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Une circulaire du Premier ministre datée du 6 août (n° 6201/SG) indique aux préfets le cadre dans lequel ces derniers peuvent utiliser leur pouvoir de dérogation aux normes réglementaires. Fruit d’une expérimentation qui a été pérennisée par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 (v. J.-M. Bricault, AJDA 2020. 1478 ), ce droit doit être sécurisé...

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Lorsqu’il publie, le 11 septembre 2019, « Devoir de vérité » (éditions du Châtelet), Tariq Ramadan entend « raconter mon expérience de vie, celle de quelqu’un injustement incarcéré », dit-il, et s’il nomme par son état civil et à 84 reprises, dans ce livre, l’une de ses plaignantes que la presse nomme (et continue de nommer) Christelle et qui, ayant porté plainte pour viol contre l’islamologue, est la cause, en quelque sorte, de cette « expérience de vie » (10 mois de détention provisoire, plusieurs mises en examen pour viol, une image de dévot dévastée), ce n’est pas pour « régler des comptes », comme le suggère la partie adverse, ou encore pour lâcher sur elle la meute de ses véhéments soutiens, c’est tout simplement parce que son nom ayant déjà été divulgué dans les médias, il ne voyait pas d’objection à l’écrire lui aussi. Pourtant, Christelle en a pris ombrage – ainsi que le parquet – et Tariq Ramadan, ce mercredi 9 septembre, a comparu devant la 17e chambre pour avoir diffusé le nom d’une victime d’agression sexuelle, infraction pour laquelle il encourt, aux termes de l’article 39 quinquies de la loi de 1881, 15 000 € d’amende.

Ses avocats, au nombre de cinq, occupent tout le premier rang. Des autres rangs, bruissent ses soutiens et amis, qui occupent une bonne moitié de la salle. Ils écoutent tout d’abord Me Pascal Garbarini citer Napoléon (« les mots sont tout ») en préambule de la QPC qu’il développe ensuite, sur la conformité à la constitution de l’article 39 quinquies. Le statut de « victime » évoqué dans l’article n’est-il pas incompatible avec la présomption d’innocence ? Cet article créerait un déséquilibre. « Pourquoi, lui, devrait taire le nom de la victime ? Je veux dire, de la victime, entre guillemets », plaide Me Garbarini. À ce stade de la procédure, Christelle est une plaignante ; l’article de loi, peu clair, doit-être soumis à l’examen du Conseil constitutionnel.

Après avoir remis la décision sur la QPC au délibéré sur le fond, le tribunal a invité Tariq Ramadan à s’exprimer spontanément, et le prévenu, brillant orateur, a développé « trois choses », a-t-il entamé, martelant à longueur de phrases que s’il avait voulu divulguer le nom de la Christelle, nuire à sa sécurité, l’intimider, il lui aurait été loisible de le faire au commencement de la procédure, lorsqu’en octobre 2017, une femme, puis une autre, puis une autre, portent plainte pour viol. « Pendant que je suis en prison, les noms des plaignantes apparaissent. Une dépêche AFP divulgue son nom, qui apparaît partout (30 médias, 40 articles), et ce que je vois c’est que jamais elle ne porte plainte contre les journalistes. » Pourquoi ? « Parce qu’il fallait attaquer Ramadan. »

Me Éric Morain, pour la plaignante : « À votre connaissance, le nom apparaît quand pour la première fois ?

− En mars 2018.

− Où ?

− Dans le Muslim post.

− Ma cliente a porté plainte contre le Muslim Post.

− Je n’ai pas eu vent de cette plainte, ni d’aucune autre.

Me Basile Ader, l’autre avocat de Christelle : « Vous présentez votre défense, dans ce livre ?

− Non, je raconte mon expérience de vie, j’expose des faits qui jusque-là n’ont pas été exposés par les médias.

− C’est ce que j’appelle présenter sa défense. En quoi était-ce important de mettre son nom véritable, et non pas Christelle ?

− Il aurait été stupide de dévoiler son nom, mais je ne dévoile rien : je répète. Je n’y vois aucun problème. »

« Depuis le départ, il y a une obsession de diffuser mon nom. »

Tariq Ramadan a très peu communiqué, dit-il, depuis le début de l’instruction, et à chaque fois il envoyait un message de « dignité, de respect de la plaignante », assène-t-il. Christelle, elle, le soupçonne fortement de tirer la ficelle d’un harcèlement massif à son endroit. « La divulgation de mon identité est un acte qui est la pierre angulaire du harcèlement moral que je subis, et c’est un moyen de pression. Depuis le départ, il y a une obsession de diffuser mon nom. Pour moi, c’est une question de vie ou de mort. » Les deux autres plaignantes ont été agressées ; l’une a été tabassée dans le hall de son immeuble, et la première : pneus crevés, insultes, menaces. « Elles ont pu s’en sortir, car elles peuvent courir et s’enfuir. Moi, je suis handicapée, je ne peux pas courir. »

« Est-ce qu’il y a un avant et un après ? », lui demande Éric Morain.

« Je ne sors plus. Un an que je suis enfermée. » Elle est insultée, menacée, on l’invite à se suicider (« pends-toi, suicided-toi »), à longueur de journée. Son interphone a été cassé, sa boîte aux lettres, vandalisée. « J’ai pris 40 kilos, je fais de la boulimie. Là, je suis en phase d’anorexie. » Elle est sous anxiolytique. Son psychisme est tourmenté par la situation qu’elle vit. Elle a fait une tentative de suicide en décembre 2019, a contracté le covid-19 dans une forme assez grave. Son discours est-il crédible ? La défense ne le pense pas. Me Garbarini : « Si vous souhaitez rester anonyme, pourquoi diffuser votre image ? » L’avocat fait référence à son site professionnel, mais également à plusieurs photos diffusées, notamment dans Vanity Fair ou sur Twitter. Des photos « retouchées », sur lesquelles elle est méconnaissable, précise-t-elle. Sur ce réseau elle affirme : « je ne me cacherai plus ». Elle explique : « je ne cacherai plus mon corps, », en réaction à la polémique de l’instant où une femme se voyait reprocher un décolleté trop « provocant ».

Me Elhamamouchi, autre avocat de Tariq Ramadan : « vous avez porté plainte contre un journaliste qui aurait révélé que vous étiez complotiste, antisémite, d’extrême droite ». Mathieu Verneret, « journaliste » (inconnu au bataillon), a publié sur son blog des éléments non vérifiés qui attesteraient des opinions extrêmes de Christelle, repris en fanfare par la horde des soutiens de Tariq Ramadan. L’avocat, finalement, ne pose pas de question : « j’affirme que vous avez laissé passer le délai de prescription exprès, que cette plainte », c’était du vent – et donc que ces informations sont admises comme vrai par la plaignante. Finalement, le procureur l’interrompt : « J’en ai marre, l’audience s’éternise à cause de questions qui n’ont aucun rapport », râle-t-il. « Vous n’avez pas la police de l’audience ! » tente Me Elhamamouchi.

Finalement, le tribunal abrège la dispute pour donner la parole à Éric Morain, qui plaide enfin : « Regardez la salle, on est venu avec sa clique ! » Il dit qu’une haine tenace oppose ces deux-là depuis le début de l’affaire, lorsque celle-ci avait osé une confrontation avec celui qu’elle accuse de l’avoir violé. « Écrire son nom, c’est désigner une cible », plaide-t-il. Basile Ader plaide en droit, tout comme le procureur requiert en droit. Il liste les éléments matériels : il faut une diffusion du nom, une révélation de l’identité, pas d’accord écrit de la victime, et qu’il existe une agression sexuelle. Les éléments, selon lui, sont réunis. « Une victime, c’est quelqu’un désigné comme ayant subi une infraction. L’anonymat protégé par cet article garantit à ces victimes de pouvoir se rendre dans un commissariat pour porter plainte sans risquer de devenir encore plus victime qu’elles ne le sont déjà », précise-t-il. La question la plus âprement débattue est la suivante : n’est-ce pas en contradiction avec le principe de liberté d’expression, au regard notamment de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (Conv. EDH). Selon le procureur, l’entorse au principe se justifie pour la protection de la vie privée, et, dans ce cas, elle est selon lui tout à fait proportionnée. Contre l’éditeur, il requiert 12 000 € d’amende. Contre Tariq Ramadan, 8 000 € d’amende, dont la moitié assortie d’un sursis simple.

L’avocat de l’éditeur pense que cet article « très rare » vise à préserver l’anonymat des gens, et qu’après avoir vu son nom diffusé sur internet, après avoir elle-même donné une interview à Vanity Fair, « l’évidence qui s’impose, c’est qu’elle a souhaité porter sur la place publique ce qui lui est arrivé, avec les détails. Donc, ce débat devient bancal. L’équilibre est rompu », plaide l’avocat. « La partie civile se livre elle-même à ce que le texte réprime », ajoute-t-il, voyant dans cette attitude – et dans ce procès – un manque de cohérence. Me Garbarini voit les choses de la même façon. Il ne pense pas que Christelle puisse judiciairement prétendre – pour le moment – au statut de victime, car, s’agissant d’un viol, les faits mêmes sont discutés (contrairement, par exemple, à une blessure, qui est un fait objectif). Dans ces conditions, et en lien avec la QPC qu’il a lui-même développé, l’article 39 quinquies serait en contradiction avec le principe supérieur de la présomption d’innocence. « J’ai bien compris qu’elle venait régler des comptes ! » Bourdonnement approbateur parmi les soutiens de Ramadan. Il plaide la relaxe. 

Auteur d'origine: babonneau
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Il ne sera plus obligatoire de régler une amende de stationnement avant de pouvoir la contester. Tel est le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Les dispositions contestées, qui viennent d’être censurées, faisaient en effet du paiement préalable du forfait de post-stationnement (FPS), par le redevable qui conteste la somme mise à sa charge, une condition de recevabilité du recours devant la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), sans que soient prévues des possibilités de dérogation. Le Conseil d’Etat avait jugé le moyen tiré de l’atteinte au droit au recours effectif suffisamment sérieux pour transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (CE 10 juin 2020, n° 433276, AJDA 2020. 1199 ). La décision n° 2020-855 QPC confirme les doutes de la haute juridiction administrative.

L’atteinte substantielle au droit au recours effectif

Les juges de la rue de Montpensier rappellent qu’il résulte de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction. Contrôlant ensuite les dispositions contestées, ils admettent que le paiement préalable du FPS majoré avant tout recours contentieux a pour but, dans un souci de bonne administration de la justice, de « prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes ». Pour autant, le législateur n’a pas apporté les garanties suffisantes. Le Conseil constitutionnel précise que si le montant du FPS ne peut excéder celui de la redevance due, « aucune disposition législative ne garantit que la somme à payer pour contester des forfaits de post-stationnement et leur majoration éventuelle ne soit d’un montant trop élevé. » Ensuite, « le législateur n’a apporté à l’exigence de paiement préalable desdits forfaits et majorations aucune exception tenant compte de certaines circonstances ou de la situation particulière de certains redevables ». Il s’ensuit « que le législateur n’a pas prévu les garanties de nature à assurer que l’exigence de paiement préalable ne porte pas d’atteinte substantielle au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif. Les dispositions contestées doivent donc être déclarées contraires à la Constitution ».

Un système à bout de souffle

La décision du Conseil constitutionnel parachève une série de déboires que connait la réforme issue de l’article 63 de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, qui n’avait pas été demandée par la juridiction administrative mais que celle-ci a dû accompagner, reconnaissait son président dans les colonnes de l’AJDA (v. AJDA 2018. 1468 ). Très rapidement, la machine s’est grippée (taux de recouvrement en baisse, fragmentation des acteurs impliqués…), donnant lieu à un rapport sénatorial cinglant qui a jugé le système au bord de la rupture (v. AJDA 2019. 1783 ). S’est ensuite posé la question de la nature juridique du FPS (v. F. Alhama, Dérobade sur la nature juridique du forfait de post-stationnement, AJDA 2020. 524 ). De son côté, le Défenseur des droits, dans un rapport sévère sur le système du FPS, avait réclamé que certaines personnes puissent être exonérées de l’obligation de paiement préalable (AJDA 2020. 77 ). Un vœu que la décision du Conseil constitutionnel exauce donc.

Auteur d'origine: pastor
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Par la loi du 3 août 2018, le législateur a permis à une minorité de blocage des communes membres d’une communauté de communes d’obtenir le report au 1er janvier 2026 du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement à l’intercommunalité (v. B. Fargeaud, AJDA 2018. 1963 ). L’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ne peut pas contourner cette disposition spéciale en ayant recours aux dispositions générales de l’article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales relatives aux transferts de compétences facultatifs.

Specialia generalibus derogant

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Auteur d'origine: Montecler

Nécessaire à l’accessibilité du droit, le mouvement de codification connaît une pause, du fait notamment du flot de nouvelles normes (v. Dalloz actualité, 29 avr. 2019, art. P. Januel). À cause des modifications législatives incessantes, une partie des travaux de codification sont dorénavant consacrés à la recodification de certains codes que le législateur et le gouvernement ont transformés en gruyères.

En 2019, la commission supérieure de codification a beaucoup travaillé sur la refonte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), code qui n’a que quinze ans. Le nouveau code est attendu d’ici le 9 janvier 2021 et devrait être rendu dans les délais.

Par ailleurs, la commission devrait étudier ce semestre le projet de partie réglementaire du code de la justice pénale des mineurs ainsi que des dispositions réglementaires pour l’outre-mer du code de la défense. Il est également prévu que se poursuivent les travaux portant sur la partie aviation civile et réglementaire du code des transports.

D’autres travaux sont annoncés. La loi de 2019 sur la fonction publique autorise le gouvernement à adopter, par ordonnances, un code général de la fonction publique. Une idée déjà lancée en 2004 mais qui avait été abandonnée. Le projet de loi audiovisuel, repoussé du fait de la covid-19, prévoyait la création d’un code de l’audiovisuel et une refonte du code des postes et des communications électroniques. Enfin, la commission insiste sur la nécessité de lancer les travaux d’un code des données personnelles.

Intégrer le droit international dans les codes ?

L’examen du projet de refonte du CESEDA a conduit la commission à s’interroger sur l’accessibilité de ces règles, très contraintes par le droit international et européen. Ces normes internationales ne peuvent être codifiées, l’État n’étant pas compétent pour abroger les textes dont elles sont issues.

La commission a donc recommandé de créer des annexes dépourvues de portée normative, pour une meilleure information des usagers. Ainsi, le code pourrait mentionner les conventions bilatérales applicables au côté des dispositions nationales codifiées, éventuellement sous forme de liens hypertextes. De même, les extraits des règlements européens pertinents pourraient être reproduits.

Auteur d'origine: babonneau
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Faciliter les restructurations administratives en passant notamment par la suppression d’emplois au sein de la fonction publique était l’un des objectifs de la très controversée loi de transformation de la fonction publique (L. n° 2019-828 du 6 août 2019 ; v. AJDA 2019. 2343 ). Modifiant les dispositions relatives à la perte d’emploi, elle prévoit des dispositifs destinés à accompagner les agents de la fonction publique dont l’emploi est susceptible d’être supprimé vers un nouvel emploi soit du secteur public, soit du...

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Auteur d'origine: pastor
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C’est une des mesures phares de la loi Biodiversité du 8 août 2016 (v. A. Van Lang, AJDA 2016. 2381 ) que remet en cause le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytosanitaires en cas de danger sanitaire. Le texte permet en effet de déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes, accusés de longue date d’être toxiques, notamment pour les abeilles (v. F. Séners, Le principe de précaution, le juge, l’insecticide et les abeilles, AJDA 2002. 1180 ).

L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, modifié par la loi du 30 octobre 2018 pour...

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Auteur d'origine: Montecler

En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté 1 milliard d’euros de préjudice de fraudes aux prestations. Un montant en constante augmentation ces dernières années, auquel il faut ajouter 700 millions de fraude aux cotisations. Mais la fraude aux prestations sociales est mal évaluée, seule la CAF se livrant à études. La fraude aux cotisations a fait l’objet d’évaluation, l’estimant dans une fourchette large, entre 7 et 25 milliards d’euros.

Les 3 millions d’assurés fantômes de l’assurance maladie

Les deux rapports, celui de la Cour des comptes et celui de la commission d’enquête de l’Assemblée (présidée par le LR Patrick Hetzel et rapportée par l’UDI Pascal Brideau), font suite à la polémique lancée par le magistrat Charles Prats qui mettait en avant le problème des cartes Vitales surnuméraires. Sur ce sujet, la Cour souligne que la multi-possession de cartes est en diminution, même si des risques de fraude demeurent. La Cour recommande d’individualiser et de dématérialiser la carte Vitale. Sur les usagers indus, notamment des personnes nées à l’étranger, les députés consacrent de longs développements. Ils formulent une dizaine de propositions pour fiabiliser les identités.

Les deux rapports insistent surtout sur le sur nombre de droits ouverts à l’assurance maladie : pour 67 millions d’habitants en 2018, les régimes d’assurance maladie totalisaient, selon la Cour des comptes, plus de 75 millions de bénéficiaires, ayant consommé ou non des soins. Un écart qui concerne des assurés nés à l’étranger comme en France. Devant les députés, le directeur de la sécurité sociale évoquait lui 72,4 millions d’assurés (et non 75), dont 66,8 millions auraient consommés des soins. Selon la Cour, le surnombre d’assurés paraît dépasser de 3 millions le chiffre attendu. Parmi eux, des assurés qui ne résident plus en France de manière stable et n’ont pas vu leurs droits clôturés.

La fraude des professionnels de santé

Selon le rapport de l’Assemblée, les assurés représentent seulement 20 % des montants fraudés à l’assurance maladie, l’essentiel provenant des professionnels de santé. Pour la Cour des comptes « un nombre significatif de professionnels libéraux de santé ont une activité anormalement élevée facturée à l’assurance maladie » et les contrôles sont trop rares. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône (3 % de la population mais 7 % des honoraires facturés par les infirmiers), moins de 1 % des infirmiers sont contrôlés chaque année. De même, l’assurance maladie contrôle au plus 0,7 % des séjours qui lui sont facturés par les établissements de santé. Les facturations ne sont que rarement rapprochées des prescriptions. Députés et Cour des comptes appellent à une dématérialisation totale.

La Cour des comptes souligne la bienveillance dont font l’objet certains professionnels. Un infirmier, déjà plusieurs fois sanctionné depuis 20 ans, a pu à nouveau déclarer 351 actes et 220 déplacements sur une seule journée. L’assurance maladie dépose de moins en moins de plaintes devant les ordres (157 en 2019 contre 346 en 2011) et pour le rappel des droits, la prescription appliquée n’est souvent que de deux ans (au lieu de cinq). Attendu depuis 2010, le décret qui permettrait d’extrapoler la fraude d’un professionnel n’a toujours pas été publié.

Enfin, les déconventionnements sont trop rares : hors transporteurs sanitaires, l’Assurance maladie ne procède qu’à une vingtaine de déconventionnement par an.

La fraude aux prestations des particuliers

C’est la CAF qui met en place les contrôles les plus poussés, en allant jusqu’à à des visites des contrôleurs au domicile des allocataires du RSA. Les députés souhaitent un décret encadrant l’étendue des pouvoirs de contrôle des agents, comme le souhaitait le Défenseur des droits. A contrario, dans la branche vieillesse, les contrôles a posteriori sont très rares (un sur 1 900).

Pour lutter contre la fraude, l’échange des données a été progressivement étendu. La Cour critique à ce titre l’important retard pris par le référentiel national commun de la protection sociale (RNCPS), qui permet de mutualiser les informations entre organismes.

Elle note aussi plusieurs manques dans ce partage des données : les organismes sociaux n’exploitent pas certaines données administratives pour contrôler la stabilité de la résidence en France (registre des Français établis à l’étranger, bases élèves) ou le caractère irrégulier du séjour (visas). Pôle emploi n’a pas de droit de communication qu’ont les autres organismes et ne peut obtenir certaines informations comme les relevés bancaires. La branche famille et la DGFiP ne croisent pas leurs informations ce qui permettrait de repérer d’éventuels logements inexistants ou des sous-déclaration de revenus par des bailleurs privés. L’assurance vieillesse aurait besoin d’accéder au Ficoba pour vérifier que la pension est bien versée au retraité.

Mieux lutter contre la fraude organisée

Les députés comme la Cour soulignent également les faiblesses concernant la lutte contre la fraude organisée. Ainsi dans la branche famille, les contrôles mis en œuvre ciblent surtout des individus isolés ou des couples et délaissent les bandes organisées.

Deux pistes pour y remédier : la première est le data-mining, qui permet d’agréger toutes les données récupérées par les organismes. Certains sont engagés dans cette piste, comme Pôle emploi qui a développé un outil de contrôle (Ocapi) qui permet de visualiser des relations entre des demandeurs d’emploi et des entreprises, afin de détecter d’éventuelles fraudes en réseau.

L’autre piste est avancée par les députés : face à l’essoufflement de la Mission interministérielle dédiée (ex-DNLF), les députés souhaitent la création d’une agence de lutte anti-fraude dotée de pouvoirs d’audit et d’injonction. Plus globalement, ils souhaitent aussi doter les organismes de prérogatives police judiciaire, pour procéder à des auditions libres.

 

 

Récapitulatif des recommandations

Mesurer l’ampleur de la fraude aux prestations
2. Procéder régulièrement à une estimation chiffrée de la fraude aux prestations couvrant le champ le plus étendu, mettant en œuvre une organisation rigoureuse et reposant sur des méthodes statistiques robustes (ministères chargés de la sécurité sociale et du travail et de l’emploi, Cnam, Cnav, Pôle emploi).

Tarir les possibilités systémiques de fraude
3. Prévenir les détournements de versement de prestations en mettant en œuvre un rapprochement automatisé des coordonnées bancaires communiquées par les assurés, allocataires, professionnels de santé et autres tiers (bailleurs) avec le fichier Ficoba des comptes bancaires ouverts en France, y compris sur le stock d’identités bancaires antérieures à la mise en œuvre de ce rapprochement (ministères chargés de la sécurité sociale, du travail et de l’emploi et de l’économie, ensemble des organismes nationaux de protection sociale).
4. Réduire les fraudes et les autres irrégularités liées aux actes et prestations facturés à l’assurance maladie :
 - en rendant obligatoire la dématérialisation de l’ensemble des prescriptions médicales, y compris en établissement de santé ;

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En période de pandémie, on ne peut pas « faire de la dentelle ». Tel est le message que Charles Touboul, directeur des affaires juridiques au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, est venu lui-même porter – pour l’essentiel avec succès – devant le juge des référés du Conseil d’État, le dimanche 6 septembre.

« Faire de la dentelle », c’est, selon le ministère, ce que les juges des référés des tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon demandaient aux préfets du Bas-Rhin et du Rhône. Opérant un classique contrôle de proportionnalité sur l’arrêté préfectoral imposant le port du masque sur le territoire de l’ensemble des communes de plus de 10 000 habitants du département, le juge alsacien avait estimé que cette mesure générale et absolue n’était pas justifiée par les circonstances locales (TA Strasbourg, 2 sept. 2020, n° 20055349, AJDA 2020. 1575 ). Le 3 septembre, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, tenant un raisonnement similaire, avait enjoint au préfet du Rhône de revoir son arrêté imposant le port du masque à Lyon et Villeurbanne.

Si, dans un premier temps, les deux préfets avaient manifesté l’intention de se conformer aux injonctions, le ministère a décidé de faire appel car, selon lui, les injonctions étaient irréalistes et inadaptées à la situation. L’État, a expliqué Charles Touboul au juge des référés, Pascale Fombeur, ne connaît pas de façon suffisamment fine les déplacements de population pour imposer le port du masque dans certaines rues et à certaines heures. Et « l’explosion exponentielle » de l’épidémie ne lui laisse pas le temps de réaliser une étude fine. Surtout, le choix d’imposer le port du masque sur l’ensemble du territoire d’une commune a, selon le gouvernement, l’avantage de la lisibilité. L’imposer dans certaines rues seulement a été tenté, notamment en août à Paris. Et cela a été « un échec total ». « Les gens n’y comprenaient plus rien et ne portaient pas le masque. » En dépit de la suggestion de l’avocat des requérants de première instance, selon lequel cet échec était dû à l’absence de signalisation appropriée, pourtant possible, le juge des référés du Conseil d’État a entendu l’argument.

Il considère que le « caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération ». De cette règle nouvelle, il résulte « que le préfet, lorsqu’il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s’y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d’application de cette règle de façon uniforme dans l’ensemble d’une même commune, voire d’un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu’il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d’un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail ».

S’agissant de l’arrêté du Bas-Rhin, le juge considère qu’il ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale « en n’excluant pas de l’obligation du port du masque certaines périodes horaires, qui ne pourraient être qu’une période nocturne d’un intérêt très limité ». En revanche, il estime « qu’il est manifeste que certaines zones au moins de plusieurs des communes considérées, notamment lorsqu’un centre-ville peut être plus aisément identifié, pourraient, eu égard à leurs caractéristiques, être exceptées de l’obligation de port du masque édictée, tout en respectant le souci de cohérence nécessaire à l’effectivité de la mesure prise ». Il enjoint donc à la préfète de modifier son arrêté pour limiter l’obligation du port du masque « à des périmètres permettant d’englober de façon cohérente les lieux caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique ». Dans le Rhône, il considère qu’il ne résulte pas de l’instruction, « eu égard à la densité particulière des communes de Lyon et de Villeurbanne, de plus de 10 000 habitants par kilomètres carrés, et à leurs caractéristiques, qu’il serait manifeste que certaines zones au moins de leur territoire pourraient être exceptées de l’obligation de port du masque édictée, tout en respectant le souci de cohérence nécessaire à l’effectivité de la mesure prise, ni qu’il y aurait une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale en n’excluant pas certaines périodes horaires, qui ne pourraient être qu’une période nocturne d’un intérêt très limité, de cette obligation ». Il est enjoint seulement au préfet d’exclure de l’obligation les personnes pratiquant une activité physiques ou sportives.

Auteur d'origine: Montecler
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Pour la mise en œuvre de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, la régularisation du vice affectant la décision attaquée se fait par application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise (CE 22 déc. 2017, n° 395963, Cne Sempy, Lebon avec les concl. ; AJDA 2018. 7 ; ibid. 272 , chron. S. Roussel et C. Nicolas ; RDI 2018. 175, obs. P. Soler-Couteaux ; AJCT 2018. 229, obs. A.-S. Juilles ; RFDA 2018. 357, concl. J. Burguburu ; ibid. 370, note R. Noguellou ). Pour autant, estime le Conseil d’État, « la compétence de l’autorité appelée à approuver la régularisation doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur à la date de cette approbation ».

Le conseil municipal d’Aix-en-Provence a approuvé, en 2015, le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. Celui-ci était...

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Auteur d'origine: pastor

Par une convention du 18 décembre 1997, la communauté urbaine de Lyon a confié à la société Immobilière Massimi la réalisation de la zone d’aménagement concerté Massimi dans le VIIe arrondissement de Lyon. Saisi par la ville de Lyon sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné la société Immobilière Massimi à verser à la ville la somme de 420 000 € à titre de provision...

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Auteur d'origine: pastor

Alors que se multiplient les arrêtés préfectoraux imposant le port du masque en extérieur sur le territoire de l’ensemble d’une ville, voire d’un département (comme à Paris et dans la petite couronne), le tribunal administratif de Strasbourg a peut-être mis un coup d’arrêt à cette politique.

Dans une ordonnance du 2 septembre, il a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de revoir son arrêté du 28 août 2020. Ce texte imposait le port du masque à tous les piétons à partir de onze ans, en tout temps, sur le territoire de toutes les communes de plus de 10 000 habitants du département.

Saisi en référé-liberté par des personnes physiques, le tribunal a analysé de façon détaillée les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et du conseil scientifique covid-19 sur le port du masque. Il a pris en compte également les chiffres les plus récents sur la recrudescence de la pandémie dans le département. Ces éléments l’amènent à conclure qu’eu égard aux risques pour la population des treize communes concernées, au contexte de la fin des vacances « et alors qu’il est largement admis par la communauté scientifique que le masque constitue un moyen efficace pour contenir cette pandémie, la préfète du Bas-Rhin pouvait légalement en imposer le port dans lesdites communes ».

Mais, conformément à la jurisprudence classique une mesure de police administrative ne peut pas être illimitée. L’arrêté, relève le juge, s’applique du 29 août au 30 septembre, « sur l’ensemble du territoire » des communes concernées et « toute la journée » (en fait l’arrêté ne fixe pas d’horaires, ce dont on peut sans doute déduire qu’il s’applique également la nuit). « La préfète du Bas-Rhin, à qui le caractère général et absolu de son arrêté a été opposé à la barre, n’a apporté aucune justification sur ce point, alors que les dispositions […] de l’article 1er du 10 juillet 2020 autorisent uniquement le représentant de l’État à rendre le port du masque obligatoire lorsque les circonstances locales l’exigent. » Le juge estime également qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier qu’il existerait en permanence et sur la totalité des bans communaux concernés une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l’expansion de la covid-19 ».

Prenant en compte la nécessité de sauvegarder la liberté d’aller et de venir et le respect de la liberté personnelle, mais aussi celle d’endiguer la propagation de la covid-19, le juge ne suspend cependant pas immédiatement l’arrêté. Il enjoint à la préfète « d’édicter un nouvel arrêté excluant de l’obligation du port du masque les lieux des communes concernées et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion de ce virus, au plus tard le lundi 7 septembre à 12 heures ». À défaut, l’exécution de l’arrêté du 28 août sera automatiquement suspendue.

Auteur d'origine: pastor

Baptisé « France relance », le plan de 100 milliards d’euros, officiellement présenté en conseil des ministres le 3 septembre, poursuit deux objectifs : accélérer l’investissement dans les secteurs innovants et la transition écologique, donner un coup de pouce aux entreprises par des baisses de fiscalité. Mais l’annonce par le gouvernement de la suppression de 10 Md€ d’impôts de production...

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Auteur d'origine: pastor

L’autorisation environnementale unique a été généralisée avec l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017. Pour autant, à compter du 1er mars 2017, les autorisations en matière d’installations, ouvrages, travaux et activités relevant du régime de la loi sur l’eau et d’installations classées pour la protection de l’environnement, délivrées antérieurement à l’ordonnance, sont considérées comme des autorisations environnementales.

Par arrêté du 17 octobre 2011, le préfet de...

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Auteur d'origine: pastor

Dans un arrêt du 22 juillet, le Conseil d’État précise les modalités de calcul des majorations de constructibilité prévues par l’article L. 528-1 du code de l’urbanisme.

Aux termes du 2° de cet article, le règlement du plan local d’urbanisme (PLU) peut prévoir, dans certains secteurs, que la réalisation de programmes comportant des logements sociaux bénéficie d’une majoration du volume constructible. Le 3° autorise un dépassement des règles relatives au gabarit, dans la limite de 30 % pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive. L’article L. 528-9 précise...

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Auteur d'origine: Montecler

Au départ, cette commission d’enquête était une demande de la France insoumise. L’objectif affiché de Jean-Luc Mélenchon était de démontrer l’existence de pressions politiques sur des affaires judiciaires ciblant l’opposition, un lawfare français. Les cinquante auditions n’ont pas confirmé de telles pressions. Mais la commission, présidée par le député Ugo Bernalicis (FI) et rapportée par Didier Paris (LREM), a auditionné largement l’ensemble des acteurs du monde judiciaire. Souvent passionnantes, elles ont permis de détailler les nombreux problèmes de la justice au XXIe siècle.

Résumer un rapport est un exercice délicat. D’abord, parce qu’une commission d’enquête vise surtout à établir des faits, pas à formuler des propositions sur un champ aussi large. Ensuite, parce qu’à six cents jours de la présidentielle, peu de réformes pourront être mises en œuvre, le nouveau ministre ayant déjà annoncé ses priorités. Enfin, parce que le président et le rapporteur ont des visions radicalement différentes des réformes à conduire. À côté du rapport de Didier Paris avalisé par la commission (120 pages, 41 propositions), le président insoumis a rédigé un avant-propos personnel (50 pages, 63 propositions), aux idées orthogonales.

Réforme du parquet, augmentation du budget

Première proposition du rapporteur : l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur les nominations du parquet. Mais cette réforme constitutionnelle a déjà été tellement promise depuis dix ans, qu’elle apparaît comme un minimum. Didier Paris souhaite aller plus loin, en donnant au CSM le droit de proposer les noms pour les postes importants du parquet. Par ailleurs, après dix ans, les magistrats devraient choisir de poursuivre leur carrière au siège ou au parquet.

Même si elles sont souvent remises en cause, le rapporteur souhaite conserver les prérogatives du garde des Sceaux. Il est ainsi très hostile à l’idée d’un procureur général de la Nation : c’est à un ministre, responsable devant le Parlement, d’assumer la politique pénale et d’en rendre compte.

Il souhaite maintenir les remontées d’information. Toutefois, les critères de signalement d’une affaire devraient être inscrits dans la loi et toute demande de remontée émanant du garde des Sceaux être motivée. Car, selon le rapport, les remontées d’information ne se traduisent pas par des consignes du ministère aux magistrats. Depuis la loi du 25 juillet 2013, il n’y a plus d’instruction individuelle. Comme l’a indiqué François Molins aux députés, « il y a véritablement eu dans la vie des parquetiers un avant et un après ».

Point régulièrement soulevé lors des auditions : le budget de la justice, l’absence de moyen pouvant limiter les décisions des magistrats. Pour Didier Paris, il faut poursuivre la trajectoire d’augmentation budgétaire prévue par la loi d’orientation de 2019. Il souhaite renforcer le rôle des magistrats dans la répartition budgétaire, en soumettant au CSM pour avis le projet de budget de la justice ou en modernisant le dialogue de gestion entre magistrats et le ministère. Mais pour favoriser ce dialogue, il faut qu’à chaque cour d’appel corresponde un budget opérationnel de programme (BOP)… ce qui suppose de réduire le nombre de cours d’appel (36 actuellement). Une réforme explosive.

Comment améliorer concrètement l’indépendance ?

Les sujets traités par le rapport sont très divers. Concernant la justice administrative, il ne propose ni révolution ni inscription dans la Constitution, mais d’instaurer une prestation de serment et le port de la robe. Didier Paris aborde aussi le poids médiatique qui pèse parfois sur les magistrats, reprenant plusieurs propositions de son précédent rapport sur le secret de l’instruction.

Le député déborde aussi sur des sujets au lien ténu avec le sujet de l’indépendance, mais qui résonnent avec les priorités du nouveau ministre. Ainsi, il propose une protection particulière des relevés d’appels téléphoniques des avocats. Pour limiter la durée des enquêtes préliminaires, il propose d’expertiser l’idée de créer un « juge de la mise en état de l’enquête pénale », autorisant le procureur à poursuivre une enquête passé un certain délai. Enfin, les ordonnances de mise en examen par le juge d’instruction devraient être motivées.

Les contre-propositions insoumises

La contribution du président de la commission, le député insoumis Ugo Bernalicis propose un modèle radicalement différent. Son but est de transférer une large partie des pouvoirs du ministre de la justice vers le CSM et le Parlement. « Afin de garantir l’indépendance des magistrats à l’égard du pouvoir exécutif sans pour autant instaurer un gouvernement des juges, c’est à la représentation nationale et au pouvoir législatif de fixer le cadre judiciaire de la République. »

Le CSM, à la composition largement ouverte aux professions judiciaires et aux justiciables, rendrait des comptes au Parlement. Il récupérerait les moyens RH de la DSJ, ainsi que l’inspection supérieure de la justice et donnerait un avis conforme sur le budget. Les services de police judiciaire spécialisés seraient rattachés à l’autorité judiciaire.

La politique pénale se déclinerait sous la forme d’une loi annuelle, ce qui lui donnerait un poids bien plus important que les circulaires actuelles. Si les remontées d’information sont strictement limitées, les parlementaires et membres de l’exécutif pourraient intervenir par le biais d’interventions volontaires. Les magistrats perdraient un ministre, mais seraient en prise directe avec 925 parlementaires.

 

 

Les articles précédents sur le sujet :

La France Insoumise lance une commission d’enquête parlementaire « sur l’indépendance de la justice »

Face aux députés, les magistrats défendent leur indépendance

Indépendance de la justice : la place de la police

Les députés doutent de l’indépendance de la justice à leur égard

Indépendance de la justice : à quoi sert le garde des Sceaux ?

Auteur d'origine: babonneau

Un an après le début de l’expérimentation des cours criminelles départementales, la réforme est en passe de devenir un bourbier pour Éric Dupond-Moretti. Lancé par Nicole Belloubet, le dossier est en effet désormais sur le bureau d’un nouveau garde des Sceaux qui s’était montré très critique sur ce sujet avant sa prise de fonctions. « Ce qui compte aujourd’hui, l’expression est terrible, c’est le déstockage des affaires, déplorait-il dans l’émission On n’est pas couché sur France 2 un mois avant son arrivée Place Vendôme. Or la cour d’assises, c’est la vitrine de la justice, ce sont des moments magiques. Les effets de manche, c’est l’émotion : il ne peut pas y avoir de justice sans. On est en train de supprimer cela. »

Résultat, les déclarations du garde des Sceaux sont désormais scrutées de près. Cette expérimentation sera-t-elle synonyme d’un renoncement de l’ancien ténor, ou au contraire d’une brouille avec la majorité présidentielle ou son administration – le ministère s’est félicité, fin juillet, des premiers résultats « positifs » de cette expérimentation ? « C’est un défi pour le nouveau ministre », remarque ainsi le député LR Antoine Savignat. « Quelle est l’ambition d’Éric Dupond-Moretti : imposer ses idées ou rentrer dans le moule ? », s’interroge-t-il.

Un magistrat donne déjà un début de réponse en off. « On s’attendait à un Robert Badinter mais c’est plutôt Rachida Dati : Éric Dupond-Moretti avale les couleuvres à une vitesse hallucinante. » « Le ministre est censé appliquer aujourd’hui des réformes contre lesquelles il s’était positionné, analyse l’avocat Jérôme Giusti, codirecteur de l’Observatoire justice et sécurité de la fondation Jean-Jaurès. Il se retrouve donc dans des situations très compliquées, ce qui donne une image du garde des Sceaux très peu lisible. »

Divergences minimisées

Pour éviter de mettre en danger un ministre déjà en difficulté, les députés LREM s’attachent à minimiser l’ampleur des divergences. « Sur ce sujet, la majorité et le garde des Sceaux ne sont pas très loin d’être sur la même longueur d’onde », assure très sérieusement le député Rémy Rebeyrotte. Pour l’élu, les cours criminelles expérimentales, en évitant la correctionnalisation d’affaires de viol, viennent justement au secours des très encombrées cours d’assises. « Quoi qu’en pensent les avocats, il est indispensable de désencombrer les cours d’assises », insiste la magistrate et députée (Mouvement démocrate) Laurence Vichnievsky.

Les nouvelles intentions d’Éric Dupond-Moretti sur ce sujet sont pour le moment assez floues. S’il a bien expliqué ne pas vouloir s’opposer « à la poursuite de l’expérimentation en cours », il a par contre assuré qu’il se « battrait comme un forcené pour que la juridiction des assises ne meure pas ». Une formulation compatible avec la réforme en cours, qui pourrait in fine amputer les assises de seulement la moitié de son vivier. La cour criminelle est en effet compétente pour juger des personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ou vingt ans de réclusion, des crimes qui représentent environ plus de la moitié des affaires renvoyées vers les assises.

Une commission et une mission d’information

Pour tenter de se sortir de ce bourbier, le ministre de la justice a déjà dégainé la carte du lancement de la commission, une manière de repousser le sujet à plus tard. Elle associera des avocats pénalistes et d’anciens présidents de cour d’assises. « Le garde des Sceaux apportera des précisions sur ce sujet en temps voulu », précise son cabinet à Dalloz actualité. La commission des lois de l’Assemblée nationale a également lancé une mission d’information sur ce sujet. Les députés Stéphane Mazars (LREM) et Antoine Savignat (LR) doivent commencer leurs travaux cette semaine.

« Quel sera le pouvoir du garde des Sceaux ?, s’interroge l’ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Dominique Raimbourg. Il peut toujours laisser l’expérimentation durer. Améliorer la productivité des cours d’assises sera très difficile, il faudrait la multiplier par six ou sept. » Les autres pistes d’évolution – accélérer les instructions, diminuer le nombre de jurés ou faire siéger en permanence les cours d’assises – présentent elles aussi leurs difficultés, note l’ancien avocat.

La majorité ambitionne déjà d’aller encore plus loin en généralisant à terme le dispositif à tous les départements, précise Rémy Rebeyrotte. L’expérimentation est désormais possible dans quinze départements, contre six à ses débuts. En mai, le député (LREM) Guillaume Kasbarian avait esquissé les arguments en faveur d’une extension plus large. « Les avocats intervenus dans les sessions estiment en particulier que le principe du contradictoire et de l’oralité des débats ont été sauvegardés devant la cour criminelle », indiquait-il dans un rapport, soulignant que le coût moyen d’une cour criminelle est de 1 100 € par jour, contre 2 060 € pour une cour d’assises. Un enjeu budgétaire justement au cœur de la rentrée du garde des Sceaux, qui donnera davantage le ton du mandat d’Éric Dupond-Moretti Place Vendôme.

Auteur d'origine: babonneau
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L’ordonnance du 29 juillet 2020, prise sur le fondement de la loi « anti-gaspillage » du 10 février 2020 (v. AJDA 2020. 76 ) transpose les trois directives relatives aux déchets du paquet européen sur l’économie circulaire et inscrit dans le droit français de nouveaux objectifs de valorisation des déchets ménagers et assimilés, afin d’atteindre 65 % de déchets réutilisés ou recyclés en 2035. Elle inscrit dans...

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Auteur d'origine: pastor

Un ressortissant camerounais entré en France à l’âge de seize ans a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance de Paris, jusqu’au 8 février 2019. La ville de Paris, qui avait maintenu sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au-delà de cette date, a décidé, à la demande de l’intéressé, de poursuivre celle-ci dans le cadre du dispositif « contrat jeune majeur ». Par une décision du 29 août 2019, la maire de Paris a mis fin à cette prise en charge, au motif que son bénéficiaire avait été exclu de plusieurs hôtels en raison de son comportement et qu’il avait quitté son dernier hébergement depuis le 15 août, sans en informer le service de l’aide sociale à l’enfance. L’intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui a suspendu l’exécution de cette décision et enjoint à la ville de Paris de rétablir une prise en charge...

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Auteur d'origine: pastor

Après plusieurs prorogations, la décision a été rendue le 14 août par le tribunal judiciaire. Saisi par vingt-huit requérants représentés par Me David Dokhan (l’un d’eux est décédé au cours de la procédure), le tribunal s’était vu demander la régularisation de la situation de ces interprètes-traducteurs depuis 2000, puisque le décret du 17 janvier 2000, avançaient-ils, établissait déjà leur appartenance au statut de collaborateurs occasionnels du service public. L’État, pour sa part, estimait que seul un décret de 2015 les qualifiait ainsi, et demandait le rejet de leurs demandes pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de ce décret.

Le tribunal a d’abord rappelé que les interprètes-traducteurs sont des collaborateurs occasionnels du service public (CSS, art. L. 311-3). « Le caractère occasionnel de la collaboration a été analysé comme étant accessoire à une activité principale », rappelle le tribunal. « Or, poursuit-il, le terme collaboration occasionnelle aurait dû, devait et doit s’entendre comme l’activité non permanente de l’interprète-traducteur qui peut être requis par l’autorité judiciaire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à tout moment de la journée et de la nuit, comme ne pouvant pas l’être pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. » Ainsi, peu importe le volume horaire consacré à la collaboration à une mission de service public de ces interprètes-traducteurs, peu importe le nombre de réquisitions dont ils font l’objet, la nature « occasionnelle » de leur collaboration tient au fonctionnement spécifique de leur profession.

Par ailleurs, le tribunal a confirmé que le décret de 2015 « n’a fait que transcrire une règle qui aurait dû être appliquée dès le 19 janvier 2000 », date d’entrée en vigueur du décret du 17 janvier.

Néanmoins, aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale s’applique aux cas d’espèce, estime le tribunal. L’État est donc condamné à payer les cotisations sociales, salariales et patronales, afférentes à l’ensemble des missions d’interprète judiciaire des vingt-sept requérants, depuis le 1er janvier 2011.

« C’est une décision satisfaisante, même si mes clients n’ont pas obtenu la régularisation de l’ensemble de leurs missions », a réagi Me David Dokhan. « Il y avait un risque, compte tenu de l’arrêt du 14 juin 2019 rendu par le pôle social de la cour d’appel de Paris, qui avait une interprétation différente de la nature “occasionnelle” de la collaboration », rappelle-t-il. Le délai d’appel court jusqu’à la mi-septembre.

Auteur d'origine: babonneau

Le tribunal administratif de Versailles avait annulé, sur déféré du préfet de l’Essonne, l’arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Vigneux-sur-Seine avait accordé à la société Altarea Cogedim IDF un permis de construire en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier en retenant comme motif d’illégalité, notamment, la méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat considère que le tribunal a commis une erreur de...

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Auteur d'origine: pastor

Mme A., ressortissante sénégalaise, a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par une décision du directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d’asile. Par la suite, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français. En appel du jugement qui avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de...

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Auteur d'origine: pastor

En l’espèce, un bénéficiaire du statut de réfugié en Belgique a introduit des demandes d’autorisation de séjour au titre du regroupement familial pour ses trois enfants mineurs auprès de l’ambassade de Belgique à Conakry (Guinée). Ses demandes ayant été rejetées, il a décidé d’introduire de nouvelles demandes similaires l’année suivante auprès de l’ambassade de Belgique à Dakar (Sénégal). Celles-ci, considérées comme fondées sur des informations frauduleuses et trompeuses, ont toutefois également été rejetées par les autorités belges. 

Saisi de recours contre ces décisions, le Conseil du contentieux des étrangers de Belgique les a déclarés irrecevables, en raison du défaut d’intérêt à agir du requérant. En effet, selon la jurisprudence belge, l’intérêt à agir doit exister au moment de l’introduction d’un recours et subsister tout au long de la procédure. Or, les enfants étaient tous devenus majeurs au jour du prononcé de la décision du Conseil. Ces derniers ne satisfaisaient donc plus à la condition de minorité exigée au titre de la procédure de regroupement familial.

Les trois enfants concernés ont alors formé des pourvois en cassation devant le Conseil d’État de Belgique au motif que la décision du Conseil du contentieux des étrangers méconnaît le principe d’effectivité du droit de l’Union car elle les empêche de bénéficier du droit au regroupement familial garanti par la Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JOUE 2003, n° L 251, p. 12, art. 4, v. H. Labayle, Le droit des étrangers au regroupement familial, regards croisés du droit interne et du droit européen, RFDA 2007. 101). Les requérant invoquaient par ailleurs la violation du droit à un...

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Auteur d'origine: ccollin

Une crise profonde

Menée par l’ancien garde des Sceaux Dominique Perben, devenu avocat, cette mission (qui succède à de nombreuses autres missions sur l’avenir de la profession d’avocat, restées sans suite) est née du conflit social sur les retraites et a été percuté par la crise sanitaire, deux éléments qui ont fragilisé les cabinets d’avocats. Mais pour le rapport, « les difficultés que rencontre la profession d’avocat sont beaucoup plus anciennes ».

Si la profession d’avocat reste « globalement dynamique et attractive » - les effectifs ont doublé en vingt ans tandis que le chiffre d’affaires a triplé – il y a de très fortes inégalité de la profession : les 63 % des avocats les moins fortunés se partagent 25 % du revenu global, soit autant que les 3,2 % des plus riches.

Le rapport insiste sur les impasses d’une conception traditionnelle du droit par les avocats français, peu axée sur le conseil. Car la « conviction que le droit n’est pas une simple marchandise n’impose pas obligatoirement d’ignorer les règles du marché ». Les avocats n’ont pas suffisamment investi de nouveaux champs, dans lesquels se sont engouffrés les Legaltech, et faire appel à un avocat pour régler un problème juridique est loin d’être systématique. Pour la mission Perben, la crise de la profession est d’abord une crise de l’offre.

Longtemps la stratégie d’absorption d’autres professions a « permis de faire l’économie d’une remise en cause des modes d’exercice traditionnels ». Or cette dynamique est enrayée comme l’a montré l’échec des fusions avec les conseils en propriété intellectuelle, les notaires ou les juristes d’entreprise.

Sur ce point, alors que la mission reprend d’autres serpents de mer, elle ne préconise pas d’adopter l’avocat en entreprise. Si le rapport insiste sur les effets positifs d’une telle réforme (qui permettrait de rapproche les entreprises des avocats), le sujet divise trop la profession pour être proposé par une mission dont l’objectif est de la réunir.

Renforcer les cabinets fragiles

Première proposition : revaloriser l’aide juridictionnelle. La mission souhaite que l’unité de valeur passe de 32 € à 40 €, ce qui coûterait près de 100 millions d’euros. Elle appelle également à revaloriser certaines missions (assistance éducative, médiation, mode alternatifs, rétribution de l’avocat de la victime, procédure participative de mise en état).

Toutefois, l’aide juridictionnelle ayant déjà fortement augmenté ces dernières années, la justice doit trouver des nouvelles ressources. D’où l’idée de réintroduire un timbre de 50 € pour toute procédure judiciaire. Une mesure déjà soutenue par le rapport Moutchou-Gosselin (lire https://www.dalloz-actualite.fr/flash/changements-venir-pour-l-aide-juri...) et le Sénat, qui, jusqu’ici, se heurte au refus du gouvernement de créer de nouvelles taxes. Un débat qui reviendra avec la loi de finances, dès l’automne.

Pour renforcer les ressources, la mission souhaite une réécriture de l’article 700 du code de procédure civile, afin d’augmenter les montants versés par la partie ayant perdu le procès pour les frais de défense. Les avocats présenteraient leurs factures au juge qui fixerait les dépens sur cette base, au regard de l’intérêt du litige. Par ailleurs, la mission préconise de permettre au bâtonnier d’ordonner l’exécution provisoire de ses ordonnances de taxation.

Pour les jeunes avocats, la mission veut obliger les barreaux à souscrire une assurance perte de collaboration, comme le font déjà certains (Rouen). Le coût de cette assurance serait intégré aux cotisations ordinales.

Faire évoluer l’offre des avocats

Pour que les avocats s’imposent dans de nouveaux domaines, comme les modes amiables de règlement des différends, le rapport recommande de conférer une force exécutoire aux actes contresignés par avocats lorsqu’ils constatent un accord des parties.

Le rapport préconise une réforme des structures professionnelles, en permettant l’introduction de capitaux extérieurs, de manière limitée. La mission veut également encourager le regroupement des avocats, et pour cela souhaite moderniser le régime juridique des structures (SEL et SPFPL). Autre piste : encourager une réflexion sur la rémunération de l’apport d’affaires entre avocats.

Parler avec les juges et renforcer le secret

Le rapport s’est aussi penché sur les rapports dégradés entre magistrats et avocats. Pour renforcer le dialogue, le code de l’organisation judiciaire pourrait imposer des rencontres mensuelles entre chefs de juridiction et bâtonniers, ainsi qu’une conférence annuelle entre magistrats et avocats.

Autre préconisation : favoriser les passerelles vers la magistrature. Si des voies existent déjà, le « système actuel place les avocats qui souhaitent rejoindre la magistrature dans une situation de fragilité économique et juridique. » La mission propose de remplacer les voies d’accès latérales par un concours professionnel, et de supprimer le stage probatoire pour accélérer le processus de recrutement.

Dans la feuille de route d’Éric Dupond-Moretti : le secret professionnel des avocats. Estimant le secret des avocats trop peu protégé par le droit français, la mission souhaite le renforcer, tant en matière de défense que de conseil. En enquête préliminaire comme en instruction, une perquisition, une interception ou l’accès à des relevés téléphoniques d’un avocat ne serait possible que sur décision d’un juge des libertés et de la détention (JLD). La décision devrait être motivée sur des indices précis de la participation de l’avocat à la commission d’une infraction. Par ailleurs, le bâtonnier devrait avoir la possibilité de demander l’annulation d’une perquisition d’un cabinet d’avocat, dans l’hypothèse où l’avocat perquisitionné ne serait pas poursuivi. Un débat brûlant qui pourrait revenir dès cet automne par amendement au projet de loi sur le parquet européen.

 

Liste des propositions de la mission Perben

Mesures permettant d’améliorer la situation économique des avocats

Revaloriser le barème de l’aide juridictionnelle et inciter les ordres à améliorer la qualité des services rendus au justiciable (Recommandation 1)

Faciliter le recouvrement des honoraires des avocats en permettant au bâtonnier d’assortir ses décisions de l’exécution provisoire (Recommandation 2)

Améliorer le dispositif de l’article 700 en mettant en mesure le juge d’accorder des indemnités correspondant aux dépenses engagées (Recommandation 3)

Mieux protéger les collaborateurs contre la perte de collaboration (Recommandation 4)

Favoriser l’égalité hommes/femmes (Recommandation 5)

Mesures permettant aux avocats de faire évoluer leur offre

Réformer la formation initiale (Recommandation 7)

Attribuer la force exécutoire à l’acte d’avocat pour favoriser l’intervention des avocats dans les MARD (Recommandation 8)

Adopter une définition de la consultation juridique prenant en compte les évolutions à venir de l’intelligence artificielle (Recommandation 9)

Favoriser le développement des MARD en les intégrant au barème de l’AJ (Recommandation 1)

Favoriser l’exercice en commun par des mesures de modernisation des structures professionnelles (Recommandation 10)

Autoriser un accès limité aux capitaux extérieurs (Recommandation 10)

Mesures destinées à améliorer les relations entre les magistrats et les avocats

Associer les avocats à la vie des juridictions (Recommandation 11)

Faciliter les parcours professionnels (Recommandation 12)

Protéger le secret professionnel (Recommandation 13)

Auteur d'origine: babonneau

Ce projet de loi organique s’appuie sur les propositions formulées l’an dernier par le Conseil d’État dans son étude sur ce sujet (v. L. Dutheillet de Lamothe et T. Janicot, Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques, AJDA 2019. 2038 ). Le projet de loi organique a pour ambition de simplifier les conditions de mise en œuvre des expérimentations, d’élargir les options qui peuvent être envisagées à leur terme, et d’ainsi illustrer le principe de différenciation territoriale.

Des solutions différenciées pour des situations locales différentes

Issues de la révision constitutionnelle de 2003, les expérimentations permettent aux collectivités territoriales et à leurs groupements, lorsque la loi ou le règlement les y habilite, de déroger, pour un objet et une durée limitée, à des normes législatives ou réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.

Le projet de loi organique simplifie la procédure d’entrée des collectivités territoriales dans les expérimentations, en supprimant le régime d’autorisation préalable qui impose que la liste des collectivités expérimentatrices soit, au terme d’une procédure longue et complexe, arrêtée par décret en Conseil d’État. Plus simplement, les collectivités territoriales pourront donc décider de participer à une expérimentation par une simple délibération.

Les actes pris par les collectivités ou leurs groupements dans le cadre d’une expérimentation n’auront plus besoin de passer par une publication au Journal officiel pour qu’ils puissent être exécutoires. Ils seront uniquement soumis aux dispositions de droit commun relatives à l’entrée en vigueur des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements, qui prévoient leur transmission au préfet et l’accomplissement de formalités de publicité au niveau local.

Le régime spécial du contrôle de légalité, qui permet au préfet d’assortir son recours d’une demande de suspension avec effet automatique, n’est maintenu qu’à l’égard des délibérations des collectivités territoriales par lesquelles elles entrent dans le dispositif.

Fin d’un système binaire ?

Deux nouvelles issues aux expérimentations viennent rompre avec l’alternative actuelle binaire entre l’abandon de l’expérimentation et la généralisation des mesures expérimentales à l’ensemble des collectivités territoriales : d’une part, les mesures expérimentales pourront être maintenues dans tout ou partie des collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation et étendues à d’autres ; d’autre part, les dispositions régissant l’exercice de la compétence ayant fait l’objet de l’expérimentation pourront être modifiées à l’issue de celle-ci, afin de confier davantage de responsabilités aux collectivités territoriales par le renforcement du pouvoir réglementaire dont elles disposent pour l’exercice de leurs compétences.

Auteur d'origine: pastor

Initialement, ces textes devaient répondre à des besoins de trésorerie de court terme mais l’épidémie de covid-19 est passée par là rendant nécessaire de transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale de nouvelles dettes d’un montant maximal de 136 milliards...

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Auteur d'origine: pastor

L’épidémie de covid-19 aura fait évoluer le droit en France sur bien des points, jusqu’au droit des collectivités territoriales d’outre-mer, comme l’illustre un arrêt du Conseil d’État du 22 juillet.

Aux termes de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les « lois du pays » doivent être publiées au Journal officiel de la Polynésie française à titre d’information, cette publication ouvrant un délai d’un mois à toute personne intéressée pour saisir le Conseil d’État de la légalité de l’acte. Ce n’est qu’au bout de ce délai en l’absence de recours ou, s’il y a recours, au bout de trois mois au moins, que le président de la collectivité peut promulguer la loi. Des règles spécifiques permettant une promulgation plus rapide sont prévues pour les textes en matière fiscale. Mais c’est une « loi du pays » relative à la prévention...

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Auteur d'origine: Montecler

La rédaction de Dalloz actualité s’éclipse quelques semaines pour mieux vous retrouver le 31 août.

D’ici là, nous vous souhaitons de bonnes vacances et de bonnes lectures, si le coeur vous en dit. Il y a de quoi s’occuper sur Dalloz actualité.

À très vite, donc.

Auteur d'origine: babonneau

La mission se concentrait au départ sur le « temps, toujours trop long, entre le vote d’une loi et le moment où ses destinataires finaux en ressentent les résultats ». Mais le rapport dépasse largement l’ambition initiale. Les députés qui ont dirigé cette mission, les rapporteurs Jean-Noël Barrot (Modem), Laurent Saint-Martin (LREM) et la présidente Cécile Untermaier (PS), qui sont tous des députés expérimentés, ont voulu s’interroger sur la place de la loi et du Parlement.

Les lois sont mieux appliquées

La très faible exécution des lois a longtemps été un boulet pour le Parlement. Le taux d’application des lois, que calcule chaque année le Sénat, permet de mesurer les progrès. Pour la session 1998-1999, seuls 20 % des 392 textes d’application demandés avaient été remis au 30 septembre suivant. Vingt ans après, 72 % des 918 mesures d’application attendues dans les lois votées en 2018-2019 avaient été prises au 31 mars 2020. Un taux en légère diminution par rapport à l’année d’avant (78 %), mais qui est notamment dû à l’explosion du nombre de mesures attendues. Les mesures réglementaires sont publiées en moyenne cinq mois et douze jours après la promulgation de la loi.

Le secrétariat général du gouvernement a présenté aux députés les outils mis en place pour s’assurer que les mesures d’application soient prises. Le défaut peut être sanctionné par la justice administrative. Depuis 2017, le Conseil d’État peut même se saisir d’office pour demander la publication d’une mesure réglementaire, ce qu’il a déjà fait une dizaine de fois.

Malgré tout, certaines dispositions votées ont du mal à entrer en application. Les délais de consultation ou les arbitrages interministériels peuvent bloquer les décrets. Parfois, le gouvernement s’aperçoit de la nécessité de revenir devant le Parlement « pour faire modifier la base législative ». Il peut aussi arriver que le décret soit contraire à l’intention du législateur. Ces cas, heureusement rares, agacent beaucoup les députés, comme lorsque le gouvernement a limité le décret sur les représentants d’intérêts à la HATVP ou les obligations déclaratives liées au crédit impôt recherche.

Comment améliorer la qualité des normes ?

Pour améliorer la qualité des normes, les députés souhaitent d’abord être mieux informés. Ils proposent ainsi qu’au-delà de l’étude d’impact, le gouvernement publie une analyse des effets attendus, une fois la loi adoptée. Une étude d’impact pourrait accompagner les ordonnances et les décrets les plus substantiels, comme pour les projets de loi. Autre point : un avis public du Conseil d’État sur les principaux amendements gouvernementaux et les ordonnances.

Afin de clarifier l’intention du législateur, l’épais rapport que produisent les assemblées lors de chaque passage en commission pourrait être actualisé à la promulgation de la loi, afin d’intégrer l’ensemble des modifications ayant lieu en séance. Une réforme qui ne dépend que des assemblées.

Les députés souhaitent aussi faciliter les remontées d’information du terrain, via une plateforme dédiée, et renforcer le rôle du Conseil national d’évaluation des normes, qui permet de multiplier les regards avant qu’un décret ne soit pris.

Pour améliorer la norme, il faut l’adapter : le rapport encourage le mouvement d’adaptation des normes. Un décret du 8 avril 2020 a généralisé le pouvoir de dérogation aux normes réglementaires pour les préfets. L’expérimentation qui l’avait précédé avait abouti à 140 arrêtés de dérogations (dont aucun n’a fait l’objet de recours auprès du tribunal administratif).

À quoi sert encore un parlementaire ?

De nombreuses préconisations vont vers un renforcement du rôle des parlementaires dans l’évaluation et le contrôle de l’application des lois. Ainsi, les députés souhaitent renforcer le rôle des rapporteurs d’application, en leur donnant de véritables pouvoirs d’enquête. De manière générale, le rapport préconise que les parlementaires fassent plus appel aux pouvoirs spéciaux de contrôle sur place et sur pièce.

Ce renforcement du contrôle est un refrain récurrent. Longtemps, la Ve République a laissé les parlementaires cumuler pour mieux s’en débarrasser et les cantonner dans leur circonscription. Avec la fin du cumul, les députés ont voulu renforcer leur place dans l’élaboration de la loi, faisant augmenter fortement le nombre d’amendements. Ce qui leur a parfois été reproché, même si le flot normatif vient de loin.

Depuis 2017, les députés contrôlent plus. En témoigne l’augmentation du nombre de missions, commissions d’enquête et de rapport ou la qualité de certains rapports remis cette année lors du Printemps de l’évaluation. Mais l’évaluation et le contrôle ne pourront occuper à temps plein 577 députés et 348 sénateurs.

Par ailleurs, la loi étant si fréquemment révisée (chaque mandature a sa « grande loi » sur chaque thème), l’évaluation, le contrôle et l’activité législative se confondent souvent. Le rapport va dans le sens de l’émergence d’un « député expert » maîtrisant son sujet et à même d’interroger et de remettre en cause le gouvernement et l’administration. Un rôle que ne sont pas prêts à endosser tous les parlementaires.

Auteur d'origine: babonneau

Pour faciliter la relance de l’économie et soutenir les entreprises du BTP, particulièrement touchées par la crise sanitaire, le décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 relève à 70 000 € hors taxes le seuil de dispense de procédure (sans publicité ni mise en concurrence) pour la passation des marchés publics de...

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Auteur d'origine: pastor

Après un accord en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs l’ont adopté le 23 juillet. Il prévoit un déficit de l’ensemble des administrations publiques atteignant 11,5 points de PIB et met en place une série de mesures de soutien aux entreprises mais aussi aux collectivités territoriales.

C’est ainsi que sont annulés, pendant trois mois à compter du 12 mars, les loyers et redevances d’occupation du domaine public dues par les petites et moyennes entreprises à l’État et à ses établissements publics. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)...

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Auteur d'origine: pastor
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Le Conseil d’État a rejeté le recours pour excès de pouvoir de France nature environnement contre le décret n° 2019-482 du 21 mai 2019 relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques (v. R. Léost, Les aménagements légers des espaces remarquables du littoral, AJDA 2020. 337 ). Prévu par la loi ELAN du 23 novembre 2018, ce décret liste les...

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Auteur d'origine: pastor
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Il n’est pas interdit à une commune de subventionner une association au seul motif que celle-ci mène des actions à caractère politique, dès lors que cette aide est destinée à des activités d’intérêt public local.

La ville de Nantes avait accordé, en 2016, une subvention à l’association Centre lesbien, gay, bi et transidentitaire. Le tribunal administratif de Nantes avait annulé la délibération au motif que l’association militait pour le recours à la gestation pour autrui, « contraire à l’ordre public français et pénalement réprimée » (7 févr. 2018, n° 1602967, AJDA 2018. 504 , note P. Delvolvé ; D. 2019. 856, obs. RÉGINE ; JA 2018, n° 580, p. 3, édito. B. Clavagnier ; AJCT 2018. 330, obs. O. Didriche ). La cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement au motif que l’activité de l’association, consistant en des actions locales d’accueil, d’information, de prévention et de soutien en faveur des personnes gay, lesbiennes, bi ou trans, présentait un intérêt public local, peu importe, par ailleurs, ses...

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Auteur d'origine: Montecler

Il va falloir lui trouver un nouvel acronyme. Le très critiqué avant-projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 (v. Dalloz actualité, 11 juin 2020, obs. M.-C. de Montecler) était déjà couramment appelé LPPR.

Mais c’est un projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur que le conseil des ministres a examiné le 22 juillet.

Pour autant, les dispositions du texte restent très proches de l’avant-projet qui avait provoqué, au début de l’année, une levée de boucliers tant des organisations syndicales que de nombreuses sections du Conseil national des universités (CNU). Y figure en particulier...

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Auteur d'origine: Montecler

Après plusieurs semaines de négociations, la concertation lancée le 25 mai avec les acteurs de la santé a pris fin avec l’annonce d’une série de mesures structurelles pour rénover le système de santé. Celles-ci font suite à la signature, le 13 juillet, par le gouvernement et une majorité d’organisations syndicales des « accords du Ségur de la santé » portant sur les carrières et les rémunérations.

Premier volet du plan promis par Emmanuel Macron fin mars en pleine crise sanitaire, les mesures de revalorisation des carrières font bénéficier les personnels paramédicaux et non médicaux d’une enveloppe de 7,6 milliards d’euros par an. L’accord prévoit pour la fonction publique hospitalière une augmentation de 183 € net par mois en deux étapes : 90 € prenant effet au 1er janvier 2021, avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, et 93 € à compter du 1er mars 2021. Une revalorisation des grilles de rémunération des personnels soignants, médico-techniques et de rééducation est aussi programmée avant la fin du premier trimestre 2021, de même que le lancement, à compter de janvier 2021, d’un vaste chantier de rénovation du régime indemnitaire des personnels. Le ministre des solidarités et de la santé a par ailleurs annoncé 15 000 recrutements pour soutenir l’emploi hospitalier et pourvoir les emplois vacants.

Concernant les médecins hospitaliers, 450 millions d’euros par an seront débloqués en leur faveur. L’indemnité attribuée aux médecins qui se consacrent exclusivement au service public sera portée à 1 010 € brut par mois et trois échelons seront créés en fin de carrière. Un chantier visant à individualiser et accompagner les parcours professionnels et un chantier de rénovation statutaire permettant un exercice décloisonné entre secteurs public et privé seront également lancés en 2021.

Au-delà de la question des carrières et des rémunérations, Olivier Véran a dévoilé, à l’occasion de la clôture du Ségur de la santé le 21 juillet, le second volet du plan visant à améliorer l’organisation du système de soins et renforcer le rôle des territoires. Sur les 6 milliards d’euros d’investissements annoncés par Jean Castex lors de son discours de politique générale, 2,1 milliards sur cinq ans seront destinés au secteur médico-social, 2,5 milliards sur la même durée seront dédiés aux projets hospitaliers prioritaires et aux investissements ville-hôpital et 1,4 milliard sur trois ans servira à combler le retard numérique.

Simplifier les organisations

En matière d’organisation, le gouvernement entend « réhabiliter le rôle et la place » des services au sein des hôpitaux, en leur donnant plus de marges de manœuvre et de responsabilité, via notamment des délégations de gestion (ressources humaines, choix d’investissements courants, etc.) ou en permettant d’adapter l’organisation interne au contexte local. Une série de mesures tendent à simplifier les procédures et à libérer du temps pour les professionnels (assouplissement du régime des autorisations des activités de soins, simplification des outils de contractualisation avec les tutelles et des procédures de certification qualité, etc.). S’agissant du temps de travail, l’exécutif souhaite donner davantage de souplesse aux établissements avec la négociation d’accords locaux permettant notamment de relever le plafond d’heures supplémentaires, de contractualiser un volume individuel d’heures supplémentaires ou de développer l’annualisation du temps de travail et le forfait jours.

En vue d’une meilleure association des soignants et des usagers à la vie de l’hôpital, il est en outre prévu de « remédicaliser » la gouvernance, d’expérimenter des modalités alternatives pour son organisation et d’y renforcer la présence des personnels paramédicaux. Le ministre envisage aussi de permettre l’adaptation des règles du code de la commande publique aux besoins des établissements et d’accélérer la réduction de la part de la tarification à l’activité.

Donner davantage de pouvoir aux territoires

Un certain nombre de mesures visent à mieux ancrer les politiques de santé dans les territoires. Le gouvernement s’est ainsi engagé à associer les élus locaux à l’appréciation des besoins en santé afin qu’ils soient davantage parties prenantes des décisions d’investissement. À cette fin notamment, un conseil national de l’investissement en santé viendra remplacer le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers pour la validation des investissements hospitaliers. Le plan doit aussi favoriser l’exercice mixte entre ville et hôpital pour les médecins et pour les métiers soignants en tension, via notamment un recrutement en qualité de fonctionnaires à temps non complet pour ces derniers. Il prévoit également l’évolution des agences régionales de santé (ARS), qui passera par leur renforcement à l’échelon départemental et des élus davantage associés, ainsi que le déploiement de la télésanté dans tous les territoires.

Alors que les fermetures de lits se sont multipliées ces dernières années dans les hôpitaux, le gouvernement a en outre prévu de financer l’ouverture et/ou la réouverture pour l’hiver prochain de 4 000 lits « à la demande », en fonction de la suractivité saisonnière ou épidémique. Il s’est aussi engagé à augmenter le nombre de places en instituts de formation en soins infirmiers de 5 à 10 % (+ 2 000 places en 2020) et à multiplier par deux les effectifs d’aide-soignants d’ici 2025.

Intérim : la fin du « mercenariat » ?

Déplorant l’inflation des prétentions de certains médecins recrutés par intérim pour pallier le manque de personnel, Olivier Véran a déclaré vouloir mettre fin à ce « mercenariat ». Pour ce faire, il prévoit de faire bloquer par les comptables publics les rémunérations des contrats d’intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et de permettre aux ARS de porter devant le juge administratif les contrats irréguliers.

Auteur d'origine: pastor
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Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi formé par la commune d’Aubusson contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’elle avait notamment statué sur l’appel incident. La commune estimait en effet que l’appel incident était irrecevable en ce qu’il se bornait à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance.

Pour apprécier la recevabilité d’un tel mémoire, le Conseil d’État opère une distinction entre les conditions de recevabilité d’un appel principal et celles d’un appel incident.

Il rappelle en premier lieu les dispositions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. / L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours. »

Il estime ainsi, concernant l’appel principal, qu’« une requête d’appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d’irrecevabilité, contenir l’exposé des faits et moyens ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu’à l’expiration du délai d’appel ».

Par ce considérant, le Conseil d’État reprend la solution de l’arrêt Société Les techniques de communication (CE 27 juin 2005, n° 263754, Lebon ; AJDA 2005....

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Auteur d'origine: pastor
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Titulaire d’une carte de résident et de nationalité congolaise, Mme A…C… dépose une demande de regroupement familial pour ses deux enfants mineurs, le 26 septembre 2016. Celle-ci est refusée un an plus tard par décision du préfet du Rhône, le 30 octobre 2017.

Pour contester ce refus, deux voies s’ouvrent à Mme A…C…, à savoir, former un recours administratif gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision préfectorale, puis, dans l’hypothèse d’une nouvelle décision de rejet – implicite ou explicite –, former un recours contentieux dans un nouveau délai de deux mois, ou bien former directement un recours contentieux devant le tribunal administratif dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du 30 octobre 2017. Aussi, Mme A…C…décide de saisir directement le tribunal administratif de Lyon, lequel annule, par un jugement du 10 juillet 2018, la décision de rejet et enjoint au préfet de délivrer une autorisation de regroupement familial dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Celui-ci s’y attelle et délivre une autorisation à Mme A…C… le 31 août 2018, tout en ne manquant pas néanmoins de faire appel du jugement. Pour mémoire, le recours en appel ne permet pas, en principe, de suspendre l’exécution du jugement du tribunal, conformément aux dispositions de l’article R. 811-14 du code de justice administrative. Toutefois, le préfet aurait pu, pour éviter de prendre une décision d’autorisation de regroupement familial, se servir de l’article R. 811-15 du même code, lequel permet, sous certaines conditions, de demander à la juridiction d’appel un sursis à exécution du jugement.

Par un arrêt du 13 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon fait droit à la demande du préfet. Le jugement du tribunal est annulé et la demande de Mme A…C…, rejetée. Celle-ci se pourvoit en cassation.

La décision d’autorisation de regroupement familial – qui est créatrice de droits – prise conformément à l’injonction ordonnée par le tribunal administratif aux termes du jugement du 10 juillet 2018 devient par voie de conséquence illégale.

Qu’advient-il donc d’une telle décision créatrice de droits illégale ?

L’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) – qui s’inspire directement de la jurisprudence Ternon (CE 26 oct. 2001, n° 197018, Ternon, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2001. 1037 ; ibid. 1034, chron. M. Guyomar et P. Collin ; ibid. 2002. 738, étude Y. Gaudemet ; RFDA 2002. 77, concl. F. Séners ; ibid. 88, note P. Delvolvé ; Rev. UE 2015. 370, étude G. Eckert ) - dispose que « l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ». Ces dispositions ne peuvent toutefois s’appliquer au cas d’espèce en ce que la décision d’autorisation a été prise en vertu d’une injonction du tribunal administratif et sa légalité a elle-même été remise...

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Auteur d'origine: pastor

Le banc du gouvernement est la chaise de Judas des ministres. Et le ministre de la justice, avec celui du budget et de l’intérieur, est celui qui est le plus astreint à représenter le gouvernement devant le Parlement. Certains s’en sortent par la fougue (Taubira), d’autres par la technicité (Belloubet). Les premières auditions d’Éric Dupond-Moretti, ministre surprise du remaniement, étaient particulièrement attendues.

Même si les parlementaires ont été plutôt bienveillants, le nouveau ministre a semblé parfois surpris par cet exercice. Quand, pendant trente-cinq ans, on a travaillé à partir de la loi, on peut être décontenancé quand on rencontre ceux qui l’écrivent. Surtout quand ils lisent chacun des fiches écrites par leur collaborateur, dans des interventions de trois minutes mélangeant cinq questions, dont deux ont déjà été posées. Le contrôle tel que l’envisage le Parlement est parfois une succession de monologues où chacun, député comme ministre, lit ses fiches. Parfois, le député quitte la salle après sa question, mais le ministre, surpris, apprend qu’il doit quand même lui répondre. À l’Assemblée, l’exercice a duré trois heures ; au Sénat, il était plus resserré.

« On se défend souvent mal soi-même, et c’est d’ailleurs pour cela que les avocats existent »

Le ministre a annoncé reprendre plusieurs projets préparés sous l’ère Belloubet. Ainsi, le cyberharcèlement sera centralisé au parquet de Paris, la réforme de la justice des mineurs se fera et la directive sur les lanceurs d’alerte sera transposée. Il a bon espoir que la réforme constitutionnelle sur l’avis conforme du CSM pour les magistrats du parquet, votée par le Parlement en 2016, soit un jour envoyée au congrès.

Le ministre est souvent renvoyé à ses propos passés. Il doit ainsi plusieurs fois revenir sur son engagement contre les violences sexistes (« On se défend souvent mal soi-même, et c’est d’ailleurs pour cela que les avocats existent »). Et il enterre plusieurs des idées qu’il soutenait (v. Dalloz actualité, 7 juill. 2020, art. P. Januel), comme la suppression de l’École nationale de la magistrature ou la séparation du siège et du parquet, impossibles à faire en six cents jours. Dès mardi, Dupond-Moretti a défendu pour le gouvernement la loi instaurant des mesures de sûreté aux sortants de prison condamnés pour terrorisme (v. Dalloz actualité, 19 juin 2020, art. P. Januel). Le ministre est toujours favorable à la fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux. Dans le même temps, il se déclare contre la culture de la transparence, issue de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Sur les cours criminelles départementales, les intentions sont floues : « on va laisser faire l’expérimentation. Je ne vais pas démolir ce qui a été fait. Mais je me battrai pour que les cours d’assises ne meurent pas ». Et, après un plaidoyer pour les jurés d’assises, il annonce un vieux truc : la création d’une commission sur l’avenir des cours d’assises. Elle sera composée d’avocats et de hauts magistrats, « qui aiment les cours d’assises ».

« Je suis aussi le chef de la politique pénale »

Sur le budget, le ministre est également en recul. « Sur la transition numérique, j’ai obtenu 530 millions d’euros et 260 emplois ». Un montant déjà voté en 2019, dans la loi d’orientation de la justice. Cette loi ambitieuse prévoit 300 millions d’euros d’augmentation par an jusqu’en 2022. Mais, depuis 2020, elle n’est plus respectée, 500 millions d’euros sur trois ans étant retirés du fait de retard dans le programme pénitentiaire. La crise covid-19 fait que la justice aura du mal à consommer tous ses crédits en 2020. Au final, si Dupond-Moretti arrive à suivre la trajectoire de la loi d’orientation, ce serait déjà une performance.

Sur la question brûlante des remontées d’information, il ne souhaite pas les supprimer : « Je suis aussi le chef de la politique pénale » et il « est normal que le garde des Sceaux connaisse des affaires de l’État ». Dupond-Moretti a toutefois indiqué avoir établi une liste d’affaires qui l’ont concerné pour lesquelles il souhaitait n’avoir aucune remontée d’information. Il a aussi affirmé n’avoir pas eu de remontées concernant Gérald Darmanin.

Il y a trois sujets sur lesquels le ministre insiste : d’abord, la limitation des enquêtes préliminaires (« qui deviennent souvent des enquêtes perpétuelles »). Il veut limiter le temps les enquêtes et introduire du contradictoire : « cela va dans le sens de l’histoire, de l’histoire que l’on écrit à Strasbourg ». Ensuite, la violation de secret de l’instruction (sur lequel il « veut aller très loin »). Enfin, la protection du secret professionnel des avocats (« un cabinet d’avocat ce n’est pas l’annexe d’un commissariat »).

« Faire naître l’émotion, le compassionnel, c’est tout ce que je ne veux pas »

Plus que de grandes réformes, le ministre veut du bon sens ! Il indique vouloir ainsi convoquer les justiciables à des horaires différents. Ou faciliter l’accès à la médecine légale pour les victimes. Un membre de son cabinet sera d’ailleurs dédié aux bonnes pratiques. Ainsi, sur la justice de proximité, il s’agit simplement, à droit constant, d’augmenter le nombre d’audiences foraines ou d’utiliser le nouvel article L. 212-8 du code de l’organisation judiciaire qui a créé des chambres de proximité.

Autre idée : « j’envisage, avec le ministère des armées, de reprendre une idée déjà formulée par Éric Ciotti », l’encadrement militaire de jeunes délinquants. « Je préfère qu’un gamin ait un militaire comme idole plutôt qu’un islamiste radical ou un caïd. » Une idée qui revient régulièrement. Autre serpent de mer : qu’un mineur délinquant fasse un travail d’intérêt général dans les quarante-huit heures qui suivent l’infraction. Mais si ces idées n’aboutissent jamais, ce n’est pas sans raison (v. Dalloz actualité, 14 févr. 2020, interview de Christian Mouhanna, par P. Januel).

Si le nouveau ministre cède trop au bon sens, il tente de résister au populisme pénal.

Ainsi, quand Éric Ciotti reprend son discours sur les juges politisés : « Monsieur Ciotti, que voulez-vous ? Vous voudriez donc peut-être que le garde des Sceaux envisage d’interdire aux magistrats de se syndiquer ? »

Ciotti : « Oui ! »

Dupond-Moretti : « Alors, mais pardon, mais nous irions vers la guerre avec les magistrats. »

Ciotti : « J’ai déposé une proposition de loi à ce sujet, mais elle n’a pas prospéré. »

Dupond-Moretti : « J’ai le souvenir que le droit de se syndiquer est un droit constitutionnel. Alors faites-moi votre proposition, vous avez peut-être le goût de l’effort inutile ! »

Et il poursuit : « Je ne serai pas le garde des Sceaux du laxisme. Mais je ne serai pas non plus le garde des Sceaux du tout-répressif. Je n’ai pas de baguette magique, mais je ne veux pas de matraque non plus. » Car « la politique pénale ne s’envisage pas dans le compassionnel. Je sais qu’on me posera un jour la question à l’Assemblée. Un crime aura été commis et on me dira “mais Monsieur le Garde des Sceaux, qu’avez-vous fait ?” Mais la rémission des crimes n’existe pas ! Et si la répression était la solution, il y a des années que nous le saurions. » Et plus tard, à un autre député : « faire naître l’émotion, le compassionnel, c’est tout ce que je ne veux pas dans ma politique pénale ».

Auteur d'origine: babonneau

Même si la société a beaucoup évolué et que les assurances ont pris une place majeure dans notre économie, le droit de la responsabilité civile est toujours basé sur cinq articles du code civil, inchangé depuis 1804. L’essentiel des évolutions vient de la jurisprudence, rendant le droit peu accessible. Depuis vingt ans, les travaux pour réformer la responsabilité civile se sont succédé, aboutissant, en mars 2017, à un projet du ministère de la justice (v. Dalloz actualité, 14 mars 2017, art. A. Portmann) visant à clarifier le droit, mais également à introduire des innovations.

Le projet gouvernemental semble à l’arrêt. En octobre, les représentants du ministère ont expliqué aux sénateurs être toujours en attente d’arbitrages interministériels sur certains sujets ayant des incidences économiques importantes comme la création d’une amende civile, la responsabilité pour faute des personnes morales, l’amélioration du sort du conducteur victime ou l’extension aux trains et tramways de la loi Badinter.

Depuis trois ans, une mission de la commission des lois du Sénat composée du socialiste Jacques Bigot et du républicain François Pillet (remplacé par André Reichardt) s’est penchée sur cette réforme. Elle a auditionné soixante-dix-sept personnes et remet son rapport aujourd’hui.

Les sénateurs notent que cette réforme ne figure pas dans les priorités gouvernementales pour la fin du quinquennat. Or « la réflexion menée depuis bientôt vingt ans semble suffisamment aboutie ». Ils souhaitent donc rapidement déposer une proposition de loi, basée sur le projet gouvernemental de mars 2017, délesté de certains points.

Des innovations retirées de la réforme

Pour André Reichardt et Jacques Bigot, plusieurs innovations, « ni urgentes ni abouties », sont de nature à bloquer un projet. En premier lieu : la création d’une amende civile. Soutenue par les associations de consommateurs et de victimes, cette amende civile permettrait de sanctionner les comportements abusifs en imposant au fautif de verser, en plus des dommages et intérêts aux victimes, une amende au trésor public qui irait jusqu’au décuple du montant du profit réalisé. Mais pour les entreprises et une partie des universitaires entendus, cette amende civile est inconstitutionnelle : s’apparentant à une peine, elle devrait donc « respecter les différents principes constitutionnels applicables à la loi pénale », et notamment les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

Autre point que les sénateurs veulent abandonner : la reconnaissance d’une responsabilité collective, en cas d’impossibilité de déterminer l’auteur d’un dommage parmi un groupe de personnes. Celle-ci n’existe aujourd’hui que dans des cas précis (accidents de chasse, rugby), ou dans le domaine de la santé (v. Dalloz actualité, 10 juill. 2019, obs. S. Hortala). Le projet de 2017 allait au-delà de la jurisprudence, suscitant des critiques : inconstitutionnelle, cette responsabilisation collective aurait des effets non maîtrisés (quid des dommages à l’issue d’une manifestation ?). Autre élément retiré, la définition spécifique de la faute des personnes morales.

Autre abandon : la modification du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux pour les produits de santé à usage humain, très décriée par les entreprises pharmaceutiques. Un laboratoire n’aurait plus pu s’exonérer de sa responsabilité, au motif que les connaissances scientifiques ne permettaient pas de déceler l’existence d’un défaut au moment de la mise en circulation d’un produit. De même, pour les sénateurs, la meilleure protection des conducteurs fautifs victimes et l’extension de la loi Badinter sur les accidents de la route aux trains et tramways auraient des implications financières importantes pour les assureurs et les gestionnaires de transports publics.

Une proposition de loi resserrée

Jacques Bigot et André Reichardt préconisent une proposition de loi resserrée autour de deux grands principes : « garantir l’accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile et une meilleure cohérence dans le traitement des victimes ».

Les sénateurs soutiennent l’idée de projet de 2017 de mettre le dommage corporel au-dessus des autres dommages. Ainsi, les clauses des contrats qui limitent la responsabilité sur les dommages corporels seraient interdites, l’auteur d’un dommage ne pourrait voir sa responsabilité partiellement exonérée qu’en cas de faute lourde de la victime et la victime pourrait choisir le régime de responsabilité en cas de dommage causé lors de l’exécution du contrat.

Les rapporteurs reprennent également la création d’un régime spécial de réparation des préjudices corporels commun aux justices administrative et judiciaire. Ils souhaitent toutefois inclure dans le code civil une définition du dommage corporel (« toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne »).

Le principe de barémisation des préjudices pose davantage de difficultés. Aujourd’hui, les magistrats utilisent, sans pouvoir l’indiquer dans leurs décisions, des barèmes très divers, aboutissant à des inégalités (v. Dalloz actualité, 17 sept. 2019, art. P. Januel). Le ministère de la justice veut y mettre de l’ordre en créant une base de données Datajust, qui, à partir des décisions passées, permettrait d’établir un référentiel d’indemnisation indicatif. Une initiative très contestée (v. Dalloz actualité, 1er avr. 2020, art. P. Januel). Au final, le rapport sénatorial est ambigu, soutenant l’open data des décisions, mais pas la barémisation.

Les rapporteurs approuvent aussi les modifications sur l’encadrement de la responsabilité extracontractuelle du fait d’autrui (par exemple des parents sur leur enfant). Ainsi, les parents séparés d’un enfant seraient solidairement responsables de ses fautes (aujourd’hui, elle pèse surtout sur le parent chez qui l’enfant a sa résidence habituelle).

Les sénateurs soutiennent aussi l’idée de créer un nouveau cas pour faute présumée d’un professionnel qui, par contrat, assure la surveillance d’autrui. Une mesure qui concernerait en particulier les crèches, centres de loisirs et maisons de retraite.

Les sénateurs veulent aussi renverser la jurisprudence de la Cour de cassation qui permet à un tiers à un contrat d’invoquer un manquement au contrat dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (v. Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier).

Enfin, les sénateurs reprennent l’idée de consacrer un devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice non corporel. Seule l’association nationale des victimes de dommage corporel ne soutient pas cette idée, considérant qu’il s’agit d’une nouvelle condition de responsabilité à la charge de la victime.

Auteur d'origine: babonneau

Une ressortissante nigériane, enceinte et mère d’un jeune enfant, a présenté en mai 2014 une demande d’asile et s’est vu délivrer un titre de séjour provisoire. Elle a demandé, sans l’obtenir, un accueil en centre d’hébergement et a été admise au centre hospitalier de Nantes, entre le 25 juin et le 7 juillet 2014, pour la naissance de son second enfant....

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Auteur d'origine: pastor

La modification des règles de l’aménagement commercial par la loi ELAN est conforme au droit de l’Union européenne, juge le Conseil d’État. Après le test de constitutionnalité, la réforme passe donc avec succès celui de conventionnalité. Le Conseil d’État renvoie toutefois à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur la présence (sans droit de vote) aux séances de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de personnalités, désignées par la chambre de commerce et la chambre des métiers, qui doivent présenter la situation du tissu économique et l’impact du projet sur celui-ci. La CJUE devra dire si une telle présence est autorisée par le paragraphe 6 de...

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Auteur d'origine: Montecler
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Quelques mois après avoir confirmé le droit des départements à être indemnisés dans l’affaire dite du « cartel des panneaux routiers » (CE 27 mars 2020, n° 420491, Signalisation France (Sté), Dalloz actualité, 7 avr. 2020, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2020. 705 ; D. 2020. 764, obs. M.-C. de Montecler ; RDI 2020. 382, obs. I. Hasquenoph ), le Conseil d’État précise les actions ouvertes aux départements victimes du dol imputable au cocontractant.

La personne publique peut ainsi « saisir le juge administratif, alternativement ou cumulativement, d’une part, de conclusions tendant à ce que celui-ci prononce l’annulation du marché litigieux et tire les conséquences financières de sa disparition rétroactive, et, d’autre part, de conclusions tendant à la...

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Auteur d'origine: pastor
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Un candidat malheureux aux élections municipales a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle (Orne). Par une ordonnance du 25 mars 2020, le président de la juridiction saisie a rejeté sa protestation pour tardiveté de la saisine. Il a été fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État. Par une décision du 15 juillet 2020, ce dernier a rejeté le recours formé tout en annulant l’ordonnance déférée. Cette décision sera commentée sur deux points : d’une part, quant au délai de recours contentieux en période d’état d’urgence sanitaire et, d’autre part, concernant l’appréciation du facteur de l’abstention dans une élection.

Le délai de recours contentieux

Il convient de rappeler que les délais dans lesquels les protestataires peuvent contester une élection sont particulièrement normés par catégorie d’élection. Ainsi, pour les élections municipales, ce délai est de cinq jours et celui-ci expire à dix-huit heures le cinquième jour suivant l’élection contestée (C. élect, art. R. 119). Pour la computation de ce délai, il n’est pas tenu compte du jour de la proclamation des résultats de l’élection (dies a quo) ni du jour de l’échéance du recours (dies a quem). Ainsi, pour une élection acquise le 11 mars 2001, le 12 mars doit être retenu comme point de départ du délai par l’article R. 119, le délai de recours expirant le 16 mars 2001 à 24 heures (TA Nantes, 7 juin 2001, Élections municipales de Maisdon-sur-Sèvre). Est donc tardif un recours enregistré par le greffe après l’expiration du délai, alors même que la date de l’envoi de la protestation s’est faite dans le délai postal de cinq jours (CE 26 oct. 2001, Élections municipales de la commune Le Donjon, n° 133290). C’est en raison de ces délais très resserrés que le juge du Palais-Royal a considéré, en matière électorale, qu’une requête transmise dans les délais par voie électronique est recevable à la préfecture par voie électronique, à condition que le protestataire confirme en être bien l’auteur par lettre adressée au tribunal administratif compétent (CE 28 déc. 2001, n° 235784, Élections municipales d’Entre-Deux-Monts, Lebon ; D. 2002. 2008 , note F. Mallol ). Cela étant rappelé, le président du tribunal administratif de Caen a considéré irrecevable la requête contre les élections municipales et communautaires de la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle qui se sont tenues le dimanche 15 mars 2020 au motif que la protestation a été enregistrée le 22 mars 2020 au greffe dudit tribunal, soit au-delà du délai de cinq jours qui expirait pour lui le 20 mars 2020. Cependant, il avait oublié d’intégrer les dispositions du 3° du II de l’article 15 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, lesquelles précisent que « les réclamations et les recours mentionnés à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour ». L’article 1er du décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires...

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Auteur d'origine: pastor

« Face au risque terroriste, les moyens mis en œuvre et leur emploi ont été appropriés. » Si, globalement, la Cour des comptes salue ce qui a été fait en matière de lutte antiterroriste depuis 2015, la juridiction financière n’oublie pas de pointer ce qui pourrait être amélioré. Derrière les armées (7,8 milliards d’euros mobilisés), l’intérieur (800 millions d’euros hors dépenses de personnel), la justice a bénéficié d’un important coup de pouce financier (700 millions d’euros en autorisation d’engagement) pour faire face à la nouvelle menace terroriste. Mais, Place Vendôme, « ces crédits ont été largement sous-exécutés ou bien employés à d’autres missions que la lutte contre le terrorisme, observe la Cour des comptes. Ils ne lui ont notamment pas permis de corriger la dégradation des conditions d’incarcération alors que, pour les détenus pour faits de terrorisme ou radicalisés, il conviendrait de développer davantage de quartiers séparés et de quartiers d’isolement ».

Des effectifs en hausse

Plus précisément, la manne antiterroriste a permis de financer la montée en puissance du renseignement pénitentiaire, passé d’un effectif de 27 personnes en 2014 à 329 cette année. De même, les magistrats spécialisés dans l’antiterrorisme au tribunal de grande instance de Paris sont passés de 17 en 2014 à 42 à l’automne 2019. Vingt-sept magistrats sont affectés au parquet national antiterroriste, une création qui « a suscité des doutes quant à la plus-value qu’il pourrait apporter », rappelle la Cour des comptes, mais qui a « déjà permis de rendre plus cohérente la chaîne pénale ». À l’instruction, les douze magistrats comptent entre 20 et 45 dossiers chacun, une charge de travail qualifiée de « gérable ». La cour d’appel de Paris bénéficie désormais elle de six magistrats en surnombre, ce qui lui a permis de créer deux nouvelles cours d’assises. Elle prévoit également la création d’une seconde chambre de l’instruction antiterroriste cette année.

Si les effectifs des magistrats sont en hausse, la Cour des comptes déplore des lacunes dans leur formation. 850 magistrats ont certes suivi en 2019 une formation en lien avec le terrorisme, mais le parcours approfondi de contre-terrorisme n’a, lui, été suivi que par une dizaine de magistrats. La juridiction financière appelle donc à étendre les formations existantes à tous les magistrats devant exercer une fonction dans ce domaine. « Dans la plupart des cas, les présidents et assesseurs sont peu formés aux problématiques du terrorisme et du djihadisme », note-t-elle. La Cour des comptes pointe notamment la faible connaissance des assesseurs extérieurs à l’institution judiciaire des tribunaux pour enfants, compétents pour les mineurs de moins de 16 ans, « très peu au fait de la lutte contre le terrorisme ».

Enfin, si l’administration pénitentiaire tire un bilan positif des quartiers d’évaluation de la radicalisation – où sont évaluées les personnes condamnées pour des faits de terrorisme liés à l’islam radical avant leur affectation en détention ordinaire, dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation ou des quartiers d’isolement –, la Cour des comptes déplore l’absence d’évaluation externe de ce dispositif, un avis externe jugé essentiel. La juridiction financière regrette notamment l’absence de quartier d’évaluation de la radicalisation pour les femmes détenues, une création prévue pour cette année. Un manque, associé au « faible nombre de places en quartiers d’isolement » qui pourrait être aggravé « si les 488 personnes majeures aujourd’hui détenues dans la zone syro-irakienne et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt venaient à rentrer », note la Cour des comptes. Enfin, les « très coûteux » dispositifs de déradicalisation en milieu ouvert sont également, rapporte la juridiction financière, « jugés efficaces ». La plateforme d’accompagnement individualisé de réaffiliation sociale (PAIRS) de Paris, un marché remporté par le groupe SOS, représente ainsi un coût d’environ 3 500 € en moyenne par mois par individu suivi.

Auteur d'origine: babonneau

Un ressortissant turc, entré sur le territoire français en 1990 et reconnu réfugié en 1992, a fait l’objet entre 1994 et 2010, l’objet de sept condamnations pénales, dont deux ont été assorties d’une interdiction définitive du territoire français (ITF). Sa dernière condamnation, également assortie d’une ITF, a été suspendue à la suite d’une libération conditionnelle. Par un arrêté du 7 avril 2016, le ministre de l’Intérieur a, sur le fondement des dispositions de...

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Auteur d'origine: pastor

Dans un arrêt du 8 juillet, le Conseil d’État précise les obligations qui pèsent sur les collectivités territoriales pour réintégrer dans son cadre d’emplois d’origine une fonctionnaire en fin de détachement sur un emploi fonctionnel.

Lorsqu’il est mis fin à un tel détachement de manière anticipée (L. 26 janv. 1984, art. 53) ou lorsqu’il n’est pas renouvelé à son terme normal (art. 67), le fonctionnaire doit en principe être réintégré dans son corps ou cadre d’emplois d’origine et réaffecté à la première vacance d’un emploi correspondant à son grade. Ce n’est que si la collectivité n’est pas en mesure de le réaffecter que...

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Auteur d'origine: Montecler

« Quand on me casse la tête avec ces histoires… »

Christiane Taubira est à l’aise au Parlement. Elle retrouve ses habitudes à l’Assemblée, sans note et casque de vélo posé sur la table. D’abord, elle rappelle que c’est elle qui a porté la loi qui a supprimé les instructions individuelles et qui, par une circulaire, a clarifié les remontées d’information.

Le circuit est le suivant : sur les affaires sensibles, le procureur adresse une information sur les seuls actes déjà accomplis au parquet général, qui transmet à la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), qui envoie au cabinet qui en informe le ministre. L’information est tamisée à chaque échelon. Sous Taubira, le nombre de dossiers signalés est passé de 50 000 à 5 000. « Il y a eu des protestations disant que cela faisait encore beaucoup de remontées. Et objectivement je trouve que cela faire encore beaucoup, de remontées. ».

« Il y a la solution facile de dire "pas de remontées" et tout le monde est tranquille. Mais alors la démocratie ne fonctionne pas, ou alors on supprime le ministère de la Justice. Car, à ce moment, qui rend compte, qui prend les décisions, qui définit les politiques publiques ? C’est très sympathique, comme le sont souvent les solutions démagogiques, mais ce n’est pas concevable, parce que le garde des Sceaux a des responsabilités, et il faut qu’il puisse les exercer. » Elle énumère le rôle du ministre dans le service public de la justice, dans l’évolution de la loi, sa place dans la coopération internationale, ou le fait qu’il siège au conseil de défense.

Le député Ugo Bernalicis l’interroge : il y a aussi des remontées dans certaines affaires politico-financières qui ne relèvent pas de l’ordre public. Réponse de Christiane Taubira : « Certaines informations mettent le garde des Sceaux dans l’embarras ». « Lorsqu’un ancien président de la République ouvre un abonnement téléphonique au nom de Paul Bismuth et qu’on me casse la tête avec ces histoires, cela m’incommode dans le travail que j’effectue. […] Dans ce cas, je suis informée en mars 2014 qu’en 2013 des magistrats ont décidé et exploité des écoutes qui les conduits à ouvrir de nouvelles enquêtes ». Et elle devient ironique : « Au ministère de la Justice, chaque jour il y a du travail pour une semaine, et je n’ai peut-être pas consacré à l’affaire l’attention qu’elle méritait. »

« Le pouvoir a besoin des informations pour ne pas être bouche bée »

Elle poursuit : « Le pouvoir politique a besoin des informations pour ne pas être bouche bée quand on lui dit qu’il se passe des choses ». Mais sur les affaires qui concernent des élus ou des hauts fonctionnaires, « je ne serais pas choquée que l’on dispense le garde des Sceaux d’avoir ces informations. Ça me paraît plus simple. Mais ce n’est pas sans conséquence. Car, il faudra que sur ces procédures, les médias et le Parlement acceptent qu’un garde des Sceaux n’a pas d’information. »

Autre point, la ministre avait « connaissance que les informations remontaient plus vite et plus facilement au ministère de l’Intérieur », où les remontées ne sont pas encadrées.

Nicole Belloubet, dans un style plus sobre, minimise elle aussi l’importance des remontées : « J’ai demandé parfois des remontées lorsqu’il y a des affaires médiatiques : je ne peux pas être moins informée que la presse ou certains parlementaires. Ainsi Monsieur Bernalicis, vous m’avez posé une question dans l’hémicycle [sur l’affaire Kohler], où vous aviez manifestement plus d’information que moi. Parce que je souhaitais être au même niveau d’information que le parlementaire qui m’avait adressé la question, j’ai demandé ce qu’il en était ». Mais « les informations qui remontent au garde des Sceaux sont extrêmement peu nombreuses, même s’il y en a un peu plus qui arrivent au cabinet. »

« Je ne connaissais pas les gens des réseaux »

Si le sujet des remontées d’information a beaucoup occupé la commission d’enquête, les députés n’ont pu démontrer au cours de leurs travaux de redescente d’ordre de l’exécutif vers les magistrats. Mais le poids du ministre dans le fonctionnement de la justice reste questionné.

Ainsi certains intervenants préféreraient un procureur général indépendant. Une position que ne partage pas Christiane Taubira : « Un pouvoir ça doit rendre des comptes. Ça doit aussi expliquer comment il accède au pouvoir. Je ne suis pas favorable à un procureur général, et je ne suis pas sûre que, vous, les parlementaires, soyez prêts à vous contenter d’un procureur national qui vous présentera son rapport une fois l’an. »

Même chose pour la mainmise qu’a le garde des Sceaux sur l’inspection. Pour Taubira, « une inspection est déterminée à la fois par le fait lui-même et aussi par l’ambiance. Ainsi quand il y a un émoi général… » La saisine de l’inspection est aussi un moyen de faire tampon avec l’opinion. Par ailleurs « le conseil supérieur de la magistrature (CSM), il y a longtemps qu’il veut la main sur l’inspection. Ce n’est pas un sujet anodin ! »

Autre point, contrairement aux juges du siège, c’est la garde des Sceaux qui propose les nominations pour les hauts postes du parquet. Le CSM se contente de donner un avis, que le ministre suit. Les avis négatifs sont rares : Nicole Belloubet n’en a eu que 3 sur 146 propositions. Mais, à chaque nomination de hauts magistrats du parquet, il y a polémique.

Cinq ans après, Christiane Taubira doit encore s’expliquer sur les nominations de Catherine Champrenault et Éliane Houlette à deux postes clés :« Je ne les connaissais pas du tout. D’ailleurs, quand je suis arrivée à la tête du ministère, je ne connaissais pas grand monde. C’était un avantage, je ne connaissais pas les réseaux, je n’étais pas dans les réseaux, je ne connaissais pas les gens des réseaux. Moi mon principe pendant les quatre ans, c’était de trouver des femmes sur des postes à haute responsabilité ». Très majoritaires dans la base, les femmes étaient absentes dans les postes à responsabilité. Si le ministre se voit limité dans ses pouvoirs, qui au sein de la justice fixera les orientations et rendra des comptes ?

Auteur d'origine: babonneau
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Le Conseil d’État avait enjoint en juillet 2017 au Premier ministre et au ministre de l’environnement de prendre les mesures nécessaires pour que soient élaborés, dans treize zones du pays, des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement (CE 12 juill. 2017, n° 394254, Association Les Amis de la Terre France, Lebon ; AJDA 2018. 167 , note A. Perrin et M. Deffairi ; ibid. 2017. 1426 ; D. 2017. 1474, et les obs. ; RFDA 2017. 1135, note A. Van Lang ; RTD eur. 2018. 392, obs. A. Bouveresse ). Après quatre année d’inertie, l’Association Les amis de la Terre obtient la plus importante condamnation de l’État : « une astreinte est prononcée à l’encontre de l’État, s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 des motifs de la présente décision, et jusqu’à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 10 millions d’euros par semestre, à compter de l’expiration du délai de six mois suivant la notification de la présente décision. »

Une victoire en trompe-l’œil ?

54 000 € par jour de retard, un montant record mais que l’État pourrait ne pas payer. L’assemblée du contentieux lui laisse six mois pour exécuter la décision de 2017. Preuve d’une contrainte importante et embarrassante, la nouvelle ministre de la transition écologique n’a pas réagi tout de suite car des moyens ont été mis en place mais ils sont insuffisants. Le Conseil d’État relève que le plan élaboré en 2019 pour la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) comporte des mesures précises, détaillées et crédibles pour réduire la pollution de l’air et assure un respect des valeurs limites d’ici 2022. En revanche, les « feuilles de route » élaborées par le gouvernement pour les autres zones ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs. Enfin, s’agissant de l’Île-de-France, le Conseil d’État relève que si le plan élaboré en 2018 comporte un ensemble de mesures crédibles, la date de 2025 qu’il retient pour assurer le respect des valeurs limites est, eu égard aux justifications apportées par le gouvernement, trop éloignée dans le temps pour pouvoir être regardée comme assurant une correcte exécution de la décision de 2017.

Hormis pour la vallée de l’Arve, il en résulte « que pour les [zones administratives de surveillance] Grenoble et Lyon, pour la région Auvergne – Rhône-Alpes, Strasbourg et Reims, pour la région Grand-Est, Marseille-Aix, pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Toulouse, pour la région Occitanie et Paris, pour la région Île-de-France, s’agissant des taux de concentration en dioxyde d’azote, et pour les ZAS Paris et Fort-de-France, s’agissant des taux de concentration en PM10, à la date de la présente décision, l’État ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l’exécution complète de cette décision. L’État n’a pas pris des mesures suffisantes dans les 8 zones encore en dépassement pour que sa décision de juillet 2017 puisse être regardée comme pleinement exécutée. »

L’astreinte versée aux requérantes mais aussi à des personnes publiques

En l’espèce, la demande d’astreinte est irrecevable en ce qui concerne les associations qui ne peuvent être regardées comme des parties intéressées au sens de l’article R. 931-2 du code de justice administrative parce que leur champ d’action territorial ne couvre aucune des zones concernées par l’injonction prononcée par la décision dont l’exécution est demandée, d’une part, ou eu égard à leur objet social, d’autre part.

En revanche, au prix d’une novation majeure en la matière, l’assemblée du contentieux précise que « la juridiction a la faculté de décider, afin d’éviter un enrichissement indu, qu’une fraction de l’astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, […] cette fraction est alors affectée au budget de l’État. » Or, l’État étant débiteur de l’astreinte en cause, l’assemblée du contentieux estime que « lorsque cela apparaît nécessaire à l’exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d’office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d’affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec l’objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d’intérêt général également en lien avec cet objet. »

Habituellement, ce sont les requérants qui bénéficient du montant total des amendes. Mais le Conseil d’État a estimé que cette somme était trop élevée pour qu’elle revienne aux seules associations requérantes. Il prévoit donc la possibilité de la reverser à des personnes publiques en charge de la qualité de l’air. Lors de l’audience, le rapporteur public avait proposé qu’elle le versement auprès de l’Ademe (Agence de la transition écologique).

Auteur d'origine: pastor

Mme A. s’était vu reconnaître la qualité de réfugiée, de même que son époux, en application du principe d’unité de la famille. Mme A. avait été naturalisée en septembre 2011 et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait mis fin au statut de réfugié de son conjoint en décembre 2014. Saisie par ce dernier, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait annulé cette décision et maintenu M. A. dans son statut de réfugié, au motif que l’acquisition de la nationalité française par son épouse n’avait pu avoir pour effet de mettre fin à sa qualité de réfugiée et n’avait par suite entraîné aucun changement dans la situation personnelle de M. A.

La naturalisation en France met fin au statut

En cassation, le Conseil d’État juge qu’il résulte du 2° du paragraphe A et du paragraphe C de l’article 1er de la convention de Genève, des...

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Auteur d'origine: pastor

Dans le rapport, que diffuse Dalloz actualité, les députés considèrent que le Défenseur a réussi à « s’imposer comme une vigie du respect des droits ». Mais il reste avant tout une autorité morale, parfois inaboutie, notamment en matière de déontologie de la sécurité.

Deux députés se sont attelés à ce rapport : Coralie Dubost (LREM) et Pierre Morel-À-L’Huissier (UDI) qui fut le rapporteur de la loi créant le Défenseur, il y a dix ans. Cette création fut, au départ, contestée. Rassemblant la HALDE, le médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), l’enjeu pour le Défenseur était d’être plus qu’un patchwork. Une décennie après, les députés relèvent que « le Défenseur des droits est, sans aucun doute, une institution utile qui a réussi à s’imposer comme une vigie du respect des droits. »

Cependant, poursuivent-ils « le Défenseur des droits exerce essentiellement une magistrature morale, dépourvue de pouvoir de sanction ». Pour les députés, cette absence de rôle contraignant « permet au Défenseur des droits d’agir en complémentarité plutôt qu’en concurrence avec les juridictions ». Concernant le règlement des litiges, en 2015, le taux de suivi des recommandations générales du Défenseur était de 100 % et celui des recommandations individuelles de 66 %. Coralie Dubost et Pierre Morel-À-L’Huissier élaborent plusieurs recommandations pour renforcer son poids et son implantation.

Un Défenseur plus connu que ses missions

Jacques Toubon a permis au Défenseur d’acquérir une reconnaissance importante sur la défense des droits humains. En 2020, le Défenseur des droits est connu par 51 % des Français, contre 37 % en 2014. Le nombre de réclamations a augmenté de 32 % entre 2011 et 2019, pour atteindre 103 000.

Toutefois, certaines de ses missions restent mal connues, l’activité du siège l’ayant médiatiquement emporté sur l’action de terrain. Le Défenseur bénéficie pourtant d’un réseau de 510 délégués territoriaux (contre 371 en 2014). Certaines administrations, comme la CNAV, l’OFII ou le Trésor public restent récalcitrantes envers le Défenseur.

Le Défenseur des droits peut également intervenir devant toutes les juridictions, pour présenter son analyse du dossier, ce qu’il a fait à 141 reprises l’an dernier. Son avis a été suivi dans 70 % des cas. Mais pour certains des professionnels interrogés, ces interventions sont parfois trop proches de « prises de position para-juridiques fondées sur une approche du juste et de l’injuste plutôt désincarnée ».

C’est l’action en matière de déontologie de la sécurité qui semble la plus compliquée. Le taux de suivi des recommandations du Défenseur concernant les poursuites disciplinaires « s’est stabilisé à 0 % ». Comme à l’époque de la CNDS, même les recommandations générales n’ont qu’un faible impact. Pour les forces de l’ordre, le Défenseur est au mieux considéré comme un doublon de l’action des inspections et de la justice.

Renforcer le poids du Défenseur et élargir ses compétences

Les députés souhaitent que les avis du Défenseur soient mieux suivis. Ils proposent ainsi la création d’un service interministériel chargé du suivi de ses recommandations. Ils souhaitent aussi qu’il puisse saisir le Conseil constitutionnel en amont et en aval de la promulgation des lois.

Les députés proposent que l’institution fasse plus appel à certains des pouvoirs dont elle dispose : en 2019, le Défenseur ne s’est saisi d’office qu’à onze reprises et n’a réalisé qu’une vérification sur place. Son autonomie budgétaire devrait aussi être renforcée : le budget 2020 est inférieur de 6,2 millions d’euros aux budgets 2010 des quatre autorités fusionnées.

Les lanceurs d’alerte sont un sujet émergeant pour le Défenseur. Il a été saisi de 84 dossiers lanceurs d’alerte en 2019. Si la loi Sapin 2 avait été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, la transposition d’une directive européenne pourrait lui permettre de récupérer l’accompagnement des lanceurs d’alerte, comme le souhaitent les députés.

Le rapport recommande de ne pas généraliser l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire que conduit le Défenseur sur certains contentieux (RSA, APL). Sur 500 demandes, seuls 22 % des médiations achevées ont conduit l’usager à ne pas faire de recours contentieux.

Enfin, l’extension du périmètre du Défenseur des droits reste sur la table. Le rapport ne recommande pas franchement une fusion avec la CNCDH ou avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), sauvé en 2010 grâce à l’action de Jean-Marie Delarue. Mais, à défaut de fusion, il propose donner compétence au CGLPL pour traiter les litiges individuels en détention. Autre point : le Défenseur pourrait renforcer son contrôle dans les EHPAD, en y réalisant des visites.
 

Auteur d'origine: babonneau