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Le tribunal administratif de Montreuil a condamné, le 2 juillet 2020, l’État à indemniser partiellement trois familles dont les enfants souffrent de diverses malformations dues à l’exposition in utero au valproate de sodium.

Les effets délétères de ce produit sur les enfants de mères ayant pris pendant leur grossesse l’antiépileptique Dépakine ont été reconnus par le législateur. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 a mis en place une procédure de réparation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. La LFSS pour 2020 a posé, dans ce cadre, une présomption d’imputabilité du préjudice au manque d’information de la mère (CSP, art. L. 1142-24-12). Cette présomption toutefois ne s’impose qu’au collège d’experts placé auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, juge le tribunal, et pas dans le cas qui lui était soumis d’une action en responsabilité fondée sur les manquements de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs de police sanitaire.

Il estime néanmoins, au regard des connaissances scientifiques et des expertises que « doivent être présumés imputables à l’exposition in utero au valproate de sodium, les anomalies morphologiques faciales, squelettiques et des extrémités, les malformations, les troubles cognitifs et/ou comportementaux, les atteintes organiques variables dès lors qu’ils ne sont imputables à aucune autre cause et que le traitement au valproate de sodium s’est poursuivi au cours de la grossesse ».

Responsabilité atténuée

Il considère également que la responsabilité de l’État peut être engagée par « toute faute commise dans l’exercice » de ses pouvoirs de police sanitaire relative aux médicaments. Pour apprécier l’existence d’une telle faute, le tribunal a dû reconstituer l’histoire des soupçons, devenus certitude, sur le caractère toxique de la Dépakine pour le fœtus. En effet, les grossesses pour lesquelles la responsabilité de l’État était recherchée remontaient à 1981, 1985, 2006 et 2008. La première étude ayant émis l’hypothèse de la responsabilité du médicament pour des malformations remonte à 1981, l’État n’est pas responsable du préjudice d’un enfant né en avril de la même année. En 1985, la responsabilité de l’État n’est engagée que pour le risque de malformation, qui était connu, mais pas pour celui de troubles neuro-développementaux, qui ne l’était pas. Pour les enfants nés en 2006, les risques étaient connus. Or ils n’étaient correctement précisés ni par le résumé des caractéristiques techniques (RCP), destiné aux médecins, ni par la notice destinée aux patients. En 2008, le RCP était conforme aux données de la science, mais par la notice, ce qui a privé les mères d’une réelle connaissance du risque. Dans tous les cas, la responsabilité de l’État est partiellement atténuée par les fautes commises par le laboratoire et les médecins prescripteurs.

Auteur d'origine: Montecler
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Avant de statuer sur une demande d’annulation de décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé d’avancer à bref délai la convocation des requérants au guichet d’accueil de la direction des migrations et de l’intégration de la préfecture en vue du dépôt de demandes de titre de séjour, le tribunal administratif de Lyon a saisi pour avis le Conseil d’État autour de ces questions de convocation.

La convocation ne fait pas grief, à moins que l’urgence s’en mêle

La convocation à un rendez-vous en préfecture en vue de déposer personnellement une demande de titre de séjour « n’a d’autre objet que de fixer la date à laquelle il sera, en principe, procédé à l’enregistrement de sa demande », rappelle le Conseil d’État. Cette convocation ne constitue donc pas « une décision faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Pour autant, l’administration est tenue de procéder à l’enregistrement de la demande dans un délai raisonnable (CE 10 juin 2020, n° 435594, Dalloz actualité, 24 juin 2020, obs. T. Bigot ; AJDA 2020. 1204 ). Si le demandeur souhaite que la date de convocation qui lui a été fixée soit avancée, il lui appartient de saisir l’autorité administrative...

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Auteur d'origine: pastor

L’association Territoires unis, qui est née d’une contestation des trois grandes associations d’élus face à ce qu’elles considéraient comme la démarche recentralisatrice de l’État, demande une rénovation des relations entre l’État et les collectivités locales et surtout un renforcement des libertés locales.

Nouvelle politique sanitaire territorialisée

Profitant du Ségur de la santé pour y apporter sa contribution, Territoires unis demande un changement radical du mode de gouvernance des politiques de santé. Pour François Baroin, la médecine de ville a été la grande oubliée de la crise de la covid-19, alors qu’elle devrait pourtant, selon lui, être rapprochée de la médecine hospitalière. Il faut donc renforcer la place des élus locaux...

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Auteur d'origine: pastor

Elle le voulait pourtant son propre stade et, pour cela, la Fédération française de rugby avait vu grand : 82 000 places, un toit rétractable… prête à débourser 581 millions d’euros hors taxes, la FFR devait en devenir propriétaire à l’horizon 2023. La Cour des comptes avait alerté sur le risque économique et le dossier fut enterré par Bernard Laporte, lorsqu’il fut nommé à la tête de la fédération en 2016, en résiliant unilatéralement l’accord-cadre du 26 juin 2012 ayant pour objet la création d’un Grand Stade de rugby. Les collectivités de l’Essonne, parties à l’accord-cadre et qui devaient accueillir le Grand Stade, ne s’en sont pas laissées compter et ont attaqué la fédération.

La FFR a agi hors sa mission de service public

La FFR a-t-elle agi dans le cadre de sa mission de service public, auquel cas un pouvoir de résiliation unilatérale aurait pu lui être reconnu ? Ce n’est pas ce que retient le tribunal, qui considère qu’à supposer même que puisse être reconnu, entre les mains d’une personne privée chargée d’une mission de service public, un pouvoir de résiliation unilatérale d’un contrat pour un motif d’intérêt général, « il ne résulte pas de l’instruction que le projet de création du “grand stade de rugby”, qui a motivé la conclusion de l’accord-cadre en litige, entre dans le champ des missions de service public qui ont été confiées par le législateur à la FFR, telles que celles-ci sont énumérées aux articles L. 131-15 à L. 131-16 du code du sport. Par suite, ayant agi par cet accord-cadre en dehors de l’exécution de sa mission de service public, la FFR ne pouvait pas légalement le rompre unilatéralement pour un motif d’intérêt général, lequel consistait en l’espèce, selon l’argumentation de la FFR, à prévenir le risque financier lié à ce projet ».

Par conséquent, en décidant de rompre unilatéralement l’accord-cadre conclu en 2012, la FFR a manqué à ses obligations contractuelles, de nature à engager sa responsabilité sur ce fondement.

Auteur d'origine: pastor
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Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État s’opposent-ils réellement sur la valeur juridique des ordonnances non ratifiées ou sont-ils en train de faire bouger les lignes de concert ? C’est la question que de nombreux spécialistes se posent après un arrêt du Conseil d’État du 1er juillet, suivi deux jours plus tard par une décision du Conseil constitutionnel.

La source de ces interrogations est la décision n° 2020-843 QPC (Cons. const. 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC, Force 5 (Assoc.), AJDA 2020. 1087 ; D. 2020. 1390, et les obs. , note T. Perroud ), dans laquelle le Conseil constitutionnel estimait qu’après l’expiration du délai d’habilitation, les dispositions d’une ordonnance, même non ratifiée, « doivent être regardées comme des dispositions législatives ». Une partie de la doctrine s’est émue de voir ainsi promus au rang de lois des textes que le Parlement n’aura pas approuvés. Une autre partie s’est interrogée sur une remise en cause de la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle les ordonnances non ratifiées constituent des actes administratifs susceptibles de recours devant lui (CE, ass., 24 nov. 1961, Fédération nationale des syndicats de police, Lebon 658).

Or, par un arrêt du 1er juillet (n° 429132), le Conseil d’État a examiné au fond un recours contre une ordonnance non ratifiée. L’analyse au Lebon de cette décision porte uniquement sur la solution implicite selon laquelle le Conseil d’État est compétent pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir contre une ordonnance non ratifiée, même après l’expiration du délai d’habilitation.

Le 3 juillet, le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la Cour de cassation sur la prolongation automatique des détentions provisoires pendant l’état d’urgence sanitaire, affine son raisonnement sur les ordonnances non ratifiées. Il indique ainsi que « si le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution prévoit que la procédure d’habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances se clôt, en principe, par leur soumission à la ratification expresse du Parlement, il dispose qu’elles entrent en vigueur dès leur publication. Par ailleurs, conformément à ce même alinéa, dès lors qu’un projet de loi de ratification a été déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances demeurent en vigueur y compris si le Parlement ne s’est pas expressément prononcé sur leur ratification. Enfin, en vertu du dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, à l’expiration du délai de l’habilitation fixé par la loi, les dispositions d’une ordonnance prise sur son fondement ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »

Il précise surtout que si « les dispositions d’une ordonnance acquièrent valeur législative à compter de sa signature lorsqu’elles ont été ratifiées par le législateur, elles doivent être regardées, dès l’expiration du délai de l’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité. »

La compétence du Conseil constitutionnel dépendrait donc moins de la ratification effective de l’ordonnance que de l’invocation « des droits et libertés que la Constitution garantit ». Et n’exclurait pas forcément la compétence du Conseil d’État pour tout autre motif d’illégalité. C’est ce semble confirmer le commentaire officiel de la décision n° 2020-843 QPC, mis en ligne récemment. Celui-ci indique que le Conseil s’est reconnu compétent « pour contrôler, par la voie de la QPC, la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions d’une ordonnance non ratifiée ». Et surtout que cette évolution « ne remet naturellement pas en cause les autres voies de recours permettant de contester ces dispositions, au regard d’autres motifs que leur conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis ».

Auteur d'origine: Montecler
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L’excellent livre de Yannick Meneceur est une analyse érudite, enthousiaste, et engagée d’un phénomène qui aujourd’hui n’en finit pas d’occuper le devant de la scène : l’intelligence artificielle. Les juristes – et c’est très heureux – n’ont pas manqué de se saisir des implications de cette évolution majeure de notre époque. La disruption, un mot qui n’est pas si nouveau (v. le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, par P. Larousse, t. 6, p. 936 : il est déjà considéré comme « peu usité » et signifie, en chirurgie, une fracture) mais en revanche beaucoup plus à la mode aujourd’hui, est étudiée dans ses moindres détails, dans tous les secteurs, à travers de nombreux cas d’usage. La « sidération collective » (p. 8) qu’évoque l’auteur s’est traduite par une impressionnante floraison doctrinale dont l’on ne peut que se féliciter tant elle est stimulante. Et, en lisant cet ouvrage, tout comme du reste de nombreux autres dans ce domaine, l’on se dit que le professionnel du droit est assurément en train de vivre une période fascinante et passionnante sur le plan intellectuel. Est-ce de l’ordre de l’avènement du machinisme ou plutôt de l’invention de l’imprimerie comme le laisse entendre Yannick Meneceur (p. 5) ? Ce qui est sûr, c’est qu’il se passe quelque chose et que la doctrine du droit est aujourd’hui confrontée à un phénomène technologique d’une ampleur considérable (même s’il est, pour l’auteur, « la résurgence d’ambitions relativement anciennes » : p. 14) qui se révèle le vecteur d’une quantité inimaginable de propositions, de travaux de grande qualité, de chartes et de recommandations. Bien sûr, tout cela contribue à former une sorte de corpus de problématiques et d’idées communes. Progressivement, par le rapprochement des encadrements proposés ici et ailleurs, un droit commun se dégage et est discuté.

Encore faut-il se repérer dans le maquis très touffu des multiples contributions. C’est dans cette première perspective que s’inscrit, d’un point de vue pédagogique, le livre de Yannick Meneceur. Il faut un guide pour comprendre les grands enjeux du domaine. En témoignent les intéressants développements consacrés à la terminologie. En effet, la rupture que représente l’IA a entraîné sa cohorte de mots et de concepts totalement neufs. Cette rupture est, sur le plan sémantique, particulièrement nette et l’expression même d’IA figure parmi celles dont le contenu notionnel est aujourd’hui particulièrement surchargé. Oui, l’IA, dans le langage courant, est devenue « un vaste fourre-tout technologique » et « ainsi employé (…) le terme peine à restituer une forme précise d’objet d’étude et prête à de multiples malentendus » (p. 15). Le parti de l’auteur, qui n’omet pas de relever que la subjectivité ne peut être totalement éludée, est ici d’aborder la définition à travers plusieurs prismes : historique, technique, économique, social, philosophique, éthique, politique et juridique. Quoi qu’il en soit, l’IA n’est pas que le machine learning, même s’il occupe aujourd’hui une part très importante de la recherche et s’il y est très souvent assimilé.

L’ambition du livre est donc de faire le procès de l’IA, de « penser « l’IA » au regard de son process (c’est-à-dire de la manière dont elle est en action), tant dans sa dimension structurante que déstructurante de la société, en juxtaposant, parfois de manière inédite, des éléments concrets et objectifs provenant de différents champs scientifiques. La mettre « en procès », c’est aussi adopter une démarche d’instruction, analytique, respectueuse du contradictoire en évoquant des concepts qui peinent souvent à dépasser les cercles académiques et être vulgarisés par la presse généralise » (p. 2-3). Ce faisant, Yannick Meneceur ne bascule pas dans une technophilie débridée, pas plus qu’il ne verse dans une religion de l’ère nouvelle qui se passerait de toute analyse critique. Comme dans tous les procès, le propos finit cependant par être engagé parce qu’il faut bien apporter des réponses aux problèmes techniques, politiques puis juridiques que suscitent la généralisation de l’IA.

L’auteur n’a pas choisi la forme d’un volumineux ouvrage, privilégiant un livre qui, sans être bref, évite l’écueil de nombreuses longueurs. Sans doute est-ce dû à la méthode et probablement à la formation de l’auteur lui-même. Magistrat détaché de l’ordre judiciaire œuvrant à la transformation numérique au sein même du Conseil de l’Europe, il s’est tout naturellement intéressé à la question de la justice prédictive dans des développements qui mettent en relief avec beaucoup d’acuité les enjeux de cette transformation décisive (v. aussi le dossier, Justice et intelligence artificielle, préparer demain par L. Pécaut-Rivolier et S. Robin, Dalloz actualité, 14, 15, 17 et 20 avr. 2020). L’auteur entend par là « la démarche qui consiste à établir par divers types d’algorithmes des probabilités sur l’issue d’un litige, en traitant non pas un récit brut, mais des faits déjà qualifiés juridiquement » (p. 94). La « matière première » que constituent les décisions de justice va rencontrer l’apprentissage automatique. Pour l’auteur, une discussion est absolument nécessaire tant les dérives d’un tel système sont significatives. La charte proposée par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), en décembre 2018, en est l’un des exemples. Là où l’on attendait peut-être un peu moins Yannick Meneceur était la « médecine prédictive ». Cela étant, il s’agit d’un des domaines d’action du Conseil de l’Europe et les pages qui sont consacrées à cette variété de l’e-santé se révèlent très riches d’enseignements, à tout le moins pour en avoir une première vue.

L’on pourrait multiplier les occurrences tant les terrains d’élection de l’IA sont nombreux, ce que reflète cet ouvrage (v. égal. l’exposé des expériences APB et Parcoursup, avec « l’immixtion des algorithmes dans l’éduction, p. 143 s.) ; mais il faut aussi s’intéresser aux propositions et solutions. Des idées stimulantes sont formulées et pourront, tout naturellement, être discutées. La révolution serait avant tout informatique, écrit Yannick Meneceur. Surtout, « lier « l’IA » à l’histoire et à la science statistique, c’est donc reprendre raison » (p. 82). En somme, l’un des postulats de l’auteur tient à cette idée que tout ne doit pas être perçu comme une révolution totalement nouvelle, de manière absolue et sans nuance. Après tout, « objectiver les réussites, c’est se prémunir des futurs échecs ». Sur cette base, la discussion devrait être nourrie. Mais des réponses juridiques sont aussi concrètement apportées. La première est peut-être dans le titre lui-même de l’ouvrage que Yannick Meneceur pense comme un « plaidoyer » pour une « réglementation internationale et européenne ». La notion de « réglementation » présente l’avantage de la clarté. En cela, tout en reconnaissant que nous ne sommes actuellement pas dans « un total no man’s land juridique » (p. 327), l’auteur rejoint le constat récemment formulé par Céline Castets-Renard, considérant justement qu’il faut remettre le droit au centre du processus normatif » (Comment construire une intelligence artificielle responsable et inclusive, D. 2020. 225 . Dans une autre publication, cet auteur rappelle que « la prolifération internationale des textes éthiques a pu inquiéter sur l’émergence d’un ethical washing, C. Castets-Renard, Le livre blanc de la Commission européenne sur l’intelligence artificielle : vers la confiance ?, D. 2020. 837 ). Pour Yannick Meneceur, « l’absolue nécessité d’un encadrement » (p. 336) s’articule autour d’une série de propositions très variées. Ainsi s’interroge-t-il, par exemple, sur l’organisation des professions appliquant l’IA. La certification des algorithmes est également longuement analysée comme un élément de réponse, l’auteur identifiant des niveaux cumulatifs de certification (p. 357 s.) et recensant les initiatives déjà entreprises à ce sujet. Enfin, l’un des apports originaux de l’ouvrage est de poser les bases d’une convention cadre sur l’IA : « seule réponse véritable aux problèmes techniques et politiques décrits, ce cadre juridique aurait vocation à poser les bases horizontales d’une réglementation afin d’essaimer ensuite dans chacun des secteurs spécialisés d’application » (p. 383).

Dans le passionnant bouillon intellectuel de propositions que véhicule l’essor de l’IA qui, en dépit des louables et opportunes tentatives d’objectivation, continue de fasciner, parfois de manière irrationnelle, l’éclairage de Yannick Meneceur est bienvenu. En expliquant de manière pédagogique les principaux concepts, sans céder aux sirènes de son « enchantement » originel, l’ouvrage fourmille d’idées. Nombre d’elles peuvent – et seront – discutées. Le débat est recommandé ; la Déclaration de Montréal, en décembre 2018, a eu raison de le rappeler. Quoi qu’il en soit, mettre en procès l’IA pour mieux en déployer l’utilisation est une impérieuse nécessité.

 

Y. Meneceur, L’intelligence artificielle en procès. Plaidoyer pour une réglementation internationale et européenne, préf. A. Garapon, postface J. Kleijssen, Bruylant, 2020.

Auteur d'origine: babonneau

Depuis une semaine, ils occupent des dizaines de tentes, alignées dans un square du XIe arrondissement de Paris. Les travailleurs sociaux les appellent couramment mineurs isolés étrangers (MIE), l’autorité judiciaire les qualifiant plus volontiers de mineurs non-accompagnés (MNA). Quelle que soit leur situation administrative exacte, on raisonne donc essentiellement à leur sujet autour de l’absence de titulaire de l’autorité parentale. Ce qui renvoie entre autres à la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE), laquelle prévoit que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial […] a droit à une protection et une aide spéciales de l’État » (une formulation reprise à peu de chose près dans le code de l’action sociale et des familles). Les adolescents du XIe sont suivis, entre autres associations, par Médecins sans frontières (MSF). L’organisation a monté une mission sur le territoire français (c’est rarissime) pour leur venir en aide. Elle se défend d’être ce faisant dans une démarche « pro-migrants », mais insiste sur le fait que leur situation parfois inextricable compromet gravement leur accès aux soins. C’est dans cet esprit qu’elle a transmis il y a quelques jours au procureur de Bobigny une plainte visant le conseil départemental de Seine-Saint-Denis (et « toute autre personne »), à propos d’un cas qu’elle considère comme emblématique, et qui l’est effectivement à plusieurs titres.

Précisons d’abord que, sur le plan judiciaire, ces mineurs relèvent naturellement des juridictions pour enfants ; mais qu’administrativement parlant, leur (éventuelle) prise en charge est de la compétence des départements. Et que les deux s’entremêlent dans les procédures. Le cheminement le plus classique est le suivant : destinataire d’une information préoccupante, un président de conseil départemental confie provisoirement, en urgence, le mineur à l’aide sociale à l’enfance (ASE), et demande une évaluation (de sa minorité et de son isolement), qui fait souvent intervenir la préfecture. Si cette évaluation est favorable au jeune demandeur, le président saisit le procureur, qui peut prendre une ordonnance de placement provisoire (ou « OPP parquet »), et saisit à son tour le juge des enfants, lequel confie en principe (par une nouvelle « OPP ») le mineur au conseil départemental de son choix. Au contraire, si l’évaluation conclut à la majorité (ou au non-isolement), c’est au demandeur de saisir directement le juge des enfants, quitte à contester parallèlement l’évaluation devant le tribunal administratif (par le biais d’un référé-suspension ou d’un recours en excès de pouvoir). On notera qu’une reconnaissance de minorité peut permettre aux jeunes entrés ainsi dans le circuit de solliciter ensuite un contrat jeune majeur, et pourquoi pas un jour une régularisation, par exemple sous la forme d’un titre de séjour étudiant. Mais on s’éloigne du cœur du sujet.

Venons-en au cas de X., né à la toute fin 2002 en Côte d’Ivoire, arrivé sur le territoire français en mars 2018 au terme d’un périple comme souvent semé d’embûches, et qui s’est par la suite découvert contaminé par le VIH. Entre autres tracasseries, le protocole de soins était naturellement susceptible d’être compromis par l’absence de représentant légal. Il a donc saisi le juge des enfants de Nanterre, qui l’a provisoirement placé sous la protection de l’ASE des Hauts-de-Seine, tout en demandant en parallèle un (extrêmement controversé) « examen osseux ». Lorsque cette « expertise » a conclu à sa majorité, X. était en train de procéder à une demande de passeport auprès des autorités consulaires ivoiriennes en France. Le juge a ordonné la mainlevée de la mesure de placement provisoire, mais X. a demandé et obtenu la suspension de l’exécution provisoire, avant de perdre finalement son recours devant la cour d’appel de Versailles. Hébergé par MSF durant le confinement, il a d’une part contracté le covid, et d’autre part sévèrement décompensé, ce dont attestent plusieurs membres du corps médical. Admis dans un hôpital de Seine-Saint-Denis, il a sollicité la réouverture de son dossier à Nanterre, qui a refusé. Bien embêté par sa situation, l’hôpital a alors fait remonter une information préoccupante au conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Qui ne s’est pas senti concerné, dans la mesure où X. avait originellement été pris en charge et évalué dans un autre département, puis « reconnu majeur » par la justice, en dernier ressort. Alors même que son passeport, obtenu dans l’intervalle, dit le contraire.

Ce sont donc l’épuisement des voies de recours classiques et la spécificité de sa situation médicale qui motivent la plainte, visant trois qualifications. Tout d’abord, le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger (C. pén., art. 223-3) : l’association soutient entre autres que la combinaison des décisions administratives et judiciaires permet la réunion d’un acte positif d’abandon et d’une intention. Ensuite, la mise en danger de la vie d’autrui (C. pén., art. 223-1), qui serait constituée par « la violation manifestement délibérée des obligations de sécurité et de prudence applicables aux mineurs non-accompagnés, [l’exposant] directement à un risque immédiat de mort ou de blessures d’une extrême gravité ». Enfin, la non-assistance à personne en péril (C. pén., art. 223-6) : sur ce point, l’organisation argue notamment que l’absence de suivi de X. a « placé ce dernier, du fait de son état physique et de son instabilité psychique, en situation de péril imminent ».

Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui comme on l’a vu s’estime étranger au dossier, s’étonne « que MSF ait choisi de porter plainte contre l’un des départements les plus engagés sur ce sujet », et déplore « le choix facile de pointer du doigt celles et ceux qui agissent au quotidien, en oubliant de s’en prendre aux véritables responsables de la situation ». L’association ne dit d’ailleurs pas autre chose : « C’est tombé sur ce conseil départemental, parce qu’il y avait particulièrement urgence dans ce dossier. Mais on cherche surtout à engager un rapport de force pour que la problématique remonte aux vrais interlocuteurs que sont les préfectures, le ministère de l’Intérieur… On n’est pas non plus dans la logique de déposer, par exemple, une plainte par département, mais s’il faut en passer par là dans d’autres dossiers, on le fera sans hésiter ». Plus largement, l’association plaide pour qu’outre la notion d’intérêt supérieur de l’enfant (qui est une exigence constitutionnelle), soit clairement formulée et consacrée une présomption de minorité : l’expression n’apparaît noir sur blanc que très ponctuellement, notamment dans une note de l’autorité régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, qui fait justement partie des pièces jointes à la plainte. Elle appelle également de ses vœux la création d’un consortium des départements dans ce domaine, afin notamment d’harmoniser les pratiques locales, et de pouvoir organiser « une vraie prise en charge médicale de ces mineurs, adaptée à leur situation ». En attendant, à propos des jeunes du campement, une rencontre est désormais prévue entre les associations, la mairie de Paris et la préfecture de région.

Auteur d'origine: babonneau

Au ministère de la justice, place Vendôme, la cour intérieure pavée est ceinte de deux façades, d’où les employés, accoudés aux fenêtres, ont pu suivre la « passation de pouvoirs » entre Nicole Belloubet et Éric Dupond-Moretti, car la cour en elle-même était saturée de journalistes agglutinés, de collaborateurs du cabinet de la ministre, de parlementaires. Cela faisait trois ans que l’ancienne membre du Conseil constitutionnel (d’où elle fut extirpée pour diriger le ministère) gardait les sceaux et, après un discours d’adieu ponctué de citations (Mandela, Jaurès) et conclu par des larmes, elle les remit (les sceaux) à son successeur, « visage emblématique de la justice », dit-elle, l’avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti.

Nicole Belloubet est d’abord apparue seule. Elle a salué ses conseillers dans un silence total, avant que deux minutes d’applaudissements bruyants ne parachèvent cet adieu officiel. Comme le veut le protocole, elle a prononcé un bref discours retraçant le parcours, les projets aboutis, les projets en cours, les défis, tout comme Éric Dupond-Moretti, désormais ministre de la justice, a, dans un bref discours, annoncé les chantiers à venir. Il a tout d’abord tenu à rassurer la magistrature, quelque peu secouée depuis sa nomination mardi soir, en affirmant et répétant : « Ce ministère n’est pas le ministère de la guerre, mais celui des libertés » (mais aussi celui de « l’antiracisme » et « des droits de l’homme »). Puis, il s’est présenté : « Je n’ai pas une connaissance technocratique de la justice, je la connais humainement, intimement, charnellement. J’ai vu le meilleur et le pire, j’ai rencontré de très grands magistrats, je les respecte, [ces magistrats] gourmands de contradictoire. »

« Je ne suis pas un homme politique, je viens de la société civile, et même de la société pénale. Je ne fais de guerre à personne, je veux garder le meilleur et changer le pire. » Il souhaite une « ouverture de la magistrature à la société civile ». Après avoir évoqué les nombreuses condamnations de la France par la CEDH, douzième pays le plus condamné, il a réaffirmé sa volonté de transformer l’institution judiciaire, dont il a déploré, au passage, les déplorables conditions de travail. « Je souhaite être le garde des Sceaux qui portera enfin en Congrès la réforme du parquet tant attendue », a-t-il affirmé. Un parquet dont il souhaite notamment encadrer les pouvoirs dans le cadre de l’enquête préliminaire : la direction des affaires criminelles et des grâces, a-t-il affirmé, aura pour charge de lui faire des propositions en ce sens. Le nouveau ministre a également évoqué la réforme de la justice pénale des mineurs, a rappelé sa sensibilité à la question carcérale, a proclamé son respect de l’administration pénitentiaire, qui auront l’honneur d’être les premiers à recevoir la visite du nouveau ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti.

Auteur d'origine: babonneau
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La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, tirant les conséquences des critiques du Conseil d’État sur le défaut de séparation fonctionnelle (CE 6 déc. 2017, req. n° 400559, Association France Nature Environnement, Dalloz actualité, 13 déc. 2017, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2017. 2437 ), a prévu que l’autorité désignée pour assurer l’examen au cas par cas des projets doit également disposer d’une autonomie fonctionnelle par rapport à l’autorité compétente pour autoriser le projet. Le décret du 3 juillet 2020 confie au préfet de région la compétence pour mener l’examen au cas par cas des projets ; la compétence...

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Auteur d'origine: pastor

En 2019, la fiscalité locale a été dynamique (+ 3,1 %) et les concours financiers de l’État vers les collectivités ont progressé (+ 5,5 milliards d’euros par rapport à 2018). Par ailleurs, la dépense locale a été maîtrisée : la contractualisation financière triennale avec les collectivités dont les budgets sont les plus importants a atteint ses objectifs, le dispositif de reprise financière à l’encontre de celles ne respectant pas leur taux d’évolution contractuel n’a concerné en définitive que douze collectivités.

Après s’être fortement contractées entre 2014 et 2017, les dépenses d’investissement du bloc communal ont été relancées. La forte progression des recettes fiscales des départements en 2019 leur a permis d’absorber la hausse continue de leurs dépenses sociales (+ 2,5 %) et de bénéficier d’une forte progression de leur épargne. Les régions ont également bénéficié d’une fiscalité locale très dynamique. Le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale, publié le 7 juillet, va dans le même sens. Dans le détail, il fait état d’une progression régulière des recettes de fonctionnement, d’une forte augmentation de l’épargne brute ainsi que d’une franche accélération des investissements.

L’impact diversifié de la crise par niveau de collectivité

Dans ce contexte globalement favorable aux finances locales, la Cour des comptes considère que la crise liée à l’épidémie de coronavirus devrait affecter diversement les collectivités, selon la nature de leurs dépenses et de leurs recettes. Les finances départementales, particulièrement exposées à un retournement de conjoncture économique, devraient être fortement affectées par la crise liée à l’épidémie de coronavirus tant en dépenses (risque d’augmentation des dépenses sociales) qu’en recettes (baisse des produits de DMTO notamment). Les régions, dont les recettes sont très dépendantes du contexte économique, devraient voir leur épargne se contracter et alimenter la reprise de leur endettement, sauf à réduire leur niveau d’investissement. Le bloc communal, dont la situation financière globale semble la plus favorable, est cependant marqué par une grande diversité. De nombreuses communes – notamment de petite taille – abordent cette crise dans des conditions déjà difficiles et pourraient voir leur situation financière se dégrader dès 2020. Si cette disparité ne permet pas de conclure à une fragilité d’ensemble du bloc communal, certains profils de collectivités sont plus exposés du fait de l’importance de leurs produits et charges sensibles à l’activité économique (communes touristiques, collectivités d’outre-mer), à plus forte raison si leurs finances étaient déjà dégradées en 2019. La Cour des comptes, qui a examiné les mesures de soutien au secteur public local mises en place par le gouvernement, dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (v. Dalloz actualité, 12 juin 2020, obs. M.-C. de Montecler), estime que le principe d’un compte spécifique pour les dépenses liées à la crise devrait permettre, à terme, une meilleure évaluation de ses incidences financières à court et à moyen terme.

« Sans les aides, nous ne participerons pas à la relance »

André Laignel déclarait à l’issue du comité des finances locales, le 7 juillet, que ce troisième projet de loi de finances ne suffirait pas et que l’État devrait être au rendez-vous de la relance, notamment en renforçant les dotations pour accroître les capacités d’investissement et de fonctionnement. Ces aides conditionneront la participation des collectivités à l’effort de relance.

Auteur d'origine: pastor

La stupéfaction à l’annonce de cette nomination en dit long sur la surprise qu’elle constitue. C’est une rupture totale avec Nicole Belloubet, professeure de droit, spécialiste de la haute administration, soucieuse des formes et du dialogue. Éric Dupond-Moretti est connu pour ses rapports complexes avec les magistrats, son franc-parler, et n’a d’expérience ni administrative ni parlementaire. La nomination d’une telle personnalité est un coup politique, dont seul l’avenir dira s’il est payant.

Me Dupond-Moretti était au cœur de l’actualité il y a quelques jours pour avoir fait l’objet d’une surveillance de la part du parquet national financier (PNF), dans le cadre de l’affaire Bismuth. Après les révélations du Point, il avait porté plainte contre X (plainte retirée hier soir). Nicole Belloubet avait demandé un rapport à l’inspection générale de la justice sur « le fonctionnement sur cette enquête ». Rapport qui sera remis au nouveau ministre le 15 septembre.

Les avocats, dont les relations avec Nicole Belloubet s’étaient fortement dégradées, ont salué cette nomination. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, a indiqué y voir « un signe d’apaisement avec les avocats et un signal fort pour la réhabilitation des libertés publiques ». Olivier Cousi, bâtonnier de Paris, a immédiatement twitté « Félicitations à notre confrère Éric Dupond-Moretti dont l’engagement dans la profession n’est plus à démontrer. Gageons que les avocats et la Justice retrouveront avec lui la place centrale qu’ils doivent avoir dans notre démocratie et notre État de droit. »

Mais chez les magistrats, c’était hier soir la consternation. « À part Gilbert Collard, je vois mal qui aurait été pire », s’étranglait hier une magistrate.

Séparer siège et parquet, associer juges et avocats

Alors que la loi Belloubet adoptée en mars dernier entendait être la réforme unique du quinquennat en matière judiciaire (en liant une réforme civile, pénale, une nouvelle échelle des peines et une programmation budgétaire), le programme des prochains mois risque d’être dense, au vu des déclarations du nouveau ministre.

Ainsi, dans une interview récente au Parisien, Éric Dupond-Moretti demandait des États généraux de la justice, « avec des grands juges qui font l’unanimité ». Il ciblait le problème principal : l’absence de séparation entre le parquet et le juge du siège. « Le procureur doit rester sous la dépendance du pouvoir politique car c’est le gouvernement qui fixe la politique pénale.

En revanche, il faut un juge du siège séparé du parquet et totalement indépendant pour pouvoir le contrôler. Les procureurs ne doivent pas faire leur scolarité avec les juges ni pouvoir changer au cours de leur carrière de statut en devenant juge, et vice versa ». Il souhaitait aussi « mettre en place un système de responsabilité des juges ».

En 2015, interrogé sur sa première mesure au cas où, imaginaire, il serait nommé ministre de la justice, l’avocat répondait : « Supprimer l’École de la magistrature. C’est “l’encastement” d’un corps qui a besoin de tout, sauf de ça ». Une réforme qui est actuellement l’une des principales craintes des magistrats, dans les suites du rapport Thiriez. Récemment, il suggérait dans le Parisien « de créer une École nationale de justice qui soit commune aux avocats et magistrats ».

Éric Dupond-Moretti a aussi critiqué d’autres réformes récentes comme l’expérimentation des cours criminelles départementales.

Autre sujet : les débats autour du secret de l’instruction et de l’indépendance de la justice. La commission d’enquête parlementaire a mis en lumière le problème des remontées d’informations. Un problème qui va devenir criant, l’avocat étant au cœur de nombreuses affaires médiatiques de ces dernières années.

Auteur d'origine: Bley

En mai 2015, dans la ville de Shaddadi, deux combattants de l’armée syrienne libre vont être exécutés en place publique. Vêtus d’une tenue orange de prisonniers, ils subissent un dernier interrogatoire, mis en scène pour servir la propagande de l’EI, et le plan suivant les montre à genoux, les mains liées dans le dos, à la merci de deux bourreaux porteurs d’une cagoule. Tout autour, la foule s’amasse pour assister à l’exécution. Debout légèrement en retrait des bourreaux, un homme donne le signal fatidique, puis les détenus sont exécutés d’une balle derrière la tête. Alors cet homme lève le bras, tout comme l’homme debout à ses côtés : Tyler Vilus.

La vidéo a été découverte tardivement par les enquêteurs, et ce n’est qu’en 2018 que le djihadiste est mis en examen pour ce chef. Sa présence à cet endroit précis et son attitude valent à Tyler Vilus d’être accusé de meurtre en bande organisée. Le président Laurent Raviot, jeudi 2 juillet, commente. « L’EI va tout organiser, en faire une démonstration de force. On peut imaginer qu’elle a demandé aux membres de l’EI (dont Vilus est) de prendre part à l’organisation. » Vilus soutient depuis le début que sa présence ici est fortuite. Il sortait de la mosquée et, apercevant un ami, il est venu le saluer. Cet homme est présent sur la vidéo, mais il se tient en retrait de quelques mètres de Vilus, debout au côté de l’orateur de cette exécution. Vilus, en outre, est vêtu d’une sorte de treillis en forme de qamis, détient une arme à la ceinture, ainsi qu’un talkie-walkie, attirail qui, pour l’accusation, est celui d’un membre du service d’ordre. Mais Vilus insiste : s’il a pris position ainsi, c’est simplement par respect pour le cérémonial, mais il n’a en aucune manière pris part à l’organisation de ce double assassinat.

Dans son réquisitoire, débuté jeudi après-midi et fini vendredi matin, l’avocat général décrit la scène et qualifie l’infraction : « Tyler Vilus se retrouve sur une scène de crime, parce que c’est sa fonction de policier. Le positionnement qu’il adopte n’est pas celui d’un touriste qui sort de la mosquée. Son positionnement indique la fonction qu’il occupe, sur cette scène de crime. Et l’attitude qui est la sienne est l’attitude d’un individu qui atteste la participation à ces massacres. »

« Toute cette audience a été une douleur, tout ce dossier est une douleur »

Il décrit son parcours ainsi : « Le séjour en Tunisie de M. Vilus est un premier terrain d’entraînement. Très rapidement, M. Vilus considère que la Tunisie est “une petite France de mécréants”, et est déçu par les appels au calme d’Ansar al-Charia. »

« Tout au long de son séjour en Syrie, il est resté tout terrain. Il proclame ses faits d’armes sur son compte Facebook, mais uniquement sous pseudonyme, Abou Hafs, reconnu au sein de l’EI comme un pseudo fédérateur. » Et puis : « Tyler Vilus conseille, il fait passeur, il aide, il accueille à l’hôpital ophtalmologique (bâtiment administratif de la police, ndlr). Il accueille Mourad Farès en juillet 2013. »

C’est ainsi que « Tyler Vilus est chargé de faire respecter la charia, de signaler les entorses, de patrouiller, de s’habiller en civil pour repérer les espions et de réprimer, punir, sanctionner ». Il rappelle que le nom de Tyler Vilus est retrouvé sur un document à en-tête de la police islamique.

Dans un raisonnement inverse à celui exposé par l’accusé, qui expliquait fanfaronner auprès des journalistes en décrivant les exactions, attentats, assassinats qu’il se réjouirait de commettre en France, et certainement pas faire état de projets concrets, l’avocat général estime que c’est précisément dans ce discours de haine et de provocation que la vérité se trouvait, que les intentions de Tyler Vilus étaient révélées.

C’est pour cette raison qu’il a décidé de « rentrer pour perpétrer une tuerie, et une tuerie de masse. La question qui se pose est de savoir s’il était intégré au commando du 13 novembre 2015, mais si ça avait été le cas, une chose est sûre, il n’en aurait pas été un simple membre. Il en aurait été l’un, voire le responsable, il ne peut pas en être autrement, c’est sa façon d’être, sa condition : d’être sa propre autorité. Il ne l’a pas caché. »

« La duperie, chez monsieur Vilus, c’est un entraînement de toute une vie. Tyler Vilus est un assassin, qu’est-ce qui peut encore l’arrêter ? Il a massacré, et il est rentré en France pour continuer à massacrer. Toute cette audience a été une douleur, tout ce dossier est une douleur. Quand on dissipe les rideaux de fumée fabriqués par monsieur Vilus, on ne voit plus que des cadavres. Quand on sort de l’hypnose dans laquelle sa logorrhée nous plonge, on entend plus qu’un silence de mort. Il vous revient de mettre un terme définitif à ce massacre. »

L’avocat général demande la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté maximale, « qui n’est que de vingt-deux ans, hélas, hélas ».

« Il n’est rien dans l’organisation du 13 novembre »

Après s’être plaint de l’instruction qui, selon lui, ne plaçait pas la défense et l’accusation sur un pied d’égalité, Louis-Romain Riché a laissé la parole à l’autre avocat de Tyler Vilus, Gabrielle Milon. Celle-ci résume : « Propagande, oui, recrutement, non. Monsieur Vilus est un instrument de la propagande djihadiste. » Oui, il est coupable d’association de malfaiteurs criminelle, « c’est la nature même de l’EI ». Puis, elle entreprend de retracer le parcours du djihadiste Vilus, et elle affirme : « Monsieur Vilus c’est pas l’amniyat, c’est pas la police islamique, c’est la police militaire, point. Il ne fait pas fermer les magasins, il ne fouette pas, il surveille. »

Louis Romain Riché revient sur la vidéo. « Elle relève clairement de l’association de malfaiteurs terroriste, mais en aucun cas d’une qualification juridique supplémentaire pour meurtre. Il n’est pas un orateur, il ne fait pas partie des bourreaux, fait-il partie du service d’ordre ? Le pistolet est rangé dans l’étui, donc on n’est pas dans le service d’ordre. Il y a des hommes cagoulés armés qui font partie du service d’ordre, ils sont clairement identifiés », plaide-t-il.

« Il convient de faire du droit, vous êtes saisis de l’arrêt de mise en accusation, l’arrêt, tout l’arrêt, rien que l’arrêt. On fait planer l’ombre du 13 novembre, mais il n’est rien dans l’organisation du 13 novembre. Vous ne pourrez pas entrer en voie de condamnation en justifiant celle-ci sur le fait qu’il projetait un attentat sur le territoire national. »

La défense admet le chef d’accusation de direction d’une entreprise terroriste, mais minimise l’ampleur de ce rôle. Il en vient à la peine, réitère que son client « respecte votre institution et fait face à ses responsabilités devant la loi ». Puis, il décrit l’évolution positive de son client, qui étudie la philosophie, ne crée aucun incident malgré ses conditions d’incarcération très dures (à l’isolement depuis quatre ans, dans cinq établissements différents), ce qui prouve, selon lui, son amendement.

Le verdict sera rendu dans la nuit de vendredi à samedi.

Auteur d'origine: babonneau

« Je voudrais dire avec force que je n’ai reçu dans l’affaire Fillon comme dans tous les autres dossiers relevant de mon contrôle hiérarchique aucune instruction de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), aucune instruction du pouvoir exécutif et qu’ainsi, je n’ai jamais relayé aucune demande du garde des Sceaux ou du pouvoir exécutif pour influer sur le traitement des procédures », a déclaré jeudi matin Catherine Champrenault, dont les propos furent parfois empreints d’une certaine intensité.

Lors de cette nouvelle audition, c’est bien du parquet à la française dont il fut question. D’un parquet hiérarchisé – ce que semblaient découvrir certains députés – dont le lien avec l’exécutif n’a jamais été coupé, quels que soient les gouvernements.

Ce que Mme Houlette a vécu comme une pression n’était, selon Mme Champrenault, que le « mode de fonctionnement normal, institutionnel, légal et même déontologique pour l’ensemble des magistrats du ministère public », un dialogue hiérarchique entre le parquet général et le PNF, placé sous son autorité.

Dès la publication par Le Canard enchaîné du 25 janvier 2017 d’un possible emploi fictif de Mme Fillon, le PNF a ouvert une enquête dont le parquet général a été tenu informé le jour même. Une enquête préliminaire logique, selon Mme Champrenault, car les premières investigations, même menées tambour battant, auraient permis, « si elles s’étaient avérées négatives, […] de lever toute suspicion ».

Toujours sur les pressions dénoncées par Mme Houlette, Mme Champrenault a indiqué aux députés que le PNF lui avait fait neuf transmissions spontanées d’informations dans ce dossier et que le parquet général avait sollicité quatre demandes d’informations, dont deux émanant de la DACG.

Le point d’achoppement a porté sur l’opportunité d’ouvrir une information judiciaire. Le PNF y était opposé, préférant garder le dossier en enquête préliminaire, le parquet général favorable en raison des risques juridiques liés à la qualification des faits et à la prescription.

« Je sens bien qu’on voudrait me faire dire “on a ouvert une information pour faire démissionner M. Fillon”. À l’époque, non seulement la défense demandait effectivement l’ouverture d’une information et M. Fillon, très vite, a indiqué dans la presse, et notamment le matin du 17 février, qu’il ne liait pas le maintien de sa candidature à sa mise en examen », s’est emportée la magistrate.

« Pour moi, la voie de l’instruction, dans une affaire pareille, qui encore une fois était une affaire très grave, très grave pour l’image du candidat, à quelques semaines de l’élection présidentielle, oui cette affaire méritait qu’un juge d’instruction, dit indépendant, en tout cas plus indépendant en raison de son statut [que le parquet, ndlr] soit saisi parce que, Monsieur le Président, ça permettait un débat à la fois sur la compétence et ensuite sur les charges », a-t-elle poursuivi.

Une information judiciaire sera ouverte le 24 février 2017 par le PNF et confiée à trois juges d’instruction, le premier désigné étant Serge Tournaire. Pourquoi le choix de ce magistrat ? C’est le premier président de la cour d’appel, Jean-Michel Hayat, qui a répondu à cette épineuse question jeudi après-midi, devant la même Commission.

À l’époque, il préside le tribunal de grande instance de Paris. « Les critères sont un peu toujours les mêmes, c’est d’avoir la notion que les affaires politico-financières sont des affaires qui portent une dimension de risque pour les magistrats qui en sont saisis. Et mon souci a toujours été de répartir les risques en évitant de mettre toujours les dossiers sur les mêmes », a expliqué, tout en rondeurs diplomatiques, M. Hayat. « Mais dans les dossiers les plus sensibles, dans les dossiers à plus forts enjeux, je ne peux faire autrement que d’aller vers les magistrats les plus chevronnés », a-t-il ajouté.

À l’époque, neuf juges d’instruction auraient pu hériter du dossier Fillon. Sauf que, pour des raisons d’opportunité, de départs de certains, de dossiers emblématiques dont d’autres étaient saisis, le choix se résumait à trois magistrats de qualité, dont M. Tournaire, a-t-il avancé. « J’ai donc retenu cette collégialité », a souligné M. Hayat. « Il y a des moments dans la vie d’un chef de juridiction où l’on est renvoyé à sa propre solitude parce qu’on n’a pas le choix », a-t-il répondu au président de la commission qui l’interrogeait sur le choix de cette désignation.

« J’essaye de faire en sorte de désigner ceux qui ne feront pas l’objet de polémiques immédiates pour les protéger. En revanche, je crois que la force de la collégialité, c’est de précisément réfléchir à trois sur la stratégie,   c’est permettre un échange avec des collègues, hommes, femmes, qui peuvent ainsi enrichir une réflexion plutôt que de travailler tout seul », a insisté M. Hayat.

Interrogé sur une possible trêve de l’action publique pendant la période électorale, le haut magistrat a botté en touche, rappelant cependant que cela pourrait créer une inégalité de traitement des citoyens devant la loi pénale.

Face à des députés qui semblent découvrir l’étendue des pouvoirs du parquet en matière d’enquête préliminaire, M. Hayat a estimé que l’information judiciaire est, « dans la procédure pénale actuelle, la meilleure des garanties parce qu’il y a un débat contradictoire. Je pense qu’une enquête préliminaire qui dure pendant deux ans, trois ans, sept ans, sans accès au dossier, sans possibilité pour les avocats de savoir ce qu’il en est, ça pose problème ». De même, l’absence « d’organe juridictionnel permettant de contrôler la régularité des actes d’une enquête préliminaire » s’apparente à un « trou dans l’organisation de nos juridictions », a-t-il ajouté.

Si la procureure générale a loué l’action remarquable du PNF dans sa lutte contre la corruption et la fraude fiscale, elle a considéré que l’affaire des fadettes serait peut-être « la zone d’ombre » de ce parquet. Afin d’identifier la personne qui aurait informé Nicolas Sarkozy que sa ligne au nom de Paul Bismuth était sous écoute, le PNF a examiné les fadettes d’avocats et de nombreux postes de magistrats du pôle financier.

« L’affaire des fadettes est peut-être une zone d’ombre, l’inspection qui a été diligentée par la garde des Sceaux le dira. Et c’est pour ça qu’il ne faut pas être prisonnier d’une idéologie procédurale et de dire que, coûte que coûte, on garde en enquête préliminaire. Il faut effectivement savoir passer la main, ouvrir le débat contradictoire. C’est l’ouverture d’une information judiciaire », a-t-elle dit.

« Pour moi, des fadettes sur des téléphones d’avocats, soumis au secret professionnel, ça me heurte », a déclaré de son côté le premier président de la cour d’appel.

Auteur d'origine: Bley
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L’arrêté, attaqué au premier chef en raison de la hausse importante des droits réclamés aux étudiants en mobilité internationale, avait conduit à un débat sur la gratuité de l’enseignement supérieur. La décision du Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d’État dans le cadre de ce contentieux (Cons. const. 11 oct. 2019, n° 2019-809 QPC, Dalloz actualité, 15 oct. 2019, obs. E. Maupin ; AJDA 2019. 2022 ; ibid. 2627 , note M. Verpeaux ; D. 2019. 1938 ; ibid. 2310, point de vue C. Fardet ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; RFDA 2019. 1123, chron. A. Roblot-Troizier ) laissait ouvertes de nombreuses questions.

Les juges constitutionnels ont reconnu un principe de gratuité de l’enseignement supérieur qui n’exclut pas des droits d’inscription « modiques ». Le Conseil d’État en cantonne l’application : « le principe d’égal accès à l’instruction et l’exigence constitutionnelle de gratuité s’appliquent à l’enseignement supérieur public en ce qu’il a pour objet la préparation et la délivrance de diplômes nationaux et non celle des diplômes propres […] ou des titres...

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Auteur d'origine: pastor

La directive 2020/876, adoptée le 24 juin 2020 (JOUE du 26 juin) autorise les États membres à reporter les délais pour la déclaration et l’échange d’informations dans le domaine de la fiscalité et modifie les dispositions de la directive relative à la coopération administrative (dir. 2011/16/UE, 15 févr. 2011 ; pour aller plus loin, v. Rép. eur., v° Droit fiscal européen et droit fiscal...

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Auteur d'origine: ccollin

La restauration immobilière est née en 1962 sous la loi Malraux. En dépit de cette ancienneté, la question de son champ d’application ne s’est jamais réellement posée devant le juge administratif avant ces quatre dernières années. L’article L. 313-4 du code de l’urbanisme définit les opérations de restauration immobilière comme « des travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d’habitabilité d’un immeuble ou d’un ensemble d’immeubles ». La loi Elan du 23 novembre 2018 y a ajouté les travaux d’amélioration de l’habitat concernant le risque incendie. En d’autres termes, la restauration immobilière vise essentiellement à remettre aux normes d’anciens immeubles. L’habitabilité se définissant comme la qualité de ce qui est habitable, l’opération de restauration immobilière semble s’appliquer uniquement à des immeubles ou des ensembles immobiliers dont les locaux sont destinés à l’habitation. Mais qu’en est-il lorsqu’un immeuble (ou un ensemble immobilier) comprend également un ou plusieurs locaux destinés à une activité commerciale ? L’opération de restauration immobilière peut-elle porter sur une partie de l’immeuble seulement ? Peut-elle porter sur un local commercial ? Peut-elle contraindre le propriétaire à transformer en habitation un local commercial ?

Un ou plusieurs locaux

La cour administrative d’appel de Versailles fournit un premier élément de réponse dans son arrêt du 23 juin 2016 (n° 14VE01438) : « Considérant […] que l’expropriation dont fait l’objet...

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Actuellement, seule une petite fraction des décisions de justice sont rendues publiques. Ce décret, mis en consultation fin 2019 (v. Dalloz actualité, 2 déc. 2019, art. M. Babonneau), était donc attendu.

Le décret prévoit que le Conseil d’État et la Cour de cassation seront responsables de la mise à disposition de « l’ensemble des décisions ». Pour la justice judiciaire, cela concernera les décisions « rendues publiquement et accessibles à toute personne sans autorisation préalable ». Les autres décisions pourront être mises à disposition si elles présentent un intérêt particulier.

L’identité des personnes physiques sera systématiquement occultée. Si des éléments portent atteinte à leur sécurité ou leur vie privée, ils pourront être occultés. Toute personne intéressée pourra demander une occultation supplémentaire ou, au contraire, une levée d’occultation dans une décision.

La décision d’anonymiser le nom des magistrats relèvera de leur chef de juridiction. Ce point est fortement débattu, une partie des magistrats craignant que la transparence aboutisse à leur mise en cause (v. Dalloz actualité, 10 janv. 2018, art. M. Babonneau et T. Coustet), en révélant des tendances propres à chaque juge.

La délivrance des copies des décisions

Ce décret ne se limite pas à l’open data puisqu’il évoque la délivrance de copies de décisions « précisément identifiées » à des tiers intéressés (v. Dalloz actualité, 19 juill. 2019, obs. B. Cassar). Cet accès aux décisions est de plus en plus délicat et dépend parfois de considérations locales.

Le décret organise une voie de recours en matière judiciaire, en cas de refus ou silence gardé pendant deux mois. Au civil, pour demander la levée d’occultation de certains éléments, il faudra une requête présentée par un avocat, devant le président de la juridiction.

En matière pénale, la délivrance d’une copie se fera sans autorisation préalable pour les seules décisions rendues définitives. La copie pourra être refusée en cas de condamnation prescrite, amnistiée ou de demande faite dans « l’intention de nuire ».

Les décisions pénales non définitives, ou celles rendues par les juridictions d’instruction, d’application des peines, de mineurs, ou les décisions après huis clos, ainsi que les copies des autres actes ou pièces, ne seront délivrées aux tiers qu’avec l’autorisation préalable du parquet, sous réserve d’un motif légitime. Les éléments et motifs « qui n’ont pas à être divulgués » pourront être occultés, et il la délivrance de copie susceptible de porter atteinte à l’efficacité de l’enquête, à la présomption d’innocence, à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes sera refusée.

Une étape dans l’open data

Ce décret n’est qu’une étape dans l’open data. Votée en 2016 dans la loi pour une République numérique sans que la Chancellerie y soit totalement associée, le cadre légal avait été modifié par la loi justice en mars 2019.

Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont tenu à prendre en main le sujet. Les données ne seront transmises aux éditeurs qu’après occultation préalable, alors qu’une partie d’entre eux souhaitait obtenir les jugements bruts, s’occupant eux-mêmes de l’anonymisation. Le choix final permet aux cours suprêmes de conserver la main sur les données, en permettant un respect du RGPD.

Un arrêté devra encore fixer la mise en œuvre, qui sera progressive. Pour la justice judiciaire, une note conjointe de la Chancellerie et de la Cour de cassation, précise qu’il faudra « la levée des contraintes techniques » et le « déploiement des grands systèmes informatiques – Portalis en matière civile et « procédure pénale numérique » en matière pénale », avec des logiciels permettant une occultation simplifiée. La note précise que la mise à disposition commencera par les décisions de la Cour de cassation en septembre 2021 « et, dans un second temps, les décisions civiles, sociales et commerciales des cours d’appel, à l’échéance du premier semestre 2022 ». Pour le stock des décisions passées, l’horizon est encore plus éloigné.

Malgré les plans de rattrapage, la justice est confrontée à ses retards informatiques et à l’insuffisance de ses moyens. Ainsi, on notera que, si en matière administrative, « les décisions seront mises à la disposition du public dans un délai de deux mois à date de leur décision », en matière judiciaire, il faudra six mois à compter « de leur mise à disposition au greffe de la juridiction ». Avant de mettre à disposition un jugement, il faut qu’il soit rédigé.

Auteur d'origine: babonneau

Le Conseil des droits de l’homme est un organe intergouvernemental du système des Nations unies, créé en 2006 (AGNU, Rés. 60/251), siégeant à Genève et composé de 47 États membres dont la France, chargé de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme. Il a également pour mission de faire face à des situations de violations de ces droits et de formuler des recommandations à leur sujet.

L’organisation d’un débat urgent

Dans la lignée des déclarations du président de la Commission de l’Union africaine (29 mai 2020) et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (8 juin 2020), condamnant la mort de George Floyd aux États-Unis, l’adoption de cette résolution fait suite à la tenue le mercredi 17 juin, à la demande du Groupe des pays africains membres du Conseil des droits de l’homme (CDH), d’un débat urgent sur les violations actuelles des droits de l’homme d’inspiration raciale, la brutalité policière et la violence contre les manifestations pacifiques.

Une telle procédure d’urgence permet en effet qu’une discussion soit initiée par un État ou par un groupe d’États au cours d’une session ordinaire du Conseil, sans qu’elle soit prévue sur le programme de travail de la session concernée. Il s’agit donc en pratique d’une modification du programme de travail. Son format est en revanche identique à celui d’un débat général, par inscription sur la liste des orateurs. En général, ces débats urgents concernent des questions éminemment sensibles telles que des situations de crise ou des situations urgentes nécessitant une réaction rapide du Conseil. Ainsi par exemple, lors de la 7e session du CDH, le programme de travail a été adapté et le point 7 de l’ordre du jour a été avancé afin de pouvoir traiter de manière prioritaire de la situation à Gaza. Depuis, la pratique tend plutôt au rajout de débats urgents, comme celui sur l’intervention militaire israélienne contre une flottille d’aide humanitaire pour Gaza durant la 14e session du CDH en juin 2010 ; le débat urgent sur l’escalade de la violence et la violation des droits de l’homme en Syrie lors de la 19e session du CDH en février 2012, ou encore le débat urgent qui s’est tenu lors de la 23e session du CDH, en mai 2013, et qui concernait également la situation en Syrie.

La condamnation des violences sur le fondement de diverses sources de droit international

Adoptée au consensus, sans recours au vote, la résolution adoptée par le Conseil condamne fermement les pratiques raciales discriminatoires et violentes perpétrées par les forces de l’ordre à l’encontre des Africains et des personnes d’ascendance africaine, qui ont notamment conduit à la mort de George Floyd le 25 mai 2020 dans le Minnesota et à la mort d’autres personnes d’ascendance africaine. Le Conseil condamne aussi le racisme structurel dans le système de justice pénale. Il déplore les incidents récents de recours excessif à la force et d’autres violations des droits de l’homme par les forces de l’ordre contre des manifestants pacifiques défendant les droits des Africains et des personnes d’ascendance africaine. De manière générale, le Conseil se dit alarmé par la résurgence de la violence, de la haine raciale, des discours de haine, des crimes de haine, du néonazisme, du néofascisme et des idéologies nationalistes violentes fondées sur des préjugés raciaux ou nationaux, y compris le retour en force des idéologies de supériorité raciale qui incitent à la haine et à la violence à l’égard des Africains et des personnes d’ascendance africaine.

Le CDH prend par ailleurs soin de lister les règles existant dans l’ordre juridique international qui prohibent de telles discriminations et violences :

la Charte des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui consistent à promouvoir et à encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et ayant à l’esprit la Déclaration et le Programme d’action de Vienne ;les résolutions antérieures adoptées par le Conseil sur le suivi systématique de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, ainsi que la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée par l’Assemblée générale dans sa résolution 68/237 du 23 décembre 2013 ;la Déclaration et du Programme d’action de Durban pour faire progresser l’égalité raciale, assurer l’égalité des chances pour tous, garantir l’égalité devant la loi et promouvoir l’inclusion sociale, économique et politique sans distinction de race, d’âge, de sexe, de handicap, d’ascendance, d’origine nationale ou ethnique, de religion ou de situation économique ou autre.

Un consensus obtenu au prix de concessions : pas de commission d’enquête indépendante mais un rapport de la Haute Commissaire aux droits de l’homme

Dans sa résolution du 19 juin, le Conseil demande par ailleurs à la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de dresser un rapport analysant les réponses des gouvernements aux manifestations pacifiques contre le racisme, y compris l’utilisation présumée d’une force excessive contre les manifestants, les spectateurs et les journalistes, et d’inclure des mises à jour sur les brutalités policières contre les Africains et les personnes d’ascendance africaine dans toutes ses mises à jour orales au Conseil. Rien de surprenant puisque le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme est la principale entité des Nations unies en matière de droits de l’homme dont la mission consiste notamment dans le soutien à la mise en œuvre des normes internationales relatives aux droits de l’homme sur le terrain.

Ce qui est en revanche plus notable c’est la différence entre le projet initial du 17 juin et la résolution finalement adoptée deux jours plus tard. Aujourd’hui, seul le projet initial de la résolution, dans sa version du 17 juin, est disponible (A/HRC/43/L.50). Les débats et les négociations ayant entouré l’adoption de la résolution sont néanmoins visibles en ligne (prise de parole des États et de la société civile) et montrent que les différences constatables entre les deux versions du texte résultent de concessions diplomatiques dans le but de faire émerger un consensus entre les membres.

Il est ainsi remarquable que le projet initial de résolution demandait la création d’une commission d’enquête internationale indépendante, « nommée par la présidente du Conseil des droits de l’homme, afin d’établir les faits et les circonstances relatifs au racisme systémique, aux violations présumées du droit international des droits de l’homme et aux actes de violence commis par les forces de l’ordre contre des Africains et des personnes d’ascendance africaine aux États-Unis d’Amérique et dans d’autres parties du monde récemment touchées, en particulier les actes qui ont entraîné la mort d’Africains et de personnes d’ascendance africaine, en vue de traduire leurs auteurs en justice » et chargée « d’étudier comment les autorités fédérales, étatiques et locales ont réagi face aux manifestations pacifiques et de se pencher notamment sur les allégations de recours excessif à la force contre des manifestants, des passants et des journalistes ». Elle demandait par ailleurs « au gouvernement des États-Unis d’Amérique et aux autres régions du monde récemment touchées, ainsi qu’à toutes les parties concernées, de coopérer pleinement avec la commission d’enquête et de faciliter son accès, sollicite, selon qu’il conviendra, la coopération d’autres organismes des Nations unies avec la commission d’enquête dans l’accomplissement de sa mission, et demande l’assistance de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme à cet égard, y compris la fourniture de toute l’assistance administrative, technique et logistique nécessaire pour permettre à la commission d’enquête de s’acquitter de son mandat rapidement et efficacement ». La Commission devait en outre faire un rapport oral lors des 45 et 46e sessions et présenter son rapport final lors de la 47e session du Conseil. Le projet de résolution ajoutait en outre une demande à l’adresse de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de faire le point sur les brutalités policières commises contre des Africains et des personnes d’ascendance africaine aux États-Unis d’Amérique et dans d’autres parties du monde récemment touchées durant les comptes rendus oraux qu’elle lui présentera.

Seule cette dernière demande a donc reçu l’assentiment des États membres. Si l’adoption d’une telle résolution reste une avancée importante sur le terrain de la lutte contre les discriminations, l’on pourra néanmoins regretter que l’obtention du consensus se soit fait au prix d’une telle concession. Les commissions d’enquête et missions d’établissement des faits sont en effet mises en place de manière croissante pour répondre aux situations de graves violations du droit humanitaire international et du droit international relatif aux droits de l’homme ; qu’elles soient reconduites ou constituées en raison d’événements soudains. Ces organismes d’enquête internationaux ont été créés par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme et la Commission des droits de l’homme, le Secrétaire général et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Au cours de ces vingt dernières années, de nombreuses commissions ont d’ailleurs été créées afin d’évaluer certaines des situations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire parmi les plus graves du monde : la Commission d’experts sur l’ex-Yougoslavie (1992-1994), constituée conformément à la résolution 780 (1992) du Conseil de sécurité de l’ONU du 6 octobre 1992 ; la Commission d’enquête internationale sur le Darfour (2004), constituée conformément à la résolution 1564 (2004) du Conseil de sécurité de l’ONU du 18 septembre 2004 ; le Groupe d’experts pour le Cambodge chargé d’examiner les demandes d’assistance en matière de réponse à apporter à de graves violations passées constituées par l’Assemblée générale (résolution 52/135 du 12 déc. 1997)…

Entre diplomatie et non-dit : l’absence de mention expresse des États-Unis

À cette différence s’ajoute en outre la disparition de la mention expresse des États-Unis d’Amérique. Si le lien avec les incidents qui ont entraîné la mort de George Floyd et d’autres Africains et personnes d’ascendance africaine n’est pas effacé du texte final, la référence expresse aux États-Unis d’Amérique, qui ont quitté le Conseil des droits de l’homme en juin 2018, a été retirée. Si cela s’explique par des considérations diplomatiques, une telle omission frise toutefois le non-dit et n’a d’ailleurs pas empêché de susciter l’ire de l’administration américaine, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo ayant immédiatement souligné l’hypocrisie du Conseil.

Si l’observateur pourra, à l’instar de nombreuses organisations non gouvernementales, regretter les concessions, voire les faiblesses, de la résolution, celle-ci constitue néanmoins une étape fondamentale dans le traitement des violences policières racistes par une enceinte diplomatique multilatérale. Le rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, dont la première présentation est prévue pour le début d’année prochaine, sera donc particulièrement attendu.

Auteur d'origine: ccollin
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Il existe plusieurs catégories de mesures d’éloignement prononcées à l’égard des ressortissants étrangers en situation administrative irrégulière, parmi lesquelles figurent les obligations de quitter le territoire français (OQTF) dites « sans délai », c’est-à-dire non assortie du délai traditionnel de départ volontaire de trente jours. L’autorité administrative peut en effet, selon le II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, sous réserves de certaines exceptions, si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public, si l’étranger s’est vu refuser le droit au séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse, ou encore s’il existe un risque de fuite.

Conformément au II de l’article L. 512-1 du même code, le destinataire d’une OQTF sans délai peut saisir le président du tribunal administratif d’une demande d’annulation « dans les quarante-huit heures suivant la notification de la décision par voie administrative », c’est-à-dire suivant sa remise en main propre, soit par un agent de police à l’issue d’une interpellation ou d’une garde à vue, soit au guichet de la préfecture.

Aussi, eu égard au caractère extrêmement court du délai dont dispose le destinataire pour saisir le juge et au risque accru de forclusion, la question de l’opposabilité du délai de recours s’avère capitale. Or, le Conseil d’État ne s’était jusqu’ici jamais prononcé sur la question de savoir si seules les modalités de notification prévues au II de l’article L. 512-1 sont de nature à faire courir le délai de recours contentieux de 48 heures, ou si au contraire, la notification par voie postale de l’OQTF suffit à enfermer dans le temps l’action contentieuse de son destinataire.

Une harmonisation difficile des cours administratives d’appel jusqu’ici

Les cours administratives d’appel ont dans leur majorité harmonisé leurs lignes jurisprudentielles, en admettant la recevabilité des requêtes introduites après l’expiration du délai de quarante-huit heures contre des OQTF notifiées par voie postale. Néanmoins, les motifs de cette position diffèrent encore aujourd’hui : si la majorité des arrêts considèrent que c’est la lettre de l’article L. 512-1 du CESEDA qui fait obstacle au déclenchement du délai de recours à défaut de remise en mains propres (CAA Bordeaux, 14 janv. 2020, n° 19BX02116 ; CAA Lyon, 3 avr. 2020, n° 19LY00576 ; CAA Versailles, 21 mars 2019, n° 18VE02782, AJDA 2019. 1729 ; CAA Paris, 29 avr. 2014,  n° 13PA03246), d’autres refusent l’opposabilité du délai de recours en jugeant, sur la base d’une jurisprudence du Conseil d’État, que la notification par pli recommandé ne présente pas les garanties équivalentes à la notification administrative (CAA Bordeaux, 19 mai 2020, n° 19BX03844).

En effet sur ce deuxième point, la jurisprudence du...

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Auteur d'origine: pastor
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Le Conseil d’État et la juridiction administrative sortent de la période de la crise sanitaire « encore plus unis, plus forts et plus résilients », estime le vice-président du Conseil d’État. Si le rapport d’activité 2019 de la Haute juridiction a été rendu public par simple mise en ligne pendant le confinement (v. AJDA 2020. 860 ), le bilan d’activité, document papier davantage destiné au grand public, a fait l’objet, le 30 juin, d’une conférence de presse qui a été également l’occasion, pour Bruno Lasserre, de revenir sur l’action de l’institution pendant la...

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Auteur d'origine: Montecler

Le juge des référés du Conseil d’État a ordonné, le 26 juin, à la commune de Lisses de mettre fin sans délai à l’utilisation des caméras thermiques portables déployées dans ses établissements scolaires. Il précise, à cette occasion, dans quelles conditions le recours à de tels dispositifs est soumis au règlement général pour la protection des données (RGPD).

La commune de l’Essonne avait, d’une part, installé une caméra thermique fixe dans les locaux municipaux, d’autre part, doté les agents des écoles de caméras portables pour leur permettre de mesurer, au début de la journée scolaire mais aussi au cours de celle-ci, la température corporelle des élèves, des enseignants et des personnels municipaux. Le tribunal administratif de Versailles avait rejeté le recours en référé-liberté de la Ligue des droits de l’homme (LDH) tendant au retrait de ces caméras.

L’appel de la LDH amène le juge des référés du Conseil d’État à préciser que lorsqu’une caméra thermique, « installée à la disposition d’un public donné, a pour seule fonction de donner aux personnes qui le souhaitent une information instantanée, sans intervention d’un tiers ou d’une personne manipulant l’équipement, sans aucune conséquence quant à l’accès à un lieu, un bien ou un service, et sans enregistrement ou communication de la donnée autrement qu’à l’intéressé, de sorte que l’information instantanée saisie par l’équipement n’est pas accessible ni utilisable par son responsable, qui ne pratique ainsi avec cet équipement aucune collecte de données, cette caméra ne peut être regardée comme donnant lieu à un traitement au sens et pour l’application du RGPD. En revanche, alors même que des caméras thermiques utilisées ne procèdent pas à l’enregistrement de données, si elles permettent la saisie d’une information, par une personne agissant au nom de celle qui en a décidé l’emploi, et que cette dernière, sur le fondement de cette donnée, décide d’une action, elles doivent être regardées comme donnant lieu à des opérations de collecte et d’utilisation de données, donc à un traitement au sens de l’article 4 du RGPD. »

« L’enregistrement des données recueillies dans un fichier suffit à entraîner l’application du RGPD au fichier. Il en va de même si le traitement est automatisé en tout ou en partie. Ainsi, la seule prise de température au moyen d’un appareil électronique ne peut être regardée comme automatisée, dès lors qu’elle se borne à la mesure d’une variable quantifiée. En revanche, le signalement d’un écart à la moyenne, qui suppose que la donnée mesurée soit ensuite comparée à une norme de référence pour aboutir au signalement de la conformité ou de l’écart à la norme, en ce qui concerne les caméras thermiques par l’affichage d’un code couleur, constitue une automatisation du traitement de la donnée qui le fait relever du RGPD. »

« Ce traitement, s’il porte sur des personnes identifiables, et dès lors qu’il vise à apprécier l’état d’un paramètre significatif de leur état de santé au regard d’une pathologie particulière, porte sur des données personnelles de santé. » « Par application de l’article 35 du RGPD, au regard de la sensibilité des données concernées et de leur impact sur la vie privée, un tel traitement, lorsqu’il repose comme en l’espèce sur des dispositifs antérieurement peu utilisés, et dont l’utilité pour la santé publique est controversée, ne peut être mis en œuvre qu’au terme d’une analyse d’impact permettant d’en préciser les conditions et risques de fonctionnement et de décider des mesures nécessaires à la prévention des risques élevés qu’il comporte. »

En application de l’article 9, « le traitement de telles données personnelles de santé est interdit, sauf si, pour ce qui concerne les caméras thermiques, soit il est conduit sur la base d’un texte encadrant le motif d’intérêt public l’ayant rendu nécessaire et comportant les protections adéquates, soit il est conduit dans le cadre d’une politique de prévention par des professionnels de santé tenus au secret médical et sur le fondement d’un texte régissant cette politique, soit il fait l’objet du consentement de chaque personne intéressée à ce traitement. »

La caméra fixe dans les locaux municipaux de Lisses n’enregistre aucune donnée, elle n’est manipulée par personne. Surtout, son usage n’est ni contraint ni même suggéré. Elle ne donne donc pas lieu à un traitement de données et le recours de la LDH est rejeté en ce qui la concerne. En revanche, les caméras dans les écoles sont manipulées par des agents et lorsqu’un écart anormal à la moyenne est détecté, l’intéressé est invité à quitter les lieux. En outre, « il est possible que l’image traitée par le système soit identifiante ». Le juge conclut donc à un traitement de données personnelles au sens du RGPD. Or, aucun texte ne régit un tel traitement et ces données ne sont pas manipulées par des personnels de santé. La commune ne démontre pas qu’un consentement conforme aux règles du RGPD a été recueilli. « L’atteinte aux libertés fondamentales résultant du traitement de données de santé personnelles ainsi mis en œuvre paraît donc manifestement illégal. La réalisation d’une analyse d’impact aurait permis d’établir les dangers du déploiement de ces caméras thermiques dans ces conditions, analyse dont le défaut, en méconnaissance de l’article 35 du RGPD, suffirait en outre à lui seul à entraîner l’illégalité du traitement. »

Auteur d'origine: Montecler

Depuis le lancement des travaux, les auditions des magistrats devant les députés suscitent parfois le malaise. Si les magistrats défendent vigoureusement leur indépendance, la suspicion reste permanente. L’utilisation, par la défense de François Fillon, des propos tenus par Éliane Houlette, alors que le jugement sera rendu ce lundi, a été un exemple marquant.

Chaque député vient avec son affaire, où il reproche à la justice son manque de partialité, comme si ses tourments venaient d’un manque d’indépendance des magistrats. Ainsi, la résolution qui a créé la commission d’enquête à la demande du groupe de la France insoumise mentionnait explicitement les « dix-huit perquisitions menées contre la France insoumise en octobre 2018 » et critiquait « les moyens judiciaires, du parquet et de la police, […] inédits en pareille affaire, laissant à penser que cela n’a pu se faire qu’avec la volonté politique de l’exécutif de nuire à une des principales oppositions ».

« C’est extrêmement compliqué à vivre »

Moment de malaise, jeudi 25 juin, quand Bruno Questel, député LREM et ancien avocat, interroge la secrétaire générale du ministère de la justice, Véronique Malbec, au titre de ses anciennes fonctions de procureure générale de Versailles ayant demandé la levée de l’immunité parlementaire du député Thierry Solère. Selon un récent article du Journal du dimanche (« Affaire Solère : le complot des juges »), elle se serait fondée sur des éléments faux. « Je vous avoue que cela m’a interpellé et j’ai googlisé le sujet, et j’y ai tiré plusieurs interrogations. […] Avez-vous aujourd’hui, devant nous et après avoir prêté serment, connaissance de dysfonctionnements au sein de l’autorité judiciaire dans cette enquête ? »

Un député de la majorité qui interroge une directrice d’administration sur d’éventuelles manipulations de la justice contre un autre député de la majorité, c’est peu courant. Véronique Malbec : « J’ai bien évidemment lu les articles de presse que vous évoquez. Vous avez une information qui est en cours et il m’est impossible de vous répondre. Ce que je peux vous dire, mais de manière personnelle, c’est que, lorsque vous êtes mis en cause, par la presse, et c’est le cas pour un certain nombre de magistrats, c’est extrêmement difficile car vous êtes soumis au secret. Vous avez un journaliste qui fait une enquête, qui n’a qu’un élément du dossier, et vous ne pouvez donner votre avis. C’est extrêmement compliqué à vivre. »

Elle poursuit : « Cela fait un certain nombre d’années que je suis entrée dans la magistrature. J’ai des règles d’éthique et de déontologie que j’ai respectées tout au long de ma carrière. Si la demande a été faite, je peux vous assurer qu’elle n’a été faite sous aucune pression politique, quelle qu’elle soit. Je n’ai jamais, au cours de ma carrière, et je veux insister là-dessus, subi une quelconque pression dans n’importe quel dossier. »

« On n’est plus à l’époque de l’affaire Urba »

Autre moment de malaise : le même jour, lors de l’audition de Renaud Van Ruymbeke, le député LR Olivier Marleix a plusieurs questions sur les affaires Sarkozy et Fillon. Van Ruymbeke est alors interrogé sur les conditions de nomination des juges d’instruction dans l’affaire Fillon (il ne sait pas, il a lui-même appris l’information en regardant BFM TV), le fait qu’un même juge puisse suivre plusieurs dossiers d’un même justiciable (Serge Tournaire) ou les raisons qui l’ont poussé à ne pas signer l’ordonnance de renvoi de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion. L’ancien juge d’instruction botte en touche.

Mais, évoquant la question de l’indépendance de la justice, Renaud Van Ruymbeke souligne : « On n’est plus à l’époque de l’affaire Urba. Aujourd’hui, vous avez un autre acteur qui intervient, c’est la presse. Si un garde des Sceaux se mêlait d’une affaire à travers le procureur général pour se protéger, ça ne pourrait pas se faire. De fait, les procureurs ont pris beaucoup d’indépendance. Mais le statut du parquet n’a pas changé. » Cette absence d’évolution de l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur les nominations du parquet revient régulièrement.

Mais, prévient Van Ruymbeke, « si on coupe le cordon avec les politiques, attention au corporatisme. Cela suppose que le CSM se voit renforcé et gère la carrière des magistrats, que l’inspection lui soit rattachée, mais cela suppose aussi que le CSM soit représentatif des citoyens ».

À venir : Champrenault, Hayat et Castaner

Autre sujet que devront traiter les députés : les remontées d’information vers les parquets généraux, le ministère de la justice et celui de l’Intérieur. Les auditions ont également mis en lumière deux poids qui pèsent sur l’indépendance des magistrats : leur propre hiérarchie et l’influence des médias qui mettent sous pression la justice.

Les auditions reviennent aussi régulièrement sur les trois reproches des politiques aux magistrats : leurs pouvoirs, leur corporatisme et leur lenteur. Les magistrats, et singulièrement le parquet national financier, peuvent plomber des politiques à travers les affaires. La carrière politique de trois piliers de la majorité (Richard Ferrand, François Bayrou et Thierry Solère) est toujours gelée du fait d’instructions ou d’enquêtes qui ne semblent pas avancer. Avec un paradoxe : le législateur, qui n’a cessé de renforcer les pouvoirs et le rôle du parquet dans la procédure pénale, est le même qui s’en plaint.

Au milieu de cet océan de suspicions, le rapporteur LREM Didier Paris tente de maintenir un peu de sérénité et faire avancer une commission qui ne peut atteindre à la séparation des pouvoirs ni enquêter sur des affaires en cours.

La semaine prochaine, les députés auditionneront à nouveau la procureure générale de la cour d’appel de Paris Catherine Champrenault – déjà entendue par la commission le 6 février 2020 mais dont le nom a été évoqué par l’ex-cheffe du parquet national financier –, et Jean-Michel Hayat.

Au tour ensuite des syndicats de police et leur ministre Christophe Castaner d’être entendus.

Les travaux se poursuivront jusqu’à fin juillet, avec une remise du rapport début septembre.

Auteur d'origine: babonneau

L’organisation de la reprise de la vie judiciaire, bien qu’orchestrée par la Chancellerie, repose essentiellement sur les chefs de juridictions. En bonne intelligence avec les barreaux de leur ressort, dans le respect des règles sanitaires, des plans de reprise de l’activité ont été établis, qui doivent progressivement, depuis le 11 mai, indiquer la marche à suivre pour tendre vers un fonctionnement normal. Dans les faits, à Lyon : « La reprise est très difficile, il n’y a pas de coordination générale, tout se fait chambre par chambre, en collaboration avec l’ordre », témoigne Serge Deygas, bâtonnier de Lyon. Le confinement, qui a succédé à la grève des avocats contre la réforme du régime des retraites, a donné au retard accumulé dans le traitement des affaires une ampleur inédite. « Nous avons 28 000 dossiers en stock, dont 16 000 au pôle social. Au pôle immobilier, la situation est apocalyptique : des affaires déjà mises en état sont fixées pour plaidoiries en 2022 », s’alarme Serge Deygas. C’est la conséquence logique, dit le bâtonnier, de l’arrêt de l’activité pendant le confinement. « Au tribunal judiciaire de Lyon, les affaires ont été supprimées sans préavis. Sur les 450 personnels de greffe, 10 % à peine ont pu travailler, faute de moyens de le faire depuis leur domicile, ce qui a révélé une faille technologique importante », comme l’admettait Nicole Belloubet (qui évoquait une « dette technologique importante » devant la commission des lois du Sénat, le 9 avril dernier).

Le retard accumulé a conduit les juridictions à faire certains choix, dont celui du dépôt de dossier sans plaidoirie, que le bâtonnier de Lyon prend avec précaution. « Nous sommes hostiles au principe consistant à ne pas plaider nos dossiers. Mais dans la mesure où ce n’est pas obligatoire et qu’il faut remédier à la situation d’urgence, il faut l’accepter, mais nous ne voulons pas que cela se pérennise, car l’oralité est essentielle dans notre système de justice. Et on a un peu peur que cela se pérennise », admet-il. En matière civile, les avocats peuvent désormais, pour que leur affaire soit prise rapidement, décider d’accepter de déposer des conclusions écrites et renoncer à plaider. Si l’une des parties refuse, l’affaire est renvoyée, et, au vu de la situation, les délais sont énormes. L’ancien bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, y voit une forme de chantage : « Ceux qui acceptaient de plaider ont eu un délibéré à trois semaines, les autres ont vu leur affaire renvoyer à 2022 », déplore-t-il.

À Paris, cette solution provisoire a occasionné des critiques, et même une tribune, signée par le bâtonnier et d’autres membres de conseil de l’ordre, contre le recours à ces audiences sans plaidoirie. Une manière de montrer la vigilance des avocats sur ce point car, dans les faits, le bâtonnier se veut « pragmatique ». « Si toutes les parties sont d’accord et si c’est dans l’intérêt du client, pourquoi pas ? Cela doit nous permettre de rattraper le retard, mais il ne faut pas que la situation soit prétexte à une généralisation de ce dispositif », rappelle-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, abonde : « Nous sommes attachés à la plaidoirie, le dépôt des dossiers ne peut pas être demain proposé comme modèle absolu. »

Stéphane Noël annonce qu’entre le 27 avril et le 24 juin, 2 850 dossiers ont ainsi été déposés devant le tribunal judiciaire de Paris. « Ce qui veut dire que les avocats ont compris l’intérêt de ce dispositif, et à partir du moment où une partie n’est pas d’accord, l’affaire est plaidée », rassure-t-il. Les audiences en présentiel ont repris dans presque toutes les chambres, parfois depuis le 11 mai et parfois, comme au pôle famille (15 juin) ou aux prud’hommes (22 juin), très récemment.

À Paris comme ailleurs, les personnels de greffe n’ont pas pu travailler de chez eux, et ils sont à 70 % aujourd’hui, dit Olivier Cousi (« la reprise est aujourd’hui quasi totale pour tous les personnels », dit, pour sa part, Stéphane Noël). Olivier Cousi pense que la reprise normale de toute l’activité se fera en septembre, avec les difficultés que posent les règles de distanciation physique dès lors que des salles petites doivent accueillir des parties nombreuses. C’est pour cela que Paris a décidé d’expérimenter les visioaudiences en matière civile mais, là encore, dit-il, outre les problèmes techniques rencontrés par le logiciel de l’administration, il faut préserver la « présence physique des parties lorsqu’elle s’avère essentielle ». Selon Stéphane Noël, les visioaudiences sont déjà en place dans plusieurs pôles (famille, procédures collectives, tutelles), et aux première et troisième chambres civiles.

Pendant le confinement, les magistrats civils ont rendu 6 000 décisions, qui « seront toutes formalisées et envoyées avant les vacations ». Au pénal, l’activité correctionnelle a repris à 92 %. Selon le plan du parquet, un tiers des procédures vont être classés sans suite, un tiers seront réorientées, et le dernier tiers seront audiencées, comme prévu initialement. « La délinquance ayant baissé pendant le confinement, cela permet de lisser les choses. Il rappelle que 500 procédures ont été clôturées, qu’il va désormais falloir audiencer.

C’est une partie délicate, car le respect des distances physiques va fortement réduire la capacité d’organisation de procès, ou même de réunions qui se déroulent en cabinet – chose impossible désormais. Mais la juridiction parisienne bénéficie d’un bâtiment immense pourvu de nombreuses salles. « Toutes les audiences de cabinet désormais se déroulent, si nécessaire, dans une salle d’audience. Avant nous avions de la marge, mais désormais, les quatre-vingt-dix salles sont occupées », précise le président du tribunal.

Des situations disparates

Ce n’est pas le cas à Bobigny, où seulement 70 % de l’activité a repris. Cinq audiences correctionnelles par jour au lieu de huit. Le bâtonnier Frédéric Gabet décrit une situation très difficile. « Cela ne se passe pas très bien. Des audiences sont annulées par centaine sur des motifs liés à la désorganisation de la juridiction, dans certains cas, on est au bord du déni de justice. Il y a une impression de désordre et de reprise erratique, en fonction des personnes et de l’absentéisme du service. » Sur le plan de reprise : « Il prévoyait une reprise des audiences correctionnelles le 25 mai, mais on sait que ça ne sera pas avant septembre. On doit s’arranger avec les greffières pour savoir à l’avance quelles audiences sont maintenues et lesquelles sont renvoyées ou annulées », témoigne-t-il. « C’est terrible comme situation. On va vers une reprise totale de l’activité en France, mais nous, on va couler. »

Le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, tempère : « La présentation catastrophiste se comprend, mais elle est excessive. » Au pénal, dit-il, des procédures sont classées sans suite et d’autres réorientées. Il explique le désordre décrit par le bâtonnier par le fait que les dossiers n’ayant pas suivi leur « cours normal, ils ne se trouvent pas là où ils devraient être, il faut donc réorganiser les audiences au dernier moment ». Il précise que son tribunal a pu faire face, pendant le confinement, à l’activité certes réduite mais pas inexistante, et que les trois cents demandes de mises en liberté déposées en dix jours (contre trois par jour en moyenne) ont pu être traitées (il précise en outre que quarante personnes ont été remises en libertés pour des motifs sanitaires ce qui, avec les libérations anticipées, « a permis de mettre fin à la surpopulation carcérale à la prison de Villepinte »). Renaud Le Breton de Vannoise déplore cette situation difficile, « d’autant qu’on était dans une dynamique de redressement considérable grâce à une augmentation progressive des magistrats et des greffiers. Aujourd’hui, ils sont 138 au siège, 55 au parquet et 400 greffiers.

Dans les juridictions de Rouen, tribunal judiciaire et cour d’appel, « nous avons la chance d’avoir des rapports extrêmement cordiaux », dit Arnaud Saint-Rémy, responsable pénal du conseil de l’ordre rouennais. Il détaille certaines initiatives de la juridiction : une nouvelle chambre a été ouverte pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), des audiences ont été ajoutées autant que possible. « On ne peut pas être pleinement satisfaits, car il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers, donc pas assez d’audiences. Des procédures anciennes ne sont pas traitées car pas jugées prioritaires. Mais je salue le travail considérable fait par nos juridictions, et l’abnégation des magistrats. Parfois, il y a des tensions, car nous sommes tous fatigués de cette situation », expose-t-il. Là-bas aussi, les délais d’audiencement sont parfois longs (2022 pour les audiences d’expulsion locative, au tribunal de proximité, par exemple). Le bâtonnier Guillaume Bestaux abonde, et salue l’initiative du conseil des prud’hommes, qui a organisé une visioconférence avec les avocats en droit social, pour une meilleure organisation des audiences. Lui aussi reste vigilant sur les dossiers sans plaidoiries : « Il ne faudrait pas que ça reste en place car, sur certains dossiers avec un enjeu important, on aimerait bien dire quelques mots. Et puis, l’échange avec les magistrats nous manque. »

Auteur d'origine: babonneau

Tous les griefs ont été retenus à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour condamner la France : traitement dégradant, détention irrégulière, atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, violation de l’interdiction d’expulser collectivement des étrangers et absence de recours effectif.

Cette affaire concerne les conditions dans lesquelles deux enfants comoriens de 3 et 5 ans, appréhendés lors de leur entrée irrégulière sur le territoire français à Mayotte, ont été placés en rétention administrative en compagnie d’adultes, rattachés arbitrairement à l’un d’eux et renvoyés expéditivement vers les Comores sans examen attentif et individualisé de leur situation.

Les faits remontent à 2013, les deux enfants avaient voyagé à bord d’une embarcation de fortune en vue de rejoindre Mayotte. Les dix-sept personnes présentes sur l’embarcation furent interpellées en mer par les autorités françaises. Après un contrôle d’identité sur une plage, elles furent placées en rétention en vue d’une reconduite à la frontière. Les deux enfants furent rattachés administrativement à l’une des personnes présentes sur l’embarcation qui aurait déclaré les accompagner. Nés à Mayotte d’une mère comorienne en situation irrégulière, ils avaient été renvoyés aux Comores en 2011. Mais leur père, M. Moustahi, réside régulièrement à Mayotte. Ce dernier, prévenu de la présence de ses enfants, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte pour obtenir la suspension de l’arrêté d’éloignement. Trop tard, les deux enfants avaient déjà été placés à bord d’un navire et renvoyés aux Comores.

Des faux pas en cascade

La Cour est convaincue que le rattachement des deux enfants à un adulte « n’a pas été opéré dans le but de préserver l’intérêt supérieur des enfants, mais dans celui de permettre leur expulsion rapide vers les Comores ». Les conditions de rétention des deux enfants étaient les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux. Eu égard à leur âge et au fait qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, leur placement en rétention, « n’a pu qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme ». Pour la cour, les autorités françaises n’ont pas veillé à une « prise en charge effective des enfants » et n’ont pas tenu compte de la situation que ceux-ci risquaient d’affronter lors de leur retour dans leur pays d’origine.

La Cour observe aussi qu’aucun recours n’a été ouvert aux enfants afin de faire vérifier la légalité de leur placement en rétention. Elle rappelle que le fait d’enfermer certains membres d’une famille dans un centre de rétention alors même que d’autres membres de cette famille sont laissés en liberté s’analyse « comme une ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale quelle que soit la durée de la mesure en cause ».

La Cour retient aussi que l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers, sanctionnée par l’article 4 du protocole n° 4, a été violée. L’éloignement des deux enfants, qu’aucun adulte ne connaissait ni n’assistait, « a été décidé et mis en œuvre sans leur accorder la garantie d’un examen raisonnable et objectif de leur situation particulière ».

Enfin, l’analyse portée sur la violation du droit au recours effectif montre qu’aucun examen judiciaire des demandes des requérants ne pouvait avoir lieu. L’éloignement des requérants a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale au sujet d’un tiers dépourvu de liens avec eux. Par conséquent, la Cour européenne des droits de l’homme estime « que la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles ».

Auteur d'origine: pastor

L’Assemblée nationale a adopté, le 24 juin, une proposition de loi créant la fonction de directeur d’école. À l’heure actuelle, ceux-ci ne constituent pas un corps, contrairement à leurs homologues du secondaire, et ne disposent pas de pouvoir de...

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Auteur d'origine: Montecler

M. A… a obtenu, en décembre 2016, le transfert d’un permis de construire sur la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, délivré en 2014. Mme E…, propriétaire d’une parcelle voisine, avait formé un recours contre ce permis de construire, qui a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon. Elle a ensuite introduit un recours contre le permis modificatif, délivré en 2017 à M. A…, et a obtenu son annulation. M. A… est donc revenu au permis initial pour déposer une déclaration d’ouverture de chantier. Mme E… a aussitôt saisi le juge des référés en se plaçant cette fois sur le terrain de la péremption de ce permis initial. Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Le refus de...

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Auteur d'origine: pastor

Présenté le 24 juin par les députés Valéria Faure-Muntian et Daniel Fasquelle, le rapport part du constat que le marché des plateformes numériques est concentré depuis autour d’acteurs majeurs, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), dont les pratiques ne sont pas ébranlées par le droit commun de la concurrence qui, à leur égard, a atteint ses limites.

Parmi les vingt et une propositions pour compléter les outils du droit de la concurrence, les rapporteurs souhaitent notamment la mise en place d’une régulation ex ante, qui permettrait d’imposer certaines obligations aux opérateurs de plateformes d’importance primordiale (ou structurantes). Selon eux, c’est au niveau européen qu’un tel régulateur serait le plus efficace. La Commission européenne a en effet initié la réflexion autour d’un Digital Services Act (DSA), qui propose notamment une nouvelle définition des marchés pertinents, et éventuellement la révision des seuils de notification pour les opérations de concentration. Ce DSA pourrait prendre la forme d’un règlement d’application directe et concernerait les plateformes de manière transversale : réseaux sociaux, moteurs de recherche, économie collaborative et publicité en ligne.

Désigner une autorité pilote

Sans calendrier, une telle réforme n’est pas prête de voir le jour. Les rapporteurs estiment qu’une autorité pilote doit donc être désignée comme régulateur au niveau national pour assurer cette supervision. Mais ils ne sont pas d’accord sur l’entité dédiée : Daniel Fasquelle plaide pour confier cette mission à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) en renforçant ses pouvoirs tandis que Valéria Faure-Muntian n’écarte pas l’idée d’une nouvelle autorité de régulation. Dans tous les cas, la démarche première consiste à poser une définition des plateformes numériques structurantes, afin de pouvoir leur appliquer une réglementation spécifique. L’ARCEP, l’Autorité de la concurrence mais aussi la direction générale du Trésor ont planché sur la question. Le faisceau d’indices qui a été établi doit, selon les rapporteurs, permettre au législateur de poser les grands principes de cette définition, puis aux autorités compétentes d’établir une liste nominative des plateformes concernées.

Auteur d'origine: pastor

La Commission nationale de l’information et des libertés (CNIL) ne pouvait pas, dans ses lignes directrices sur les cookies et autres traceurs, interdire de façon générale et absolue la pratique des cookies walls, c’est-à-dire le blocage de l’accès à un site web ou une application pour les personnes qui ne consentent pas au dépôt ou à la lecture, sur son terminal.

Adoptées le 4 juillet 2019, ces lignes visaient à préciser les règles applicables et les bonnes pratiques en matière de cookies depuis...

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Auteur d'origine: Montecler
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Les rendez-vous par internet : un nouveau système avec de nouvelles difficultés

Le problème que posent les plateformes dématérialisées de prise de rendez-vous pour les ressortissants étrangers n’est malheureusement pas nouveau. Accès aux outils informatiques, démarches administratives plus compliquées à maîtriser pour des personnes non francophones, risque d’isolement et d’exclusion des ressortissants étrangers, etc. Des associations de défense des droits des étrangers ainsi que le Défenseur des droits ont, à plusieurs reprises, tenté d’interpeller les pouvoirs publics sur les difficultés liées à ces nouvelles méthodes de prise de rendez-vous. Plateformes qui ont progressivement remplacé l’accueil physique en guichet, en vertu d’un principe de simplification des démarches administratives, ou d’une politique de réduction des effectifs qui ne dit pas son nom malgré l’augmentation constante du nombre d’usagers.

En l’espèce, le requérant, ressortissant tunisien, est arrivé sur le territoire français en 2013 et ne l’a plus quitté. Sa fille est scolarisée en France depuis plusieurs années. Il a sollicité auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis la délivrance d’un titre de séjour « vie privée et familiale ». Après plusieurs courriels infructueux, le requérant s’est déplacé à la préfecture afin d’obtenir le rendez-vous indispensable à l’instruction de son dossier. La préfecture l’a alors redirigé vers le site internet dédié de la préfecture, « la demande par le site étant la seule façon d’obtenir un rendez-vous désormais » selon un courrier envoyé à son avocat.

Après huit mois de tentatives infructueuses, le requérant a alors saisi le tribunal administratif de Montreuil d’une requête en référé « mesures utiles » présentée sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, afin que la juridiction enjoigne à la préfecture de lui fixer une date de rendez-vous. Par une ordonnance du 11 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa requête.

Le requérant forme alors un pourvoi en cassation contre cette ordonnance, donnant l’occasion au Conseil d’État de se prononcer pour la première fois sur la recevabilité du référé mesures utiles et sur l’examen de ses conditions dans cette situation.

Un délai raisonnable de traitement mais pas de présomption d’urgence

Traditionnellement, l’article L. 521-3 du code de justice administrative exige le respect de trois conditions cumulatives : l’existence d’une situation d’urgence, la mesure demandée par le requérant doit avoir un caractère utile, et l’ordonnance de la juridiction ne doit pas avoir pour effet de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative.

Concernant la première condition, la formation de jugement refuse de consacrer, comme l’y invitait sa rapporteure publique, une présomption d’urgence en cas de refus de demande de titre de séjour, laquelle existe bien en référé-suspension pour le refus de renouvellement et le retrait de titre de séjour (CE, sect., 14 mars 2001, req. n° 229773, Ministre de l’intérieur c. Mme Ameur, Lebon ; AJDA 2001. 465, chron. M. Guyomar et P. Collin ; D. 2001. 1364, et les obs. ; RFDA 2001. 673, concl. I. de Silva ), mais qui trouve difficilement sa place dans le recours spécifique qu’est le référé mesures utiles, où tout est affaire d’espèce. En matière de droit des étrangers, le Conseil d’État avait pourtant reconnu une telle présomption d’urgence au profit des demandeurs d’asile victimes d’un délai de traitement anormal de leur demande, au nom des droits statutaires qu’ils tiennent de leur qualité de réfugié mais surtout à cause des dispositions législatives spéciales qui font obstacle à la naissance d’une décision implicite de rejet utilement attaquable par les demandeurs d’asile (CE 18 juill. 2011, req. n° 343901, Fathi, Lebon ; AJDA 2011. 1526 ; D. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). Une présomption d’urgence qui, selon les conclusions, aurait pu se justifier en l’espèce au regard de la gravité de certaines situations résultant de délais d’attente excessivement longs : l’expiration du titre de séjour précédemment attribué malgré les diligences de son bénéficiaire, ou encore le risque de perdre le bénéfice d’un emploi faute de titre de séjour. Car, en effet, il résulte des articles L. 311-4 et R. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la régularité de la situation administrative de l’intéressé est conditionnée à la remise du fameux récépissé de dépôt, laquelle est effectuée précisément lors de ce rendez-vous dont sont matériellement privés certains étrangers.

Le Conseil d’État préfère opter cette fois-ci pour une garantie supplémentaire en renvoyant à l’office du juge des référés : si la situation de l’étranger le justifie, le juge saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 pourra préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu et fixer un délai bref en cas d’urgence particulière.

En outre, « eu égard aux conséquences qu’a sur la situation d’un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l’enregistrement de sa demande et au droit qu’il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France », le Conseil d’État contraint désormais l’autorité administrative à respecter un délai raisonnable pour l’enregistrement des demandes de titre de séjour. Il appartiendra au juge des référés d’apprécier au cas par cas le caractère raisonnable du délai écoulé, en tenant compte par exemple de la proximité de la date d’expiration du titre de séjour en cours de validité, de l’existence d’une promesse d’embauche à court terme, et des autres contraintes matérielles et juridiques rencontrées par le ressortissant. Selon les conclusions de la rapporteure publique, « dans tous les cas, il nous semble qu’une personne étrangère ne peut être placée dans cette situation – de confrontation à des tentatives répétées et vaines d’obtention d’une date de rendez-vous – au-delà d’un délai qui ne peut être supérieur à un mois ».

L’utilité de la mesure demandée à la juridiction par le requérant se déduit quant à elle, assez logiquement, du fait que l’obtention de ce rendez-vous est « une étape administrative indispensable à la suite de la démarche visant à l’obtention d’un titre de séjour ». Aussi, la solution aurait certainement été différente si le choix n’avait pas été faix d’obliger les usagers à prendre rendez-vous par le biais de la plateforme dématérialisée, en supprimant toute possibilité d’un accueil physique en préfecture.

La question centrale du nombre et de la temporalité des tentatives de connexion

Parallèlement à la création de ce nouveau cadre juridique, le Conseil d’État valide néanmoins en cassation l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Montreuil qui a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que l’intéressé n’établissait pas avoir tenté de manière suffisamment régulière et répétée et sur une durée suffisamment longue d’obtenir un rendez-vous.

Le Conseil d’État, sans censurer expressément la position du tribunal, énonce une règle pourtant différente quant à la temporalité et le nombre de tentatives de connexion dont doit justifier le requérant : ce dernier peut demander au juge des référés d’enjoindre au préfet de lui communiquer une date de rendez-vous s’il « établit qu’il n’a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n’ayant pas été effectuées la même semaine ». Pour satisfaire cette condition factuelle, il appartiendra donc au requérant, dans le cadre du référé mesures utiles, de prouver, par le biais notamment de captures d’écran, qu’il a tenté de se connecter sur la plateforme en ligne à plusieurs reprises pendant plus d’une semaine.

Ainsi, et comme il lui arrive régulièrement de le faire, le Conseil d’État valide en droit le bien-fondé de la démarche du requérant tout en rejetant, en tant que juge de cassation, le pourvoi qu’il a formé contre l’ordonnance infructueuse de première instance.

Auteur d'origine: pastor

40 000 personnes prostituées en France

En 2016, les débats avaient été vifs, les associations étant très divisées sur ce texte, qui a prohibé l’acte d’achat sexuel, créé un parcours de sortie de prostitution et supprimé le délit de racolage passif. Le rapport d’évaluation était attendu. À l’issue d’un travail conséquent, les trois missions d’inspection (IGAS, IGA, IGJ) tirent un bilan mitigé, non de la loi, mais de son application.

Premier problème : évaluer le nombre de personnes prostituées, qui se situait entre 30 000 et 44 000 en 2015. Aujourd’hui, elles seraient 40 000 selon l’OCRTEH (l’office central pour la répression de la traite des êtres humains, qui suit la traite des êtres humains). La tendance est à une diminution du nombre de personnes qui se prostituent dans la rue (mais une aggravation de leur précarité) et un transfert vers internet, qui devient prépondérant.

La lutte contre le proxénétisme ne s’est pas adaptée : seules 10 % des condamnations pour proxénétisme aggravé concernent la prostitution sur internet. Il y aurait également « 400 salons à Paris et petite couronne ». Le rapport insiste enfin sur l’augmentation du « proxénétisme des cités ».

Les résultats mitigés de la pénalisation du client

Le rapport est très sévère sur l’action gouvernementale qui a suivi l’adoption du texte : « La loi n’a pas bénéficié d’un véritable portage lors de sa mise en œuvre ». Le comité de suivi interministériel ne s’est plus réuni depuis juin 2017. Une lacune qui a empêché le pilotage de la loi. Les actions de communication prévues ont été insuffisantes, notamment pour faire connaître la prohibition de l’acte d’achat d’acte sexuel.

La pénalisation du client était une mesure centrale de la loi de 2016. Mais elle reste peu constatée, avec 586 contraventions en 2016, 1 422 en 2017 et 1 185 en 2018. Des chiffres qui sont très différents entre les départements. Paris concentre la moitié des procédures. Il y en a eu 95 en Isère en 2018, mais 10 pour toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La pénalisation du client apparaît « souvent dévoyée et utilisée pour résoudre des troubles à l’ordre public » au niveau d’un quartier.

La mission constate que la loi a pu « contribuer à la baisse de la prostitution de voie publique, en particulier à Paris ». Mais elle ne tranche pas sur le fait qu’elle aurait aggravé la situation des personnes se prostituant dans la rue et note de possibles transferts vers d’autres types de prostitution.

Seuls 10 tribunaux de grande instance sur 166 ont mis en œuvre des stages de responsabilisation des clients. S’ils remplissent leur fonction pédagogique, il faudrait assurer une plus grande homogénéité de leur contenu. L’abrogation du délit de racolage passif n’a pas mis à mal la lutte contre les réseaux, contrairement à ce que craignaient certains services d’enquête.

Les déceptions sur le parcours de sortie

Le parcours de sortie de la prostitution, visant à aider les personnes quittant la prostitution, était l’autre pilier de la loi de 2016. Sa mise en place a été très lente. En 2019, seuls 300 parcours ont été autorisés. Peu de dossiers sont déposés et ils concernent essentiellement des personnes étrangères s’étant prostituées dans la rue. En cause : la peur des représailles, le critère de rupture définitive avec la prostitution trop strict et le faible montant de l’aide (330 €/mois, un montant insuffisant pour 93 % des préfets interrogés).

Il y a près de 20 % de refus, et des taux très différents entre départements : certains préfets refusent des personnes sous OQTF ou procédure Dublin. Seuls 30 % des départements disposent de places d’hébergement fléchées, en nombre souvent insuffisant. Enfin, la durée de l’autorisation provisoire de séjour accordée aux personnes sans titre (six mois) est jugée trop courte par 75 % des préfets.

L’inquiétude concernant la prostitution des enfants

L’autre point noir est l’augmentation de la prostitution des mineurs, une « progression préoccupante ». L’OCRTEH ne comptait que 6 mineurs victimes en 2010 mais 147 en 2018. Des chiffres éloignés de ceux des parquets de Paris et Marseille qui, à eux seuls, en comptabilisent 500, quand les associations parlent de 6 000 à 10 000 enfants concernés.

L’absence de chiffres montre le désintérêt inquiétant vis-à-vis de cette problématique. Depuis 2016, les poursuites concernant le délit de recours à la prostitution de mineur ont diminué (de 67 à 34). Le rapport, qui contient des témoignages éloquents de victimes, recommande de définir une politique publique contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Il faut créer des structures d’accueil spécialisées et garantir la mise à l’abri des enfants prostitués.

Auteur d'origine: babonneau
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Après avoir rappelé le contexte dans lequel s’inscrit la lutte contre la corruption internationale, la circulaire présente les moyens mis à la disposition du parquet national financier (PNF) afin d’y parvenir et des modalités de poursuites réservées aux personnes physiques et aux personnes morales, auteurs de faits de corruption internationale2.

Le rôle central du PNF

La Chancellerie se félicite de ce que le PNF, grâce à sa crédibilité croissante, est devenu l’interlocuteur direct et privilégié des autorités judiciaires étrangères, tenues d’articuler leurs enquêtes et poursuites conformément à l’article 4, 3, de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales adoptées à l’OCDE en 19973.

Cette coordination est d’autant plus nécessaire que la chambre criminelle, dans un arrêt rendu le 17 janvier 20184, a refusé d’appliquer le principe ne bis in idem en matière de droit pénal international, lorsqu’une partie des faits s’est déroulée sur le territoire national5.

Elle est également rendue nécessaire par l’élargissement des cas d’application extraterritoriale de la loi pénale française aux « personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français »6.

Sur ce point, la Chancellerie considère que les personnes « exerçant tout ou partie de [leur] activité économique en France » recouvrent a minima les personnes morales étrangères ayant en France une filiale, des succursales, des bureaux commerciaux ou d’autres établissements, même dépourvus de personnalité juridique propre. Cette interprétation, extrêmement large, permettrait à la justice française d’exercer une compétence extraterritoriale à portée équivalente de celle pratiquée par le ministère de la justice américain (Department of Justice ou DOJ)7 mais devra toutefois être confirmée par la jurisprudence.

La Chancellerie encourage également le PNF à ouvrir des « enquêtes miroirs » (i) lorsqu’il est informé par le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) d’une procédure à l’étranger diligentée à l’encontre de sociétés françaises ou (ii) à l’occasion de demandes d’entraide pénale entrantes impliquant des entreprises françaises ou exerçant une activité économique sur le territoire national. Concrètement, la Chancellerie souhaite qu’à réception des éléments, ceux-ci soient systématiquement exploités en vue d’une éventuelle ouverture par le PNF d’une « enquête miroir » pour des faits de corruption si les conditions sont réunies.

Plus encore, la Chancellerie demande au PNF de conduire des vérifications approfondies sur les « faits crédibles et circonstanciés » révélés par des articles de presse nationaux et étrangers dans la perspective de l’ouverture d’une éventuelle enquête.

À l’évidence, la Chancellerie semble attendre du PNF qu’il adopte une attitude proactive afin de faire concurrence aux poursuites engagées par les autorités étrangères dans la perspective non dissimulée d’encourager la coordination entre autorités de poursuite notamment dans le cadre de la conclusion d’accords tels la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Le renforcement de l’incitation à la divulgation spontanée

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (la « loi Sapin 2 »), les sociétés assujetties à l’article 17 doivent mettre en œuvre un dispositif d’alertes qui vise à permettre le recueil des signalements émanant des « employés » de l’organisme concerné et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société et susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence.

Averties d’éventuelles infractions commises par leurs propres salariés, ces dernières sont invitées par la Chancellerie à divulguer ces faits afin de bénéficier d’« une certaine forme de clémence quant aux modalités de poursuite susceptibles d’être engagées par le PNF ».

Sans le préciser, la circulaire fait écho aux éléments d’ores et déjà détaillés dans la circulaire du 31 janvier 2018 et dans les lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public de l’AFA et du PNF du 26 juin 2019 (les « lignes directrices ») :

• la circulaire du 31 janvier 2018 indique que la divulgation spontanée des faits est un critère d’appréciation pour les parquets avant de recourir à une CJIP8 et permet aux sociétés de bénéficier d’un coefficient minorant dans le cadre du calcul de l’amende d’intérêt public9.

• les lignes directrices indiquent que cette divulgation spontanée des faits, qui est prise en compte tant pour le choix du recours à la CJIP que comme facteur de minoration de l’amende, doit intervenir dans un délai raisonnable à partir du moment où le dirigeant de la personne morale a eu connaissance des faits10.

Mais la Chancellerie attend du PNF qu’il aille plus loin en développant des échanges avec les organisations représentatives des entreprises actives à l’international (MEDEF, AFEP) afin de définir et mettre en œuvre un cadre et des modalités pratiques incitatives en matière de divulgation spontanée.

Il est intéressant de relever à cet égard que les lignes directrices du DOJ, révisées en mars 201911, sont particulièrement précises et incitatives. En cas de divulgation spontanée des faits, les sociétés peuvent bénéficier d’une réduction de l’ordre de 50 % de l’amende et éviter la nomination d’un contrôleur qui serait en charge de revoir, pendant une période limitée, le programme de conformité de ces sociétés.

Le sort réservé aux personnes physiques et morales dans le cadre de poursuites pour corruption internationale

Ayant recours aux techniques spéciales d’enquête depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, l’Office central de lutte contre les infractions fiscales et financières (OCLCIFF), partenaire privilégié du PNF, conduit les investigations à la demande de ce dernier en ayant notamment recours à la sonorisation de locaux et à l’infiltration.

À l’issue des investigations réalisées, le PNF a alors le choix de la réponse pénale qui lui semble la plus adaptée :

• concernant les personnes physiques, la Chancellerie indique que la possibilité pour le mis en cause de bénéficier de la procédure de CRPC dépendra (i) des antécédents de celui-ci, (ii) de son degré d’implication, (iii) de la reconnaissance des faits et (iv) de sa coopération avec l’autorité judiciaire. Si ces éléments ne sont pas satisfaits, alors un renvoi devant le tribunal correctionnel pourra être prononcé. Dans ce second cas de figure, la Chancellerie invite les parquetiers à requérir des peines « adaptées à la gravité des faits ainsi qu’à la personnalité et au degré d’implication du prévenu » sans oublier les peines complémentaires incluant l’interdiction de droits civiques et civils, l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de laquelle les faits ont été commis ou encore la confiscation des avoirs saisis. La Chancellerie souhaite, à travers cette circulaire, inciter le PNF à requérir des peines lourdes, en précisant notamment que la peine d’emprisonnement prévue en matière de corruption d’agent public étranger peut aller jusqu’à dix ans tandis que celle de trafic d’influence d’agent public étranger ne pourra excéder cinq ans.

• concernant les personnes morales, la Chancellerie rappelle, sans y faire expressément référence, les conditions visées par la circulaire du 31 janvier 2018 et les lignes directrices dans lesquelles une CJIP peut être envisagée. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, le PNF est invité à envisager la conclusion d’une CRPC étant donné que le renvoi devant le tribunal correctionnel ne sera réservé qu’aux faits les plus graves et/ou systémiques et/ou impliquant des personnes morales non coopératives et/ou ne reconnaissant pas les faits. Il est d’ailleurs utilement précisé que depuis l’ordonnance du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, l’article L. 2141-1 du code de la commande publique prévoit une interdiction de soumissionner de plein droit en matière de marchés publics pour les personnes condamnées du chef de corruption ou trafic d’influence.

Enfin, en cas de difficultés rencontrées pour caractériser les éléments constitutifs des délits de corruption et trafic d’influence, actifs et passifs, d’agent public étranger, et ainsi éviter que l’enquête ne débouche sur une relaxe en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel, la Chancellerie invite le PNF à enquêter sur certaines infractions périphériques dont la preuve serait plus simple à obtenir. Sont notamment visés le blanchiment, le recel, l’abus de biens sociaux (ou l’abus de confiance), l’infraction de publication ou présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle ou encore l’infraction de fraude fiscale dans la mesure où le code général des impôts exclut la déduction des bénéfices soumis à l’impôt les pots de vins versés à un agent public ou à un tiers par une société dans le cadre de transaction commerciale internationale.

 

 

Notes

1. Communication du GRECO, 9 janv. 2020.

2. Cette expression vise les infractions de corruption et trafic d’influence, actifs et passifs, d’agent public étranger.

3. En mai 2018, la Convention avait été ratifiée par 44 pays.

4. Crim. 17 janv. 2018, n° 16-86.491, D. 2018. 1243 , note Kami Haeri et V. Munoz-Pons ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée .

5. K. Haeri et V. Munoz Pons, Appréciation stricte du principe ne bis in idem en matière de droit pénal international, D. 2018. 1243 .

6. C. pén., art. 435-6-2 et 435-11-2.

7. Rapport n° 3785 de M. Sébastien Denaja, 26 mai 2016, p. 146.

8. Circ. du 31 janv. 2018, p. 16.

9. Circ. du 31 janv. 2018, p. 17.

10. Lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public, communes entre le PNF et l’AFA, 26 juin 2019, p. 9.

11. 9-47.120 – FCPA Corporate Enforcement Policy, mise à jour en mars 2019.

Auteur d'origine: babonneau
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Renforcer la protection constitutionnelle de l’environnement

Les citoyens préconisent l’adoption de deux modifications à la Constitution. D’abord, ils souhaitent préciser dans le préambule que « la conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité ». Ils proposent aussi d’indiquer à l’article premier que « la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».

Cette rédaction serait légèrement différente de celle du projet de loi constitutionnelle déposé par le gouvernement en 2019 qui prévoyait d’inscrire que la France « favorise la préservation de l’environnement, la diversité biologique et l’action contre les changements climatiques » (v. Dalloz actualité, 3 sept. 2019, obs. E. Maupin). À noter, une rédaction initiale utilisait le verbe « agir » plutôt que de « favoriser ». Mais, dans son avis au projet de loi, le Conseil d’État soulignait qu’un principe d’action « imposerait une obligation d’agir à l’État, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux », ce qui « serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction ».

Depuis, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme un objectif de valeur constitutionnelle

(Cons. const. 31 janv. 2020, décis. n° 2019-823 QPC, Dalloz actualité, 12 mars 2020, obs. M. Vervynck ; B. Parance, Les riches promesses de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ?, D 2020. 1159 ). En indiquant que la République « garantit » la préservation l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, les citoyens souhaitent allait au-delà de l’action mais aussi que ces principes puissent servir de base à une question prioritaire de constitutionnalité (ce qui n’est pas possible aujourd’hui).

Un référendum sur l’écocide ?

Autre proposition qui serait soumise à référendum : la création d’un crime d’écocide. Une idée portée l’an dernier par deux propositions de loi, rejetées par le Sénat (v. Dalloz actualité, 6 mai 2019, art. P. Januel) puis par l’Assemblée nationale. Pour la convention, constituerait un crime d’écocide « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Cette proposition suscite de nombreuses interrogations. D’abord, un référendum sur le droit pénal serait inédit, et il n’est pas certain qu’il soit permis par l’article 11 de la Constitution. Par ailleurs, plusieurs termes de l’incrimination criminelle proposée restent flous. De plus, le gouvernement a indiqué souhaiter, qu’avant de changer la loi française, une définition internationale soit adoptée. Enfin, de nombreux délits environnementaux sont déjà mobilisables par le juge.

Les citoyens proposent aussi d’inclure dans la loi le délit d’imprudence et élargir le concept de devoir de vigilance (v. Dalloz actualité, 29 mars 2017, obs. P. Dufourq). Ces préconisations seraient garanties par une « Haute Autorité des limites planétaires », consultée par le gouvernement sur tout projet de loi, ordonnance ou décret concernant ses domaines de compétence.

Des citoyens qui croient dans le droit

Parmi plus d’une centaine de propositions dégagées par les citoyens, il est notable que ce soient les propositions juridiques qui soient les seuls à être soumises à référendum. Plusieurs explications : d’abord, les citoyens souhaitent faire appel au peuple pour toucher à la superstructure et au cadre large. Il y a aussi eu, au cours de la convention, un éveil des citoyens au fonctionnement de la norme, et un souhait de faire évoluer la jurisprudence, notamment constitutionnelle. Enfin, les citoyens n’ont pas souhaité utiliser le référendum pour des mesures plus contraignantes (110 km/h sur autoroute, rénovation obligatoire des logements). Un participant note que « de nombreux citoyens ont eux-mêmes cheminé en écoutant les experts et ont été convaincus par la convention. Pour ces sujets moins évidents, il y avait une crainte que le référendum, qui est souvent la coalition des oppositions, aboutisse à un rejet, faute du même travail préalable ».

Une partie des travaux de la convention citoyenne devrait être reprise par le gouvernement. Lundi prochain, Emmanuel Macron recevra les citoyens. Puis il pourrait faire des annonces dans le courant du mois de juillet, lors d’un discours qui marquerait une nouvelle étape dans son quinquennat.

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Longtemps régie quasi-exclusivement par des règles d’origine jurisprudentielle, l’indemnisation de la perte d’emploi des agents publics fait, depuis quelques années, l’objet d’un encadrement législatif et réglementaire de plus en plus précis. L’article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique en a posé les principes. Le décret n° 2020-741 du 16 juin 2020 les explicite en s’inspirant, au demeurant, largement de la jurisprudence. Il s’applique aux agents des trois versants de la fonction publique, d’Orange et de La Poste, mais pas aux anciens militaires dont la situation est régie par l’article L. 4123-7 du code de la défense. Ses dispositions doivent être combinées avec celles des mesures d’application de la convention d’assurance chômage.

Le décret définit la notion de privation involontaire d’emploi. Il s’agit, tout d’abord des agents radiés d’office des cadres ou licenciés pour tout motif, à l’exception de deux cas dans lesquels le Conseil d’État avait exclu l’indemnisation : l’abandon de poste (CE 30 nov. 1992, n° 90227, OPHLM et de la Charente) et la fin de détachement sur un emploi fonctionnel de la fonction publique territoriale lorsque l’agent opte pour une indemnité de licenciement (CE 6 nov. 2013, n° 364654, Cne de Peymeinade, Lebon ; AJDA 2013. 2231 ; AJFP 2014. 176, et les obs. ). Il s’agit ensuite des contractuels dont le contrat n’est pas renouvelé ou prend fin pendant la période d’essai à...

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Auteur d'origine: Montecler

La commune de Saint-Esprit ayant décidé de ne pas renouveler le contrat confiant à une société privée la gestion d’une salle de spectacle municipale, cette dernière a saisi la juridiction judiciaire, le 10 mai 2007, en soutenant être titulaire d’un bail commercial et en se prévalant de l’irrégularité du congé délivré par la commune. En 2010, elle a aussi saisi la juridiction administrative d’une demande de condamnation de la commune à réparer...

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Auteur d'origine: pastor

Qu’a dit Mme Houlette pour que la procureure générale réagisse en publiant un communiqué dans la journée, suivie de l’annonce par l’Élysée d’une saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) « pour lever tout doute sur l’indépendance et l’impartialité de la justice dans cette affaire » ?

L’ancienne cheffe du parquet national financier (PNF) Éliane Houlette (dont l’intégralité des propos est retranscrite ci-dessous), devant la commission sur l’indépendance de la justice, dit essentiellement deux choses. Tout d’abord, dans un exposé liminaire, la magistrate affirme que le ministère public n’est pas une autorité indépendante, le parquet général ayant le pouvoir – légal – de lui demander des comptes – pour qui, pourquoi ? – sur des dossiers en cours.

La complainte d’un parquet trop dépendant statutairement de l’exécutif n’est pas nouvelle, nombreux sont les magistrats qui plaident pour une réforme constitutionnelle que le pouvoir politique n’a jamais voulu faire aboutir. Le Conseil supérieur de la magistrature l’a réaffirmé à plusieurs reprises dans ses rapports annuels (lire aussi cet avis de décembre 2014). C’est un débat de dupes. « C’est le fait de ne pas savoir qui trouble, qui jette la suspicion, d’autant que, dans le suivi de l’action publique pour certaines affaires, je ne suis même pas sûre que le contrôle de l’action publique qui a été exercé par le parquet général ait été exercé à la demande de la Chancellerie. Mais comme il y a ce lien hiérarchique, tout est possible. Ça laisse planer le doute. » Éliane Houlette va répéter cela, très librement, à plusieurs reprises lors de son audition.

La complainte a pris cette fois-ci une tournure plus forte, fracassante, parce que les soupçons d’un lien entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire ont été illustrés d’exemples judiciaires concrets, par un magistrat et pas n’importe lequel. Lors de l’audition, Éliane Houlette n’évoque pas d’elle-même le dossier Fillon, c’est le député Ugo Bernalicis qui lui pose la question. Non, elle n’a pas ouvert d’information judiciaire à la demande du parquet général. Elle explique au contraire qu’elle a tenu bon face aux pressions « quotidiennes » de Mme Champrenault, qui a ouvert à l’encontre de l’ancienne cheffe du PNF une procédure pour violation du secret de l’enquête dans un autre dossier. Éliane Houlette le dit dans cette audition, elle préfère l’enquête préliminaire. Si elle a décidé, seule, de recourir à l’information judiciaire dans l’affaire Fillon, c’est qu’elle avait un problème de taille devant elle : une nouvelle loi sur la prescription qui risquait de mettre à mal la procédure et le dossier tout entier. Mais le cœur du problème n’est pas dans cette affaire particulière, le mal est général, selon l’ancienne procureure qui le dit de manière très « directe » et « cash », comme le souligne le rapporteur de la commission.

Nous avons décidé de retranscrire et de publier l’audition dans son intégralité pour son intérêt évident.

 

 

Ugo Bernalicis : Je vais vous donner la parole pour une brève intervention liminaire qui précédera notre échange sous forme de questions et de réponses en fonction évidemment de l’intérêt de notre commission d’enquête pour les thématiques que vous aborderez. [Lecture du texte sur la prestation de serment, ndlr.] Madame, je vous invite donc à lever la main droite, à actionner le micro par ailleurs, et dire je le jure.

Éliane Houlette : Je le jure, Monsieur le Président.

U.B. Je vous remercie et vous avez la parole.

E.H. : Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Députés, merci de la confiance que vous me témoignez en sollicitant ma réflexion sur le sujet de votre commission d’enquête sur « les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Quelques mots très rapides sur le parquet national financier – que je vais appeler PNF pour plus de facilité – il a été créé comme vous le savez par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière à la suite d’une affaire mettant en cause un ancien ministre du budget. Il est entré en fonction le 1er février 2014, il a une double spécificité, une compétence géographique étendue à tout le territoire national et une compétence matérielle limitée aux infractions économiques et financières les plus graves, c’est-à-dire les délits boursiers – c’est une compétence exclusive –, les atteintes à la probité et les atteintes aux finances publiques, c’est-à-dire la fraude fiscale complexe. Pour ces deux types d’infractions, c’est une compétence qu’il partage, une compétence concurrente – on appelle concurrente – avec les autres parquets, notamment avec les JIRS [juridictions interrégionales spécialisées, ndlr].

C’est peu dire que les vents lui étaient contraires, il faisait l’unanimité contre lui puisque beaucoup de hauts magistrats et l’ensemble des organisations professionnelles de magistrats étaient opposés à ce modèle de justice spécialisée, qualifiée de construction compliquée, d’objet juridique non identifié, d’outil de communication politique et de coquille vide. Sa création devait s’accompagner d’une réforme constitutionnelle portant notamment sur le statut du parquet. Elle n’a jamais vu le jour. Et pourtant la question de l’indépendance du parquet, singulièrement celle du PNF, est fondamentale. Je vais y revenir.

Les moyens humains et matériels du PNF étaient très limités. Cinq magistrats en tout, un greffier stagiaire, une secrétaire, cinq ordinateurs et bureaux. J’y fais allusion car l’aspect des moyens n’est pas neutre sur la question de l’indépendance.

En cinq ans et demi, il est devenu une institution reconnue sur le plan national et international. La circulaire récente, dont le journal Les Échos s’est fait l’écho aujourd’hui, du 2 juin 2020 de la ministre de la justice relative à la corruption internationale consacre cette reconnaissance.

Cette expérience de six années, presque six années, qui a été jonchée de difficultés, m’a permis d’appréhender de façon pragmatique ce que pouvaient être, ce que peuvent être les obstacles à l’indépendance de la justice. Le premier obstacle, celui dont découle tous les autres, mais vous le savez mieux que moi, est d’ordre constitutionnel, bien sûr, puisqu’en choisissant d’intituler le titre VIII de la Constitution « De l’autorité judiciaire », le constituant de 1958 a exclu d’emblée la reconnaissance d’un pouvoir judiciaire à égalité avec le pouvoir législatif et avec le pouvoir exécutif. Ce qui laisse d’ailleurs en suspens la question de la subordination du parquet.

Le président de la République est garant de l’indépendance de la magistrature au sens de la Constitution. La justice n’est donc pas érigée en entité autonome puisque son indépendance est garantie par le chef de l’exécutif. Ce qui a fait dire à feu le professeur Carcassonne : « Autant proclamer que le loup est gardien de la sécurité de la bergerie ». On voit bien que la conception française de l’indépendance de la justice est ancrée dans l’histoire, et c’est une conception politique ancrée qui repose sur l’histoire. C’est donc un membre de l’exécutif, ministre de la justice, qui fait voter les lois, en surveille l’application, qui gère la carrière des magistrats, qui assure leur discipline, propose le budget de la justice au parlement et décide d’allouer les crédits entre les cours d’appel.

Et le poids de l’exécutif se fait aussi ressentir sur la formation des juges puisque le conseil d’administration de l’ENM [École nationale de la magistrature, ndlr] est composé de membres qui sont tous désignés par l’exécutif, le ministre de la justice, à l’exception bien sûr du président et du vice-président de ce conseil qui sont les chefs de la Cour de cassation.

En réalité, l’organe constitutionnel qui concourt à l’indépendance de l’autorité judiciaire est le Conseil supérieur de la magistrature, puisque la carrière et la discipline des magistrats sont partiellement soumises à son contrôle. Et se pose d’ailleurs la question de la composition de cet organe et de son indépendance, notamment, à l’égard du pouvoir syndical.

Mais je vais aborder directement la question de l’indépendance du parquet [18:38]. En France, l’indépendance du parquet est régulièrement mise en cause à l’occasion d’affaires pénales retentissantes à caractère politique. Et à travers ces affaires, c’est toujours le poids de l’exécutif sur la justice pénale qui est en débat. Le champ de compétence du PNF l’expose particulièrement car il concerne les lieux de pouvoir, que ce soient des lieux de pouvoir politique, économique ou administratif. Et il me semble donc essentiel que les magistrats qui assurent la répression de cette criminalité économique et financière échappent à toute forme de suspicion.

L’ordonnance de 1958 place, vous le savez, les magistrats du parquet sous la direction et sous le contrôle de leur chef hiérarchique, sous l’autorité du garde des Sceaux. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette soumission hiérarchique au ministre de la justice n’était pas incompatible avec le principe d’indépendance des magistrats. Pour reprendre l’expression d’un professeur de droit public, Roseline Letteron, « l’indépendance s’exerce donc dans la dépendance ». Je partage totalement son analyse. Le principe de l’indépendance est posé mais c’est une indépendance sous contrôle.

Le parquet, c’est une réalité objective, est sous le contrôle du pouvoir exécutif. Pourquoi ? Parce que le ministre de la justice concentre l’élaboration de la loi pénale, la définition de la politique publique répressive et le pouvoir de nomination. [20:11] Il est responsable de la mise en œuvre de la politique pénale, par le biais des instructions générales données aux procureurs et aux procureurs généraux, lesquels les adaptent à leur ressort respectif. L’organisation du ministère est inchangée depuis des décennies. La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) conçoit et prépare les textes, elle suit l’action publique et la direction des services judiciaires (DSJ) gère toute la carrière des parquetiers.

De cette organisation, on voit bien, de cette organisation régalienne, verticale, de ce pouvoir direct ou plus diffus de l’autorité hiérarchique résulte nécessairement ce que certains ont appelé « une culture de soumission » ou, je préfère ce terme, « une culture de dépendance ». Pourquoi ? Parce que l’indépendance, ça n’est pas seulement une question d’individus et de caractères, c’est une question de système. Un système dans lequel le processus décisionnel n’est pas transparent et formalisé, et favorise la perte de repères chez les décideurs. Qu’il s’agisse du suivi de l’action publique ou de la gestion de carrière, pour ce qui concerne le parquet, le processus manque de transparence. Et la transparence engendre la suspicion. Le parquet est suspecté de manquer d’indépendance par les avocats, par le public, par la presse, par ses membres eux-mêmes à l’intérieur même du parquet si le choix des procureurs ne leur revient pas. Le parquet est critiqué par les instances internationales et cela porte atteinte à la confiance que l’on doit avoir dans le ministère public.

Il faudrait à mon sens réinventer la justice dont l’organisation ne correspond plus aux exigences d’une justice moderne. Les avancées du droit par l’intermédiaire de la CEDH, les exigences d’efficacité, de démocratie nécessitent une transformation. Et la subordination du parquet au garde des Sceaux nuit au traitement pacifique des affaires, en particulier celles qui concernent le monde politique. La question de son indépendance perturbe le fonctionnement de l’institution tout entière. Je pense que la création du parquet européen a ouvert la voie sur ce point et, tôt ou tard, devrait amener un changement. Et il serait souhaitable, à mon sens, que cela intervienne rapidement car, à trop tarder à agir, le manque de confiance dans les institutions devient de la défiance et peut aboutir à la révolte. C’est ce que, me semble-t-il, nous ont enseigné les crises récentes qu’ont traversées notre pays et le monde dernièrement.

[23:05] Alors, de façon pratique et concrètement, le sentiment de dépendance, je l’ai éprouvé dans l’exercice de mes fonctions. D’emblée, je dois vous dire qu’aucun des quatre gardes des Sceaux qui se sont succédé de 2014 à 2019, j’ai quitté mes fonctions en juin 2019, ou leurs collaborateurs immédiats ne m’a interrogée ou ne m’a invitée à agir ou à ne pas agir dans des dossiers particuliers. Je n’ai jamais subi de pression directe de la part d’un ministre de la justice. Mais la pression que j’ai pu ressentir, en dehors de celle de la presse qui s’intéressait de très près aux affaires du PNF, s’est manifestée de manière plus indirecte ou plus subtile à travers le rôle du parquet général dans le contrôle de l’action publique du PNF. Et j’ai aussi éprouvé le poids de l’exécutif dans l’affectation des moyens humains et matériels d’un parquet très spécialisé, hautement spécialisé, pour reprendre les termes de la circulaire du 31 janvier 2014.

[24:18] Il y a deux dimensions dans l’action publique. La première concerne son exercice qui relève de la seule responsabilité du procureur de la République et la seconde est relative à la place du procureur général par le biais des instructions générales et des demandes de rapports particuliers. Et ce sont elles qui posent problème et qui peuvent constituer une entrave à l’indépendance. [24:43] Sur ce point, la position du procureur de la République financier est spécifique puisque, si l’on se réfère aux critères fixés par la circulaire du 31 janvier 2014 qui définit les relations entre le garde des Sceaux et le parquet, si on se réfère aux critères posés par la circulaire, presque tous les dossiers, je pense la totalité des dossiers traités par le PNF, répondent à l’un ou plusieurs de ces critères. Or, du fait de sa compétence nationale, le ressort de compétence du procureur national financier est plus étendu que celui de l’autorité hiérarchique sous laquelle il est placé, c’est-à-dire le procureur général de Paris. Le procureur financier informe donc le procureur général de Paris d’affaires particulières qui se déroulent dans d’autres ressorts que celui de la cour d’appel de Paris. La question se pose, me semble-t-il, de la légitimité du procureur général de Paris pour solliciter des informations des faits qui ne concernent pas son ressort. Et le code de procédure pénale ne résout pas cette difficulté. Il prévoit que le procureur général de Paris anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux, la conduite de la politique d’action publique pour l’action de la compétence concurrente. Mais les conflits de compétence sont rares – quelques-uns au début – et il n’y a pas besoin de coordination car la compétence du procureur de la République financier s’étend à tout le territoire national.

Et le problème, c’est qu’à travers les instructions générales et les rapports particuliers, le procureur général s’arroge un droit de regard sur la conduite et les choix d’action publique des procureurs de la République. Je ne parle qu’en mon nom, procureure de la République financier. Et ce droit de regard est omniprésent [26:42]. Il se traduit par des demandes de rapports, copies de réquisitoires définitifs qui sont transmis aux juges d’instruction, des demandes de précisions et lorsqu’une personnalité politique est mise en cause, le contrôle est extrêmement étroit. Je l’ai personnellement vécu, c’est-à-dire avec deux ou trois demandes parfois dans la même journée, des demandes de renseignements, de synthèse d’auditions, « la presse se fait l’écho d’une perquisition à tel endroit, merci de bien nous dire avant telle heure les résultats de cette perquisition ». Donc, quand je dis que c’est un contrôle étroit, c’est un contrôle extrêmement étroit. Et dans une affaire, il m’a même été suggéré de modifier les termes d’un communiqué. Vous savez que nous avons l’obligation, nous les procureurs, de transmettre, de faire parvenir au garde des Sceaux – ce qui est normal – le communiqué qu’il destine aux agences de presse, et donc la voie habituelle, la seule voie, de passer par le parquet général, ce que j’ai toujours fait, et donc on m’a demandé de modifier les termes d’un communiqué, ce que je n’ai pas fait puisque l’article 11 du code de procédure pénale autorise le procureur de la République à communiquer et n’autorise que le procureur de la République. Ce n’est pas envisageable que quelqu’un d’autre communique à la place du procureur de la République. Il informe le garde des Sceaux, évidemment via le parquet général, mais sa libre communication fait partie de son indépendance.

Et donc, la question qu’on peut se poser en réalité, c’est pourquoi ce droit de regard du procureur général sur l’action publique, à travers des affaires particulières ? [28:29] Comment l’interpréter ? Est-ce qu’il agit pour lui ou pour quelqu’un d’autre ? Ce contrôle de l’action publique laisse la possibilité en fait d’une intervention dont on ne connaît pas la profondeur des motivations et ça nuit véritablement à l’indépendance. Et, sur ce point, je veux dire que le fonctionnement de la remontée d’informations m’est apparu empreint d’archaïsmes. Il me semble que peu de choses ont changé depuis l’époque lointaine où j’ai pu être moi-même jeune magistrat à la Chancellerie. Les rapports individuels existent sous la même forme, la dématérialisation des échanges a accéléré les demandes et les délais de transmission des demandes puisqu’aux rapports formels écrits s’ajoutent les comptes rendus et les échanges par messagerie électronique.

Alors la circulaire de 2014 prévoit que les parquets généraux puissent apporter une assistance juridique aux parquets de première instance [29:41]. Je n’ai pas le souvenir que le parquet général de Paris nous ait apporté sa réflexion juridique ou technique sur un dossier. Sans doute parce qu’il n’était pas outillé pour apporter son expertise à un parquet aussi spécialisé que le nôtre. Et, au contraire, les demandes de rapports circonstanciés et de précisions ont été un accroissement considérable de la tâche des magistrats du PNF. Pour certaines affaires, entre la pression de la presse et celle du parquet général qui faisait des demandes incessantes de renseignements, la tâche était extrêmement lourde et dense. Dans ce cas, nous n’avons que loi à laquelle nous raccrocher. Que dit la loi ? Que dit la loi ?

Il me semble que lorsqu’on demande un rapport sur une affaire particulière, on devrait être en mesure d’indiquer les raisons et l’origine de la demande. [30:41] Ce serait beaucoup plus simple, beaucoup plus transparent ! Pourquoi on nous interroge, pour quel motif, et ce manque de transparence est finalement… il aboutit à ce que… le problème est moins dans les interventions que dans le doute qu’il laisse planer. C’est un véritable sujet.

On justifie parfois la remontée d’informations par l’obligation par le garde des Sceaux de rendre compte de la politique pénale, notamment au Parlement. C’est bien là le cœur du problème. En réalité, il n’existe pas de distinctions dans la loi entre ce qui relève de l’action pénale, de la politique pénale et ce qui relève de l’action publique. Et en confondant les deux, politique pénale et action publique, on légitime la remontée d’informations et le lien hiérarchique. Ça me semble être extrêmement important. Cependant, la politique pénale, c’est une politique publique répressive qui est, par définition, je reprends les termes de la circulaire de 2014, elle est par définition générale et impersonnelle. Est-ce que les rapports sur les affaires particulières permettent de penser la politique pénale ? [32:02] A-t-on besoin de connaître ce qu’il y a dans un dossier particulier pour construire une politique pénale ? Les rapports particuliers ne me semblent pas être exploités dans cet objectif et plutôt celui de l’information de la Chancellerie. Les phénomènes criminels, les problématiques d’ordre sociétal, les difficultés procédurales qu’on peut rencontrer, l’évolution de la criminalité dans certains ressorts font l’objet d’un rapport annuel qui est dressé chaque année par les procureurs aux procureurs généraux, qui en font une synthèse et qui l’adressent au garde des Sceaux. Ces synthèses me semblent suffire à la réflexion ou à la définition d’une politique pénale. Est-ce que l’éventualité de devoir rendre compte au Parlement ou à la presse d’une affaire particulière justifie le degré de précision qui m’a souvent été demandé ? Une question que je vous pose mais qui me semble être le nœud du problème.

Cette organisation verticale administrative est un frein à l’indépendance et à l’action. Elle empêche les procureurs de la République d’être libres dans leur choix d’action publique. Leur carrière dépend de leurs relations avec leur hiérarchie, donc de l’exécutif. La dépendance est là. Bien sûr. Car si le procureur de la République refuse ou ne suit pas les préconisations ou les suggestions du parquet général, sa carrière ne va pas en pâtir, sa réputation sera à tout le moins entamée. Forte tête, mauvais caractère, et c’est une réelle difficulté ! En maîtrisant la carrière du parquetier, l’exécutif pèse en fait, consciemment ou non, sur la liberté d’action publique des magistrats du parquet. [33:58] Car en fait dans un système qui ne favorise pas l’indépendance, ceux qui en font preuve sont à la marge, sont marginalisés.

Quelques mots que je voudrais dire également sur l’indépendance, sur les choix de procédure de l’ouverture d’une information ou sur le choix d’une enquête préliminaire. Dès mon arrivée à la tête du PNF, j’ai fait le choix de n’ouvrir d’information que dans des circonstances précises. Pourquoi ? Parce que, d’abord, pour revendiquer et assumer l’indépendance du PNF dans la conduite des enquêtes et également pour limiter la durée des procédures [34:48]. Vous savez que, particulièrement en matière économique et financière, les procédures sont très longues et c’est un reproche que l’on a fait très souvent à propos de cette justice. Mais lorsqu’il n’ouvre pas d’information judiciaire, le parquet est toujours suspecté en raison de son lien organique avec le ministre de la justice. L’audition de l’association Anticor que j’ai pu regarder en vidéo : on soupçonne très rapidement une intervention lorsque le parquet ouvre une procédure du pouvoir exécutif.

Et ce soupçon, tout le monde l’utilise. Les avocats, les médias, la société civile, les collègues eux-mêmes. Et donc pour échapper à ce soupçon et à toute critique, certains procureurs de la République prennent le parti d’ouvrir une information judiciaire dans des affaires qui mettent en cause une personnalité politique ou un parti politique. À mon sens, c’est l’aveu même que, quoi qu’il fasse, le système actuel ne permet pas au parquet de revendiquer son indépendance. Et il n’est pas normal que la question de l’indépendance détermine le choix de l’action publique.

On peut rétorquer que l’information judiciaire permet l’exercice du contradictoire car les avocats des mis en cause et des parties civiles peuvent accéder au dossier. Dès mon arrivée, là encore, j’ai souhaité que le parquet national financier développe une phase de contradictoire à l’issue de toutes les enquêtes préliminaires qu’il a conduites. J’ai souhaité que nous repensions nos relations avec les avocats qui sont nos premiers partenaires de justice. Tout au long de l’enquête, les magistrats s’entretiennent librement avec les conseils des personnes suspectées ou des parties civiles qui en font la demande [37:10]. La transparence dans un État de droit est une vertu surtout lorsqu’on a les pouvoirs qui sont les nôtres en matière d’enquête préliminaire. Les avocats doivent être informés dans la limite du secret de l’enquête, bien entendu, et donc c’est la conception, je crois, qui est celle du PNF. Cela étant, cette conception de l’action publique a des limites. J’en fais la cruelle expérience en ce moment puisque je fais l’objet d’une enquête pour avoir échangé avec un avocat. Mais voilà, je recommencerais demain si ça devait être le cas puisque je pense qu’il est plus honteux de se méfier d’un avocat que d’être trompé par lui parce qu’il n’aura pas respecté le secret. Mais en tout cas, on n’a pas à se méfier du premier partenaire de la justice que sont les avocats. Je crois que les avocats des parties civiles comme des mis en cause ont toujours reçu un accueil ouvert et attentif au PNF.

Mais, vous voyez, ce mode de fonctionnement nuit à l’indépendance et je pense que la meilleure manière d’en sortir, c’est de revoir le statut du parquet et de clarifier les relations par la loi entre les procureurs et les procureurs généraux ; refonder les relations entre les parquets et la Chancellerie ; séparer ce qui relève de la loi – au sens large – et ce qui relève de l’action publique. Je suis favorable à un procureur général de la nation ou que l’on peut appeler un chancelier qui serait chargé de mettre en œuvre la politique pénale, décidée par le garde des Sceaux. Le ministre de la justice devrait être le ministre du droit, il pourrait d’ailleurs être jurisconsulte des autres ministères et le procureur général de la nation pourrait être désigné par le parlement ou par des magistrats. C’est à penser, évidemment, je ne suis pas là pour penser à la place du législateur. Il y a plein de pistes et l’idée d’un procureur général de la Nation a déjà été avancée par l’ancien premier président constitutionnel Guy Canivet, par l’ancien procureur général de la Cour de cassation Jean-Claude Marin, par le professeur de droit international Serge Sur. Bref, beaucoup de réflexions d’universitaires et de hauts magistrats qui vont dans ce sens.

J’ai aussi éprouvé une entrave à mon indépendance en ce qui concernait l’affectation de moyens, je ne vais pas retenir votre attention trop longtemps parce que je sais que vous voudrez me poser des questions, mais il faut quand même avoir conscience que la carrière d’un magistrat du parquet se fait par décisions successives de l’autorité administrative puisque toutes les nominations, y compris celles des procureurs de la République, d’avocats généraux et de procureurs généraux à la Cour de cassation sont proposées par le ministre de la justice. [40:15] Au regard de l’indépendance, ce pouvoir de l’exécutif est peu pondéré finalement par le CSM qui ne donne qu’un simple avis sur ces nominations. Personnellement, j’ai ressenti le poids de l’exécutif à l’occasion de demandes d’effectif supplémentaire et de moyens matériels. J’ai un exemple en tête très clair : l’étude d’impact, qui avait été réalisée en 2013 au moment de la préparation de la loi du 6 décembre qui créait le PNF, fixait de mémoire à 22 magistrats, 22 fonctionnaires de greffe et 5 assistants spécialisés les effectifs de ce parquet spécialisé, dont on avait fixé la charge à 263 dossiers en vitesse de croisière – je crois qu’il en gère 570 en ce moment et ils sont 18 magistrats – et les effectifs devaient évoluer en fonction de la réalité de l’activité et du rythme de montée en puissance du parquet. En m’appuyant sur ce document public, j’ai sollicité au fur et à mesure de l’évolution de l’activité, de la montée en puissance du parquet, des effectifs supplémentaires spécialisés.

En janvier 2017, alors que je venais d’établir un bilan détaillé des trois années d’activité du PNF, la réponse du ministère à une demande supplémentaire d’effectif, ça a été le déclenchement d’une inspection, malgré ma position sur le caractère inopportun et inutile de cette mesure. Je n’ai d’ailleurs jamais eu communication des conclusions de l’inspection. Mon engagement n’a pas été entamé mais j’ai ressenti réellement cet épisode comme une immixtion dans le fonctionnement du PNF [42:10] et surtout comme une atteinte à son indépendance car les moyens nécessaires à la conduite de certains dossiers ne permettaient pas les enquêtes d’envergure que j’aurais pu envisager. Je ne veux pas vous ennuyer avec également des initiatives modernes de gestion, notamment un applicatif que nous avions demandé et qui nous a été refusé parce qu’il ne s’intégrait pas dans le modèle unique prévu par la Chancellerie.

Je voudrais terminer en vous disant que, pour moi, la notion d’indépendance est extrêmement liée à la question de la sécurité juridique. La compétence juridique en particulier pour tout ce qui concerne les contentieux spécialisés est absolument essentielle, ce qui fait la force, c’est la connaissance du sujet. Le recrutement des assistants spécialisés, des juristes assistants du PNF comme des magistrats est quand même empreint de lourdeurs administratives puisque c’est le ministre, via la DSJ, qui décide lui-même de la pertinence du recrutement et du choix des personnes.

Tout ceci me paraît être autant d’obstacles à l’indépendance de l’autoritaire, en tout cas à celle des procureurs, du procureur de la République financier que j’ai été [43:34].

Ugo Bernalicis : Merci, je ne sais pas si on dit Madame la Procureure honoraire, si c’est le terme consacré, pour votre propos liminaire nourri, notamment d’exemples. J’ai quelques questions pour bien comprendre le fonctionnement du PNF qui, effectivement, est au cœur de la circulaire de 2014 sur la remontée d’informations pour le dire comme ça, je crois que 100 % des dossiers cochent au moins une case de la circulaire qui justifierait une remontée d’informations et pour autant, vous nous avez indiqué que vous n’avez pas fait remonter 100 % des dossiers à la Chancellerie. En revanche, il y a eu des demandes en fonction des types de dossiers. Moi, il y a une chose que j’aimerais comprendre, dans l’audition d’Anticor à laquelle vous avez fait référence, il nous est indiqué qu’entre votre départ et l’arrivée de votre successeur, il y a eu un intérim du PNF. Pendant cet intérim, il a été pris des décisions, notamment une décision de classement sans suite dans une affaire que l’on pourrait qualifier de sensible au sens de la circulaire de 2014, pour reprendre cette référence. Est-ce que c’est habituel ? Je crois que c’est le premier intérim du PNF, jusqu’à présent il n’y avait pas eu de vacances, mais est-ce que c’est le fonctionnement normal qu’il y ait ce genre d’intérim ? C’est normal que pendant cet intérim des décisions aussi lourdes de sens qu’un classement sans suite dans un dossier sensible interviennent ?

Éliane Houlette : Monsieur le Président, je crois deviner l’affaire à laquelle vous faites référence. Sur l’intérim, je n’étais pas d’accord, ça a été une décision de la procureure générale de Paris. Je n’étais pas d’accord avec cette décision, je le lui ai dit… Une décision que son autorité hiérarchique justifiait. Habituellement, un chef de juridiction, le code de l’organisation judiciaire n’a pas envisagé précisément ce point mais il prévoit le cas de vacance d’un poste dans une juridiction. Généralement, c’est le procureur adjoint ou le vice-président adjoint plus ancien, ou la personne que le procureur a désignée avant son départ. C’est ce que je souhaitais faire, bien sûr.

Mais voilà, la procureure générale en a décidé autrement contre mon avis. Je ne pensais pas personnellement que c’était une bonne chose dans la mesure où il y a eu un intérim fait par deux avocats généraux et c’était deux avocats généraux qui étaient dédiés au contentieux économique et financier au parquet général de Paris.

Donc, finalement, à travers cet intérim du procureur de la République financier, ils avaient accès à toutes les procédures du PNF ! Et ils auraient pu, si on leur avait demandé, renseigner sur toutes les procédures, tous les actes dans les enquêtes. Je ne pensais pas que c’était opportun. D’autant que le parquet financier est un parquet hautement spécialisé, c’est une organisation humaine avec ses faiblesses probablement, comme toute organisation humaine, mais je pouvais parfaitement désigner un des procureurs adjoints ou un autre magistrat charpenté pour assurer l’intérim. Je m’en étais d’ailleurs ouverte à certains collègues pour demander comment ça s’était passé pour eux lorsqu’ils avaient quitté leur poste précédent. C’est ce qu’ils avaient fait, ils avaient désigné eux-mêmes avant de partir la personne qui assurerait l’intérim. Mais voilà, ça a été la décision de la procureure générale.

U.B. : Une autre question. Dans les affaires qui ont pu défrayer la chronique, c’est peu de le dire, il y a quand même eu un candidat à l’élection présidentielle qui a fait l’objet d’une ouverture d’enquête par le PNF, suite à des révélations dans la presse, Le Canard enchaîné pour être précis, à ce moment-là. On vous a fait – vous, le PNF – le procès finalement inverse de celui qu’on fait généralement à la justice, en disant que la justice est allée très vite. Pour M. Fillon, l’enquête a été très rapide, l’ouverture de l’enquête rapide, quel est votre sentiment là-dessus et est-ce qu’à ce moment-là, le parquet général a pu être d’une aide, notamment pour faire face à la pression médiatique, puisqu’elle était évidente, la pression politique… le public… il était candidat à l’élection présidentielle, il a voulu s’en défendre et c’est normal, toute personne a droit à sa défense, comment on gère un moment aussi sensible dans une période aussi sensible ? [49:10]

E.H. : C’était compliqué. C’était compliqué. Mais je vais essayer de répondre posément. Lorsque le parquet national financier a été créé, parce qu’on considérait que la justice économique et financière en France manquait d’efficacité, et le reproche principal qu’on faisait à ces dossiers, tous confiés à des juges d’instruction, c’était la lenteur de la procédure. Bien entendu, en matière économique et financière, les personnes qui sont suspectées ou mises en cause, c’est une réalité dont il faut avoir bien conscience, ont des avocats qui utilisent – et c’est tout à fait normal – toutes les voies de recours et toutes les armes que leur offre le code de procédure pénale. Donc chaque acte de l’instruction est attaqué. Qui dit voie de recours dit cour d’appel, dit ensuite Cour de cassation. Donc, cela ralentit énormément les délais. Lorsque je suis arrivée, je me suis dit qu’il fallait lutter contre ce temps qui détruit et qui nuit à la qualité, qui nuit à la justice, qui nuit à la qualité des dossiers, qui fait disparaître, les faits deviennent ensuite évanescents, ou plutôt qui entraînent une certaine évanescence. J’ai décidé qu’on ouvrirait très peu d’informations judiciaires et plutôt des enquêtes préliminaires.

Pour vous donner un aperçu, lorsque le PNF est entré en fonction, nous avions une centaine de dossiers qui nous avaient été transférés, 80 % provenaient d’informations judiciaires, 20 % d’enquêtes préliminaires. Aujourd’hui, c’est la courbe inverse : 80 % d’enquêtes préliminaires et 20 % d’informations judiciaires. Pourquoi est-ce que c’est possible ? Parce que, contrairement aux autres parquets, et c’est très important d’avoir à l’esprit, le PNF a une compétence matérielle limitée. Les parquets de droit commun doivent gérer une multitude de dossiers, des atteintes aux personnes, des atteintes aux biens et il y a un contentieux de masse qui prend du temps à gérer, les magistrats peuvent donc moins se consacrer à l’étude des affaires économiques et financières. Le PNF a été créé pour ça donc le rôle des magistrats, c’était de suivre et d’avoir un suivi très très précis des enquêtes préliminaires confiées à des services de police spécialisés. Par ailleurs, pas de contentieux de masse, suivi étroit des… j’ai perdu le fil… je vais y revenir parce que c’est très important.

Il fallait avoir une conception dynamique de l’action publique. Pratiquement tous nos dossiers ont été suivis en préliminaire et j’ai un souvenir fort, en 2016, quand l’affaire des Panama Papers a été révélée par la presse, le jour même on ordonnait une enquête, le lendemain on perquisitionnait la Société Générale. Il fallait être réactif sur l’action publique donc c’était un parti pris.

Voilà ce que je voulais vous dire, c’est parce que ça me paraît très important aussi, c’est pourquoi les magistrats du parquet travaillent avec les mêmes outils que les juges d’instruction. Sauf quand on a besoin de mesures coercitives particulières, contrôle judiciaire, détention provisoire ou des écoutes téléphoniques qui vont durer longtemps, ou un problème de droit sur des écoutes téléphoniques quand une enquête a pour origine des écoutes téléphoniques, on sait que la validité des écoutes va être attaquée donc il vaut mieux ouvrir une information judiciaire, pour que la chambre de l’instruction soit saisie et c’est elle qui dira. Mais il faut une raison juridique. On ouvre une information judiciaire quand on a une raison juridique, on n’ouvre pas par confort. C’est ce qui me guidait.

C’était un parti pris. Et dans l’affaire à laquelle vous faisiez référence, Monsieur le Président, voilà, j’ai fait la même chose. Nous nous sommes posé les mêmes questions que tout le monde pouvait se poser : sur le plan juridique, y a-t-il une infraction ? Pouvons-nous ordonner une enquête ? Avons-nous des éléments ? Que dit la loi ?

U.B. : Concrètement, comment ça se fait ? [54:45]

E.H. : Le plus difficile, ça a été de supporter, pardon Monsieur le Président, je vous ai interrompu.

U.B. : Allez-y.

E.H. : Le plus difficile, franchement, ça a été de gérer en même temps la pression des journalistes – mais bon, ça, on peut s’en dégager, je n’avais pas de contacts avec eux et je ne lisais plus les journaux – mais surtout la pression du parquet général. Je regardais, j’ai mis un peu sur des fiches [Éliane Houlette prend des fiches pour illustrer ses propos, ndlr], je regardais les demandes de « transmission rapide des éléments sur les derniers actes d’investigation », les « premiers éléments sur les actes de la veille » avant 11 heures, les « demandes de précision », les « demandes de chronologie générale » – tout ça à deux ou trois jours d’intervalle –, les « demandes d’éléments sur auditions », les « demandes de notes des conseils des mis en cause ». Les rapports que j’ai adressés, je les ai relus avant cette audition, il y en avait un qui faisaient dix pages, un rapport de dix pages précis, clair.

Et puis, réunions aussi, j’étais convoquée au parquet général – j’y suis allée avec trois de mes collègues – parce que le choix procédural que j’avais adopté ne convenait pas, pour m’engager à change de voie procédurale, c’est-à-dire, ouvrir une information. J’ai d’ailleurs reçu une dépêche du procureur général en ce sens. Nous avons ouvert une information pour des raisons qui sont des raisons de procédure uniquement, qui tenaient à la prescription. Il y a eu aussi des demandes d’auditions, des demandes de précisions sur les perquisitions en cours, des demandes de précisions sur les réquisitions supplétives… Bon, donc, on ne peut que se poser des questions. Quand je dis que c’est un contrôle très étroit, c’est un contrôle très étroit, et c’est une pression très lourde.

U.B. : La décision initiale d’ouvrir l’enquête, elle n’est pas à la demande du parquet général ?

E.H. : Non. Ah non, jamais. Jamais, dans aucune enquête.

U.B. : C’est une décision du PNF ? Comment ça se passe, vous recevez le Canard enchaîné, vous vous réunissez, il y a une réunion d’équipe ?

E.H. : Monsieur le Président, je vais vous dire très clairement comment ça s’est passé. Le Canard enchaîné paraît le mercredi matin. Le mardi soir, j’ignorais à l’époque qu’on pouvait aller chercher le Canard enchaîné le mardi soir sur le lieu du journal. Simplement, le mardi soir, le secrétaire général du PNF est venu me voir en disant : « il y a un journaliste qui m’a appelé, il paraît que dans le Canard demain […] ». Bon, j’ai dit « on verra, attendons ». Et le lendemain, un des procureurs adjoints est arrivé avec le journal, nous avons regardé toutes les deux, il y a vraiment des éléments troublants, avec autant d’éléments et de faits faciles à vérifier. J’ai ordonné une enquête. Ça s’est passé exactement comme ça. J’ai d’abord téléphoné au procureur de la République de Paris parce que j’étais en compétence concurrente avec lui – atteinte à la probité, c’était une compétence concurrente –, il m’a dit « pas de problème, tu ouvres l’enquête, aucun problème », nous avions des relations de parfaite entente. Et j’ai immédiatement téléphoné, enfin, immédiatement, j’ai ouvert l’enquête et j’ai immédiatement téléphoné, c’est très rare que je le fasse, au procureur général, « nous avons pris connaissance de cet article, j’ouvre une enquête ». Voilà, ça s’est passé exactement comme ça. Tous les dossiers dans lesquels nous avons ordonné des enquêtes, ç’a a toujours été à l’initiative, mes collègues venaient me voir, me demandaient le feu vert, ça s’est toujours passé comme ça. Jamais autrement. [58:51]

U.B. : Avant de laisser parole à mon corapporteur Didier Paris, j’ai du coup une question. Je ne sais pas si vous aurez facilement la réponse mais peut-être votre appréciation. On voit ô combien, en période de campagne électorale, le fait judiciaire vient modifier le cours de l’élection. Bon. On pourrait se dire que, lorsque l’infraction est constituée, ou si on pense qu’elle est constituée, c’est normal qu’on ouvre une enquête. Mais pensez-vous qu’il faille une période de suspension de l’action judiciaire pendant la campagne officielle qui reprendrait après ou comment on pourrait essayer de cadrer pour éviter, parce que là, concrètement, ce qui se passe, vous avez les faits parce que la presse en rend compte mais les faits peuvent remonter jusqu’à plusieurs années. C’est le cas de Fillon, d’ailleurs, vous avez parlé vous-même de la prescription qui était un élément de droit… [59:54]

E.H. : C’est-à-dire qu’il y avait un élément de droit. Au mois de février 2017, une loi de procédure, à l’initiative du parlement, qui avait modifié la prescription en matière notamment de délits occultes. Le délai de prescription, on ne pouvait remonter dans le temps au-delà de douze ans. Comme les périodes considérées étaient plus lointaines, est-ce que la mise en mouvement de l’action publique était l’ouverture de l’information ou de l’enquête ? Il y avait un doute sur ce point. Par souci de sécurité juridique, j’ai préféré ouvrir une information judiciaire.

U.B. : Parce qu’on pourrait aussi imaginer, et c’était aussi l’objet des travaux du rapporteur dans le cadre d’une autre mission d’information, que la presse veuille, dans le bon sens, instrumentaliser l’action judiciaire en révélant des éléments délictuels à un moment précis. Est-ce que le fait que ce soit à un moment précis, en l’occurrence une campagne électorale, comment on peut gérer ça ? Est-ce que c’est possible de le gérer ? [1:00:52]

E.H. : C’est la loi qui permet de gérer ça, Monsieur le Président. Un magistrat n’est soumis qu’à la loi. Que dit la loi ? Nulle part dans la loi il est indiqué que… Si le parlement décide un jour de dire que, trois mois avant le début d’une campagne électorale, on ne peut pas poursuivre, très bien, mais ce n’est pas le cas. Je crois qu’il y a un usage, un usage ne saurait être supérieur à la loi, mais un usage qui consiste à dire, pour les services de police, je crois, pour les paquets peut-être aussi, qui consiste à dire que, dès lors que la campagne électorale est ouverte, les actes coercitifs, etc., n’ont pas lieu. Mais là, je n’ai pas les dates en tête, six semaines avant les élections. Pour l’affaire dont vous parlez, c’était bien avant le début de la campagne électorale. Magistrat, il n’a que la loi pour guide, il n’est soumis qu’à la loi. Et heureusement, bien sûr ! J’explique simplement mon raisonnement. On a bien regardé, on a vérifié. La loi est l’expression de la volonté générale pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.

U.B. : Merci Madame la Procureure honoraire. Je vais laisser la parole au rapporteur Didier Paris. [01:02:25]

Didier Paris : Merci Ugo, merci Président. Vous, Mme Houlette, vous la procureure de la République financier, j’ai trouvé vos propos liminaires très denses, très intéressants, et, comme on dit habituellement, assez cash, assez directs, et c’est finalement ce qu’attend la commission d’enquête, on n’est pas là pour tourner autour de sujets. Ça m’amène à quelques questions, puis après à quelques ouvertures. Vous dites, et c’est par rapport à vos propos, vous dites « pendant ma carrière, je n’ai jamais subi de pressions ou quelque chose d’équivalent, on ne m’a jamais donné d’injonction particulière, c’était mon rôle de procureur de la République puis de procureur de la République financier » mais j’ai cru comprendre que pendant l’affaire Fillon à laquelle vous faisiez référence, vous avez eu à rendre compte du choix procédural qui avait été le vôtre et je voudrais que vous précisiez. Est-ce un choix qui était le vôtre a posteriori, est-ce un choix qui a été contesté aussi par la PG de l’époque, est-ce qu’on vous a demandé de le modifier, de l’adapter ? Quel a été le niveau de discussion sur cette question-là ? En clair, est-ce que vous avez pleinement assuré votre rôle et vos décisions, quitte à en rendre compte ? Ce qui est un autre niveau. Ou est-ce que vous avez considéré que là, il y avait une forme de dérogation par rapport à votre liberté que vous indiquez n’avoir jamais dérogé finalement ? [1:03:40]

[Didier Paris prend des notes mais absence de son ndlr]

E.H. : [reprise à 01:05:11, ndlr] […] J’ai le souvenir d’un événement où l’avocat général, qu’on appelle l’avocat général central, m’avait demandé dans une affaire – je suivais les affaires commerciales, nous ne sommes que parties jointes et nous donnons notre avis sur les affaires importantes devant la cour d’appel – de faire des observations dans un certain sens. J’ai refusé de faire parce que ce n’était pas, à mon sens, conforme aux textes. C’était en matière de procédure collective et je suis allée voir le procureur général de l’époque et je lui ai dit « je ne peux pas faire ce qu’on me demande de faire, ce n’est pas conforme aux textes me semble-t-il, le parquet général se ridiculiserait, envoyez quelqu’un d’autre, je ne suis pas d’accord pour faire ça ». Finalement, le procureur général de l’époque m’a dit « non, non, allez-y et faites comme vous voulez le faire ». J’ai réglé cette question de cette façon. Pour le reste, oui, c’était une pression.

J’ai décidé, dans cette affaire précise, comme je faisais, c’était une affaire qui était pour moi comme toutes les autres affaires : une enquête préliminaire, car rien ne justifiait une information judiciaire. Le procureur général n’était pas d’accord avec moi, donc elle espérait probablement me convaincre en me faisant venir, pour une réunion de travail, dans son bureau. Réunion où elle était accompagnée de deux ou trois avocats généraux d’ailleurs, mais je n’étais pas toute seule, j’étais avec mon équipe qui suivait le dossier. J’avais pris les personnes qui suivaient le dossier avec moi et j’avais dit « non, en l’état, je ne changerai pas d’opinion. Peut-être, il faudra aller à un moment à l’ouverture d’une information judiciaire mais ce sera quand je l’aurai décidé, que j’aurai des éléments pour le faire ». Puisque le choix procédural, c’est la responsabilité du procureur de la République, tel que je lis les textes. Et donc, voilà.

Mais la pression, elle était dans le fait que, finalement, certaines affaires qui défraient beaucoup la chronique et la presse, le parquet général lit la presse et dès qu’il y a un élément dans la presse « vous pouvez me renseigner ? ». Pour les collègues qui suivent les dossiers et pour moi-même, c’est beaucoup de tracas alors qu’on doit se concentrer sur une affaire, sur une analyse juridique, les relations avec la police qui ont été très parfaites, vous voyez, pour rendre compte, toujours rendre compte. Pourquoi ce luxe de précisions ? Ce degré de précision ? Je crois que dans toutes les demandes qui m’ont été faites, et il y en a de très très nombreuses – je les ai dans mon ordinateur, c’était énorme –, une seule était accompagnée d’une demande de la DACG qui demandait une actualisation du dossier. Mais toutes les autres demandes, je l’ai ressentie comme une énorme pression.

D.P. : Vous évoquiez tout à l’heure en poursuivant ce débat qu’il faudrait faire une séparation entre l’action publique et la politique pénale, une notion que l’on peut parfaitement comprendre. Néanmoins, deux questions : est-ce que vous avez le sentiment que quand vous avez répondu de manière trop lourde, c’est votre explication, aux remontées d’informations que vous faisiez en direct auprès du procureur général, est-ce que vous aviez le sentiment qu’à un moment dans votre activité de procureur national financier, on n’a pas tenu compte de la loi de décembre 2013 et de la circulaire de 2014 ? [01:09:20] Est-ce que vous avez le sentiment qu’au-delà de la lourdeur systémique du système, on vous a demandé des choses que vous n’auriez pas dû faire ? Pour faire la différence entre pression vécue et respect de la loi, comme vous le disiez tout à l’heure.

E.H. : Monsieur le Rapporteur, la circulaire de 2014 est très claire. Elle dit : les procureurs de la République sont placés sous l’autorité de leur chef hiérarchique, le procureur de la République financier est placé sous l’autorité du procureur général de Paris, on demandera des rapports particuliers dans tels et tels cas. Évidemment, dans des affaires qui concernent des élus, des hommes politiques, on doit faire des rapports particuliers. J’ai deux expériences de procureurs généraux…

D.P. : Pardonnez-moi, ma question est plus précise. Est-ce que vous avez été confrontée à une situation où on vous demande d’avoir une action ou des réponses qui ne sont pas conformes à la loi ? Est-ce que ça a pu exister, par exemple, qu’on vous demande des remontées de pièces, dans des dossiers extrêmement sensibles dont vous avez la charge, est-ce qu’on vous a demandé à un moment quelconque des suites de procédure qui allaient venir dans tel ou tel domaine ? Il ne serait pas inconcevable compte tenu de la nature des sujets que vous aviez à traiter ? [01:10:52]

E.H. : Non. Quand on demandait une synthèse de chaque audition de personnes, on n’envoyait pas les procès-verbaux d’audition mais c’est quand même une synthèse de chaque audition !

U.B. : On ne demande pas les pièces en tant que tel ?

E.H. : Non.

U.B. : Mais on peut demander une synthèse des pièces ?

E.H. : Bien sûr.

U.B. : Des éléments précis ?

E.H. : Des éléments précis. « Est-ce que vous pouvez nous donner des éléments sur des actes qui ont lieu la veille ? » C’était des demandes incessantes. J’ai deux expériences différentes puisque j’ai eu deux procureurs généraux. Le premier est parti en 2015. Tous les deux n’avaient pas la même conception de leur fonction. C’est la raison pour laquelle je pense que chaque procureur général peut avoir une conception différente de son rôle. Et le système le permet. C’est ça qui n’est pas normal. Je pense que les institutions ne doivent pas donner des signaux divergents selon les individus qui les animent. C’est pour cela qu’il faut des règles, des règles écrites dans la loi. Qu’est-ce qui relève de la politique pénale ? Qu’est-ce qui relève de l’action publique ?

D.P. : C’est peut-être une dernière remarque et peut-être pas très cohérente avec l’autonomie que vous professez, que vous avez indiquée tout à l’heure comme une sorte de courage individuel. Sur les relations avec le procureur général, vous disiez tout à l’heure : « on me demandait des indications sans savoir ni d’où elles venaient, ni pourquoi, ni la finalité ». Fondamentalement, est-ce que ça aurait changé quoi que ce soit dans votre niveau de réponse ? En quoi le procureur de la République soumis à un lien hiérarchique devrait-il apporter une réponse adaptée à la nature de ma demande, qui peut vous échappez, et c’est la logique du système ? Expliquez-nous un peu les choses. [01:13:27]

E.H. : Monsieur le Rapporteur, vous savez que les gardes des Sceaux, il est écrit dans la loi, ne peuvent pas donner d’instructions individuelles. Déjà. Est-ce que de pouvoir renseigner la DACG ou un garde des Sceaux, ce n’est pas le protéger que de ne pas tout dire de ce qu’il y a dans un dossier ? Si on ne sait pas quelle est l’origine de la demande et pourquoi – c’est pour répondre à la presse ? pour répondre au parlement ? – est-ce qu’on ne le protège pas en ne disant pas tout ce qu’il y a dans l’enquête ? Voyez. Est-ce qu’on ne le protège pas ? Moi, ce n’est pas par désir de cacher. J’essaie de dire…

D.P. : [propos inaudible, ndlr]

E.H. : Bien sûr. Je pense que dans un système de démocratie, on a besoin de transparence, il faut pouvoir dire « on me demande ». Ce serait d’ailleurs beaucoup plus clair, et on pourrait le concevoir, quand un garde des Sceaux arrive, il adresse une circulaire aux procureurs et aux procureurs généraux « bon, ben voilà, moi, dans tels cas, je vous demanderai le renseignement sur des affaires et je vous dirai pourquoi je vous les demande, quels en sont les motifs ». Parce que tout s’explique. C’est le fait de ne pas savoir qui trouble, qui jette la suspicion d’autant que, dans le suivi de l’action publique pour certaines affaires, je ne suis même pas sûre que le contrôle de l’action publique qui a été exercé par le parquet général ait été exercé à la demande de la Chancellerie. Mais comme il y a ce lien hiérarchique, tout est possible. Ça laisse planer le doute.

D.P. : Je ne veux absolument pas faire référence à l’affaire marseillaise à laquelle vous avez fait une allusion tout à l’heure. Je voudrais comprendre votre manière d’aborder les choses. On a effectivement un système qui, dans la phase d’enquête du moins, n’est pas contradictoire. C’est la règle. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas évoluer mais on est encore dans un système inquisitoire et pas vraiment accusatoire en France, même si on peut penser que l’avenir peut modifier les choses. Par ailleurs, on a aussi l’article 11 du code de procédure pénale. Donc on a un cadre relativement contraint. Et vous, vous l’avez vous-même exprimé tout à l’heure, que vous souhaitiez pour autant avoir des rapports avec les avocats, ce qui peut s’entendre. Est-ce que vous pouvez mieux les qualifier, les caractériser ? Comment vous pouvez avoir des rapports réels avec un avocat, avec ces deux jalons qui sont extrêmement présents et puissants ? Comment vous avez fait, comment vous avez conçu votre rôle sauf à dire des choses que vous n’auriez pas dû dire et à l’inverse, ne rien dire du tout pour ne pas entrer dans une difficulté telle que vous l’avez rencontrée ? Soyez un peu précise sur cette question ? Merci. [01:16:29]

E.H. : Monsieur le Rapporteur, les avocats sont nos premiers partenaires de justice. Pour moi, ils sont essentiels. Je préfère de loin, dans une procédure, quand les personnes qui sont suspectées ont des avocats qui peuvent venir vous voir que d’une personne qui n’en a pas. On est plus à armes égales, surtout dans l’enquête préliminaire. Et par ailleurs, je conçois mes relations avec les avocats comme les juges d’instruction peuvent concevoir leurs relations avec les avocats. Qu’est-ce qu’il se passe dans le cabinet d’un juge d’instruction quand l’avocat vient le voir pour parler d’une affaire ? Personne ne le sait. Donc, qu’un avocat, je l’ai fait et je peux dire que c’était le quotidien du PNF, que les avocats passent dans les bureaux des magistrats pour se renseigner sur une affaire, pour leur faire part des éléments disant « mon client a eu tel souci, il est dans tel état, on dit que ceci ou cela ». Je trouve que c’est normal, c’est un dialogue. Les faits sont les faits. Les faits sont têtus, on ne va pas changer les faits ! Vous voyez ? Je pense que c’est la transparence. Je le dis d’autant plus volontiers que, en ce qui concerne le suivi de l’action publique à l’intérieur du parquet, le processus décisionnel était extrêmement clair. Je ne suivais aucun dossier en propre, j’avais les dossiers qu’on me faisait remonter mais tous les dossiers étaient confiés à des collègues. Je n’intervenais jamais ni pour ralentir une enquête ni pour l’accélérer, jamais. Je veillais simplement à ce que l’enquête soit encadrée et avance.

D.P. : Dernière question rapide. Vous avez évoqué le parquet européen, supposé être validé par le parlement dans le cadre de la directive à bref délai, c’est le covid qui a retardé les choses. J’ai cru comprendre que ça ouvrait une nouvelle voie, ça réformait notre de fonctionnement de la justice. Vous pouvez préciser votre sentiment là-dessus ? [01:18:46]

E.H. : Bien sûr. Comme vous le savez, le parquet européen sera un parquet autonome et indépendant. Il a été conçu comme tel. Et donc, je pense que c’est une bonne chose. Je pense que l’Europe est en avance sur la France sur ce coup puisque le parquet sera une autorité vraiment indépendante. Et je vois même une difficulté poindre pour les justiciables, qui sera d’ailleurs peut-être soumise au Conseil constitutionnel, puisque vous savez que le parquet européen sera compétent pour toutes les atteintes aux intérêts financiers de l’Union et parmi lesquelles les fraudes à la TVA. Les fraudes à la TVA, selon que le préjudice sera supérieur ou inférieur à 10 millions, seront du ressort ou non du parquet européen. Cela veut dire que les justiciables français qui auront commis des escroqueries à la TVA pour lesquelles le préjudice sera inférieur à 10 millions feront l’objet d’une enquête diligentée par une autorité indépendante dont les conditions de nomination ne seront pas soumises au pouvoir exécutif et pas les autres. Je pense que cela va poser un problème, il y aura un problème d’égalité du justiciable devant la loi. Je pense que le parquet européen nous ouvre la voie.

Cécile Untermaier : Merci beaucoup. Cet entretien est extrêmement important, il va nourrir le rapport d’enquête. Vous avez bien, je trouve, contextualisé l’indépendance. L’indépendance s’inscrit dans la dépendance, vous l’avez dit, avec cette question des moyens, des nominations, des carrières. Et c’est vrai que la loi n’est pas suffisamment précise et n’encadre pas suffisamment cela. Un tribunal qui n’a pas suffisamment de magistrats, comment exerce-t-il son indépendance ? Donc on a à nous interroger sur les garde-fous qui doivent être apportés à l’autorité ou le pouvoir judiciaire. Ma deuxième remarque, toujours dans cette notion de moyens, avec la maladie du covid, nous avons mené des actions pour faire en sorte que la surpopulation carcérale diminue véritablement et nous avons très peur que cette surpopulation revienne. La garde des Sceaux a fait une circulaire de régulation carcérale à l’attention des procureurs. Je me suis posé la question de savoir dans quelle mesure cela n’entachait pas l’indépendance dans le choix des décisions des magistrats. Je voulais avoir votre avis sur cette question. Je ne suis pas très inquiète de cela, mais j’aimerais une clarification et, toujours dans la clarification, on a l’impression que finalement le procureur général est un peu un surveillant général d’un procureur qui est sur une affaire particulièrement sensible et qui n’est pas là non plus encadré par le droit. Finalement, ces remontées d’informations, elles sont facilitées parce qu’elles ne sont pas normées. Et mon interrogation, c’est de savoir s’il ne fallait pas donner un statut juridique aux interrogations que pourrait avoir un procureur général sur un procureur. De même, je pense à l’affaire Urvoas et à la remontée d’informations, il avait demandé devant la Cour de justice de la République à ce que ces remontées aient un statut juridique, parce que c’était une feuille qu’il jetait dans sa poubelle après l’avoir lue. Je crois qu’on a, sur des choses extrêmement précieuses, qui relèvent du secret de l’enquête, de l’indépendance judiciaire, une approche assez brouillée finalement des procédures et des protocoles. Sans aller plus loin car on constate bien qu’on monte les marches, petit à petit, et que, finalement, notre mode de fonctionnement dans quelques années apparaîtra moyenâgeux, mais il faut monter les marches au rythme de ce que veulent bien accepter nos gouvernants et notre société. Mais sur ces points-là, je pense que c’est extrêmement important. Et ce procureur général, s’il est là simplement pour surveiller le procureur, quelle est l’utilité ? Est-ce qu’on ne doit pas s’interroger sur le procureur général, sur sa mission d’application de la politique pénale et dans la garantie de l’indépendance qui doit effectivement gouverner les magistrats ? Voilà mes interrogations. [01:24:46]

E.H. : Je partage ces interrogations. Il me semble que le parquet général, sa mission première, c’est d’être le représentant du ministère public devant les juridictions du deuxième degré et d’assurer la coordination de l’action des parquets de son ressort. Mais comme le parquet national financier que je conduisais est un parquet à compétence nationale, il n’y avait en fait rien à coordonner puisqu’on a réussi à régler nos problèmes. La difficulté, c’est toujours – on en revient toujours un peu à la même chose – dans un état démocratique, c’est la transparence. Ce qui nuit, c’est le manque de transparence sur les processus décisionnels et ça nuit énormément au parquet, le parquet est suspecté alors qu’en fait, tout doit s’exprimer clairement dans la gestion du parquet. On devrait être capable de dire, « j’ai une conférence de presse, je dois répondre sur ce que dit la presse sur tel point ou je dois aller au parlement sur tel point, j’ai besoin d’une fiche pour me dire très rapidement et pas d’un rapport de dix pages ». Moi, ça ne me poserait aucun problème. Ce n’est pas l’information, c’est le degré d’information et l’ingérence du parquet général au quotidien dans l’action publique.

D.P. : [inaudible, ndlr] La demande qui vous est faite, je présume que rien n’interdit le procureur général de dire « j’ai besoin d’une réponse flash, j’ai besoin de trois mots pour tel truc » ou « il me faut un rapport circonstancié de fond ». À partir de là, vous en déduisez assez naturellement le mode d’utilisation. Ce genre de choses me paraît assez naturellement pouvoir être l’expression d’un procureur général. Ce n’est jamais le cas ? [01:26:48]

E.H. : Si, c’est le cas, Monsieur le Rapporteur, pour toutes les affaires qui n’ont pas de caractère politique. Je vais vous dire les choses très clairement. Dès lors qu’elles ont un caractère politique, je ne parle que de mon expérience, dès qu’une affaire est particulièrement sensible parce qu’un élu ou un politique est mis en cause, j’ai gardé toute la chaîne de messages que j’ai reçus dans certaines affaires, c’était un degré de précision ahurissant.

C.U. : La machine se met en route, vous n’avez jamais eu, dans des affaires qui n’étaient pas politiques, à constater ce niveau de pression ?

E.H. : Parce que dans les autres affaires qui ont un caractère technique ou particulier, comme la fraude fiscale complexe ou l’escroquerie à la TVA ou autre, j’avais une pratique : on faisait un rapport annuel pour dire où en était l’affaire. En fait, les 1 % des affaires qui posent problème, ce sont les affaires qui mettent en cause une personnalité politique.

U.B. : Une personnalité politique ou ça peut aller au-delà, quand il peut s’agir par exemple d’entreprise nationale et, du coup, un intérêt politique national pour une entreprise qui pourrait être mise en cause dans le cadre d’une procédure ? Est-ce que là aussi vous avez pu avoir des demandes particulières ou il y a vraiment deux catégories : quand il y a une personnalité politique et le reste ? [01:28:46]

E.H. : Pour ce qui concerne les entreprises à très forte visibilité publique, oui, on nous demande parfois, c’était le cas dans l’affaire Airbus – elle est terminée, je peux en parler – où on nous a dit « rendez-nous compte tous les six mois ». Ce que j’ai fait et parfois même, moi, dans cette affaire, il m’est arrivé d’interroger le parquet général concernant l’application de la loi de blocage pour les données sensibles qui devait passer par la Chancellerie. J’aurais souhaité que la réactivité du parquet général soit aussi grande que celle qu’il me demandait quand il fallait que je lui réponde.

C.U. : Le procureur général, quel qu’il soit, n’en est pas venu à vous dicter une solution plutôt qu’une autre ? C’est clair que l’indépendance qui vous appartient sur une affaire a été à tout moment protégée. Ce que vous, vous dénoncez, c’est sans doute ces tracasseries quotidiennes sur des dossiers ultrasensibles qui n’étaient quand même pas rien, c’étaient des dossiers extrêmement inédits et majeurs dont vous aviez à traiter et qui relèvent peut-être simplement d’une fébrilité par rapport à une information qui bouge beaucoup, toutes les heures certainement. Est-ce que, dans ces conditions-là, on peut imaginer que le procureur, dans son respect de l’indépendance lui aussi, était légitime à faire cause commune finalement avec le dossier extrêmement important que vous aviez à traiter ? [01:30:37]

E.H. : Écoutez, pour vous parler très librement, je n’ai pas eu le sentiment que nous faisions cause commune. Quand on vous demande, pas d’heure en heure mais deux fois par jour, tous les deux jours, tous les trois jours, qu’on vous demande des réunions de travail, ce n’est pas forcément pour vous soutenir et vous dire que vous avez raison, et vous dire que, « si vous avez un problème, nous sommes là ». C’est plutôt pour connaître les options. La pression qu’on peut ressentir, elle ne se traduit pas bien sûr par des instructions individuelles car ça n’est pas possible.

Mais je crois que je le paie très cher aujourd’hui cette manifestation d’indépendance et, surtout, c’était mon dernier poste. Je pense que ma position était peut-être plus facile que si j’avais été un plus jeune procureur. C’est ce que je vous disais tout à l’heure. Si je refusais d’aller dans le sens qu’on vous conseille ou qu’on vous engage, est-ce qu’à un moment votre carrière n’en pâtira pas ? Tout est là. Le pouvoir de nomination, il est dans les mains du pouvoir exécutif. C’est la raison pour laquelle il faudrait réformer le CSM. Tout ce qui concerne la nomination du parquet devrait relever du CSM, toute la carrière des magistrats devrait relever exclusivement du CSM.

U.B. : J’ai sans doute une dernière question. Il s’agit des relations entre le PNF et les moyens de police judiciaire. Je dis les moyens parce que à la fois ceux des offices centraux, ceux des de la PJ éventuellement, de la PP, ceux de la gendarmerie nationale […]. Le PNF est plutôt en binôme avec l’OCLCIFF, sur la plupart des dossiers. Est-ce que vous avez eu des difficultés liées à l’indépendance avec ces offices centraux, remontées d’informations peut-être plus rapides du côté du ministère de l’intérieur qui n’a pas la même normalisation comme on a pu l’évoquer dans nos auditions que du côté du ministère de la justice ? Est-ce que vous avez pu manquer de moyens sur des affaires ou d’enquêtes ? J’ai souvenir dans des auditions précédentes, où le dossier Airbus a été évoqué, que nous n’avions pas les mêmes moyens que nos homologues anglais ou américains sur le même fond de l’affaire, ce qui a peut avoir des problématiques derrière, en plus, judiciaires et de rapports de force diplomatiques entre les uns et les autres. J’aimerais que vous nous expliquiez un peu les rapports avec la police judiciaire. Est-ce que c’est toujours aussi facile ? [01:34:01]

E.H. : Le PNF travaille avec quatre services principalement : l’OCLCIFF, la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) qui dépend de la PP, un peu la gendarmerie nationale et le service national de douane judiciaire surtout pour les escroqueries à la TVA. Je n’ai qu’à me louer des relations et du travail effectué par ces services, en particulier l’Office central. La difficulté que nous avons éprouvée, c’est que cet office central ne travaillait pas uniquement pour le PNF, nous lui confiions environ 60 % de nos affaires, j’ai trouvé que la PJ était d’une loyauté absolument parfaite. Je n’ai jamais eu, en termes d’indépendance…, j’ai eu des relations extrêmement confiantes, loyales, sincères et transparentes. Je n’ai jamais eu la moindre difficulté avec des services. La difficulté, c’était le manque d’effectifs. Quand je suis arrivée, il me semble que l’office comptait 93 ou 95 personnes, et alors que nos saisines augmentaient, eux diminuaient en effectif, avec un problème de fidélisation de leurs effectifs et de leur spécialisation. J’étais allée voir, je me suis beaucoup déplacée pour voir la directrice, je lui avais fait part de mon inquiétude et de nos difficultés et elle en avait tenu compte. Ce qu’il faut, c’est sanctuariser. Évidemment, le parquet a été créé en 2014. En 2015, il y a eu tous les problèmes liés au terrorisme et donc les effectifs de la police ont été utilisés au maximum. Voilà, il n’y avait rien à dire. Certaines de nos enquêtes ont stagné, même si on essayait de prioriser les dossiers, je pense qu’il y a une nécessité de sanctuariser les effectifs en matière économique et financière, que ce soit à la BRDE ou pour l’Office central. Dès que quelqu’un part, il faut qu’il soit remplacé. C’est eux qui, au quotidien, travaillent sur nos enquêtes, même avec de nouvelles méthodes d’enquête puisqu’on avait, nous, commencé à initier des analyses précises des faits avant même d’envoyer en enquête, il faut sanctuariser ces effectifs.

Dans un monde idéal, évidemment, parce que la matière économique et financière est particulière, il ne serait pas mal, comme le parquet national anticorruption espagnol, que l’on puisse avoir dans le même service les magistrats, les policiers, les fiscalistes… mais c’est un monde idéal !

U.B. : Je vois que Cécile Untermaier veut poser une dernière question. Ensuite, nous recevons les greffiers.

C.U. : Très rapidement, je voulais vous demander si vous aviez des relations avec le tribunal de commerce, notamment celui de Paris. Nous avons entendu la semaine dernière les juges consulaires qui ont beaucoup progressé dans la déontologie, dans les questions de proximité, de conflits d’intérêts, et je voulais savoir comment vous aviez pu constater la collaboration avec les tribunaux de commerce et si vous aviez des observations à faire à ce sujet.

E.H. : Je connais bien les tribunaux de commerce puisqu’une partie de ma carrière au parquet, j’ai représenté le ministère public auprès des tribunaux de commerce de Versailles et de Paris. J’ai beaucoup appris et j’ai un grand respect pour les juges consulaires et pour leur professionnalisme. Je n’ai pas eu l’occasion, dans mes fonctions au PNF, j’avais de bonnes relations avec les présidents du tribunal de commerce de Paris, qui nous invitait aux audiences de rentrée et ponctuellement à des rencontres juridiques mais je n’ai pas souvenir qu’on ait eu besoin d’avoir de relations. Vous savez, les atteintes à la probité, la fraude fiscale et les délits boursiers, finalement, ça ne nécessitait pas, et si jamais ça devait, c’était le parquet de Paris qui aurait transmis des éléments. L’interlocuteur naturel du tribunal de commerce de Paris, c’est le parquet de Paris.

U.B. : Bien, je vous remercie. Notre audition touche à sa fin. Je vous remercie beaucoup, Madame Éliane Houlette, pour vos réponses nourries d’exemples multiples qui nous ont permis de saisir le fonctionnement si particulier du PNF mais si emblématique au regard des enjeux de réflexion que nous avons dans cette commission d’enquête. Merci à vous. [01:40:05]

Auteur d'origine: babonneau
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Les documents, dont aucun n’était plus couvert par le secret défense depuis la déclassification décidée par le secrétaire général de la présidence de la République en avril 2015, sont des archives publiques. Le public, pourtant, n’y a pas accès directement. Selon la pratique courante depuis les années 1980, leur versement a été effectué sous l’empire d’un protocole où le président désignait un mandataire pour autoriser ou non leur consultation après son décès. Ce protocole a été validé en 2008 par la loi et ne prévoit une ouverture générale au public qu’en 2055. La demande de M. Graner a donc été adressée au mandataire, qui lui a opposé un refus. Lié par ce refus, le ministre de la culture a également rejeté la demande de M. Graner qui a alors entamé un long bras de fer contentieux qui l’a emmené devant les plus hautes juridictions. Malgré un revers devant le Conseil constitutionnel, il obtint des précisions sur la constitutionnalité de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives (v. Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-655 QPC, Dalloz actualité, 19 sept. 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 1752 ; ibid. 2310 , note B. Quiriny ; D. 2017. 1764, et les obs. ; Constitutions 2017. 502, Décision ; ibid. 599, chron. S. Hutier ). Très récemment, son recours devant la Cour européenne des droits de l’homme a été déclaré irrecevable, faute d’épuisement des voies de recours internes (CEDH 28 mai 2020, Graner c. France, n° 84536/17). Parvenu en cassation devant le juge administratif, il obtient gain de cause devant la formation la plus solennelle du Conseil d’État.

Pondération des intérêts

Le dispositif de l’article L. 213-4 du code du patrimoine prévoit une procédure d’exception pour les archives des ministres et présidents et une protection particulière via le système des protocoles. L’assemblée du contentieux précise que ces dispositions « doivent être, d’une part, interprétées conformément à l’article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 qui garantit, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 septembre 2017 précitée, le droit d’accès aux documents d’archives publiques et, d’autre part, appliquées à la lumière des exigences attachées au respect de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’expression duquel peut résulter, à certaines conditions, un droit d’accès à des informations détenues par l’État ».

La haute assemblée distingue le régime de consultation des protocoles selon qu’ils ont été signés avant ou après la publication de la loi du 15 mai 2008 et précise que, dans tous les cas, « l’autorisation de consultation anticipée des documents d’archives publiques est accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l’intérêt qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, en particulier le secret des délibérations du pouvoir exécutif, la conduite des relations extérieures et les intérêts fondamentaux de l’État dans la conduite de la politique extérieure ».

Du contrôle restreint au contrôle normal

Par un revirement de jurisprudence, le refus de dérogation aux règles de consultation des archives publiques qui faisait l’objet d’un contrôle restreint (CE 29 juin 2011, req. n° 335072, Mme Rouzaud (Mme), Lebon ; Dalloz actualité, 13 juill. 2011, obs. R. Grand ; AJDA 2011. 1351 ) bascule dans le contrôle normal. Il revient en effet au juge de l’excès de pouvoir « d’exercer un entier contrôle sur l’appréciation portée, dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, sur la proportionnalité de la limitation qu’apporte à l’exercice du droit d’accès aux documents d’archives publiques le refus opposé à une demande de consultation anticipée, par dérogation au délai fixé par le protocole. Pour ce faire, par exception au principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction, il appartient au juge, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, de se placer à la date à laquelle il statue ». Par ailleurs, précise la haute juridiction, « l’appréciation portée, dans les conditions décrites ci-dessus, par le juge de l’excès de pouvoir est soumise, devant le juge de cassation, au contrôle de qualification juridique des faits ».

Reconnaissance de l’intérêt légitime du demandeur

L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent.

Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, « il apparaît, à la date de la présente décision, que l’intérêt légitime du demandeur est de nature à justifier, sans que soit portée une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, l’accès aux archives litigieuses ». Il s’ensuit que les refus opposés aux demandes de M. Graner sont entachés d’illégalité.

Auteur d'origine: pastor

En plus du fonds de solidarité des très petites entreprises et du mécanisme du prêt garanti par l’État, un décret du 12 juin 2020 vient d’instituer un nouvel étage à la « fusée » aide publique aux entreprises touchées par la crise du covid-19. Ce dispositif, applicable jusqu’au 31 décembre 2020, prend la forme d’avances remboursables et de prêts à taux bonifiés consentis par l’État, précise l’article 1er du décret.

Éligibilité

L’article 2 précise les conditions d’éligibilité au dispositif. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui répondent aux critères cumulatifs suivants :

• ne pas avoir obtenu un prêt garanti par l’État (PGE) suffisant pour financer son exploitation, le cas échéant après l’intervention du médiateur du crédit ;

• justifier de perspectives réelles de redressement de l’exploitation ;

• ne pas faire l’objet de l’une des trois « procédures collectives d’insolvabilité » – sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire – au 31 décembre 2019. Toutefois, nuance le décret, les entreprises redevenues in bonis par l’arrêté d’un plan de sauvegarde ou de redressement sont éligibles au dispositif. A contrario les entreprises faisant l’objet d’une procédure préventive de type mandat ad hoc ou conciliation peuvent en bénéficier sans réserve.

À ces critères que l’on pourrait qualifier d’objectifs, viennent s’ajouter des critères plus qualitatifs. En effet, précise le décret, « [sera] pris en compte le positionnement économique et industriel de l’entreprise, comprenant son caractère stratégique, son savoir-faire reconnu et à préserver, sa position critique dans une chaîne de valeur ainsi que l’importance de l’entreprise au sein du bassin d’emploi local ».

L’article 2 in fine précise que les entreprises qui entendent bénéficier de cette aide doivent adresser leur demande au comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi). Ce comité, qui est l’interlocuteur privilégié des PME rencontrant des difficultés économiques, est une déclinaison du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) au niveau départemental.

Montant

L’article 3 du décret du 12 juin 2020 traite du montant de l’aide et de la nature de celle-ci en fonction de son montant.

Le montant de l’aide est limité à :

• pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, la masse salariale en France estimée sur les deux premières années d’activité ;

• pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, 25 % du chiffre d’affaires hors taxes 2019 constaté ou, le cas échéant, du dernier exercice clos disponible ; par exception, pour les entreprises innovantes au sens de l’article D. 313-45-1, II, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, si le critère suivant leur est plus favorable, jusqu’à deux fois la masse salariale constatée en France en 2019 ou, le cas échéant, lors de la dernière année disponible.

L’aide dont le montant est inférieur ou égal à 800 000 € prend la forme d’une avance remboursable, dont la durée d’amortissement est limitée à dix ans, comprenant un différé d’amortissement en capital limité à trois ans. Les crédits sont décaissés jusqu’au 31 décembre 2020 à un taux fixe qui est au moins égal à 100 points de base. L’aide peut couvrir des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement.

L’aide dont le montant est supérieur à 800 000 €, les financements accordés sur fonds publics dont le montant total est supérieur à 800 000 €, mais dont la part financée par l’État est inférieure à ce montant, ainsi que l’aide complétant un prêt avec garantie de l’État prennent la forme d’un prêt à taux bonifié, dont la durée d’amortissement est limitée à six ans, comprenant un différé d’amortissement en capital d’un an. Le prêt couvre des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement.

Gestion du dispositif

C’est Bpifrance Financement SA qui est chargée de la gestion opérationnelle de ces aides. Mais les décisions d’attribution des financements sont prises par arrêté du ministre chargé de l’économie, après avis du Codefi (art. 4). Il en est de même des décisions de rééchelonnement d’amortissement de créance (art. 5).

Auteur d'origine: Delpech
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Le rapport s’ouvre sur un constat, le RGPD est désormais « au cœur des préoccupations des Français et des Européens ». Un sondage IFOP d’octobre 2019 révèle que 68 % des citoyens sont sensibles à la question de la protection de leurs données. Parallèlement, 21 000 délégués à la protection des données supplémentaires ont été désignés (31 % de plus par rapport à 2018).

Hausse des plaintes

En 2019, la CNIL a reçu 14 137 plaintes, soit une augmentation de 27 % en un an, dont 20 % de plaintes transfrontalières. Elles concernaient principalement la publication de données sur internet (près d’un tiers), la prospection (14,7 % ; v. à ce sujet Dalloz actualité, 13 mai 2020, obs. C. Crichton) et la surveillance au travail (10,7 %). Les litiges liés au déréférencement sont en progression (+ 13 %), mais la CNIL a obtenu leur résolution dans 98 % des cas transmis aux moteurs de recherche. Plus généralement, la violation des données et le non-respect des droits des personnes sont des motifs récurrents des saisines. Les demandes liées à l’exercice indirect des droits restent en revanche relativement stables par rapport à 2018 (+ 6 %).

Stabilité de l’activité répressive

En 2019, la CNIL a effectué 300 contrôles (310 en 2018, v. Dalloz actualité, 19 avr. 2019, obs. P. Januel et Dalloz IP/IT 2019. 275, obs. N. Maximin ), 169 sur place, 53 en ligne, 45 sur pièces et 18 auditions. Sa présidente a prononcé 42 mises en demeure (49 en 2018), mais seulement 2 ont été rendues publiques (13 en 2018). Sa formation restreinte n’a infligé que 7 amendes (10 en 2018) pour un montant total de 51 370 000 € (et l’une d’entre elles s’élevait à 50 millions d’euros, v. Dalloz actualité, 28 janv. 2019, obs. N. Maximin). Les sanctions concernaient des atteintes à la sécurité des données, des manquements à l’obligation d’information des personnes ou aux durées de conservations et le non-respect du droit d’accès. On notera une augmentation des recours contentieux devant le Conseil d’État (27 en 2019, contre 16 en 2018).

Accompagner et devenir le référent incontournable

Dès 2018, la CNIL a aidé les professionnels à s’approprier le RGPD par la création de nombreux outils (FAQ, guides, référentiels, règlements types, modèle de registre, logiciel PIA, etc.). Elle a poursuivi cette démarche en 2019, en accentuant la sensibilisation des petites structures publiques ou privées (TPE-PME) et l’accompagnement des réseaux de délégués à la protection des données (DPO). Pour son action, la CNIL a privilégié la publication de contenus pédagogiques sur son site internet ou les partenariats avec les « têtes de réseau » et d’autres autorités de régulation, CADA ou DGCCRF par exemple. Elle a lancé une formation en ligne, laquelle s’enrichira prochainement de modules ciblés sur certaines pratiques sectorielles (santé, marketing, ressources humaines notamment) et a créé une plateforme pour les designers autour du RGPD. Mais en 2019, la CNIL a aussi élargi son champ d’action en veillant à l’information des particuliers sur des sujets dédiés à la vie quotidienne (jouets et objets connectés, applications mobiles, déréférencement), des professionnels de l’éducation et du jeune public. Enfin, elle a pleinement joué son rôle de conseil des pouvoirs publics et du Parlement. Elle a ainsi participé à 33 auditions et donné 117 avis sur des projets de textes (par ex. bioéthique, taxe sur les services numériques, projet de loi de finances et collecte des données sur les plateformes en lignes, communication audiovisuelle, lutte contre les contenus haineux sur internet).

Finalement, 2019 reflète l’ambition de la Commission de devenir une « alliée de confiance du quotidien numérique » (p. 11).

Enjeux pour 2020 et 2021

En 2020, la Commission nationale de l’informatique et des libertés envisage plusieurs actions : publier sa recommandation sur les cookies et autres traceurs en complément de ses lignes directrices du 18 juillet 2019 (v. C. Crichton, Dalloz actualité, 22 oct. 2019 et 11 sept. 2019 ; v. égal. Dalloz actualité, 15 mai 2020, obs. I. Gavanon et V. Le Marec), participer activement aux débats sur la reconnaissance faciale (p. 22) et sur l’identité numérique (p. 43), contribuer à l’amélioration du niveau de sécurité des entreprises (p. 40), diffuser sa doctrine en matière de données de santé (p. 35 et communiqué du 11 juin 2020) et bien évidemment se mobiliser pour apporter des réponses face à la pandémie du virus covid-19. Après s’être prononcée dans l’urgence sur les projets de décrets (v. C. Crichton, Dalloz actualité, 28 mai 2020 et 28 avr. 2020 ; v. égal. C. Zorn, Dalloz actualité, 12 mai 2020 et 26 mai 2020), la CNIL a entamé, le 4 juin, une campagne de contrôles des fichiers SI-DEP, Contact Covid et de l’application StopCovid. Signalons également la publication, le 2 juin, en collaboration avec le Défenseur des droits, de recommandations afin de prévenir et lutter contre les biais discriminatoires des algorithmes.

Enfin, le rapport mentionne cinq axes stratégiques qui permettront à la Commission, d’ici 2021, de « construire des solutions durables respectueuses des textes et appliquées par tous, pour poser un cadre sécurisant pour les entreprises et les consommateurs » :

• donner la priorité aux enjeux numériques de la vie quotidienne des Français ;

• assumer une régulation équilibrée de la protection des données entre répression et accompagnement ;

• offrir une expertise publique de pointe sur le numérique et la cybersécurité ;

• incarner un service public innovant et rassemblé autour de ses valeurs ;

• prendre une part active à la géopolitique internationale de la donnée. Le RGPD a eu un rayonnement mondial mais est en concurrence avec d’autres modèles. Il convient désormais de composer avec de nouveaux acteurs majeurs notamment en Asie. Pour défendre ses valeurs et l’acquis européen, la CNIL entend s’engager dans une véritable « diplomatie de la donnée » (p. 26).

Auteur d'origine: nmaximin

Le juge des référés du Conseil d’État a suspendu, le 13 juin, l’article 3 du décret du 31 mai qui interdisait toute manifestation sur la voie publique. Saisi par un particulier et plusieurs associations et syndicats, il a estimé que cette disposition portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et de communication, protégée tant pas la Constitution que par la Convention européenne des droits de l’homme.

L’exercice de cette liberté fondamentale, « notamment...

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Auteur d'origine: Montecler

L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a créé, pour une durée de trois mois qui peut être prolongée par décret pour trois mois, le fonds de solidarité en faveur en faveur des très petites entreprises (celle dont le chiffre d’affaires annuel constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros) qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % de chiffre d’affaires. Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 prévoit que le fonds de...

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Auteur d'origine: Delpech
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La jurisprudence sur le droit souple n’en finit pas de s’étendre. La section du contentieux du Conseil d’État vient de revisiter les jurisprudence Crédit foncier de France c/ demoiselle Gaupillat et dame Ader (CE, sect., 11 déc. 1970, n° 78880), sur les directives devenues lignes directrices, et Duvignères (CE, sect., 18 déc. 2002, n° 233618, Lebon avec les concl. ; AJDA 2003. 487 , chron. F. Donnat et D. Casas ; D. 2003. 250 ; RFDA 2003. 280, concl. P. Fombeur ; ibid. 510, note J. Petit ) sur les circulaires, à la lumière de la jurisprudence Fairvesta sur la contestation des actes de droit souple (CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 572 ; ibid. 717 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 715, obs. M.-C. de Montecler ; AJCA 2016. 302, obs. S. Pelé ; Rev. sociétés 2016. 608, note O. Dexant - de Bailliencourt ; RFDA 2016. 497, concl. S. von Coester ; RTD civ. 2016. 571, obs. P. Deumier ; RTD com. 2016. 298, obs. N. Rontchevsky ; ibid. 711, obs. F. Lombard ).

La Haute juridiction était saisie par le GISTI d’un recours contre une « note d’actualité » de la police aux frontières relatives aux fraudes documentaires sur les actes d’état civil en Guinée. Elle pose la règle selon laquelle les « documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. »

La section précise l’office du juge, en fusionnant les règles issues de l’arrêt de section de 2002 et de l’arrêt d’assemblée de 2016. « Il appartient au juge d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s’il fixe une règle nouvelle entachée d’incompétence, si l’interprétation du droit positif qu’il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s’il est pris en vue de la mise en oeuvre d’une règle contraire à une norme juridique supérieure. »

La note contestée préconisait, à l’attention des agents devant se prononcer sur la validité d’actes d’état civil étrangers, l’émission d’un avis défavorable pour les actes de naissance guinéens. Toutefois, pour le Conseil d’État, elle ne saurait « être regardée comme interdisant à ceux-ci comme aux autres autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y sont tenues, à l’examen au cas par cas des demandes émanant de ressortissants guinéens et d’y faire droit, le cas échéant, au regard des différentes pièces produites à leur soutien. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 47 du code civil doit donc être écarté. »

Auteur d'origine: Montecler

Les règles spécifiques de contestation d’un titre exécutoire lié au forfait post-stationnement (FPS) mais aussi parfois la délicate identification du débiteur de l’obligation donnent au Conseil d’État l’occasion de dresser une grille d’analyse, dans la première affaire de cassation en la matière.

Un titre exécutoire émis le 3 juillet 2018 pour la ville de Paris en vue du recouvrement du FPS d’un montant de 35 €, assorti d’une majoration de 50 €, en raison de l’absence de paiement d’une redevance de stationnement le 2 mars 2018, a été adressé à M. A. Ce dernier, qui avait cédé son véhicule le 15 décembre 2017, se pourvoit en cassation contre le rejet de sa requête contre ce titre exécutoire.

L’article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le redevable d’un FPS qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge doit saisir l’autorité administrative d’un recours administratif préalable dirigé contre l’avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). En cas d’absence de paiement de sa part dans les trois mois et d’émission, en conséquence, d’un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l’État, « il est loisible au même redevable de contester ce titre exécutoire devant la [CCSP], qu’il ait ou non engagé un recours administratif contre l’avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours ». À ce titre, précise le Conseil d’État, « s’il résulte des termes mêmes de l’article R. 2333-120-35 [du CGCT], que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d’une requête contre un titre exécutoire n’est pas recevable à exciper de l’illégalité de l’avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s’est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l’intéressé conteste, dans le cadre d’un litige dirigé contre le titre exécutoire, l’obligation de payer la somme réclamée par l’administration ».

Effets de la cession d’un véhicule

Le litige pose la question délicate du débiteur du FPS en cas de cession de véhicule. Le CGCT, et notamment l’article L. 2333-87, prévoit que le débiteur est la personne titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule à la date d’émission de l’avis de paiement de ce forfait. Toutefois, précise le Conseil d’État, « lorsque le véhicule a été cédé, son acquéreur est le débiteur du forfait de post-stationnement dès lors que le vendeur a cédé son véhicule avant l’émission de l’avis de paiement et a procédé à la déclaration prévue par l’article R. 322-4 du code de la route avant cette date ou, en tout état de cause, dans le délai de quinze jours prévu à cet article ». Lorsque l’ancien propriétaire d’un véhicule conteste un avis de paiement ou un titre exécutoire qui lui a été adressé à raison d’un stationnement constaté après la date de la cession, il ne peut invoquer le fait qu’il n’était plus propriétaire du véhicule à la date d’établissement de l’avis de paiement que s’il justifie, en outre, « avoir déclaré la cession de son véhicule au ministre de l’intérieur avant l’établissement de l’avis de paiement ou dans le délai de quinze jours prévu par l’article R. 322-4 du code de la route ».
 

Le paiement préalable, une atteinte du droit au recours ?

Le Conseil d’État a par ailleurs renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur l’article L. 2333-87-5 du CGCT qui subordonne la recevabilité du recours devant la CCSP au paiement préalable, par le redevable qui conteste la somme mise à sa charge, du montant du FPS sans prévoir de possibilité de dérogation. Le moyen tiré de l’atteinte au droit au recours effectif est jugé suffisamment sérieux pour le Conseil d’État.

Auteur d'origine: pastor

« Le rapport rend compte de manière intelligible des modifications assez complexes intervenues à son égard », précise l’autorité administrative indépendante chargée du contrôle des services de renseignement. « L’article 89 de la loi du 23 mars 2019 a renforcé la capacité des services chargés du renseignement pénitentiaire à recourir à des techniques de renseignement, note en effet la CNCTR. En contrepartie, cependant, ces nouvelles dispositions ont été assorties de garanties propres à limiter l’action de ces services ». 

L’autorité administrative indépendante note ainsi avec satisfaction que la notion « peu précise de ”bon ordre” », retenue dans une loi précédente comme finalité pouvant justifier le recours à une technique de renseignement, a été écartée au printemps dernier par le législateur. De même, la CNCTR salue le principe d’interdiction de surveillance des communications entre une personne détenue et son avocat. L’autorité administrative indépendante précise cependant qu’elle mettait déjà en oeuvre cette interdiction en « se fondant sur les dispositions de l’article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure selon lesquelles un avocat ne peut être l’objet d’une mesure de surveillance à raison de l’exercice de sa profession ».

Saisie pour avis sur un projet de décret relatif au renseignement pénitentiaire – le décret n° 2019-1503 sera finalement publié le 30 décembre 2019 –, la CNCTR sera partiellement suivie par le gouvernement. La Commission a ainsi renouvelé, en vain, son opposition au recours par le nouveau Service national de renseignement pénitentiaire (SNRP) de l’interception de correspondances par IMSI Catcher (prévue au II de l’art. L. 852-1 du CSI).

La Commission a par contre été sur la même ligne que le Gouvernement sur la limitation du renseignement pénitentiaire à quatre techniques de surveillance pour la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique. Enfin, ce projet de décret prévoyait que le SNRP puisse être autorisé à s’introduire dans des lieux d’habitation pour prévenir des actes de criminalité et de délinquance organisées.

Si la Commission s’est déclarée favorable, elle a rappelé que les lieux d’habitation concernés devaient uniquement être des « cellules de détention ou des lieux assimilés, tels que des unités de vie familiale ». Une recommandation suivie par le gouvernement.

Auteur d'origine: babonneau

Au début de l’année 2018, la métropole Nice-Côte d’Azur avait décidé de faire jouer son droit de priorité pour bénéficier, à l’expiration, le 31 décembre 2019, de la concession des plages attribuée à la commune de Nice, de la future concession pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031. En octobre 2018, la métropole a lancé une procédure de délégation de service public balnéaire et le 25 octobre 2019, le conseil métropolitain a choisi les nouveaux sous-concessionnaires. Trois candidats évincés ont saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif. Celui-ci a annulé la procédure de...

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Auteur d'origine: Montecler
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Le documentaire Des hommes, sorti sur les écrans le 19 février 2020 dernier se présente comme une mise en image bienvenue à l’heure où les condamnations juridiques, sociétales et morales à l’égard des établissements pénitentiaires se succèdent.

La thématique de l’impérieux respect des droits fondamentaux concernant les personnes privées de liberté n’est – malheureusement – pas nouvelle. D’un point de vue jurisprudentiel, c’est particulièrement l’activité de la Cour européenne des droits de l’homme qui est observée. La condamnation de la France pour les conditions inhumaines et dégradantes de ses établissements pénitentiaires et le non-respect du droit à un recours effectif pour faire cesser ces atteintes n’est d’ailleurs pas passée inaperçue (CEDH 30 janv. 2020, n° 9671/15, J.M.B et autres c/ France, AJ pénal 2020. 122, étude J.-P. Céré . Le rapport d’activité du CGLPL publié le 3 juin dernier, couplé de ses « Recommandations minimales pour le respect de la dignité́ et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté » et de la lettre ouverte sur l’initiative de l’Observatoire Internationale des prisons adressée au président de la République afin de l’alarmer sur la surpopulation carcérale du même jour, conduisent à rappeler la nécessité de mettre des images sur les maux dont souffrent les détenus et l’administration pénitentiaire en France.

C’est ce que propose le documentaire Des hommes sorti au cinéma en février dernier en proposant une incursion à la prison des Baumettes située à Marseille dans laquelle les réalisateurs font le bilan de vingt-cinq jours d’immersion.

On serait immédiatement tentés d’accoler un qualificatif au titre en regardant le documentaire : Des hommes jeunes, des hommes perdus, des hommes reclus, parqués ou alors tout simplement de rappeler que ces hommes sont enfermés. Dès le titre, et de par sa simplicité soigneusement choisie, les réalisateurs ne veulent finalement pas ôter l’humanité des détenus et même souhaitent certainement la mettre en exergue, même si leurs conditions de détention peuvent en faire douter.

L’angle du documentaire au cinéma est rare sur ce sujet. Les documentaires sont en effet souvent l’apanage de la télévision (V. Müller, Danser sa peine, 2019 ; G. Beauché, De la prison à l’Odéon, 2020). C’est surtout la fiction qui se complait particulièrement à plonger ses caméras dans les enceintes des maisons d’arrêt. Pléthore de films se sont ainsi consacrés au sujet, et les immanquables séries se sont également pliées à l’exercice comme les célèbres Prison Break, Oz ou Orange is the new black.

De toutes ces oeuvres, c’est souvent la colère, le désespoir, la violence (S. McQueen, Hunger, 2008 ; A. Clarke, Scum, 1979), la rage de s’évader (J. Becker, Le trou, 1960 ; A. Parker, Midnight express, 1978), et bien rarement celle de s’amender qui ressortent (J. Audiard, Un prophète, 2009 ; S. Cazes, Ombline, 2012). Le cinéma se présente ainsi comme l’incarnation d’un plaidoyer contre l’inutilité de l’incarcération ou la nécessité de réformer ses modalités d’exercice (S. Rosenberg, Brubaker, 1980).

Le prisonnier est ainsi souvent marqué, et cette empreinte indélébile semble le condamner éternellement que ce soit moralement ou socialement (J. Giovanni, Deux hommes dans la ville, 1972) à être exclu.

Loin de considérations politiques, c’est aussi l’occasion pour les scénaristes de tenir en haleine le spectateur pour permettre à ses protagonistes de s’évader ou du moins de leur promettre cette évasion, avec des titres aussi qu’évocateurs que sont de La grande évasion (J. Sturges, 1963), Les évadés (F. Darabont, 1994), Un condamné à mort s’est échappé (R. Bresson, 1956) ou encore Papillon (F. Schaffner, 1973).

Le documentaire Des hommes, de Alice Odiot et Jean-Robert Viallet n’a pourtant pas besoin de mots ou de grandes envolées cinématographiques pour aboutir au même constat de délabrement moral, intellectuel et structurel des prisonniers et des prisons. La violence et la vétusté de la prison des Baumettes affleurent en effet à chaque image.

Le documentaire se veut pourtant sobre, aucune voix-off ne vient souligner et expliquer une situation ou un comportement. L’image est parfois fixe, donnant, dans un élan artistique peut-être inconscient, un certain esthétisme paradoxal à des barbelés, une cour ou un couloir. Ces plans fixes qui évoquent des photographies d’art sont aussi l’occasion de souligner et de constater la monotonie de la vie en cellule ou de figurer l’allégorie du temps qui ne passe pas. On pourra pourtant reprocher certaines facilités au documentaire comme les plans des discussions entre détenus, cadrés en dessous de la taille, laissant entrevoir une main avec une cigarette entre les doigts, mille fois vus dans des reportages à la télévision. Cette répétition du plan que l’on pourrait qualifier de caricatural est aussi une manière de rappeler l’absence de changement des prisons et surtout la difficulté de filmer la prison autrement. Dans tous ces plans, c’est ainsi l’image de la prison en tant qu’institution structurellement figée à travers les décennies qui ressort. « Non rien n’a changé » semble nous souffler les réalisateurs. Les différents rapports du CGLPL ou les recours de la section française de l’Observatoire international des prisons ne les démentiront d’ailleurs pas.

Les discussions entre prisonniers sont colorées de la même banalité : elles concernent souvent leur quotidien et la logistique de la prison – qui familiarise le spectateur avec un vocabulaire particulier comme « cantiner » – ou concernant l’évènement que représente souvent le parloir, rare connexion avec l’extérieur. Sont aussi évoqués et filmés, le temps des douches, des promenades et des séances de sports ou encore le cas du travail de certains. Une routine teintée d’un certain ennui lorsque la caméra se pose dans l’exiguïté des cellules avec l’inévitable et indispensable télévision toujours allumée, en fond. Les visages sont souvent marqués, les regards parfois vides. Les détenus se parlent à travers les fenêtres de leurs cellules, ou crient aussi. Des fragments de vie ou de survie répétés à l’infini.

Mais l’ordinaire de la prison c’est aussi la violence : une violence presque inconsciente, devenue un réflexe pour de nombreux détenus. « Tous les détenus savent fabriquer un couteau » ou encore « c’est la jungle ici », sont des phrases de détenus qui ne peuvent qu’interpeller. Les échanges entre l’administration pénitentiaire (exclusivement féminine) et les détenus, peuvent d’ailleurs nous sembler ubuesques tant sur le fond (puisque les violences aboutissent parfois au décès de certains détenus, racontés avec neutralité) que sur la forme : leur échanges s’analysent comme un rapport de parents à enfants ou de professeurs à ses élèves. Il faut sans cesse pour les surveillantes expliquer et rappeler à l’ordre sur des comportements qui semblent pour le spectateur pourtant relever de l’évidence. La violence devient banalité. Au final, la collectivité en prison semble se présenter comme néfaste, les détenus devant se protéger et s’armer contre eux-mêmes. À cet égard, un détenu qui s’entretient avec un travailleur social explique qu’il doit se détacher des autres pour pouvoir s’en sortir. Cette micro société figée dans le temps et dans l’espace semble coincée dans un cercle vicieux impossible à briser.

Les nouvelles technologies s’immiscent pourtant dans la prison par l’intermédiaire des audiences en visioconférence, mais qui loin d’être un progrès, renvoient encore le détenu à son enfermement et son isolement puisque seul dans une pièce avec face à lui magistrats et avocats par écran interposé.

Le documentaire renvoie le juriste ou le sociologue à des multiples problématiques qui continuent d’innerver le fonctionnement pénitentiaire : l’hygiène, l’ensemble des conditions matérielles de détention, la prise en charge de la réinsertion, l’éducation et le travail en prison, l’utilité même de l’isolement mais également le développement aberrant de la visioconférence.

En définitive l’on pourrait même aller jusqu’à se demander si l’on apprend quelque chose avec ce documentaire. Le spectateur lambda se rendra en effet compte que tout l’imaginaire, les clichés et les idées qu’il peut se faire de ce qu’est le quotidien d’un détenu, sont en réalité en totale adéquation avec les images réelles. Le juriste aura cette évidence en tête qu’il faut sans cesse marteler : « Les droits fondamentaux n’ont de réalité que si leur effectivité est assurée ».

Si le cadre n’évolue pas, il est logique que les premiers concernés, à savoir les détenus, ne peuvent pas non plus évoluer.

Lors des dernières minutes du documentaire, un avocat précise « ce qu’il reste c’est de la souffrance » tentant bien évidemment de défendre son client détenu. Ce qu’il restera au spectateur c’est aussi beaucoup d’incompréhension sur ce système qui se présente comme sclérosé. Le nom du documentaire aurait aussi pu être désigné par « des hommes et des murs », non pas pour matérialiser l’enceinte de la prison, mais pour matérialiser l’opacité et la surdité constante des pouvoirs publics à l’égard de cette dernière.

Auteur d'origine: babonneau
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Le 10 juillet prochain doit acter la sortie de l’état d’urgence sanitaire mais un régime transitoire s’appliquera ensuite pendant quatre mois. Édouard Philippe a présenté le projet de loi lors du conseil des ministres du 10 juin.

Ainsi, jusqu’au 10 novembre 2020 inclus, ou en cas de résurgence de la catastrophe sanitaire qui l’avait justifié, le premier ministre conservera la possibilité de réglementer les déplacements et l’accès aux moyens de transport, l’ouverture des établissements recevant du public, ainsi que les rassemblements sur la voie publique, qu’il pourra limiter ou interdire. Les autres mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne pourront être maintenues que dans les conditions et limites du droit commun. Mais cela signifie que la mise en quarantaine et la mise à l’isolement restent mobilisables sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, si les mesures à prendre n’excèdent pas le territoire d’un département, le préfet pourra les décider lui-même.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que ce régime transitoire et sur une période limitée est de nature « à répondre aux nécessités de sortir de manière prudente, graduée et contrôlée du régime mis en place pour faire face à l’état d’urgence sanitaire ».

Prolongation de la durée de conservation des données

Le projet de loi complète l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire. Cet article, qui organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination, avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 11 mai 2020, n° 2020-800 DC, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, Dalloz actualité, 26 mai 2020, obs. C. Zorn ; AJDA 2020. 975 ; AJCT 2020. 217, tribune J.-P. Vial ; ibid. 220, obs. F. Benech ). La durée de conservation de ces données, actuellement limitée à trois mois à compter de leur collecte, pourra être, pour certaines catégories d’entre elles, et à l’exclusion de StopCovid, prolongée sans pouvoir excéder la durée maximale de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour laquelle ces traitements de données sont autorisés. Il est toutefois précisé que cet allongement ne pourra être décidé que s’il apparaît justifié pour chaque type de données, après avis publics de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Comité de contrôle et de liaison covid-19.

Auteur d'origine: pastor

« Rien ne remplace et ne remplacera l’enseignement “en présentiel“ et il est inconcevable de basculer dans une Université numérique fantasmée par certains depuis des années, qui trouvent dans la crise du covid-19 le moyen commode de réaliser une chimère ». Dans un communiqué du 5 juin, la Conférence des doyens droit – science politique fustige « les ambiguïtés et les incohérences du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » (MESRI) sur les conditions de la prochaine rentrée universitaire. Nombre d’enseignants-chercheurs ont exprimé, notamment sur les réseaux sociaux, leur colère face au non-déconfinement des universités. Mais un communiqué de presse du MESRI du 3 juin qui invite les universités à prévoir, en septembre, « des enseignements en distanciel et/ou...

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Auteur d'origine: Montecler

Par un arrêté du maire de Fréjus, la société Compagnie immobilière Méditerranée a obtenu un permis de construire valant division parcellaire en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier. Le tribunal administratif de Toulon a annulé pour excès de pouvoir cet arrêté en retenant deux motifs d’illégalité, tirés respectivement de ce que l’étude d’impact prescrite par l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement, n’avait pas été mise à la disposition du public avant la délivrance du permis de construire attaqué et de ce que le terrain d’assiette du projet ne disposait pas d’un accès à une voie ouverte à la circulation publique, la prescription dont est assorti le permis de construire ne pouvant pallier l’absence de titre valant servitude à la date de sa délivrance. La société Compagnie immobilière Méditerranée s’est pourvue en cassation contre ce jugement.

L’absence...

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Auteur d'origine: pastor

Les personnels de la Place Vendôme sont particulièrement critiques sur la numérisation de leur ministère, après un confinement qui a fait figure de crash test. Le résultat, bancal, n’est en effet pas brillant et souffre de la comparaison avec d’autres administrations, que ce soit l’intérieur, qui a passé l’épreuve sans couac majeur, ou la santé, qui a misé sur la télémédecine. Pour la Place Vendôme, le printemps a ressemblé au contraire à un long supplice numérique. « En début de confinement, je suis parti en sauvegardant sur ma clé USB un listing Excel de l’ensemble de mes affaires et de mon rôle d’audience, et derrière, j’ai jonglé avec les annuaires des barreaux, relève ainsi un magistrat niçois. C’était un travail de bénédictin. »

Lorsque le confinement débute, le 17 mars, des magistrats sont certes bien dotés en ultraportables, qui permettent le travail à domicile. Mais les personnels des greffes n’en possèdent pas. Résultat : dans l’urgence, le ministère de la justice pioche dans ses stocks pour distribuer trois cents ultraportables, une goutte d’eau par rapport aux 13 000 greffiers de France, selon le décompte du Syndicat des greffiers de France-FO. « Il y a bien eu quelques ordinateurs portables qui ont permis de rentrer des procédures dans le bureau d’ordre, d’autres pour payer les interprètes », détaille Isabelle Besnier-Houben, la présidente de cette organisation syndicale. Cette absence de dotation des greffes est, selon le député Patrick Hetzel, dans un récent rapport, « le principal point noir » du bilan numérique du ministère durant la crise sanitaire. Ce manque d’équipement est dû, selon Isabelle Besnier-Houben, à des réticences sur le télétravail des greffiers. « Il a fallu le covid-19 pour que l’administration se rende compte de l’intérêt du télétravail, regrette-t-elle. Pourtant, adoptée plus tôt, cette forme d’organisation aurait permis à des gens de mieux travailler et d’avoir d’autres conditions de vie. »

VPN sous-dimensionné

Les magistrats dotés d’un ultraportable – le nombre total d’ordinateurs distribués varie selon les sources, mais, après la crise, la direction des services judiciaires indiquera aux organisations syndicales avoir déployé plus de 13 000 portables au sein du ministère – ne sont pas forcément mieux lotis. Car le réseau privé virtuel (VPN) de la Place Vendôme est sous-dimensionné face à la crise sanitaire. À la mi-mars, il ne permet que 2 500 connexions simultanées. Les premières semaines, les magistrats enragent devant leur clavier. « On s’est retrouvés tous en télétravail et on a tous eu un problème, déplorait après le début du confinement une magistrate parisienne. Il faut se déconnecter, essayer de se reconnecter. » Il faudra plusieurs semaines pour que le ministère de la justice boucle la montée en puissance de son prestataire. Jusqu’à 40 000 connexions simultanées sont désormais possibles. Réussir à se connecter ne résout cependant pas tous les problèmes. Si les applications de la chaîne pénale sont bien consultables à distance, ce n’est pas le cas de la plupart de celles de la chaîne civile, qui ne fonctionnent que sur les postes en juridiction. « Les personnels de greffe doivent aujourd’hui être les seuls utilisateurs en France de WordPerfect », la brique logicielle de Winci, ironise ainsi le consultant indépendant Bruno Mathis, expert associé au centre européen de droit et d’économie de l’Essec. Faute de pouvoir se rendre en juridiction, « toute la mise en état, qui permet de faire avancer les dossiers, a été plantée », note David Melison, le trésorier adjoint de l’USM.

Zoom, Skype et Jitsi

La visioconférence n’a pas non plus donné satisfaction. Si le ministère possède le parc le plus important de l’État, les organisations syndicales pointent par exemple un manque de micros compliquant l’exercice. Et, dans les cabinets, ce sont d’autres outils qui se sont imposés. À Nice, on a tenté de s’emparer du logiciel Webconférence de l’État. « Tous les essais ont échoué, déplore ce magistrat des Alpes-Maritimes. L’application ne fonctionnait que sur le navigateur Chrome. Nos ordinateurs ne l’avaient pas, il a fallu l’installer. Puis c’est le réseau qui était surchargé et instable. Nous n’avons réussi à travailler que sur Zoom et Jitsi », deux applications privées de visioconférence, une situation peu satisfaisante sur le plan de la sécurité. « Pour mes réunions de cabinet, j’ai utilisé Skype et Zoom, confirme de son côté le magistrat David Melison. C’est du bricolage et clairement en dehors des clous, mais s’il y a des logiciels, soit ils ne marchent pas, soit ils se déconnectent en permanence. »

De la visio, on est également passé à l’audio, pour un résultat très mitigé. L’avocat Philippe Ohayon a relaté une audience devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes. Le résultat fait peur. « J’ai toutes les peines du monde à entendre ce que me dit mon client, racontera-t-il à l’Obs. Lui non plus ne m’entend pas très bien. » Que ce soit par mail ou via des applications, la communication a parfois été difficile. « Des magistrats qui souhaitaient joindre des avocats et les services d’enquête ont utilisé leurs téléphones personnels, remarque Nils Monsarrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature. Il y a désormais une demande importante pour avoir des téléphones de dotation. » Et à cause de l’empêchement des greffiers, confinés à leurs domiciles, des avocats n’ont pu contacter des magistrats. Au retour en juridiction des personnels de greffe, certains ont ainsi été submergés de messages.

Mission d’appui

Des lacunes et des manques dans le viseur de l’Inspection générale de la justice. De source syndicale, une mission d’appui sur les plans de continuité d’activité a été lancée. Elle devrait insister sur les ratés et les points d’améliorations en matière numérique, un domaine où le ministère a pourtant été en pointe, il y a… une trentaine d’années. « Le confinement a mis en lumière ce qui n’allait pas et ce qui a été mal anticipé, résume Nils Monsarrat. La dotation informatique n’est pas suffisante, et la priorité devrait être de revoir tous les logiciels. » Même constat pour David Melison, de l’USM : « Nous avons manqué d’anticipation et de réactivité », regrette-t-il. « La crise n’a fait que mettre en exergue le manque de moyens financiers et son retard sur le télétravail », conclut Isabelle Besnier-Houben. La facture est en fin de compte salée. Le confinement s’est traduit par 20 millions d’euros de dépenses informatiques pour la mission justice.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, n’a pas éludé le problème. Elle a admis qu’il restait « beaucoup à faire », notamment en matière de logiciels permettant le travail à distance des greffiers. Le ministère planche ainsi sur un moyen d’accéder à distance aux applications civiles. Médiocre, le bilan numérique du confinement n’est toutefois pas totalement désastreux. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, expliquait à Dalloz actualité Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique à la Place Vendôme, à propos de la mise en place récente de la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » Haut débit, réseau justice raccordé au réseau interministériel ou premières dotations en ultraportables : autant d’actions antérieures à la crise qui ont permis, souligne la Place Vendôme, de limiter la casse. Quatre-vingts applications ont été également mises à disposition pour du télétravail pendant le confinement.

Le ministère tente aujourd’hui de poursuivre sur cette lancée. L’ouverture d’un flux dématérialisé sur une plateforme des commissaires de justice doit alléger les greffes, tandis qu’un dispositif de webcaméra a été mis en place, courant mai, pour organiser des audiences avec des tiers. « Le confinement va booster la transformation numérique du ministère, et nous permettre de rattraper notre retard en matière informatique », espère David Melison. « La crise aura le mérite de raccourcir le délai de la conduite du changement », note également Bruno Mathis. Les juristes ont en effet vécu, lors de la crise sanitaire, une acculturation à marche forcée aux outils numériques. « Mais la situation informatique des juridictions est extrêmement dégradée, avertit-il. Le ministère essaye de moderniser à coups d’effets d’annonce. » Un constat déjà déploré par ce consultant il y a deux ans. Il s’inquiétait d’un mauvais sens des priorités de la Place Vendôme, laissant en arrière-plan, derrière des sujets plus tendance comme l’intelligence artificielle, la question de l’infrastructure numérique de la justice.

Auteur d'origine: babonneau

Une personne a été victime, le 3 mars 2010, d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par une autre personne, couverte par une société d’assurance. La victime a assigné le conducteur et l’assureur de ce dernier aux fins d’être indemnisée de l’ensemble de ses préjudices, en présence de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, la caisse primaire d’assurance maladie de Paris, la Caisse des dépôts et consignations, l’établissement public université Paris Diderot et la mutuelle Mutualité familiale du corps médical Français. Plusieurs membres de la famille de la victime sont intervenus volontairement à l’instance. L’assureur a adressé en cours de procédure à la victime une offre d’indemnisation, par lettre du 4 juillet 2012.

Par un arrêt en date du 12 novembre 2018, la cour d’appel de Paris a condamné l’assureur à payer à la victime des intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur une somme en capital de 242 565,88 € du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012.

L’assureur a formé un pourvoi en cassation. Il a soutenu « que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9 du code des assurances, le montant de l’indemnité offerte tardivement par l’assureur à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai jusqu’au jour de l’offre ; que si l’assureur a proposé une indemnisation sous la forme d’une rente annuelle viagère, l’assiette de calcul de la sanction du doublement de l’intérêt légal s’applique à la rente et aux arrérages qui auraient été perçus pendant cette période, et non au capital servant de base à la détermination de son montant ; qu’en condamnant dès lors la société GMF assurances à paiement de la somme de 242 565,88 € au titre du double des intérêts au taux légal, en prenant pour assiette le montant de 202 907,88 € correspondant au capital constitutif de la rente annuelle viagère offerte par l’assureur au titre de l’assistance tierce personne, quand cette sanction, qui avait en réalité pour assiette la rente annuelle viagère d’un montant de 8 760 €, devait s’appliquer aux seuls arrérages qui auraient dû être perçus par l’assuré après l’expiration du délai de l’offre jusqu’au jour de celle-ci, la cour d’appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des...

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