sur la communication électronique pénale. « Grâce à ces protocoles, nous pourrons demander et obtenir une copie numérique, et nous voir notifier numériquement les actes prévus par l’article 803-1 du code de procédure pénale », se félicite Me Vincent Penard, vice-président de la commission libertés et droits de l’homme du CNB.

Si l’envoi par mail d’un dossier pénal numérisé était déjà possible, l’exercice était compliqué en cas de pièces jointes trop volumineuses. La nouvelle plateforme, appelée Plex, un mix d’une messagerie et d’un service de téléchargement, va permettre l’envoi de fichiers pouvant atteindre un giga-octet. « Tout ce qui peut rendre l’accès au dossier plus rapide et facile est bon à prendre, même si cela fait longtemps que je reçois tous mes dossiers pénaux sous format dématérialisé », remarque un avocat lorrain. Toutes les robes noires ne feront pas la fine bouche. Exemple avec ce juriste qui demandait un renvoi le 11 mai, le jour du déconfinement à l’une des chambres correctionnelles du tribunal judiciaire de Paris, faute d’avoir pu avoir accès au dossier de son client pendant le confinement.

Alors que le protocole sur la communication électronique pénale était discussion depuis deux ans, il n’a fallu, de source avocat, qu’une poignée de semaines durant le confinement pour que les parties trouvent finalement un terrain d’entente. Mais si la crise sanitaire a boosté ce dossier, elle a cependant avant tout mis en lumière le retard inquiétant pris par la justice française sur le numérique. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, défend Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique, place Vendôme. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » L’Hexagone part de loin. Dans le tableau de bord 2019 de la justice dans l’Union européenne, la France est ainsi classée dix-neuvième sur vingt-huit pays en matière de disponibilité de moyens électroniques.

Auteur d'origine: babonneau

Deux décrets publiés au Journal officiel du 15 mai fixent les modalités de la prime défiscalisée et exemptée de cotisations sociales dont pourront bénéficier les agents publics.

Le décret n° 2020-568 concerne les personnels appartenant à la fonction publique hospitalière, mais aussi les agents de l’État et les militaires affectés dans les hôpitaux des armées ainsi que les étudiants de deuxième et troisième cycle de médecine. La prime est attribuée à ceux qui ont exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail, entre le 1er mars et le 30 avril 2020.

Son montant est fixé à 1 500 € pour les personnels militaires ainsi que pour les civils exerçant dans les quarante départements les plus touchés, à 500 € dans les autres zones géographiques. Néanmoins, les agents de ces zones qui ont, pendant la crise, été mis à disposition d’un établissement de santé des départements du premier groupe ou de certains établissements médico-sociaux perçoivent le montant le plus élevé. En outre, les directeurs des établissements de référence covid des départements les moins touchés peuvent remonter le montant à 1 500 € pour certains services ou agents.

La prime est réduite de moitié en cas d’absence d’au moins quinze jours calendaires pendant la période de référence et supprimée pour les agents absents plus de trente jours. Toutefois, les congés annuels, les RTT et les absences pour raison de santé présumées liées au covid-19 ne sont pas comptabilisés.

Le décret n° 2020-570 concerne les autres agents de l’État et des collectivités territoriales à l’exception des agents de certains établissements et services médico-sociaux pour lesquels un autre décret est annoncé. À noter que les agents de droit privé des établissements publics et les personnels de droit local à l’étranger sont inclus dans le champ de la prime. Pourront en bénéficier les agents pour lesquels l’exercice des fonctions a, en raison des sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour assurer la continuité du fonctionnement des services, conduit à un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé. Les collectivités territoriales détermineront les montants et les bénéficiaires dans la limite d’un plafond de 1 000 €. Pour l’État, trois niveaux de prime sont prévus par le décret : 330, 660 et 1 000 €. Les bénéficiaires et le montant alloué sont déterminés par le chef de service ou l’organe dirigeant ayant autorité sur les personnels, en fonction notamment de la durée de la mobilisation des agents.

Auteur d'origine: Montecler

Il est bienvenu de rappeler les notions fondatrices en matière de protection des données à caractère personnel dans le contexte d’urgence sanitaire. L’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 18 mai 2020 en livre une excellente illustration.

La préfecture de police de Paris avait ordonné la mise en œuvre d’un dispositif de surveillance policière par drones afin de veiller au respect des mesures de confinement. Cette surveillance s’est prolongée à l’occasion du plan de déconfinement. Deux associations ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à suspendre ce dispositif, à cesser la captation, l’enregistrement, la transmission et l’exploitation des images captées par drones, ainsi qu’à détruire les images déjà captées. Considérant que la collecte, l’enregistrement provisoire et la transmission d’images captées par drones ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel, le tribunal administratif a rejeté la requête par ordonnance du 5 mai 2020 (v. Dalloz actualité, 15 mai 2020, obs. C. Crichton). Les éléments présentés par les requérantes, résultant de communications de la préfecture de police adressées à un journal, étaient selon le tribunal insuffisants pour caractériser l’identification d’un individu par la préfecture de police à partir des images captées par drones.

L’ordonnance rendue par le tribunal administratif est annulée par le Conseil d’État, qui juge que la préfecture de police de Paris a bien procédé à un traitement de données à caractère personnel. Ce faisant, le Conseil d’État revient sur deux notions fondamentales : les données à caractère personnel et le traitement de données à caractère personnel. D’une part, ces premières sont définies comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » (règl. [UE] 2016/679, 27 avr. 2016, art. 4.1 ; dir. [UE] 2016/680, 27 avr. 2016, art. 3.1). D’autre part, un traitement est défini comme une opération appliquée à des données personnelles, telle que « la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction » (règl. [UE] 2016/679, art. 4.2 ; dir. [UE] 2016/680, art. 3.2).

Il résulte de ces définitions que la captation d’images par drones constitue un traitement de données à caractère personnel (CE, ord., 18 mai 2020, pts 16-17). En effet, le visionnage en temps réel de secteurs situés sur la voie ou dans les espaces publics, à une hauteur allant jusqu’à cent mètres, est susceptible d’identifier des personnes. Il est utile de rappeler qu’un simple accès à des données à caractère personnel constitue un traitement. La conservation ou non des données comme la volonté effective ou non d’identification des personnes sont des conditions indifférentes (pt 16). Relevons enfin que c’est la directive du 27 avril 2016 qui est en l’espèce applicable, puisque la surveillance policière par drones entre dans le cadre de mesures de protection prises par une autorité compétente contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ; mesures prévues en son article premier (pt 15).

Le fait que la captation d’images par drones soit qualifiée de traitement de données personnelles n’est cependant pas synonyme d’illicéité. À cette fin, le Conseil d’État relève que la finalité poursuivie est légitime (pt 13), celle-ci étant d’informer le centre de commandement qui déciderait le cas échéant de procéder à la dispersion d’un rassemblement ou à l’évacuation des lieux fermés au public (pt 11). Le dispositif de surveillance n’est pas non plus « de nature à porter, par lui-même, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées » (pt 14).

Toutefois, pour que le traitement soit licite, le Conseil d’État juge qu’il est nécessaire :

• soit, conformément à l’article 31 de la loi Informatique et Libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978, de consacrer par voie réglementaire, après avis motivé et publié de la CNIL, un arrêté autorisant le traitement de données à caractère personnel (pts 18-19) ;

• soit de doter « les appareils utilisés par la préfecture de police de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées » (pt 20).

Dès lors, en l’absence de telles garanties, le Conseil d’État ne pouvait qu’ordonner à l’État de cesser de procéder aux mesures de surveillance policière par drones ordonnées à Paris.

En réaction à l’ordonnance de référé du Conseil d’État, la CNIL a indiqué dans un communiqué du même jour avoir entamé des procédures de contrôle depuis le 23 avril 2020, tant « auprès du ministère de l’intérieur concernant l’usage de drones dans plusieurs villes » qu’auprès « de plusieurs communes dont les polices municipales ont, elles aussi, semble-t-il, eu recours à des drones ». Ces procédures de contrôle s’achèveront, précise-t-elle, sur une prise de position.

Auteur d'origine: nmaximin

L’article premier de la loi simple prévoit un transfert de dette de 136 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Ces 136 milliards d’euros permettront d’éponger 31 milliards d’euros de déficits cumulés non repris constatés au 31 décembre 2019. Les 92 autres milliards sont des déficits futurs pour la période 2020-2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Cette provision permettra aussi de couvrir les efforts en faveur de l’investissement dans les établissements publics de santé.

Par ailleurs, la loi organique repousse la date de fin de remboursement de la dette sociale, estimée précédemment par la CADES à 2024, à fin 2033. Ceci permettra à la CADES de s’endetter dès aujourd’hui à long terme.
Pour financer la dépendance, l’article 3 de la loi simple prévoit un transfert de 0,15 point de CSG (2,3 milliards d’euros), entre la CADES et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).

Enfin, l’article 4 de la loi simple prévoit que le gouvernement devra remettre d’ici fin septembre un rapport « sur les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ». Le serpent de mer de la cinquième branche, pourrait commencer à être structuré à l’automne lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale 2021.

Auteur d'origine: babonneau

Dalloz actualité a publié, le 20 mai 2020, les deux ordonnances présentées en conseil des ministres. Elles ont été publiées depuis au Journal officiel.

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Auteur d'origine: babonneau

Le juge des référés a rappelé que la liberté de culte, qui est une liberté fondamentale, comporte « le droit de participer collectivement, [sous réserve du respect de l’ordre public], à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte ». Cette liberté « doit, cependant, être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ».

Par application de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, des décrets successifs ont adapté les mesures sanitaires mais pour les établissements de culte, les règles sont restées les mêmes : les lieux sont restés ouverts, les fidèles pouvant s’y rendre individuellement sans pouvoir s’y rassembler ou s’y réunir, à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de vingt personnes. En l’espèce, le ministre de l’intérieur justifiait les dispositions du décret du 11 mai 2020 par le fait qu’un rassemblement religieux réunissant plus d’un millier de participants près de Mulhouse, un mois environ avant le début de la période de confinement, a provoqué un nombre important de contaminations qui ont, elles-mêmes, contribué à la diffusion massive du virus, dans la région Grand-Est. Le juge des référés a estimé que ce rassemblement n’était pas représentatif de l’ensemble des cérémonies de culte. Il relève ensuite que des mesures d’encadrement moins strictes que l’interdiction de tout rassemblement dans les lieux de culte sont possibles : « l’interdiction générale et absolue imposée par le III de l’article 10 du décret contesté, de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, sous la seule réserve des cérémonies funéraires pour lesquels la présence de vingt personnes est admise, présente, en l’état de l’instruction, alors que des mesures d’encadrement moins strictes sont possibles, notamment au regard de la tolérance des rassemblements de moins de dix personnes dans les lieux publics, un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière ».

Pas de manifestations religieuses à l’air libre

Il était également demandé qu’il soit enjoint au premier ministre de permettre l’organisation de manifestations religieuses dans les espaces publics et privés à l’air libre. S’agissant des espaces publics à l’air libre ne relevant pas des lieux de culte, le juge des référés estime que l’interdiction de tout rassemblement, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, qui est imposée par l’article 7 du décret ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. S’agissant des espaces privés à l’air libre, « le régime applicable à ces espaces lorsqu’ils sont utilisés à des fins religieuses, notamment dans l’hypothèse où ils constituent des établissements recevant du public de type plein air (PA) ou sont susceptibles d’être requalifiés comme tels, est […] incertain ». Mais il n’est pas établi, selon le juge des référés, que « cette incertitude, à laquelle il appartient au premier ministre de remédier, soit constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ».

Auteur d'origine: pastor

Alors que le sort des personnes détenues a inquiété, à juste titre, ceux qui craignaient que l’épidémie fasse des ravages dans ces lieux confinés par essence, mais aussi sales, vétustes et surpeuplés, le législateur aurait prévu, c’est ce que prétend l’exécutif, de prolonger automatiquement et sans débat judiciaire d’aucune sorte les titres de détention provisoire arrivant à échéance pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. L’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars, en son article 16, dispose : « En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire […] sont prolongés plein droit ». Cette règle s’applique-t-elle aux titres de détention, normalement renouvelables après examen par un juge des libertés et de la détention (JLD), ou l’expression « délai maximum » doit-elle être entendue comme le délai au-delà duquel le mis en cause ne peut plus être détenu ? La Chancellerie a fait savoir dans une circulaire du 26 mars, puis dans un mail du 27 mars adressé aux juridictions, que « ces prolongations s’appliquent de plein droit, donc sans qu’il soit nécessaire de prendre une décision de prolongation, aux détentions provisoires en cours de la date de publication de l’ordonnance à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ou ayant débuté pendant cette période » et, ainsi, c’est cette interprétation qui prima tout d’abord, à la stupéfaction des avocats qui n’avaient pas envisagé une telle option. Les juridictions appliquèrent sans grande constance cette interprétation de l’exécutif, et bien qu’il se trouva d’abord deux chambres de l’instruction (Caen et Chambéry), puis d’autres qui ne voyaient pas les choses de la même manière, de très nombreuses détentions provisoires furent prolongées de fait, sans juge ni débat, durant plus d’un mois. Quatre pourvois furent formés par trois requérants, dans trois affaires instruites à Paris, Grenoble et Fort-de-France, que la Cour de cassation a examiné, mardi 19 mai.

Il faut tout d’abord préciser que l’ordonnance du 25 mars a été modifiée par celle du 11 mai, insérant un article 16-1 qui met fin aux prolongations automatiques. Elle prévoit en outre, entre autres aménagements, que le juge réexamine dans les trois mois toutes les détentions provisoires automatiquement prolongées entre le 25 mars et le 11 mai, une sorte de validation a posteriori de cette mesure litigieuse (v. Dalloz actualité, Le droit en débats, 10 mai 2020, par V.-O. Dervieux).

Ensuite, une QPC a été posée, et l’avocat général a conclu à son renvoi au Conseil constitutionnel. Celle-ci vise l’article 11, I, 2, de la loi du 23 mars 2020 en ce qu’elle habilite le gouvernement à prolonger automatiquement les détentions provisoires en cours sans prévoir que de telles prolongations sont ordonnées par un magistrat judiciaire (violation de la liberté individuelle garantie par l’article 66 de la Constitution et des droits de la défense).

Enfin, l’avocat général a demandé à ce que soient déclarés sans objet deux des pourvois, formés contre des décisions de Fort-de-France, et soutenus par Me Patrice Spinosi. En effet, le requérant (des deux pourvois) a entre-temps été renvoyé devant une juridiction, sa détention est donc désormais fondée sur un autre titre, c’est pourquoi les pourvois sont sans objet, dit la jurisprudence de la Cour, car dirigés contre des décisions qui ne fondent plus la détention dont il est soutenu qu’elle est arbitraire. Me Spinosi demande à la Cour de cassation de changer sa jurisprudence en la matière, qu’il estime d’un autre temps, et pourtant : « vous continuez toujours à déclarer irrecevables des pourvois contre des décisions certes illégales mais qui ne fondent plus la détention qui fait grief », déplore-t-il, et il rappelle que des droits fondamentaux, comme celui à un recours effectif ou la liberté individuelle, demeurent violés. « L’ordonnance de mise en accusation ne peut servir de pansement rétroactif », et il demande néanmoins, comme les autres requérants, la cassation sans renvoi des décisions attaquées.

Les deux autres pourvois sont admis et les avocates plaident sur le fond. Cette situation « extrêmement inédite », selon les mots de Me Hélène Farge, qui représente l’un des requérants, amène la Cour à se poser de nombreuses questions. La première, évidente : les arrêts attaqués sont-ils fondés à avoir « constaté la prolongation automatique » de la détention provisoire des personnes dont ils avaient à connaître la situation ? L’ordonnance le permettait-elle ? Sa rédaction est-elle claire au point que son interprétation se déduirait nécessairement de sa lettre ? Quelle est l’intention du législateur ?

Les requérants s’appuient tout d’abord sur les travaux préparatoires à l’ordonnance, « pendant lesquels il n’a jamais été question de supprimer le contrôle du juge », dit Me Farge. Ceci peut se déduire de l’existence de l’article 19 de la même ordonnance, qui organise les débats de prolongation de la détention provisoire, et les adapte à la situation sanitaire, permettant qu’ils se tiennent par visioconférence ou même exclusivement par écrit. Si des conditions particulières ont été envisagées pour qu’un débat puisse se tenir dans des conditions extraordinaires, disent les requérants, c’est bien qu’il n’a pas été envisagé de s’en passer. Or « le juge doit interpréter dans le sens de l’intention du législateur », dit Me Farge, mais également : « Lorsqu’une atteinte est portée aux libertés fondamentales, il faut que ce soit exprimé clairement dans la loi. Je ne comprends pas comment un juge judiciaire peut avoir une interprétation contraire à la Constitution ».

L’avocat général s’est d’abord livré à un raisonnement sur l’interprétation à donner à l’expression « délai maximum » contenue dans l’article 16 de l’ordonnance, estimant que les deux interprétations étaient valables, celle de la circulaire comme celle défendue par les requérants. Mais « admettre l’exactitude d’une interprétation, ce n’est pas en admettre la légalité ». Est-elle conforme aux droits fondamentaux ? « L’automaticité du contrôle judiciaire de la détention provisoire, au cours d’une audience publique et contradictoire, doit être regardée comme un élément essentiel de la garantie de la liberté individuelle confiée par l’article 66 de la Constitution au juge judiciaire. La seule circonstance que les désordres résultant d’une grave crise sanitaire rendent incertaine la possibilité de l’assurer dans les délais impartis ou commandent de limiter les audiences ne peut justifier que la tenue de ce contrôle soit suspendue pendant six mois », estime l’avocat général, qui invoque également un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme allant en ce sens (CEDH 3 mars 2020, Bas c. Turquie, req. n° 66448/17).

Mais cela n’emporterait pas, selon lui, l’illégalité de ces dispositions. « Il nous semble en effet possible et souhaitable de les interpréter de manière conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. À cet effet, vous pourriez juger que la prorogation, pour une durée de six mois, prévue à l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de priver la personne détenue, pendant toute la période considérée, du droit […] que la nécessité de la privation de liberté dont elle fait l’objet soit examinée par la chambre de l’instruction. Vous pourriez préciser qu’un tel débat devrait se tenir dans un délai raisonnable, qui ne saurait excéder trois mois à compter de la date à laquelle la prorogation a pris effet », propose-t-il.

Me Claire Waquet, pour le deuxième requérant, évoque son cas particulier : l’homme détenu faisait déjà l’objet d’une ordonnance de mise en accusation, il avait été régulièrement convoqué en vue de voir sa détention prolongée et, une fois tout le monde en place et à l’issue d’un débat, la décision fut prise de constater la prolongation automatique de la détention. « Il s’est passé que le juge de la prolongation a refusé de juger alors que toutes les conditions étaient réunies », a dit l’avocate. « Il s’est trouvé plus de la moitié des chambres de l’instruction de France pour décider qu’il n’y avait pas besoin de juger, voici des magistrats qui, régulièrement saisis, ont refusé de statuer sur des prolongations. C’est grave, cette espèce d’abandon de pouvoir », plaide-t-elle. « Il y a en effet quelque paradoxe à tenir une audience pour opposer une disposition dont l’objet est précisément de dispenser de sa tenue », estime l’avocat général, qui demande la cassation de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Paris, mais également la cassation de l’arrêt de la chambre de l’instruction de Grenoble. « Dès lors que, régulièrement saisie, elle s’était réunie pour statuer sur la prolongation de la détention provisoire, la chambre de l’instruction ne pouvait se borner à opposer que la mesure était prolongée de plein droit. » Les décisions seront rendues le 26 mai.

Auteur d'origine: babonneau

Dans un arrêt rendu le 17 mars 2020, la chambre criminelle s’est prononcée sur la question de la mise en œuvre de la responsabilité pénale des utilisateurs de matériel de sonorisation, à l’occasion d’un rassemblement festif à caractère musical n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable.

En l’espèce, dans les jours qui avaient suivi un tel rassemblement, une saisie des véhicules des personnes présentes sur les lieux et de matériel de sonorisation, se trouvant en partie au sein de ces véhicules, avait été opérée. Dans le même temps, les organisateurs du festival ainsi que les utilisateurs des matériels de sonorisation saisis avaient été poursuivis devant le tribunal de police du chef de l’infraction visée par l’article R. 211-27 du code de la sécurité intérieure. Leur culpabilité avait été retenue à l’issue de la décision rendue en première instance. Par la suite, un appel avait été formé par les parties et seule la culpabilité des organisateurs de l’événement avait été retenue par l’arrêt. Le procureur général a finalement attaqué cet arrêt devant la chambre criminelle, et reproché aux juges du fond d’avoir violé les articles L. 211-15 et R. 211-27 du code de la sécurité intérieure en relaxant les utilisateurs des matériels de sonorisation. En effet, le pourvoi déduisait, du fait que ces deux articles prévoient la saisie du matériel utilisé puis la confiscation du matériel saisi, la possibilité de mettre en œuvre la responsabilité pénale des utilisateurs de matériel de sonorisation au même titre que celle des organisateurs.

La chambre criminelle a cependant rejeté le moyen soulevé par le pourvoi et adopté une lecture fidèle au principe d’interprétation stricte de la loi pénale, de l’infraction d’organisation sans déclaration préalable d’un rassemblement festif à caractère musical. En effet, elle rappelle que « seuls les organisateurs encourent les peines prévues pour l’infraction d’organisation sans déclaration préalable d’un rassemblement exclusivement festif à caractère musical ».

En déduisant des articles L. 211-15 et R. 211-27 du code de la sécurité intérieure le fait que les peines encourues par les organisateurs visaient également les utilisateurs du matériel de sonorisation, le pourvoi a ainsi fait une interprétation extensive de la loi pénale.

Le pourvoi aurait donc dû, pour pouvoir valablement attaquer l’arrêt rendu par les juges du fond, critiquer les motifs par lesquels ces derniers s’étaient fondés pour exclure la qualité d’organisateur s’agissant des prévenus ayant bénéficié de la relaxe.

Auteur d'origine: Gayet

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit au recours effectif) de la Convention européenne en raison de l’évacuation de plusieurs familles roms d’un campement à La Courneuve en 2013.

Le préfet de la Seine-Saint-Denis avait eu recours à l’encontre des requérants à la procédure prévue à l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000. Celle-ci permet l’expulsion d’un campement illégal de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques après mise en demeure et sans intervention préalable d’un juge. Les occupants peuvent former un recours en annulation suspensif devant le tribunal administratif. En l’espèce, le recours de l’un d’entre eux avait été déclaré irrecevable au motif qu’il n’établissait pas résider sur le terrain en cause. Si la cour administrative d’appel de Versailles a jugé la requête recevable, dix-huit mois plus tard, elle l’avait rejeté au fond.

La CEDH rejette le grief fondé sur l’article 3 (traitements inhumains et dégradants) dès lors, notamment, que les requérants ont quitté le terrain d’eux-mêmes, dans la nuit précédant l’évacuation. Elle estime qu’il n’y a pas non plus d’atteinte au respect du domicile dès lors que les familles n’étaient installées que depuis six mois. En revanche, elle considère qu’il y a une atteinte à la vie privée et familiale. Pour la Cour, « il n’y a pas de doute que les autorités avaient en principe le droit d’expulser les requérants, qui occupaient un terrain communal illégalement ». En revanche, les modalités de l’expulsion posent problème. Le bref délai entre la décision et l’évacuation a fait qu’aucune mesure, notamment de relogement comme prévu par une circulaire de 2012 n’a été prise. En outre, « en raison de la procédure de mise en demeure appliquée, le recours prévu par le droit interne est intervenu après la prise de décision par l’administration, alors que dans d’autres cas, le juge judiciaire examine la proportionnalité de la mesure avant de prendre sa décision ». La Cour reproche également à la France de n’avoir pas pris en compte l’appartenance des requérants à un groupe socialement défavorisé soit pour ne pas les expulser, soit pour les reloger.

Elle conclut également que les requérants n’ont pas bénéficié d’un recours effectif au sens de l’article 13. Le recours institué par l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 devant un juge indépendant « paraît effectif », concède la Cour. Toutefois, en l’espèce, « le magistrat délégué ne l’a pas examiné au fond, mais l’a déclaré irrecevable ». Appréciation qui fut renversée par la cour administrative d’appel, mais dix-huit mois après l’évacuation du campement. La France est condamnée à verser 7 000 € pour préjudice moral à chacun des requérants.

Auteur d'origine: Montecler
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Saisi par l’ordre des avocats du barreau de Martinique et une vingtaine de détenus, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a ordonné le 4 avril 2020 à l’administration de distribuer des masques aux détenus de la prison de Ducos en cas de contact avec d’autres détenus ou s’ils sont employés à la distribution des repas en tant qu’auxiliaires. Il a également enjoint à l’établissement de se doter d’une quantité suffisante de tests pour y réaliser des dépistages ciblés du covid-19.

Par un recours, la ministre de la justice et le centre pénitentiaire de Ducos ont contesté devant le juge des référés du Conseil d’État cette ordonnance.

Par une ordonnance du 7 mai 2020, le juge des référés du Conseil d’État a donné partiellement raison à l’ordre des avocats martiniquais en ordonnant à l’administration de fournir un masque de protection aux détenus à l’occasion de leurs contacts avec l’extérieur afin de les protéger du risque de contamination.

Le juge des référés a été saisi sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures. Ce référé suppose pour l’essentiel deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La première condition ne posait aucune difficulté dans la mesure où celle-ci est par nature présumée en raison de l’état d’urgence sanitaire appliqué depuis le 24 mars 2020. La deuxième condition a fait l’objet d’une importante motivation de la part du juge des référés. Il convient de préciser que l’article L. 3131-18 du code de la santé, créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 modifiée d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prévoit expressément que les décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire peuvent faire l’objet devant le juge administratif d’un recours présenté, instruit et jugé selon les procédures prévues pour les référés-suspension et pour les référés-libertés. Cette décision est l’occasion de faire un point sur le contrôle effectué par le juge du Palais Royal en cette matière.

Le contrôle de l’urgence

L’article L. 3131-19 du code de la santé publique modifié par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit que les mesures « prises en application du présent chapitre peuvent faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ». La condition d’urgence est par ailleurs regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier ). Il convient de relever que la condition d’urgence est toujours présumée satisfaite dans les recours formés contre les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence de la loi du 3 avril 1955 modifiée. La condition d’urgence n’a jamais posé de difficulté pour le Conseil d’État à ce niveau.

Le contrôle de la notion de liberté fondamentale en cause

Rapporté au cas soumis, le Conseil d’État juge des référés a eu l’occasion d’indiquer que le droit au respect de la vie et le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence qu’il a posée (CE 23 nov. 2015, n° 394540, Ministre de l’Intérieur, Lebon ; AJDA 2016. 556 , note J. Schmitz ; ibid. 2015. 2238 ; D. 2015. 2624, entretien D. Roman et S. Slama ; ibid. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RDSS 2016. 90, note D. Roman et S. Slama ). Sur le plan de notre corpus juridique, il convient de rappeler que le droit au respect de la vie figure notamment à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il en est de même du droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants rappelé notamment par l’article 3 de ladite Convention ainsi que du droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé, qui constituent des libertés fondamentales (CE 30 juill. 2015, n° 392043, Section française de l’observatoire international des prisons (OIP-SF), Dalloz actualité, 31 juill. 2015, art. J. Mucchielli ; ibid. 31 août 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1567 ; ibid. 2216 , note O. Le Bot . Ainsi, lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence (CE 22 mars 2020, n° 439674, préc. ;  27 mars 2020, n° 439720, GISTI, Dalloz actualité, 1er avr. 2020, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2020. 700 ; 2 avr. 2020, n° 439763, Fédération nationale Droit au logement, Dalloz actualité, 9 avr. 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 756 ; JA 2020, n° 618, p. 12, obs. D. Castel ; AJ fam. 2020. 203 et les obs. ). C’est ainsi que le juge des référés du Conseil d’État a retenu que l’action ou la carence de l’autorité publique s’agissant de la prévention de la propagation du covid-19 est susceptible de créer un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence (CE, réf., 22 mars 2020, Syndicat jeunes médecins, n° 439674, préc.).

Le contrôle opéré dans le milieu carcéral et la question de la fourniture des masques aux détenus

Dans son rapport d’activité 2018, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonçait l’état des prisons françaises qui est une insulte aux valeurs et aux principes que notre République est supposée porter, constatant « les atteintes à l’ensemble des droits fondamentaux qui contribuent à la dignité de la personne » tels « le droit à la santé, les droits de la défense, le droit à la réinsertion, le droit au maintien des lieux familiaux, le droit à l’intimité, le droit d’exercer librement son culte […] face à une culture sécuritaire qui ne cesse d’imposer de nouvelles contraintes ». La situation des prisons en outre-mer est encore plus préoccupante. Le cas du centre pénitentiaire de Ducos en est une illustration. Contrôlé en novembre 2009, il a fait l’objet d’un deuxième contrôle en octobre 2017, accusant un état de surpopulation carcérale. Il convient de noter que le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane) se trouve également dans une situation similaire, avec toutefois des conditions d’hygiène et d’atteinte à la dignité particulièrement dégradées, lesquelles ont été dénoncées par le député guyanais Gabriel Serville lors d’une question orale le 17 janvier 2018 adressée à la garde des Sceaux. Cet établissement a connu une mutinerie très violente le 1er avril 2020, eu égard aux conditions carcérales qui n’ont fait que se détériorer avec l’état d’urgence sanitaire et aux fortes contraintes qui lui sont liées.

Dans l’ordonnance commentée, le juge des référés du Palais-Royal, a intégré la configuration des lieux du centre pénitentiaire de Ducos s’agissant des relations entre les personnes détenues et les intervenants extérieurs. Il fait un constat évident au terme de son instruction et des pièces complémentaires qu’il a demandé à l’administration de lui produire : « Il ressort de ces mêmes éléments que si l’administration pénitentiaire envisage, le cas échéant, de les autoriser à porter, le temps de ces échanges, le masque de protection qui leur aurait été apporté par l’intervenant extérieur, le principe reste que les personnes détenues ne seront pas dotées d’un masque lors de ces contacts ». En réalité, il en ressort que les personnes détenues auraient été les seules à ne pas avoir de masques de protection lors de leurs contacts avec des intervenants extérieurs, notamment les avocats et les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Il apparaît dès lors pour lui que « l’absence de fourniture d’un masque de protection non sanitaire aux personnes détenues afin qu’elles puissent le porter le temps des échanges avec le ou les intervenants extérieurs révèle, de manière caractérisée, une carence de nature à justifier, eu égard aux libertés fondamentales invoquées ». Dès lors, il confirme l’injonction donnée par le juge des référés administratif martiniquais et enjoint à la ministre de la justice et au chef d’établissement du centre pénitentiaire de Ducos de fournir, à compter du 11 mai 2020, un masque de protection non sanitaire aux personnes détenues appelées à se rendre à un « parloir avocat », une commission de discipline ou un entretien avec un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ne pouvait qu’être confirmée. L’administration pénitentiaire a une obligation de résultat en l’espèce puisqu’elle devra distribuer des masques à l’occasion de chaque contact, les masques utilisés devant lui être remis après utilisation.

La question des masques dans le milieu carcéral avait fait l’objet de décisions de rejet de la part du juge des référés du Conseil d’État dans différents établissements pénitentiaires (Rouen, v. CE, réf., 22 avr. 2020, M. Vandromme, n° 440056 ; Alençon-Condé, v. CE, réf., 14 avr. 2020, M. Vandevelde, n° 439924). On peut également citer la décision rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte à propos du centre pénitentiaire de Majicavo (TA Mayotte, réf., 17 avr. 2020, M. Attoumane et a., n° 2000511). La décision rendue le 4 avril 2020 par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique contestée par l’administration venait donc en contrepoint des décisions jusqu’alors rendues. Dans ces différentes décisions rendues sous l’épidémie covid-19, le juge du Palais-Royal rappelle un postulat préalable, à savoir qu’il revient aux autorités publiques, face à une épidémie, telle que celle que connaît aujourd’hui la France pour le covid-19, de prendre toute mesure de nature à prévenir ou limiter les effets de cette épidémie, cela afin de protéger et sauvegarder la population, faisant ainsi peser une obligation de moyens renforcée.

Cette décision nous permet de faire deux constats au niveau du contrôle effectif exercé par le juge administratif. En premier lieu, il apparaît que le Conseil d’État entend très clairement limiter son office en matière de référé : il tient en général pour acquises les mesures d’organisation du service présentées par l’administration. En clair, l’administration est présumée bien faire et faire ce qu’elle peut sans être astreinte à la démonstration forte de la mise en œuvre de cette obligation de faire et de sa pertinence. En deuxième lieu, il a tendance à prendre trop souvent acte des mesures prises par l’État pour gérer la pénurie. En réalité, il ne procède pas à une analyse fine des engagements pris antérieurement par l’État et de l’effectivité de ceux-ci, notamment au regard de mesures actées dans des décisions rendues précédemment. Il ne s’interroge pas sur les autres options et alternatives possibles par rapport aux solutions préconisées par l’administration. À notre sens, il serait judicieux au contraire qu’en période d’exception et d’affaiblissement du socle protecteur garant des libertés individuelles, que le contrôle devint plus audacieux et exigeant, dans des matières où les libertés fondamentales sont en jeu. En effet, selon nous, le juge doit être particulièrement exigeant avec l’administration lorsque celle-ci dispose de moyens exceptionnels et dérogatoires du droit commun qui impactent les libertés. La population carcérale est, sur ce point, comme l’a relevé le juge du Palais-Royal, une population particulièrement vulnérable au regard de sa situation. Nous savons que le Conseil d’État est attaché à ne pas franchir le seuil d’un certain contrôle pour éviter de se transformer le juge administratif en juge administrateur se substituant à l’administration dans sa gestion. Cependant, sans aller jusque-là, il nous semble que, dans les situations de crise telles que celles que nous traversons, il conviendrait d’aller au-delà du contrôle traditionnel et limité prenant acte le plus le plus souvent de la bonne volonté de l’administration au profit d’un examen in concreto de manière fine et effective des mesures prises par l’administration, de leurs effets sur les personnes et les libertés, de la démonstration par l’administration de l’utilité de telles mesures et des alternatives possibles. Lorsque les libertés fondamentales sont en question et en jeu, le rôle d’un juge n’est-il pas de s’interroger sur la pertinence des mesures prises ou les contraintes imposées et leurs applications effectives au niveau des valeurs et des principes qui font de nous ce que nous sommes, des êtres épris de libertés, étant souligné que tout notre système juridique est fondé d’abord et avant tout sur la notion de liberté individuelle, les contraintes imposées ne devant être que des exceptions et aucunement des solutions de facilité de gérer les problèmes sociétaux, cela même en période de crise très forte. La décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, rendue par le Conseil constitutionnel vient au demeurant de mettre en exergue les carences du législateur dans la protection des libertés individuelles en matière de mesure d’isolement et de quarantaine. S’agissant du contrôle de ces mesures, il a rappelé que la liberté individuelle ne peut être sauvegardée que si le juge pouvait être saisi et intervenir dans le plus court délai possible. On note que la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a donc éclaté le contentieux des mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui ne relèvera plus du seul juge administratif, le juge des libertés et de la détention étant seul en charge de contrôler toutes les mesures de contrainte en matière de quarantaine et d’isolement en application de son article 5.

Il est évident que l’ordonnance prise par le juge administratif des référés du tribunal administratif martiniquais a permis une certaine évolution dans la protection des détenus, l’administration ayant pris soin de prendre d’ailleurs des mesures pendant le délai d’appel pour améliorer leur situation que le juge des référés du Conseil d’État a acté dans sa décision. En effet, il convient de noter que les recours et mémoires ont été enregistrés les 18, 23, 28 et 30 avril et les 5 et 6 mai 2020 pour une ordonnance qui a été rendue le 7 mai.

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À l’occasion d’appels interjetés contre deux jugements de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, les parties demanderesses aux instances ont questionné la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 131-11 du code des juridictions financières (CJF). Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont ainsi transité de la Cour des comptes au Conseil d’Etat pour finalement rejoindre le Conseil constitutionnel, lequel les a réunies pour statuer par une seule décision.

L’article L. 131-11 du CJF dispose que « les comptables de fait [personnes maniant les deniers publics sans avoir la qualité de comptable public nécessaire pour le faire] peuvent, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l’article 433-12 du code pénal, être condamnés à l’amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ».

L’article 433-12 cité dans l’extrait porte sur l’usurpation de fonctions publiques, qu’il s’agisse donc de celle de comptable public ou d’une autre.

En excluant ainsi uniquement la possibilité de poursuivre la personne pour gestion de fait dès lors qu’elle a déjà été poursuivie sur le fondement de l’article 433-12 du code pénal, les dispositions contestées rendent finalement possibles la poursuite de cette personne sur le fondement de l’article L. 131-11 du CJF lorsqu’il a déjà fait l’objet d’autres poursuites sur le fondement d’autres dispositions que celles de l’article 433-12 du code pénal.

Or, les requérants estiment que cette possibilité de cumul de poursuites va à l’encontre du principe de nécessité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dès lors qu’elles risquent de porter sur les mêmes faits, de protéger les mêmes intérêts sociaux et de donner naissance à des sanctions de même nature. Ils citent à ce titre les poursuites pénales pour abus de confiance, concussion, corruption passive, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux.

Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a déjà jugé que le cumul de poursuites n’était pas nécessairement inconstitutionnel. Celui-ci doit en effet répondre à au moins une des trois conditions suivantes pour ne pas être déclaré contraire au principe de nécessité des délits et des peines auquel le principe non bis in idem est assimilé (selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement une seconde fois à raison des mêmes faits) : les poursuites portent sur des faits qualifiés de manière non identique, conduisent au prononcé de sanctions de nature différente ou visent à protéger des intérêts sociaux distincts (v. not. Cons. const., 30 mars 2017, n° 2016-621-QPC, D. 2017. 765 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 296, chron. C. Pouly ; RSC 2017. 325, obs. A. Cerf-Hollender ; Cons. const., 30 sept. 2016, n° 2016-572-QPC, D. 2016. 1926 ; ibid. 2424, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, L. Miniato et S. Mirabail ; ibid. 2017. 1328, obs. N. Jacquinot et R. Vaillant ; AJ pénal 2016. 588, obs. J. Lasserre Capdeville ; Rev. sociétés 2017. 99, note H. Matsopoulou ; Constitutions 2016. 545, chron. ; RSC 2017. 536, obs. F. Stasiak ; Cons. const., 18 mars 2015, n° 2014-453/454-QPC, AJDA 2015. 1191, étude P. Idoux, S. Nicinski et E. Glaser ; D. 2015. 894, et les obs. , note A.-V. Le Fur et D. Schmidt ; ibid. 874, point de vue O. Décima ; ibid. 1506, obs. C. Mascala ; ibid. 1738, obs. J. Pradel ; ibid. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2015. 172, étude C. Mauro ; ibid. 179, étude J. Bossan ; ibid. 182, étude J. Lasserre Capdeville ; Rev. sociétés 2015. 380, note H. Matsopoulou ; RSC 2015. 374, obs. F. Stasiak ; ibid. 705, obs. B. de Lamy ; RTD com. 2015. 317, obs. N. Rontchevsky ; 2015-462 QPC).

En l’espèce, le Conseil constitutionnel rappelle et applique sa jurisprudence relative au principe non bis in idem aux termes des considérants 5, 9 et 10.

Il s’attarde en premier lieu sur les exemples de cumul relevés par les requérants. Il estime ainsi que les poursuites pour abus de confiance, concussion, corruption passive, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux portent sur des faits qualifiés de manière distincte par rapport aux poursuites pour gestion de fait et ne sont, par conséquent, pas contraire au principe de nécessité des délits et des peines : « si [ces] incriminations […] sont susceptibles de réprimer des faits par lesquels une personne s’est rendue coupable de gestion de fait, elles ne se limitent pas, contrairement à cette dernière infraction, à cette seule circonstance ».

En second lieu, afin d’exclure la possibilité de cumul de poursuites pour lequel aucune des trois conditions ne serait remplie, le Conseil émet une réserve d’interprétation à l’égard des dispositions de l’article L. 131-11 du CJF : « […] si les dispositions contestées rendent possibles d’autres cumuls, entre les poursuites pour gestion de fait et d’autres poursuites à des fins de sanction ayant le caractère de punition, ces cumuls éventuels doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu’une même personne ne puisse faire l’objet de plusieurs poursuites susceptibles de conduire à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux ».

Sous cette réserve, l’article L. 131-11 du CJF est déclaré conforme à la Constitution.

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La prescription de l’action publique implique le respect de la présomption d’innocence

Dans cette affaire, la requérante exerçait la profession de magistrat en Lituanie. Sur le fondement de l’article 114, § 2, de la Constitution lituanienne, des articles 47, § 3, et 89, § 1, de la loi lituanienne sur les tribunaux, et sur proposition du procureur général, le président de la République de Lituanie, Valdas Adamkus, suspendait sans traitement la requérante (par un décr. du 21 févr. 2006) de ses fonctions et autorisait des poursuites pénales à son encontre pour abus de pouvoir (C. pén. lituanien, art. 228, § 1) et faux en écritures publiques (C. pén. lituanien, art. 300, § 2). Les faits visés par ces incriminations s’inscrivaient dans le cadre d’une affaire jugée par la requérante en juin 2002. Plus précisément, celle-ci était accusée de falsification de documents et d’avoir exercé ses fonctions avec partialité, autorisant la privatisation d’un appartement à des conditions avantageuses au bénéfice d’un particulier.

Le 1er juillet 2011, une cour d’appel lituanienne reconnaissait que, sur le plan matériel, la requérante avait effectivement commis les infractions visées ci-dessus. Cependant, la juridiction ne pouvait condamner la requérante en raison des délais de prescription.

Toutefois, sur le fondement de l’article 90, § 1, 5, de la loi lituanienne sur les tribunaux, le Conseil de la magistrature recommandait le 15 juillet 2011 à la nouvelle présidente de la République, Dalia Grybauskaitė, de révoquer la requérante de ses fonctions pour avoir discrédité le titre de juge. La recommandation du Conseil de la magistrature était fondée sur les conclusions d’une enquête interne diligentée par une commission nommée le 29 mars 2011 par le président du tribunal du troisième district de la ville de Vilnius et sur ordre du Conseil de la magistrature. Ce dernier ajoutait, dans sa recommandation formulée au président de la République le 15 juillet 2011, qu’il avait pris en considération « la qualification juridique par la cour d’appel des actes de la requérante » (abus de pouvoir et faux en écritures publiques, respectivement sur le fondement des articles 228 et 300 du code pénal lituanien).

Sur le fondement des articles 112, § 1, 4 et 5, et 115, § 1, 5, de la Constitution, et de l’article 90, § 1, 5 et 6, de la loi lituanienne sur les tribunaux, le président de la République adoptait, le 18 juillet 2011, le décret n° 1K-764 révoquant sans traitement la requérante de ses fonctions. Le même jour, le bureau du président de la République publiait un communiqué de presse dans lequel était précisé que la requérante avait discrédité le titre de juge et causé un préjudice grave à l’État. Le communiqué ajoutait également que, bien que l’action publique eût été prescrite, les actes de la requérante n’en restaient pas moins constitutifs des infractions d’abus de pouvoir et de faux en écritures publiques prévues aux articles 228 et 300 du code pénal lituanien. Après quoi, afin de prévenir de telles situations, des amendements au code pénal ayant vocation à prolonger les délais de prescription furent adoptés à l’initiative du président de la République.

À la suite de l’arrêt rendu par la cour d’appel, la requérante forma toutefois un pourvoi en cassation en invoquant une violation à son égard de son droit à la présomption d’innocence. Le 8 mai 2012, la Cour suprême, siégeant en séance plénière de seize juges (plenariné sesija), reconnut au même titre que la cour d’appel que l’action publique était prescrite. Elle opéra cependant une rupture avec cette dernière en affirmant que certaines énonciations de la décision de la cour d’appel violaient le droit de la requérante à la présomption d’innocence car elles pouvaient être interprétées comme établissant que cette dernière était coupable d’un crime. En effet, selon la Cour suprême, « lorsque la procédure pénale [est] interrompue en raison du délai de prescription, la question de la culpabilité d’une personne [n’est] pas tranchée. […] Si le tribunal, en mettant fin à la procédure pénale, [déclare] également la personne coupable d’un certain crime, cela [constitue] une violation du principe de la présomption d’innocence, consacré à l’article 31 de la Constitution » en ce qu’il est relatif au droit à un procès équitable (§ 13).

Face à la Cour européenne des droits de l’homme, le gouvernement lituanien fit valoir que, « si exprimer des soupçons concernant l’innocence d’un accusé à la suite d’un acquittement définitif n’était pas admissible dans les cas où la procédure était close ou interrompue sans acquittement, certaines observations sur l’existence de soupçons pouvaient être admises (§ 121 ; CEDH 28 oct. 2003, Baars c. Pays-Bas, req. n° 44320/98, § 26-32, RSC 2004. 441, obs. F. Massias ) ».

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) retient finalement une violation du droit à la présomption d’innocence de la requérante sur le fondement que l’article 6, § 2, de la Convention européenne qui dispose que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

Une solution soulignant la puissance du droit

L’affaire présentée ici offre une matérialité mettant en évidence une culpabilité théorique de la requérante au titre de l’abus de pouvoir et du faux en écritures publiques. Seule la prescription de l’action publique apparaît réellement comme la cause de son irresponsabilité pénale. Une telle situation peut apparaître sur un plan éthique comme contestable. La décision de la CEDH démontre donc la puissance du droit et peut ouvrir la voie à une réflexion : la prescription de l’action publique devrait-elle permettre au juge de statuer en équité plutôt qu’en droit ? En droit français, statuer en équité existe en matière civile et commerciale en cas de recours à l’arbitrage (C. pr. civ., art. 1512).

Le traitement d’un fonctionnaire constitue un bien protégé au titre du droit de propriété

L’abandon de la poursuite pénale à l’encontre de la requérante pour cause de prescription (§ 12) s’est accompagné d’actions de la part de cette dernière dans le but d’obtenir le remboursement de ses traitements impayés pour la période du 21 février 2006 au 18 juillet 2011. Cette demande a été rejetée aussi bien dans le cadre d’une action en réclamation (§ 32-35) que dans le cadre d’une action en réparation (§ 55).

La requérante a donc fait valoir que ses traitements constituaient une « possession ». Aussi bien face aux juridictions internes que face à la Cour européenne, elle fonda sa prétention sur l’article 47, § 3, de la loi lituanienne sur les tribunaux. Selon la version de cette disposition applicable le 21 février 2006, le magistrat est rétabli dans ses fonctions et son traitement remboursé si celui-ci « [a été] déclaré innocent dans le cadre d’une procédure pénale (§ 58). Selon la version applicable le 18 juillet 2011, moment du licenciement de la requérante, le magistrat est rétabli dans ses fonctions et son traitement remboursé s’il « [n’a] pas été reconnu coupable par un jugement de justice dans le cadre d’une affaire pénale » (§ 58).

L’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit de propriété. Il dispose que : « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Devant la CEDH, la question qui se posait était donc de savoir si les traitements de la requérante constituaient des biens au sens dudit protocole, et si la suspension de leur versement était révélatrice d’une ingérence illicite.

Le traitement assimilable à un bien au sens de la Convention européenne des droits de l’homme

La Cour européenne affirme clairement qu’elle « partage l’avis de la requérante selon lequel la version de 2008 de l’article 47, § 3, de la loi lituanienne sur les tribunaux créait l’attente légitime selon laquelle, si elle n’était pas reconnue coupable, la requérante pourrait obtenir son traitement » (§ 96 ; v. CEDH 13 déc. 2016, Béláné Nagy c. Hongrie, req. n° 53080/13, § 72-79, AJDA 2017. 157, chron. L. Burgorgue-Larsen ; Dr. soc. 2017. 355, étude G. Raimondi ; ibid. 955, chron. J.-P. Marguénaud et J. Mouly ). La CEDH conclut ainsi que l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention européenne est applicable. Le refus des autorités nationales d’indemniser la requérante pour son traitement impayé constitue donc, selon la Cour européenne, un « contrôle de l’utilisation » des biens (au sens de l’art. 1, al. 2, du Protocole n° 1 de la Conv. EDH) et donc une ingérence dans son droit à la jouissance paisible de ses biens (§ 96 ; CEDH 2 juill. 2013, R.Sz. c. Hongrie, n° 41838/11, § 31-33).

La privation de propriété : une ingérence illicite en l’absence de prévisibilité de la loi l’autorisant

La Cour européenne rappelle que les conditions de licéité d’une ingérence dans les biens d’une personne physique ou morale sont résumées au sein de ses précédents jurisprudentiels (CEDH 2 juill. 2013, req. n° 41838/11, préc., § 35-37) : l’article 1 du Protocole 1 de la Convention européenne « autorise la privation de biens sous réserve des conditions prévues par la loi. L’existence d’une base juridique en droit interne ne suffit pas, en soi, pour satisfaire au principe de légalité. Celle-ci doit être compatible avec l’état de droit et doit fournir des garanties contre l’arbitraire, en plus d’être conformes au droit interne de l’État contractant, y compris à sa Constitution. Les normes juridiques sur lesquelles la privation de propriété est fondée devraient être suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application » (CEDH 8 déc. 2005, Guiso-Gallisay c. Italie, req. n° 58858/00, § 82-83, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2009. 285, note M. Van Brustem et E. Van Brustem ).

La CEDH ajoute qu’« une règle est “prévisible” lorsqu’elle prévoit une mesure de protection contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics (CEDH, gr. ch., 7 juin 2012, Centro Europa 7 Srl et Di Stefano c. Italie, req. n° 38433/09, § 143). De même, la loi applicable doit prévoir des garanties procédurales minimales proportionnelles à l’importance du principe en jeu (CEDH, gr. ch., 14 sept. 2010, Sanoma Uitgevers BV c. Pays-Bas, req. n° 38224/03, § 88, Dalloz actualité, 12 oct. 2010, obs. S. Lavric ; Légipresse 2010. 269 et les obs. ; ibid. 2011. 157, comm. C. Fruteau ; RSC 2011. 223, obs. J.-P. Marguénaud  ; 25 oct. 2012, Vistiš et Perepjolkins c. Lettonie, req. n° 71243/01, § 96-98) ».

Ainsi, en l’espèce, la Cour européenne note que, par une décision de cour d’appel du 20 avril 2016 qui faisait référence aux décisions antérieures des juridictions internes dans l’affaire civile de la requérante, était invoqué l’article 47, § 3, de la loi lituanienne sur les tribunaux, tel qu’amendé en 2008 et tel qu’il était en vigueur au moment du licenciement de la requérante (§ 55). Mais, en se référant à la version modifiée de l’article 47, § 3, de la loi sur les tribunaux, le pouvoir judiciaire national a, selon la Cour, « ajouté un élément statutaire supplémentaire qui n’avait jamais fait partie de l’appréciation au regard du droit interne, à savoir que le versement d’une indemnité était conditionné à une suspension déraisonnable de fonctions » (§ 112).

La Cour européenne prit ensuite acte des prétentions de la requérante selon lesquelles « la question de savoir si les pouvoirs d’un juge ont été initialement suspendus de manière raisonnable n’a aucune incidence sur son droit à un traitement, à moins qu’elle ne soit reconnue coupable par un jugement définitif du tribunal » (§ 100 in fine ; § 112).

La CEDH conclut enfin que les arguments des juridictions lituaniennes « manquaient de précision et de cohérence, [que] ces arguments n’étaient pas conformes à la lettre de la loi telle que jugée applicable par la cour d’appel dans son arrêt du 20 avril 2016 [et que] les décisions devraient être considérées comme arbitraires » (§ 112 ; comp. et opposer à CEDH, gr. ch., 28 sept. 2004, Kopecký c. Slovaquie, req. n° 44912/98, § 56, AJDA 2005. 541, chron. J.-F. Flauss ; D. 2005. 870 , note C. Bîrsan et J.-F. Renucci ).

La Cour européenne poursuit sa réflexion en mettant en avant dans le cas d’espèce l’absence de base légale qui aurait autorisé une ingérence dans le droit de propriété de la requérante. Elle affirme en effet que, si la requérante n’a pas été rémunérée en raison de sa suspension concomitante à la procédure disciplinaire activée à son encontre, il n’existait cependant, ni en 2006 ni en 2011 (au moment de son licenciement), de base légale autorisant la suspension d’un magistrat durant la procédure disciplinaire dont il faisait l’objet, une telle mesure n’ayant été rendue possible que postérieurement (§ 106).

La CEDH conclut alors que, pour la requérante, il n’était « pas prévisible qu’en l’absence de condamnation, elle se verrait refuser le paiement de son salaire pour la durée de sa suspension pendant la procédure pénale » (§ 115). Dès lors que l’ingérence dans les droits de la requérante au titre de l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention n’avait donc aucun fondement juridique, il n’était pas nécessaire selon la Cour d’examiner si cette ingérence avait un but légitime et si elle était proportionnée » (§ 115).

À cinq votes contre deux, la Cour européenne des droits de l’homme retient l’atteinte au droit de propriété de la requérante par violation de l’article 1 du Protocole 1 de la Convention européenne. Cette dernière se voit ainsi indemnisée à hauteur de 94 390 € au titre de son préjudice patrimonial.

Une solution appliquant une conception non extensive de la notion de « biens »

Sur le plan du droit des biens, les traitements et salaires ne doivent, semble-t-il, pas être assimilés à des notions indépendantes des éléments qui les composent. L’argent versé au titre d’un salaire ou d’un traitement est un élément du patrimoine qui est protégé par le droit de propriété. La conception de la notion de « biens » qui est donc ici effectuée par la Cour européenne ne semble pas devoir être considérée comme extensive.

Auteur d'origine: ccollin
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Depuis le 18 mars, un dispositif de surveillance aérien par drones a été déployé par la préfecture de Police de Paris dans le cadre du confinement. Ce n’est que le 25 avril, par le biais d’un article publié par Mediapart (C. Le Foll et C. Pouré, Avec le confinement, les drones s’immiscent dans l’espace public) que la préfecture de police a apporté des précisions par la communication de deux documents (« L’emploi des drones à la PP dans le cadre des mesures de confinement et de protection des populations » : interview  et communiqué).

Sur le fondement de ces communications, deux associations, La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à demander la suspension de « la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020 un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement », et l’injonction au préfet de police de cesser la captation, l’enregistrement, la transmission et l’exploitation de ces images, et de détruire les images déjà captées.

Rappelons que les drones utilisés pour le compte de l’État dans le cadre de missions de police, lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifie, peuvent évoluer en dérogation aux dispositions de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent (art. 8) et de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord (art. 10).

Le cas échéant, d’une part, l’utilisation de drones dans le cadre d’une mission de police est régie par les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la vidéoprotection (CSI, art. L. 251-1 à L. 263-1), sous réserve d’utiliser ces drones pour l’une des finalités visées par la liste limitative de l’article L. 251-2 du même code (M. Bourgeois et B. Touzanne, Les aéronefs civils télépilotés avec capteurs : des « drones de droit », CCE 2015. Étude 22, spéc. n° 13).

Le cas échéant, d’autre part, l’utilisation de drones dans le cadre d’une mission de police est limitée par le droit au respect de la vie privée (C. civ., art. 9 ; C. pén., art. 226-1) ainsi que par le droit à la protection des données personnelles (Règl. (UE) 2016/679 du 27 avr. 2016 ; Dir. (UE) 2016/680 du 27 avr. 2016. – V. sur cette articulation : M. Bourgeois et B. Touzanne, préc. ; C. Rotily et L. Archambault, Drones civils professionnels et RGPD : enjeux liés à la collecte des données personnelles et au respect de la vie privée, Dalloz IP/IT 2019. 376 ).

C’est sur ce dernier fondement que les associations requérantes ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

Il ressort de l’interview communiquée par la préfecture de police que « l’objectif est de transmettre des images en temps réel au directeur des opérations, via la réalisation de plans d’ensemble permettant une vision élargie d’une situation dans l’espace public qui constitue une aide à la décision pour le commandement ». Le communiqué ajoute que les drones sont pilotés par des fonctionnaires disposant de la certification adéquate, et qu’ils sont équipés « d’une gamme d’accessoires permettant d’optimiser les différentes interventions, et dans le cadre du confinement, notamment, d’un haut-parleur qui informe le public par des messages d’informations et de mise en garde des contrevenants. Ils sont audibles jusqu’à 40 mètres de distance. Ces moyens aériens permettent également de guider les équipes au sol ». Plus spécifiquement, expose l’interview, « Les images captées, qui sont transmises sur une tablette à disposition de l’autorité responsable du dispositif ou sur un poste fixe dédié, installé dans le centre de commandement de la direction en charge de la conduite des opérations, sont prises en utilisant un grand angle pour filmer des flux de circulation, des rassemblements, des zones urbaines ou rurales ou la progression de cortèges. Elles ne permettent donc pas l’identification d’un individu, sauf lorsqu’elles sont utilisées dans un cadre judiciaire que ce soit en flagrance, en préliminaire ou au titre d’une instruction. Dans ce cadre, fixé par le code de procédure pénale, la captation, la transmission et l’enregistrement des images à partir de caméras à haute résolution est légalement fondée par la finalité même de l’activité judiciaire, c’est-à-dire l’identification des auteurs d’infractions et le rassemblement des preuves en vue de la manifestation de la vérité ».

À l’appui de ces éléments, le tribunal administratif juge qu’en matière de police administrative, « il ne résulte d’aucune des pièces du dossier que les services de la préfecture de police auraient utilisé les drones dans des conditions permettant d’identifier les individus au sol », et qu’en matière de police judiciaire, « il n’est pas non plus établi ni soutenu que les appareils auraient été utilisés dans un tel cadre, depuis le début du confinement ». En l’absence de telles pièces, la préfecture de police n’aurait pas procédé à un traitement de données à caractère personnel et ne serait donc pas soumise à ses dispositions, quand bien même elle aurait selon le tribunal « procédé à la collecte, à l’enregistrement provisoire et à la transmission d’images ».

L’une des associations requérantes a indiqué qu’elle allait exercer un recours à l’encontre de cette décision (La Quadrature du net, Nous attaquons de la police parisienne, mis à jour le 5 mai 2020).

Auteur d'origine: nmaximin

24 heures après la loi qui les a autorisés, le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 fixe les règles applicables aux traitements de données de santé dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Ces systèmes d’information seront au nombre de deux. Le traitement « Contact Covid », tout d’abord contiendra des informations sur les patients et leurs contacts. Il sera géré par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Le système d’information national de dépistage (SI-DEP) doit centraliser les résultats d’examens de dépistage du covid-19. Il est placé sous la responsabilité du ministre chargé de la santé qui en a confié la gestion à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris en qualité de sous-traitant.

Si le gouvernement a pu aller aussi vite c’est que le décret a été préparé en amont de l’examen de la loi. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a ainsi été consultée dès le 8 mai. Dans le communiqué qui a accompagné la publication de son avis, le 13 mai, la CNIL se félicite que ses recommandations aient été suivie.

L’autorité administrative indépendante a jugé le dispositif conforme au règlement général sur la protection des données. Elle a été convaincue « qu’en l’état des analyses scientifiques recueillies par le gouvernement, le dispositif d’enquêtes sanitaires et de suivi épidémiologique envisagé est nécessaire au déconfinement. » Elle demande toutefois que cette nécessité soit périodiquement réévaluée au vu de l’évolution de l’épidémie et des connaissances scientifiques. Elle appelle à une sécurisation maximale de l’accès à ces données et annonce qu’elle contrôlera « étroitement le dispositif ».

Il s’agit en effet de traiter des données très sensibles, touchant bien sûr à la santé des personnes mais aussi à leur vie privée puisque seront recueillies auprès des « patients zéro », les personnes testées positives, des informations sur les personnes avec lesquelles ils ont eu un contact dans les quatorze jours précédents (à moins qu’ils ne se refusent à en donner la liste, ce qu’ils sont en droit de faire). Pour des motifs de santé publique, le droit d’opposition a pratiquement été écarté. Le patient zéro peut cependant s’opposer à ce que son identité soit révélée aux « cas contact ». Ces derniers peuvent s’opposer au traitement des données les concernant recueillies auprès du patient zéro « à moins que ne prévalent les intérêts impérieux de santé publique. » En revanche, les autres droits prévus par le RGPD s’appliquent et toutes personnes concernées doivent en être informées.

Auteur d'origine: Montecler

À côté du prêt garanti par l’État (PGE), le mécanisme du fonds de solidarité constitue le principal dispositif financier mis en place par les pouvoirs publics au bénéfice des entreprises dont l’activité a été frappée de plein fouet par les mesures de confinement décidées pour endiguer la propagation du virus du covid-19. Il a été institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, laquelle a été complétée par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 modifié par le décret n° 2020-433 du 16 avril 2020. Le décret du 30 mars vient d’être modifié une nouvelle fois, par un décret du 12 mai.

Si les conditions d’éligibilité au PGE sont très larges, le fonds de solidarité, qui prend la forme d’une subvention d’un montant de 1 500 €, constitue en revanche un dispositif plus ciblé, puisque seules peuvent en bénéficier les très petites entreprises et à condition qu’elles aient fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, ou qu’elles aient subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 (Décr. 30 mars 2020, art. 2 mod.). Le fonds devait prendre fin à la fin du mois de mars. Il a été prolongé une première fois jusqu’à fin avril par le décret du 16 avril (art. 5). Il l’est une nouvelle fois, jusqu’à fin mai (et même jusqu’au 15 juin 2020 pour les associations, les artistes auteurs et les associés des groupements agricoles d’exploitation en commun), par celui du 12 mai (art. 4 et 7 ; Décr. 30 mars 2020, art. 3 mod. et 3-3 nouv.).

Ce décret du 12 mai, au-delà de la prolongation du dispositif, apporte également des modifications assez substantielles au décret du 30 mars. En particulier, s’agissant des associations, qui sont des éligibles aux aides du fonds dès lors qu’elles exercent une activité économique, ce nouveau décret précise l’application du dispositif à leur situation particulière. Deux précisions essentielles sont apportées : elles doivent être assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié ; pour la détermination de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes nettes, il n’est pas tenu compte des dons et subventions perçus par elles (art. 2 ; Décr. 30 mars 2020, art. 1er mod.).

Par ailleurs, le décret étend, à compter des pertes du mois d’avril, le bénéfice du fonds aux entreprises créées en février 2020. Jusque-là, le fonds bénéficiait uniquement aux entreprises ayant débuté leur activité avant le 1er février 2020. Il étend également le bénéfice du fonds aux entreprises dont le dirigeant a perçu moins de 1 500 € de pension de retraite ou d’indemnités journalières durant le mois considéré (art. 5 ; Décr. 30 mars 2020, art. 3-1 mod.).

Enfin, le décret du 12 mai ouvre le deuxième volet du fonds – celui financé par les aides des régions et autres collectivités locales – aux entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public qui n’ont pas de salarié et ont un chiffre d’affaires annuel supérieure à 8 000 € (art. 8 ; Décr. 30 mars, art. 4 mod.).

Auteur d'origine: Delpech

Dans une ordonnance du 15 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris considérait que le maintien en fonctionnement du CRA de Vincennes portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à l’accès aux soins des personnes placées dans ce centre. Il avait alors enjoint aux autorités administratives compétentes de lever la rétention de tout étranger qui serait testé positif au covid-19 et de l’orienter vers un centre de l’agence régionale de santé d’Île-de-France (TA Paris, 15 avr. 2020, n° 2006287/9, Avocats pour la défense des droits des étrangers (Assoc.), Syndicats des avocats de France, Groupe d’information et de soutien des immigrés, AJDA 2020. 818 ).

Sur la requête d’appel du ministre de l’intérieur, le juge des référés du Conseil d’État relève que le fonctionnement du centre de rétention de Vincennes a fait l’objet d’un certain nombre d’aménagements, l’une des structures a même été fermée, l’ensemble des fonctionnaires a fait l’objet d’une campagne de dépistage et tout étranger testé positif au covid-19 est doté quotidiennement de masques et de gants. Seule la structure nommée « CRA 2B » est désormais dédiée à l’accueil des étrangers contaminés par le covid-19. De plus, à la suite de l’intervention de l’ordonnance du 15 avril 2020, l’agence régionale de santé d’Île-de-France a informé le préfet de police de Paris qu’elle n’était pas en mesure d’accueillir dans les centres d’hébergement dits « Covid+ », des personnes susceptibles de présenter un risque important de trouble à l’ordre public. Au vu de ces éléments, « le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que le maintien au centre de rétention administrative de Vincennes d’étrangers testés positifs au covid-19 ne porte pas, en l’état de l’instruction, une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou au droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé ».

Auteur d'origine: pastor

Comme pour les voyagistes, des conditions dérogatoires de résolution des contrats dans les secteurs de la culture et du sport ont été prévues. L’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020, prise en application de la loi dite d’urgence sanitaire du 23 mars 2020, permet aux entrepreneurs de spectacle vivant, organisateurs ou propriétaires des droits d’exploitation d’une manifestation sportive et exploitants d’établissements d’activités physique et sportives, qui auront dû mettre fin à leurs contrats de vente de titres d’accès entre le 12 mars et le 15 septembre 2020, de proposer des avoirs à leurs clients.

L’organisateur du spectacle doit proposer directement ou par l’intermédiaire de distributeurs autorisés, une nouvelle prestation permettant l’utilisation de l’avoir. La prestation proposée doit être de même nature et de même catégorie que la prestation prévue par le contrat résolu, son prix ne doit pas être supérieur à celui de la prestation prévue par le contrat résolu et ne donnait lieu à aucune majoration tarifaire.

La proposition est faite dans un délai de douze mois pour les contrats d’accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants, et dix-huit mois pour les contrats de vente de titres d’accès donnant l’accès à une ou plusieurs manifestations sportives. Mais si à l’expiration de la période de validité de celui-ci, il n’y a pas eu de contrat relatif à une nouvelle prestation, l’entrepreneur de spectacle vivant, l’organisateur ou propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive procède ou fait procéder au remboursement de l’intégralité des paiements effectués au titre des prestations non réalisées du contrat résolu.

Auteur d'origine: pastor

Dalloz actualité publie trois ordonnances présentées en conseil des ministres aujourd’hui. D’autres sont à venir.

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Auteur d'origine: babonneau

Le décret n° 2020-548  concerne notamment les transports et les déplacements, les rassemblements mais aussi les établissements recevant du public (ERP). Il classe les départements en zone verte ou rouge au regard de leur situation sanitaire, déterminée par trois critères liés au covid-19 : nombre de passages aux urgences ; taux d’occupation des lits de réanimation et capacité de réalisation des tests virologiques sur leur territoire.

Port du masque obligatoire à partir de onze ans

Sont ainsi précisées les conditions permettant à titre dérogatoire les déplacements au-delà d’un rayon de 100 kilomètres du lieu de résidence (activité professionnelle, scolarité, soins, motif familial impérieux…), le préfet de département ayant toujours la possibilité d’adopter des conditions de déplacement plus restrictives à l’intérieur d’un département lorsque les circonstances locales l’exigent. L’autorité organisatrice de la mobilité organise les niveaux de service et les modalités de circulation des personnes présentes dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs. Toute personne, à partir de onze ans, doit porter un masque de protection. Une obligation qui ne fait pas obstacle à ce qu’il lui soit demandé de le retirer pour la stricte nécessité du contrôle de son identité. Ces règles s’appliquent également aux transports de voyageurs par remontées mécaniques en zone de montagne.

Rassemblements et accueils encadrés

Tout rassemblement sur la voie publique ou dans un lieu public, autrement qu’à titre professionnel, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit. Une interdiction qui ne concerne pas les services de transports, ni les marchés. Le préfet de département peut, après avis du maire, interdire l’ouverture des marchés – couverts ou non – si les conditions de leur organisation ainsi que les mesures barrières ne sont pas garanties.

Aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne pourra se dérouler avant le 31 août 2020.

Le décret fixe les conditions d’accueil dans les ERP et cela concerne à la fois les musées, les monuments et les parcs zoologiques Les établissements de culte sont autorisés à rester ouvert mais tout rassemblement en leur sein est interdit. Les cérémonies funéraires sont autorisées, toujours dans la limite de vingt personnes. Les établissements sportifs sont fermés sauf s’ils permettent – toujours dans la limite de dix personnes – la pratique d’activités physiques et sportives de plein air, à l’exception des sports collectifs, de combat et des activités pratiquées dans les piscines.

Le décret précise enfin les règles d’accueil dans les écoles maternelles et élémentaires, dans les centres de formation d’apprentis et, à compter du 18 mai 2020, dans les départements de la zone verte, dans les collèges.

Auteur d'origine: pastor

Précisions sur les mesures reportées

Le projet de loi, contenant trente-six demandes d’habilitations à légiférer par ordonnances, a été déposé jeudi 7 mai, étudié en commission lundi et mardi et sera en séance dès jeudi 14 mai.

L’article premier vise à reporter jusqu’à fin 2021 un certain nombre de mesures qui devaient entrer en vigueur entre mars et décembre 2020. Le texte est flou sur les mesures concernées par l’ordonnance. Le gouvernement s’est donc engagé, d’ici la séance, à supprimer l’habilitation et inscrire directement dans la loi, la liste des mesures dont il souhaite le report.

Dès la commission, les députés ont tenu à préciser le texte. L’entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs est ainsi reportée du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021. La réforme du divorce est décalée du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021. Enfin, la juridiction unique des injonctions de payer sera créée en septembre 2021 (et non en janvier). Par ailleurs, à l’initiative de plusieurs députés dont la présidente de la commission des lois, il a été exclu que la prolongation de loi SILT et de la surveillance algorithmique prévue par la loi renseignement puisse se faire sans passage spécifique par le Parlement, d’ici la fin de l’année.

Par amendements du rapporteur Guillaume Kasbarian, d’autres habilitations ont été transformées en article de loi, comme la mesure qui vise à restreindre le champ de l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.

Cours criminelles et réorientation des procédures

L’article premier prévoit aussi une ordonnance pour adapter la justice en matière criminelle, notamment l’extension de l’expérimentation des cours criminelles. Décriées par les avocats, ces cours jugent certains crimes, sans juré populaire, uniquement avec des magistrats professionnels. En écho, le député LR Antoine Savignat a souligné que l’extension dans ce contexte constituait un aveu sur l’aspect essentiellement budgétaire de cette réforme.

Le projet de loi va étendre de sept à trente le nombre de département dans lesquels l’expérimentation est conduite. Neuf tribunaux se sont déjà déclarés volontaires (Aube, Essonne, Guyane, Maine-et-Loire, Paris, Sarthe, Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise, Val-de-Marne). Le secrétaire d’état aux relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a tenu à rassurer sur la conduite de l’expérimentation. Il a aussi donné quelques éléments de bilan provisoire, indiquant que le taux d’appel n’était que de 25 % dans les cours criminelles (contre 32 % pour les cours d’assises).

Une autre ordonnance permettra aux procureurs de la République de réorienter les procédures contraventionnelles et correctionnelles dont avaient été saisis des juridictions avant cette loi. La date limite de report est fixée au 1er novembre 2020 et le classement sans suite a été exclu des mesures pouvant être proposées.

La trésorerie des CARPA

L’article 3 vise à obliger à déposer sur le dépôt sur le compte du Trésor certaines trésoreries d’organismes publics ou d’organismes privés chargés d’une mission de service public. Le conseil national des barreaux a alerté les députés sur cet article, proposant plusieurs amendements repris par les députés, pour exclure les CARPA du champ de l’ordonnance.

Le gouvernement a souhaité rassurer : il ne s’agit pas de capter les trésoreries des structures, uniquement d’imposer leur dépôt sur le compte du Trésor. La trésorerie resterait la propriété de chaque structure. Enfin, les caisses des retraites et les CARPA ne sont pas concernées par cette habilitation.

Auteur d'origine: babonneau

Dans un arrêt du 2 avril, la Cour de justice de l’Union a d’une part accueilli les recours en manquement introduits par la Commission contre trois États membres visant à faire constater un accueil insuffisant de demandeurs d’asile sur leur territoire en violation des obligations du droit de l’Union en matière de relocalisation, et alors même que ces États invoquaient la sauvegarde de la sécurité intérieure et de l’ordre public (Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque, aff. jtes C-715/17, C-718/17 et C-719/17). D’autre part, la Commission européenne a publié le 17 avril des orientations relatives aux procédures d’asile et de retour et à la réinstallation dans le contexte du Covid-19 en rappelant que le traitement de demandes d’asile pouvait être adapté, mais restait une obligation des États membres (Comm. 2020/C 126/02).

Un encadrement strict de la possibilité de refuser la relocalisation sur le fondement de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure (CJUE, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque, aff. jtes C-715/17, C-718/17 et C-719/17, 2 avr. 2020)

En septembre 2015, compte tenu de la situation d’urgence liée à l’arrivée des ressortissants de pays tiers en Grèce et en Italie, le Conseil de l’Union européenne a adopté les « décisions de relocalisation » (Décis. (UE) 2015/1601 du Conseil, du 22 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, JO UE 2015, L 248, p. 80 et Décis. (UE) 2015/1523 du Conseil, du 14 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, JO UE 2015, L 239, p. 146) destinées à équilibrer la charge de la gestion des demandeurs d’asile entre les États membres (v. « La relocalisation des migrants sur le territoire d’autres États membres », RFDA 2017.906 ; Doutriaux, « La crise des migrants ou la crise de l’accueil des migrants dans l’Union ? », Rev. UE 2020.4 ; Azoulay, « Le droit européen de l’immigration, une analyse existentielle », RTD Eur. 2018.519). Ces décisions obligent les États membres à indiquer à intervalles réguliers un nombre approprié de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement l’objet d’une relocalisation sur leur territoire respectif, puis à procéder à leur relocalisation. En particulier, la première décision du Conseil fixait à 120 000 le nombre de demandeurs de protection internationale à relocaliser à partir de la Grèce et de l’Italie vers les autres États membres de l’Union et la seconde établissait un objectif de 40 000 demandeurs de protection internationale vers les autres États membres de l’Union (seule la Hongrie n’était pas liée par les mesures de relocalisation prévues par cette dernière décision).

En application de ces décisions, en décembre 2015, la Pologne avait indiqué que 100 personnes pouvaient faire rapidement l’objet d’une relocalisation sur son territoire. Elle n’avait cependant pas procédé à ces relocalisations et n’avait pris aucun engagement ultérieur de relocalisation. La Hongrie, qui avait déjà contesté sans succès la décision du Conseil par le biais d’un recours en annulation (v. CJUE, 6 sept. 2017, aff. C-643/15, obs.  Parrot, « Relocaliser les demandeurs d’asile pour « venir en aide » à la Grèce et l’Italie », D. 2017. 2088), n’a quant à elle pas indiqué un nombre de personnes pouvant faire l’objet ni n’a procédé à aucune relocalisation. La République Tchèque a de son côté, en février et en mai 2016, indiqué un nombre de 50 personnes pouvant être relocalisées sur son territoire sans prendre aucun engagement ultérieur de relocalisation. Sur ces ponts, la Cour constate sans surprise l’existence de manquements aux décisions du Conseil. 

La Cour rejette par ailleurs les arguments en défense des parties. La Pologne et la Hongrie soutenaient en effet qu’elles étaient en droit de laisser inappliquées les décisions de relocalisation en vertu de l’article 72 TFUE, selon lequel les dispositions du traité relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dont fait notamment partie la politique d’asile, ne portent pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure. Pour rejeter une telle justification, la Cour a considéré que, dans la mesure où l’article 72 TFUE constitue une disposition dérogatoire aux règles générales du droit de l’Union, il doit faire l’objet d’une interprétation stricte et ne saurait dès lors conférer aux États membres le pouvoir de déroger à des dispositions du droit de l’Union par la seule invocation des intérêts liés au maintien de l’ordre public et à la sauvegarde de la sécurité intérieure. La Cour ajoute que si une large marge d’appréciation doit être reconnue aux autorités compétentes des États membres de relocalisation lorsque celles-ci déterminent s’il existe des motifs raisonnables de considérer un ressortissant de pays tiers appelé à être relocalisé comme constituant un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public sur leur territoire, elle a cependant précisé que les autorités des États membres doivent alors s’appuyer, au terme d’un examen au cas par cas, sur des éléments concordants, objectifs et précis, permettant de soupçonner que le demandeur en cause représente un danger actuel ou potentiel. Par conséquent, elle a jugé que le dispositif prévu par ces dispositions s’opposait à ce que, dans le cadre de la procédure de relocalisation, un État membre invoque de manière péremptoire, aux seules fins de prévention générale et sans établir de rapport direct avec un cas individuel, l’article 72 TFUE pour justifier une suspension, voire un arrêt, de la mise en œuvre des obligations lui incombant en vertu des décisions de relocalisation.

Le juge européen rejette en outre l’argument soulevé par la République tchèque relatif au dysfonctionnement du mécanisme de relocalisation. Selon la Cour, admettre qu’un État membre puisse se fonder sur son appréciation unilatérale du manque allégué d’efficacité, voire du prétendu dysfonctionnement du mécanisme de relocalisation reviendrait en effet à autoriser une atteinte à l’objectif de solidarité inhérent aux décisions de relocalisation ainsi qu’au caractère obligatoire de ces actes.

Covid-19 : les orientations de la Commission relatives à la mise en œuvre des dispositions pertinentes de l’UE régissant les procédures d’asile et de retour et à la réinstallation

Les conséquences de la pandémie du Covid-19, et en particulier les mesures de confinement de fermeture des frontières, touchent également les demandeurs d’asile. En France, la situation des centres de rétention et le (non) traitement des demandes d’asile d’ailleurs soulevé de vives critiques dont certaines ont donné lieu à des recours devant le juge administratif (v. TA Paris, ord., 15 avr. 2020, n° 20062879, Dalloz actualité, 22 avr. 2020, obs. J.-M. Pastor). ; TA Paris, ord., 21 avr. 2020, n° 2006359, Dalloz actualité, 24 avr. 2020, obs. C. Castielle). Le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe a par ailleurs adopté dès le début de l’épidémie une déclaration de principes relative au traitement des personnes privées de liberté dans le contexte du coronavirus (v. Dalloz actualité, 27 mars 2020, obs. C. Collin).

Précisons d’emblée que si la Commission a adopté une communication au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, appelant dès le 16 mars à une restriction temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE en raison de la pandémie de COVID-19 (COM(2020) 115 final), des dérogations à ces restrictions temporaires s’appliquent aux personnes qui ont besoin d’une protection internationale ou qui doivent être admises sur le territoire des États membres pour d’autres raisons humanitaires.

Les lignes directrices publiées par la Commission entendent fournir des orientations aux États dans leur traitement des demandes d’asile et servent par ailleurs de rappel aux obligations des États membres en la matière. S’il ne sera pas ici possible de dresser une liste exhaustive de ces mesures, il est possible de donner quelques exemples topiques des orientations émises par la Commission. Celle-ci rappelle ainsi que « même s’il y a du retard, les ressortissants de pays tiers qui demandent une protection internationale doivent faire enregistrer leur demande par les autorités, et ils doivent pouvoir introduire une telle demande. Il convient d’accorder une attention particulière à la situation des personnes vulnérables, des familles et des mineurs (y compris les mineurs non accompagnés); en outre, tous les demandeurs d’une protection internationale doivent être traités avec dignité et, à tout le moins, être en mesure de s’informer sur leurs droits fondamentaux et de les exercer ». La Commission suggère en outre, en ce qui concerne les procédures d’asile, d’appliquer des règles dérogatoires telles que celles prévues par la directive en cas d’affluence de demandes simultanées de la directive 2013/32/UE. De plus, la Commission rappelle que le règlement (UE) n° 603/2013 («règlement Eurodac») prévoit la possibilité d’ajourner la collecte d’empreintes digitales en cas d’adoption de mesures de santé publique. Le règlement de Dublin prévoit en outre une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne, notamment, les entretiens individuels, les procédures de regroupement familial pour les mineurs non accompagnés et l’application des clauses discrétionnaires. Enfin, en ce qui concerne les conditions d’accueil, les États membres peuvent faire usage de la possibilité prévue par la directive 2013/33/UE («directive relative aux conditions d’accueil») afin d’établir, à titre exceptionnel, dans des cas dûment justifiés et pour une durée raisonnable qui devrait être la plus courte possible, des modalités relatives aux conditions matérielles d’accueil différentes de celles qui sont normalement requises.  

Auteur d'origine: ccollin

La Cour des comptes constate la profusion de lois consacrées à l’immigration : huit depuis le début des années 2000, la dernière étant la très contestée loi du 10 septembre 2018 dite « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ». La Cour ironise sur l’emploi du terme « maîtrise » lorsque le législateur l’associe à l’immigration, comme si celle-ci pouvait être maîtrisée. Elle note ainsi que seule la moitié des titres de séjour délivrés procèdent d’une décision entièrement maîtrisée par les autorités françaises puisque seule l’immigration professionnelle et étudiante peut réellement être contrôlée.

Aux côtés de cette immigration choisie, se trouvent deux formes d’immigration pour lesquelles les autorités françaises ne peuvent que répondre à la demande sans pouvoir en maîtriser la volatilité : l’immigration familiale et l’immigration humanitaire, c’est-à-dire les demandes d’asile. Les efforts sont fortement consacrés à cette dernière immigration puisque l’asile explique un tiers du doublement du budget alloué à l’immigration et à l’intégration entre 2012 et 2019.

La Cour des comptes évalue toutefois la politique de l’asile « sous forte tension » en introduisant le chapitre en désignant la gestion des délais comme l’objectif premier de toutes les mesures liées à la procédure d’asile. Elle explique ainsi : il est jugé primordial de traiter le plus rapidement possible les demandes d’asile des personnes présentes sur le territoire. En effet, si ces personnes sont appelées à être protégées, l’attente de la décision les maintient dans une situation précaire, mais suscite à l’inverse de faux espoirs chez les personnes finalement déboutées.

Ce chapitre est divisé en trois parties : l’enregistrement des demandes d’asile dont l’organisation est jugée « encore trop peu efficace », les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile et l’examen de la demande d’asile avec un titre de partie incisif, « Accorder ou non la protection de la France : un système qui s’efforce de concilier respect des droits individuels et rapidité, sans y parvenir ».

L’enregistrement des demandes d’asile

L’objectif de gestion des délais intervient dès la première étape de la procédure d’asile : l’enregistrement. Un demandeur d’asile doit d’abord se rendre dans une Structure de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) qui est une association assurant son suivi administratif et social et l’orientant vers le Guichet unique de demande d’asile (GUDA). Le budget alloué à ces structures pour assurer cette mission est passé de neuf millions d’euros en 2010 à près de 26 millions en 2019 du fait de l’augmentation du nombre de demandeurs.

La Cour des comptes reproche au GUDA son nom en indiquant que celui-ci n’a rien d’un guichet unique puisque, d’une part, il n’est qu’un lieu commun réunissant les services de la préfecture et ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sans coopération entre eux et, d’autre part, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), administration chargée de l’examen des demandes d’asile, en est absente.

Le manque de coopération est largement développé, la Cour des comptes énumérant l’absence de mutualisation des pratiques et des outils informatiques, l’absence de formation commune et l’absence de partage d’informations. Elle constate également les lacunes dans le recrutement et la formation des agents des GUDA. L’évaluation des GUDA est donc extrêmement sévère bien que la Cour des comptes note tout de même le progrès que leur instauration représente.

Si la juridiction financière observe que la présence d’agents de l’OFPRA permettrait une prise de rendez-vous plus rapide pour l’entretien de demande d’asile, cette solution apparaît difficilement réalisable. En effet, les dates des entretiens OFPRA sont définies selon plusieurs critères incluant l’emploi du temps de l’officier de protection qui va instruire la demande, la nationalité et la langue parlée par le demandeur, la disponibilité des interprètes ainsi que la difficulté du dossier qui ne peut s’évaluer sans le premier récit que le demandeur d’asile produit, en étant aidé soit par des associations soit par des compatriotes.

De plus, la présence de l’OFPRA dans les GUDA peut engendrer davantage de confusion pour les personnes demandant l’asile. En effet, les GUDA réunissent déjà les services de la préfecture, c’est-à-dire ceux chargés de contrôler si la personne représente a déjà effectué une demande d’asile ou si sa demande devrait être examinée dans un autre pays de l’Union européenne, et ceux de l’OFII, chargés d’évaluer leur vulnérabilité, de proposer un hébergement et d’ouvrir les droits à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). Entre contrôle et protection, la confusion est déjà réelle sans que l’on ajoute l’examen de la demande d’asile dès cette étape.

Outre les procédures d’enregistrement, la Cour des comptes observe un réel problème avec l’engorgement des préfectures. Elle vise ainsi l’ensemble des demandes de titres de séjour faites en préfecture en dénonçant des complexités superflues dans le régime du séjour « caractérisé par des titres courts impliquant des renouvellements fréquents ». Elle note ainsi qu’en 2018, les trois quarts des premiers titres délivrés avaient une validité d’un an. Ce constat ne prend toutefois pas en compte la loi de 2018 qui a notamment fait passer la carte de séjour d’un an à quatre ans pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire. La Cour des comptes recommande ainsi au législateur la simplification du régime du séjour en délivrant des titres plus longs et en rendant plus automatique les renouvellements de titres de séjour qui engorgent également les préfectures alors que le refus de renouvellement ne représente qu’un pour cent des décisions.

Cet engorgement a bien évidemment des effets négatifs sur l’enregistrement des demandes d’asile. Si le délai légal entre la présentation en SPADA et le rendez-vous en GUDA est fixé à trois jours ouvrés avec, toutefois, le délai exceptionnel de dix jours ouvrés en cas de forte affluence, celui-ci n’est pas respecté. La Cour des comptes note une évolution avec une diminution du délai moyen de dix-huit jours en 2017 à sept jours en mai 2019 sur le territoire métropolitain mais constate néanmoins de fortes disparités, les écarts, en mai 2019, allant de un jour et demi à 36 jours. Cette difficulté résulte du manque de plages de rendez-vous dont l’engorgement des préfectures est, en partie, responsable.

Les dysfonctionnements du dispositif de l’asile, s’ils ont des conséquences sur la maîtrise par les autorités de l’immigration humanitaire, ont surtout des conséquences sur la situation des premiers concernés, c’est-à-dire les demandeurs d’asile qui pâtissent de la longueur des délais d’enregistrement de leur demande d’asile puisque celui-ci ouvre les droits aux conditions matérielles d’accueil.

Les conditions matérielles d’accueil

La Cour des comptes rappelle que si la directive 2013/33/UE impose « un niveau de vie digne », elle laisse les États libres de définir les moyens pour les garantir. La France a ainsi fait le choix de priver les demandeurs d’asile de l’accès au marché du travail en mettant en place une allocation financière, l’ADA.

La juridiction financière note « la recherche d’économies » qui inspire les choix de gestion de l’ADA ainsi que le contrôle accru sur cette allocation. Elle observe ainsi que le nombre de bénéficiaires de l’ADA croît moins vite que le nombre de demandeurs d’asile du fait des restrictions, notamment pour les personnes en procédure de réexamen.

Elle dénonce enfin la sous-budgétisation de l’ADA puisque la dépense liée à celle-ci s’est élevée à 511 millions d’euros en 2019, soit 176 millions de plus que le montant prévu par la loi de finances initiale, et questionne « la sincérité [des autorités] vis-à-vis des prévisions en matière d’asile ».

Par ailleurs, la Cour des comptes observe que le montant de la majoration destinée aux personnes ne pouvant être hébergées, fixé à 7,40 € par jour par personne, « tient davantage à un souci d’équité au regard des montants mensuels des aides personnelles au logement de droit commun (APL) et à une préoccupation budgétaire qu’à un calcul fondé sur le prix d’une location sur le marché privé ». Il convient ainsi de s’interroger sur l’adéquation entre la fixation de ce montant et le « niveau de vie digne » préconisé par la directive européenne qui semble, selon la Cour des comptes, totalement absent du calcul du montant.

En effet, ce montant impose ainsi à tout demandeur d’asile qui ne bénéficie pas d’un hébergement de parvenir à louer un logement, plus vraisemblablement une chambre, avec moins de 230 € par mois consacrés à cette dépense. Ce montant place ainsi les personnes demandant l’asile dans une situation de précarité importante et potentiellement dans une situation de dépendance, notamment à l’égard de réseaux de traite.

De plus, si la Cour des comptes ne se prononce que peu sur le nouveau système de carte de paiement et non plus de carte de retrait depuis novembre 2019, elle note la nécessité d’une évaluation proche de ce système du fait de son caractère contraignant. En effet, dans un objectif de réduction des envois de liquidités à la diaspora, les demandeurs d’asile ne sont plus en capacité de disposer d’argent liquide, ce qui complique grandement leur quotidien. Ce système tient d’une volonté de contrôler l’argent versé par l’État alors même qu’un même système serait jugé scandaleux s’ils concernaient les demandeurs d’emploi ou les bénéficiaires de minima sociaux.

La Cour des comptes s’attaque, ensuite, aux dysfonctionnements dans l’hébergement des demandeurs d’asile dans le cadre du dispositif national d’accueil (DNA). Elle déplore l’extrême complexité dans la qualification des hébergements pour les demandeurs d’asile puis les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), présentés comme la « modalité ‘classique’ d’hébergement » n’accueillaient fin 2018 que 41 000 personnes alors que de multiples structures d’urgence, aux dénominations diverses, accueillaient quant à elles, près de 46 000 personnes.

Si la dénomination peut sembler peu pertinente tant que la personne est hébergée, elle est cependant décisive quant au financement et à l’accompagnement qui y est dispensé. En effet, la Cour des comptes observe de fortes disparités dans les financements de ces structures puisque les coups-cibles pour 2019 par jour et par personne sont de 25 € pour les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) et les centres provisoires d’hébergement (CPH), de 23 € pour les centres d’accueil et d’orientation (CAO) et de seulement 19,50 € pour les CADA qui assurent pourtant un accompagnement spécifique à la procédure d’asile. Elle recommande ainsi de simplifier les dénominations des structures d’accueil à une forme unique d’hébergement pour les demandeurs d’asile et à une forme d’hébergement d’urgence de droit commun.

De plus, la Cour des comptes constate le manque de places dans ces centres divers puisqu’ils n’hébergent que 52 % des demandeurs d’asile en 2019, les autres étant livrés à eux-mêmes ou bénéficiant des structures d’accueil d’urgence, elles aussi saturées. Elle note la présence indue, au 1er mai 2018, de 36 800 personnes étant protégées depuis plus de six mois, déboutées depuis plus d’un mois ou placées en procédure Dublin alors que 37 000 demandeurs d’asile ne bénéficiaient d’aucun hébergement. Elle rappelle toutefois la difficulté de faire sortir les personnes en présence indue dans les centres d’accueil en raison d’une disposition du code de l’action sociale et des familles qui interdit la sortie d’un hébergement d’une personne en situation de détresse sociale sans solution alternative.

La Cour des comptes recommande toutefois de confier l’ensemble du DNA à l’OFII qui n’en maîtrise actuellement que 85 %, le reste étant confié aux préfectures de région. Elle constate notamment que, à la fin de l’année 2018, dans le département du Nord, 16% du parc d’hébergement pour les demandeurs d’asile était occupé par des personnes ne souhaitant pas demander l’asile mais désirant se rendre au Royaume-Uni.

Par ailleurs, la Cour des comptes note « la situation critique des demandeurs d’asile à Mayotte » dans un encadré. En effet, si le droit est le même pour toutes et tous en métropole, tout est différent à Mayotte qui se voit réserver un régime juridique toujours plus dur. La juridiction financière fait ainsi état de délais extrêmement importants entre le passage en SPADA et le rendez-vous en GUDA, le délai moyen étant de deux mois mais certaines personnes attendant leur rendez-vous depuis plus d’un an.

Si la Cour constate l’extrême précarité des demandeurs d’asile à Mayotte puisque l’ADA n’y est pas versée et que l’hébergement pour demandeurs d’asile n’accueille que 55 personnes, d’où un recours au travail irrégulier et à la petite délinquance entraînant un fort ressentiment des locaux à l’égard des étrangers, elle ne fait que recommander un dispositif renforcé pour traiter rapidement les demandes d’asile à Mayotte. Rien donc sur la situation de précarité.

Les conditions matérielles d’accueil sont d’autant plus importantes pour assurer des conditions de vie dignes que l’examen de la demande peut durer longtemps.

L’examen des demandes d’asile

La Cour des comptes observe, encore une fois, une inadéquation entre le nom et le dispositif pour le régime d’asile européen commun (RAEC) en indiquant qu’il s’agit davantage d’un régime harmonisé, en théorie fondée sur la coopération entre les États. En théorie seulement, juge-t-elle, puisqu’un État doit se prononcer sur une demande alors même que cette demande a déjà été examinée dans un autre pays.

Ce manque de coopération va plus loin encore puisque l’OFPRA doit faire une demande explicite pour savoir si une personne bénéficie déjà d’une protection dans un autre État de l’Union européenne. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ne peut, quant à elle, que demander à l’OFPRA d’en faire la demande au pays concerné. L’OFPRA reçoit ensuite un document, souvent dans la langue du pays concerné, qui contient les dates d’entrée sur le territoire, de demande d’asile et de la décision prise, avec un court résumé en anglais, et pose souvent davantage de questions (par exemple, sur les raisons pour lesquelles une personne a perdu sa qualité de réfugié ou sur le maintien ou non de cette qualité quand il est simplement mentionné que la personne n’a plus le droit au séjour après l’expiration de son titre).

Le rapport fait également état de fortes disparités dans les taux de protection par nationalité dans les pays de l’Union européenne. Ainsi, si la France connaissait, en 2017, un taux de protection, lors du premier examen (devant l’OFPRA), de 29 % alors que ce taux atteignait 50 % en Allemagne, elle protégeait, par ailleurs, 74 % des Afghans contre 23 % en Allemagne. Cette différence s’expliquerait apparemment par le recours, en Allemagne, à l’asile interne, une notion qui permet de considérer qu’un demandeur, s’il n’est pas en sécurité dans sa région d’origine, pourrait l’être dans une autre région de son pays. Cette approche est, pour le moment, très peu appliquée en France.

La Cour des comptes, si elle considère que ces disparités sont « une incitation implicite faite aux demandeurs de tenter leur chance dans plusieurs pays », observe, peut-être comme toutes les personnes travaillant dans l’asile, que « l’institution d’une procédure de reconnaissance mutuelle automatique des décisions de rejet ou de protection au sein de l’Union européenne apparaît lointaine » en raison, notamment, de l’attachement des États à leur souveraineté dans l’instruction des demandes d’asile.

Symbole de l’impossibilité de coopérer au niveau européen en matière d’asile, la procédure « Dublin III » est jugée responsable d’une embolie. La Cour des comptes considère que cette procédure « autorise les demandeurs d’asile enregistrés dans le pays de premier accueil à déposer une demande dans un pays de deuxième accueil au terme d’un séjour de six mois ». Là où la Cour des comptes voit une autorisation, d’autres verront toutefois une situation de grande précarité pour les personnes qui ont eu la malchance d’avoir leurs empreintes enregistrées dans un autre pays. Ces personnes qui ont choisi la France comme pays d’accueil pour des raisons diverses telles que la présence de leur famille ou de proches ou encore la maîtrise de la langue française leur permettant une intégration plus facile, sont ainsi dans l’impossibilité de déposer une demande d’asile avant six voire dix-huit mois et ainsi de bénéficier des conditions matérielles d’accueil.

La Cour des comptes observe des efforts dans l’application de cette procédure puisque si seules 12 % des personnes placées sous cette procédure ont effectivement été transférées en 2018, ce taux a atteint 16 % les cinq premiers mois de l’année 2019 avec un objectif de 25 % d’ici la fin de l’année.

La juridiction financière s’intéresse ensuite aux délais d’instruction devant l’OFPRA en constatant des disparités entre les délais légaux, les délais fixés par les contrats d’objectifs et de performance conclus entre l’État et l’OFPRA et les délais moyens constatés. Les délais préconisés, en particulier, celui de quinze jours pour les procédures accélérées, sont jugés irréalistes. Ces cibles, selon la Cour des comptes, « ne sont pas conçues comme des cibles à atteindre effectivement mais comme des signaux supposés décourager les demandes infondées ». La juridiction met ainsi les mots sur les volontés réelles des autorités, tant du gouvernement que du législateur, et révèle au grand jour à la fois l’ambition peu cachée des gouvernants et le caractère ridicule de cette disposition réglementaire (CESEDA, art. R. 723-4). Elle recommande ainsi de fixer des délais réalistes en coopération avec l’OFPRA.

La Cour des comptes note que si la procédure accélérée, dont le délai d’instruction médian devant l’OFPRA était de 80 jours en 2018, est pertinente, le maintien d’un objectif d’un délai aussi irréaliste n’est pas souhaitable, sauf « à officialiser l’existence d’un régime fondé sur la nationalité ». Celui-ci serait toutefois contraire à l’article 10 de la directive 2013/32/UE qui exige que « les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ».

La Cour des comptes traite peu de la procédure et de la pratique de la Cour nationale du droit d’asile, qui est l’instance de recours et non « l’instance d’appel » comme elle est souvent présentée dans le rapport. Elle n’y consacre, en effet, qu’un encadré et ne fait que constater une augmentation du délai moyen de jugement constaté en 2018 sans toutefois chercher les causes de cette augmentation intervenue après plusieurs années de baisse. Elle s’explique principalement par les mouvements sociaux des rapporteurs, des avocats et de la SNCF, qui ont perturbé le travail de la Cour et ainsi entaché ses statistiques.

Le rapport se termine avec les réponses de trois de ses destinataires, le ministre de l’action et des comptes publics, le ministre de l’intérieur et le directeur général de l’OFPRA. Tous disent partager les préoccupations de la Cour des comptes sur la complexité de l’hébergement, les deux ministres expliquant que la solution recommandée est en cours d’adoption. L’OFII semble, quant à lui, valider la recommandation selon laquelle il maîtriserait l’intégralité du DNA qui nécessiterait des modifications législatives. Par ailleurs, le ministre de l’action et des comptes publics se défend de l’appréciation portée par la juridiction financière sur les délais de décision en matière d’asile en mettant en avant le renforcement des effectifs tant à l’OFPRA qu’à la CNDA qui devrait permettre un écoulement des stocks disponibles. Pas un mot toutefois sur le caractère peur crédible et irréaliste des délais fixés par l’État.  

Auteur d'origine: pastor
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Un temps suspendu du fait de la crise sanitaire, la publication des textes d’application de la loi de transformation de la fonction publique (v. dossier AJDA 2019. 2343 ) a repris à un rythme soutenu. Deux décrets visant à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes ont ainsi été publiés au Journal officiel du 7 mai.

Le décret n° 2020-529 du 5 mai modifie les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant. S’il s’applique, bien évidemment, quel que soit le sexe du fonctionnaire qui demande à être placé dans l’une de ces deux positions, on sait que ce sont, à une écrasante majorité, des femmes qui font ce choix.

Elles – et les quelques hommes qui recourent à ces positions – pourront désormais conserver leurs droits à la retraite et à l’avancement d’échelon et de grade pendant une durée maximale de cinq ans. Leur situation est ainsi alignée sur l’avantage qui avait été accordé, non sans controverses, aux fonctionnaires en disponibilité pour exercer une activité privée (AJDA 2019. 728 ). La mesure s’applique également à la disponibilité accordée pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire ou à un ascendant à la suite d’un accident ou d’une maladie grave ou atteint d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne. La disposition s’applique aux périodes de congé parental ou de disponibilité qui ont couru depuis la publication de la loi de transformation de la fonction publique en ce qui concerne l’avancement seulement.

Le décret apporte par ailleurs quelques améliorations à ces positions. Ainsi, la disponibilité pour élever un enfant est étendue jusqu’au douze ans de celui-ci (huit ans auparavant). La durée minimale du congé parental est réduite à deux mois. Le délai pour demander son renouvellement passe de deux à un mois. Lorsqu’il est écourté le fonctionnaire est réintégré dans les mêmes conditions qu’à terme, sans qu’il lui soit nécessaire d’invoquer un motif grave.

Le décret n° 2020-528 précise les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle dans la fonction publique, prévus par l’article 80 de la loi de transformation (art. 6 septies de la loi du 13 juill. 1983). Ceux-ci sont élaborés dans chaque ministère par le ministre, dans les autorités administratives indépendantes par le président, dans les collectivités territoriales (seules celles de plus de 20 000 habitants sont concernées) par l’autorité territoriale… Pour les juridictions administratives et financières, ce sont respectivement le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour des comptes qui en sont chargés. Ces autorités doivent consulter le comité social ainsi qu’éventuellement d’autres organes de concertation (commission médicale d’établissement pour les hôpitaux). Le comité social doit être informé chaque année de l’état d’avancement des actions prévues par le plan.

Le plan d’action doit être transmis avant le 1er mars de l’année d’expiration du plan précédent au ministre de la Fonction publique pour les ministères, au préfet pour les collectivités territoriales, à l’agence régionale de santé pour les hôpitaux. À défaut, ces destinataires doivent opérer un rappel, puis, au bout de deux mois, une mise en demeure. Le défaut de se conformer à la mise en demeure entraîne une pénalité égale à 1 % de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels de l’employeur public concerné.

Auteur d'origine: Montecler

Alors que plusieurs centaines de milliers d’agents publics exercent, depuis mi-mars, leurs fonctions à domicile, le gouvernement vient enfin de publier le décret d’application de la loi de transformation de la fonction publique assouplissant les modalités de recours au télétravail dans la fonction publique et la magistrature.

Le décret du 5 mai 2020 met en œuvre la disposition législative permettant le recours ponctuel au télétravail. Mais il comporte d’autres apports, comme une nouvelle possibilité de déroger à la limite de trois jours par semaine. La dérogation concernant, après avis du médecin du travail, les agents dont l’état de santé, la grossesse ou le handicap le justifient est maintenue. Une seconde est ajoutée en cas de « situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site. »

L’assouplissement touche également le lieu d’exercice du télétravail. Ce peut être le domicile de l’agent, mais aussi un autre lieu privé ou « tout lieu à usage professionnel ». Les agents publics se voient ainsi autorisés à recourir aux espaces de « co-working ». Mais, dans ce cas, l’employeur n’est pas tenu de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail.

L’autorisation de télétravail n’aura plus obligatoirement une durée limitée à un an et ne fixera plus forcément les jours d’exercice. En effet, est créée une possibilité d’attribution d’un volume de « jours flottants de télétravail » par semaine, par mois ou par an, dont l’agent peut demander l’utilisation à l’autorité responsable de la gestion de ses congés. Un même agent peut cumuler jours fixes et jours flottants. En cas de jours flottants ou de situation exceptionnelle, l’administration peut autoriser l’utilisation du matériel informatique personnel de l’agent. Pour les agents en situation de handicap, l’administration devra mettre en œuvre, sur le lieu de télétravail, les aménagements de poste nécessaires, « sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées ».

À noter, enfin, que pour les cadres hospitaliers dépendant du Centre national de gestion, l’autorisation de télétravail est accordée, selon les cas, par le chef d’établissement, le préfet ou le directeur général de l’agence régionale de santé.

Auteur d'origine: Montecler

Le représentant de l’État avait pris, le 14 avril, un arrêté soumettant, entre le 16 avril et le 11 mai, toute personne, à l’exception des fonctionnaires de l’État arrivant en renfort et des personnels de santé, entrant par voie aérienne en Guadeloupe en provenance de Paris, Fort-de-France ou Cayenne, hors cas de transit, à une quarantaine stricte d’une durée de quatorze jours dans une structure d’hébergement hôtelière, tout déplacement en dehors du lieu d’hébergement étant strictement interdit. L’ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy a fait appel de l’ordonnance du juge des référés de la Guadeloupe qui n’avait pas estimé constituée une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

Le juge des référés du Conseil d’État rejette la requête. La mesure prise par le préfet n’est pas excessive dès lors qu’il n’apparaît pas « que la mise en quarantaine dans un lieu d’hébergement hôtelier dédié décidée, pour une durée limitée, par l’arrêté contesté du préfet de la Guadeloupe en date du 14 avril 2020 serait, eu égard aux exigences tenant à la sauvegarde de la santé de la population, inadaptée ou disproportionnée au regard de l’objectif de sauvegarde de la santé publique et porterait une atteinte manifestement illégale à la liberté d’aller et venir ou au droit de mener une vie familiale normale ». Pour autant, précise le juge, il incombe aux autorités administratives compétentes « de veiller au suivi sanitaire des personnes placées en quarantaine dans les lieux d’hébergement dédiés ».

Auteur d'origine: pastor

Article mis à jour le 9 mai

Cet amendement vise à répondre à l’angoisse des élus locaux et des chefs d’entreprise, contraints de déconfiner, mais qui craignent de devoir rendre des comptes judiciaires en cas d’infection. Même si la législation est plutôt protectrice pour les élus locaux, une mise en examen peut être traumatisante, les maires ne bénéficiant pas du filtre de la Cour de justice de la République

Le Sénat a donc saisi l’occasion du projet de loi de prorogation, étudié en urgence, pour imposer un amendement et en a fait une ligne rouge : si le gouvernement souhaitait une étude rapide du texte, il devait transiger.

Un amendement de Philippe Bas pour protéger les maires

L’irresponsabilité pénale sur les fautes intentionnelle des décideurs est encadrée, depuis vingt ans, par la loi Fauchon, codifiée à l’article 121-3 du code pénal. L’élu, ou le chef d’entreprise, qui, par ses décisions, aurait causé non intentionnellement et indirectement un dommage est responsable pénalement, s’il a « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou s’il a « commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. »

L’amendement Bas, prévoit d’exonérer la responsabilité pénale des personnes ayant exposé autrui à un risque de contamination au coronavirus, sauf s’il a commis ces faits « intentionnellement », « par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative » de l’état d’urgence sanitaire, ou « en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application » de l’état d’urgence ou « d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ».

Cette rédaction fait donc disparaître la notion de « faute caractérisée » présente dans la loi Fauchon, ainsi que « l’imprudence » et la « négligence ». Les décideurs (maires, chefs d’entreprise) devraient avoir causé le dommage intentionnellement ou avoir violé une mesure de l’état d’urgence sanitaire ou une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement

La rédaction sénatoriale isole les préfets et les ministres, qui eux, pourraient être poursuivis en cas d’imprudence ou de négligence dans l’exercice des pouvoirs prévus par l’état d’urgence sanitaire.

Autre point, il ne concerne que la période de l’état d’urgence sanitaire (qui a débuté le 23 mars), et pas toute la crise sanitaire.

L’Assemblée réduit l’amendement à un neutron législatif

Au Sénat, l’amendement Bas a reçu une belle unanimité. Mais les amnisties d’élus sont rarement appréciées par l’opinion.

Le Sénat qui veut pouvoir revendiquer cette disposition devant ses électeurs, ne souhaite pas forcément l’assumer devant l’opinion. Et c’est le gouvernement, qui s’est pourtant opposé à l’amendement du Sénat, qui se retrouve accusé de vouloir une « loi d’autoamnistie ». Le débat déborde alors, la complexité juridique favorisant la confusion.

Au final, les mêmes groupes parlementaires (PS, LR, PCF) qui ont soutenu l’amendement au Sénat se sont déclarés choqués à l’Assemblée de ces dispositions. Les députés sont élus par le peuple, les sénateurs par les élus locaux.

En commission, les députés LREM et Modem ont totalement réécrit le dispositif. La nouvelle rédaction se contente de préciser dans le code pénal qu’il doit être « tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. » Un neutron législatif, destiné à envoyer un signal politique sans modifier les décisions judiciaires.

Si ce neutron n’est qu’un signal, pour certains il reste un mauvais signal. D’autant que la notion d’« état des connaissances scientifiques au moment des faits » est discutable, en cette époque où les experts s’entre-déchirent. Presque autant que les juristes.

Le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, s’est opposé à cette rédaction, ne souhaitant pas d’atténuation pour ceux qui posent les règles (préfets et ministres). Il reste pourtant confiant pour aboutir à un compromis en commission mixte paritaire. Le gouvernement va donc tenter de satisfaire les sénateurs sans mécontenter l’opinion.

Au final, une nouvelle rédaction a été retenue par la commission mixte paritaire : l’article 121-3 du code pénal s’appliquera « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. » Soit exactement ce dont tiennent déjà compte les juges. L’option neutron législatif l’a donc emporté.

 

Détention provisoire
La question de la prolongation automatique des détentions provisoires a beaucoup mobilisé les parlementaires. Les députés avaient déjà conduit plusieurs auditions sur le sujet. Le projet adopté prévoit que la prolongation de plein droit ne sera plus applicable aux titres de détention dont l’échéance intervient à du 11 mai. Toutefois, si l’échéance du titre intervient avant le 11 juin, la juridiction aura jusqu’au 11 juillet pour se prononcer. Pour les prolongations automatiques de six mois, une nouvelle décision devra intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. Pour les personnes qui auront été prolongées automatiquement, une demande de mise en liberté pourra être déposée dans les deux mois suivant la prolongation de plein droit.
 

Auteur d'origine: babonneau

Ce texte contient des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets très divers.

Le premier article vise notamment à permettre le report ou la prolongation de nombreuses mesures qui devaient entrer en vigueur (loi Économie circulaire) ou qui devaient expirer (loi Renseignement, SILT) dans l’année 2020. Les mandats, sauf issus d’élections politiques, pourront tous être prolongés, tout comme la durée de mandat des conseillers de prud’hommes.

Sur la justice, deux nouvelles ordonnances sont prévues : une en matière criminelle (extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales), l’autre en matière délictuelle et contraventionnelle (permettant aux procureurs de la République de réorienter les procédures).

Le texte prévoit aussi des ordonnances pour assouplir l’activité partielle ou le recours aux CDD (par convention d’entreprise). Il contient également des mesures faisant suite à l’annulation des saisons sportives. Le dernier article est consacré aux conséquences du Brexit et de l’accord transitoire.

Auteur d'origine: babonneau

Auditionnés par la commission des finances du Sénat le 5 mai, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, et Sébastien Lecornu, ministre délégué chargé des collectivités territoriales, ont tenté de chiffrer les premiers impacts de la crise du covid-19 sur les finances locales. La dernière estimation du gouvernement en date du 29 avril évalue ces pertes à 14 milliards d’euros pour la période 2020-2021.

Une évaluation très approximative puisque les situations sont hétérogènes entre collectivités : la baisse du produit de leurs services (stationnement payant, vente de bois, etc.) n’impacte pas de manière égale une commune par rapport à l’autre. Pour le moment, a précisé Sébastien Lecornu, seule une dizaine d’entre elles ont fait état de difficultés de trésorerie sur tout le territoire. Elles font l’objet d’un accompagnement par l’État. Néanmoins, ce sont 4 000 communes qui sont considérées comme à risque car leurs principales ressources reposent sur l’activité saisonnière. Le manque de taxe de séjour va grever leur budget.

Les départements sont lourdement pénalisés par la situation. Le quart de leurs recettes provient des droits prélevés sur les transactions immobilières – les DMTO – et la chute de ces dernières entre 2019 et 2020 est de l’ordre de 25 %, ce qui représenterait un manque à gagner de 3,4 milliards d’euros (pour les communes, ce serait un milliard d’euros).

Pour Sébastien Lecornu, les difficultés se feront réellement sentir à la fin de l’année 2020 et pour toute l’année 2021. Le « vrai rendez-vous » pour prendre les mesures nécessaires sera donc celui de l’adoption du budget 2021. Le premier ministre a chargé le député Jean-René Cazeneuve d’une mission temporaire ayant pour objet d’analyser les conséquences de l’épidémie de covid-19 sur les finances des collectivités territoriales.

Auteur d'origine: pastor

La CNCDH s’interroge sur la pertinence de la création même de l’état d’urgence sanitaire au regard des outils dont le gouvernement disposait déjà pour gérer la crise sanitaire ainsi que sur son impact sur le fonctionnement des institutions et le respect des libertés. Elle s’inquiète notamment de l’imprécision de la définition de l’état d’urgence sanitaire, « qui ouvre le risque d’y recourir dans n’importe quelle circonstance » et déplore une concentration, inédite en temps de paix, entre les mains de l’exécutif du pouvoir de restreindre les droits et libertés, dans un contexte d’affaiblissement des mécanismes de contrôle, tant parlementaire que juridictionnel.

Une justice en mode dégradé

Observant par ailleurs que c’est la première fois qu’un état d’urgence conduit à suspendre massivement l’activité des tribunaux, la Commission regrette par ailleurs le traitement du service public de la justice et notamment la restriction de l’accès au juge pour les contentieux jugés « essentiels ».

Elle appelle à ce qu’il soit mis fin aussi tôt que possible au régime provisoire instauré par les ordonnances du 25 mars 2020 qui ont créé « une justice en mode dégradé », dans un contexte judiciaire déjà marqué par des tensions importantes. Elle s’inquiète aussi de l’effectivité des droits de la défense, des atteintes relevées en matière d’assistance éducative ainsi que de la prolongation des détentions provisoires et met en garde contre « la tentation d’un glissement » des dispositions d’exception dans le droit commun.

L’efficacité incertaine du suivi numérique des personnes

Alors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés a rendu, le 24 avril, un avis nuancé sur le projet « StopCovid », la CNCDH lance en outre une alerte sur les dangers d’une application de suivi des personnes et des contacts, estimant que l’intérêt et l’efficacité d’un tel suivi « sont trop incertains en comparaison de la menace disproportionnée qu’ils font peser sur les droits et libertés fondamentaux ».

Si elles peuvent évidemment concerner le droit à la protection des données personnelles, des atteintes peuvent être également portées à la protection de la vie privée ainsi qu’aux libertés collectives ou être source de discriminations, avertit la Commission, qui craint de surcroît que l’acceptabilité sociale de ce suivi puisse favoriser à l’avenir l’usage d’une telle technologie pour d’autres fins (suivi médical, contrôle judiciaire, contrôle des étrangers, des manifestants, personnes sous mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, etc.).

Auteur d'origine: pastor

Le juge des référés du Conseil d’État a enjoint, le 30 avril, au premier ministre de « rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion », la position de l’État sur l’usage de la bicyclette pendant le confinement.

À l’origine de cette injonction, un certain désordre de la communication de l’État sur cette question. Le décret du 23 mars 2020 interdit les déplacements sauf pour certains motifs, mais il ne souffle mot des moyens de déplacement. Toutefois, un certain nombre de communications du gouvernement ou de préfets, en particulier sur les réseaux sociaux, ont affirmé que la bicyclette était interdite en soi. Et plusieurs dizaines de cyclistes ont été verbalisés, non pas pour le motif, légal, de leur déplacement, mais pour leur moyen de transport. Des pistes cyclables ont également été fermées par des maires ou des préfets.

C’est dans ce contexte que la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) a saisi le juge des référés d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au gouvernement de publier un communiqué affirmant expressément que l’usage du vélo était autorisé. La FUB lui demandait également d’enjoindre à plusieurs préfets de rouvrir des pistes cyclables, et même « au ministère public » de cesser de poursuivre les verbalisations ayant pour motif l’usage du vélo. Ces demandes sont bien sûr rejetées, la première relevant des tribunaux administratifs compétents et la seconde parce que le juge administratif des référés ne saurait prononcer une injonction à l’égard d’une autorité judiciaire.

Dans son mémoire en défense et au cours de l’audience, le ministère de l’intérieur a exposé que l’interprétation du décret du 23 mars 2020 du gouvernement était la même que celle de la FUB : ce texte ne réglemente « que les motifs de déplacement et non les moyens de ces déplacements qui restent libres. La bicyclette est donc autorisée à ce titre comme tout autre moyen de déplacement, et ce quel que soit le motif du déplacement ».

Toutefois, constate le juge, « malgré l’existence de cette position de principe, dont la légalité n’est pas contestée par la fédération requérante, plusieurs autorités de l’État continuent de diffuser sur les réseaux sociaux ou dans des réponses à des « foires aux questions » l’information selon laquelle la pratique de la bicyclette est interdite dans le cadre des loisirs et de l’activité physique individuelle “à l’exception des promenades pour aérer les enfants où il est toléré que ceux-ci se déplacent à vélo, si l’adulte accompagnant est à pied”, ainsi qu’un pictogramme exprimant cette même interdiction ».

Or, estime-t-il, « la faculté de se déplacer en utilisant un moyen de locomotion dont l’usage est autorisé constitue, au titre de la liberté d’aller et venir et du droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ». De plus, si les cyclistes verbalisés à tort peuvent contester l’infraction devant le juge judiciaire, il est arrivé qu’ils soient contraints de descendre de leur véhicule.

Dans ces conditions, le juge considère que l’absence de diffusion publique de la position que le ministère de l’intérieur a exposée devant lui « doit être regardée, en l’espèce, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant que le juge du référé-liberté fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et enjoigne au premier ministre de rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion, la position en question ». Quelques heures après la lecture de l’ordonnance, le ministère de l’intérieur a publié le communiqué requis sur son site internet.

Auteur d'origine: Montecler
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Une loi sur les médias contestée dès son adoption

En 2010, le Parlement hongrois adoptait sa « loi sur les médias » (loi CLXXXV sur les services médiatiques et les médias). Mais dès 2010, la représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) indiquait que cette réforme hongroise violait les normes de l’OSCE, notamment en matière de liberté des médias. En 2011, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe fit également part de ses préoccupations concernant les effets de la loi hongroise sur la liberté d’expression. En 2012, le Conseil de l’Europe publiait un avis d’experts suggérant de nombreuses et importantes modifications à apporter à celle-ci. Le Parlement européen et la Commission européenne soulignaient par la suite des problèmes de conformité entre la loi hongroise et la directive sur les services de médias audiovisuels (dir. 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, 10 mars 2010) ainsi que sur « l’acquis communautaire en général ». En 2015, la Commission européenne lui suggérait de réformer sa loi afin « d’améliorer la situation de la liberté des médias dans le pays, mais aussi modifier la perception de cette liberté par la population » (Comm. EDH, 22 juin 2015, avis n° 798/2015).

« Extrême-droite » : fait ou opinion ?

La société ATV, requérante, est un diffuseur indépendant fournissant des services audiovisuels par voie télévisée et internet. Le 26 novembre 2012, dans un discours prononcé en séance plénière de l’Assemblée nationale hongroise, le député Márton Gyöngyösi (du parti politique Jobbik) déclarait : « il est temps […] que nous évaluions le nombre de personnes d’origine juive, en particulier au sein des parlementaires et du gouvernement, il y en a qui présentent un risque pour la sécurité nationale ». Le 29 novembre 2012, la société requérante diffusait un reportage sur les préparatifs d’une manifestation organisée par plusieurs partis politiques sous le titre Manifestation de masse contre le nazisme. Cette manifestation devait se tenir en guise de protestation contre le parti politique Jobbik, impulsée par le discours du député Márton Gyöngyösi susvisé. Le présentateur de la société requérante présentait alors la nouvelle en déclarant : « une alliance sans précédent est sur le point de se matérialiser dimanche contre les remarques partiales de l’extrême droite parlementaire ».

Une mise à mal de la liberté d’expression en Hongrie ?

Après condamnation de la société ATV par la National Media and Infocommunications Authority (autorité administrative équivalente au Conseil supérieur de l’audiovisuel), la requérante saisit le tribunal administratif et du travail de Budapest, soutenant que le terme litigieux avait largement été utilisé et était donc peu susceptible d’influencer le public, que les médias internationaux qualifiaient le parti politique Jobbik de parti d’extrême droite, et que certaines des informations publiées sur le propre site internet de ce dernier contenaient ce terme. Le 30 septembre 2013, le tribunal fit droit au requérant, affirmant que, dès lors qu’un parti politique reconnaît son idéologie radicale, le fait de le qualifier de parti « d’extrême droite » ne constitue pas un jugement de valeur.

Le parti politique Jobbik demanda la révision du jugement devant la Kùria (Cour suprême de Hongrie). Le 16 avril 2014, celle-ci infirma le jugement du tribunal, condamnant la société requérante aux motifs que « le terme “extrême-droite” est une opinion, et non une déclaration de fait », que le parti Jobbik ne se considérant pas comme d’extrême droite, le décrire ainsi constitue un jugement de valeur « créant une association avec une position extrêmement radicale dans l’esprit du public, ayant ainsi une influence négative » (§ 12).

La société requérante introduisit finalement un recours constitutionnel, faisant valoir que les partis politiques sont régulièrement décrits à l’aide d’adjectifs qui sont acceptés par le grand public. Le terme décrivait selon la société la position de Jobbik au Parlement et devait être analysé selon une conception plus large, puisqu’« exprimé dans le cadre d’une manifestation déclenchée par un commentaire antisémite d’un membre de Jobbik » (§ 13). Mais le 6 décembre 2016, la Cour constitutionnelle rejeta la réclamation de la société requérante en affirmant principalement que l’article 12 de la loi hongroise sur les médias interdit d’émettre une opinion dès lors que le public n’est pas informé qu’il s’agit d’une opinion, et que ni l’opinion du grand public ni le fait pour un parti politique de se caractériser comme « d’extrême droite » ne sont selon la Cour des référentiels objectifs.

Une décision favorisant la liberté d’expression et soulignant l’existence de valeurs divergentes

C’est sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que la société requérante décida de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) afin que soit reconnue l’atteinte à sa liberté d’expression. Cet article dispose en son paragraphe premier que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

La société requérante estima ainsi que le terme « d’extrême droite » n’était pas le reflet de son opinion puisque son rattachement au parti Jobbik était de façon générale accepté en Hongrie. Elle soutint avoir employé ce terme avec bonne foi tout en contestant la position de la Cour constitutionnelle hongroise selon laquelle il ne devait au sein d’une société faire « aucun doute » quant à l’appartenance d’extrême droite d’un parti politique pour que ce terme ne constitue pas une opinion (§ 20). Elle ajouta que le métier de présentateur deviendrait impossible en cas d’obligation de constamment déclarer qu’un terme employé pouvait constituer un jugement de valeur (§ 21).

Dans la présente affaire, la CEDH s’est demandé si la restriction de la liberté d’expression de la société requérante était nécessaire dans une société démocratique (§ 40 ; v. CEDH 29 mars 2016, Bédat c. Suisse, req. n° 56925/08, § 48, Légipresse 2016. 206 et les obs. ; RSC 2016. 592, obs. J. P. Marguénaud ). De façon unanime, les juges de la Cour européenne répondent de façon négative en affirmant que, si l’interdiction d’émettre un jugement de valeur peut être prévue par un législateur, les tribunaux nationaux doivent contrôler la proportionnalité entre l’objectif de la restriction qui est celui de garantir le droit du public à une couverture équilibrée et impartiale des questions d’intérêt public, et le droit des médias à transmettre des informations et des idées (§ 46).

Les multiples prétentions de la société requérante devant les juridictions hongroises et les multiples contre-arguments développés par ces dernières soulignent les divergences d’appréciation de la liberté d’expression entre la Hongrie et la CEDH. La doctrine tend à démontrer que l’atteinte portée à certaines libertés fondamentales par la Hongrie n’est pas un phénomène nouveau. Une doctrine rappelle en effet que le Parlement européen a, depuis 2011, régulièrement affirmé que différentes libertés, dont la liberté d’expression, étaient menacées par la Hongrie (M. Blanquet, L’Union européenne est-elle une Communauté ?, Rev. UE 2018. 507 ). Une doctrine récente constate que l’expression de « démocraties illibérales » est à présent utilisée pour qualifier l’évolution du régime politique de quelques États membres de l’Union européenne, dont la Hongrie (S. Cursoux-Bruyère, Les fragilités de l’espace européen des libertés : « des maux pour un bien », Rev. UE 2020. 176 ).

Selon un autre auteur, « on assiste à une démarche de “nationalisation des valeurs” conduisant à “une rupture du consensus quant aux valeurs communes aux États membres de l’Union européenne” » (S. Pierré-Caps, Crise des valeurs de l’Union européenne ou crises des valeurs nationales, Rev. UE 2017. 402 ).

Une décision quelque peu novatrice, bien que prévisible 

Dans la présente affaire, un des juges de la CEDH précise que c’est « la première fois que la CEDH traite spécifiquement de l’imposition d’une telle obligation [de ne pas émettre un jugement de valeur] aux médias », bien que plusieurs États membres du Conseil de l’Europe exigent eux aussi que les médias du secteur privé et des services publics respectent les principes d’exactitude, d’impartialité et d’équité. Malgré tout, cette décision apparaît comme un des aboutissements de l’évolution jurisprudentielle de la CEDH en matière de liberté d’expression et de liberté de la presse. La CEDH énonce en effet clairement que la liberté d’expression bénéficie de la plus haute protection en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH 5 juill. 2016, Kurski c. Pologne, req. n° 26115/10, § 52-53), que la liberté d’expression constitue « l’un des fondements essentiels d’une société démocratique […] [qu’] elle vaut non seulement pour les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent » (CEDH 26 nov. 1991, Observer et Guardian c. Royaume-Uni, req. n° 13585/88, § 59, AJDA 1992. 15, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1992. 510, chron. V. Berger, C. Giakoumopoulos, H. Labayle et F. Sudre ; RSC 1992. 370, obs. L.-E. Pettiti ).

Aussi, elle accorde un pouvoir discrétionnaire aux médias afin de déterminer « les méthodes de reportage objectives et équilibrées » et souligne que ni la Cour ni les autorités nationales ne peuvent imposer de « techniques de reportages » aux journalistes (CEDH 23 sept. 1994, Jersild c. Danemark, req. n° 15890/89, § 31, AJDA 1995. 212, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1995. 1172, chron. H. Labayle et F. Sudre  ; v. mutatis mutandis, CEDH 12 juin 2014, Couderc and Hachette Filipacchi Associés c. France, req. n° 40454/07, § 139, AJDA 2016. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2016. 116, et les obs. , note J.-F. Renucci ; Constitutions 2016. 476, chron. D. de Bellescize ; RTD civ. 2016. 81, obs. J. Hauser ; ibid. 297, obs. J.-P. Marguénaud ).

Enfin, la Cour souligne l’autonomie éditoriale des journalistes lorsqu’ils communiquent des informations et des idées sur des sujets d’intérêt public (CEDH 21 févr. 2017, Orlovskaya Iskra, req. n° 42911/08, § 129, 130 et 134). La Convention européenne accorde ainsi une large autonomie aux journalistes couvrant des questions d’intérêt public, ce qui, selon la CEDH, était le cas de la société requérante.

Un degré de protection supplémentaire admis par le droit français ?

En droit interne, depuis un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 mars 2008 (Crim. 11 mars 2008, n° 06-84.712, Bull. crim. n° 59 ; Dalloz actualité, 7 avr. 2008, obs. S. Lavric ; D. 2008. 2256 , note J. Lapousterle ; ibid. 2009. 1779, obs. J.-Y. Dupeux et T. Massis ; AJ pénal 2008. 237 ). La jurisprudence admet un degré de liberté supplémentaire quand les propos portent sur un sujet d’intérêt général. En 2015, la chambre criminelle vérifiait que les propos en cause se fondaient sur une base factuelle suffisante (Crim. 20 oct. 2015, n° 14-82.587, Dalloz actualité, 13 nov. 2015, obs. S. Lavric ; AJDA 2016. 350 ; ibid. 963 , note R. Rambaud ; D. 2015. 2184 ; AJCT 2016. 178, obs. S. Lavric ; Légipresse 2015. 582 et les obs. ). Puis en 2016, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière consacrait un niveau plus élevé de protection de la liberté d’expression en ne sanctionnant pas le jugement de valeur d’un avocat porté sur l’action des magistrats lors d’une procédure judiciaire (Cass., ass. plén. 16 déc. 2016, n° 08-86.295, Dalloz actualité, 21 déc. 2016, obs. S. Lavric ; D. 2017. 434, obs. N. explicative de la Cour de cassation , note E. Raschel ; ibid. 2018. 87, obs. T. Wickers ; AJ pénal 2017. 187, obs. C. Porteron ; Légipresse 2017. 8 et les obs. ; ibid. 85, Étude B. Ader ). Ainsi, les juridictions françaises consacrent-elles la liberté d’expression en s’attachant de moins en moins à la nature des propos litigieux ? S’il devenait peu important que ceux-ci établissent des faits ou des jugements de valeur, il deviendrait possible d’affirmer à la lumière de l’arrêt de la CEDH ici étudié que le droit français confère un niveau de protection encore supérieur à la liberté d’expression. Toutefois, l’automaticité d’une solution comparable à celle de l’arrêt d’assemblée plénière de 2016 reste difficilement imaginable, par exemple lorsque le jugement de valeur s’exerce à l’encontre de l’origine, de la race ou de la religion d’une personne physique : des valeurs protégées par l’article premier de la Constitution de 1958. 

Auteur d'origine: ccollin

À la demande de la Cour nationale du droit d’asile, nous publions ce droit de réponse en intégalité.

« À la suite de la parution de l’article « Manque d’harmonie en droit d’asile » écrit par une personne se présentant comme « rapporteure à la cour », la CNDA souhaite rectifier plusieurs erreurs qui y sont mentionnées.

En effet, cet article laisse croire que les rapporteurs se substituent aux juges dans la prise de décision, que la direction de la cour impose une jurisprudence aux juges ou encore que le centre de documentation élabore des documents incohérents. Ces éléments démontrent une méconnaissance complète des textes applicables et du fonctionnement même de la juridiction.

Comme il l’est précisé dans les textes, le rôle du rapporteur est de « donne[r] lecture » durant l’audience (de) son rapport « qui analyse, en toute indépendance, l’objet de la demande et les éléments de fait et de droit exposés par les parties, et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans prendre parti sur le sens de la décision » (article R. 733-25 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Lors du délibéré, si le rapporteur y assiste, il n’y participe pas : « le rapporteur n’a pas voix délibérative ». (article R. 733-26).

Rappelons que le rapporteur ne peut faire état de son avis et, encore moins, intervenir à l’audience une fois son rapport lu… Laisser croire que le rapporteur est « serein » la veille d’une audience car il sait que « le ou la juge les laissera prendre la décision » démontre une méconnaissance complète des textes applicables, et donc des pratiques qui ont lieu à la CNDA, et s’avère diffamatoire à l’égard des juges et de leur indépendance.

Par ailleurs, la teneur même du texte laisse entendre que les jurisprudences de la cour seraient figées. Un système de classement des jurisprudences de la Cour sur proposition des formations de jugement a été mis en place. Les membres de formation de jugement, les avocats et intervenants sociaux sont informés des décisions grâce aux bulletins d’informations juridiques internes et à la mise en ligne régulière des décisions sur le site Internet de la cour. Ces décisions permettent un suivi de la situation dans les pays d’origine et la grande formation de la cour est chargée d’harmoniser les solutions et d’entériner les évolutions.

Dire que la « direction de la cour veut influencer les décisions afin, d’une part, d’imposer son avis et, d’autre part d’harmoniser les décisions » montre là encore une méconnaissance totale du fonctionnement habituel d’une juridiction. Les décisions classées et publiées sont proposées par les présidents de section, magistrats les plus expérimentés, sur le seul critère de la novation dans l’interprétation de la règle de droit ou de l’évolution d’une qualification juridique. Cette information est normale au regard de la taille de la juridiction où interviennent près de 400 juges vacataires.

Enfin l’analyse hasardeuse de l’auteure sur la situation du Darfour montre là encore une méconnaissance réelle des conditions d’élaboration des notes établies par le CEREDOC sur la situation dans les pays d’origine et de leur fonction. Le Centre de documentation y réalise une étude approfondie des rapports les plus récents basée sur les ressources documentaires internationales publiques, ainsi qu’une analyse des jurisprudences du Conseil d’État et des cours européennes. Les analyses contenues dans ces notes d’information constituent une source d’information sur les situations géopolitiques ou l’état de la jurisprudence à l’usage des juges.

Le CEREDOC exerce un rôle de centre d’information juridique et géopolitique qui est reconnu au niveau européen et international pour la qualité de ses analyses. »

Auteur d'origine: babonneau

La responsabilité pénale des décideurs

Dans notre régime parlementaire, la Constitution ayant prévu que l’Assemblée nationale puisse avoir le dernier mot, le Sénat a une carte majeure pour imposer ses vues : le temps. Rejeter un accord avec le Sénat, c’est rallonger la navette parlementaire. Le calendrier très serré de ce projet de loi, qui doit entrer en application jeudi 11 mai, lui permet de pousser ses combats, à condition de les choisir.

Deux articles additionnels ont été adoptés en commission. Le premier prévoit que les dispositions de l’ordonnance qui prolonge automatiquement les détentions provisoires prendront fin le 24 mai, sans attendre la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Le second, plus polémique, porte sur la responsabilité pénale des élus. Pressés par des maires inquiets de se voir reprocher l’ouverture des écoles, des sénateurs de tout bord ont demandé une modification de la loi. Mais le sujet est sensible. Au Sénat, hier, le premier ministre est resté prudent : « Nos concitoyens veulent que les maires agissent sans blocage, mais ils ne veulent pas que les décideurs publics ou privés s’exonèrent de leurs responsabilités. Préciser la loi et rappeler la jurisprudence oui. Atténuer la responsabilité je suis nettement plus réservé. »

L’amendement adopté en commission vise avant tout à rappeler la loi Fauchon, codifiée à l’article 121-3 du code pénal, mais sa rédaction est peu claire. Le débat va se poursuivre cette semaine, mais le Sénat tient à son article.

Plusieurs garanties au texte du gouvernement

Sur le reste du projet de loi (v. Dalloz actualité, 2 mai 2020, art. P. Januel), le Sénat a introduit plusieurs garanties. Il propose d’abord de limiter la prorogation de l’état d’urgence au 10 juillet (et non le 23, comme le souhaitait le gouvernement). La commission a réécrit l’article sur les quarantaines, limitées aux arrivées sur le territoire national, en outre-mer et en Corse. Les sénateurs ne souhaitent pas de quarantaine pour les déplacements entre la France continentale et la Corse. Par ailleurs, alors que le gouvernement prévoyait un recours au juge des libertés et de la détention qu’en cas d’isolement total, le Sénat propose de lui confier l’ensemble des recours contre les quarantaines, au détriment du juge administratif. Les garanties prévues sur les quarantaines « état d’urgence sanitaire » sont transposés aux autres régimes de quarantaine prévus par le code de la santé publique, comme le suggérait l’avis du Conseil d’État. Enfin, les entreprises de transport devront communiquer aux préfets l’ensemble de leurs données de réservation.

La commission a également restreint la liste des agents habilités à constater des infractions de l’état d’urgence sanitaire : « au regard des difficultés constatées, il n’apparaît pas souhaitable d’élargir les prérogatives de constat d’infractions à de nouvelles catégories d’agents ».

La commission a adopté de très nombreux amendements à l’article 6 qui crée des fichiers consacrés au suivi sanitaire des personnes infectées. Le Sénat veut garantir l’information des personnes concernées et exclut que l’article puisse servir de base légale à l’application StopCovid. Un comité de liaison sociétale suivra ce fichier.

Auteur d'origine: Bley