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Le Conseil d’État a rejeté au fond, le 25 mars, deux recours contre, d’une part, la décision du 14 mars 2017 de son vice-président adoptant la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative, d’autre part, celle du 16 mars 2018 modifiant ce document. Ce faisant, il admet la justiciabilité de cette décision, précise la portée de cette charte et son degré de contrôle de celle-ci.

Le premier recours (n° 411070) avait été présenté par un conseiller d’État honoraire, ancien président de cour administrative d’appel, devenu avocat. Au cours de la procédure, M. L., avait obtenu le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il soutenait que le fait que ce document, établi par le vice-président, doive être contesté devant le Conseil d’État portait atteinte au droit au recours et à l’impartialité des juridictions. Un argument rejeté par les juges de la rue de Montpensier (Cons. const. 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC, AJDA 2017. 2039 ; D. 2017. 2102 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 588, chron. O. Le Bot ).

La Haute juridiction précise la portée de la charte qui « n’a pas pour objet de se substituer aux principes et dispositions textuelles, notamment statutaires, régissant l’exercice de leurs fonctions, a vocation, outre à rappeler les principes et obligations d’ordre déontologique qui leur sont applicables, à préconiser des bonnes pratiques propres à en assurer le respect. Pour apprécier si le comportement d’un membre de la juridiction administrative traduit un manquement aux obligations déontologiques qui lui incombent, les bonnes pratiques ainsi recommandées sont susceptibles d’être prises en compte, sans pour autant que leur méconnaissance ne soit, en elle-même, constitutive d’un manquement disciplinaire. » Ces principes, obligations et bonnes pratiques, le vice-président peut les rappeler non seulement aux membres du Conseil d’État, des tribunaux et des cours en exercice, « mais aussi, afin d’éviter que leur comportement affecte l’indépendance et le fonctionnement des juridictions administratives ou la dignité de leurs anciennes fonctions, aux membres honoraires des deux corps, pouvant se prévaloir de l’honorariat […] et, plus généralement, à tous les anciens membres ».

M. L. contestait en particulier la disposition de la charte qui invite les anciens membres devenus avocats à s’abstenir d’exercer leur profession devant leur ex-juridiction pendant cinq ans, durée portée à dix ans pour les anciens présidents et vice-présidents de section, présidents et présidents adjoints de chambre du Conseil d’État et présidents de cour administrative d’appel. Selon lui cette disposition était illégale car plus exigeante que l’article 25 octiès de la loi du 13 juillet 1983, qui prévoit une durée de trois ans pour les incompatibilités. Toutefois, pour le Conseil d’État, « il est dans la nature même de recommandations de bonnes pratiques telles qu’énoncées par la charte de déontologie d’appeler, dans le silence de la loi ou des règles statutaires, ceux à qui elles s’adressent à prendre toute précaution convenable, de nature à leur éviter d’éventuelles mises en cause d’ordre déontologique et à préserver, en toute hypothèse, l’indépendance, l’impartialité et le bon fonctionnement des juridictions administratives. » Et les durées préconisées ne sont pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation.

Le Syndicat de la juridiction administrative contestait, pour sa part, les recommandations relatives à l’usage des réseaux sociaux ajoutées à la charte en 2018, en invoquant le droit à la liberté d’expression des magistrats. Ces recommandations, considère la haute juridiction, « formulées à titre de bonnes pratiques, visent, s’agissant de l’expression sur les réseaux sociaux et eu égard aux caractéristiques techniques de ces modes d’expression, à assurer le respect de l’obligation de réserve à laquelle les membres de la juridiction administrative sont tenus, laquelle vise à éviter que la diffusion de leurs propos porte atteinte à la nature et à la dignité des fonctions qu’ils exercent et à garantir l’indépendance, l’impartialité et le bon fonctionnement de la juridiction administrative. Ce faisant, elles ne portent pas à la liberté d’expression une atteinte qui méconnaîtrait les exigences découlant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou celles qui résultent de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Ces recommandations « de prudence » n’interdisent pas l’expression des membres de la juridiction sur les réseaux sociaux et leur méconnaissance ne saurait en soi constituer une faute disciplinaire. « Elles visent seulement à prémunir les membres de la juridiction administrative contre le risque que des propos publiés sur les réseaux sociaux reçoivent une diffusion excédant celle qui avait été initialement envisagée par leur auteur et puissent exposer ce dernier, dans le cas où leur diffusion rejaillirait sur l’institution, à devoir répondre d’un éventuel manquement à leur obligation de réserve. Dans ces conditions, les recommandations de bonnes pratiques ainsi énoncées, destinées à garantir le respect de l’obligation de réserve sur les réseaux sociaux, ne portent pas à la liberté d’expression des membres de la juridiction administrative une atteinte disproportionnée. »

Auteur d'origine: Montecler

L’ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 met en place une garantie de financement pour les établissements de santé. Il s’agit de sécuriser leurs recettes pendant toute la période durant laquelle ils peuvent faire face à une baisse de l’activité programmée, notamment compte tenu de la mise en œuvre de la déprogrammation de certaines activités demandées par la puissance publique, au moment où leurs charges sont accrues du fait de leur participation à la lutte contre le covid-19. Cette garantie est instaurée pour une durée d’au moins trois mois, qui ne peut toutefois excéder un an. L’ordonnance précise que « le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement par l’établissement, notamment au titre de ses activités ». La garantie s’adresse à tous les établissements de santé mais concerne en réalité ceux dont le financement est ajusté en fonction de l’activité, c’est-à-dire tarification à l’activité pour les soins aigus, activité financée en prix de journée pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) et la psychiatrie (PSY) pour les établissements sous OQN (objectif quantifié national). La garantie constitue un plancher qui se substitue pendant la période de crise aux rémunérations liées à l’activité et pourra être complétée par les recettes d’activité correspondant à cette période, si elles excèdent le montant garanti.

L’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 bouleverse les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) car, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, elle vise à assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés et des personnes en situation de pauvreté. Elle prévoit des dérogations larges : ainsi, les ESMS peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de covid-19, « adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. » Les services d’aide à domicile peuvent intervenir auprès de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, même s’ils ne relèvent pas de leur zone d’intervention autorisée. La prise en charge peut être temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée.

Adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’ONIAM

Dans le cadre de l’indemnisation des victimes de l’amiante, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est chargé d’examiner le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et la dégradation de l’état de santé et de présenter au demandeur, si les conditions sont réunies, une offre d’indemnisation. Cette offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. Pour tenir compte du contexte lié à l’épidémie de covid-19 et à la difficulté pour le FIVA à effectuer certaines activités à distance, l’ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 le proroge de trois mois entre le 12 mars et le 12 juillet.

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), chargé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales, assure également, dans le cadre de dispositifs spécifiques, l’indemnisation des victimes du Mediator, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence, ainsi que de contaminations liées à une transfusion sanguine. Les dispositions législatives du code de la santé publique fixent les délais dans lesquels l’ONIAM, ainsi que les différentes instances en son sein doivent statuer sur les demandes d’indemnisation et payer les offres. Compte tenu du contexte lié à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance proroge l’ensemble de ces délais, lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté, sans pouvoir excéder le 12 juillet 2020, de quatre mois.  

Auteur d'origine: pastor

La date  du renouvellement général des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires est fixée par un décret publié au plus tard quarante jours avant le scrutin. L’ordonnance met comme condition préalable à l’organisation d’un scrutin pour le renouvellement des élus conseillers Français de l’étranger et des délégués consulaires en juin 2020 et à la tenue préalable d’une campagne électorale, la remise au Parlement d’un rapport du gouvernement au plus tard le 23 mai 2020, faisant état de la situation de l’épidémie de covid-19, des risques sanitaires dans le monde et des conséquences à en tirer.

Les mandats des élus, conseillers et délégués consulaires, sont prorogés précisément jusqu’au scrutin de juin. La date précise du nouveau scrutin reste à fixer par décret.

Sont refixés les délais légaux des échéances suivantes :

la convocation des électeurs (au plus tard 40 jours avant le scrutin) ;les nouvelles déclarations de candidatures (au plus tard 30 jours avant le scrutin) ;la délivrance du récépissé définitif de candidature par les autorités consulaires (48 heures) ;l’état des déclarations de candidatures par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire (29 jours avant le scrutin) ;l’information des électeurs (au plus tard 18 jours avant le scrutin).

L’ordonnance précise également que les mandats des conseillers consulaires élus à l’assemblée des Français de l’étranger (AFE) expirent un mois après la tenue des élections consulaires, et que l’AFE peut ne se réunir qu’une fois en 2020.

Auteur d'origine: pastor

Des mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale sont nécessaires pour permettre aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux de financer l’exercice leurs compétences et le maintien des services publics locaux. L’ordonnance du 25 mars intervient à plusieurs niveaux. Elle étend les pouvoirs habituels des exécutifs locaux pour engager, liquider et mandater des dépenses. Le président du conseil régional pourra ainsi octroyer directement des aides aux entreprises, dans la limite de 100 000 € par aide. Cette délégation du conseil régional durera au maximum six mois à compter de la promulgation de l’ordonnance et permettra au président d’agir sans avoir à réunir son assemblée délibérante. Les décisions concernent l’octroi des aides et, par parallélisme des formes, les décisions de récupération des aides qui seraient indûment octroyées.Enfin, cette délégation est assortie d’une obligation pour le président du conseil régional de rendre compte de son exercice devant le conseil régional et d’informer la commission permanente. Les décisions sont soumises au contrôle de légalité et au droit européen des aides d’État.

À noter également que l’ordonnance n° 2020-317 du même jour crée pour une durée de trois mois un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques dues de l’épidémie de covid-19. La présente ordonnance permet, sur la base du volontariat, aux exécutifs de toute collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale, de signer avec l’État la convention prévue à cet effet.

Report d’échéances

Plusieurs échéances budgétaires prévues par le code général des collectivités territoriales sont reportées : l’adoption du budget primitif (date limite au 31 juillet 2020 contre le 15 ou le 30 avril 2020), l’arrêt du compte administratif 2019 (limite au 31 juillet au lieu du 30 juin).

Les délais afférents à la présentation du rapport d’orientation budgétaire et à la tenue débat d’orientation budgétaire sont suspendus et pourront intervenir lors de la séance consacrée à l’adoption du budget primitif.

En matière fiscale, le vote des taux et tarif des impôts locaux est reporté au 3 juillet 2020 (taxes foncières sur le bâti et le non-bâti, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, GEMAPI, etc.). En l’absence de délibération, les taux et tarifs 2019 seront prorogés.

Souplesse budgétaire

L’ordonnance prévoit des mesures de souplesse budgétaire, même en cas de non-adoption des budgets primitifs. Les collectivités territoriales, leurs établissements et les groupements intercommunaux pourront continuer à engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des dépenses inscrites dans le budget précédent. S’agissant des dépenses imprévues, le plafond sera porté à 15 % (contre 7,5 % ou 2 % aujourd’hui) des dépenses prévisionnelles de chaque section.

Auteur d'origine: pastor

Sur les fondements de l’article 38 de la Constitution et de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement a adopté toute une série d’ordonnances le 25 mars 2020, dont notamment l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.

Cette ordonnance a un impact sur certains droits sociaux, en les prolongeant du fait de la situation actuelle liée à la crise sanitaire du covid-19, afin d’éviter la rupture de droits. Des répercussions sur les organismes gestionnaires sont également à relever. En voici un tour d’horizon :

• Les contrats d’assurance complémentaire en matière de santé : les contrats ouvrant droit au crédit d’impôt en cours à la date du 12 mars 2020 et expirant avant le 31 juillet 2020 sont prorogés jusqu’à cette date du 31 juillet 2020, sauf opposition de l’assuré, sans modification de conditions tarifaires et en restant éligibles au bénéfice du crédit d’impôt. En outre, les personnes dont le droit à la protection complémentaire en matière de santé arrive à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 bénéficient d’une prolongation de leur droit de trois mois à compter de sa date d’échéance.

• L’aide médicale de l’État : la première demande peut être déposée selon les modalités prévues à l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles jusqu’au 31 juillet 2020. En outre, les personnes dont le droit à l’aide médicale de l’État arrive à expiration entre le 12 mars 2020 et le 31 juillet 2020 bénéficient d’une prolongation de leur droit de trois mois à compter de sa date d’échéance.

• Les aides aux personnes handicapées : l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 s’applique notamment aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et ses compléments de ressources, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et ses compléments, de la carte mobilité inclusion, de la prestation de compensation du handicap (PCH). Les bénéficiaires de ces droits dont l’accord sur ceux-ci expire entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 ou a expiré avant le 12 mars mais sans renouvellement à cette date bénéficient d’une prolongation de la durée de cet accord d’une durée de six mois à compter de la date d’expiration de cet accord ou à compter du 12 mars s’il a expiré avant cette date. Cette prolongation est renouvelable une fois par décret, sans nouvelle décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ou, le cas échéant, du président du conseil départemental.

• Les parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ainsi que l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle : ceux arrivés à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 sont prolongés pour une période de six mois.

• La répercussion sur les organismes gestionnaires : les caisses d’allocations familiales et les organismes gestionnaires à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon procèdent à une avance sur droits pour les bénéficiaires des prestations du revenu de solidarité active (RSA), de l’AAH et de ses compléments tant qu’elles sont dans l’incapacité de procéder au réexamen des droits à ces prestations. Ces dispositions de l’article 2, II, de l’ordonnance du 25 mars 2020 sont applicables pour une durée de six mois à compter du 12 mars 2020. Le montant des prestations est réexaminé à l’issue de ce délai.

• Les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées : l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020 offre des modalités simplifiées d’organisation par la possibilité pour le président ou une ou plusieurs formation(s) restreinte(s) de prendre des décisions en principe réservées à la commission ainsi que par la possibilité de recourir à la visioconférence. En outre, le délai de deux mois pour engager le recours administratif préalable obligatoire en cas de contentieux de la sécurité sociale et de contentieux de l’admission à l’aide sociale est suspendu à compter du 12 mars 2020. Ces dispositions sont applicables jusqu’à une date fixée par arrêté ministériel, et au plus tard le 31 décembre 2020.

• Les répercussions sur les organismes de recouvrement : les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d’échéance par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSAAF), la sécurité sociale et les caisses de mutualité sociale agricole, de contrôle et du contentieux subséquent sont suspendus entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant celui de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020. À noter que la suspension des délais n’est pas applicable aux redevables qui font l’objet d’une procédure à la suite d’un constat de certaines infractions liées au travail illégal.

Auteur d'origine: pastor
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L’un des volets les plus controversés de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), réside dans son volet privatisation. Cette loi a, en effet, autorisé la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP ; art. 130 à 136), mais aussi celle de la Française des jeux (FDJ ; art. 137 à 139), les sommes ainsi recueillies étant destinées à être affectées à un nouveau « Fonds pour l’innovation de rupture » (art. 147 à 150). Pour justifier ces privatisations, les pouvoirs publics ont considéré que les missions prises en charge par la FDJ ou ADP devaient être exercées, dans le cadre d’une économie libéralisée, par des opérateurs privés. Si la privatisation du premier opérateur de jeux d’argent et de hasard en France qu’est FDJ a pu se réaliser sans encombre (v. l’arrêté du 20 novembre 2019 fixant le prix et les modalités d’attribution des actions de la FDJ, ainsi que les modalités définitives de l’offre, JO 21 nov. 2019, texte n° 27), l’introduction en bourse de FDJ étant même présentée comme un succès (Agence des participations de l’État, communiqué de presse, 20 nov. 2019), le processus de privatisation d’ADP s’est à l’inverse révélé beaucoup plus chaotique. On peut, au passage, se demander si, concernant la privatisation de l’opérateur aéroportuaire, la qualification de « privatisation » est la plus adéquate. Peut-être vaudrait-il mieux parler de concession de longue durée, quoique celle-ci obéisse à un régime en partie original (sur le régime de cette privatisation, v. S. Nicinski, Les privatisations dans la loi PACTE, AJDA 2019. 1261  ; v. égal. nos obs. ss Code des transports Dalloz, éd. 2020, p. 1029).

Pour que le gouvernement puisse mettre en œuvre la privatisation d’ADP, encore fallait-il au préalable que la loi PACTE – sur ce volet particulier – passe sans encombre son examen de passage devant le Conseil constitutionnel. Or c’est là que rien ne s’est pas passé comme prévu. Certes, au titre de leur contrôle de constitutionnalité, les « Sages de la rue Montpensier » n’ont pas censuré le texte, considérant qu’ADP ni ne détient de « monopole de fait » ni n’est en charge d’un « service public national » au sens du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ce qui aurait obligé l’État, dans le cas inverse, à conserver la majorité du capital d’ADP (Cons. const. 16 mai 2019, décis. n° 2019-781 DC, spéc. pts 27 s., Dalloz actualité, 22 mai 2019, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2019. 1077 ; ibid. 1560, étude M. Carpentier ; Rev. sociétés 2019. 493, obs. B. François ; RFDA 2019. 763, chron. A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2019. 364, chron. P. Esplugas-Labatut ).

Mais, de manière totalement inédite, pas moins de 248 parlementaires, de divers bords politiques et qui sont parvenus à s’allier pour la circonstance, ont déposé une proposition de loi référendaire tendant à reconnaître aux activités de la société ADP les caractères de service public national au sens de l’alinéa 9 du Préambule de 1946. Si cette proposition de loi était adoptée, elle aboutirait à faire trancher la privatisation d’ADP par la voie d’un référendum, l’espoir de ses promoteurs étant bien évidemment un vote de rejet lors de celui-ci.

C’est la toute première fois que ce mécanisme de référendum d’initiative partagée (RIP), institué par la constitutionnelle du 23 juillet 2008 sous la présidence Sarkozy, est mis en œuvre. Il doit être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, critère rempli en l’occurrence. Or le Conseil constitutionnel a déclaré cette proposition conforme aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution, tel que modifié en 2008, et par l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (Cons. const. 9 mai 2019, décis. n° 2019-1 RIP). Mais, pour être adoptée, la proposition de loi référendaire doit au surplus recueillir le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,7 millions de personnes, pendant un délai de neuf fois qui suivent la date d’ouverture du recueil des soutiens, soit le 13 juin 2019. Mais l’objectif a très vite semblé inatteignable.

D’autant que la procédure de recueil des soutiens à l’organisation de ce référendum – sous forme d’un enregistrement en ligne sur le site du ministère de l’intérieur – a été vivement critiquée pour son manque de transparence. Elle a même donné lieu à plusieurs recours devant le Conseil constitutionnel, mais chaque fois en vain (v. not. Cons. const. 10 sept. 2019, décis. n° 2019-1-1 RIP, AJDA 2019. 1726 ; ibid. 2443 , note M. Verpeaux ). Il faut dire que, pour désamorcer les critiques, le Conseil constitutionnel avait pris les devants en décidant de rendre public tous les quinze jours, par voie de communiqué, le nombre de soutiens enregistrés sur le site internet du ministère de l’intérieur consacré à la procédure de RIP, en précisant, à chaque fois, la part de ces soutiens ayant franchi avec succès le stade des vérifications administratives auxquelles il incombe au ministère de procéder (communiqués de presse des 30 juill. et 29 août 2019).

La période de recueil des soutiens a pris fin le 12 mars 2020. Le Conseil constitutionnel a constaté que la proposition de loi référendaire n’a recueilli le soutien que de 1 093 030 électeurs inscrits sur les listes électorales, sans surprise bien loin du seuil requis (Cons. const. 26 mars 2020, décis. n° 2019-1-8 RIP). La proposition de loi est de ce fait rejetée, de telle sorte qu’il n’y a désormais plus aucun obstacle juridique à ce que le gouvernement lance le processus de privatisation d’ADP. Mais il est évident que le contexte d’un passage au privé d’ADP ne s’y prête absolument pas. D’une part, parce que, même si les foules ne se sont pas mobilisées, plus un million d’opposants à la privatisation d’ADP, ce n’est pas rien. D’autre part, parce que le contexte de la crise du covid-19 interdit à l’heure actuelle toute privatisation. Cela contribuerait probablement à déstabiliser encore davantage le secteur du transport aérien déjà mis à rude épreuve par cette crise sanitaire. Cela serait également une bien mauvaise affaire financière pour l’État. N’oublions pas, en effet, que, bien que ses capitaux soient majoritairement publics, ADP est une société cotée, qui, comme chacune d’entre elles, a vu son cours de bourse s’effondrer ces derniers jours. 

Est-ce à dire que le projet de privatisation d’ADP est définitivement enterré ? Pas nécessairement, puisque l’autorisation donnée au gouvernement par la loi de PACTE de privatiser ADP est sans limitation de durée. Elle pourrait même théoriquement être mise en œuvre par un gouvernement qui ne serait pas issu de l’actuelle législature. Mais une telle privatisation serait difficile à assumer d’un point de vue politique, même lorsque nous serons revenus à des jours meilleurs.

Auteur d'origine: Delpech

Avec une épidémie de covid-19 qui continue de s’étendre, les prisons, plus fermées que jamais, comptent leurs infectés. La Chancellerie a annoncé, vendredi 27 mars, que 21 détenus ont été testés positifs, tandis que 471 présenteraient les symptômes du virus (en confinement sanitaire). Pour se protéger, a dit la ministre, l’administration pénitentiaire dispose de 116 000 masques et d’éventuellement 100 000 masques disponibles. Cela n’a pas empêché la contamination de 50 personnels pénitentiaires (chiffres du 27 mars) et le placement en quatorzaine de 793 d’entre eux. Un surveillant, en poste à Orléans, est mort dans la nuit du 25 au 26 mars. Parmi les détenus, le premier décès remonte au 16 mars.

Le 17 mars, c’est la fermeture des parloirs : depuis, les détenus, plus que jamais, sont coupés du monde, enfermés dans leur incubateur géant. Cela peut engendrer des situations comme celle-ci, rapportée par l’Observatoire international des prisons : « Appel de la sœur de M. E…, en détention à Nîmes depuis quatre mois. Elle a des sanglots dans la voix : “Nous n’avons plus de nouvelles depuis le confinement. Je ne dors plus, je ne mange plus. Il a 24 ans, il est incarcéré pour pas grand-chose et il va avoir une petite fille au mois d’avril. Son avocat s’est vu refuser sa demande de parloir. Ce n’est pas facile du tout.” » Ou alors ce détenu, rapporte l’OIP, qui a appris l’existence de l’épidémie il y a seulement une semaine.

Si les mesures de confinement sont assez vite adoptées par les unités sanitaires, qui ont l’habitude des maladies contagieuses (la gale sévit en prison, par exemple), les impératifs de confinement et de distanciation sociale sont impossibles à mettre en œuvre, et la pression due à la surpopulation carcérale n’a jamais été aussi menaçante. Une quarantaine d’incidents et des mutineries ont éclaté depuis le début de la crise sanitaire, comme à Uzerche, Tarascon, Argentan ou au Mans, selon le Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP). Dimanche, quatorze incidents ont été signalés, et si aucun nouvel incident n’a été rapporté, la situation demeure « très fragile » et pourrait même empirer, de l’aveu d’un directeur de prison. À la suite des incidents, des condamnations ont été prononcées : cinq à Béziers, deux au Mans, une à Meaux, deux à Fleury-Mérogis, une à Nice. Vendredi, il y avait 20 déferrements en cours, 29 gardes à vue, et 107 mesures disciplinaires.

« La déception en milieu collectif peut entraîner des mutineries »

Au 1er janvier 2010, les prisons comptaient 70 651 détenus, dont 21 075 prévenus. Ils étaient 1 614 à dormir sur un matelas au sol. En maison d’arrêt, la moyenne de la surpopulation carcérale est de 138 %. Seuls 40 % des détenus disposent de cellules individuelles. Ils sont nombreux à partager 9 m2 (toilettes incluses) à deux, trois, parfois quatre détenus (dont l’un dort sur un matelas posé au sol). Dans certains établissements, comme à Agen, il existe même des dortoirs de 20 m2 prévus pour accueillir huit détenus. Ces configurations, complètement inadaptées à l’état d’urgence sanitaire, ont amené la Chancellerie, qui « n’était pas dans cette optique », comme disait Mme Belloubet, à envisager la libération de 5 000 détenus (alors que l’OIP ou la CGLPL, par exemple, appelle à la libération de 12 000 détenus – pour ramener le taux d’occupation à 100 %). Cela se fera uniquement par la voie juridictionnelle, la ministre ayant écarté l’idée de recourir au droit de grâce.

L’ordonnance portant adaptation des règles de procédures pénales prévoit notamment des mesures permettant des réductions de peines supplémentaires, la sortie anticipée de personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans ou qui ont deux mois ou moins à subir, ou encore le report de l’exécution de peines. Censées faire baisser la tension, elles pourraient cependant avoir un effet négatif. « Il risque d’y avoir des réactions de déception de ceux qui pensaient bénéficier de ces mesures mais qui ne présentent pas suffisamment de garanties », estime Jean-Michel Dejenne, conseiller national du SNDP CFDT. « La déception en milieu collectif peut entraîner des mutineries. » Un risque qui prévaut tant en maison d’arrêt qu’en centre de détention. Les personnels n’ont toujours pas de masques, gants et gel, sauf pour ceux qui s’occupent des détenus confinés. « Les agents tiennent plutôt bien et font leur travail. On attend d’avoir les moyens de les rassurer avec les équipements tels que masque et gants », relève M. Dejenne.

Sortir les détenus en fin de peine

Les sorties peuvent se faire par deux voies : les détentions provisoires et les fins de peine. La seconde option semble avoir été privilégiée par la Chancellerie (« je suis opposée à une mesure générale qui viserait à libérer toutes les personnes qui sont en détention provisoire », disait Nicole Belloubet le 26 mars à France Inter), qui exclut néanmoins des bénéficiaires de ces dispositions exceptionnelles les personnes condamnées pour des faits de nature terroriste, pour les auteurs de violences intrafamiliales ainsi que pour les auteurs des crimes les plus graves.

Au tribunal judiciaire de Créteil, « toujours en avance pour tester de nouveaux dispositifs », dit Samra Lambert, juge d’application des peines à Créteil et secrétaire générale de l’ANJAP, les magistrats ont devancé l’appel de la Chancellerie. Depuis le début de la période de crise sanitaire, ils ont systématisé les audiences « hors débat contradictoire », pour libérer au plus vite les personnes obéissant aux critères retenus. Les détenus dont la fin de peine se situe à six, voire huit mois, sont éligibles à cette procédure s’ils n’ont pas été condamnés pour des faits terroristes, de violences conjugales ou pour des crimes graves. Il leur reste à démontrer qu’ils possèdent une adresse fiable pour que le juge de l’application des peines, en accord avec le parquet et après examen individuel de chaque dossier, accorde un aménagement de peine. « J’en suis à un “hors débat” par jour, alors qu’habituellement, c’était un par mois, voire un par trimestre », rapporte Samra Lambert. Depuis une dizaine de jours, le nombre de détenus libérés de la sorte dépasse désormais les soixante-dix. Autre changement : les placements sous surveillance électronique ne sont plus en option, car la pose des bracelets a cessé (sauf cas particuliers), les personnels n’étant plus en mesure, du fait de la crise sanitaire, de venir au domicile de la personne concernée. Ce sont donc les libertés conditionnelles et les placements extérieurs (qui se font au domicile de la personne et non dans des structures dédiées) qui sont décidés, soit des aménagements plus favorables.

Pour Samra Lambert, il est important que les détenus se sachent considérés, et l’existence de ce nouveau « circuit » permet de calmer l’anxiété des détenus de l’établissement de Fresnes, le deuxième de France par sa taille, surpeuplé et parmi les plus vétustes du pays, qui est situé dans le ressort de Créteil. « Nous continuons à assurer les audiences en prison, c’est important qu’ils soient suivis. » Avant, les détenus demandaient : « et si on est confinés, vous continuerez à venir ? », explique-t-elle. La situation à Fresnes, où l’unique détenu décédé du covid-19 était incarcéré, est pour le moment assez calme.

Demandes de mise en liberté nombreuses et infructueuses

Parallèlement, les avocats fourbissent leurs demandes de mise en liberté (qu’ils ne peuvent toujours pas faire par fax ou par mail), qui s’accumulent dans les palais. Avec une audience par jour mutualisée entre les sept chambres de l’instruction, les journées sont chargées, convient-on à la cour d’appel de Paris. Soit une vingtaine de dossiers relatifs à la détention environ à examiner. « Le service est tendu, mais toutes les situations sont examinées au cas par cas, précise la procureure générale près la cour d’appel de Paris Catherine Champrenault. Et nous restons particulièrement vigilants concernant les demandes de remise en liberté des détenus les plus dangereux. »

Les juges d’instruction tirent la langue face aux très nombreuses demandes de mise en liberté. « Nous n’avons pas la capacité de faire face à cet afflux », s’inquiétait mercredi Marion Cackel, présidente de l’Association française des magistrats instructeurs. La magistrate s’interroge sur cette vague, entre demandes opportunes et inquiétudes légitimes de détenus sur la propagation du coronavirus en détention. « À Lille, on arrive encore à traiter toutes les demandes, mais avec de grosses difficultés », précisait-elle. Mais à Bobigny, on croule. Il y aurait eu lundi, selon elle, cent cinquante demandes non traitées encore en stock. À Paris, les magistrats et greffiers traitent quatre-vingts demandes par jour.

Si mercredi les juges d’instruction n’ont pas obtenu de délai supplémentaire pour traiter les demandes de mise en liberté, l’ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale desserre cependant bien l’étau dénoncé par les magistrats. Le délai imparti à la chambre de l’instruction, qui peut être saisie en l’absence de traitement, par le juge d’instruction, de la demande de mise en liberté, est en effet augmenté d’un mois. Autre point de satisfaction pour l’association française des magistrats instructeurs : le gouvernement n’a pas retenu l’option d’un envoi par courriel d’une demande de mise en liberté – les magistrats craignaient dans ce cas une nouvelle vague. « À Lille, l’afflux continue, mais cela commence à baisser dans d’autres juridictions », signale Marion Cackel.

Les avocats ont des arguments à faire valoir, mais se heurtent aux mêmes obstacles qu’en temps normal. « C’est toujours le même scénario, déplore Sylvain Cormier, avocat à Lyon. Le procureur prononce un réquisitoire de deux minutes, se bornant à réciter les critères de la détention provisoire, je plaide et, dans sa décision, le juge des libertés et de la détention, pour rejeter la mise en liberté, m’oppose des éléments qui n’ont pas été développés », déplore-t-il. « Le coronavirus vient amplifier la nécessité d’appliquer la loi », reprend Me Cormier, c’est-à-dire la nécessité de faire de la détention provisoire l’exception qu’elle devrait être. « Alors que l’on constate que les aménagements de peine, ça se passe plutôt bien, ce qui ne fonctionne pas, c’est la détention provisoire, comme d’habitude. »

Auteur d'origine: babonneau

Parmi les nombreuses ordonnances d’adaptation et d’urgence économique parues afin de limiter la propagation de l’épidémie, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 a habilité le gouvernement à adapter les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions administratives.

Adaptation des formations de jugement

L’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 prévoit tout d’abord un certain nombre de mesures pour adapter les formations de jugement des juridictions. En cas d’empêchement ou de vacance de magistrats, l’ordonnance permet au président de juridiction de compléter les formations collégiales par un ou plusieurs magistrats en activité au sein d’une autre juridiction administrative. L’ordonnance autorise les magistrats ayant atteint le grade de conseiller et disposant d’une ancienneté minimale de deux ans, après désignation par le président de la juridiction, à prendre des ordonnances de rejet sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, décisions jusqu’ici réservées aux présidents des formations de jugement.

Aménagement de l’instruction, de l’audience et des modalités de notifications

S’agissant du déroulement de l’instruction, l’ordonnance prévoit que les pièces, actes et avis peuvent, par dérogation aux articles R. 611-1 et suivants du code de justice administrative, être communiqués aux parties « par tout moyen ».

Pour les audiences et par dérogation au principe de publicité prévu à l’article L. 6, le président de la formation de jugement peut décider que l’audience aura lieu hors la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l’audience sera limité. Cette disposition est volontairement plus large que l’article L. 731-1, qui requiert, pour décider d’une audience à huis clos, de justifier de la sauvegarde de l’ordre public ou du respect de l’intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi. L’article 7 de l’ordonnance élargit la possibilité de recourir aux audiences par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces moyens devront permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Le juge administratif sera, en tout état de cause, garant du bon déroulement des échanges ainsi que du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire des débats.

Le rapporteur public pourra, à sa demande et sur décision du président de la formation de jugement, être dispensé de conclusions dans tout type de contentieux, et non plus uniquement ceux qui sont listés à l’article R. 732-1-1.

Les juridictions pourront également statuer sans audience sur les requêtes en référé, à condition d’avoir informé les parties de l’absence d’audience et d’avoir communiqué la date de clôture d’instruction.

Enfin, les décisions pourront être notifiées par mise à disposition au greffe de la juridiction, ou par notification au seul avocat de la partie qu’il représente.

L’ensemble de ces dispositions sont applicables du 12 mars 2020 jusqu’à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire.

Délais de procédure et de jugement 

L’article 15 de l’ordonnance prévoit que les interruptions de délais définies par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s’appliquent aux règles de forclusion gouvernant les recours présentés devant les juridictions administratives, sauf pour les contentieux en matière de droit des étrangers, de droit électoral et d’aide juridictionnelle pour lesquels des règles spécifiques sont déclinées.

Les clôtures d’instruction dont le terme initialement fixé viendrait à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire sont automatiquement prorogées, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période.

Sauf en matière d’étrangers et d’élections, les juridictions disposent d’un délai supplémentaire pour statuer sur les requêtes : le point de départ des délais impartis est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Auteur d'origine: pastor
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Lire la décision du Conseil d’État

 

Des associations et syndicats ont demandé au Conseil d’État d’enjoindre à l’administration de fermer les CRA pour la durée de l’épidémie de covid-19. Le juge du référé-liberté doit se prononcer ce vendredi dans la journée.

Depuis le début du confinement, de nombreuses personnes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) font des demandes de mise en liberté, au motif notamment que la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19 les menace tout particulièrement, eux qui, privés de libertés et de gel hydroalcoolique, sont particulièrement vulnérables. Alors les CRA se vident. Mais certains juges de la liberté et de la détention, certains conseillers près les cours d’appel continuent de refuser ces mises en liberté et accordent à la préfecture, qui place encore des personnes en CRA (principalement des sortants de prison), la prolongation de leur délai de rétention. C’est pourquoi demeurent 160 retenus en France, dans ces centres qui peuvent en accueillir 1 900.

Ainsi, des associations, syndicats, organisations professionnelles (GISTI, ADDE, CIMADE, SAF, CNB) ont soutenu une demande de référé-liberté devant le Conseil d’État (compétent en premier et dernier ressort pour les actes réglementaires des ministres), instruit jeudi 26 mars. Ils ont demandé d’enjoindre à l’administration de fermer les centres de rétention administrative pour le temps de l’épidémie.

Les personnes restantes, disent les requérants, se trouvent toujours actuellement placées en retenue administrative malgré des conditions de retenue dégradées, voire dangereuses en raison de la propagation du virus, tant pour la santé des retenus que pour celles des fonctionnaires et des salariés d’association travaillant dans les centres de rétention. Or les conditions sanitaires dans les CRA ne protègent pas ses occupants. Il a par exemple été rapporté qu’au CRA d’Oissel (Seine-Maritime), des retenus comparaissant en visioconférence étaient entassés dans des parloirs exigus où ils patientaient avec leurs escortes, sans gants ni masque. Dans de nombreux CRA, il y a une semaine encore, le gel hydroalcoolique manquait et les retenus, encore nombreux, partageaient des chambrées de quatre ou cinq personnes, ainsi que des tablées, à la cantine encore ouverte (à Oissel notamment). Ce n’est que le 17 mars (d’après le document fourni par la représentante du ministère de l’intérieur à l’audience) qu’un protocole a été signé et mis en place, mais du fait de la configuration des lieux et de la promiscuité qui peut régner dans les CRA, le risque sanitaire demeure. « Il n’est pas acceptable de ne pas tenir pour établie la réalité d’une contamination a minima de certains membres du personnel du CRA, rendant possible et probable le risque d’une contamination généralisée des retenus », soutiennent les requérants.

Ils se fondent sur le droit à la vie et le droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants et sur une décision (CE 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Dalloz actualité, 18 nov. 2011, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ) qui considère que, « lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence ».

Plus récemment, « il a ainsi retenu que l’action ou la carence de l’autorité publique, s’agissant de la prévention de la propagation de ce virus, crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que le juge des référés pouvait, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence » (CE 22 mars 2020, Syndicat Jeunes Médecins, Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor).

Un lieu « non indispensable à la nation »

Par ailleurs, l’arrêté du 14 mars 2020 a interdit l’accueil du public dans les salles de spectacles, magasins de vente, débits de boissons, bibliothèques, salles d’exposition, établissements sportifs couverts, musées, établissements de plein air, établissements d’éveil, centres d’hébergement. Les établissements recevant le plus large public et demeurant ouverts sont les centres hospitaliers, les établissements pénitentiaires et les centres de rétention administrative.

En réalité, disent les requérants, les CRA ne sont pas « essentiels à la vie de la nation ». Le maintien des retenus dans ces centres est d’autant moins indispensable et d’autant plus inutile que « l’exécution de leur éloignement est obérée, voire rendue impossible, par le conteste actuel » : suppression des vols aériens au départ de la France, fermeture des frontières de plusieurs pays, notamment ceux du Maghreb. En réponse, le ministère informe qu’il est encore procédé à des expulsions, de une à huit par jour. En général, les personnes sont placées en quatorzaine à leur arrivée dans leur pays. En outre, il reste désormais dans les centres, presque exclusivement, des sortants de prison, dont le ministère estime que leur remise en liberté pourrait constituer un trouble à l’ordre public.

Mais pour les requérants, les CRA sont non seulement dispensables mais aussi nuisibles. Par leur fonctionnement, ils occasionnent des entrées et sorties quotidiennes, et ainsi favorisent la circulation du virus, alors même que, comme il a été rappelé, il n’est pas possible d’assurer les recommandations sanitaires satisfaisantes, faute de matériel. Et si ce matériel était fourni aux CRA, les structures hospitalières en seraient corrélativement privées, alors même qu’il est patent que les soignants en manquent, ce qui n’est pas tolérable en cette période.

Les requérants concluent : « le maintien en activité des centres de rétention contribue au développement de la pandémie, au sein des centres en question et, par suite, au sein de la société toute entière. Ainsi, le maintien en activité de ces centres n’est ni pertinent, ni nécessaire, ni proportionné au but recherché, en l’état du confinement général des populations et de la fermeture des frontières ».

La décision sera rendue ce vendredi 27 mars dans la journée.

Auteur d'origine: Bley

La loi ordinaire du 23 mars 2020, examinée et adoptée en urgence par les deux chambres pour répondre à l’épidémie de covid-19, est parue au Journal officiel du 24 mars. La loi organique est, quant à elle, conformément à la Constitution, soumise à l’examen préalable du Conseil constitutionnel.

La loi ordinaire crée dans le code de la santé publique le régime de l’état d’urgence sanitaire, qu’elle prononce pour une durée de deux mois à compter du 25 mars sur l’ensemble du territoire national. L’état d’urgence sanitaire, déclaré par décret en conseil des ministres, autorise le premier ministre à prendre un ensemble de mesures restrictives de police sanitaire pour garantir la santé publique de la population (restriction de circulation, interdiction de sorties du domicile, mesures de quarantaine et de placement en isolement, fermeture provisoire des établissements recevant du public, droit de réquisition). Afin de prévenir le risque d’une atteinte excessive aux libertés publiques, la loi a prévu que ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, adapter l’organisation et le fonctionnement du dispositif de santé pour mieux répondre à la crise sanitaire.

Répondre aux situations urgentes

La loi ordinaire comporte les dispositions législatives nécessaires au report des élections municipales, ainsi qu’une série d’habilitations autorisant le gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois, les nombreuses ordonnances permettant de faire face aux conséquences économiques et financières de la propagation de l’épidémie. Ces ordonnances, qui concernent essentiellement le droit du travail et des entreprises, devront être prises dans un délai de trois mois et pourront, si nécessaire, être assorties d’un effet rétroactif à compter du 12 mars.

En matière de droit des étrangers, la loi prévoit le prolongement de la durée de validité de l’ensemble des titres de séjour et récépissés qui expirent durant la crise sanitaire. Sur l’aspect social, elle interdit notamment aux départements de mettre fin à la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance des mineurs devenus majeurs.

Pour tirer les conséquences de la baisse d’activité au sein des ministères, la loi sécurise les prochaines ordonnances en prorogeant de quatre mois tous les délais d’habilitation fixés par le législateur.

Enfin, une loi de finances rectificative pour 2020 a été prise pour ouvrir les crédits nécessaires à la gestion de l’épidémie, pour créer le plan d’urgence de 6,25 milliards d’euros qui viendra financer le dispositif de chômage partiel et pour instaurer la garantie bancaire de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros en faveur des entreprises qui ont contracté des emprunts pour leurs besoins de trésorerie.

Le confinement précisé en exécution de l’ordonnance du Conseil d’État

Pris en application du nouveau régime d’état d’urgence sanitaire, le décret du 23 mars 2020 regroupe l’ensemble des mesures réglementaires déjà édictées et qui concernent l’encadrement des déplacements et des transports, l’interdiction des rassemblements, la liste des établissements autorisés à accueillir du public, les dispositions de contrôle des prix des solutions hydroalcooliques et le dispositif de réquisition des masques de protection.

L’article 3 du décret, qui reprend les mesures de confinement organisées depuis le 16 mars, tire les conséquences de l’ordonnance de référé rendue par la formation collégiale du Conseil d’État le 22 mars 2020 (v. Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor). En effet à cette occasion, la haute juridiction a enjoint au gouvernement, d’une part, de préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé et, d’autre part, de réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement.

S’agissant de la dérogation pour raison de santé, sont donc désormais interdits les déplacements pour des consultations ou des soins pouvant être assurés à distance, mais aussi les déplacements qui peuvent être différés. Sont donc uniquement autorisés les déplacements médicaux urgents et les déplacements des patients atteints d’une affection de longue durée.

Pour les déplacements brefs à proximité du domicile, le gouvernement a décidé de les maintenir tout en renforçant leur encadrement. Désormais, ces déplacements sont limités à une heure par jour et doivent être effectués dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile. Alors même que le Conseil d’État invitait les pouvoirs publics à restreindre le périmètre de cette autorisation compte tenu des enjeux de santé publique, le décret reconnaît, en plus des sorties liées à une activité physique et aux besoins des animaux de compagnie, le droit à la promenade « avec les seules personnes regroupées dans un même domicile », à exercer dans les mêmes conditions.

Auteur d'origine: pastor

Moins d’une semaine après sa présentation en conseil des ministres, le 18 mars dernier, la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 a été publiée au Journal officiel, soit le 24 mars. La mesure emblématique contenue dans ce texte consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros (art. 6). A également été publié un arrêté qui fixe le cahier des charges des prêts éligibles à la garantie de l’État et précise les conditions d’octroi de celle-ci. Ce dispositif se veut « massif et inédit », selon les termes de Bruno Le Maire. Massif, car le montant plafond de la garantie s’élève tout de même à près de 15 % du PIB français (il reste toutefois à espérer qu’il ne sera pas utile d’utiliser cette « enveloppe » dans sa totalité). Inédit, compte tenu à la fois de la rapidité dans l’élaboration et le vote de ce dispositif et de son contenu, qui ne paraît se rattacher à aucun des instruments qui avaient jusque-là été conçus par la puissance publique dans des situations de crise (on se souvient, en particulier, que, lors de la crise financière de 2008-2009, l’État avait privilégié un instrument juridique éprouvé, notamment en faveur du secteur de l’automobile, à savoir le prêt participatif). Relevons également qu’il a une vaste portée géographique, puisqu’il s’applique, outre dans la métropole, dans les départements d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans îles Wallis et Futuna (art. 6, VIII).

Entreprises éligibles

La garantie couvre le remboursement du crédit, à la fois en principal, intérêts et accessoires (art. 6, II). Mais elle ne bénéficie pas à toutes les entreprises. Ce sont seulement les entreprises françaises, précisément les « entreprises non financières immatriculées en France », qui y sont éligibles (art. 6, I). Comme le précise l’arrêté d’application du 23 mars 2020 (art. 3), sont concernées les entreprises de toute taille, quelle que soit leur forme juridique (notamment sociétés, commerçants, artisans, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique), à l’exception des sociétés civiles immobilières, des établissements de crédit et des sociétés de financement, pourront demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’État pour soutenir leur trésorerie. Les entreprises concernées ne doivent pas faire l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation). En revanche, les entreprises faisant l’objet d’une procédure préventive de type conciliation sont éligibles à la garantie.

S’agissant des grandes entreprises, on aurait pu croire qu’elles seraient exclues du dispositif, compte tenu de la réglementation européenne sur les aides d’État (régime des aides de minimis). Il n’en est rien, mais, dans la mesure où, en ce qui les concerne, c’est le ministre qui est décisionnaire sur l’octroi de la garantie (v. infra), nul doute que celui-ci va prendre en compte l’effet anticoncurrentiel éventuel de la garantie dans sa décision de l’octroyer ou non à l’entreprise qui la sollicite.

Prêts éligibles

La garantie de l’État concerne les prêts octroyés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 (art. 6, I), c’est-à-dire pendant la période de confinement et celle qui va suivre, au cours desquelles il est fort à craindre que nombre d’entreprises sevrées de recettes auront vu leur situation financière fragilisée, de telle sorte que l’accès au crédit devrait être problématique. Ces prêts, a précisé le ministre, sont destinés à permettre « de soulager la trésorerie des entreprises et des professionnels qui subissent le choc lié à l’urgence sanitaire ». Il ne s’agit pas de crédit d’investissement, par exemple. Par ailleurs, ce mécanisme de garantie ne concerne en aucune manière les prêts qui avaient été consentis avant la date fatidique du 16 mars et pour lesquels de nombreuses entreprises auront les pires difficultés à faire face à leurs échéances de remboursement. Ce problème n’est pas mince et préoccupe, outre les entreprises concernées, tant les établissements de crédit que les pouvoirs publics. Mais sa solution – s’il y en a une – relève d’autres instruments. On pense en particulier à la prochaine réforme du droit des entreprises en difficulté qui doit être adoptée dans les trois mois par voie d’ordonnance en vertu de l’habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (art. 11, I, 1°, d) : cette ordonnance doit « [adapter] les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations »). On pense également au dispositif du médiateur du crédit aux entreprises, d’ailleurs créé à la suite de la crise de 2008-2009, mais ses moyens – qui relèvent essentiellement de la persuasion – sont extrêmement limités.

La loi de finances rectificative pour 2020 du 23 mars 2020, complétée par l’arrêté du même jour, apporte des précisions sur les prêts éligibles à la garantie (art. 6, III). Elle précise qu’ils doivent répondre à un cahier des charges défini par l’arrêté précité du 23 mars 2020. Mais la loi fournit néanmoins quelques lignes directrices. Ils doivent comporter un différé d’amortissement minimal de douze mois et une clause donnant à l’emprunteur la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle calculée en nombre d’années, selon son choix et dans la limite d’un nombre maximal d’années précisé par le même arrêté. De plus, les concours totaux apportés par l’établissement prêteur à l’entreprise concernée ne doivent pas avoir diminué, lors de l’octroi de la garantie, par rapport au niveau qui était le leur le 16 mars 2020. Pour répondre à ces exigences, l’arrêté précise que sont éligibles les prêts qui présentent l’ensemble des caractéristiques suivantes : un différé d’amortissement minimal de douze mois ; une clause donnant aux emprunteurs la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle de un, deux, trois, quatre, ou cinq ans. Dans la mesure où ces prêts pourront être remboursés sur une période allant jusqu’à six ans, ce qui est tout de même relativement long, cela devrait permettre à l’entreprise bénéficiaire d’un tel prêt de reconstituer des marges de manœuvre financières, une fois la reprise intervenue.

L’établissement prêteur doit en outre démontrer, en cas de demande de mise en jeu de la garantie, « qu’après l’octroi du prêt couvert par cette garantie, le niveau des concours qu’il détenait vis-à-vis de l’emprunteur était supérieur au niveau des concours qu’il apportait à ce dernier à la date du 16 mars 2020, corrigé des réductions intervenues entre ces deux dates et résultant de l’échéancier contractuel antérieur au 16 mars 2020 ou d’une décision de l’emprunteur » (art. 2). L’absence de diminution du montant des concours par le banquier prêteur constitue donc une condition du bénéfice de la garantie, la charge de la preuve reposant sur ce dernier lorsqu’il met en jeu la garantie. En d’autres termes, la diminution du montant des concours à la suite du 16 mars 2020 s’analyse en une cause de déchéance de la garantie. La sanction est originale, mais elle s’explique par une exigence dictée par le contexte du moment : garantir aux entreprises une stabilité dans l’accès au crédit.

Enfin, une même entreprise ne peut bénéficier de prêts couverts par la garantie de l’État pour un montant total supérieur à un certain plafond. Il est défini comme suit : pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, la masse salariale France estimée sur les deux premières années d’activité ; pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, 25 % du chiffre d’affaires 2019 constaté ou, le cas échéant, de la dernière année disponible. Dans les cas où Bpifrance Financement SA, chargé de la gestion du dispositif de la garantie d’État (v. infra), reçoit la notification de plusieurs prêts consentis à une même entreprise, la garantie de l’État est acquise dans l’ordre chronologique d’octroi de ces prêts, et à condition que leur montant cumulé reste inférieur au plafond ci-dessus. Le contrat de prêt peut même prévoir une « clause de sauvegarde » selon laquelle son remboursement deviendrait immédiatement exigible en cas de détection, postérieurement à l’octroi du prêt, du non-respect du cahier des charges, « d’une information intentionnellement erronée à l’établissement prêteur ou à Bpifrance Financement SA » (arr. du 23 mars 2020, art. 5).

Caractéristiques de la garantie d’État

La loi de finances rectificative pour 2020 et son arrêté d’application décrivent, par ailleurs, les caractéristiques de la garantie d’État. On précisera d’emblée que rien n’est dit sur sa nature. On sait seulement que c’est une sûreté personnelle. Il est permis d’hésiter entre le cautionnement et la garantie autonome, la seconde étant évidemment plus favorable aux intérêts de la banque prêteuse. La seconde alternative semble devoir être privilégiée car le communiqué de presse du ministère de l’économie précise que « la garantie couvrira de manière automatique tous les prêts de trésorerie ». On sait également que cette garantie est exclusive de toute autre sûreté ou garantie (arr. du 23 mars 2020, art. 1er).

Il est par ailleurs précisé que la garantie ne couvre pas la totalité du prêt, mais un pourcentage de celui-ci qui dépend de la taille de l’entreprise bénéficiaire : 90 % pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, ou si elles n’ont jamais clôturé d’exercice, au 16 mars 2019, emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ; 80 % pour les autres entreprises qui, lors du dernier exercice clos, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros et inférieur à 5 milliards d’euros ; 70 % pour les autres entreprises. Le montant indemnisable, c’est-à-dire celui qui est pris en charge par la garantie de l’État, « correspond à la perte constatée, le cas échéant, postérieurement à l’exercice par l’établissement prêteur de toutes les voies de droit amiables et éventuellement judiciaires, dans la mesure où elles auront pu normalement s’exercer, et à défaut, l’assignation auprès de la juridiction compétente en vue de l’ouverture d’une procédure collective, faisant suite à un événement de crédit ». L’arrêté précise le mode de calcul à retenir dans l’hypothèse où l’entreprise fait l’objet d’une restructuration, dans un cadre judiciaire ou amiable, ou d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) (arr. du 23 mars 2020, art. 6). Par hypothèse, cette procédure collective aura été déclenchée postérieurement à l’octroi du prêt bénéficiant de la garantie de l’État, car, comme on l’a dit, une procédure sous procédure collective n’est pas éligible à la garantie.

Enfin, la garantie sera tarifée à un coût qui se veut modique et qui dépend de la taille de l’entreprise et de la maturité du prêt (arr. du 23 mars 2020, art. 7). Par exemple, elle s’élèvera à 0,25 % pour un prêt d’un an accordé à une PME au sens du droit de l’Union européenne (entreprises qui emploient plus de 250 salariés, ou ont un chiffre d’affaires qui excède 50 millions d’euros ou un total de bilan qui excède 43 millions d’euros) et à 0,50 % pour un prêt de même durée consenti à une entreprise de plus grande taille.

Procédure d’octroi de la garantie

Afin de « répondre à une demande potentiellement nombreuse et urgente », selon les termes de l’exposé des motifs, la garantie doit être octroyée selon une procédure qui se veut aussi simple que possible. La loi du 23 mars 2020 apporte cependant une distinction, en fonction de la taille de l’entreprise (art. 6, V). S’agissant des crédits consentis aux entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins 5 000 salariés et ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, la garantie sera octroyée sur la base d’un arrêté – individuel – du ministre chargé de l’économie. Le ministre décidera donc au cas par cas du bien-fondé de la demande de bénéficie de la garantie. Il pourra, en particulier, s’assurer que l’octroi de la garantie n’a pas pour effet de fausser la concurrence, conformément aux exigences de la législation européenne des aides d’État dont l’application n’est pas écartée en cette période de crise (TFUE, art. 107 s.).

Pour toutes les autres entreprises, en revanche, celles de plus petite taille, les crédits octroyés bénéficieront de la garantie de l’État dès lors qu’ils rempliront les conditions du cahier des charges et sur simple notification à Bpifrance Financement SA. L’arrêté du 23 mars 2020 apporte des précisions sur le formalisme auquel doit obéir cette notification : l’établissement prêteur qui souhaite faire bénéficier de la garantie de l’État l’entreprise emprunteuse est tenu de notifier « à Bpifrance Financement SA de l’octroi de ce prêt via un système unique dédié et sécurisé reposant sur un format de fichier standardisé, que met à disposition de l’établissement prêteur Bpifrance Financement SA dans le cadre d’une convention conclue entre ces derniers » (arr. du 23 mars 2020, art. 4).

Gouvernance du dispositif

La loi du 23 mars 2020 (art. 6, VI) prévoit que l’État charge la banque publique Bpifrance Financement SA, sous son contrôle, pour son compte et en son nom, de l’administration du dispositif : suivi des encours et des prêts garantis, perception des commissions de garantie, vérification, en cas d’appel de la garantie, que les conditions définies dans le cahier des charges sont remplies et paiement des sommes dues, remboursées par l’État dans des conditions fixées par une convention qu’il conclut avec le ministre chargé de l’économie. Cette mission sera assurée à titre gratuit. Comme l’a affirmé Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance dans une formule imagée – qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la période de « guerre froide » –, « Bpifrance contribue au pont aérien de cash vers les entreprises ».

Par ailleurs, va être mis en place un comité de suivi, placé auprès du premier ministre, « chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19 ». L’une de ses missions – la principale à n’en pas douter – sera de suivre et d’évaluer la mise en œuvre du mécanisme de garantie qui vient d’être mis en place.

Conclusion

Le cadre juridique du « prêt garanti par l’État » est depuis ce 24 mars opérationnel. Il a été conçu, discuté, voté et, enfin, publié en un temps record. Sur le plan technique, Bpifrance est parvenue à développer en soixante-douze heures la plateforme nécessaire à la gestion la plus fluide possible de ce dispositif massif. Ce ne sont pas de minces exploits. Mais son succès dépend aussi d’autres facteurs. D’abord, que les banques soient bien au rendez-vous, car ce sont elles qui consentent des crédits et pas l’État ; ne nous y trompons pas. Les récents propos de Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française, se veulent à cet égard rassurants : « l’engagement de nos réseaux et de nos collaborateurs pour soutenir l’économie française est total. Nous répondons présents sur tous les territoires auprès de tous nos clients. […]. Les banques sont et seront là ! » Ensuite, et c’est là l’essentiel, que les entreprises soient demandeuses. Cela suppose, d’une part, que, bien qu’actuellement largement privées d’activité, elles parviennent à survivre à cette période de confinement, puis, d’autre part, une fois que le confinement aura pris fin, qu’elles se projettent avec optimisme dans l’avenir.

Auteur d'origine: Delpech

En novembre 2017, l’AMF a notifié à la société Arkéa Direct Bank des griefs tirés de la méconnaissance de dispositions du code monétaire et financier ainsi que du règlement général de l’Autorité. Elle a assorti la notification de ces griefs d’une proposition d’entrée en voie de composition administrative, inspirée de la procédure de composition pénale (C. mon. fin., art. L. 621-14-1). Un accord, conclu en avril 2018 entre le secrétaire général de l’AMF et la société, a été validé par le collège de l’AMF. Toutefois, par une décision du 27 juin 2018, la commission des sanctions de l’AMF a refusé d’homologuer l’accord. Le président de l’AMF et la société Arkéa Direct Bank ont saisi le Conseil d’État aux fins d’annulation de cette décision.

S’agissant de la composition administrative, celle-ci doit être homologuée par la commission des sanctions de l’AMF, qui est compétente pour prendre les décisions de sanction à l’issue des poursuites engagées par le collège. Si la commission refuse l’homologation, il lui revient « d’indiquer, même de manière succincte pour ne pas risquer de préjuger l’appréciation qu’elle portera ensuite sur le bien-fondé des griefs notifiés ou sur le quantum de la sanction éventuelle, quel est le motif qui justifie son refus ».

Pas de procédure contradictoire pour refuser d’homologuer l’accord

Selon le Conseil d’État, la décision prise par la commission des sanctions refusant l’homologation d’un accord de composition administrative validé par le collège de l’Autorité des marchés financiers « n’entre dans aucun des cas prévus par l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration auxquels est applicable une procédure contradictoire préalable. Le moyen tiré de ce que le refus attaqué aurait dû être précédé d’une procédure contradictoire doit donc être écarté ».

En revanche, la commission peut refuser d’homologuer l’accord lorsque l’affaire pose une question nouvelle et difficile qu’elle estime devoir trancher elle-même. « [Elle] peut légalement fonder son refus d’homologuer une composition administrative sur la circonstance que, eu égard aux textes applicables et aux circonstances de fait, les griefs notifiés soulèvent une question qui, par sa nouveauté et sa difficulté, justifie, au regard notamment de l’exigence de prévisibilité de l’application des normes régissant l’activité des professionnels concernés, qu’elle soit expressément tranchée à l’issue d’une procédure contradictoire menée devant la commission des sanctions. »

La commission des sanctions pourra alors, par une décision rendue à l’issue d’une procédure contradictoire devant elle plutôt que par la simple homologation d’un accord, préciser les obligations qui pèsent sur les professionnels soumis à la régulation financière afin d’en assurer la clarté et la prévisibilité. En l’espèce, le président de l’AMF et la société Arkéa Direct Bank ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision de la commission des sanctions.

Auteur d'origine: pastor

La justice n’est jamais linéaire. Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, avec des règles de confinement de plus en plus strictes, notamment dans les prisons, les avocats ont fait auprès des juges d’instruction des centaines de demandes de mise en liberté pour leur client, en détention provisoire (soit 30 % de la totalité des personnes incarcérées), obligeant les juridictions au ralenti à gérer un nouvel afflux de décisions enserrées dans des délais procéduraux courts.

Le 17 mars, au nom de la situation sanitaire actuelle, était donc adressée une demande de mise en liberté en urgence d’un homme, soupçonné notamment de trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs, en liaison avec la Tunisie. Il est en détention depuis quatre mois. Deux jours plus tard, la demande était rejetée. Selon le magistrat instructeur parisien, l’intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes – réitération à craindre et utilisation de fausses identités. Il faut d’abord « protéger sa personne car, au regard de la situation sanitaire du pays, sa libération, dans des conditions non maîtrisées, fait courir un risque sanitaire majeur à la population, la maison d’arrêt garantissant un minimum d’hygiène et de sécurité ». Ensuite, poursuit le magistrat, « les arguments développés dans la demande de mise en liberté doivent être écartés dans la mesure où il est purement inexact d’affirmer que le milieu carcéral ne le protège pas des risques de pandémies. En effet, cette affirmation ne repose sur aucune donnée sanitaire ni sociologique. Par ailleurs, les institutions ont entrepris des mesures de confinement adaptées. Le détenu ne souffre d’aucune maladie le mettant en danger si bien que ce seul argument est inopérant ». Enfin, il reste des interrogatoires, prévus en avril, il est impossible de le libérer.

Une aberration pour son avocat, Sébastien Schapira, qui rappelle, dans un courrier d’observation adressé au juge des libertés et de la détention, la teneur de la circulaire du 14 mars 2020 relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie covid-19 qui précise, au contraire, qu’il faut limiter au maximum le nombre de personnes détenues en différant notamment « la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement ». Et il ajoute les propos du Contrôleur général des lieux de privation, ceux de l’association des Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), de l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), de l’Observatoire international des prisons (OIP), du syndicat de la magistrature (SM) ou encore ceux du syndicat des avocats de France (SAF), qui, tous, ont alerté les pouvoirs publics sur le danger évident d’un confinement total en prison.

À l’appui également de ses observations, la décision d’un autre juge d’instruction, datant du 20 mars. Dans cette affaire, un homme en détention provisoire depuis le 11 septembre 2019 est soupçonné de fraude fiscale et de travail dissimulé. La demande de mise en liberté est ici acceptée. Le magistrat instructeur de Bobigny se fonde, lui aussi, sur la situation sanitaire mais raisonne différemment. Selon lui, « le pays est confronté à une accélération de la propagation du virus covid-19. Or, dans ce cadre, un certain nombre de mesures “barrières” sont devenues impératives, en particulier le respect d’une distance minimale d’un mètre entre chaque personne et l’obligation de se laver régulièrement les mains avec un produit idoine. De plus, le président de la République a annoncé, le 16 mars 2020, un renforcement des mesures pour éviter le contact entre les personnes, principal facteur de la diffusion du virus et la mise sous confinement de la quasi-totalité de la population. Or il apparaît clairement que les conditions de fonctionnement des établissements pénitentiaires ne permettent pas le respect de la totalité des mesures “barrières”. De plus, comme le précise la dépêche du ministre de la justice en date du 17 mars 2020, en ce qui concerne les établissements pénitentiaires, les restrictions renforcées des déplacements et regroupements dans les quinze prochains jours ne permettent plus aux intervenants extérieurs de se rendre en détention pour y assurer ou encadrer les activités (travail, formation professionnelle, activités socioculturelles et d’enseignement, etc.) et ne permettent pas non plus aux familles d’accéder aux parloirs et UVF. Si ces constatations ne doivent pas entraîner ipso facto une remise en liberté qui serait motivée exclusivement sur les risques sanitaires encourus, risques qui, au demeurant, existent également à l’extérieur des établissements pénitentiaires, elles doivent néanmoins entrer en ligne de compte au regard des motifs de maintien en détention retenus et de la gravité de l’infraction reprochée ».

Empêcher une concertation frauduleuse entre le mis en examen et ses éventuels complices ? Certes, mais tous les interrogatoires et confrontations ayant été reportés, « il apparaît impossible d’en faire supporter les conséquences » à la personne soupçonnée. Garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice ? La fermeture des frontières rend « hautement improbable » tout risque de fuite. Le détenu est libéré et placé sous contrôle judiciaire.

À Paris, il faudra attendre la décision du juge des libertés et de la détention.

Auteur d'origine: babonneau

En introduction de la journée, Édouard Philippe donne un long discours sur la situation et les enjeux du texte. « Je vous remercie très sincèrement de la rapidité avec laquelle vous avez fait prévaloir une forme d’union sacrée. »

Jean-Luc Mélenchon : « Nos personnes sont sacrées ! » 

Rires de l’hémicycle. Philippe : « Dans cette heure grave, faire sourire ses collègues n’est jamais inutile. » Ce sera une des seules pointes d’humour de la journée, empreinte de gravité.

« Pour BFM TV, ce sera génial ! »

L’après-midi, les députés démarrent leur travail : étudier le texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les députés d’opposition soulèvent plusieurs failles, sur la publicité des avis scientifiques ou le contrôle parlementaire. À plusieurs reprises, leurs interpellations aboutissent : le gouvernement voit la difficulté, la séance est suspendue et, vingt minutes, plus tard la séance reprend avec un amendement de compromis, rédigé au banc.

En fin d’après-midi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, porte un amendement de dernière minute sur les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. Le texte initial prévoyait une contravention de quatrième classe (135 €) en cas de non-respect des obligations. Depuis, les personnes refusant le confinement sont devenues un sujet médiatique, et donc politique. « Pour assurer la réalité de ce confinement et pour dissuader les personnes qui ne le respecteraient pas, nous proposons de transformer cette amende en un délit, puni d’une peine de prison, pour qu’il y ait un véritable effet dissuasif et, par là même, un effet préventif. »

L’idée de traîner en comparution immédiate une personne qui serait sortie deux fois hors de chez elle, en ces temps d’émeutes carcérales, gêne considérablement les députés. Ni le principe de légalité des délits ni celui de proportionnalité des peines ne sont respectés. La rapporteure du texte se contente d’un mot, « favorable », et les députés En Marche et Modem se taisent. En langage parlementaire, pour exprimer son désaccord envers le gouvernement, un député de la majorité se tait.

En chœur, l’opposition souligne les failles de ce projet. Du PCF à LR, tous trouvent l’idée excessive. Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir : « Là, on a un effet d’affichage : pour BFM TV, ce sera génial ! Je suis pour la répression, à condition qu’elle soit effective, car là on est surtout dans la com. »

« Une fois n’est pas coutume », Danièle Obono (FI) va dans le sens de ses collègues : « On réagit, on surréagit, en pensant qu’il suffira d’une annonce au 20 heures pour régler les choses. D’un point de vue pédagogique, c’est disproportionné et contre-productif. Et nos prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont surpeuplées. » La rapporteure Marie Guévenoux prend enfin la parole : « Je vais dans le même sens que l’ensemble des orateurs pour proposer une suspension. Je pense qu’il faut qu’on réussisse à trouver ensemble une solution. »

La séance est suspendue, afin de trouver une rédaction de compromis. Celle-ci est trouvée une heure après. La récidive sera punie d’une contravention de cinquième classe (1 500 €). Ce n’est qu’au quatrième constat que l’infraction sera passible d’une peine de prison. L’amendement pose encore problème (légalité du délit, contrôle de la récidive) mais il est plus acceptable. Et le gouvernement a son signal fort.

« Une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles »

À 3h20 du matin, les députés commencent l’étude du projet de loi organique qui n’est composé que d’un article : celui-ci suspend les délais d’examen de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Comme de nombreuses autres institutions, le Conseil constitutionnel est bloqué : pour la première fois, la semaine dernière, il n’a pas pu répondre à une QPC.

Jean-Christophe Lagarde soulève une faille : « Nous venons de voter une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles, attentant à un certain nombre de choses proprement exceptionnelles. Je ne demande qu’une chose : que ce que nous venons de voter ne soit pas exonéré d’un contrôle de constitutionnalité, parce qu’on aurait prolongé les délais des QPC. »

Christophe Castaner : « Si on prévoyait la possibilité pour l’ensemble de ce qui vient d’être voté de faire l’objet de recours et de QPC, ce serait organiser notre propre incapacité de mettre en œuvre dans l’urgence les mesures dont nous parlons. »

L’amendement est rejeté. Mais parce que c’est un texte organique, le Conseil constitutionnel étudiera obligatoirement cet article, qui suspend son action. Il pourrait aussi soulever un autre problème : l’article 46 de la Constitution prévoit que, même en urgence, un projet de loi organique ne peut être étudié par le Parlement moins de quinze jours après son dépôt. Supportera-t-il aussi bien l’urgence que le Parlement ?

Les mesures adoptées définitivement par la CMP

Dimanche, députés et sénateurs se sont réunis pour trouver un compromis. Après une longue réunion, ils se sont entendus sur un texte, qui a été adopté définitivement dès dimanche soir. Parmi les évolutions :

• sur l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a imposé une liste plus limitative que ce que souhaitait le gouvernement. Les mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus. Elles pourront être contestées en référé. Le contrôle parlementaire sera limité à l’état d’urgence (et non à toute la loi) ;

• sur les ordonnances, le gouvernement a fait le choix de renvoyer celles sur les congés au dialogue social. L’employeur aura plus de latitude sur les jours de RTT ;

• pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’application de la carence en cas d’arrêt de travail est suspendue, pour l’ensemble des régimes ;

• la carence de trois mois des expatriés revenant en France pour l’affiliation à l’assurance maladie et maternité est suspendue ;

• pour les communes où il faut un second tour des élections municipales, un rapport rendu le 23 mai établira si le scrutin peut avoir lieu le 21 juin. Dans ce cas, les listes devront être déposées le 2 juin. Les exécutifs municipaux et communautaires qui exerceraient avant les élections resteront en fonction jusqu’à ce que la situation sanitaire permette de réunir les nouveaux conseils.

 

Sur ce projet de loi, lire également :

• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020

• Les députés s’embourbent malgré l’urgence, par Pierre Januel le 21 mars 2020

Auteur d'origine: babonneau

Le Conseil d’État rejette la demande de confinement total et enjoint au gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions.

Il appartient aux autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie.

Si un confinement total de la population dans certaines zones peut être envisagé, les mesures demandées au plan national ne peuvent, s’agissant en premier lieu du ravitaillement à domicile de la population, être adoptées, et organisées sur l’ensemble du territoire national, compte tenu des moyens dont l’administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l’acheminement des matériels indispensables à cette protection.

En l’état actuel de l’épidémie, si l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une carence, celle-ci est toutefois susceptible d’être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné.

Il est enjoint au premier ministre et au ministre de la santé de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :

préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;
 réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;
 évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

 

L’audience devant le Conseil d’État a eu lieu dimanche 22 mars, dans la matinée. Voici le récit d’audience.

 

L’atmosphère était plus étrange que solennelle ce dimanche 22 mars place du Palais-Royal. La salle du contentieux, qui connaît des affaires les plus complexes examinées par la haute juridiction administrative, où se pressent le plus souvent étudiants et universitaires, était cette fois réservée à une dizaine de journalistes, chacun accueilli à l’entrée puis accompagné et placé dans la salle en respectant le fameux mètre de « distanciation sociale ».

Le covid-19 est dans la tête de chacun mais aussi dans le prétoire puisque c’est de lui dont il s’agit. Le syndicat Jeunes Médecin a demandé au juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé, au titre de leurs pouvoirs réglementaires, de prononcer un confinement total de la population par la mise en place de mesures visant à l’interdiction de sortir de son lieu de confinement (sauf autorisation délivrée par un médecin pour motif médical), l’arrêt des transports en commun, l’arrêt des activités professionnelles non vitales (autres qu’alimentaire, eau et énergie, domaines régaliens) et enfin la mise en place d’un ravitaillement de la population dans des conditions sanitaires visant à assurer la sécurité des personnels chargés de ce ravitaillement. Une requête visant donc à appliquer à la France le confinement tel que l’avait imposé la Chine à ses concitoyens.

La formation de jugement est composée de trois magistrats, Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d’État, Nicolas Boulouis, président de la deuxième chambre et Christophe Chantepy, président de la troisième chambre. Pour la première fois, elle expérimente aussi une partie de l’audience en visioconférence.

Le président Combrexelle ouvre la séance en exposant cette situation particulière : « en dépit de la crise sanitaire, la justice est une institution de la République et il est impératif qu’une telle audience puisse avoir lieu ». Puis il expose l’enjeu : le gouvernement a pris, le 16 mars, un décret qui vise à organiser le confinement de la population avec des dérogations. Mais il lui est reproché de ne pas être allé assez loin. Le débat sera alors juridique et scientifique. La requête portée par le syndicat Jeunes Médecins demande au Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de prendre des mesures plus sévères de confinement.

« Vous pouvez sauver des vies »

Le président de Jeunes Médecins, Emanuel Loeb, est en visio. Son avocat, Me Petetin aussi. Partie intervenante, l’Intersyndicale nationale des internes est en visio également tandis que le Conseil national de l’ordre des médecins est représenté par Me Poupot, présent dans la salle. Pour Me Petetin, la procédure de référé-liberté est justifiée par une situation d’urgence et la mise en danger d’une liberté fondamentale : le droit à la vie. Face à une pandémie vertigineuse, le gouvernement ne prendrait pas les mesures suffisantes pour la sécurité des concitoyens. Le syndicat réclame des mesures radicales afin que le gouvernement ne soit plus dans une logique de réaction – où il subit la situation – mais passe à l’action. À commencer par la suppression de l’exception qui autorise les déplacements hors du domicile pour pratiquer une activité physique. Ces mesures sont très mal comprises et appliquées à la légère par les Français.

Le syndicat souhaite aussi la mise en place d’un couvre-feu généralisé sur l’ensemble du territoire, l’arrêt drastique des transports en commun ainsi que la fermeture immédiate des marchés ouverts.

« Ma conviction est que vous pouvez sauver des vies grâce au référé-liberté en aidant le gouvernement à prendre la bonne décision et à le faire vite, car chaque jour perdu, ce sont des vies perdues », a lancé Me Poupot, représentant le Conseil national de l’ordre des médecins, partie intervenante.

« Personne ne sait faire un ravitaillement d’État »

Lorsque le directeur des affaires juridiques des ministères sociaux, Charles Touboul, prend la parole, il prononcera plusieurs fois l’expression « à ce stade », martelant que les prises de décision du gouvernement évoluent constamment.

Aussi, à ce stade, le choix du gouvernement est de maintenir un minimum de disponibilité de transport collectif. Le but étant de permettre le maintien d’un service public pour les personnels soignants mais aussi pour ceux qui doivent encore se rendre au travail. Sur le confinement de la population qui impliquerait un système de ravitaillement d’État, Charles Touboul est clair : « Personne ne sait faire un ravitaillement d’État, à moins de plusieurs semaines. Il y a des risques logistiques considérables. L’État n’est pas en mesure de faire mieux que les entreprises de distribution qui s’adaptent aux demandes massives des citoyens en organisant des drive et des livraisons à domicile. » Et, pour lutter contre la crise actuelle, l’État concentre ses efforts sur la logistique des masques, des tests et de la réanimation. Nicolas Boulouis demande au syndicat requérant s’il a envisagé les conséquences négatives de l’organisation d’un système de ravitaillement d’État. Il y aura des personnes isolées et des personnes fragiles qui ne pourront pas être ravitaillées. Un brin consterné, Me Petetin reconnaît qu’il est sûrement plus facile d’organiser ce type de ravitaillement dans un État autoritaire plutôt qu’un État démocratique, mais il faut sauver des vies.

« Un confinement total n’est pas sans impact sur la santé mentale »

À l’audience, le gouvernement est assisté de William Dab, ancien directeur général de la santé. Ce dernier estime que les décisions de santé publique sont confrontées à une double menace : en faire trop ou pas assez. Mais, pour lui, il est trop tôt pour dire qu’un niveau supplémentaire de privation de liberté permettrait une meilleure maîtrise des risques. Et il est nécessaire de raisonner en termes de bénéfices-risques : un confinement total n’est pas sans impact sur la santé mentale de la population, sur le niveau de dépression. Et toute suppression de dérogations doit être pensée en termes d’acceptabilité. Le modèle chinois ne peut pas se résumer à un confinement total, il y a eu des dépistages et des traçages agressifs et il y a eu une énorme campagne épidémiologique… Une logistique irréalisable actuellement en France. Aujourd’hui, c’est le respect de la distanciation physique et l’hygiène des mains qui est la clé de la réussite du non-confinement total.

Lorsqu’Emmanuel Loeb, président du syndicat Jeunes Médecins, prend la parole, ce dernier replace le débat sur le surmenage des soignants, la rupture de traitements anesthésiants et anti-infectieux. « Nous ne prenons pas la mesure du drame humain qui est en train de se dérouler », estime Justin Breysse, président de l’Intersyndicale nationale des internes, lorsqu’il expose les problèmes à venir de saturation des réanimations et des morts dans le personnel hospitalier.

À l’issue de l’audience de référé, le président Combrexelle a déclaré vouloir rendre son ordonnance dans la journée. Se pose ainsi la question de rendre plus drastiques les interdictions de déplacement, l’arrêt des activités accueillant du public. Est-il possible de faire une cartographie de ce qui est essentiel à la vie du pays ? Et – question classique de police administrative, héritée de la jurisprudence Benjamin – quel équilibre trouver entre ordre public – de santé – et liberté individuelle.

Auteur d'origine: babonneau

« Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. »

Pour ce débat, l’Assemblée a tenté de concilier pluralisme et fait majoritaire : chaque groupe, quelle que soit sa taille, est représenté par trois membres, mais les chefs de file portent donc les pouvoirs du groupe. En Marche ! gardera donc la majorité. L’objectif est d’étudier le texte en commission dans la journée et de faire le débat en hémicycle pendant la nuit.

En introduction, la rapporteure LREM Marie Guévenoux veut rassurer : « Avec le Sénat, nous nous entendons sur l’essentiel. Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. » Et d’expliquer qu’en amont, de nombreux échanges ont eu lieu avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Philippe Bas, son homologue du Sénat. Pour accélérer les choses, « certains amendements votés par le Sénat ont été introduits sur les souhaits de l’Assemblée. Mais nous avons quelques dissonances qui persistent sur le texte ».

Hier, le Sénat a en effet adopté le texte avec deux gros cailloux pour le gouvernement. Il a précisé les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire et souhaité accélérer le dépôt des listes pour les élections municipales. La rapporteure Marie Guévenoux n’a posé que des amendements sur le second point. Qui enflamme les députés.

Dans les communes où il y aura un second tour, celui-ci serait repoussé en juin, si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, le premier tour serait annulé. Le point qui occupe tout le monde est : « Jusqu’à quand doit-on déposer les listes ? » Députés LR, PS, PCF tiennent absolument à ce qu’il ait lieu fin mars, comme le souhaite le Sénat, pour figer les choses. En face, LREM, FI et RN s’y opposent : dans la période, il est illusoire que des négociations d’entre deux-tours aient lieu, d’autant qu’on ne sait pas si ce second tour se tiendra.

La députée écologiste Delphine Batho s’exaspère : « C’est surréaliste. Nos débats tournent autour d’une chose : la date du dépôt, ou pas, du second tour des municipales. On se pince. On n’a pas de masques. On n’a pas de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, mais vraiment, ce qui mobilise les politiques, c’est la date de dépôt des listes. » La présidente Braun-Pivet tente d’accélérer : « Vous ne pouvez pas prendre et reprendre la parole en parlant quatre minutes à chaque fois, tout en disant qu’il faut moins de ce sujet. Je ne veux priver personne de prise de parole, mais j’en appelle à la responsabilité de chacun. »

« C’est un vrai sujet »

Dans la Ve République, le président préside, le gouvernement gouverne et le Parlement parle. Hier, l’Assemblée a sombré dans cette caricature. À 17h30, les députés n’ont toujours pas commencé avec le cœur du texte : l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances. Avec jusqu’à dix-sept prises de parole pour un amendement.

Le problème est profond. Depuis 2017, l’Assemblée n’arrive plus à légiférer vite. Et ce quelle que soit la commission. Une partie de l’opposition ne joue pas le jeu parlementaire et souhaite imposer ses sujets plutôt qu’amender les textes. Le tout dans un climat de forte défiance vis-à-vis de la majorité et du gouvernement, toujours soupçonnés de mentir ou de vouloir attaquer à la démocratie. Même si l’opposition n’a jamais eu autant de temps.

Dans le passé, le Parlement a montré sa capacité à adopter en trente-six heures des textes majeurs, dictés par la crise. Hier, cent vingt amendements ont été déposés, chaque député venant avec un « vrai sujet » (cette crise n’en manque pas) mais des débats parfois vains. La commission a ainsi débattu de détails sur les ordonnances, alors même que le gouvernement ne sera présent qu’en séance.

Le député communiste Stéphane Peu se plaint : « la difficulté dans nos débats est de faire accepter à la majorité des amendements qui ne proviennent pas d’elle. Tout le monde joue le jeu de l’union nationale et vous refusez systématiquement tous nos amendements. » Au final, quatorze amendements auront été adoptés. Sept de la majorité, sept de l’opposition, souvent sans portée. Le débat en séance est repoussé à samedi.

Auteur d'origine: babonneau

Le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017, permet au juge qui constate qu’un vice entraînant l’illégalité de l’autorisation est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.

La faculté ouverte par ces dispositions, juge le Conseil d’État, « relève de l’exercice d’un pouvoir propre du juge, qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu’il n’est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables ».

Le vice qui, dans l’affaire soumise au Conseil d’État, avait conduit la cour administrative d’appel de Bordeaux à annuler l’autorisation, délivrée le 6 décembre 2010 par le préfet de Charente-Maritime, au titre de la législation pour les installations classées, pour exploiter une unité de production de ciment, portait sur la composition du dossier de demande d’autorisation. À l’époque, ce dossier devait mentionner les « capacités techniques et financières de l’exploitant ». En l’espèce, la société pétitionnaire s’était bornée, sur le plan financier, à indiquer son capital social et le fait qu’elle était une filiale à 100 % de la société Holcim France, dont elle avait précisé le chiffre d’affaires et le résultat net sur les trois dernières années. C’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a pu juger qu’« en indiquant que la société Ciments de La Rochelle était une filiale de la société Holcim France, sans préciser s’il existait un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille, le dossier de demande ne pouvait être regardé comme suffisamment précis et étayé sur les capacités dont la société Ciments de La Rochelle était effectivement en mesure de disposer et que cette insuffisance avait été de nature à nuire à l’information complète du public ».

Auteur d'origine: Montecler

À l’occasion d’un litige portant sur une autorisation préfectorale d’exploiter une centrale hydroélectrique, le Conseil d’État a été amené à déterminer l’applicabilité du SAGE avant d’examiner l’appréciation portée par la cour administrative d’appel sur la compatibilité de l’arrêté en cause avec celui-ci, exigée par l’article L. 212-5-2 du code de l’environnement. En effet, approuvé conformément au I de l’article L. 212-10 du même code, le SAGE n’avait pas été complété par un règlement comme le prévoit le II du même article.

La haute juridiction estime que « les dispositions de l’article L. 212-10 du code de l’environnement ont pour objet de permettre, dans les conditions et limites qu’elles prévoient, que les SAGE déjà approuvés ou en cours d’élaboration lors de la promulgation de la loi du 30 décembre 2006 relèvent du régime prévu par cette loi pour les futurs SAGE. Il ne résulte ni des dispositions du II de l’article L. 212-10 ni d’aucune autre disposition qu’un SAGE approuvé conformément au I de cet article et constituant dès lors un PAGD cesserait d’être applicable faute d’avoir été complété, dans le délai prévu au II du même article, par l’adoption d’un règlement ». Le SAGE valant PAGD demeurait donc, en l’espèce, opposable à l’arrêté litigieux.

Auteur d'origine: ebenoit
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À l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir formé par la société Hasbro European Trading BV (HET BV) tendant à l’annulation de plusieurs paragraphes de commentaires administratifs de l’administration fiscale publiés les 12 septembre 2012 et 7 août 2019 au Bulletin officiel des finances publiques – impôts (BOFiP-impôts), le Conseil d’État module dans le temps l’application d’un revirement de jurisprudence concernant le délai de forclusion applicable.

Il a ainsi distingué selon que les commentaires ont été publiés entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et à compter du 1er janvier 2019, les dispositions législatives et réglementaires applicables se différenciant sur ces deux périodes.

Deux règles jurisprudentielles ont été dégagées par le juge à l’issue de l’examen de ces dispositions quant au point de départ du délai de recours pour excès de pouvoir d’un contribuable contre des commentaires valablement publiés et prescrivant l’interprétation d’une loi fiscale. Le délai de recours commence à courir, pour les commentaires qui ont été insérés au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, au jour de cette mise en ligne, et pour ceux qui ont été mis en ligne sur le site « bofip.impots.gouv.fr » à compter du 1er janvier 2019, également au jour de cette mise en ligne.

Rappelant la jurisprudence constante selon laquelle « il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l’ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours » (CE, ass., 16 juil. 2007, n° 291545, Société Tropic travaux signalisation, Lebon avec les concl. ; AJDA 2007. 1577 , chron. F. Lenica et J. Boucher ; ibid. 1497, tribune S. Braconnier ; ibid. 1777, tribune J.-M. Woehrling ; D. 2007. 2500 , note D. Capitant ; RDI 2007. 429, obs. J.-D. Dreyfus ; ibid. 2008. 42, obs. R. Noguellou ; ibid. 2009. 246, obs. R. Noguellou ; RFDA 2007. 696, concl. D. Casas ; ibid. 917, étude F. Moderne ; ibid. 923, note D. Pouyaud ; ibid. 935, étude M. Canedo-Paris ; RTD civ. 2007. 531, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. Kovar ), la Haute juridiction estime que « la règle de forclusion [concernant la première période] revient sur une jurisprudence constante et, dans cette mesure, est de nature à porter atteinte au droit au recours. Elle ne saurait, par conséquent, fonder le rejet pour irrecevabilité d’un recours formé contre un commentaire publié entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de lecture de la présente décision ». Aucune règle de forclusion ne s’appliquant aux recours formés préalablement à cette décision contre de tels commentaires, celui formé par la société HET BV contre les commentaires publiés le 12 septembre 2012 était donc recevable.

Quant aux commentaires publiés à compter du 1er janvier 2019, « la règle de forclusion […] qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales et réglementaires antérieures aux commentaires administratifs à l’égard desquels elle s’applique, et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application à tout litige intéressant des commentaires administratifs mis en ligne, dans les conditions décrites plus haut, à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date à laquelle il en est saisi ». En l’occurrence, la requête contre les commentaires administratifs publiés le 7 août 2019 ayant été déposée le 28 octobre 2019 n’était pas tardive. Les conclusions de la société sont cependant rejetées sur le fond.

Auteur d'origine: ebenoit

Les projets de loi simple et organique d’urgence pour faire face à l’épidémie seront débattus aujourd’hui au Sénat, pendant que l’Assemblée étudiera le projet de loi de finance rectificative. Demain, les choses seront inversées. L’objectif étant d’adopter des textes conformes, les textes ne devraient plus évoluer après ce soir.

Adapter les règles des justices administrative et judiciaire

L’article 7 du projet de loi simple prévoit qu’afin de faire face aux conséquences de la propagation du virus, le gouvernement pourra prendre différentes ordonnances, qui devront être adoptées dans les trois mois. Ces mesures seront provisoires.

Une ordonnance permettra d’adapter, interrompre, suspendre ou reporter les différents délais imposés par la législation, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures d’interruption seront applicables à partir du 12 mars et ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures administratives prises pour ralentir le virus.

Une autre ordonnance permettra d’adapter les règles des justices administrative et judiciaire, dans le seul but de limiter la propagation du virus. Sont visées les règles de compétences territoriales, de formation de jugement, de délais de procédure et de jugement, de publicité et tenues des audiences, de recours à la visio-conférence et les modalités de saisine.

Par ailleurs, l’organisation du contradictoire devant les juridictions autres que pénales pourra être aménagée. Comme le précise le Conseil d’État, « ces adaptations ne pourront porter atteinte à la substance même des différentes garanties constitutionnelles ou conventionnelles qui régissent la conduite du procès ».

Toujours pour limiter les contacts physiques, l’alinéa suivant prévoit de modifier les règles relatives au déroulement de la garde à vue, pour permettre l’intervention à distance des avocats et la prolongation sans présentation devant un magistrat. Le déroulement et la durée des détentions provisoires et assignations à résidence sous surveillance électronique, seront également modifiés pour allonger les délais d’audiencement (trois mois en première instance, six mois en appel) et permettre une prolongation par une procédure écrite.

Enfin, les règles d’affectation des détenus devraient être assouplies, tout comme les modalités d’exécution des fins de peine, ainsi que, pour les mineurs, les mesures de placement et autres mesures éducatives.

À noter, le projet de loi organique prévoit de suspendre jusqu’au 30 juin les délais des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), que ce soit l’étude des QPC par le Conseil constitutionnel ou leur transmission par le Conseil d’État ou la Cour de cassation. 

Par ailleurs, les mandats des conseillers prud’hommes devraient être prolongés.

En droit des étrangers, une ordonnance spéciale devrait aussi allonger, jusqu’à 6 mois, les durées des différents titres de séjour et récépissés qui devaient expirer entre le 16 mars et le 15 mai.

Enfin, les délais applicables aux habilitations à légiférer par ordonnances prises par les précédents textes seront tous prolongées de quatre mois.
 

Auteur d'origine: babonneau

Le ministre de l’Intérieur avait annoncé, dès la soirée du 16 mars, l’intention du gouvernement d’instaurer une contravention pour les personnes qui ne respecteraient pas les règles relatives au confinement de la population.

Conformément à l’article R. 610-1 du code pénal qui permet de déterminer des contraventions par décret en Conseil d’État, le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 a ainsi créé une contravention de la 4e classe en cas de violation des interdictions ou en cas de manquement aux obligations édictées par le décret du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements, ainsi qu’en cas de méconnaissance des mesures, notamment préfectorales, prises sur son fondement.

Pour rappel, le décret du 16 mars 2020 a, conformément aux récentes annonces présidentielles, interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile jusqu’au 31 mars 2020 afin de lutter contre la propagation du virus. Plusieurs exceptions ont été fixées, pour lesquelles il est impératif de se munir d’une attestation écrite et signée, sur la base d’un modèle fourni par le gouvernement (Dalloz actualité, 18 mars 2020, art. T. Bigot).

Le montant de l’amende forfaitaire pour violation de ces règles, dont le paiement éteint l’action publique conformément au code de procédure pénale, s’élève à 135 €. L’amende forfaitaire majorée s’élève quant à elle à 375 €.

Report du second tour des élections municipales

Par cohérence avec les nouvelles mesures de restriction, le second tour des élections municipales, communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon prévu le 22 mars 2020 a été reporté par un décret du 17 mars.

Le décret se contente d’abroger en urgence la disposition réglementaire qui prévoyait la date d’organisation du second tour des élections, sans régler le sort des questions juridiques qui seront susceptibles de se poser localement. En effet, le code électoral prévoit normalement, à son article L. 227, l’obligation d’élire les conseillers municipaux dans le courant du mois de mars.

Les villes dans lesquelles les élections ont été remportées dès le premier tour dimanche dernier devront réunir rapidement le premier conseil municipal, à qui il appartiendra d’élire le maire et ses adjoints. L’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales faisant obligation de tenir la première réunion entre ce vendredi et ce dimanche. À charge pour les municipalités d’identifier et de mettre en place les moyens permettant de concilier cette réunion avec les mesures sanitaires et les restrictions en vigueur.

Nouvelles modalités de distribution de certains médicaments

Un nouvel arrêté publié le 18 mars est venu compléter l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

Au nombre des modifications apportées figure notamment la mise en place d’un rationnement du paracétamol. Afin de prévenir une consommation excessive de paracétamol, sa distribution en pharmacie est limitée jusqu’au 31 mai 2020 à deux boîtes par patients qui déclarent présenter des symptômes, et d’une boîte dans les autres cas. La vente par internet des spécialités composées exclusivement de paracétamol, d’ibuprofène et d’aspirine est totalement suspendue.

Eu égard à la forte mobilisation du personnel soignant en cette période de crise, le risque d’indisponibilité des médecins pour renouveler les ordonnances avait conduit le ministère chargé de la santé à autoriser les pharmacies d’officines à dispenser, dans le cadre de la posologie initialement prévue et lorsque la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est expirée, une certaine quantité de médicaments. Cette possibilité a été encadrée : les boîtes de médicaments ainsi délivrées ne peuvent pas excéder des périodes supérieures à un mois renouvelables.

Afin d’assurer la bonne prise en charge des patients, l’arrêté autorise la mobilisation des moyens de l’armée pour transporter tout patient vers un autre établissement.

Auteur d'origine: pastor

Au premier jour du confinement sanitaire, mardi 17 mars, la cour d’appel de Rouen inaugurait la visioconférence pour le contentieux des libertés en droit des étrangers, qui fait partie des contentieux d’urgence maintenus en cette période de pandémie. Les avocats habituellement organisés en « défense massive », décident « au vu des circonstances », dit Me Vincent Souty, de n’y aller qu’à deux, avec Me Cécile Madeline. Première audience vidéo : un Soudanais apparaît à l’écran, dans une minuscule salle de type salle d’entretien avec avocat, entouré de près par deux fonctionnaires de police. Il ne parle pas français, le seul interprète disponible ne peut intervenir qu’au téléphone, qu’on place sous la vidéo, en haut-parleur, pour une « conf’call » judiciaire inédite. Le retenu suivant est arrivé menotté, en contact physique étroit avec les fonctionnaires qui Cl’escortent. « Ni les retenus, ni les fonctionnaires ne portaient de masques. Le policier avait même posé sa main sur le bras du retenu », rapporte Vincent Souty. « Le gouvernement demande à tout le monde de se confiner, et au centre de rétention administrative (CRA), ils se font des papouilles ! » ironise-t-il. « À un moment, on voyait quatre policiers et le retenu dans un tout petit espace », témoigne Cécile Madeline. 

Devant le juge des libertés et de la détention (JLD), les avocats ont déploré que « le préfet ait pris le risque sanitaire de placer M. (un ressortissant Algérien) en rétention, alors qu’il y a de forts risques de contamination au centre de Oissel », est-il écrit sur l’ordonnance. Puis, ils listent : au centre de rétention administrative de Oissel en Seine-Maritime (76), d’où ces retenus comparaissent, les occupants – ceux qui restent – sont livrés à eux-mêmes, sans consigne ni matériel. Les retenus dorment à six par chambre et se déplacent à leur gré à l’intérieur du centre. Les personnels de nettoyage et les associations qui offrent une assistance juridique aux personnes retenus ont exercé leur droit de retrait, mais la cantine fonctionne ; ainsi, tout le monde peut se réunir à table, dans le réfectoire du CRA. Ni les fonctionnaires de police, ni les retenus ni disposent de masque ou de gel hydroalcoolique, et les quantités de savon disponibles n’ont pas été augmentées. Ils ne disposent d’aucun mouchoir jetable, mais pour occuper les retenus, un baby-foot (qui n’est pas le divertissement idéal pour freiner la propagation d’un virus) a été mis à leur disposition.

Interrogé sur le manque de matériel, le ministère de l’Intérieur affirme que « les personnels policiers intervenant dans les CRA ont reçu en dotation des équipements de protection appropriés ». Mais le fait même que des ordonnances de prolongation de rétention et des appels de la préfecture soient intervenus ce week-end encore, interroge sur la stratégie adoptée en temps de crise, alors que l’administration, malgré le matériel qu’elle dit avoir mis à la disposition des fonctionnaires de Police, ne semble pas être à même de faire respecter les règles sanitaires indispensables à la limitation de la propagation du virus. Dans un communiqué commun, les organisations membres de l’observatoire de l’enfermement des étrangers, dont le syndicat de la magistrature, estiment que « leur [les retenus] libération immédiate est une exigence absolue, tant juridique que sanitaire ».

Sur ce point, le ministère de l’Intérieur explique que « seuls les étrangers en situation irrégulière qui ne présentent pas de symptômes évocateurs d’une infection par le covid-19 peuvent faire l’objet d’une procédure de placement en centre de rétention administrative (CRA). » Cette directive, en vigueur depuis mardi 17 mars, précise que « si lors de sa rétention, un étranger présente les symptômes évocateurs de l’infection par le covid-19, il est immédiatement placé en isolement dans une chambre simple et fait l’objet d’une évaluation médicale conduite par le médecin de l’unité médicale du CRA dans les meilleurs délais ».

Enfin, « si l’évaluation médicale conclut à une infection par le covid-19, la rétention est immédiatement levée de la rétention et se traduit soit par une assignation à résidence (s’il dispose d’un hébergement), soit par une prise en charge médicale. »

Le juge de la cour d’appel de Rouen a infirmé l’ordonnance de prolongation de rétention rendue le 14 mars. « Il apparaît en l’espèce que les consignes de sécurité, les mesures barrière recommandées pour lutter contre l’épidémie de coronavirus ne sont pas suffisamment respectées au centre de rétention administrative pour contrer la propagation de ce virus qualifié de pandémie mondiale », écrit-elle notamment. Les difficultés logistiques liées à la fermeture de frontières, d’aéroports sont également mentionnées, ainsi que les recommandations de l’OMS. En outre, la cour souligne qu’« éloigner M. […] alors que celui-ci vit en France, pays où le virus est actif et n’a pas atteint son développement maximum, alors qu’il est au centre de rétention où il a été noté que les mesures contre la contamination ne sont pas optimales, et même si M. était porteur sain, est un risque de faire rentrer le virus avec lui dans ce pays, de contaminer de nombreuses personnes et d’ainsi aider à la propagation du virus alors que toutes les mesures prises, y compris le confinement des personnes, ont un but contraire. » Tous les retenus de cette audience ont été libérés.

À Lyon, une JLD statuant sur la prolongation de la rétention d’un Albanais, a rendu une ordonnance semblable, en déclinant et détaillant tous les motifs qui la conduisaient à prendre cette décision. La juge rappelle la situation sanitaire, le manque de matériel dédié au tribunal pour assurer la sécurité de tous, les vaines tentatives de faire fonctionner la visioconférence, la non-adaptation des locaux, souvent exigus et ne permettant pas le respect des règles sanitaires. Elle juge, dans son ordonnance rendue mercredi, que tous ces éléments constituent des « circonstances insurmontables » et empêchent la tenue de l’audience.

Au CRA de Vincennes (qui est à Paris) et du Mesnil-Amelot (77), les conditions sanitaires sont semblables à celles du centre de Oissel. « La préfecture ne semble pas vouloir assumer la remise en liberté des personnes retenues », observe Me Patrick Berdugo. Seuls certains retenus ont été remis en liberté d’office, « ceux ressortissants de pays qui ont décidé la fermeture de leur espace aérien », explique Me Nayeli Magraner, qui représente un ressortissant colombien retenu au Mesnil-Amelot. Son client Mexicain a tenté, mercredi matin et sur papier libre, de déposer une DML au greffe du CRA, qui attend « un ordre de la préfecture », a-t-il été dit au retenu sans plus de précisions. En attendant d’éventuelles directives aux préfectures, c’est le juge qui libère les retenus. La cour d’appel de Paris, lundi 16 mars, a refusé le caractère suspensif de l’appel du parquet contre une ordonnance de mise en liberté rendue le 15 mars par le JLD et, le 17 mars, confirmé l’ordonnance du JLD. La plupart des décisions vont dans le même sens, mais pas toutes. Ainsi, mercredi 18 mars, la cour a maintenu un Malien en rétention au CRA de Vincennes (confirmant une ordonnance du JLD), estimant « qu’aucun cas de coronavirus n’a été dénoncé dans le centre de rétention administrative dans lequel se trouve l’intéressé, ledit centre comportant des unités dont, à la connaissance de la cour, le nombre de retenus par unité n’excède pas 50 personnes, lesdites personnes n’étant pas fixées dans une même pièce, par ailleurs, les vols pour le Mali ne sont pas, en l’état, suspendus ». Le fait qu’un test de dépistage du coronavirus n’ait été fait au CRA de Vincennes n’est pas mentionné dans la motivation de l’ordonnance. S’il est effectivement expulsé, le retenu sera placé en quatorzaine à son arrivée au Mali.

Au Mesnil-Amelot, il restait, mercredi à la mi-journée, environ 170 retenus répartis sur les deux centres. À Bordeaux, le CRA a été intégralement vidé de ses retenus mardi soir. « La Cimade nous a contacté, explique Victoire Tirol, avocate à Bordeaux, pour assister les personnes pour qui elle avait rédigé des DML. » La préfecture de la Gironde avait demandé la prolongation de la rétention de quatre personnes ; huit autres comparaissaient en raison d’une demande de mise en liberté de leur part. Dans la soirée, tous ont été libérés « Il convient de constater que cette situation de fait (la fermeture des liaisons aériennes, ndlr), instaurée pour une durée indéterminée, vide la mesure de rétention administrative, dont Monsieur fait l’objet, de toute perspective », est-il écrit dans l’une de ces décisions.

Le CRA de Bordeaux n’est pas resté longtemps vide. Dès mercredi, il a accueilli les six retenus du CRA d’Hendaye (qui a fermé) dont le JLD de Bayonne a refusé la mise en liberté, et deux du CRA de Mont-de-Marsan, dont la situation devrait être examinée par la cour d’appel de Bordeaux, qui pourrait tous les remettre en liberté. 

Auteur d'origine: babonneau
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Les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce, qui imposent au demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale de présenter une étude d’impact analysant les effets du projet sur le centre-ville, sont conformes à la Constitution, a jugé le Conseil constitutionnel.

Dans le cadre de son recours contre le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) avait obtenu le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette disposition de la loi ELAN (CE 13 déc. 2019, n° 431724, AJDA 2019. 2582 ; RDI 2020. 153, obs. M. Revert ). Les nouvelles règles de l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) sont l’un des outils majeurs du plan du gouvernement pour revitaliser les centres-villes.

Le Conseil constitutionnel considère qu’« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer le contrôle des commissions d’aménagement commercial sur la répartition territoriale des surfaces commerciales, afin de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général. »

Le requérant invoquait une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre. Pour juger la mesure proportionnée à l’objectif d’intérêt général, le Conseil constitutionnel donne une interprétation plus nuancée des dispositions en cause que celle du CNCC. Ainsi, les dispositions du paragraphe I de l’article « se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l’appréciation globale des effets du projet sur l’aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville. En particulier, elles ne subordonnent pas la délivrance de l’autorisation à l’absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés par ces dispositions. »

De même, le CNCC soutenait que le paragraphe IV de l’article imposait au demandeur d’établir qu’aucune friche commerciale en centre-ville ou, à défaut, en périphérie ne pouvait accueillir son projet. Au contraire, pour le Conseil constitutionnel, il s’agit, là aussi, simplement d’un critère supplémentaire. « Ces dispositions n’ont […] pas pour effet d’interdire toute délivrance d’une autorisation au seul motif qu’une telle friche existerait. Elles permettent en outre au demandeur de faire valoir les raisons, liées par exemple à la surface du commerce en cause, pour lesquelles les friches existantes ne permettent pas l’accueil de son projet. »

Enfin, en prévoyant que l’analyse d’impact « s’appuie notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux existants dans la zone de chalandise pertinente, les dispositions contestées [du] paragraphe III n’instituent aucun critère d’évaluation supplémentaire. »

Auteur d'origine: Montecler

Ce texte, un projet de loi organique ayant le même objet (qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité) et un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie ont été présentés en conseil des ministres le 18 mars. Les deux premiers devaient être examinés par le Sénat jeudi 19 et par l’Assemblée nationale vendredi 20, le troisième faisant la navette en sens inverse.

État d’urgence sanitaire

L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout de douze jours. Cette déclaration donnerait au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ainsi que de procéder à des réquisitions. Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté. Un comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.

Report du second tour des muncipales

Le titre Ier du projet confirme le report du second tour des élections municipales (au plus tard au mois de juin 2020) et en tire les conséquences. Les élus du premier tour entrent en fonction immédiatement (sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où moins de la moitié des conseillers municipaux ont été élus). Dans les autres communes, les mandats sont prorogés jusqu’au second tour. Le gouvernement serait habilité par ordonnance à adapter le droit à cette situation, notamment s’agissant du fonctionnement des intercommunalités.

Ordonnances pour mesures provisoires

Le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique.

Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés (v. Dalloz actualité, 19 mars 2020, art. P. Januel)

Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.

Auteur d'origine: babonneau

Dans un communiqué, diffusé mardi 17 mars, la cour d’appel de Paris a rappelé qu’elle appliquait les consignes de la garde des Sceaux : fermeture du palais de justice, à l’exception des contentieux dits « essentiels » :

• les audiences de la chambre des appels correctionnels concernant les prévenus détenus et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences ;

• les permanences du parquet général ;

• les référés en matière civile visant l’urgence ;

• les audiences de privation de liberté en matière civile (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;

• les audiences de la chambre de l’instruction pour le contentieux de la détention.

Les sessions d’assises sont reportées compte tenu des risques de contagion pour les jurés et le public. Les services d’accueil seront uniquement joignables par téléphone.

Une page dédiée aux informations sur le covid-19, avec notamment le planning des audiences (v. document joint), a été créée sur le site internet de la cour d’appel de Paris « qui sera régulièrement actualisée ».

Auteur d'origine: babonneau

La réserve sanitaire, créée par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, est un corps de 30 000 personnes volontaires mobilisables par les pouvoirs publics en vue de répondre aux situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaire graves. En vertu de la loi, elle a pour objet de compléter, en cas d’événement excédant leurs moyens habituels, ceux mis en œuvre dans le cadre de leurs missions par les différents services de santé (renfort hospitalier, campagnes de vaccination, opérateurs téléphoniques, contrôles aux aéroports). La réserve est composée de professionnels de santé et étudiants dans les filières médicales qui, après avoir été déclarés aptes physiquement, subissent une période de formation auprès de l’Agence nationale de santé publique.

Le réserviste bénéficie d’un certain nombre de protections légales. En effet, la loi interdit par exemple à l’employeur de sanctionner un réserviste en raison de ses périodes d’absences. Les personnes réservistes bénéficient également du régime de la protection fonctionnelle durant leurs missions, qui oblige l’État à prendre en charge la réparation intégrale des préjudices qu’ils subissent ou qu’ils font subir en cas d’accident. Les réservistes sont indemnisés au cours de leurs missions, lesquelles ne peuvent pas excéder en principe une durée de quarante-cinq jours par année civile.

Conformément à l’article L. 3134-1 du code de la santé publique, il peut être fait appel à la réserve sanitaire par arrêté motivé du ministre chargé de la santé. C’est ainsi que, par arrêté du 4 mars 2020, l’ensemble de la réserve sanitaire a été mobilisée pour une durée indéterminée pour constituer des équipes d’intervention rapide placées auprès des agences régionales de santé pour renforcer les établissements de santé.

Usage du droit de réquisition

Le droit de réquisition s’entend généralement comme un dispositif exceptionnel de l’État qui, moyennant un mécanisme de rétribution ou d’indemnisation, est actionné par temps de guerre ou afin d’assurer la continuité du service public en période de mouvement social prolongé. Il peut aussi être mobilisé lors d’une crise sanitaire, au titre du pouvoir de police spéciale détenu par le gouvernement.

La loi n° 2004-906 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est venue renforcer et adapter les instruments dont dispose l’État en matière de santé publique, et a notamment créé un pouvoir de police sanitaire spécifique, afin de mieux prévenir et gérer les menaces sanitaires graves. Ce cadre juridique, rendu nécessaire par la latence de la menace bioterroriste et l’apparition de nouvelles pathologies infectieuses, est un des rares cas possibles d’extension des pouvoirs des autorités administratives en raison de circonstances exceptionnelles, en plus de l’état d’urgence et de l’état de siège.

En matière sanitaire, cet outil a été utilisé à plusieurs reprises ces dernières années pour limiter la propagation du virus Ebola, afin de renforcer les contrôles sanitaires, d’autoriser l’utilisation de certains traitements et de sécuriser le circuit transfusionnel et la réalisation des examens médicaux des personnes contaminées. Il a aussi servi de fondement juridique pour permettre la distribution de kits gratuits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe H1N1 en 2009. À cette dernière occasion, le ministre de la santé avait d’ailleurs autorisé par arrêté les préfets à procéder à toute réquisition nécessaire à la mise en œuvre de la campagne de vaccination (arr. du 4 nov. 2009).

Depuis la loi du 5 mars 2007, le droit de réquisition est expressément mentionné au code de santé publique. Ainsi en vertu de ses articles L. 3131-8 et L. 3131-9, le premier ministre peut, lorsque l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, procéder par décret aux réquisitions de produits ou de professionnels de santé. C’est ainsi que, par un premier décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 suivi d’un décret correctif n° 2020-247 du 13 mars 2020, le premier ministre a décidé de réquisitionner les stocks et les productions de masques de protection respiratoire et de masques antiprojections. Des personnels de santé du secteur privé pourraient, à terme et en fonction de l’évolution de la pandémie, être réquisitionnés par l’État.

La réglementation du prix des solutions hydroalcooliques

Un prix est soit déterminé par le libre jeu du marché, soit fixé par les pouvoirs publics dans des conditions prévues par la loi au titre de son pouvoir de police économique – en témoignent notamment les prix du gaz, des péages, des courses de taxi ou de l’électricité. Parallèlement aux dispositifs propres à certains produits, la loi prévoit, depuis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté de prix et de la concurrence, la possibilité pour le gouvernement de lutter contre des hausses excessives de prix par « des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cette disposition a depuis été codifiée à l’article L. 410-2 du code du commerce.

Cette disposition permet par exemple de réguler le prix du carburant ou du gaz dans certains départements ou collectivités d’outre-mer où un opérateur, en raison des spécificités géographiques, pourrait se trouver en situation de monopole économique et imposer des prix excessifs (v. par ex. décr. n° 2003-1241, 23 déc. 2003, réglementant les prix des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ou le décret n° 88-1048, 17 nov. 1988 réglementant les prix de certains produits dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon).

Sur le fondement de ces dispositions, le gouvernement a souhaité protéger les consommateurs contre les risques induits par une situation manifestement anormale du marché résultant de la pandémie, et a procédé, après avis du Conseil national de la consommation, à la réglementation du prix de vente des gels hydroalcooliques (décr. n° 2020-197, 5 mars 2020).

Auteur d'origine: pastor

Afin de prévenir la propagation du virus covid-19, le décret du 16 mars 2020 a, conformément aux annonces présidentielles, interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile jusqu’au 31 mars 2020.

Seulement cinq exceptions sont prévues à cette interdiction générale :

• les trajets entre le domicile et le travail, et les déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;

• les déplacements pour effectuer des achats de fournitures professionnelles et des achats de première nécessité dans des établissements qui sont toujours ouverts ;

• les déplacements pour motif de santé ;

• les déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ;

• les déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.

En cas de déplacement, les personnes doivent se munir d’une attestation permettant de justifier que le déplacement correspond bien à l’une de ces exceptions. En outre, le décret autorise les préfets de département à prendre des mesures complémentaires de restriction, si les circonstances locales l’exigent. Des mesures qui devront en tout état de cause être proportionnées et limitées dans le temps.

Si par le passé, des mesures de confinement de la population ont déjà été prises par les autorités administratives, c’est la première fois qu’un tel dispositif est déployé sur l’ensemble du territoire national et concerne les personnes potentiellement non atteintes par le virus. En 2012, le préfet du département de l’Aveyron avait ainsi été habilité par le gouvernement à prendre des mesures de confinement pour les personnes atteintes d’une tuberculose résistante contagieuse (arr. du 22 oct. 2012 habilitant le préfet du département de l’Aveyron à prendre des mesures de confinement de toute personne atteinte d’une pathologie hautement contaminante).

Nouvelle mise à jour de la réglementation concernant les commerces

Par un arrêté modificatif du 16 mars, la liste des établissements dont les activités demeurent autorisées ou qui sont autorisés à recevoir du public a fait l’objet d’une deuxième mise à jour.

Le nouvel arrêté précise la possibilité pour les juridictions de continuer à accueillir du public dans leurs salles d’audience, en fonction néanmoins des règles fixées par leur plan de continuité d’activité interne. Les établissements sportifs sont quant à eux fermés jusqu’au 15 avril 2020.

La possibilité de continuer à recevoir du public pour certaines activités est élargie à l’ensemble des commerces et établissements et ne se limite plus aux seuls établissements relevant de la catégorie M. La liste consolidée des commerces et établissements autorisés à recevoir du public est la suivante :

• entretien et réparation de véhicules automobiles, de véhicules, engins et matériels agricoles,

• commerces d’équipements automobiles,

• commerces et réparation de motocycles et cycles,

• fourniture nécessaire aux exploitations agricoles,

• commerces de détail de produits surgelés,

• commerces d’alimentation générale,

• supérettes,

• supermarchés,

• magasins multi-commerces,

• hypermarchés,

• commerces de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé,

• commerces de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé,

• commerces de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé,

• commerces de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé,

• commerces de détail de boissons en magasin spécialisé,

• autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé,

• distributions alimentaires assurées par des associations caritatives,

• commerces de détail de carburants en magasin spécialisé,

• commerces de détail d’équipements de l’information et de la communication en magasin spécialisé,

• commerces de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé,

• commerces de détail de matériels de télécommunication en magasin spécialisé,

• commerces de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé,

• commerces de détail de journaux et papeterie en magasin spécialisé,

• commerces de détail de produits pharmaceutiques en magasin spécialisé,

• commerces de détail d’articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé,

• commerces de détail d’optique,

• commerces de détail d’aliments et fournitures pour les animaux de compagnie,

• commerces de détail alimentaires sur éventaires et marchés,

• vente par automates et autres commerces de détail hors magasin, éventaires ou marchés n. c. a.,

• hôtels et hébergement similaire,

• hébergement touristique et autre hébergement de courte durée lorsqu’il constitue pour les personnes qui y vivent un domicile régulier,

• terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier,

• location et location-bail de véhicules automobiles,

• location et location-bail d’autres machines, équipements et biens,

• location et location-bail de machines et équipements agricoles,

• location et location-bail de machines et équipements pour la construction,

• activités des agences de placement de main-d’œuvre,

• activités des agences de travail temporaire,

• réparation d’ordinateurs et de biens personnels et domestiques,

• réparation d’ordinateurs et d’équipements de communication,

• réparation d’ordinateurs et d’équipements périphériques,

• réparation d’équipements de communication,

• blanchisserie-teinturerie,

• blanchisserie-teinturerie de gros,

• blanchisserie-teinturerie de détail,

• services funéraires,

• activités financières et d’assurance

À compter du 17 mars, les commerces de détail d’optique et les commerces de location de véhicules sont intégrés à cette liste.

Néanmoins, si les commerces précités demeurent autorisés à recevoir du public durant le confinement, toute fréquentation physique d’un de ces commerces qui n’aurait pas pour but de faire des achats de première nécessité, conformément au dispositif provisoire de confinement, est désormais interdite.

Les magasins de vente et centres commerciaux de catégorie M conservent quant à eux le droit d’exercer leurs activités par le biais de la livraison ou du retrait de commandes.

Auteur d'origine: pastor

Le président de la République a annoncé hier que « toutes les réformes en cours seraient suspendues », à commencer par celles des retraites. Les deux textes, contre lesquels se battent les avocats depuis le mois de décembre, devaient être examinés par le Sénat début avril. La présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl, a déclaré « prendre acte de cette décision qui va dans le sens de l’union et de la cohésion nationale. L’important est désormais la lutte collective contre la pandémie. Les avocats y prendront toute leur part. »

Auteur d'origine: babonneau
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Ce 12 mars à minuit s’est achevée la période de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris, déposée dans le cadre de la première mise en œuvre du référendum d’initiative partagée (RIP) prévu, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, à l’article 11 de la Constitution. Proposition de loi qui visait à faire échec à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », promulguée depuis lors, dont certaines dispositions redéfinissent le cadre juridique applicable à la société Aéroports de Paris (ADP) en vue de sa future privatisation.

Le Conseil constitutionnel a annoncé, le 13 mars, un nombre de soutiens valablement déposés d’un peu plus d’un million d’électeurs – contre les près de 4,7 millions requis. Malgré l’échec annoncé de cette procédure (le Conseil constitutionnel disposant d’un délai d’un mois pour consolider le nombre définitif de soutiens recueillis), la porte-parole du gouvernement annonçait à la sortie du conseil des ministres le report du projet de privatisation des aéroports de Paris en raison notamment de l’instabilité des marchés financiers impactés par le coronavirus.

Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les opérations de recueil des soutiens

Au titre de sa mission de contrôle de la régularité des opérations prévue à l’article 45-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a examiné l’ensemble des réclamations portées par les électeurs durant la période de neuf mois et relatives à la régularité des opérations. Le Conseil constitutionnel a annoncé avoir enregistré, au 4 mars, pas moins de 4 212 réclamations.

Concrètement, ces réclamations sont d’abord instruites par une formation d’examen des réclamations, composée de trois membres nommés. En cas de rejet de la réclamation par la formation restreinte, l’électeur peut déposer, dans un délai de dix jours, un recours devant le Conseil constitutionnel à qui il appartient alors de vérifier l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations de recueil des soutiens. La formation a également la faculté de renvoyer directement la réclamation au Conseil assemblé, sans condition ni formalité.

Par deux premières décisions rendues dès 2019, le Conseil constitutionnel avait inclus dans son contrôle de la régularité des opérations les réclamations tendant à la publication et à la mise à jour du nombre de soutiens recueillis (10 sept. 2019, décis. n° 2019-1-1 RIP), ainsi que les réclamations tendant à l’adoption de mesures permettant une information sincère des électeurs (15 oct. 2019, décis. n° 2019-1-2 RIP).

Cinq nouvelles décisions du Conseil constitutionnel

Les Sages ont rendu, ce 12 mars, jour de clôture de la campagne, cinq nouvelles décisions dont la diversité nous éclaire sur la nature du contrôle qu’il exerce sur la validité des opérations de recueil des soutiens.

Ainsi, à un électeur qui demandait la substitution de son nom d’usage à son nom de famille sur la liste publique des soutiens, le Conseil constitutionnel répond que l’absence de mention du nom d’usage, en complément du nom de famille, n’entrave ni la vérification de la présence ou de l’absence de son propre nom sur cette liste ni la vérification de la qualité d’électeurs des autres personnes figurant sur cette liste. Cette circonstance n’est donc pas de nature à entacher d’irrégularité les opérations de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-3 RIP).

Un autre électeur réclamait, quant à lui, la suppression pure et simple de son nom de la liste, affirmant qu’il aurait été victime d’une usurpation d’identité. Néanmoins, à défaut d’avoir produit devant la formation d’examen des réclamations qui en a pourtant fait la demande, puis devant le Conseil constitutionnel, un commencement de preuve de la fraude alléguée et des précisions sur les circonstances dans lesquelles cette usurpation aurait pu être commise, la juridiction écarte le grief (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-4 RIP).

Dans une troisième décision, le Conseil constitutionnel précise qu’il n’appartient pas à la formation d’examen des réclamations de faire droit à la demande d’un électeur de se voir transmettre le cahier des charges, les directives données par le ministère de l’intérieur pour la réalisation du site internet, ainsi que l’algorithme utilisé, dès lors qu’une telle demande ne vise pas à contrôler la régularité des opérations de recueil des soutiens. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel précise que la méconnaissance à elle seule du règlement européen sur la protection des données personnelles n’est pas de nature, même si elle s’avère établie, à entacher d’irrégularité les opérations de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-5 RIP).

La méconnaissance du délai de quarante-huit heures, prévu à l’article 3 du décret du 11 décembre 2014, pour procéder à l’enregistrement d’un soutien déposé en format papier à la mairie dans le système informatique du ministère de l’intérieur ne constitue pas non plus une irrégularité, tant que l’enregistrement du soutien a pu intervenir avant la fin de la période de recueil (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-6 RIP).

Enfin, dans une dernière décision (12 mars 2020, décis. n° 2019-1-7 RIP), le Conseil constitutionnel est amené à statuer sur la compatibilité de la publicité de la liste des soutiens, prévue à l’article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013, avec le secret du vote garanti par l’article 3 de la Constitution. Reprenant les termes de la décision du 5 décembre 2013 par laquelle il a validé cette disposition (5 déc. 2013, n° 2013-681 DC, Dalloz actualité, 12 déc. 2013, obs. D. Poupeau ; AJDA 2013. 2465 ; ibid. 2014. 893, étude C. Geslot ; D. 2014. 1516, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ), il rappelle qu’en « permettant à toute personne de consulter l’intégralité de la liste des soutiens, le législateur organique a entendu garantir l’authenticité de celle-ci en reconnaissant à toute personne le droit de vérifier, dès le début de la période de recueil des soutiens et à tout moment, qu’elle-même ou toute autre personne figure ou ne figure pas sur cette liste ». Dès lors qu’elles ont été déclarées conformes à la Constitution, le grief est écarté.

Le Conseil constitutionnel rejette donc l’ensemble des recours dirigés contre les opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi.

Auteur d'origine: pastor

par Jean-Marc Pastorle 13 mars 2020

Crim. 4 mars 2020, F-P+B+I, n° 19-83.390

L’ancien maire de Givors avait nommé sa sœur au poste de directeur général des services en septembre 2014. Cité devant le tribunal correctionnel, il a été reconnu coupable de prise illégale d’intérêt et sa sœur coupable de recel de ce délit. La cour d’appel a confirmé la culpabilité de l’ancien maire en le condamnant à six mois de prison avec sursis et à une peine d’inéligibilité d’un an. Sa sœur a quant à elle été condamnée à quatre mois de prison avec...

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Auteur d'origine: pastor
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C’est un bilan « relativement mitigé » de la loi Montagne II du 28 décembre 2016 (V. AJDA 2017. Dossier 781 ) que dressent les députés Marie-Noëlle Battistel, Frédérique Lardet, Vincent Rolland et Jean-Bernard Sempastous, dans un rapport d’évaluation de cette loi pour la commission des affaires économiques (n° 2735). Des avancées ont été permises par la loi, notamment en matière de numérique, d’urbanisme, d’accès aux services publics ou de tourisme. Mais elles demeurent « généralement modestes face aux difficultés qui persistent ».

Le rapport déplore en particulier que la possibilité d’adaptation des normes aux spécificités de la montagne n’ait connu...

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Auteur d'origine: Montecler
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La consécration d’un « objectif de valeur constitutionnelle » de protection de l’environnement

Introduite par la loi EGALIM (art. 83, L. n° 2018-938, 30 oct. 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, qui ajoute un paragraphe à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime), l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou la protection de l’environnement vient mettre un terme à la possibilité pour des entreprises de produire en France, exclusivement pour l’exportation, des pesticides contenant des substances dangereuses non autorisées dans l’Union européenne.

Dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir (CE 7 nov. 2019, n° 433460 [décision de renvoi] contre une circulaire relative à l’entrée en vigueur de la disposition contestée [circ. relative à l’entrée en vigueur de l’interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l’environnement, en application de la modification de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime]), l’Union des industries de la protection des plantes soutenue par l’Union française des semenciers, directement touchée par cette interdiction, a sollicité la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au motif que cette interdiction porterait atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’association professionnelle requérante soutenait que cette restriction à la liberté d’entreprendre n’était pas justifiée par un objectif de protection de l’environnement et de la santé, dans la mesure où cette interdiction n’empêche pas des pays étrangers autorisant les pesticides en question à en fabriquer ou à en importer auprès de concurrents localisés hors de France.

À cet argument, le Conseil constitutionnel oppose un nouvel objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de « protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » dégagé du préambule de la Charte de l’environnement, alors qu’il avait jugé dans une décision antérieure que le préambule se limitait à formuler des constats et des objectifs non invocables à l’appui d’une QPC (Cons. const. 7 mai 2014, Sté Casuca, n° 2014-394 QPC, Dalloz actualité, 21 mai 2014, obs. A. Cayol ; D. 2014. 1039 ; AJDI 2014. 541 , obs. C. de Gaudemont ).

Cette consécration d’un OVC de protection de l’environnement est une nouvelle étape s’inscrivant dans le prolongement de la reconnaissance de la protection de l’environnement en tant que « but d’intérêt général », consacré en 2013 dans une QPC relative à l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national (Cons. const. 11 oct. 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, Dalloz actualité, 16 oct. 2013, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2013. 2005 ; D. 2013. 2344 ; ibid. 2586, point de vue F. Laffaille ; ibid. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 1844, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ), puis en tant qu’« objectif d’intérêt général » en 2016 dans une décision relative à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits (Cons. const. 4 août 2016, n° 2016-737 DC, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Dalloz actualité, 29 août 2016, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2016. 1605 ; Constitutions 2016. 487, chron. K. Foucher ).

L’invocabilité de l’objectif de protection de l’environnement en QPC vient confirmer l’importance de la Charte de l’environnement, et de son préambule, parmi les éléments du bloc de constitutionnalité.

La consécration de la valeur constitutionnelle de la protection de l’environnement entraîne un assouplissement du contrôle du Conseil constitutionnel quant à la conciliation entre cet objectif et la liberté d’entreprendre, par rapport au contrôle qu’il effectue lorsque cette liberté doit être conciliée avec un motif d’intérêt général. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle sur ce point qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (consid. 9), en conséquence de quoi il se limite à un contrôle de la disproportion manifeste. La marge d’appréciation qui est laissée au législateur dès lors qu’un objectif à valeur constitutionnelle doit être concilié avec une liberté constitutionnelle est ainsi étendue, en comparaison notamment avec ce que le Conseil a pu juger dans la décision relative à la fracturation hydraulique précitée (Cons. const. 11 oct. 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC, préc.) ou encore à l’occasion de la censure de dispositions donnant compétence au Gouvernement pour fixer une quantité minimale de matériaux en bois dans certaines constructions nouvelles (Cons. const. 24 mai 2013, n° 2013-317 QPC, Syndicat français de l’industrie cimentière et a., Dalloz actualité, 5 juin 2013, obs. R. Grand ; AJDA 2013. 1080 ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ).

La protection du « patrimoine commun des êtres humains » matérialisée par la prise en compte des atteintes à la santé et à l’environnement à l’étranger résultant d’activités exercées en France

Dans la présente décision, le nouvel OVC de protection de l’environnement est utilisé en combinaison avec un autre OVC, celui de la protection de la santé, consacré depuis de...

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Auteur d'origine: Thill
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par Estelle Benoitle 12 mars 2020

CE 4 mars 2020, req. n° 423443

Le centre hospitalier de la commune de Capesterre-Belle-Eau a versé à la société Savima, sous-traitante d’un marché de conception-réalisation relatif à la construction d’un nouvel hôpital local, une avance forfaitaire de 20 % du montant des travaux sous-traités. Après avoir résilié le marché aux torts de la société à qui les actifs du chantier avaient été en partie cédés, le centre hospitalier a demandé le remboursement total de cette...

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Auteur d'origine: ebenoit
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Avant d’interrompre ses travaux à l’occasion des élections municipales, le Sénat a adopté, le 5 mars, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). Il a globalement approuvé le texte hétéroclite du gouvernement (v. AJDA 2020. 262 ) mais y a ajouté un certain nombre de dispositions – pas toujours simplificatrices au demeurant – concernant notamment les collectivités territoriales.

Les sénateurs souhaitent cependant maintenir certaines commissions consultatives que le gouvernement veut supprimer. Il en va ainsi de la Commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, de l’Observatoire de la récidive et de la désistance, de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires et du Conseil supérieur de la mutualité. En matière de...

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Auteur d'origine: Montecler

Après trois élections législatives perdues sous les couleurs du RPR et des Républicains, Francis Szpiner remonte au front. L’avocat parisien espère bien remporter le très à droite XVIe arrondissement de Paris à l’occasion des municipales. Pour Me Szpiner, cette élection pourrait bien en effet être la bonne, poussé par la dynamique qui porte la droite parisienne. En cas de victoire, l’avocat recevra en guise de cadeau d’anniversaire – il aura 66 ans le soir du deuxième tour – le fauteuil de maire.

Profession d’avocat oblige, la campagne du candidat est cependant très marquée par les métiers du droit. Ce jeudi 5 mars, au stade Jean-Bouin, le meeting de Francis Szpiner a ainsi un air de réunion de cabinet. Sur l’estrade, l’avocat de STAS (Szpiner, Toby, Ayela et Semerdjian) est en effet épaulé par l’un de ses associés, François Baroin, l’une des figures de la droite. Les deux hommes sont également entourés par deux autres juristes, Claude Goasguen et Rachida Dati, qui brigue l’hôtel de ville. En tout, ils sont sept avocats sur la liste Szpiner, sans compter un élève avocat. « Le métier d’avocat prépare bien à l’engagement public, résume Me Szpiner. La première chose qu’un conseil doit faire, c’est écouter des personnes exposant leur problème, puis leur trouver une solution. Comme en politique, on ne peut pas voir la vérité révélée et on ne peut pas faire ce métier si on n’aime pas autrui. »

« L’un des plus grands pénalistes »

Ce soir-là, le meeting de Francis Szpiner commence par un éloge appuyé de François Baroin. Le candidat ? « C’est l’un des plus grands pénalistes des cinquante dernières années », rappelle-t-il à l’adresse de l’assistance qui a bravé le coronavirus et la pluie. Le président de l’Association des maires de France poursuit. « Avec sa voix de stentor, c’est un régal de l’écouter dans son exercice professionnel, un métier dans lequel il excelle. » Me Szpiner a récemment représenté la famille d’Imad Ibn Ziaten au procès en appel d’Abdelkader Merah et Sand Van Roy, l’actrice qui accusait Luc Besson de viol. L’ancien avocat d’Alain Juppé, proche de Jacques Chirac, s’est également emparé d’une partie de la défense du sulfureux Alexandre Djouhri, suspecté dans l’enquête sur le financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.

Me Szpiner n’est pas le seul ténor qui s’invite dans ces élections. Jean-Yves Le Borgne, sur la liste de Philippe Goujon, soutient ainsi le maire dissident du XVe arrondissement. Et, dans d’autres villes en France, des avocats mettent sur pied des listes composées uniquement de juristes pour prolonger le combat contre la réforme des retraites. Francis Szpiner, encarté à droite depuis 1982, n’est cependant pas là pour une candidature de témoignage. Mais son élection dans le XVIe arrondissement pourrait être contrariée par les divisions de la droite locale. Il affronte en effet deux candidatures dissidentes. Danièle Giazzi, maire (LR) depuis la démission du candidat élu en 2014, Claude Goasguen, qui a préféré l’Assemblée nationale en 2017. Tout comme la sénatrice LR Céline Boulay-Espéronnier. En embuscade, l’adjointe sortante Hanna Sebbah, chargée des associations, un temps elle aussi LR, espère rafler la mairie sous les couleurs de la République en marche dans la foulée du très bon score du parti présidentiel aux élections européennes de l’an passé. « La réforme des retraites ne favorise pas la majorité, remarque cependant Me Szpiner. De nombreux avocats, qui exercent et votent dans le XVIe arrondissement, me disent qu’il est hors de question de voter pour le parti présidentiel. »

Le candidat rattrapé par l’avocat

Quant à la préfète Béatrice Marre, qui conduit les troupes d’Anne Hidalgo, elle a la lourde tâche de défendre une maire sortante qui clive. La gestion de la propreté, de la sécurité et de la circulation dans la capitale hérisse le poil de l’opposition. Des arguments répétés par Me Szpiner. Mais, bien souvent, le candidat est rattrapé par l’avocat. Exemple, ce dimanche 8 mars, au marché de l’avenue de Versailles, porte de Saint-Cloud. Me Szpiner, un tract à la main, est interpellé par une mère de famille. Son fils vient de se faire vertement éjecter en demi-finale d’un concours d’éloquence. La faute à un trop grand étalage de culture générale et d’une trop grande confiance en soi, selon les mots du jury. « Quand on vient vous reprocher de faire état de votre culture, c’est catastrophique », se désole Me Szpiner, qui avoue cependant « qu’il y a de tout dans ces concours ». « Je n’ai jamais été pour le nivellement par le bas », poursuit-il en glissant sa carte à l’intention du futur juriste. Puis, avant de partir, il délivre un dernier conseil : « quand vous êtes un bon civiliste, vous pouvez tout faire ».

L’avocat poursuit son chemin vers la porte de Saint-Cloud à travers le marché. Après plusieurs semaines de réunions d’appartements, meeting et tractages, Me Szpiner, entre deux bises, des poignées de main et un commentaire sur le match de rugby, est à l’aise comme dans le prétoire. L’avocat s’amuse en distillant des bons mots.

« Marcel Campion, c’est comme Coluche », confie une électrice. « Coluche était plus drôle ! », réplique aussitôt l’avocat.

Un militant d’En Marche l’apostrophe amicalement. Il n’a jamais été socialiste et pensera à lui pour le deuxième tour. Un peu plus loin, l’avocat signale à d’autres militants marcheurs, décidément très intéressés par le candidat LR, « qu’un traître, c’est par définition un ami ». Si, dans le XVIe, les candidates de la droite dissidente embêtent Me Szpiner, « les schtroumpfs » – les militants d’En Marche portent des K-Way bleu clair – lui sont beaucoup plus « sympathiques ». De quoi suggérer des reports de voix au second tour.

En cas de victoire, l’avocat a déjà tout prévu. Il devrait se libérer du temps en se concentrant sur un peu moins de dossiers. Tout en gardant la main sur les affaires prioritaires, telles que l’association La voix de l’enfant, la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme, ou encore le droit des affaires avec Me Caroline Toby. Le barreau et la mairie, la perspective n’effraie pas le juriste. Et l’avocat de rappeler : « Cela a plutôt bien réussi à Valenciennes, avec Jean-Louis Borloo, non ? »

Auteur d'origine: babonneau

Le Conseil d’État était saisi par plusieurs employés de la SNCF qui recherchaient l’abrogation des dispositions du e) du paragraphe 2.1 de l’article 2 du chapitre V du statut des relations collectives en tant qu’elles fixent un âge maximal de trente ans pour le recrutement d’agents dans le cadre permanent. Or, depuis le 1er janvier 2020, les sociétés du groupe SNCF ne peuvent plus procéder à des recrutements sur le fondement des dispositions dont l’abrogation était demandée.

Rappelant que « l’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger un...

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Auteur d'origine: pastor

À partir d’un état des lieux de la situation des jeunes des territoires éloignés des métropoles, la mission propose un scénario visant à diversifier et à accentuer les dispositifs. Ce plan d’action se décline en vingt-cinq mesures qui pourraient être mises en place à partir de la rentrée scolaire 2020. Les jeunes qui grandissent dans une zone de montagne ou dans une petite ville font face à une addition d’obstacles : ils ont moins d’accès à l’information concernant les filières et les métiers, moins d’opportunités de formation, connaissent la fracture digitale et bénéficient de moins de mobilité.

La mission recommande la création d’un programme national de mentorat qui permettrait de tisser des liens entre les territoires, entre les générations et entre les catégories socio-professionnelles. Elle souhaite que le ministère mette en place des mesures incitatives pour attirer et stabiliser les enseignants dans les établissements isolés. En terme de maillage territorial, elle propose de créer la « Fabrique des rôles-modèles », un dispositif pour favoriser les rencontres inspirantes dans 100 premiers établissements ruraux, de systématiser les immersions des jeunes ruraux dans le monde de la formation et de l’emploi ou encore de faciliter l’engagement des jeunes des territoires isolés (service national universel, service civique…).

Auteur d'origine: pastor
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Par délibération n° 13-893 du 14 décembre 2018, le conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a autorisé l’expérimentation d’un dispositif de reconnaissance faciale à l’entrée de deux lycées, consistant, d’une part, à assurer un contrôle d’accès à l’établissement des lycéens identifiés par le système et, d’autre part, à suivre la trajectoire des lycéens et visiteurs occasionnels non identifiés par le système (v. C. Rotily et L. Archambault, Données biométriques issues d’expérimentations de reconnaissance faciale sur le territoire français : un défi à l’aune du droit 2.0 ?, Dalloz IP/IT 2020. 54 ). Ce faisant, la délibération a, premièrement, approuvé les termes de la convention tripartite entre la région, les lycées et la société implantant le dispositif, deuxièmement, lancé l’expérimentation au sein des deux établissements et, troisièmement, autorisé le président de la région à signer la convention tripartite.

Saisie par la région PACA, la CNIL s’est montrée défavorable au recours à une telle expérimentation qui « n’apparaît ni nécessaire ni proportionné pour atteindre [les finalités recherchées] » (v. son communiqué de presse). Concomitamment, quatre organisations ont saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la délibération.

Le 27 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération de la région PACA, mais seulement en tant qu’elle a lancé l’expérimentation, au motif qu’elle est entachée d’incompétence et d’illégalité en ce qu’elle ne respecte pas les principes régissant le recueil du consentement et de nécessité et proportionnalité au regard des finalités recherchées.

Sur la compétence de la région PACA, celle-ci prétendait que l’objectif de cette expérimentation relève de sa mission d’accueil, d’hébergement ou d’entretien des lycées figurant à l’article L. 214-6 du code de l’éducation. Rejetant ces prétentions, le tribunal administratif rappelle qu’il résulte de l’article R. 421-10 du code de l’éducation que c’est au chef d’établissement qu’il appartient de prendre des dispositions « pour assurer la sécurité des personnes et des biens ». La région PACA a dès lors excédé ses compétences puisque l’instauration du système de reconnaissance faciale a notamment pour objet « le renforcement de la sécurité dans les établissements scolaires ».

Sur la base légale du consentement, le tribunal administratif rappelle que les données personnelles traitées dans le cadre d’un système de reconnaissance faciale sont des données biométriques, sensibles par nature et soumises aux articles 6 de la loi n° 78-17 « Informatique et Libertés » et 9 du Règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD), qui interdisent par principe leur traitement, sauf notamment si la personne concernée a donné son consentement explicite. La région PACA se prévalait de cette exception, soutenant que le traitement des données avait pour base légale le consentement des lycéens ou, le cas échéant, de leurs représentants légaux, manifesté par la signature d’un formulaire. Cette seule signature ne constitue pas une garantie suffisante à l’obtention d’un consentement libre et éclairé selon le tribunal administratif, dans la mesure où « le public visé se trouve dans une relation d’autorité à l’égard des responsables des établissements publics d’enseignement concernés ».

Sur les finalités du traitement, le tribunal administratif juge également insuffisants au regard des articles précités les objectifs de fluidification et de sécurisation des contrôles à l’entrée des lycées avancés par la région PACA, qui ne démontre pas qu’ils « constituent un motif d’intérêt public ni même que ces finalités ne pourraient être atteintes de manière suffisamment efficace par des contrôles par badge, assortis, le cas échéant, de l’usage de la vidéosurveillance ».

Toutefois, le tribunal administratif considère comme irrecevable le recours en excès de pouvoir formé à l’encontre de la partie de la délibération approuvant la convention tripartite d’expérimentation conclue entre la région PACA, la société partenaire et les deux lycées, et autorisant le président de la région à les signer. Cette partie de l’acte doit en effet être attaquée sous la forme d’un « recours de pleine juridiction en contestation de la validité de ces conventions devant le juge du contrat ». La délibération présente en effet « le caractère d’un acte détachable aux conventions tripartites d’expérimentation […] en ce qu’elle approuve leur contenu et autorise son président à les signer ». « La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer » ne peut donc pas être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir qui n’est pas compétent. Cette irrecevabilité soulève dès lors des interrogations sur l’avenir du dispositif expérimental de reconnaissance faciale, la convention tripartite d’expérimentation restant pour l’heure approuvée par la région et signée par le président du conseil régional.

Auteur d'origine: nmaximin
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par Jean-Marc Pastorle 10 mars 2020

CE févr. 2020, req. n° 423347

Avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération sportive, il est institué un préalable obligatoire de conciliation organisé par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). L’article R. 141-23 du code du sport dispose que les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties et doivent être appliquées dès leur...

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Auteur d'origine: pastor

L’incertitude sur les règles juridiques applicables à une catégorie d’agents publics peut rendre impossible une formalité pourtant imposée par les textes.

Le Conseil d’État était saisi par l’évêque de Metz d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy confirmant l’annulation du licenciement, décidé en 2015, d’un agent de la mense épiscopale du diocèse. Les menses épiscopales, établissements publics du culte régis par le droit local d’Alsace-Moselle, sont chargées d’administrer les biens du diocèse,...

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Auteur d'origine: Montecler

Le droit à la protection fonctionnelle, érigée en principe général du droit (PGD) depuis 1963 (CE 26 avr. 1963, Centre hospitalier de Besançon, n° 42783), est désormais codifié à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors. Ainsi, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité – sous conditions – de couvrir sa défense au civil et au pénal ainsi que de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. La protection fonctionnelle peut s’étendre, dans certaines hypothèses, à certains membres de sa famille. Une protection particulière renforcée pour les parents de militaires est prévue à l’article L. 4123-10 du code de la défense, fondée sur le risque spécial de menaces et violences auxquels ils sont exposés du fait des fonctions de l’agent.

En l’espèce, Mme C. B. [qui est la mère de M. D. B., un Tarjuman ayant servi d’interprète aux forces armées françaises en Afghanistan en qualité de personnel civil de recrutement local et bénéficiant d’une carte de résident en France depuis 2016 au titre de la protection...

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Auteur d'origine: pastor

L’affaire Haenel et le traitement judiciaire des plaintes pour agressions sexuelles

« Adèle Haenel a changé d’avis sur le traitement de la plainte depuis qu’elle a rencontré notre service qui est vraiment spécialisé dans les crimes sexuels sur mineurs », atteste la capitaine de police Véronique Béchu qui dirige le groupe central des mineurs victimes, l’un des six services opérationnels que compte l’Office central pour la répression contre les violences aux personnes (OCRVP). Début novembre 2019, à l’issue d’une grande enquête de Mediapart, l’actrice française accusait Christophe Ruggia de l’avoir agressée sexuellement et harcelée alors qu’elle était âgée de douze à quinze ans et qu’il la faisait tourner dans son film Les Diables (2002). Elle refusait alors de porter plainte. « Je n’ai jamais pensé à la justice parce qu’il y a une violence systémique qui est faite aux femmes dans le système judiciaire, expliquait-elle sur le plateau du magazine en ligne. (…) Il y a tellement de femmes qu’on envoie se faire broyer, soit par la façon dont on va récupérer leur plainte, soit dans la façon dont on va disséquer leur vie et porter le regard sur elles, la faute c’est elles. »

Quelques jours plus tard, le parquet portait plainte, estimant l’action publique nécessaire dans cette affaire. Une enquête pour agressions sexuelles sur mineure de moins de quinze ans par personne ayant autorité et pour harcèlement sexuel était confiée à l’OCRVP, en particulier à ce service, incitant Adèle Haenel a finalement déposer plainte à son tour. « La justice a fait un pas, j’en fais un », confiait-elle à Mediapart. « Mon dossier est maintenant traité de manière idéale, avec des gendarmes et des policiers attentifs et bienveillants. Je souhaite ce traitement à toutes les victimes », déclarait-elle dans une interview au New York Times, le 24 février, quatre jours avant son départ précipité au milieu de la 45e cérémonie des Césars alors que le prix de la meilleure réalisation était attribuée à Roman Polanski, accusé de viols par plusieurs femmes. Elle rappelait néanmoins, fidèle à sa ligne de départ : « on a un système judiciaire qui ne fait pas des violences faites aux femmes sa priorité », évoquant « les grandes difficultés qui jalonnent le parcours d’une femme victime de violences sexuelles ».

Me Emmanuel Daoud, avocat dans des affaires de viols et d’agressions sexuelles, et représentant d’ECPAT, ONG de lutte contre l’exploitation sexuelle d’enfants basée à Bangkok (Thaïlande) et partenaire de l’OCRVP, confirme : « On sait que ce n’est pas parce qu’une plainte est déposée qu’elle sera traitée. On sait qu’on va devoir relancer le parquet dix, quinze, vingt fois jusqu’à ce que ça bouge et quitte à énerver le procureur. On sait que ça sera lent, sauf quand les violences ont été constatées médico-légalement ou qu’il s’agit de mineurs qui le sont encore. Et on prépare nos clients à cette réalité qui ne doit pas être une fatalité ». Selon le pénaliste, chacun fait une « balance avantages / inconvénients pour savoir si cela vaut vraiment le coup. Les enquêteurs le font tous les jours pour tous les dossiers ». 

« Ce n’est pas que la justice ne veut pas, c’est qu’elle ne peut souvent pas, commente Véronique Béchu. Souvent les faits sont prescrits, les preuves matérielles manquent et la loi française est faîte de manière à ce que le doute profite à l’accusé ». L’affaire Haenel, très suivie, aura au moins permis de faire davantage connaître le travail de l’OCRVP. Et de le faire reconnaître, comme l’attestent ses avocats de la comédienne, Yann Le Bras et Anouck Michelin : « notre cliente s’est rendue compte qu’elle avait affaire à des policiers et des gendarmes extrêmement professionnels et disponibles. L’audition était programmée sur cinq heures et s’est finalement terminée à 3h du matin (soit une durée de 12 heures, ndlr) pour que tout soit dit et consigné d’un seul tenant ». Une manière d’éviter aux personnes qui se présentent comme victimes l’épreuve d’auditions séquencées et répétées à divers interlocuteurs, et de faciliter le travail des enquêteurs. « Ce qu’elle en retient c’est qu’ils savent de quoi ils parlent, ce sont des enquêteurs spécialisés et leurs questions, extrêmement pertinentes, permettent de réveiller des souvenirs, ajoute Me Le Bras. Ils lui ont par exemple demandé de se remémorer les odeurs lorsqu’elle se trouvait chez M. Ruggia ». Plus globalement : « ils créent un climat de confiance dans une sphère compliquée parce qu’intime qui permet d’avoir un tableau très précis et de trier entre les gens qui mentent, qui extrapolent, qui en rajoutent, et ceux qui ne mentent pas ». L’enquête est toujours en cours après trois auditions au sein de l’office et notamment une confrontation avec Christophe Ruggia. « L’enquête est parfaitement menée, étape par étape. Et Adèle Haenel bénéficie de l’accompagnement de son entourage, de son psy et de ses avocats ». La capitaine Béchu invite les victimes de violences sexuelles à « libérer la parole, pas forcément dans les médias mais par un service de police dédié ».

Sur 16 400 plaintes enregistrées en France, seulement 1 600 seront jugées en cour d’assises, soit plus de dix fois moins, rappelle le documentaire Elle l’a bien cherché, réalisé par Laetitia Ohnona qui a travaillé pendant sept ans sur les viols et leur traitement en France. (« 200 000 viols sont commis chaque année » en France, « deux femmes sur six ont été victimes de viol ou de tentative de viols dans leur vie »).

Une brigade en situation d’extrême sous-effectif

Deux chiffres, éloquents, suffisent à résumer la situation. Le groupe central des mineurs victimes est composé de treize enquêteurs. Chaque année, ils reçoivent 70 000 affaires à traiter. « En Angleterre nos homologues disposent d’un service de 250 personnes, les Néerlandais sont 130 alors qu’ils ont trois fois moins d’habitants que nous », rappellent la capitaine Béchu et son adjointe la capitaine Katie Steel. « Et heureusement que ces pays sont là dans certains dossiers pour nous aider sinon nous n’en aurions pas les moyens ». Cette unité, très autonome au sein de l’OCRVP, a pour mission la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne autrement dit la pédopornographie sur internet – le critère du web étant le vecteur de saisine de l’office – ainsi que dans le cadre du tourisme.

La France est le troisième pays européen le plus concerné par ces enjeux derrière la Hollande et l’Allemagne, et avant l’Angleterre selon les enquêtrices. Du fait de son expertise, le groupe reçoit également les affaires médiatiques, sensibles ou d’enjeu international comme les affaires Haenel, Matzneff ou Epstein. Il est le seul compétent sur tout le territoire français. La brigade de protection des mineurs est, elle, compétente pour Paris et la petite couronne mais aussi pour des dossiers envoyés par la sûreté nationale (viols, incestes, fugues, bébés secoués…). C’est ce service qui a fait l’objet du film Polisse de Maïwenn (2011). Véronique Béchu y a exercé treize ans avant d’arriver à l’OCRVP : « dans le film, on voit tout le panel des affaires qu’on peut traiter mais il déforme quand même la réalité. La façon dont on s’adresse aux enfants, c’est pas du tout ça ». Pour le reste, tous les commissariats disposent d’une brigade de la protection de la famille et les départements d’une sûreté départementale avec des agents formés aux questions de mœurs. L’office a notamment monté des canevas d’audition pour les collègues en local. La libération de la parole depuis #Metoo, réelle selon les deux capitaines, semble impossible à endiguer par un service de treize agents qui gère également le Darknet, un réseau internet couvert et anonyme.

« On essaie d’identifier les producteurs qui filment et abusent d’enfants prépubères, c’est-à-dire de moins de dix ans, sinon il y a trop à faire », reconnaît le commissaire Philippe Guichard, le patron de l’office. De même, en matière de tourisme sexuel, les investigations sont ciblées en Asie du Sud-Est pour les mêmes raisons. « On essaie d’envoyer en local les dossiers plus classiques de détention et diffusion d’images pédopornographiques ou de sextorsion – le fait de solliciter un mineur par écran pour obtenir des images à but sexuel – », précisent les cheffes du service qui conservent notamment les dossiers avec un grand nombre de victimes, un même modus operandi, des auteurs présumés qui exercent une activité en lien avec des mineurs, et les dossiers à l’international. La coopération sur le sujet est totale à la différence d’autres domaines comme les homicides d’expatriés français tués à l’étrangers, l’un des cinq autres groupes opérationnels de l’OCRVP. « Les demandes d’entraide y sont régulièrement refusées, c’est de la diplomatie », souligne le commissaire. Alors qu’en matière de pédocriminalité, « pas de concurrence, tout le monde travaille main dans la main ». Quand un suspect de pédophilie est découvert dans un pays étranger, la communication est immédiate, grâce à Siena, la messagerie sécurisée d’Europol et d’Interpol, et les demandes d’autorisation exemptées, la protection de l’enfance étant l’enjeu principal et unanime. Les Français de l’OCRVP sont même considérés comme experts à l’international. Plusieurs fois par an ils se rendent en Inde, au Vietnam, au Sri Lanka, aux Philippines, en Thaïlande notamment, pour former leurs homologues aux cybertechniques d’enquête, sous pseudonyme, et ainsi resserrer la coopération internationale, y compris avec les ONG locales : « ce sont ces acteurs qui nous signalent les comportements inquiétants de Français à l’étranger ». En quelques années, certains pays ont changé leur législation et renforcé la répression sur ces thématiques. Les pédocriminels eux, s’adaptent. « Ils cherchent des pays très pauvres où ils peuvent être tranquilles. Les prochains sur la liste ce sont la Birmanie et le Bangladesh. »

Aujourd’hui, le nouvel enjeu concerne le live-streaming soit « l’achat de séquences spécifiques de viols d’enfants commandées en direct, explique le commissaire Guichard, souvent aux Philippines. Ça vaut autour de 50 $, là-bas c’est considérable. Les auteurs en commandent jusqu’à 50 ». Le 13 janvier, à Paris, le procès inédit sur le sujet de Stéphan L. se clôturait sur la condamnation de l’accusé à cinq ans d’emprisonnement pour « complicité d’agressions sexuelles sur mineurs » par instigation. Véronique Béchu et Katie Steel regrettent la qualification de complicité plutôt que celle d’auteur. « La peine est la même mais dans l’imaginaire collectif c’est moins grave, or c’est bien lui qui derrière son écran paie, choisit sur catalogue l’enfant et les sévices qu’il va subir ». Elles souhaitent une qualification spécifique suffisamment large pour intervenir dès les premiers échanges de mails et de vidéos.

« En France, ce n’est pas une infraction d’avoir des échanges afin d’obtenir une photo pornographique d’enfant alors que dans les pays anglo-saxons, c’est puni de quatorze ans de prison », assurent les enquêtrices. « Pas sûr que ça réponde aux principes fondamentaux de la procédure pénale », nuance Emmanuel Daoud. Le thème est encore nouveau, et la collaboration avec le parquet et les Philippines jeune en la matière ce qui ne fait que révéler davantage le manque de moyens du groupe central des mineurs victimes. « On parle de priorité nationale dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs en France – et contre les violences faîtes aux femmes, ndlr – mais le manque d’effectif est criant par rapport à l’ampleur du sujet », déplore-t-on au groupe central des mineurs victimes. Un constat repris par Me Daoud et par Me Le Bras : « Si on considère que ça devient une thématique d’actualité, il va falloir faire de la comptabilité humaine ».

Un office ultraspécialisé composé d’enquêteurs et d’analystes

L’OCRVP a été créée par le décret du 6 mai 2006 sur les ruines de deux structures (l’OCDIP et la DNRAPB). Il est l’un des cinq offices centraux de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF) qui dépend donc de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Il est d’ailleurs situé à Nanterre dans leurs locaux. L’OCRVP se compose de six groupes opérationnels et d’une plateforme d’appui. Le premier groupe concerne les homicides sans mobiles apparents. « On ne prend que les affaires extrêmement lourdes, jamais en début de parcours, et souvent en appui du service territorial compétent », explique le commissaire Guichard qui dirige l’office. Parmi ceux-là, un certain nombre de cold cases, ces fameux dossiers vieux de dix, quinze, vingt ans, jamais élucidés, jamais refermés. Le second groupe porte sur les disparitions criminelles ou inquiétantes ce qui correspond juridiquement à « un homicide sans corps découvert », avec là aussi beaucoup de vieux dossiers. Un autre groupe travaille sur les affaires en série, des meurtres ou des viols avec un mode opératoire ou des traces similaires. En ce moment, l’office travaille notamment sur le meurtre de l’étudiante Sophie Le Tan en Alsace et sur le parcours « sur les cinq dernières années » de son principal accusé, Jean-Marc Reiser, déjà acquitté dans une affaire de meurtre en 2001. Vient ensuite le groupe axé sur les homicides d’expatriés français tués à l’étranger : ici l’office œuvre en collaboration avec le service local étranger.

Il y a enfin le groupe des mineurs victimes, évoqué plus haut. Puis celui des dérives sectaires (Caimades), le seul en France à travailler à temps plein sur le sujet. La superintendante Lénaïg Le Baïl, précise que 40 % des signalements faits à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) – supprimée par le gouvernement actuel – concernent des cas d’exercice illégal de la médecine. Par exemple, le cas Mercuri du nom d’un ostéopathe et guérisseur, mis en examen pour abus de faiblesse, escroquerie et exercice illégal de la médecine en 2018. La plupart sont émis par des proches des victimes sous emprise, plus rarement d’une ancienne victime sortie de l’emprise ou enfin du service central du renseignement territorial (SCRT). « On n’est pas là pour juger de la pertinence des croyances même si on doit s’intéresser au discours, nous on est là pour détecter d’éventuelles infractions pénales », affirme-t-elle. La loi About-Picard de juin 2001 sert de socle avec l’infraction d’abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique. Là encore, un gros travail d’audition est mené avec des canevas, un protocole prédéfinis pour mettre en lumière les processus d’emprise. Les dossiers courent sur plusieurs années, sont souvent menés seuls, parfois en cosaisine si des infractions connexes sont relevées, par exemple un service financier.

La plateforme d’appui est, elle, composée de différents services qui interviennent en soutien de ces groupes et de manière transversale. D’abord les psychocriminologues qui font du profilage et de l’assistance à audition. Ensuite, le groupe des relations internationales qui fait du rapprochement entre les cadavres découverts sous X et les disparitions de personnes. Certains sont spécialisés dans la téléphonie et les réseaux sociaux, « un incontournable dans toutes les enquêtes », précise le commissaire Guichard. Puis la plateforme d’analyse criminelle qui dépend de la DCPJ. Onze analystes sont chargés de la mise en œuvre du logiciel SALVAC (système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes), développé par les autorités canadiennes et utilisé en France depuis 2002. Ce service autonome de l’OCRVP est une aide « pour tous les enquêteurs de France » qui consiste à faire du « rapprochement d’affaires », résume Gwladys Gouilliart, capitaine de police et cheffe du groupe. « C’est le seul outil du pays spécialisé dans les atteintes aux personnes, commun à la police et à la gendarmerie, et qui tient compte du comportement des agresseurs », explique-t-elle.

En somme « c’est un outil qui traque les prédateurs » de viols, d’agressions sexuelles, d’enlèvements, de crimes ou de tentatives, dans des cas où victimes et auteurs ne se connaissent apparemment pas, et où il n’y a pas de mobile apparent. 15 000 dossiers ont été intégrés dans la base, la moitié des auteurs sont identifiés. « Les premiers condamnés depuis la création du SALVAC commencent à sortir de prison et à recommencer. On a déjà réinscrit plein d’auteurs dans la base », s’alarme la responsable qui regrette que ce logiciel demeure méconnu. « 90 % du temps, nous sommes pro-actifs », souligne-t-elle. Ainsi, le service propose lui-même ses services aux collègues sur le territoire qui sont chargés d’une enquête. Il arrive que ceux-ci ne répondent pas favorablement comme c’est le cas pour le dossier Nordahl Lelandais, un ancien militaire accusé de meurtres et d’agressions sexuelles sur mineures de moins de quinze ans. « Une aberration », souffle-t-on à l’office. « Je ne dispose pas d’éléments explicatifs », abrège Gwladys Gouilliart.

Un directeur « à l’ancienne » et des cold cases

« Certains m’appellent le Maigret des années 2000 », lance le commissaire Philippe Guichard qui dirige l’OCRVP depuis six ans. « C’est le plus beau poste pour les personnes intéressées par les affaires de sang et de sexe », dit-il. Sa spécialité. « Ce que j’adore, c’est comprendre ce qui a pu se passer et envisager des hypothèses, trouver la bonne ». Inspecteur pendant onze ans, il a pris la tête d’un commissariat des Yvelines après avoir obtenu son examen de commissaire et a rejoint la brigade criminelle de Versailles avant de devenir chef de la division criminelle. L’Express a fait un portrait de ce « flic à l’ancienne » en mai 2018, insistant sur les dossiers qui l’ont marqué, en particulier celui d’Estelle Mouzin, une fillette de neuf ans disparue en 2003 en Seine-et-Marne. Aujourd’hui encore, il demeure l’un de ceux qui connaît le mieux l’affaire.

L’Office continue de travailler sur le sujet parmi d’autres cold cases. « Je pense que tous les dossiers sont sortables. Il faut y croire sinon pas la peine de faire ce métier », lance le breton qui a recouvert son bureau de tableaux de sa région. Lui pense que la médiatisation est toujours bonne à prendre : « il faut que le dossier ne tombe pas dans l’oubli », justifie-t-il. Alors il communique beaucoup avec les journalistes et n’hésite pas à relancer une affaire par le biais d’un reportage, d’un appel à témoins, d’un commentaire. « Les magistrats n’aiment pas ça, ils considèrent que c’est du viol du secret de l’instruction, mais un témoignage peut être très important », dit-il. Et de préciser, «  je ne révèle rien aux médias !  »

L’OCRVP creuse les pistes inexplorées, entend les trois voisins pas rencontrés sur une enquête de voisinage étendue à cent personnes, cherche des axes nouveaux, à coup de brainstormings, de réunions, de déplacements et un gros travail d’audition. « Aussi prestigieux soit le service d’enquête, il y a toujours des manques. Ils sont dans le tunnel, lancent la piste qu’ils estiment la plus sérieuse et quand ça ne marche pas, une autre affaire a déjà pris le pas, moins de gens travaillent sur la première ». Les dossiers les plus anciens remontent aux années 1980 comme celui de Sabine Dumont, une fillette enlevée et tuée dans l’Essonne en 1987. L’Office est saisi à différents moments de l’enquête, quand on estime que leur expertise et leur regard extérieurs peuvent faire avancer le dossier. Dans le cas de Sophie Le Tan, c’est la DCPJ qui a été saisie avec l’ensemble de ses services et offices. Idem dans l’affaire Léa Petitgas, une jeune nantaise disparue en décembre 2017. Il s’agit souvent de cosaisie avec les enquêteurs sur place qui sont la mémoire du dossier, le but étant d’intervenir en bonne intelligence.

« On n’arrive jamais dans une logique de préemption des dossiers ni pour prendre la gloire à leur place, assure la superintendante Lénaïg Le Bail. En général on travaille main dans la main et à l’initiative des gendarmes ou policiers sur place. Travailler avec des gens qui ne le souhaitent pas, ça ne sert à rien. » C’est moins vrai pour les cold cases où les premiers enquêteurs ont cessé d’investiguer. « La première chose qu’on regarde c’est l’état des scellés, dit-elle. L’évolution technique prouve que ça vaut toujours le coup de refaire des analyses ADN notamment ». Sur les dossiers d’ampleur, l’office demande des gels de données téléphoniques sur tout le territoire – très coûteux – qui peuvent aller de quelques heures à une journée. Par exemple, tous les appels en France le jour de la disparition d’Estelle Mouzin sont stockés.

« Il n’y a pas une chaîne où un jour se passe sans émission, sujet, documentaire sur une affaire de sang ou de sexe », relève le commissaire Guichard qui considère la communication comme « une partie du job ». En l’occurrence, cette semaine-là, il intervient à la Chancellerie, reçoit Gabriel Attal, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse pour discuter de la cybercriminalité, participe à une réunion avec Alerte Enlèvement, une autre au parquet de Paris sur l’affaire Epstein, répond à une demande d’expertise d’industriels qui veulent développer des outils de gestion des affaires criminelles, rencontre Uber pour réfléchir à un moyen de pallier le phénomène des agressions par des chauffeurs, participe à une réunion de crise au ministère des Affaires étrangères, s’entretient avec des candidats à cinq postes ouverts au sein de l’Office, et répond à une interview du Monde, de Mediapart ou de l’émission Non élucidé. « Il faut bien que les Français sachent que la police n’est pas que la lutte contre les gilets jaunes mais aussi de l’investigation lourde, dit-il. Et qu’il n’existe pas un violeur ou un agresseur en liberté dont on ne s’occupe pas ». Ce qui, en l’état des moyens attribués à la police et à la justice, malgré tout leur professionnalisme, et si l’on en croit les témoignages de cet article, semble être un idéal loin d’être encore atteint.

Auteur d'origine: babonneau

L’accord donné par le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) au transfert de l’autorisation de création d’un établissement médico-social est une compétence exercée au nom de l’État. Par conséquent, une éventuelle faute dans l’exercice de cette compétence engage la responsabilité de celui-ci et non de l’ARS.

La société Thessalie avait été autorisée, en 2007, à créer un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes dans le Calvados. En juin 2014, la société a demandé au directeur de l’ARS Basse-Normandie le transfert de l’autorisation à un groupe qui s’apprêtait à la racheter. Le directeur de l’ARS a refusé au motif qu’il ne disposait plus des crédits nécessaires au fonctionnement de l’établissement....

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Auteur d'origine: Montecler
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Par un arrêt du 28 février, le Conseil d’État a à nouveau illustré sa jurisprudence relative à l’indemnisation d’un candidat évincé de la conclusion d’un contrat public pour cause de passation irrégulière (CE 18 juin 2003, req. n° 249630, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe c. Commune du Lamentin, Lebon T. ; AJDA 2003. 1676 ; v. aussi CE 10 juill. 2013, req. n° 362777, Compagnie martiniquaise de transports, Lebon T. ; AJDA 2013. 1482 ).

En vertu de celle-ci, lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a le droit d’être indemnisé de son...

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Auteur d'origine: ebenoit

« Vous êtes de ces magistrats qui ont, à la fin, une belle carrière »

La question des allers-retours des hauts magistrats parisiens entre les cabinets et les juridictions est récurrente. Ainsi, le député FI Ugo Bernalicis interroge Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris : « Vous êtes de ces magistrats qui ont servi à la fois au siège et au parquet, qui ont eu des responsabilités politiques dans les cabinets ministériels et qui sont passés par l’inspection, et qui ont, à la fin, une belle carrière. Est-ce que vous pensez que les postes de magistrat à l’administration centrale de la justice posent un problème d’indépendance ? »

Noël réplique : « Le passage en administration centrale n’obère pas l’indépendance du juge. » Au contraire, « il est important que le magistrat s’ouvre sur la société, ce que permet le passage en administration centrale ». Par ailleurs, « si des magistrats ne participaient à des cabinets, alors vous auriez des administrateurs civils, des membres du Conseil d’État qui porteraient eux l’appréciation sur le fonctionnement de la justice. Je préfère que ce soient des magistrats judiciaires ».

Les mêmes questions sont posées ensuite à François Molins, procureur général près la Cour de cassation. « J’ai été directeur de cabinet du garde des Sceaux pendant deux ans et demi. Quand je suis arrivé au parquet de Paris, il y a eu la polémique qu’on connaît. Tous ont dit : on ne critique pas vos qualités personnelles mais votre passage institutionnel ; je ne l’ai, pour autant, pas très bien vécu. […] En arrivant au parquet de Paris, j’aurais pu être tenté de protéger les gens avec lesquels j’avais travaillé quelque temps avant. Je ne l’ai pas fait. Je pense avoir ouvert des enquêtes ou des informations sur la quasi-totalité des mouvements politiques. »

« Le regard des politiques sur la justice devrait changer »

Autre question rituelle posée aux magistrats : les pressions politiques. François Molins cite une affaire datant du début des années 1980. « C’était dans un monde ancien avec une situation qui a beaucoup évolué. » « Depuis la loi de 2013, je n’ai jamais eu à subir, de quelque façon que ce soit, des instructions ou des tentatives d’instruction de la part du pouvoir politique. » « La seule affaire dont j’ai eu à connaître concernait un magistrat, je n’en dirai pas plus afin de ne pas trahir le secret de la procédure en cours, pour lequel on a découvert, à l’occasion de perquisitions effectuées après son départ à la retraite, qu’il y avait, au travers de ses relations avec certains élus, des éléments pouvant évoquer d’éventuelles corruptions ou trafics d’influence. J’ai saisi un juge d’instruction. »

Auditionné le même jour, le secrétaire général de l’USM, Jacky Coulon abonde : « Nous n’avons jamais eu de collègues qui se seraient plaints d’atteintes à l’indépendance. Il y a d’autres difficultés, comme la dépendance de la police judiciaire vis-à-vis du ministère de l’intérieur. » Pour Katia Dubreuil, du Syndicat de la magistrature, des problèmes viennent de la hiérarchie. « Ce sont des collègues déchargés de leur contentieux de manière unilatérale par un président à qui les décisions prises ne conviennent pas. Ce sont des convocations paradisciplinaires du président pour reprocher telle ou telle décision susceptible de déplaire en haut lieu. »

Pour François Molins, « le regard des politiques sur la justice devrait changer. Je suis personnellement frappé que, chaque fois qu’une enquête ou une instruction vise un homme ou une femme politique, sa stratégie de défense est de mettre en cause l’impartialité du procureur ou du juge, ou de l’accuser d’être à la solde du pouvoir ». Une manière de renvoyer la balle aux députés : les perquisitions au siège de la France insoumise figuraient dans les motifs de la résolution FI créant la commission d’enquête.

« L’image publique de la justice est entachée par le statut du parquet »

Pour Jacky Coulon : « Le statut du parquet qui met la nomination et la discipline des procureurs aux mains du pouvoir exécutif nuit à l’image d’indépendance de la justice, une indépendance que l’on constate pourtant concrètement dans les affaires individuelles. Je peux vous garantir que, depuis 2013, je n’ai pas eu d’instructions dans des dossiers individuels. […] Si le CSM nommait les procureurs et les procureurs généraux, on n’aurait pas comme procureur de la République celui qui était conseiller du ministre dans son cabinet. »

Il faut être plus ambitieux, pour François Molins, et « investir le CSM du pouvoir de proposer les nominations des procureurs généraux et des procureurs de la République ». Marie-Christine Tarrare, de la Conférence nationale des procureurs généraux, nuance : « La majorité des procureurs généraux sont pour le maintien du pouvoir de proposition du garde des Sceaux, pour veiller à l’uniformité au niveau national de la politique pénale. »

Autre piste, pour Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de Paris, il serait bon qu’après dix ans de carrière, les magistrats choisissent définitivement entre siège et parquet « avoir été juge d’instruction, puis ensuite magistrat au parquet, où l’on va rendre des rapports sur l’instruction, voilà qui me paraît un peu compliqué ! »

Dernier point, lancinant : les moyens. Pour Joëlle Munier, présidente de la Conférence nationale des présidents de TGI, certaines décisions sont ainsi contraintes. Ainsi, « il arrive que la protection judiciaire indique au juge des enfants qu’elle n’a pas de solution alternative à l’incarcération, faute de financements suffisants. C’est une atteinte à la décision juridictionnelle ».

Auteur d'origine: babonneau

À la suite d’un contrôle antidopage positif à l’occasion d’un match du championnat de France de Top 14, un joueur de rugby professionnel a été suspendu provisoirement, à titre conservatoire, par la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage. Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil d’État précise que « lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire, prise à titre conservatoire sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du...

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Auteur d'origine: pastor
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La création dans la fonction publique d’un contrat de projet, à l’image de ce qui existe dans le code du travail, est l’une des innovations de la loi de transformation de la fonction publique (v. E. Aubin, Le contrat, avenir de la fonction publique ?, AJDA 2019. 2349 ). Le décret n° 2020-172 du 27 février 2020 permet son entrée en vigueur dans les trois versants de la fonction publique.

Il fixe en effet, dans trois chapitres différents, les règles applicables à ce nouveau contrat respectivement dans la fonction publique de l’État (FPE), la fonction publique territoriale (FPT) et la fonction publique hospitalière (FPH). Celles-ci...

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Auteur d'origine: Montecler

Comment démontrer qu’un travail rémunéré a été fourni lorsque le périmètre de la mission n’est pas connu ? Voilà la fiche de poste que le parquet national financier doit, lui, remplir pour démontrer que Penelope Fillon, assistante parlementaire de son époux, a été complice de détournements de fonds public.

Il est dit que le parquet a un boulevard devant lui. C’est parfois vrai tant Mme Fillon hésite, élude ou, pire, est bien incapable de répondre aux questions du tribunal sur « la plus-value » de son travail. Elle apparaît, souvent, comme « l’épouse de », qui assiste aux mondanités locales en raison de son état civil davantage que son poste d’assistante parlementaire. Quand elle hésite, son mari, à côté d’elle à la barre, la pousse et répond pour elle. « Je voudrais rajouter un point », répète-t-il. Que dire de la litanie des collaborateurs locaux et nationaux que Penelope n’a pas rencontrés et dont certains, interrogés pendant l’enquête, ont dit tout ignorer de son rôle ? D’autres savaient qu’elle avait un rôle mais ignoraient qu’elle était payée. La présidente de la 32e chambre a tenté hier, minutieusement, de les trouver, ces traces de travail.

Hier, la défense du couple Fillon, venue avec valises, classeurs et reproductions d’articles de presse locaux des années 1980 aux années 2000, d’éloges funèbres, de parrainages de jumelages de communes, avait l’intention de justifier, ce que Penelope Fillon a eu du mal à faire à l’audience précédente, son travail auprès de François Fillon. Vague ambiance prud’homale. Telle année, on note la présence de Mme Fillon au comice agricole de la Sarthe. « En quoi cela se rattache à votre mandat de député ? », interroge la présidente du tribunal. Développement économique agricole et crédibilité de la politique française en la matière, répond François Fillon. Penelope Fillon assiste à un vernissage dans une galerie d’art, l’article de presse y mentionne « Mme Fillon, représentante de son mari ». Sa venue à une soirée dans une maison de retraite, à la fin des années 1980 ? Elle y représente encore François Fillon. Pour l’éloge funèbre de tel maire, Penelope Fillon précise qu’elle a rassemblé les éléments pour que son époux puisse écrire le texte. En 1998, il y a ce discours concernant un départ à retraite et cette « petite note manuscrite » dans laquelle quelqu’un répond à une vieille dame. À chaque fois, la magistrale demande à la prévenue quelle a été sa plus-value. Les réponses sont discrètes, parfois laborieuses. « Si les gens me demandaient de l’aide, je les aidais. » Le tribunal s’interroge encore sur son utilité alors que François Fillon disposait d’une secrétaire expérimentée à la mairie. Pour répondre au courrier que le député recevait à son domicile, Penelope notait dans des carnets des éléments de réponse qui servaient ensuite à son mari et à sa secrétaire. Des carnets qu’elle n’a jamais gardés. Pour la défense, Penelope Fillon, n’était pas une simple « passeuse » car elle faisait le tri entre ce qui avait un intérêt et ce qui n’en avait pas.

Malgré tout, comment démontrer qu’un travail rémunéré a été réellement exécuté quand personne ne sait vraiment en quoi il consiste ? « Le rôle de Penelope était de superviser les choses, il était de faire le lien entre les équipes et moi-même. Je n’ai jamais demandé à Penelope de faire du secrétariat. Oui, c’est un rôle de donneur d’ordre, avec un niveau de relation de confiance que je n’avais pas avec d’autres collaborateurs. » D’où l’absence de traces tangibles, d’archives, d’éléments incontestables. Et puis, a-t-il ajouté, « pendant cinquante ans, un grand nombre de parlementaires travaillaient avec un membre de leur famille. On ne peut juger les faits reprochés sans prendre en compte cette dimension. On ne travaille pas de la même manière. […] Pour les électeurs, s’adresser à son conjoint, c’est s’adresser directement au parlementaire. […] Mais cela a créé des suspicions, la décision de supprimer les membres de la famille a été prise mais vous ne pouvez juger sans prendre en considération ces éléments ».

Les débats se poursuivent jusqu’au 11 mars.

 

 

Sur le procès des époux Fillon, Dalloz actualité a également publié :

• Procès Fillon : le procès débute mercredi avec l’examen de deux QPC, par M. Babonneau, le 24 février 2020
• Procès Fillon : « Que serait un grand procès pénal sans QPC ? », par M. Babonneau, le 26 février 2020
• Procès des époux Fillon : « Nous avons mal pour vous, madame », par M. Babonneau, le 28 février 2020

Auteur d'origine: babonneau

Environ deux ans après la mise en œuvre de cette loi, la Cour des comptes dresse, à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, un premier bilan de la réforme. Ses travaux se sont organisés autour du triptyque – orientation, affectation, réussite – poursuivi par la loi ORE et, plus largement, par le Plan étudiants, selon lequel la réussite des étudiants aux examens universitaires est mieux assurée lorsqu’ils ont, d’une part, bénéficié, au cours du secondaire, d’un réel accompagnement dans leur choix d’orientation et que, d’autre part, l’affectation dans une formation a été déterminée, en priorité, par...

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Auteur d'origine: ebenoit

Penelope Fillon est une collaboratrice très spéciale. Elle l’est d’abord pour son mari, François Fillon, qui la sollicite jour et nuit, week-end compris, ce qui ne pourrait être demandé à aucun autre assistant parlementaire. Sans elle, il n’y aurait jamais eu, par exemple, de « maillage » territorial du député. Mais elle est aussi, et ce sont ses propres termes, « une variable d’ajustement » dans les salaires qu’il lui verse, toujours « dans la fourchette haute » comme le relève le tribunal. Pour le parquet national financier, Mme Fillon est tout autant spéciale car il peine, lui, à constater la matérialité du travail accompli pendant tant d’années contre salaires.

Hier, au troisième jour du procès1, Penelope Fillon est invitée à la barre par la présidente de la 32e chambre correctionnelle. Mme Clarke – c’est le nom de jeune fille de cette Galloise de 65 ans – a un léger accent, elle parle doucement mais sans hésitation. De la salle d’audience, c’est sa chevelure blanche immaculée qui appelle le regard. Après des études littéraires et un diplôme inachevé de notaire, Penelope Clarke épouse François Fillon en 1980. Il devient député en 1981 dans la Sarthe, en remplacement de son mentor Joël Le Theule, qui vient de mourir. « C’est le décès de Joël Le Theule qui a tout changé, mon mari a décidé de le remplacer, j’ai décidé que j’allais rester dans la Sarthe pour l’épauler ». Voilà, Penelope Fillon commence sa carrière de collaboratrice, avec un objectif central : celui de faire le relais avec les habitants. « C’était ce rôle local qu’il m’avait demandé de faire », raconte-t-elle, dans toute la circonscription. À partir de 1981, François Fillon lui donne des missions ponctuelles et précises sur des sujets variés : « l’aménagement du bocage sabolien » (30 000 F), « organisation du secrétariat » (30 000 F), « collaboration générale » (22 613,50 F) ou encore « études générales » (15 500 F). « Mon mari avait besoin de connaître profondément la circonscription, il m’a demandé de remplir ces différentes missions ».

— Pouvez-vous décrire le travail type que vous faisiez, de manière générale, les tâches à accomplir, interroge la présidente Nathalie Gavarino.

— Je faisais différentes sortes de travail. On recevait énormément de courrier à la maison [entre 35 et 40 par semaine, précisera-t-elle plus tard, ndlr], je faisais ceci, des petites revues de presse sur la partie locale pour qu’il soit au courant des événements dans chaque village, dans chaque commune. Il utilisait les revues de presse, des résumés pour établir des fiches quand il était invité dans des manifestations dans les communes, pour qu’il soit au courant de ce qui se passait.

— Dès 1981, il vous donne des contrats d’étude. Comment les thèmes ont-ils été choisis ?

— C’est mon mari qui m’a donné le thème, je faisais des recherches sur place. Par exemple, sur le bocage, il voulait avoir une idée de comment développer la communauté de communes.

— Vous faisiez des recherches à la bibliothèque, par exemple ?

— Non, c’était très général et local.

— Combien de temps vous a pris chacune des études ?

— De mémoire, six mois. […] Une bonne partie du temps, j’avais de l’aide à la maison, je n’avais pas d’heures précises, fixes.

— Mais quel était le volume horaire de votre travail ?

— Je ne peux vous répondre, c’était dans les années quatre-vingt [la prévention couvre les périodes allant de 1998 à 2002, de 2005 à 2007, 2012 et 2013, ndlr].

— C’étaient des rapports écrits ?

— Oui, je les donnais à mon mari mais je ne sais pas ce qu’il en fait. […]

— Comment était fixée la rémunération ?

— C’était mon mari.

— Les rémunérations étaient très variées, constate la présidente. Elles allaient de 4 000 F à 30 000 F.

— Je pense que mon mari a décidé du montant en fonction du montant du crédit parlementaire.

— Le paiement devait se faire, en principe, contre facture. Vous en avez présenté ?

— Non.

— Lors de l’instruction, vous avez parlé de « petits rapports », c’est-à-dire ?

— Ce n’étaient pas des rapports lourds, plutôt des choses ponctuelles, c’était plutôt petit. […] Les rapports, je les ai donnés à mon mari, les bulletins de salaire, je les ai gardés dans une chemise.

À partir de 1986, il n’est plus question de missions d’études, de rapports, mais de contrats de travail. Penelope Fillon les enchaîne, à temps plein ou à mi-temps. Le salaire ? « C’est mon mari qui gérait son crédit », répète-t-elle à la barre. Son travail ? « Rencontrer les habitants, faire des revues de presse, des fiches pour les manifestations. » Elle travaillait à Sablé, à son domicile, elle était collaboratrice parlementaire locale et n’avait pas « besoin » d’un badge d’accès à l’Assemblée nationale puisqu’elle n’avait « pas besoin d’y aller ». « Ça ne vous intéressait pas de savoir combien vous alliez être payée ? », s’étonne le tribunal. « Si, bien sûr, mais je n’allais pas faire de réclamation ! », répond Penelope Clarke. « Oui, vous n’alliez pas l’assigner aux prud’hommes », sourit la magistrate. La salle rit. Et même quand elle perd 30 % de rémunération, elle ne proteste pas. Les salaires de Penelope Fillon étaient plutôt « dans la fourchette haute » des rémunérations des assistants parlementaires. « Je ne savais pas quelle était la fourchette, mon mari a toujours choisi les montants selon les règles de l’Assemblée nationale. Je n’ai jamais fait de comparaison. » Il y a ensuite huit années sans contrats, où elle continue de travailler pour son mari mais sans salaire. « Ça ne m’a pas posé de problème », dit-elle. Cela ne lui pose pas de problème non plus de ne pas poser de jours de congé ou de bénéficier de congé maternité (ils ont eu cinq enfants). L’avocat de François Fillon rappellera que ce n’est pas inhabituel pour les assistants parlementaires de ne pas prendre de jours de congé.

« Il n’y a qu’une seule Penelope Fillon »

Cela fait deux heures que Penelope Fillon est à la barre. « Son mari » prend des notes. Le procureur Aurélen Létocart se lève. Il « compatit » car la prévenue affronte « un exercice délicat ». La caresse. Puis : « la rémunération est fixée non par vous, mais par votre employeur. J’ai une autre vision, qui me trouble : à chaque maternité correspond un nouveau contrat, avec une augmentation en fonction des besoins croissants du foyer. Est-ce une vision tronquée ? » La prévenue écarte cette possibilité. « À propos des congés que vous n’avez jamais pris, continue le magistrat, il y avait à chaque rupture de contrat une indemnité compensatrice. C’est assez atypique, ça, non ? » En 2002, par exemple, elle touche 16 000 € d’indemnités. Mme Fillon ne s’est « pas occupée de regarder les détails, c’est une négligence de ma part. […] C’est mon mari qui s’occupait de ça ». Le parquet continue de s’étonner de tout. « Lors de vos missions ponctuelles, l’organisation du secrétariat, ça consistait en quoi ? », lance le procureur Bruno Nataf. « Il s’agissait de mettre en place une équipe avec secrétariat, il s’agissait de réfléchir avec ceux impliqués dans l’organisation pour faire en sorte que les choses se passent le mieux possible. » « 30 000 F pour organiser le secrétariat local, qui existait déjà, soit neuf mois de SMIC de l’époque sur une durée qu’on a du mal à se représenter, c’est beaucoup, non ? ». « Je ne me suis pas occupée du montant », répète-t-elle. « Nous avons mal pour vous, madame », conclut Bruno Nataf.

Penelope Fillon s’assoit. Son époux regarde droit devant. C’est à lui de parler. On l’entend mieux. Il revient sur ses débuts, sur le fait qu’il ne rêvait pas de devenir député mais que le couple avait néanmoins décidé « de plonger dans un mode de vie qui s’apparente à un sacerdoce ». La mission de son épouse consistait « à superviser mon agenda, ce qu’elle faisait de manière extrêmement régulière. Je lui demandais de superviser le courrier parlementaire, c’était une masse considérable de demandes d’intervention. La troisième chose que je lui demandais, c’était d’être présente sur le terrain auprès d’associations, de structures comme des clubs, qui forment le tissu d’une circonscription locale. Et, grâce à cette présence, cela me permettait d’avoir des informations précises quand j’y intervenais, parfois jusqu’à dix fois dans le week-end. Elle me donnait des détails, par exemple, sur les maires. Je ne suis pas extraordinairement patient, je ne passe pas beaucoup de temps à écouter. Ensuite, elle recevait les gens qui souhaitaient me rencontrer. Enfin, le dernier travail, oui, elle m’a conseillée. Il n’y a pas un seul discours de ma carrière qui n’ait été relu par Penelope ». L’ancien premier ministre ironise « sur la méconnaissance du parquet qui croit que le travail d’un député, c’est de déposer des amendements et faire de grands discours ». Oui, Penelope était indispensable, « sa force, c’était de connaître, par sa présence, sa proximité, remarquablement bien les gens ». Quid des rémunérations de sa femme ? « Oui, sa rémunération a varié en fonction des disponibilités de mon enveloppe budgétaire. Oui, c’était une variable d’ajustement. » Dans le public, les regards étonnés se croisent. Le parquet reviendra sur le sujet. « C’est une question qui méconnaît le principe de séparation des pouvoirs, le député est le seul maître des tâches et des rémunérations de ses collaborateurs », tranche François Fillon.

La journée n’est pas terminée. La présidente veut évoquer l’interview de Penelope Fillon donnée en 2007 au Sunday Telegraph, dans laquelle elle affirme notamment n’avoir « jamais été réellement » l’assistante de son mari « ou quelque chose dans le genre ». C’est une pièce importante pour l’accusation. Penelope Fillon revient à la barre. « J’ai toujours fait attention de ne pas être l’élue à la place de mon mari. La presse britannique avait envie de me présenter comme première dame de France et je ne voulais surtout pas qu’elle puisse le penser, que j’étais une conseillère spéciale ou quelque chose. J’ai délibérément réduit ce que j’avais fait. […] Quand je dis que je n’ai jamais été son assistante, j’ai voulu dire assistante au Parlement sur le travail législatif, etc. C’est comme ça que j’ai senti les choses. Je ne voulais pas que la journaliste puisse penser que j’avais un rôle important. » Le procureur Aurélien Létocart : « Qui faut-il croire ? La Penelope Fillon qui, sans pression, se livre aux journalistes ou la Penelope Fillon qui, devant les enquêteurs, devant le tribunal, force le trait, tente de surdynamiser le peu d’activité qu’elle a eu ? » « Il n’y a qu’une seule Penelope Fillon », répond la prévenue.

Le procès reprend lundi 2 mars.

1 Les deux QPC plaidées mercredi 27 février n’ont pas été transmises.

 

 

« Faire éclater la vérité »

Dans une déclaration liminaire, François Fillon a estimé qu’il avait « déjà été condamné, il y a trois ans, sans appel par un tribunal médiatique », sa vie avait été auscultée « dans les moindres recoins », avec pour conséquence de l’avoir « empêché » de concourir normalement à l’élection présidentielle de 2017. Cela a causé « des dégâts irréparables » pour son élection, pour sa place « dans le courant de pensée » auquel il appartenait – « quelle que soit la décision, rien n’y changera » – pour son honneur « et celui de mon épouse et de Marc Joulaud ». Il est temps, selon l’ancien premier ministre, « de faire éclater la vérité sur la nature du travail de collaborateur parlementaire, sur les raisons qui ont conduit les parlementaires à travailler avec leur famille et la réalité du travail de mon épouse ».

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